Lespwisavann N°10

Page 1

MAI 2020 / N°10 - GRATUIT

Pré carré + précarité = Pwofitasyon ? Édikasyon x lyannaj = Libérasyon !

3 questions à 3 artistes :

Rico ROBERTO Rhalis CANGOU

Hébert ÉDAU In Lespwisavann, Istwa & Sosyété - Revue Online - ISSN : 1634 - 0507



Nouveau format de revue « Dans ce flot sans cesse plus abondant d'informations, nous nous adaptons encore et toujours. » « Tandis que les archives seront toujours disponibles dans notre librairie en ligne. (…) « Et pour plus de réactivité, vous pouvez nous suivre désormais chez tous les principaux fournisseurs de réseaux sociaux en ligne (cherchez : @lespwisavann). Le rythme de parution de notre revue est volontairement irrégulier : ajoutez simplement le site à vos favoris pour vous y abonner. »

À partir du numéro 06, nous avons publié des articles directement sur la page web concernée. Ce magazine ISSUU est un récapitulatif du numéro 10.


Pré carré + précarité = Pwofitasyon ? Édikasyon x lyannaj = Libérasyon ! Luk GAMA, Homme de Guadeloupe (Mai 2020)

L’archipel de Guadeloupe (comme d’autres îles voire des pans de continents sur la planète), depuis sa départementalisation et au moment où j’écris cet article, est toujours la chasse gardée de la France. Il est aussi le domaine réservé de grands groupes financiers dans lesquels l’état français parfois possède encore des parts. Dans le cas de territoires comme ceux des Antilles, les groupes financiers familiaux anciens et installés historiquement depuis longtemps se taillent « la part du lion » dans ces espaces économiques. Certaines sont héritières directes des rentes du système esclavagiste. En-dessous de cela, avec le secteur administratif publique, il existe aussi plusieurs secteurs clés (juridiques, services sociaux, banques, assurances) dans lesquelles de nombreux emplois sont réservés et occupés très souvent par des groupes de personnes ayant comme principale compétence celle de « connaître quelqu’un »… Tout cet écosystème, j’aime à me le représenter tels les motifs de tissus madras : un maillage, un quadrillage subtil de la société, ayant comme objectif principal le maintien de la situation que je cite en début de l’article. Et les fils de chaîne qui permettraient à cet enchevêtrement de tenir sont les communautés religieuses, les « sosyété » et les groupes-clubs ésotériques mondialement organisés, ainsi que les réseaux dits de « gangs » voire de type mafieux assurant le maintien et le développement de trafics en tous genres. Les premiers continuent de représenter pour beaucoup les cadres spirituels officiels dans lesquels il est bon « d’élever » ses enfants. Les seconds subsistent et perpétuent des traditions plus anciennes que la venue des Occidentaux en Amérique. Et les troisièmes, là-aussi fondées, comme les premiers, très souvent dans le terreau colonial, encadrent plus vigoureusement les « élites » des


territoires à contrôler et favorisent de fait les directions idéologiques que prendront les choix voire les décisions politiques. Les derniers et non des moindres permettent de former, à mes yeux, le paravent qui sert à cacher la véritable misère dans laquelle plus de guadeloupéens seraient engouffrés. Car la masse d’argent générée par ce pan de la société ruisselle dans toutes les couches précédemment citées et ont un effet « tampon » : peut-être même le vecteur principal de la « paix sociale »… Pour donner à un tissus la forme que l’on désire et pour que cela tienne, il faut l’amidonner. Dans notre cas donc, tout ce tissu social est soutenu et porté par des médias, de tous ordres aujourd’hui. Par médias, j’entends tous ceux que nous reconnaissons en tant que tel : journaux papiers, radios, cinémas, télévisions, sites internet et applications. Mais j’entends aussi et d’abords les médias que nous pourrions qualifier d’immatériel : les légendes, les contes, les histoires de untel, les chansons, les blagues, les proverbes. Autant de support d’éducation qui œuvrent depuis bien plus longtemps que les autres. Ces dernières tirent leur existence parfois d’événements collectifs heureux ou tragiques. Mais elles peuvent être issues d’expériences individuelles qui ont marqués l’entourage du concerné et dont l’exemple aura fini par être relayé au fil des discussions de buvettes, de coins de rues et/ou de fêtes familiales. Maintenant, dans une société de consommation comme celle d’où je m’exprime, l’axe principal autour duquel se forge nos imaginaires est constitué de l’éducation scolaire, la télévision et internet. Aussi, je trouve intéressant de noter la rapidité avec laquelle ces trois éléments ont été articulés à l’occasion du confinement français lors de la première crise mondiale dite du covid-19. Avec plus ou moins de réussite, la mise en place de cette action dite de continuité pédagogique démontre l’importance qu’accorde le gouvernement français envers la formation (ou plutôt le formatage selon moi) des jeunes esprits dans les territoires qu’il contrôle. Dans l’article de la revue précédente, nous posions les questions suivantes : Y-a-t-il quelque chose à gagner dans la dépendance à la France et à l'Union Européenne ? Qu'est-ce que vraiment l'autonomie ? Pourquoi l'indépendance serait impensable ? Et, surtout, pourquoi fait – elle peur ?


