Lespwisavann N°01

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Oct. / Nov. / Déc.

Racisme anti-noir et colonisation française...

De l'émergence d'une conscience politique... Asi chimen... On On météanzyé météanzyé aa Makalidé-péyi Makalidé-péyi In Lespwisavann, Istwa & Sosyété - Revue Online - ISSN : 1634 - 0507


Image de couverture - détail de « Lasantral » - et illustrations : Luk...


Aux États-Unis, depuis 2008, c'est un afroaméricain qui est président. Et ses « frères », comme des lapins, même en chaise roulante, continuent de se faire descendre pour moins qu'un oui ou un non. En Guadeloupe, un acte mémoriel veut peser de tout son poids physique et financier dans l'imaginaire des uns et des autres à propos de l'esclavage. Pendant que les descendants de colons européens continuent d'avoir une position privilégiée connue mais qu'on ne peut dire publiquement sous peine de poursuites judiciaires. D'ailleurs ils continuent de nous traiter de « sales nègres »... Kimoun ki pou bout épi tousa ? YO oben NOU ?



Racisme anti–noir et colonisation française sous l’esclavage . 1

ou

An pa nèg men NONM ! Raymond GAMA, Historien, Chercheur (mai 1995)

* 1 - L’historiographie coloniale française est particulièrement avare du mot racisme. Vous ne le rencontrez quasiment pas, eut égard à la place réservée dans les instructions comme dans les comportements ordinaires aux valeurs se fondant sur le concept de « race ». Est-ce à dire que le racisme n’a jamais existé à travers l’évolution socioethnique des pays concernés ? Loin de là. Mais, c’est la notion d’esclavage qui est le plus couramment usitée pour stigmatiser les rapports d’exclusion entre « ethnies » en Guadeloupe et ailleurs, dans les colonies françaises de l’époque moderne, en particulier. 2 - Nous employons dans le langage courant, des termes communs tels : « ..à l’époque de l’esclavage… les esclavagistes… les Blancs… les Mulâtres… les Nègres… » et il y en a d’autres tels : « les Békés… les Indiens… ». Pourtant, c’est le concept de « race » qui a été le plus souvent utilisé du dixseptième au dix–neuvième siècle et même dans les quelques décennies écoulées dans la première moitié du vingtième siècle afin de repérer les différences d’ordre ethniques dans ces pays. Nous pouvons considérer que la 1

Il s’agit à l’origine d’une conférence intitulée « Racisme et histoire » et tenue lors d’un diner.


fin du XXème siècle ne s’est pas totalement affranchie d’un vocabulaire particulièrement coloriste. 3 - Après 1848 (l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises), en pleine période d’éclosion des théories racistes les plus osées que l’Europe ait connue, les discours politiques entre autre, en Guadeloupe, sont très fortement inspirés par des considérations raciales. Ernest Souques, le puissant usinier des années 1885-1900, ne s’embarrasse pas de considérations humanitaires en parlant des nègres. 4 - On peut en dire de même en ce qui concerne le béké martiniquais Fernand Clerc. Par ailleurs, les violentes polémiques qui opposeront en Guadeloupe les partisans de Hégésippe Légitimus à ceux de son ancien lieutenant Achille– René Boisneuf, sont profondément marquées par les clivages qui séparent les francs-nègres des mulâtres bon teint. 5 - Bref, par le concept et par le vécu la réalité ethnique semble occuper une place spécifique dans les rapports sociaux à l’intérieur des colonies françaises de l’époque moderne et contemporaine comme d’ailleurs en France. 6 - L’histoire en Guadeloupe et aux Antilles–Guyane, en général, dans sa relation des faits, ose-t-elle une évocation non ambiguë de ce phénomène ? Ce n’est pas sûr. Les raisons d’un tel comportement semblent liées, premièrement, à la formation universitaire elle-même, dans le sens où l’historien s’est longtemps contenté de l’approche socio-économique pour éclairer les attitudes dites racistes ; deuxièmement, d’autres disciplines universitaires telles l’ethnologie, l’anthropologie par exemple, font de l’analyse des profondeurs de la représentation leur chasse gardée ce qui éloigne le discours historique de ces champs somme toute ouverts à toutes les sciences humaines. De nombreuses études qui datent des années 1950-70 ont eu comme objet les nombreuses inter-relations qui lient les individus dans l’aire caribéenne en particulier. 7 - Les expressions telles que : race, nègre, négresse, noir, blanc, métis, mulâtre, nègre rouge, gens de couleur libre ou non-libre... etc, renvoient toutes à une réalité objective selon les acteurs qui les emploient. L’historiographie antillo-guyanaise restitue ces schèmes sans réellement les interroger.


Aussi, elle investit le discours ordinaire comme si le rôle dévolu ici à l’historien doit être réduit à la photographie des systèmes passés, pourvus qu’il soit reproduit le plus fidèlement possible. Ne devrions–nous pas, plus souvent qu’il ne l’est, les interroger ? 8 - Le racisme précisément nous conduit vers une histoire des idéologies et des représentations qui n’existe pas en Guadeloupe et en Martinique par exemple. Et, bien que l’ethnologie et l’anthropologie aient investi depuis les années cinquante ce domaine de recherche, l’historiographie antillaise laboure les lisières de cette complexité laissant à d’autres le soin de défricher cet espace incontournable pour la compréhension de la société guadeloupéenne et caribéenne contemporaines. 9 - Hors de ce champ des « apparences », la chose a-t-elle une réalité ? L’Unesco, par exemple, ne reconnaît pas les « races » et pour cela elle s’appuie sur une évidence qui échappe à la majorité des individus qui vivent aujourd’hui à la surface de la Terre (de quelque nationalité qu’ils soient : Il n’y a pas une multitude de races, mais une espèce humaine fortement marquée par des adaptations multiples. Je partage cette idée. Aussi, me demander d’intervenir sur le thème de « racisme et histoire », chez nous, relève quelque peu de la provocation. Soit. Relevons le défi. 10 - Vous imaginerez aisément mon embarras pour vous éviter une histoire de l’esclavage, de son abolition, enfin de l’assimilation comme suprême effort pour réaliser la devise républicaine : Liberté - Egalité - Fraternité, dans une vieille colonie française ! J’ai choisi l’axe institutionnel et l’axe culturel pour tenter d’éclairer ici l’idéologie et les représentations racistes. Évidemment, ce choix est arbitraire et je peux dores et déjà vous préciser qu’il vous convie à suivre un observateur qui ne cherchera pas à voiler sa propre opinion de la chose étudiée.


