Lespwisavann N°02

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Janv. / Fév. / Mars 2016 – N°2 - GRATUIT

La famille Antillaise ou Histoire et comportements familiaux actuels

Dialogue Réponse à 2 questions…

Imaj é lidé adan on péyi Karayib ou Vision sur l’existence des arts-graphiques & visuels en Guadeloupe In Lespwisavann, Istwa & Sosyété - Revue Online - ISSN : 1634 - 0507


Image de couverture - détail de « Konpè o kwafè » - et illustrations : Luk...



La famille Antillaise. ou

Histoire et comportements familiaux actuels Raymond GAMA, Historien, Chercheur (mai 2001)

* Il s’agira de repérer divers aspects, sous l’angle de l’histoire, de la famille antillaise. Et, plus précisément de chercher à corréler ces divers aspects avec les comportements de violence actuelle. Toutefois, il ne sera pas question d’une suite de cause à effet, ce qui signifie que nous ne cherchons pas à établir d’emblée une relation directe entre ce qui constitue l’origine de la famille antillaise et les comportements familiaux actuels. Nous avons l’intention de mettre en évidence quelques aspects de la problématique de la famille antillaise tels qu’ils émergent d’une vision historique de la constitution de notre société. Enfin, sans chercher à produire dans le présent cadre des solutions nous pourrons examiner quelques propositions susceptibles de répondre à quelques attentes. Nous verrons ainsi : 1) Le temps historique : un temps réel extrêmement court. 2) Le poids institutionnel : des lois positives surévaluées par rapport aux apports culturels. 3) Parenté et histoire : un déséquilibre normatif. 4) La « conscience historique » créatrice de « l’esprit de famille » ! 5) L’impossible transmission…

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1 – Le temps historique Dans la majorité des cas au cours desquels l’on évoque la question ou les questions familiales aux Antilles, il y a peu ou pas du tout référence à l’histoire. Nous évoquons bien souvent l’histoire mais c’est pour mieux l’évacuer… Exemple : une discussion sur le comportement des hommes face à la vie conjugale entraîne bien souvent les protagonistes sur le terrain de l’esclavage par exemple, mais c’est en général pour conclure rapidement sur le plan de la responsabilité personnelle de chacun des membres dans le couple… Cela rassure sans régler le problème car si on sait dorénavant qui est responsable de quoi, l’on ne connaît pas le lieu qui loge cette responsabilité, c’est – à – dire les hommes (on dit en général « l’homme ») en question. Ainsi, l’histoire est évacuée et une sorte de philosophie fataliste (sé konsa nonm yé) relaie le savoir populaire. Mieux, Lorsque nous évoquons la mémoire de nos grands – mères, de nos grands – pères, de nos aïeux, de nos ancêtres, nous les percevons quasiment hors du temps, hors des événements constitutifs d’un ensemble collectif, d’une communauté, en somme hors de l’histoire. Nous les logeons dans des repères intimes, personnels que nous n’évoquons pas publiquement ou avec quelque douleur, un peu comme si nous nous défaisions de quelque chose qui n’a rien à voir avec le proche voisin, quelque chose qui ne mérite pas d’être partagé avec le grand public. Nos ascendants apparaissent comme exclus du temps partagé, collectif et commun. Nous les vivons comme des exclus de l’histoire. Et, ce qui paraît étonnant, c’est que nos origines ethniques différentes n’altèrent pas ce comportement largement partagé. Il y a donc lieu de rechercher une base commune sur le terrain social, historique. Mais, s’il apparaît indubitable qu’il y a une base, sociale, historique partagée par tous, il est non moins sûr que le temps constitutif de cette base est extrêmement court. Notre temps historique, le temps réel est court… 3 siècles ! Nos aïeux étaient des esclaves ou des propriétaires d’esclaves ou encore engagés pour travailler dans ces pays.


2 – Le poids institutionnel Nous disions auparavant que nous évacuons notre ignorance de ce temps pourtant très court sous un fatalisme de circonstance : sé kon sa nonm yé ! Et il nous semble normal, voire naturel que nous ayons une telle relation avec notre plus proche passé. Après réflexion il semble que l’influence des institutions soit énorme dans la détermination de notre sensibilité sur les questions familiales. Prenons un exemple : Les registres paroissiaux sont indispensables pour la connaissance de la démographie de la France de l’Ancien Régime. Disons que, en Guadeloupe, de 1635 à 1793, les mariages, les naissances et les décès sont consignés sur des registres des paroisses. C’est la principale source d’information concernant les familles. Dans ces registres paroissiaux d’un village de la Picardie par exemple, vous trouverez des patronymes désignant des personnes elles – mêmes filles ou fils de personnes soumises (serfs) ou libres. Dans les registres paroissiaux aux Antilles, seules les personnes libres sont repérables, disons même comptables. Car, la majorité de la population parce qu’elle est nègre et esclave n’est pas repérable. Seul un prénom désigne chacun d’eux, rendant du coup totalement illusoire les possibilités de reconstitution historique d’une famille de nègre ou homme de couleur non libre. L’institution esclavagiste met hors de l’histoire la majorité de la population dès les années 1650-60. Les liens de sang sont effacés, gommés, ignorés par la mise en esclavage des noirs d’Afrique. Comment ne pas prendre en considération le poids de trois siècles (1635-1935 + 1946) d’inégalités fondées sur la discrimination par la couleur contre une cinquantaine d’années d’égalité formalisée par des institutions ? L’institution d’Etat, celle qui parachève l’ensemble des rapports entre les individus de nos collectivités, apparaît affaiblie face à la puissance des rapports économiques, sociaux et culturels du quotidien. Et, dès lors que l’Etat s’avise (c’est le cas depuis les années 1970 seulement !) à vouloir rectifier les « déséquilibres traditionnels », il crée lui - même de nouveaux déséquilibres.


