20150306 prix agoria journal du medecin

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MÉDECINE

PRIX AGORIA

Une étude sur la culture de disque intervertébral récompensée L’Asbl Scriptie a procédé à la remise de ses 13e prix Scriptie flamands le 18 décembre dernier à Courtrai. Trois autres prix ont été accordés, parallèlement au prix principal. Le prix Agoria, en collaboration avec la fédération de l’industrie technologique du même nom, a ainsi été attribué au chimiste Jasper Van Hoorick (PBM-Ugent) pour son mémoire de master relatif à une étude sur l’utilisation de prothèses en médecine régénérative. n mal de dos survient souvent lorsqu’un disque intervertébral s’use en raison de la vieillesse, se caractérisant par un aplatissement ou des fissures dans l’anneau. Généralement, le traitement commence par des injections dans le noyau pour constater si la douleur s’amoindrit ou disparaît. Mais il ne s’agit souvent que d’une solution temporaire. Une autre option est de fixer le disque endommagé avec des vis. Toutefois, la mobilité de la colonne vertébrale diminue encore car les autres disques intervertébraux sont alors surchargés. Il semble que la seule solution durable et à long terme soit de remplacer le disque intervertébral endommagé.

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Une alternative complète

Raide et poreux Il y a quelques années, des scientifiques ont déjà expérimenté la culture de différents tissus de remplacement orthopédiques tel que l’implant hybride composé de cellules (souches) ostéogéniques organiques combinées à des biomatrices de soutien et des facteurs de croissance. Le principal problème rencontré est que celui-ci ne fonctionne qu’avec des fragments osseux autologues à échelle millimétrique. On assiste d’ailleurs très souvent à une apoptose dans le noyau des implants osseux de plus grande taille car le corps a

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Un matériau prometteur

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Un disque intervertébral est composé de trois parties : un noyau gélatineux (nucleus pulposus) entouré d’un anneau lui-même constitué de cartilage fibreux (annulus fibrosus). Tous deux sont situés entre deux plaques cartilagineuses vertébrales. Le noyau joue le rôle d’amortisseur, tandis que l’anneau supporte les efforts latéraux de la colonne vertébrale. Les plaques font la jonction entre les vertèbres. Idéalement, une prothèse complète se compose d’ (une combinaison de) matériaux qui possèdent les trois propriétés fonctionnelles. La génération actuelle de prothèses ‘rigides’ est entièrement réalisée à partir de matériaux synthétiques qui laissent encore souvent à désirer : l’adhésion aux vertèbres est assez médiocre, les propriétés mécaniques sont loin d’être optimales et les mouvements fréquents engendrent de petits résidus. En quête d’alternative, la science place aujourd’hui tous ses espoirs dans les boîtes de Pétri des ingénieurs spécialisés en culture tissulaire.

mécaniques avec le noyau gélatineux (nucleus pulposus). Par ailleurs, comme le montre l’étude de Jasper Van Hoorick, les propriétés mécaniques du tissu à remplacer sont abordées de manière très étroite grâce à la modification chimique de la gélatine. Ce traitement chimique permet à la gélatine de se dissoudre non pas immédiatement, mais progressivement en fonction de la température corporelle. Pour la raideur et la forme, Jasper Van Hoorick a opté pour un polyester biodégradable à base d’acide polylactique. Cet acide peut ensuite être traité avec une imprimante 3D pour devenir un annulus fibrosus mécanique et ‘robuste’. « L’impression 3D offre un énorme potentiel dans le domaine de la médecine régénérative », estime Jasper Van Hoorick. « Elle permet de produire une copie quasi parfaite du tissu endommagé grâce à des modèles obtenus par exemple par IRM», poursuit-il. Ensuite, la forme imprimée est combinée à la gélatine pour, d’un côté, augmenter la biointeractivité et, d’un autre côté, former un nucleus pulposus gélatineux. A cet implant en 3D peuvent ensuite être ajoutés des cellules (souches) de reconstruction de cartilage, des cellules (souches) de reconstruction de vaisseaux sanguins ainsi que des facteurs de croissance.

« L’impression 3D offre un énorme potentiel dans le domaine de la médecine régénérative »

besoin de plus de temps pour développer un flux sanguin adéquat vers et dans ce type d’implants. L’étape suivante a misé sur le développement de supports tissulaires adaptés pour la culture de nouveaux disques intervertébraux au moyen de cellules souches. C’est sur ce terrain que Jasper Van Hoorick a fait ses premiers pas. Il décrit le support tissulaire idéal : « Une ‘pièce de rechange’ réussie doit prendre la forme exacte et en même temps permettre un transport suffisant de nutriments et l’évacuation des déchets. Le choix s’est porté sur des structures de support poreuses et biodégradables qui se décomposent progressivement après l’implantation, tandis que les cellules souches qui y sont traitées grandiront et se

diviseront. A terme, il ne restera plus que les cellules organiques, sans la moindre trace de l’implant ». Jusqu’à ce que le tissu formé devienne suffisamment résistant, le support doit par ailleurs simuler de manière adéquate les propriétés mécaniques du disque intervertébral à remplacer. La prothèse doit donc être à la fois poreuse et rigide, biodégradable et biocompatible. C’est pourquoi Jasper Van Hoorick s’est tourné vers un mélange de gélatine pour remplacer la partie souple du disque et un polyester biodégradable pour compenser la raideur mécanique.

Adaptable La gélatine présente de grandes similitudes

Les premiers tests de la nouvelle construction cellulaire à hydrogel ont montré que ces matériaux étaient suffisamment biointeractifs pour permettre la culture de cellules. « Il semblait en outre possible de former uniquement le réseau gélatineux dès que les cellules sont introduites dans la solution de sorte qu’elles puissent mieux se diviser au sein du support. Le potentiel de structures 3D réalisées sur mesure a également été démontré lorsqu’elles engendrent des pièces de rechange organiques et spécifiques au patient pour plusieurs affections. Actuellement, l’application finale reste au stade du beau projet. Des recherches doivent encore être menées avant de pouvoir l’appliquer dans le domaine de la médecine », explique Jasper Van Hoorick. Il travaille entre-temps sur sa thèse de doctorat dédiée au tissue engineering. « Je tente de mettre au point un implant subrétinal afin de régénérer la rétine pour essayer de soigner, à terme, la dégénérescence maculaire ou la cécité liées à l’âge. Pour cela, j’utilise des dérivés analogues à ceux issus de mon mémoire de master, comme des polyesters, des hydrogels en gélatine ainsi que des impressions 3D ». Les résultats sont attendus d’ici quelques années. P.D.N. ‘Tunable Hydrogel-Polyester Combination Scaffolds for Tissue Engineering Purposes’, Jasper Van Hoorick, Department of Organic and macromolecular chemistry : Polymer Chemistry and Biomaterials group (PBM-UGent), Academic year : 2013-2014 Plus d’info : http://www.scriptiebank.be/

LE JOURNAL DU MEDECIN Vendredi 6 mars 2015 N° 2397

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