I - Institutions et racisme 11 - La réalité institutionnelle, par exemple dans la colonie de Guadeloupe des débuts de l’implantation française, reflète autant la nature des difficultés rencontrées par les initiateurs de grandes compagnies afin de mettre en place des occupations territoriales lointaines que la volonté exprimée par les décideurs délégués localement pour faire face à des situations nouvelles. Tous agissent sous l’égide d’abord des actionnaires (cf. des compagnies) et ensuite du pouvoir royal. Le système d’exploitation dominant imposé en Guadeloupe, vers 1643 environ (et qui sera supprimé en 1848), c’est l’esclavage des nègres ! Il en sera de même à la Martinique à cette période, plus tard en Guyane, à l’ile de la Réunion, à l’ile Maurice… etc. Que l’esclavage des Africains ait été délibérément choisi comme mode de mise en valeur des colonies françaises en général, dès le début du 17 ème siècle, constitue en soi le véritable problème qui ressort d’une interrogation sur la racisme en Guadeloupe, en Amérique en particulier et dans les colonies françaises, en général. I/ Quand le précédent catholique nous amène aux origines du préjugé racial dans la Caraïbe 12 - Dans une étude consacrée à l’installation des Espagnols après 1500 à Hispanola, H. Tolentino (p.20, 1984) nous propose de nous arrêter sur le fondement ontologique de l’esclavage moderne. Il écrit : « Dans le cadre du jus naturalis de la civilisation occidentale, l’esclavage n’avait pas d’assises théoriques. Il fallait, pour justifier sa validité, recourir au jus gentium ou à la thèse du péché originel. Cette dernière plaçait les hommes non baptisés en marge des principes religieux qui reconnaissaient l’égalité des hommes entre eux et devant Dieu. »2 13 - L’Occident veut nous laisser croire qu’il détermine les rapports à l’autre non en fonction de sa propre cosmogonie, mais selon une approche qui serait la plus naturelle au monde, la voie de la Raison, idée maitresse, instituée au XVIIIème siècle. Or, ce qui paraît le mieux partagé par tous les peuples de la Terre, c’est fonder l’existence de « l’autre » selon sa propre organisation que 2. H. Tolentino, Origines du préjugé racial aux Amériques, Ed. Robert Laffont, Paris, 1984, p. 20


l’on se fait de l’univers. Prendre la mesure de « l’autre » précisément à partir de la représentation que l’on se fait du monde, telle est l’une des clefs de la pensée humaine. Toutes les civilisations en « découvrant l’autre » ne produisent pas nécessairement du « racisme ». Ce ne serait donc pas à ce niveau qu’il nous faudrait considérer la particularité de l’origine de la traite moderne initiée dès 1454 par les Portugais, suivie par une extension, sans précédent, de l’esclavage des Africains, devenus, pour la circonstance des Nègres. 14 - Le fils de Cham est maudit et par la volonté de Jéhovah il est fait «esclave» dit la Bible... Le christianisme, ou plus exactement le catholicisme ibérique, lisuthanien et d’autres, établit de prime abord une inégalité de destinée entre les hommes, tous pêcheurs à l’origine. Le baptême étant le seul moyen du rachat, il convient de considérer les « autres » en général comme inégaux, dans l’impossibilité existentielle de sauver leur âme de pêcheur. Alors, pourquoi l’Afriquain baptisé est-il confiné dans le statut social de l’esclave méprisé ? Il est vrai que dans certains cas celui–ci pouvait acheter sa liberté. Mais, en dépit de ce geste d’affranchissement, l’homme de couleur libre garde précisément une couleur, pour ne pas dire une tare. Le phénotype prime le baptême. 15 - S’il faut, très justement, prendre en compte la remarque selon laquelle il n’y a pas une suite de cause à effet, entre stéréotype racial et racisme 3, les sociétés coloniales caribéennes et américaines se sont constituées, pour le moins, sur une base psychologique et relationnelle consubstantielle au fondement de leur naissance et de leur pérennisation : le racisme anti-indigène et anti-nègre. Il convient de souligner que les deux termes cités traduisent réellement l’étendue du phénomène racial dans ces espaces. Toutefois, le phénotype noir prime dans l’échelle de cette représentation. La marginalisation extrême de ce stéréotype dans le Nouveau Monde est la source d’une profonde relation raciale constitutive des colonisations moderne et contemporaine. Quelle justification donne-t-on à cette représentation particulière, réservée à l’Afriquain ? 16 - La Compagnie des Isles d’Amérique fut instituée afin de donner corps à la 3. Jean-Luc Bonniol, La couleur comme maléfice, Ed. Albin Michel, Paris, 1992.


colonisation française dans la Caraïbe à partir de Saint-Christophe. Les iles choisies sont celles de Sainte-Lucie, de Dominique, de Martinique et l’archipel de la Guadeloupe. Très précisément, à Sainte–Rose, en Guadeloupe, les conflits de personnes opposant les deux principaux chefs (ayant fait leur expérience à St-Christophe), de l’Olive et du Plessis, ouvrit une période d’anarchie qui se concrétisa par la prise en main personnelle de l’île de StChristophe par de Poincy, celle de la Guadeloupe par le sieur Houël qui y débarqua en 1643, celle de la Martinique par le sieur du Parquet qui remplace son oncle d’Esnambuc. 17 - Petit à petit l’autorité royale se substituera à l’aventure individuelle. Afin de palier le manque d’autorité de la Compagnie des Isles d’Amérique le pouvoir du roi s’affirmera à travers des institutions nouvelles. Le 29 avril 1646, soit onze ans après l’installation des premiers Français sur ces terres d’Amérique, une lettre du roi institue un Conseil Souverain chargé de régler les nombreux différends qui opposaient entre eux divers représentants de la Compagnie des Isles d’Amérique. Il s’agit en quelque sorte d’une autorité judiciaire extraordinaire dans la mesure où elle applique certes des édits et arrêtés royaux particuliers, mais surtout elle crée des mesures spéciales répondant à l’usage afin de « protéger la sûreté et la liberté civile». Sûreté et liberté, pour qui ? C’est là toute la question. 18 - D’Esnambuc ayant capturé un navire négrier espagnol s’empara de la cargaison qu’il emmena à St Christophe : tel serait l’une des premières traces d’une masse africaine servile dans ces terres d’Amérique française. Selon le révérend Père Raymond Breton, c’est à la fin de la pentecôte 1643, que le «capitaine Drovant débarque soixante, tant nègres que négresses», au quartier de Basse–Terre (sous le vent) en Guadeloupe. Vers le mois de décembre de la même année, un navire anglais y arrive chargé d’un grand nombre de « nègres et négresses ». Ces chargements sont achetés par le seigneur-propriétaire Houël. Contre 1700 livres de pétun (tabac) il revendit ces nègres aux habitants de la colonie. A l’arrivée de Houël en Guadeloupe les seuls nègres esclaves au nombre de 56 se trouvaient semble–t–il à Vieux–Fort. 19 - Tel nous semble les premiers approvisionnements massifs en « bois d’ébène » de la dite colonie. La chose en bien des points pourrait ressembler à