Exemple : Les femmes seules sont une découverte dans la France des années 1970… alors que cette réalité est une « tradition » en Guadeloupe ou en Martinique… Et, ici ce qui peut sembler un acquis incontournable au plan culturel (comportement des hommes à plusieurs ménages) semble refléter socialement des mesures proprement institutionnelles : la famille nègre n’existe pas avant 1848 ! Soit, pendant deux siècles sur trois ! 3 – Parenté et histoire Très précisément, qu’appelle – t – on « famille » au temps de l’esclavage ? Une « famille » est un groupe de personnes entendues libres et dont les liens de sang (la parenté) sont attestés par des déclarations enregistrées par des officiers religieux ou civils. Un esclave n’est donc pas à proprement parler issue d’une famille mais d’un géniteur et d’une génitrice. On peut donc en séparer les membres les uns des autres. Mais, pour des raisons évidentes de sécurité et de rentabilité les maîtres autorisent l’esclave mâle à choisir un jour de vente sa compagne femelle. Aussi, les normes sociales (ex : place des hommes et des femmes) ne sont pas le fruit de paramètres essentiellement culturels, mais reflètent bien dans le cas qui nous concerne les conditions d’un déséquilibre voulu et entretenu sur tous les plans. Il s’agissait de fabriquer un type d’être dont les carences, en particulier comportementales, devaient affecter tous les liants et liens sociaux. 4 – La « conscience historique » Est-ce possible dans un tel état d’accéder à la connaissance de soi ? On peut facilement comprendre dans ces cas là, qu’il est plus aisé de connaître l’autre, celui qui a conçu une telle création, que soi – même. Et, quand nous « savons notre histoire, tenons – nous à la connaître »?


C’est précisément le point de rencontre de cette double réalité (nous sommes le reflet du maître et nous ne tenons pas à une reconstruction trop périlleuse !) qui émerge à la conscience et rend problématique notre existence actuelle. Sans cette « conscience historique » serons – nous capables de laisser émerger une nouvelle « conscience de soi »? Il s’avère que l’absence de « sentiment familial », de l’ « esprit de famille » bloqués par les discriminations et les ressentiments (cf. les teintes de couleur de peau, la texture des cheveux, la jalousie, etc.) puisse nous fournir des éléments d’explication de l’absence de « conscience de soi » et incidemment de « conscience historique ». Si la chose ici se révèle exacte serions –nous alors dans une impasse ? Pas du tout ! Nos sommes au devant d’un vaste chantier !!! 4 – L’impossible transmission Toutefois, construire signifie un procès de mise bout à bout de matériaux, d’expériences, bref, de connaissances. Qui sont les experts de la construction familiale dans notre pays ? Ce sont les mères et les pères de Guadeloupe. Or toute notre argumentation consiste jusqu’à présent à montrer que le « couple » repérable, facteur de dynamique familiale est celui de la mère et de l’enfant. Et, nous crions à gorge déployée : « Oh, les pères ! Prenez vos responsabilités… ne serait – ce que vis-à-vis de vos enfants ! »… Le père, les pères … ! Mais, alors de qui s’agit – il ? S’il s’agit du père géniteur, nous reproduisons en droite ligne les valeurs de la période de l’esclavage. S’il s’agit au contraire du père, partenaire dans le couple familial, il nous manque une vue critique de la famille dans son ensemble et tout particulièrement un lieu de remise en cause du père géniteur de la période esclavagiste. En somme, la famille existante, dans les rapports sociaux actuels, reflète le


malaise profond d’un ensemble désagrégé où les individus ont été depuis un demi – siècle désolidarisés de leur essai de poursuite de la construction d’une culture de l’origine. Nous sommes réduits à une impossible transmission. Il nous faut réinventer des mères et des pères de Guadeloupe. * Que faire devant une telle tâche? La fuite est la solution la plus usitée par l’homme dans ces cas là. Fuite sous toutes les formes… NON !!!!!!! Il s’agit d’être inventif, créatif et évidemment cela on ne peut le demander à tout le monde. Comment faire ? L’acte est ici volontariste. Ceux de nos enfants les plus créatifs, les plus inventifs ont une lourde responsabilité. Ils ne doivent pas fuir mais relever le défi de l’histoire. Et alors, rassembler, mettre en mouvement celles et ceux qui ont le sentiment du malaise actuel, telle est leur tâche principale. A partir de cette simple rencontre nous devrions voir émerger des conditions nouvelles pour l’affirmation de l’être – soi (et non l’être – autre). Le combat économique, social et culturel que nos enfants mènent au quotidien (parfois avec des signes de désespoir) devrait ainsi prendre toute sa mesure historique.