À la première question, si « gain » il y a, de plus en plus de monde se rend compte que la majorité de la population en est délibérément écartée. Ce n’est pas le fait d’oublis ou de négligences, mais bien celui d’un système de gestion des populations qui est à l’œuvre. Et en début d’article j’évoque une image du cadre de cette machine infernale qui sait s’adapter (!). La deuxième question ? Je ne préfère pas m’y attarder, car d’autres s’y attellent déjà très bien. Pour ma part, reconfigurer le système à la place de ces concepteurs ne constitue pas une alternative viable, du simple fait qu’elle ne consiste qu’en un revirement, là où il est nécessaire d’y avoir dépassement. Et ce dépassement ne pourrait être entamé que si la démarche qui la sous-tend consiste à sincèrement remettre en cause les fondements du système : son mode de pensée. Et elle est certainement là la peur. Car par mode de pensée, j’entends d’abord notre rapport à notre environnement naturel, parce qu’il guide notre rapport au monde de manière générale. Et en assumant un rapport de domination avec tout ce qui nous entoure, nous finissons par être nos propres bourreaux : destruction des forêts, diminution des nappes phréatiques, gaspillage de nourriture… Si nous sommes bien dépendant d’une chose c’est du sentiment de toute-puissance illusoire que nous procure les « avancées » technologiques. Aussi, l’usage de la violence, je l’évoque aussi dans l’article précédent, il commence là. Car il s’agit de « se faire violence », dit-on lorsque l’on parle de remise en question radicale de soi. Actuellement, pour éluder cette expression certainement « trop » tendancieuse pour ceux si nombreux qui prétendent pouvoir nous coacher, celle qui revient le plus souvent c’est « le dépassement de soi » … Condamner la violence par des marches, des gerbes de fleurs, des débats, des conférences et accepter de la subir tous les jours insidieusement, symboliquement, réellement dans des bureaux, dans les médias et dans la rue, est une attitude salutaire pour qui ? « Nonm jòdi sé yè a nonm dèmen. » (R. GAMA) Les gens d’aujourd’hui, nous sommes le passé des gens de demain ? Alors le vœu que nous chérissons, cultivons et partageons depuis plusieurs années, notamment avec, l’émergence de Lespwisavann est et restera celui que nous fassions face à nos propres peurs collectivement. Car aucun drapeau ne pourra émerger, ni aucune lutte sectorielle se pérenniser, de même qu’aucune


négociation non partagée par le plus grand nombre ne pourra aboutir à un dépassement de notre situation si nos imaginaires sont dominés par le goût des plaisirs éphémères, l’égocentrisme, le narcissisme et le mépris de la nature qui sont moulés dans le béton armé de l’individualisme. Et nous clôturons cette revue en ligne avec 2 autres paroles. La première est un proverbe qui proviendrait du continent africain : « Il est dur d'être pauvre, il est encore plus dur d'être seul. » Et la deuxième parole est simplement la transmission d’une histoire que j’ai reçue, avec d’autres, d’un enseignant lors de mon passage en école d’art, il y a quelques décennies et qui serait une légende amérindienne qui lui aurait été racontée par une autre personne qui l’avait reçue d’une autre comme d’autres avant eux… Ainsi, aux commencements du monde, les humains auraient eu tous les pouvoirs de l’univers entre leurs mains. Mais il s’avère que fort de toute cette puissance, il en résultait les pires catastrophes. Aussi, un jour, excédés par cette situation, les dieux se réunirent pour prendre une décision afin de stopper cette folie dévastatrice. Après échanges, ils aboutirent à une décision : ôter aux mains des humains ces pouvoirs qui les dominent plus qu’ils ne les servent et les cacher quelque part où ils ne pourraient plus les retrouver. Mais une question surgit alors : où ? Ils se réunirent à nouveau et après de longs et mûrs débats, ils trouvèrent cet endroit. C’est ainsi qu’ils décidèrent d’enfouir toute cette énergie, toute cette connaissance, à l’intérieur des Hommes eux-mêmes.