ce qui s’est passé dans toutes les autres colonies en question. Elle n’est en rien exceptionnelle dans la mesure où le système de l’esclavage est déjà bien établi dans l’espace américain. Pourtant, à l’origine de la colonisation de la Guadeloupe, l’initiative est ici personnelle et répond aux prétentions d’un homme ambitieux qui lie son enrichissement individuel à l’épanouissement de la puissance royale sinon à l’enrichissement de la compagnie. Cette courte période nous trace les conditions dans lesquelles l’esclavage s’installe en Guadeloupe. C’est un mode de production qui paraît sous tous les rapports bien plus rentables que le système d’engagement (les 36 mois, engagés par les habitants et par la compagnie) qui semble bien peu efficace dans la mise en valeur des terres habituées (terres concédées à des habitants). 20 - En effet, il n’est pas inintéressant pour notre propos de souligner ici le fait que l’intention première de la Compagnie des Isles d’Amérique : installer une colonie de peuplement européen en vue de cultiver du tabac. Le moteur précisément de cette colonisation c’est le commerce, sa rentabilité, sa pérennisation bien sûr. Or, dès que les premières difficultés apparaissent (adaptation très problématique au milieu, chute des cours du pétun en Europe), la question qui se pose aux promoteurs de l’entreprise c’est de changer de cap, de trouver une nouvelle spéculation. Ce sera la canne à sucre déjà grandement exploitée par les Portugais au Brésil. Moins de dix ans après l’installation des premiers colons à Sainte-Rose l’achat en masse de nègres afin de développer la production de sucre de canne, ouvre l’ère esclavagiste en Guadeloupe. 21 - Aussi, lorsque le Conseil Souverain s’occupe de la sûreté et de la liberté civile, c’est de la sûreté et de la liberté civile des grands comme des petits blancs de la colonie qu’il s’agit et non celles des esclaves tous d’origine africaine. Le cadre de la société esclavagiste définit les pouvoirs des uns et les limites des autres. Quoique le statut des habitants (grands blancs) soit au dessus de celui des engagés (petits blancs) le substrat économique et social est posé sur le développement d’une représentation particulière de l’esclave d’origine africaine. Malgré les premiers baptêmes réalisés par les curés dominicains assidus à la tâche, la couleur du nègre le condamne à une infériorité congénitale. D’où, me semble–t–il, les mesures adaptées à la discrimination par la couleur. 22 - Pour établir une telle réalité et surtout l’institutionnaliser, seule la


chosification des nègres s’accordera avec une telle vision. En 1655, le Conseil Souverain annule la vente de deux négresses. Elles ne peuvent être vendues distraites de la propriété dont elles dépendent. En effet, les biens du sieur Jean Dumont, habitant décédé, comprenaient une terre et deux esclaves. La vente de ces biens semble se dérouler tout naturellement selon le principe de l’individualité de ceux ci. Le tribunal colonial en décide autrement et annule cette procédure jugée « contraire à l’usage ». C’est–à–dire que les deux femmes négresses ne peuvent être vendues séparément du foncier auquel elles sont rattachées. Biens immobiliers, meubles et autres objets du même propriétaire ne peuvent pas être distraits lors de la vente. On peut, à priori, croire qu’il s’agit de cela dans l’esprit des législateurs coloniaux. En réalité il ne s’agit point d’une généralité de cette sorte. Un objet quelconque ayant appartenu à ce monsieur aurait bien pu être vendu à part. Le Conseil Souverain exprime un état de fait : la chosification de l’esclave d’origine africaine est entachée d’une particularité, son existence se fonde sur la mise en valeur de l’habitation, de la terre, propriété du maître. Il est considéré tel un bien meuble et en même temps tel un objet singulier car s’il ne peut être vendu comme le mobilier du sieur Dumont. Il peut l’être solidairement à la terre à laquelle il est attaché. Son existence en tant qu’objet est strictement balisée. Celle - ci se définit par rapport à l’habitation sur laquelle l’esclave est rivé. Nous sommes au début de la colonisation et donc la mobilité de la force de travail est strictement contrôlée. Cet objectif de nature économique et sociale conduit les premiers maîtres d’esclaves à annihiler tout genre à l’esclave, à le chosifier tel un membre solidaire de la terre à mettre en valeur. L’objet ici n’a même pas d’individualité propre. Son identité se définit par le fait d’être attaché à un maître et à la terre qui appartient à ce dernier. 23 - Cette attitude trouve toute sa signification dans l’exploitation de la force de travail de l’individu ainsi identifié et seule la dangerosité (tel l’outil non maîtrisé) de celui - ci le fait craindre au point de le supprimer en cas de nécessité. C’est ainsi que le 21 août 1660, cette haute instance qu’est le Conseil Souverain autorise les habitants à vendre et même à tuer les nègres marrons qu’ils estimeraient (par eux - mêmes) voleurs ou meurtriers. La justice s’applique à l’encontre de l’esclave à la porte même du maître. Les mesures discriminatoires ne feront que compléter un état de fait singulier. Le 15 mars 1666, le conseil arrête l’interdiction aux nègres de se rassembler sur les habitations pour quelque cause que ce soit afin d’éviter toute tentative d’actions


solidaires. 24 - En somme, la juridiction locale exprime les peurs et craintes que font naître les licences des maîtres vis à vis de leurs esclaves. De ce fait, pour pouvoir exister et se pérenniser la société esclavagiste organise de mieux en mieux la discrimination. L’acte judiciaire vise en premier lieu à éviter les attitudes qui arbitrairement minimiseraient la marginalisation du nègre. Il s’agit, dans le premier âge de la colonisation de fixer des conduites susceptibles d’éviter des déséquilibres pouvant mener à la perte du système tout entier. Il s’agit, dans le cadre des institutions, d’éviter des particularismes (bons et mauvais maîtres). La dynamique discriminatoire est en marche et ses rouages petit à petit se mettent en place. 25 - Louis XIV décide de diriger personnellement la France en 1661. Cette prise en main du royaume se concrétise entre autre par la constitution d’une nouvelle compagnie (Compagnie des Indes Occidentales en 1664). En 1670, le roi encourage la traite négrière en exonérant les particuliers pour le transport « des nègres de la cote de Guinée aux isles d’Amérique ». 44 Deux années plus tard, en 1672, cette exonération est portée à 10 livres par « tête de noir qui sera passée de la Cote de Guinée aux Isles.» Mais, en 1674 le rattachement direct des colonies à la couronne de France provoque la réorientation de la gestion de celle–ci et une liberté de fait accordée à tout sujet du roi en matière de commerce colonial. 26 - C’est la raison d’état qui justifie la prise en main de la question coloniale par les services compétents du gouvernement royal, en l’occurrence la marine 5. Colbert, ministre de la marine, chargé des colonies installe deux commissions dont l’objectif était de trouver les meilleures solutions à appliquer aux colonies précisément en matière de travail, d’esclavage en somme. Les de Blénac, Begon66... entre autres se mettent à la tâche et en mars 1685, le roi Louis XIV 4. Par arrêt du Conseil d’Etat daté du 26 aout 1670, une exonération de 5% par tête de nègre est accordée à tous ceux qui assurent ce commerce des cotes africaines aux Amériques. 5. Devant les abus constatés lors de ce premier âge de la traite française, Louis XIV décide que « nul vaisseau ne pourra aller à l’Amérique qu’en vertu d’un passe – port de la Cour ». cf. Annick Le Douget, Juges, Esclaves et Nègres en Basse-Bretagne, -1750-1850, Ed. compte auteur, 2000, Spezet (France), p. 79 En janvier 1716 et avril 1717, des « lettres–patentes » sont accordées à quelques villes portuaires en vue d’un libre commerce avec les colonies : ce furent d’abord Nantes, Bordeaux, Rouen et La Rochelle puis l’année suivante, Brest et Morlaix. 6. Le premier mémoire, daté du 20 mai 1682, est signé par l'intendant Jean-Baptiste Patoulet, et approuvé par Charles de Courbon, comte de Blénac. Le deuxième, daté du 13 février 1683 est signé par son successeur, l'intendant Michel Bégon.