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Dialogue ou

Réponses à deux questions de l’étudiant en Master II (St-Denis), Roman OSOWSKI *

Roman OSOWSKI – Comment comprenez-vous le fait que les Guadeloupéens ou les Martiniquais s’attachent, de plus en plus, à ce qu’ils considèrent comme des valeurs nationalistes, alors qu’ils revendiquent leur appartenance à la France ? Raymond B. GAMA – Ce « doublon » de la personnalité est intimement lié à l’émergence d’une stratégie sociale coloniale. Sans une bonne connaissance de l’histoire coloniale moderne et de l’histoire de la Caraïbe, vous risquez de ne pas comprendre ce phénomène, pourtant simple, dans sa réalité socio – historique. Il s’agit d’abord de savoir ce que produit la colonisation de la Guadeloupe au XVIIème siècle et comment elle va évoluer. Il n’y a pas disparition totale et immédiate de la société Kalina. Jusqu’au XX ème siècle, nous retrouvons des problématiques liées à l’existence d’une société amérindienne ayant précédée la société coloniale. Pour faire court, la société coloniale elle, s’articule, en trois siècles et demi, sur une discrimination raciale initiale : les blancs sont supérieurs aux « sauvages » et aux noirs. Mais, dans la catégorie de ceux qui seraient supérieurs, il y a des degrés divers : petits blancs créoles, grands blancs créoles et métropolitains. A toutes les époques, et jusqu’à aujourd’hui, cette catégorisation est opérante. Par exemple, en 1848, lors de la seconde abolition de l’esclavage, les grands blancs créoles et les métropolitains propriétaires d’esclaves furent indemnisés et choisis afin de se constituer comme actionnaires de la première banque de la Guadeloupe. Les petits blancs créoles ou engagés étaient socialement dépréciés sans être discriminés.


Actuellement, à Jarry, sur le territoire de la commune de Baie – Mahault, en Guadeloupe, la majorité des établissements de services et de transformation, d’importation et d’exportation sont aux mains des familles de békés Martiniquais, de sociétés ayant leur siège en France. Les investissements des blancs créoles Guadeloupéens restent marginaux par rapport à la puissance de ceux nommés précédemment. Pour revenir à l’époque de l’esclavage, il faut distinguer un entre – soi, créé par le contact, non toléré, entre blancs et noirs. Le résultat produisit un état social imprévu : celui de l’homme de couleur libre. Les valeurs figées dans les significations voulaient qu’il n’y ait que des blancs et que des noirs. Ne voilà – t – il pas que les brutalités de cette vie sociale en firent autrement. Ressembler aux pères blancs, avoir les mêmes droits que lui, telles sont les principales aspirations de cet entre – deux socialement vécu. A l’époque actuelle, nous pouvons constater que les décrets de 1794, de 1848, les lois de 1849, de 1946 n’ont pas fondamentalement changé les rapports entre ces catégories sociales et la majorité de la population guadeloupéenne, principalement d’ascendance africaine. Tous les migrants du XIXème siècle vont s’adapter à ce processus social. Aujourd’hui tout cela fonctionne exactement comme si il n’y avait pas eu de textes réparateurs ou encore comme si ces textes avaient essentiellement une fonction …. Il s’agit maintenant de considérer toute cette fixité face à la pression actuelle exercée par la mondialisation. C’est elle qui oblige, paradoxalement, tout un chacun à se replier dans ce qu’il a de plus intime, culturellement parlant… De ce conflit émerge la culture guadeloupéenne, martiniquaise,…caribéenne, en gestation. Voilà une des sources du « doublon » constaté par vous… R.O – Quelle différence faites vous entre créolité et caré… caribéanité, comme vous dites ? R.B.G – La créolité est une théorie rendue publique par une publication des auteurs Martiniquais, Bernabé, Chamoiseau et Confiant en 1989, sous le titre « Eloge de la créolité ». Ces auteurs vont s’appliquer à démontrer que la Caraïbe était le creuset d’une nouvelle donne culturelle. Celle – ci s’appuyait sur plusieurs composantes, en l’occurrence européenne, africaine et asiatique… L’ensemble de la théorie m’interpelle et surtout m’oblige à une critique que j’ai alors


rédigée, mais que je n’ai pas sous la main. Je ressens dans leur argumentaire une vision sommative, un peu comme si on procédait à une addition de moyens, créatrice d’un ailleurs, dans le Nouveau Monde espéré par les Occidentaux. Ils construisent une théorie intimement liée à la problématique dont j’ai parlé tout à l’heure, à propos des Occidentaux, qui cherchent un autre, autre « état », autre « espace », autre « monde »… et qui croit rencontrer cet autre, dans le sauvage amérindien, le noir Africain… L’Africain déporté devient, en ce sens, le nègre, sa pure création. Il ne se doute pas qu’il se cherche lui – même. Il se loge chez l’autre, par souci de s’épargner la remise en cause de soi, de son périple sur terre, d’économie en somme. La créolité s’arcboute sur cette problématique ancestrale qui se manifeste en Europe occidentale à l’époque moderne. Elle répond que nous sommes la réalité recherchée. Et, le métissage qui résulte de ce processus est dans l’ordre normal des choses, à l’échelle universelle. Elle se range dans la sphère des réponses occidentales souhaitables pour une justification des multiples crimes commis. Elle prolonge la recherche anthropologique occidentale. Quand je parle de caribéanité j’entends, certes un espace, mais pas physique, extérieur à soi. Je veux dire que je m’attache comme les auteurs précédents à peindre un monde, avant tout intérieur. Toutefois, je ne conçois pas ce dit espace comme le prolongement d’une problématique occidentale, c’est – à – dire que je romps cette attache congénitale qui me soumets à la source du problème. Je ne veux pas non plus, lui servir en opposition une inversion du problème de la recherche de soi en captant mon origine africaine, au dépend d’une autre, dominatrice et spoliatrice, non, je m’ordonne à explorer un autre être soi afin que mon émancipation soit réelle, complète et aboutie. Ainsi, je propose, non un autre « espace monde », (la terre entière au lieu de l’Europe), mais bien un nouvel univers humain, un peu comme si nous assistions à un big – bang humainement réalisée. « Je suis la conscience du monde actuel », ai – je dis ailleurs en 2001. Cette approche nous mène à ce que dit Frantz Fanon dans Les damnés de la terre, au sujet du rôle de la violence dans la libération du colonisé et du colonisateur.