Nous avons posé à 3 artistes guadeloupéens de générations différentes les 3 questions suivantes :

1)

Dans un monde où l'image est "reine" comment expliquez-vous la place des plasticiens dans l'aire culturelle caribéenne et/ou comment la définiriez-vous dans l'idéal ?

2)

Les peuples caribéens et africains sont souvent décrits (voire reconnues par nous-même) comme étant très créatifs et inventifs. Pourtant, nous connaissons la situation politique de beaucoup des pays de ces espaces géographiques. En quoi l'art, au sens large, pourrait être vecteur de changement(s), selon vous ?

3)

Adan on mond ki ka machandé toutbiten, ès ou ka pansé ni mwayen dépasé sistèm lasa épi imaj -é-lidé ? Si ou ka di sa pé fèt, ès ou pé di nou an ki mannyè, dapré vou ?


Rico ROBERTO "Né en 1946 à la Guadeloupe. Vit et travaille à Nice. Artiste guadeloupéen ayant fait ses études aux Beaux-arts de Paris, ayant vécu au Sénégal, voyagé au Canada, dans la Caraïbe, en Europe, en Amérique et vivant à Nice, Rico Roberto développe en parallèle plusieurs pratiques : peinture, sculpture, assemblage, installation."

L'art et la culture, dévoilent d'une manière significative les particularités d'un peuple vis à vis d'un autre. Le kréyol et le gwo-ka, sont des éléments majeurs de nôtre identité il est important qu'ils occupent aujourd'hui leur place et rôle dans la société, mais cela bien sûr grâce au combat de nombreux guadeloupéens. Les artistes plasticiens doivent être conscients des responsabilités qu'ils ont en tant que témoins de leur temps, face aux rendez vous de l'histoire. Il est évident que les artistes caribéens, voire africains, n'échappent pas à ces flots des nouveaux codes de l'art dit "contemporains," et au marché de l'art avec ses formes de manipulation et d'aliénation. La séduction est grande, le désir d'exister sur la scène internationale, peut générer des productions plus ou moins convenues à l'image des caribéens et africains. Devenir contemporain, par son art, reviendrait non pas à se soumettre à des normes étrangères, dominatrices, mais à créer de l'inédit qui donne à penser son vécu en puisant dans ses propres valeurs, à rester soi-même. Dans le contexte transculturel d'une caraïbe plurielle, avec son histoire de foyers civilisationnels, avec son ouverture sur d'autres cultures. Aussi avec sa perméabilité à la pratique des nouvelles technologies de l'image. Les pratiques d'art deviennent un lieu d'émancipation et libération, par résistance et instauration de sens. La Caraïbe, étant la synthèse de toutes les civilisations, les races, les cultures, d'ou ce syncrétisme culturel qui se dévoile à la face du monde, et qui porte à Edouard Glissant, le sens et la substance de son " Traité du Tout-Monde ". C'est dans ce cadre que nous pouvons nous affirmer vis à vis de nos populations, et le reste du monde. À ce propos, la Biennale de l'art africain contemporain, (le Dak'art) est un véritable miroir incontournable dans ce domaine. Et je peux vous l'assurer pour l'avoir vécu, lorsque nous autres de la diaspora, avons l'honneur d'y participer, il y a une sorte d'énergie positive qui monte en nous, l'assurance, la force et la fierté ! -------------


Je cite ici, Aimé Césaire : Ce pays souffre d'une révolution refoulée On nous a volé notre révolution. La pire erreur serait de croire que les Antilles dénuées de partis politiques puissants sont dénuées de volonté puissante. Nous savons très bien ce que nous voulons. La liberté, la dignité, la justice, Noël brulé. ... Un des éléments, l'élément capital du malaise antillais, l'existence dans ces îles d'un bloc homogène, d'un peuple qui depuis trois siècles cherche à s'exprimer et a créer. Les Caribéens possèdent en eux l'Afrique, tout le monde sait bien que les artistes contemporains occidentaux, de Modigliani, à Klee, de Miro, à Picasso, et j'en passe, se sont tous inspirés de l'art Nègre. Que nous soyons créatifs et inventifs, il suffit de jeter un regard lucide sur ces régions pour voir à quel point les individus font preuve d'ingéniosités et cela dans bien des domaines. La colonisation a installé son processus d'exploitation avec des outils, comme l'aliénation culturelle, l'assimilation, entre autres, si bien que les dominés se portent les garants de la culture et des arts du dominant. Il est donc incontestable que changer les choses, passe en premier lieu par une réappropriation de nous-mêmes en tant qu'individus, de nôtre culture, de nos arts. La partie qui est en nous, que nous avons toujours refoulée, ignorée dans le miroir nous manque énormément, et cela donne des perturbations catastrophiques dans les esprits qui font obstacle à l'évolution des individus. Je vais citer Jean-Paul Sartre, dans une préface à l'anthologie de la poésie nègre et malgache, éditée par Senghor : "La Négritude objective s'exprime par les mœurs, les arts, les chants et les danses des populations africaines... La Négritude est dialectique ; elle figure le dépassement d'une situation définie par des consciences libres. Il insiste sur l'importance qu'a l'art pour la conscience de la Négritude : Elle est un appel à un don, elle ne peut se faire entendre et s'offrir que par le moyen de l'œuvre d'art qui est appel à la liberté du spectateur et générosité absolue". Et Césaire, lui même disait s'adressant aux intellectuels et artistes : "Nous devons aider le peuple dans sa lutte contre l'exploitation, et nous le pouvons car