peut rendre un édit en conseil concernant, « la discipline, l’état et la qualité des nègres esclaves aux Isles d’Amérique ». Le Code Noir est édité et en soixante articles règle le sort des esclaves des colonies françaises. Sous l’angle institutionnel, la destinée physique, symbolique et affective, selon Louis Sala-Molins, de toutes personnes de couleur est scellée. Nous sommes à l’étape de la consécration du système social basé sur la discrimination par la couleur, et par extension à des représentations ultérieures, par la race. II / Des considérations de toute nature inspirées par l’expérience coloniale concrète 27 - Selon diverses considérations l’on tentera alors de justifier cette acquisition du processus colonial moderne. Des environnementalistes et naturalistes ne pourront pas voiler les préjugés qui fondent ce type de représentation. Mgr le Duc de Ponthièvre, Louis Jean - Marie de Bourbon, Amiral de France en 1762, justifiait en ces termes le choix porté sur les Afriquains : « La chaleur de ces climats, la température du nôtre ne permettaient pas aux Français un travail aussi pénible que le défrichement des terres incultes de ces pays brûlants; il fallait y suppléer par des hommes accoutumés à l’ardeur du soleil et à la fatigue la plus extraordinaire. De là, l’implantation des nègres d’Afrique dans nos colonies.» L’argument de l’infériorité des noirs d’Afrique, sans être affirmé ici ne manque pas de s’appuyer sur des considérations naturelles. Et précisément, c’est la meilleure accoutumance des noirs aux climats chauds qui est avancée par l’amiral de France afin de justifier leur implantation « dans nos colonies ». Pourquoi fallait–il alors que cette implantation soit imposée, que pendant plus de trois siècles des navires négriers sillonnent l’océan Atlantique avec leur funestes cargaisons de bois d’ébène ? L’esclavage des nègres c’est une nécessité, telle semble être l’opinion commune à la vielle de la Révolution Française. 28 - Mais au – delà de ce discours speudo–scientifique l’humiliation reste le moteur qui supporte la domination esclavagiste. Une décision du ministre de la marine en 1766 éclaire davantage l’hypocrisie


de considérations environnementalistes : « Il importe au bon ordre, de ne pas affaiblir l’état d’humiliation attaché à l’espèce noire dans quelque degré qu’elle se trouve»7. Par la voie d’une de ses plus hautes autorités le gouvernement de la France réaffirme sa volonté, son attachement délibéré à la discrimination liée à la couleur de la peau. Toutefois, il y a lieu de reconnaitre que « ces nègres esclaves font fleurir notre commerce et notre navigation de manière à exciter la jalousie et l’envie des Anglais », écrivait le procureur du roi Valin à l’amirauté de La Rochelle en 17768.8 En somme, la discrimination gomme l’intérêt égoïste des nations européennes qui se fonde sur la supériorité de « l’espèce blanche ». Cette dernière discrimination se justifie par la suprématie qu’exerce la « vision de la civilisation occidentale » sur l’environnement naturel et social. 29 - C’est Granier de Cassagnac qui affirme que, «… l’esclavage adouci comme il l’est par la religion et par les moeurs, qui se borne en général à un patronage, à une tutelle, a pour effet certain, infaillible, d’amener avec l’aide du temps la population africaine à peu près entière à la vie civilisée. Si bien qu’un nombre considérable de créatures humaines qui, restées en Afrique y auraient vécu et y seraient mortes dans l’idolâtrie et dans la barbarie se seront trouvées introduites par la servitude à la vie morale et intelligente du Christianisme».9 30 - En France, la défense faite par déclaration royale à « tout Noir ou Mulâtre de rentrer dans le Royaume » 10, constitue une offensive raciste notoire. Des « dépôts de Nègres » sont mis en place afin de nettoyer les villes portuaires après que la maréchaussée ait vidé les rues des agglomérations de leurs encombrants personnages11.11 En fait, il s’agit d’arrêter tous les hommes de couleur non libres ainsi que ceux de couleur libres n’ayant pas de passeport (billet portant le nom, l’âge ..etc). Ceux qui étaient mariés à une Blanche pouvaient échapper à l’arrestation si leur union était déclarée chez un notaire. Sur les navires en rade, le procureur du roi, accompagné d’un huissier et d’un cavalier de la maréchaussée perquisitionnait en distribuant de fortes amendes aux capitaines qui cherchaient à cacher les Nègres à bord. Au sous – sol de la 7. In Germain Saint – Ruf, L’Epopée Delgres, 2e éd., Ed. L’Harmattan, Paris, 1977, p. 19 8. Op. cit, A. Le Douget, p. 79 9. Idem, p.19 ; … l’auteur indique que la présente fut affichée sur les murs de Paris 10. Op. cit, Annick Le Douget, p.45 11. Idem…A l’exemple de Brest dont le dépôt servait à Morlaix, Quimper et Saint – Brieuc


forteresse de Brest qui servait de « dépôt » dans cette ville, il y avait deux salles réservées aux Nègres. Elles pouvaient contenir chacune 20 à 30 personnes, mais l’une était réservée aux hommes et garçons et l’autre aux femmes et fillettes. Les conditions matérielles étaient relativement bonnes quand on connaît le sort réservé à ces mêmes individus dans les colonies(lit, matelas, traversin, drap…, une nourriture comprenant de la viande, trois promenades par semaine…tout cela aux frais du propriétaire) 12. Enfin, le réembarquement se faisait la veille de l’appareillage sous le contrôle du capitaine et sans aucune considération sur la colonie d’origine du Nègre13. Les maitres voyaient d’un très mauvais oeil le retour des libres de couleur et préféraient que la mesure s’appliquait aux hommes de couleur non libres uniquement. 31 - Concernant la pérennisation de la situation de ceux qui trouvaient un conjoint il fut décidé non seulement de ne plus tolérer le mariage entre Noirs et Blanches (1778), mais d’interdire que les Noirs portent une épée, un couteau et que les curés et notaires ne les nomment ni sieur, ni dames. Le sieur Devaisse, rédacteur de ces règlements précise que les derniers « Noirs de nos colonies ne pourront jamais acquérir domicile en France », selon le principe qui veut que l’ « On ne peut réclamer ici la faveur de la liberté ni les maximes qui la regardent comme attachée à l’air que l’on respire dans le royaume » 14. Rappelés en 1788 par le ministre de la marine, ces textes s’appliquant aux hommes de couleur séjournant en France resteront en vigueur jusqu’aux décrets de 1792 qui affirment que « Tout individu est libre aussitôt qu’il est en France ». 32 - Dans l’océan indien, la rigueur raciste n’est pas moins affirmé et vigoureusement soutenue. En 1769, le nouveau « gouverneur général de l’Isle de France et de Bourbon » (l’ile Maurice et l’ile de la Réunion), Dresnay des Roches, trouve que les noirs de Madagascar « sont mous, paresseux, inaptes, sujets à aller marron et peu ou point propres à la population… Il est de l’intérêt de la colonie que ces mêmes noirs soient excités au travail par l’exemple d’une autre espèce de nègre : 12. Toutes ces informations nous viennent de l’étude de A. Le Douget, op. cit, p.45-5 13. Idem ; en 1780, quatre Nègres et Mulâtres sont refoulés vers la Martinique alors que l’un d’entre eux venait de la Guadeloupe, un autre de Madagascar et que l’on ignorait totalement la provenance des deux autres. 14. Ibidem, p.54