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Imaj é lidé adan on péyi Karayib ou

Vision sur l’existence des arts-graphiques & visuels en Guadeloupe (extrait) Luk GAMA, graphiste-auteur (2012)

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An pawòl a touléjou, an zorèy an mwen, i ka sanm sa lè moun ka palé, yo ka séparé « l’art » épi awtis. Awtis an bouch a onlo moun sé on moun ki ka chanté si podyòm pou fèt komin oben pou lantou Gwadloup. « L’art » aprézan, pou onlo, sé déba a moun ki ka penn si twèl, ki ka tayé bwa oben wòch, oben ki ka fè biten dwòl1 : biten on moun nòwmal pa té ké fè. On moun ka fè foto sé on fotograf. On moun ki ka fè sinéma oben vidéo sé on kaméramann. Sé dé dènyé katégori a moun lasa paka gè rantré adan sa moun ka kriyé « l’art ». I ka sanm sa aksyon a tala ki adan « l’art » pakalé pli lwen ki sa i ka fè épi dé men a–y. 1. bizarre


L’art, fumée ?

Dapré mwen, lidé lasa maré asi istwa an nou. An savé byen onlo moun ka touvé i tini moun ka palé twòp di istwa an nou. Silon yo, nou ja bout. Tout biten ja fèt é byen fèt. Kifè, sa i tini a fè sé sèvi épi sa YO ka ban nou épi sé tout. Mwen, kon on séri moun o péyi é an déwò, an pa dakò épi lidé lasa. Sa ki sèten, tini moun ka pwodui plis biten ki nou épi men a yo. Yenki on ti koutzyé asi yonn–dé péyi an Karayib–la é ou ké pé vwè sa. San menm alé pli lwen, nou pé jété on zyé an péyi an noumenm asi kawtyé a vil é komin ki plen épi mounvini. Men, tout moun sé moun. Kifè, kon toutmoun, nou ka pwodui lidé. Sé lidé– la, yo menm a yo, sé pwodui a sa nou viv tousèl é ansanm. Sé konsa, ki nou vlé, ki nou pa vlé, an Gwadloup a jòdijou, nou an pwolonjman a on sosyété ki komansé kréyé épi twa gwo biten : - Asi lidé yo tini si èspas – la : i la pou pwodui biten pou moun déwò (tenti, koton, sik… pou moun Fwans an prèmyé), pou fè lajan é apwé pou bwè é manjé. - Asi lwa yo fè ki di moun a po pli fonsé ki ta yo, yo kriyé « nèg », pa tini plis valè ki on tab oben ki on tabouré2 - An twazyèm : sé moun – la, ki mété tout sistèm lasa an plas, sé mounvini. Sé fwansé épi dòt moun Léwòp ki rété 2. « Le code noir » (1685)


plizyè syèk ka goumé pou séparé tout mòso tè yo té ka jwenn kotésit. Men avan fwansé té rivé, sé Pannyòl ki sòti Lèspagn ki rivé isi é yo touvé moun ki té ja la lontan avan yo-tout : sé moun yo kriyé pèp Arawak é Karayib. Sé an men a sé moun lasa, moun Léwòp aprann non a sa ki té la (pyébwa, zannimo,…)3. Yo vwè té ja tini on mannyè moun ka vwè péyi–la. Té ja tini on jan pou moun montré lidé a yo, é, maké èvè imaj lidé yo té tini asi péyi–la. Men sé mounvini–la pa té la pou fè « l’art ». Alòs yo mèt an wout pou apwann é pou pwan on pil zafè avan yo mété yo ka masakré sé pèp–la. Sé an menm balan lasa, yo mété yo ka pwan wòch gravé ka krazé yo oben ka voyé yo alé an péyi a wa a yo4. Sété on mannyè pou yo montré kijan yo ka dominé moun. Men sété osi on mannyè pou kaché sa yo té vwè asi kilti a péyi–la ki té ja la. Davwa kè a yo dwèt soté onlo lè–w vwè yo rann yo kont kijan kilti–la té ja ka-y lwen : é menm koté yo potoko jenmen alé yo menm a yo dé kèkfwa. Lè –w vwè yo « nétwayé » plas–la a gou a kè a yo (dapré yo), sé la yo komansé, natirèlman, enstalé an benn–an– 3. Yonn-dé mo Kalina ki la toujou : kouliwou (on pwason), zikak (on fwi), kabouya (nœud, piège) 4. Louis Joseph BOUGE té gouvèwnè an Gwadloup (1834 – 1836) fè yo achté on gran mòso tè ki té ni on pakèt wòch gravé pou té « pwotéjé yo » I pwan on gran tan pou étidyé yo (konté yo, désiné yo é pwan yo an foto). Tousa an Fwans adan « musée des Beaux-Arts de Chartres », alèkilé, dèpi nanni-nannan…