l'art et la culture sont des éléments importants dans une civilisation, qui forment et éduquent les populations." Il est évident que l'art porte à un peuple, des éléments qui l'aident à prendre conscience de lui même, pour avancer dans la vie, et c'est là le fameux : " Connais-toi, toi même", et puis encore, "d'où venons nous, que faisons nous, où allons nous" ! Voir plus > https://www.festivaldupeu.org/rico-roberto

La quête de la vérité

Réflexion positive

Bonson 5


Rhalis CANGOU Plasticien guadeloupéen installé à Marseille (France). Crédo : "FAIRE PARLER LE DESSIN…LA PEINTURE, ETC PAR LE BIAIS DES COSMOGONIES AFRICAINE – AFRO CARAIBEENNE"

Awtis pent plastisyen, adan èspas karibéyen-la tini onpil biten a fè, o nivo kwéyasyon adan èspas karib-la, é osi o nivo tout laliwon Latè. Men tini on biten ki domaj, sé kè awtis ka woulé pou yo menm. Men, an menm di tan pou limanité. Men souvan kon fwansé ka di : "nul n'est prophète chez lui". Donk, ki vé di kè sé an déwò adan péyi dèyè kè ou ka'y touvé rèkonésans.. Épi, o nivo édikasyon kiltirèl, pèp-la pa édiké osi pou achté é mété an valè sa ki ta yo !!! Sé on biten ki pwofon : "Nèg pa ka-y adan mizé, épi pa twòp non pli adan vèwnisaj... Tini on travay dè konsyantizasyon a fè à nivo lasa. An paka jénéralizé men sa ki wouvè asi lé zaw (les arts) ra kon nèg a zyé blé....(humour) sé pou ri. Men lèspwa pa mò, sa ké vini.

———Law ka fè pèp sanblé, nasyon... Ou pé paka palé menm lang ki on moun, ni tini menm koulè a po... Men douvan on penti zò ka'y ni menm émosyon-la, menm santiman-la... An ka'y ba'w on ègzanp : sa ka fè plis ki dis 10 lanné an ka fè la penti, èspo... atèlyé... ki an kwiyé mwen menm : "art cosmogonique afroafricain-caraïbéen" ; ében monchè an vwè blan (éropéyen, arab...) touvé sa an ka fè la a gou a yo. É sé vwé, an tan nowmal, mwen épi sé moun lasa téké kwazé, men, nou pa té ké jen palé ni bokanté. Pawkont adan liyannaj awtistik nou ka bokanté kon si nou té ja kontwé dèpi lontan ! Wi piti ! Mi maji a law. On ti kou an fwansé pou sa ki paka konpwann gwadloupéyen : L'art est un puissant vecteur de communication entre les nations, les peuples... La rencontre de l'un vers l'autre, ou des uns vers les autres, normalement l'art casse les codes, les clichés, les préjugés... C'est à travers l'art (les arts) que nos ancêtres noirs égyptiens "pharaons" ont laissé de nombreux témoignages tels que les pyramides, les sphinx, les tombeaux véritables chefs d'œuvres !!! Idem pour nos ancêtres kalinago(s) avec les roches gravées de TroisRivières (Guadeloupe) etc.... Le grand Zimbabwe en Afrique, etc... les constructions architecturales du nord du Mali...

———Awa !!! Dapwé kakwè an mwen, limaj é lidé byen bèl, men adan sistèm


kapitalis-lasa : sé on sèl boulvès adan le mond antyé ki méwité pou rivé a bout a sa !!!! Onpil lanné dè lit pou mété tousa gèl anba !! Konba dèyè pòkò mannyé.