ceux de la cote de l’Angola sont connus pour etre bons cultivateurs, adroits, et les femmes aussi fécondes que portées au travail » 15. 33 - Mais, son principal souci étant le marronnage il rédige des règlements qui seront enregistrés par le roi. Des compagnies d’hommes de couleur libres (mulâtres et nègres) sont lancées à la course dans les forêts contre les marrons. Il leur est proposé « une gratification qui peut être fixée à 50 ou 60 livres par tête de nègre qu’ils arrêteront.» Fier de son oeuvre, cet être parvenu au comble du plus profond mépris que l’on puisse nourrir pour un homme, fut – il esclave, écrit au ministre : « J’ai pris sur moi d’exiger de chaque esclave pour sa liberté un noir marron fugitif depuis plus an.» Avec l’aval de son ministre il peut constater qu’il ne reste que « quinze nègres marrons » en 177016. Vouant une curieuse admiration à la rigueur judiciaire il n’hésite pas à se prononcer contre la modération qu’il trouve chez l’intendant à propos d’une affaire mettant en cause un noir : « Je ne peux convenir avec vous que les lois soient les mêmes pour l’esclave et pour l’homme libre. La multitude des uns, et leur intérêt naturel à se défaire des autres obligent à une rigueur peut – être injuste mais malheureusement nécessaire ». 34 - La Révolution Française se montrera particulièrement hésitante dans les premiers temps, concernant la question de l’esclavage. Entre 1792 et 1794, elle fera montre d’un anti–esclavagisme délibérément teinté d’opportunisme. En mai 1791, l’Assemblée Nationale qui a décidé de laisser à la discrétion des assemblées locales les demandes de législation concernant la situation des personnes non–libres, précise sa position : « L’Assemblée Nationale a pu prendre cet engagement parce qu’il ne s’agissait que d’individus d’une nation étrangère qui par leur profonde ignorance, les malheurs de leur expatriation, la considération de leur propre intérêt, l’impérieuse loi de la nécessité, ne peuvent espérer que du temps, du progrès de l’esprit public et des lumières, un changement de condition qui, dans l’état actuel des choses serait contraire au bien général et pourrait leur devenir également funeste… »17 35 - Devant le mécontentement des Blancs notamment de Saint–Domingue, 15. Op.cit, A. Le Douget, p. 155-156 16. Op. cité, A. Le Douget, p.155-156 17. A. Lacour, La Guadeloupe, T II


Barnave indique : « En raison de l’effrayante disproportion qui existe entre le nombre des Blancs (33.000) et celui des esclaves (450.000), il faut pour contenir ceux–ci que le moyen moral vienne à l’appui de la faiblesse des moyens physiques. Ce moyen moral est dans l’opinion que met une distance immense entre l’homme noir et l’homme blanc. C’est dans cette opinion qu’est le maintien du régime des colonies et la base de leur tranquillité. Du moment que le Nègre pourra croire qu’il est l’égal du Blanc, il devient impossible de calculer l’effet de ce jugement d’opinion. Ce sont les préjugés qui sont la sauvegarde de l’existence des Blancs dans les colonies… »18 36 - B. Gouly, député de l’Isle de France (Ile Maurice) à la tribune de l’assemblée s’écrit : « … Français, quoique vous puissiez faire, vous ne l’élèverez jamais jusqu’à vous, cet homme noir. Les hommes naissent libres et égaux en droits ; cependant l’inégalité physique et morale existe partout et partout le faible se soumet de lui–même au plus fort. Cette égalité de droits… ne peut être sentie par les peuples qui n’obéissent qu’à la force… Aussi, l’homme brut touche - t –il de très près à l’orang–outang dans ses habitudes et dans ses gouts. Tel est le peuple nègre de l’Afrique… »19 37 - Concernant l’opinion généralement admise en cette fin du XVIII ème siècle, Annick Le Douget met à notre connaissance un document des archives du Finistère qui s’intitule, De l’influence des lois civiles sur notre conscience, réflexions sur l’esclavage, d’un anonyme quimpérois, dont la philosophie en matière d’esclavage ne manque de surprendre. « Les esclaves sont égaux entre eux, comme zéro est égal à zéro, c’est–à–dire que dans leur égalité ils n’ont plus aucun droit.» Et, voilà que l’on ne peut être « injuste par rapport à un homme qui n’a aucun droit.» Garantissant ses conseils aux maitres l’anonyme de Quimper propose, « il faudra leur faire aimer l’esclavage. Mais, le titre d’esclave lui même est si odieux que, quelque avantageuse soit la condition de l’esclave, il ne pourra jamais l’aimer s’il sent qu’il est esclave… Sans diminuer la pesanteur de leurs chaines, il leur fera croire qu’ils ont une ombre de liberté. Le moyen le plus court pour y parvenir c’est de les tromper par un fantôme de propriété. » 18. Cité par V. Schoelcher 19. Idem, Op. cité, A. Le Douget, p. 55