benn épi tout lidé ki té ka vanté an péyi yo té sòti. Yo kontinyé viv an jan a yo. An réyalité, pannan plizyè santenn lanné apré lè women mété mak a yo asi tout moun Léwòp, sé bokantaj natirèl a nonm é fanm, antrè Léwòp épi Lazi ki fè si plizyè kalité tèknoloji é lidé komansé parèt an tèt a moun Léwòp. A-fòs–a-fòs, an final-di-kont, sé pas’ yo té ka chèché on dòt chimen pou jwenn Lazi (é davwa yo pèd chimen) ki « Christope COLOMB » chwé si sa yo kriyé Lanmérik. Istwa a yo ka di–w konsa, antrè kenzyèm syèk (XVème) é sézyènm syèk (XVIème) sé awtis–la mété yo ka kréyé silon zansèt pi pré a yo, ki té grèk–é–women, dapré yo. Péwyòd lasa, alèkilé yo ka kriyé–y « Renaissance », davwa té tini on gwo séri moun adan balan a wou-voyé-monté tout jan sé zansèt a yo lasa té ka kréyé. Gwokyap té ka étidyé tèks ansyen. Moun a penti é skilti té ka rèprézanté mòso istwa a Labib. Yo té ka chèché imité bondyé a yo pou kréyé sa ki té pi bèl ki tout an zyé a yo. Lidé lasa parèt Litali an prèmyé. E sé plita (o disétyèm syèk – XVIIème) mouvman lasa ka sòti an Fwans. Davwa, toupannan italyen ja évoliyé an istil a yo (ka fè « art baroque5 »), fwansé mété yo ka fè ta yo. Men vitman, i ka lésé plas ba on istil yo kriyé « art classique6 ». Yo touvé penti a italyen pa an jan a yo 5. Sé Litali « art baroque » ka dévlopé-y, an komansman a 17enm syèk. Sé aw a « contre réforme » katolik. « L'art » ka divini on mannyè pou fwa katolik monté an flèch. Sé osi on gwo yann pou lité kont pwotèstan (pas an tanpl a pwotèstan pa ni gran zafè a dékorasyon). Ki fè tout fòm « baroque » ka chèché tchoké émosyon a spèktatè-la. 6. Sa ka-y dévlopé-y an Fwans pou lité kont ganm, dyèz é gran mannyè a « art baroque ». Ki sé pou litérati (Boileau, Corneille, Racine), ki sé pou penti é skilti (Poussin, Le Brun, Coysevox),


alòs yo voyé ta yo monté. Sé konsa, ou ké touvé moun–Fwans é Léwòp ka vini isi é ka fè penti a péyizaj an istil « classique ». Sa ka dévlopé–y antrè sézyèm é disétyèm syèk adan tout Léwòp. A moman lasa, sa yo ka chèché fè, sé kréyé on lidé asi yo menm ki sé on lidé san défo. Men, sa nou pé vwè osi (é ki paka parèt an liv yo ka fè asi « l’art »), sé ki an menm di tan, owa an nou, lagè é lèsklavaj, sé sa ki ka menné. Tousa, sé on piti rézimé a istwa pou konpwan ki lidé sé mèt–la té pé tini asi « l’art » isi. Men a moman lasa osi, majorité a pèp–la pa moun ! Alòs an léta–la yo yé la-la, yo pa asi zafè a « baroque » ò « classique ». Men, magré sa, yo kréyé osi. Yo kréyé lidé é yo kréyé imaj, toupannan i tini adan yo ki kontinyé pòté lidé é imaj a pèp Arawak é Karayib. Pannan tousa osi, tini moun lib ki mawon (nèg mawon) oben ki séré kò a yo (Karayib ki pèd lagè é ki pa mò). Awtis : on krèy atè Lorsque nous voyageons, en même temps que notre désir de découverte, nous suivons le flot de sensations, d’idées et d’images duquel nous nourrissons nos imaginaires, dès notre naissance. C’est ainsi qu’il est depuis toujours pour les Kalina, pour les colons européens, les africains mis en esclavage, puis les travailleurs qui débarquent au fil des siècles. Mais parmi ces courants qui nous traversent, une donnée conditionne implacablement l’imaginaire des humains, c’est le pouvoir politique. Et même si, en apparence, kon pou awchitèkti (Le Vau, Jules Hardouin-Mansart – yenki gadé jan a « château de Versailles »), sé lòd, lékilib, disiplin, maché-dwèt ki nouvo larèl a moun. Sa kalé an sans a sa wa-la té bizen : lanmen an plen asi tout biten. Sé pousa pouvwa a-y ka soutyenn é soutiré « Art classique » (an 1634 Richelieu ka kréyé « Académie française » pou litérati é an 1648 sé « l'Académie royale de peinture et de sculpture » yo ka monté).