Bamou

Mendé

Voir plus > https://www.instagram.com/rhalis_cangou/

Résilience-racines


Hébert ÉDAU Né en 1974. Plasticien, scénographe et professeur d’arts plastiques certifié. Diplômé d'école d'art, sa pratique picturale depuis 1999 questionne le paysage.

Nous ne sommes pas des héritiers privilégiés des artistes de Lascaux ou de Chauvet, ni des bâtisseurs de cathédrale, mais des marqueurs de paroles. Nous avons dissimulé l’image dans nos palabres, je dirai même plus, nous avons enfoui notre représentation du monde, dans le langage parlé, dans la métaphore de la langue créole, ouvrant ainsi à l’esprit un immense champs de création de tableaux mentaux, avec ses charges de rêves, de magie que l’on ne pouvait attendre de biens meubles, mais d’êtres vivants en attente de leur condition d’homme. L’artiste plasticien n’a pas une place prépondérante dans la culture caribéenne. Cela s’explique en partie par notre passé historique, où le système de plantation n’est pas propice à l’émergence de l’image et de signes signifiants, mais plutôt un terrain fertile pour la musique et la danse. Pour l’émergence de cette discipline, il faut une vraie volonté politique, du courage pour se débarrasser de cet héritage du XIXème siècle qui consiste à croire que l’art n’est réserver qu’à une caste de privilégiés. En fait, il faut en faire un bien commun, accessible à tous, en diffusant, en enseignant l’art, de façon à en faire la clé de voûte de la politique. Paradoxalement les artistes de ces contrées doivent se débarrasser de ces préjugés paralysants où tout semble avoir été dit ou fait avant eux ; bien au contraire, ils doivent transcender le génie créatif de leur peuple en écriture incontestable, avec sa charge d’imaginaire d’inventivité, de spiritualité que l’on met dans l’acte de création et de communication afin d’agir sur le monde. Dans l’idéal se serait déjà bien que les arts dits visuels, arts méditatifs, de ces régions puissent avoir le droit de citer au même titre que les arts de l’instant, de l’éphémère, du recommencement, pour parler de la musique et de la danse. ———On dit également que ceux qui ont le ventre vide sont inventifs, car nécessité fait force de loi. Il me semble que la culture en particulier peut être un puissant levier économique pour ces espaces géographiques insulaires, tant par la richesse de ces territoires que par le génie inventif de ces peuples. Comparaison n’est pas raison. Prenons le cas de la France hexagonale, où le secteur culturel rapporte six fois plus que l’industrie automobile. Le secteur culturel français fait la renommée de la France, aussi bien dans le domaine de la mode, que dans le domaine de la gastronomie, de la joaillerie, de la parfumerie, des jardins…En somme la France vend un modèle de vie. Celui de «la vie à la française ». Nous


assistons aussi actuellement à la multiplication de prêts de collections d’œuvres d’art des musées français, dans les pays émergents. Pour être plus large, je dirais que ces petits pays qui ne sont pas extensibles, ne pourront tirer leur épingle dans le concert des nations que s’ils préconisent une politique agressive sur le plan culturel, de sorte à créer des labels de territoires, de pays et un investissement massif assumé sur les savoirs-faires spécifiques et uniques qui existent dans ces parties du monde. Oui il faut créer, réaliser des produits à haute valeur technologique, biologique, culturelle et esthétique. Il faut irriguer tous ces savoirs dans tous les domaines d’activités économiques possibles. N’excluons surtout pas la force de l’art à générer des concepts positifs et valorisants pour un peuple, en produisant des images puissantes, des créations de héros et de mythes glorifiants, lorsque l’on maîtrise sa propre communication. ——— Tout se vend, ici et ailleurs. Nous sommes dans un système globalisé, et l’art n’échappe pas à ce modèle économique mondial. Mais toutefois, il serait bon de se poser la question : que reste-t-il à l’art quand nous retirons la valeur marchande à l’art ? L’art serait-il un bien, un objet comme tous les autres ? Le marché normé n’est pas la seule référence. Il serait impensable que les échanges d’images ou d’œuvres ne puissent se faire entre artistes, entres particuliers, sous forme de présents, de donations, ou encore sous d’autres systèmes de valeurs anti-mondialistes ou animistes.

Karukéra Dlo pann Voir plus > https://www.artmajeur.com/fr/ hebertgeorges/artworks

L’homme et le poisson


Paysage révolutionnaire - édau



Vos réactions et commentaires à : lespwisavann@gmail.com

ou à

Association Lespwisavann s/c Raymond B. Gama 27, Rue Odette Magen, 97117 Port - Louis (Guadeloupe, F.W.I)

In Lespwisavann, Istwa & Sosyété www.lespwisavann.org

Revue Online – ISSN : 1634 - 0507


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.