Avant de conclure, « lorsque le maître n’a en vue que de resserrer les noeuds de l’esclave, l’esclave imbécile croira acquérir une certaine propriété, parce qu’au lieu d’acquérir le droit de servir toujours, il s’imagine acquérir celui de jouir toujours. »20 38 - La fin du XVIIIe siècle voit s’affirmer dans les colonies une aristocratie créole fondée sur le privilège de la couleur. Une aristocratie créole, qui selon Gaston–Martin, n’est « pas moins entichée de ses privilèges que celle de la métropole, plus arrogante parce qu’elle ajoute à de communs mépris de caste, un mépris de race plus exclusif encore : toute contamination de sang y est tenu pour une tare irrémédiable.» 21 Cette aristocratie créole ne s’en tenait pas à l’exploitation de la force de travail des esclaves venus d’Afrique, mais elle pratiquait elle – même la traite, soit dans le cadre, dirait-on aujourd’hui de la sous – traitance de marchandises de traite 22, soit en faisant directement la traite elle – même.2323 - Malgré ces positions radicales, la Constituante accorde par le décret du 4 avril 1792 l’égalité aux hommes de couleur libres. Il ne faut certainement pas négliger la capacité d’influence des libres de couleur présents sur le sol Français notamment à Bordeaux où ils sont plus d’un millier. III / Bonaparte et les nègres 39 - Le retour du contre – amiral Lacrosse en Guadeloupe au début de l’année 1801 marque une offensive brutale de l’administration coloniale contre les hommes de couleur. Des arrestations, emprisonnements et pendaisons se multiplient provoquant la brutale réprobation de certains officiers de couleur. Au mois d’octobre 1801, on assiste à un véritable « coup d’Etat » mené par Ignace qui emprisonne le représentant du gouvernement. Dès lors dans toutes les catégories sociales s’affirment des solidarité au mouvement, ce qui conduit à la mise en place d’un « Gouvernement provisoire » avec à sa tête Magloire Pelage, un mulâtre, le plus gradé des militaires. Va – t –on assister à un dépassement historique de la discrimination par la couleur dans cette colonie ? 20. Idem, p.155-156 21. Op. cité, Germain Saint – Ruf, p.21-22 , selon Gaston – Martin, Histoire de l’esclavage dans les colonies françaises, Paris, 1948 22. Vers 1753-1754, « quelques caboteurs des iles de la Martinique et de Saint – Domingue portent parfois ici (en Louisiane, s p nous)) des nègres qu’ils achètent à bord de négriers qui se trouvent en vente dans l’une et l’autre de ces iles » in A. Le Gouget, p. 150, qui reprend le gouverneur de la Louisiane, Louis Billoart de Kerlérec (1704-1770) 23. Notamment au cours de la période révolutionnaire, à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècle


40 – Le 6 mai 1802, c’est le débarquement de la flotte de près de 4.000 hommes commandée par le général Richepanse, venu rétablir l’esclavage en Guadeloupe. Le système est officiellement remis en place, le 16 juillet 1802. La période bonapartiste se distingue selon Germain St Ruf, « …avec des insultes et des humiliations qui sentaient bon le plus pur racisme ». 24 Le ministre de la marine du consulat, Decrès rapporte en des termes particulièrement choquant après les premières plaintes de Lacrosse : « Je suis trop Français pour être cosmopolite et de même que Sparte et des Ilotes, je veux des esclaves dans nos colonies. La liberté est un aliment pour lequel l’estomac des nègres n’est pas encore préparé ; je crois qu’il faut saisir toutes les occasions pour leur rendre la nourriture naturelle, sauf les assaisonnements que commandent la justice et l’humanité.» 25 Dans la suite du rapport il ajoute : « J’abonde donc dans le sens du Contre Amiral Lacrosse, je crois qu’il faut envoyer une force considérable à la Guadeloupe non pour la réduire à ce qu’elle était, mais à ce qu’elle doit être.» 26 En France, plusieurs textes réitèrent la volonté du gouvernement de ne pas voir se développer une présence de couleur sur le territoire métropolitain. L’arrêté consulaire du 02 juillet1802 interdit le sol de France aux hommes de couleur. Le ministère de la justice renouvelle l’interdiction de mariage entre homme de couleur et Blanches. Le conseiller d’état, Réal demande aux préfets de rechercher les hommes de couleur qui se seraient dérobés à la loi en s’installant frauduleusement dans les villes ou autres de la métropole. 41 - Un peu plus tard, sous la Restauration, la qualité de meuble de l’esclave n’échappe pas à la Cour Royale de Rennes, qui en 1828 déclare : « L’ancien propriétaire de nègres placés à Saint – Domingue sur une habitation appartenant à un tiers ne peut pas, à raison de son droit de propriété sur ces nègres, réclamer une part dans l’indemnité ; les nègres étant meubles par rapport à lui, il n’a droit à aucune indemnité.». 27 24. Op. cit, Germain St Ruf, L’épopée Delgres, p.95 25. Idem, p.89, cf. également pour partie Roland Anduse, J. Ignace, Le premier rebelle, Ed. Jasor, 1989, PàP, p. 203210 26. Ibidem 27. Arrêt du 26 mai 1828, 2ème chambre , Recueil des arrêts de la Cour Roya le de Rennes de 1800 à 1835… in Op.


IV / Les derniers négriers 41 - Le capitaine négrier Edouard Corbière de Morlaix 28 (début du XIXème siècle) avoue qu’il éprouve un « attrait irrésistible » pour la traite. Il affirme : « Crois–tu que ce ne soit pas quelque chose de délicieux que de se montrer avec supériorité au milieu d’une peuplade de nègres qui vous regardent comme un homme d’une nature extraordinaire, qui vous admirent comme un être miraculeux ? (…) …L’idée que j’allais choisir dans cette multitude trois ou quatre cents esclaves me repoussait moins que la puissance que j’allais exercer sur tout ce monde ne me séduisait (…) …on ne me regarde jamais avec mépris, peut–être effroi ou étonnement ! » 29 Selon ce négrier ses collègues considéraient les esclaves « comme une marchandise qu’ils ne veulent pas avarier, mais non pas comme un des hommes qu’ils plaignent. Jamais, il n’est entré dans l’idée d’un marin négrier qu’un Noir fut de la même espèce que lui ! »30 Ces opinions sont donc banales aux yeux de la grande majorité des hommes du début du XIXème siècle. 42 - A la fin du XIXème siècle un descendant du négrier Guillaume Angenard (1790-1833), son arrière – neveu Delaunay, publie dans les Annales de Bretagne (T VI, 1890-1891) le Mémoire de son illustre prédécesseur. Le commentaire de Delaunay est riche de signification : « Les hommes de ces générations ne manquaient pas de se révolter contre quiconque tentait de soutenir devant eux qu’un nègre était leur égal, leur frère. L’éducation et l’habitude avaient produit dans leur âme une sorte d’irresponsabilité par impuissance de conscience qui doit empêcher l’histoire de la condamner.»

cit, A. Le Douget, p. 156 et note infra. page 200 28. Op. cit., A. Le Douget, p.99. L’auteur a extrait les lignes suivantes de, La mer et les marins, livre que l’on doit au négrier Corbière 29. Idem, page 99 30. Ibidem, p. 145


Conclusion 43 - L’expérience française, après un peu plus d’un siècle et demi de colonisation dans la Caraïbe et ailleurs, se fonde sur un héritage hispano portugais, sur une institutionnalisation des rapports de discrimination par la couleur, enfin sur une imprégnation profondément raciale de l’organisation générale des colonies. Esclavage et/ou racisme constituent le socle du système social dans toutes les colonies. Mais, au – delà de la sphère économico–sociale la « réification » selon laquelle (chez les maîtres d’esclaves), Ténèbre = noir = Africain = Nègres, Lumière = blanc = Européen = Maîtres, nous fait dire que « notre tendance (chez l’homme) à transformer les concepts abstraits en entités »31 est une source inépuisable d’illusions transmissibles. 32 44 - La Révolution Française, peut–être parce qu’opportuniste, ne vaincra pas tous les obstacles dressés sur la voie d’une égalité réellement affirmée, mais loin d’être partagée, par les protagonistes du système esclavagiste. Bonaparte ne fait que satisfaire les appétits de la classe des maîtres et celle des négociants en rétablissant l’esclavage des nègres. La IIème République, par ses actes de 1848 et 1849, abolissant pour la deuxième fois l’esclavage, n’est pas en mesure de s’affranchir de l’idéologie bourgeoise, à savoir la primauté des intérêts de la métropole dominante et par la même, de ses plus fidèles représentants, les anciens maître, au dépens des nouveaux libres, quoique citoyens.