les uns et les autres vivent les goûts et les couleurs diversement, il n’en demeure pas moins vrai que le contexte social, impliquant la hiérarchie entre les individus, contraint fortement les directions que nous prenons. Car les classes sociales qui dominent agissent sur le réel dit « matériel » autant que sur « l’immatériel » ; comme toutes les autres couches d’une société humaine d’ailleurs. Cependant, celles-ci ont la capacité d’imposer leur vision du monde aux autres, à travers tous les rouages que propose leur propre système : d’abord par le chantage, la torture, la guerre, parfois par des lois, des décrets, des ordonnances et le plus souvent par tous les moyens à leur disposition. C’est ainsi que, comme nous l’avons vu plus haut, les multiples arrivants successifs dans nos pays débarquent avec tout un ensemble de bagages idéologiques en cours dans leurs terres d’origine. Au XV ème siècle, en Europe, en même temps que la « Renaissance » des idéaux intellectuels antiques gréco-romains, on parle désormais de nouvelles technologies venues d’Asie, comme l’imprimerie qui permet une plus grande diffusion des idées7. En arts-visuels, de nouvelles techniques participent à l’amélioration des méthodes de représentation, comme la perspective, la peinture à l’huile, la gravure au burin ou la gravure à l’eau-forte. Il semble que ce courant dominant ne survienne en France qu’au ème XVI siècle ; soit environ un siècle après l’Italie. La raison principale à ce délai est que durant tout ce temps la guerre fait rage entre « français8 ». Ensuite la monarchie absolue impulse l’expansion d’une forme de pensée soutenue par l’idéal d’ordre, de rigueur, d’équilibre et de discipline. Lorsque Christophe COLOMB débarque dans le « nouveau monde », la ville de Mexico (Tenochtitlan - pas encore connue par l’Occident) compte déjà plusieurs centaines de milliers d’habitants (comme Paris à la même époque) et certaines sources parlent même de millions d’habitants ! « Les Amériques » sont peuplées du Nord au Sud de dizaines de milliers de peuples, présents depuis des milliers d’années et qui ont développé leurs cultures, leurs sciences et leurs arts, en conscience et à partir de leurs propres perceptions de la place de l’humain dans l’univers (cosmogonie). La violence sous toutes ses formes caractérise les rapports humains dès les premiers contacts entre les européens et les peuples qu’ils rencontrent 7. Développée en Europe par Gutenberg. 8. « La Guerre de Cent ans » : (1337 à 1453) oppose deux dynasties (les Plantagenêt et la Maison capétienne de Valois). Elle se termine avec la signature du traité de Picquigny par Louis XI et Edouard IV d’Angleterre en 1475.


alors. Dans une logique d’émancipation vorace, les conquérants éliminent de manière systématique toutes les formes et images auxquelles ils ont accès et qui ne sont pas dans la logique chrétienne de leur époque. En même temps que le pillage, l’évangélisation forcée est de mise. Pour ma part, je vois à l’origine de ce comportement deux choses : - l’arrivée dans le « nouveau monde » coïncide avec leur difficulté, voire empêchement, à rallier l’Asie, en raison du contrôle de la mer Méditerranée par les musulmans - l’influence (encore perceptible) du monde arabe dans les cultures Européennes amplifie le désir des chrétiens envers un renouveau de la leur (encore aujourd’hui, il n’est pas rare que les politiques, d’état en Europe, visent directement le monde arabe et l’islam) Ainsi le zèle, que développent les colonisateurs dans tous les domaines, n’est pas innocent. Avec les humains qu’ils cherchent à exterminer physiquement et culturellement, des millions de statuettes, de codex, de poteries, de pétroglyphes, de peintures, de sculptures sont méthodiquement détruites ou déportées. En arrière plan, l’idée d’imposer un nouvel ordre de pensée et de nouvelles manières d’être suivent. Cela induit donc de nouvelles façons de créer. Par bonheur pour nous, gens d’aujourd’hui, certaines des victimes de ce plan macabre (toujours en cours d’après nous) ont pu et su transmettre de générations en générations des graines idéologiques précieuses pour plus tard… C’est là que je questionne la vision que nous pouvons avoir de ce que l’on appelle « art » encore de nos jours. Nous considérons un seul point de vue, celui qui ne peut plus se remettre en question parce que devenu stérile à force d’annihilation de son environnement. L’iconoclasme sélectif qui persiste dans nos sociétés européanisées n’empêche pas cependant la repousse des herbes identitaires dites « folles ». Plus haut, nous avons vu que les migrants européens successifs qui viennent après Colomb, arrivent avec leurs propres systèmes idéologiques et qu’ils désintègrent l’existant. On parle « d’extermination des amérindiens » : c’est, pour le moins, l’idée généralement répandue et admise. Mais il s’avère


que tout un ensemble de données est nié depuis toujours, simplement pour asseoir mieux, à chaque génération, l’assimilation à la culture Occidentale. En réalité, dès les débuts de l’installation européenne, des enfants naissent des relations consenties et forcées entre colons et amérindiens. Il en est de même entre toutes les composantes du pays jusqu’à aujourd’hui. Même si, en apparence, les attributs du monde « blanc » surplombent, d’autres mondes – « rouges », « noirs » et « marrons » fondent le cœur de la majorité des guadeloupéens et se perpétuent. J’appelle le monde « rouge » les éléments culturels caractéristiques attribués aux amérindiens. Le « noir » est mis pour les choses attribuées aux cultures africaines sub-sahariennes. Le « marron » représente la part la plus indicible de notre culture et est la plus précieuse pour cela, à mes yeux : c’est le champ des créations qui ont vu et continuent de voir le jour ici-même. A l’intérieur de cette dernière sphère, successivement, les éléments culturels de tous les arrivants se mêlent et se démêlent sans cesse. Le choix de ces couleurs n’est pas innocent, car il résulte de notre expérience de la vie sur cette terre. Tout d’abord, les archéologues considèrent que ce sont les quatre couleurs fondamentales qui sont utilisées par les cultures amérindiennes successives (avec la prédominance ou pas d’une d’entre elles en fonction de l’ère). Ensuite dans le langage courant, elles sont encore globalement associées à des groupes de personnes. En effet, on continue de parler de « blancs » ou de « noirs ». Et des actions peuvent être encore qualifiées de mawon. Et bien que je fasse référence au groupe humain dit « amérindien », il n’est pas rare que la couleur rouge soit associée à des groupes de personnes d’aujourd’hui. Œilletter nos vues an

NOU

C’est à travers cette nouvelle ronde idéologique que je propose de nous voir et regarder. Elle s’est dessinée au fil du temps. Mais elle commence bien avant la période esclavagiste et elle continue encore de se perpétuer, bongré, malgré. Et c’est bien parce que son essence s’oppose à celle de l’idéologie dominante qu’elle se bat pour subsister. Ainsi encore de nos jours, nous subissons globalement une vision exogène qui consiste à enfermer l’image que nous avons de nous-mêmes et de notre pays, dans un carcan de préjugés. Il n’est pas rare d’entendre des personnes dire qu’elles préfèrent des tableaux sur toile, « parce qu’en France c’est ce qui se vend » (?). Dans cette même catégorie d’œuvre, beaucoup diront attendre des artistes des couchers de


soleil, des fleurs, des bateaux, etc. Que l’on se comprenne bien : je ne mets pas en cause les goûts des uns et des autres, mais je met le doigt sur un certain mécanisme de pensée et de discours qui ne se développe qu’à partir d’un point de vue imposé, venant d’un autre espace-temps, sans contradiction pour se justifier, la plupart du temps. Cette mentalité quadrilatérale (tableau – toile – figuration – France) oblitère toute autre forme d’expression qui a existé et qui continue de l’être, comme on chercherait à effacer un ancien tatouage dont on aurait désormais honte. Le rapport à l’image reste ici celui de la fenêtre ouverte sur un monde visible (pourtant à notre portée) mais idéalisé et duquel nous nous séparons de plus en plus paradoxalement. Par exemple, des manifestations qui cherchent à parler d’écologie peuvent être décorées avec des bouts de plantes arrachées plusieurs jours avant ou la veille (le plus souvent). Pour ce qui est des représentations picturales, il est fréquent de constater que ceux qui font des paysages ou des scènes de la vie courante sont souvent des moun vini. Tandis que les représentations liées à la géographie du pays (en partant de sa forme et/ou sa place dans l’arc caribéen) et à l’histoire esclavagiste sont souvent réalisées par des moun isi. Et les toiles ou images dites « contemporaines » sont fréquemment produites par des anciens étudiants d’école d’art avides de démontrer la valeur de leur savoir-faire acquis lòtbò le plus souvent. Malheureusement, selon moi, cette dernière catégorie reste cloisonnée comme les autres dans un imaginaire mettant en jeux principalement des idées reçues et des clichés de ce que nous sommes. Les images et œuvres produites sont conçues comme des illustrations. La dimension « active » ou « agissante » n’est plus considérée ou alors elle est réservée encore aux domaines dits de la sorcellerie ou autres « magies » de clubs privés ou plus visiblement à la politique et la publicité. Aussi, les couleurs et les formes prennent un sens plus dynamique dans la sphère spirituelle et religieuse. Le rapport que nous avons avec les images pieuses et les symboles ésotériques est encore un rapport de force où la crainte de ce qui est représenté domine alors même que la plupart du temps peu de personnes connaissent la véritable signification ou valeur de ces représentations. C’est un état de fait qui n’est pas très éloigné des relations que nous entretenons, en général, dans le monde politicien. Les images sont conçues, là, avec un maximum de soins. Et les couleurs sont choisies en prenant en compte les symboliques qui leurs sont associées communément. On peut constater