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31. Stéphan Gay – Gould… 32. À propos de l’abolition de 1848, Victor Schoelcher parle des « illusions dépassées »…de la « régénération » proposée…


Trois événements au « contenu raciste » au XXème siècle - L’affaire DIEDERICHS (19-20 octobre 1945) - L’affaire SNRSKY (19-20 mars 1967) - Négociations ouvrières / Mai 67 à Pointe – à – Pitre (26-27 mai 1967) A – L’affaire Diederichs Dans la nuit du 19 au 20 octobre 1945, le bar Les Tulipes Rouges, sur la Place de la Victoire, est dévasté et son propriétaire pourchassé et lynché. A l’origine de cet incident, le mépris affiché par le propriétaire du bar à l’encontre d’un SDF, à qui il administre un « coup de pied ». *** 2 - Le 20 mars 1967 à Basse–Terre Les 20 et 21 mars 1967 le dénommé Snrsky, d’origine tchécoslovaque, propriétaire du magasin Sans Pareil lâche son chien contre un ferreur de chaussures, du nom de Balzinc, en lui disant : « Va dire bonjour au Nègre ! » C’est l’émeute à Basse–Terre. *** 3 – Les 26 et 27 mai 1967 à Pointe à Pitre Les négociations paritaires qui ont lieu à la Chambre de commerce de Pointe à Pitre, le vendredi 26 mai, sont interrompues suite à l’annonce par un responsable de la délégation ouvrière que M. Brizard, président du patronat, aurait déclaré : « Quand les Nègres auront faim, ils reprendront le travail ! » C’est l’émeute ! Les CRS et Gendarmes mobiles vont réprimer militairement ces révoltes.


Nonm jodi sé yè a nonm dèmen. Les hommes du présent sont le passé de ceux à venir.


Conversion ! Non ! Nègre, je fus, Nègre je reste, Jusqu’à me consumer. Ni Créole, ni Français, ni Européen, Je ne suis. Mes cendres se dissoudront dans l’univers Que je leur engendrerai, A ma mort. De l’aube nouvelle, Fleurira sur le terreau De mes souffrances vaincues, L’être que j’aurai construit. Nègre, je fus, Nègre je reste, Jusqu’à me consumer. Ni Créole, ni Français, ni Européen, Je ne suis. Des turbulences du vent, Des feux ardents de mon étoile, Mon nid se réchauffera Pour faire renaître la vie. Je goûterai alors de sa saveur immortelle. Nègre, je fus, Nègre je reste, Jusqu’à me consumer. Ni Créole, ni Français, ni Européen, Je ne suis. Raymond GAMA (19/02/1998)


Konvèwsyon ! Non misyé ! Nèg an té , Nèg an yé, Jiskatan an fin Épi sa. Kréyòl, Fwansé, Éwopéyen ! Pon yonn misyé. Anba latè sé tibèt. Konba dèyè poko mannyé. Sann a chabon ka sèvi, Pou roté kras A anba dra Ki ba-y plézi, Menné soufwans Pou rouvè zyé zanfan. Nèg an té , Nèg an yé, Jiskatan an fin Épi sa. Kréyòl, Fwansé, Ewopéyen ! Pon yonn misyé. Siklonn ké roulé mwen. Difé a kò an mwen Ké chofé kè an mwen, On dòt nonm ké pousé. An ka roulé, an ka roulé, an ka roulé, Mwen menm, bwa wouvè ! Syèl ! Tann ! ! ! Nèg an té , Nèg an yé, Jiskatan an fin Épi sa. Kréyòl, Fwansé, Ewopéyen ! Pon yonn misyé. Raymond GAMA (19/02/1998)


De l’émergence d’une conscience politique authentiquement guadeloupéenne L’insurrection d’Octobre 1801 en Guadeloupe (faits, conséquences et portée) Mouvman NONM (octobre 2006)

* Préambule Le samedi 21 octobre 1801 dans l’après-midi, le chef de la colonie résidant à Basse – Terre, Hôtel du Gouvernement, Place du Champ d’Arbaud, apprenait que la garnison du premier port civil et militaire de la Guadeloupe et dépendances, alors à ce moment là dénommé Port la Liberté (appellation révolutionnaire supplantant la désignation Pointe–à–Pitre), était entrée en rébellion ouverte contre l’autorité militaire exercée par le chef d’état–major Souliers. Ce soulèvement venant du corps des officiers, dits de couleur, et gagnant l’adhésion du peuple pointois puis des communes avoisinantes, le pouvoir colonial prit d’urgence des mesures répressives pour l’endiguer et le réduire sans tarder. Le contre – amiral Lacrosse décida dès le dimanche 22 de grand matin de mobiliser un fort contingent de troupes, d’artillerie, et de marcher sur la ville rebelle, après avoir fait incarcérer nombre de suspects susceptibles de faire propager l’agitation dans le chef – lieu. Les faits, qui découlèrent de la stratégie déployée par le contre – amiral pour forcer à l’échec l’entreprise apparemment téméraire de la garnison pointoise, sont édifiants tant par leur improvisation initiale que par la personnalité et le rôle des acteurs que met en exergue leur chronologie. Le