que dans ce domaine, qui s’exprime surtout en période électorale, ce que j’appelle la « dimension active » de l’image refait surface. Plusieurs témoignages m’ont indiqués comment, lors de la révolution cubaine de 1952, il y avait eue en Guadeloupe une campagne d’affichage représentant une assiette vide (!). Ou plus tard, lors de l’avènement du G.O.N.G, on pouvait voir apparaître, ça et là, la représentation d’une conque de lambi peinte au pochoir sur des murs choisis avec soin. De nos jours, les affiches fleurissent de toutes parts lorsqu’il y a des élections. Par contre lorsque l’on cherche cette même énergie communicante dans les domaines de l’éducation, de la formation ou dans les domaines de la santé et du social, là c’est la « pudeur » qui prévaut. En observant un tout petit peu le paysage visuel publicitaire, on pourrait finir par se demander s’il n’est pas plus important d’avoir des vêtements neufs que d’être en bonne santé ou de lire 9. D’ailleurs de récents travaux de réflexions ont été menés sur le livre jeunesse. Et il en ressort des conclusions intéressantes. Mis à part le niveau général très faible de la qualité des productions, il a été noté, notamment, l’expression d’une quête identitaire, très souvent maladroite, présente dans les réalisations. Ce dernier fait a été interprété comme un facteur « lancinant » qui freinerait la créativité et la qualité des réalisations (?). Aucun effort n’est fourni dans la structuration ni le développement du secteur culturel et, comme dans d’autres secteurs, nous nous plaignons de la qualité des productions. La Guadeloupe est un pays où tout ce qui concerne l’émancipation par l’éducation n’a jamais été pris en compte qu’avec beaucoup de parcimonie. Toute l’énergie est misée sur des campagnes pour dire aux gens de sourire 10 plus ou s’amuser plus (carnaval, festivals…). Nous sommes passés d’une terre colonisée pour produire à une colonie morte-vivante enterrée dans la consommation de produits-vini. Nous sommes pensés comme un producteur de paysages et d’images à consommer par d’autres11. Les guadeloupéens ne sont pas considérés comme des humains normaux : « nous ne sommes pas assez mûrs ou majeurs » pour nous penser nous-mêmes, entendons-nous nous dire par nos propres élus. Des productions audiovisuelles ne sont pas acceptées en diffusion par la télévision publique avec le prétexte de la mauvaise qualité technique ou du formatage 9. 1 personne sur 4 est illettrée en Guadeloupe, selon l’INSEE en 2009. 10. Base de nombreuses campagnes publicitaires pour le tourisme depuis plusieurs décennies. 11. Voir rôle du Bureau d’accueil des tournages de Guadeloupe, par exemple.


non conforme. Ces critères deviennent beaucoup plus souples lorsqu’il s’agit de diffuser des séries venant d’Amérique latine, des Etats-Unis, d’Inde ou d’Afrique maintenant (ombres de micros, doublages décalés, scénarii abracadabrantesques, sous-titrages de la copie originale du film floutés car pas en français, etc.). (…) Vivons-nous un imaginaire désertique où les cactus festivaliers et carnavalesques trônent sous un soleil « blanc » ? Se cultiver serait-ce un acte militant ? Est-ce limitant de militer contre cela ? (…) Le tambour « ka » est une œuvre de design. Il existe de nombreuses manières d’émettre des sons par un objet creux et il existe de nombreuses façons de faire résonner une peau sur un fût. Il existe aussi de multiples méthodes de serrage d’un tambour. Mais à chaque fois, la forme et les moyens de fabrication résultent d’un choix esthétique, fusse-t-il conscient ou pas. Le bâton lélé aurait un mâle et une femelle et serait fabriqué dans un bois particulier, à l’origine. Ce ne sont pas des jeux de hasard comme beaucoup d’entre-nous préféreraient croire. Là aussi, hors des enjeux techniques, il y a des directions conceptuelles qui ont été prises à un moment donné. Gérard LOCKEL a déjà fait un travail considérable en ce qui concerne la musique et a mis à la vue de tous les structures harmoniques et mélodiques qui sous-tendent dans la musique gwo-ka. Là où beaucoup ne voient que politique, moi je vois toute une culture (un rapport au monde) voire une cosmogonie (un rapport à l’univers) qui s’expriment… visuellement aussi. Léna BLOU a fait un petit bout de chemin à travers une proposition de concept dans la danse qui tire son fondement de la pratique traditionnelle de sa discipline. Les vêtements des femmes appelées matadò interpellent aussi par les formes, les couleurs et les codes visuels. À mon avis, nous gagnerions à chercher à voir ce qui se cache derrière ce qui paraît un simple code graphique « conjugal », comme on nous le montre si souvent. D’autres comme Gilbert LAUMORD ont investi aussi le champ des expressions visibles dans la veillée mortuaire traditionnelle. Et enfin, les contes qui forment une jungle de savoirs et de connaissances sont aussi une source profonde dans laquelle nous devons puiser. J’ai personnellement effectué une étude de cette littérature. Et j’ai pu en tirer une structure de base pour de nouvelles créations graphiques originales dans la continuité des racines idéologiques desquelles elles proviennent. A ce jour je continue d’en affiner le contenu conceptuel et les bases structurelles d’une culture visuelle « nouvelle ».


Il reste encore de nombreuses étoiles à compter de même que de nombreuses sources à trouver. Gaston Martine GERMAIN-CALIXTE dit Chaben s’était déjà rendu compte que la prière catholique n’était pas toujours efficace face aux mauvais esprits et que le matérialisme (même dialectique) ne résolvait pas non plus tous les problèmes. Il nous a laissé un indice, un flambeau, une lumière destinée à voir où nous allions mettre les pieds dans notre quête… à nous de suivre ce chemin…

Dé bra an mwen sé lé kouwa, Dé tété an mwen dé bèl anpoul, An do an mwen on jénératè, Boyo an mwen sé lé tiyo, Lonbrik an mwen on bouton élèktrik. Lè-w vwè an pézé bouton an mwen, An ka méyè ba Lagwadloup limyè… ***



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In Lespwisavann, Istwa & Sosyété www.lespwisavann.org Revue Online - ISSN : 1634 - 0507


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