coup d’audace des insurgés du 24 octobre consacrant leur prise du pouvoir et la mise en place d’un Gouvernement Provisoire, à la tête duquel fut placé le plus haut gradé des officiers dits de couleur, avec le titre de commandant en chef de l’armée de la Guadeloupe, ne peuvent que susciter un pertinent questionnement : quelles furent les motivations profondes des uns et des autres, et les finalités de leur engagement collectif et individuel ? Le contexte politico – militaire et l’autorité coloniale Le contre – amiral Lacrosse, nommé capitaine – général par la volonté du Ier Consul Bonaparte suivant les directives du décret du 19 avril 1801 réorganisant le pouvoir colonial en Guadeloupe, avait pris ses fonctions dans l’île au lendemain de son arrivée le 29 mai 1801 en rade de Port la Liberté. Mais, qu’était devenu ce pays qu’à nouveau, neuf ans plus tard, il foulait le sol et où le décret du 4 février 1794 abolissant le régime esclavagiste était en vigueur ? Beaucoup de ceux qui, le 29 mai 1801 étaient venus l’accueillir dans la rade de Port la Liberté avaient bien en mémoire le visage du lieutenant de vaisseau conventionnel exalté, exhibant fièrement à la pointe du mât de son navire (La Félicité) le bonnet phrygien d’un rouge éclatant. Ils revoyaient avec exaltation le protecteur des gens dits de couleur, celui qui avait fait planter dans tout le pays quantité d’arbres de la liberté, le pourfendeur du parti royaliste, du parti des planteurs, le propagandiste des idées et du parti de la régénération. Donc, son retour au pays, investi de l’autorité coloniale suprême inspirait, en premier lieu, une grande espérance à toute cette multitude pointoise. Mais, en neuf ans la Guadeloupe s’était transformée à tout point de vue. Elle avait connu divers gouvernements. Victor Hugues avait mis en application le décret d’abolition de l’esclavage de1794 et instauré un régime révolutionnaire en particulier grâce à l’intrépidité des nouvelles forces armées, notamment des corsaires bravant le blocus anglais. L’activité commerciale avait pris de l’ampleur. La Guadeloupe était devenue une terre de liberté et devenant une terre d’accueil avait acquis du rayonnement dans toute la Caraïbe. L’opulence y était visible avec l’essor de la production agricole et industrielle. Toutefois, l’éviction du pouvoir de Victor Hugues et la prise de fonction de Desfourneaux à la fin de l’année 1798 dans l’équivoque puis sa mise à l’écart suite au coup d’état fomenté par les généraux Pélardy et Paris en janvier


1799, avaient déjà sensiblement dégradé le prestige de l’autorité coloniale. Cette dégradation de l’influence de l’autorité coloniale ira en s’accentuant avec la prise de fonction du triumvirat des commissaires Jeannet, Laveaux et Baco nommés par le Directoire. Décrédibilisé par des querelles intestines et les rivalités entre commissaires, ce triumvirat ne parvint pas à rétablir le prestige de cette autorité exogène qu’est le pouvoir colonial instauré dans un bain de sang sur le sol guadeloupéen par le sieur De l’Olive. D’une part, les hommes dits de couleur qui avaient été attentifs aux discours libertaires de Laveaux, n’ayant pas applaudi à son arrestation, renforcèrent leur méfiance et hostilité vis-à-vis des comploteurs Jeannet et Baco. Ces derniers usaient de leur investiture pour tout mettre en oeuvre afin que la force armée se cantonnât dans une stricte discipline sans pour autant assurer l’ordre public. De là, régnait un climat d’insécurité qui visiblement gagna la société guadeloupéenne dans son ensemble. D’autre part, au cours de cette même période, l’influence des idées révolutionnaires venues de Saint–Domingue propagées par une forte émigration partant de cette colonie vers les autres îles de la Caraïbe, trouvait parmi la population noire un terrain propice à leur épanouissement. C’est ce dernier constat qu’en quatre mois et demi de fonction avait dû faire Lacrosse avant de prendre la décision de mâter la rébellion de la garnison du Port La Liberté. Car avant de se mettre en mouvement offensif contre la ville insurgée et battre la campagne jusqu’à Capesterre, Lacrosse au petit jour ce dimanche 22 octobre, s’assurera que ses arrières militaires en Basse – Terre étaient relativement sous contrôle. Il avait pris soin de mettre en captivité de turbulents révolutionnaires sur certains navires mouillant dans la rade du chef – lieu. Les causes et déroulement de la rébellion a) Les causes immédiates Le 20 octobre avisé par un repenti transfuge, le lieutenant Augier, d’un complot ourdi par un soi – disant groupe d’officiers dits de couleur, le chef d’état – major Souliers prend la décision de procéder « préventivement » à l’arrestation des meneurs dont les principaux auraient été des officiers tels Joseph Ignace, Gédéon, Lecoeur, Caillou, Escadrillon, Lebreton, Danois, Montoux, Villette, Crougier et Troquereau. Le 21 dès 9 heures il opère l’arrestation de Gédéon, mais ne peut se saisir de la personne de Joseph


Ignace. Ce dernier officier, prévenu qu’il est recherché, ameute la troupe quant à la traque dont il serait l’objet. Il s’active à obtenir l’appui des officiers dits de couleur de la garnison pointoise. Et, à son tour, il se met en oeuvre d’arrêter ceux qui le poursuivaient. La ville marchande et militaire, ce samedi 21 octobre, est bondée de vendeurs de toutes les contrées, de cultivateurs et autres citoyens venus s’y approvisionner ou s’enquérir des dernières nouvelles administratives promulguées par le récent capitaine - général. Bientôt toute la multitude pointoise prend fait et cause pour les insurgés. Curieusement le commandant militaire de l’arrondissement de la Grande – Terre Magloire Pélage, ignorant totalement semble – t – il les tenants et aboutissants des menées subversives en cours mettant en émoi la ville, en prend la mesure seulement quand le chef d’état – major Souliers, lui ayant demandé de se rendre chez lui pour concertation, l’en informe. Le chef d’état – major pense qu’il est de mèche avec les instigateurs ci – dessus désignés. Il tente de l’arrêter sur le champ. Mais, faisant valoir sa fonction de supérieur hiérarchique, tout en méprisant les velléités de Souliers de procéder à son arrestation, Magloire Pélage dès cet instant va prendre conscience de l’imminence de l’explosion meurtrière que s’apprête à connaître la ville. Il décide courageusement de s’interposer en pacificateur entre les factions rivales et s’emploie à « éviter le bain de sang », dit – il. Car, l’affrontement entre soldats noirs de la garnison et troupe blanche de la garde nationale était à deux doigts, ce 21 octobre, d’éclater. Cependant, il ne peut empêcher les insurgés de prendre le dessus, d’arrêter le chef d’état – major Souliers, le commissaire du gouvernement Régis Leblanc et le lieutenant de justice et police Bourée. Déjà le Fort de la Victoire était devenu le lieu de séquestration pour les blancs surpris par les émeutiers dans les rues de la ville. La tension ira en s’amplifiant après le saccage de la résidence du lieutenant de justice et police, et la saisie de documents émanant du capitaine – général Lacrosse révélant sa décision de déporter les proscrits en exil à Madagascar. L’effervescence vint à s’apaiser vers la fin de l’après – midi. Magloire Pélage, payant de sa personne, parvint à obtenir que la troupe regagnât ses quartiers. Mais, au regard de tous, laudateurs comme détracteurs, il avait pris une part active à la maîtrise du soulèvement. A son initiative s’était tenue une assemblée de 240 notables de la ville, à la maison commune sur les 17 heures, à l’issue de laquelle fut désigné un Conseil de Sages composé de citoyens Frasans avoué, Danois et Courtois négociants, Delort docteur – médecin et Pénicaut notaire. Ces deux derniers nommés faisant fonction de secrétaires. Magloire Pélage avait en charge de


diriger ce conseil. Son premier acte d’autorité assumée réside dans la proclamation publiée le 21 octobre. Les deux premiers paragraphes de cette proclamation ne permettent pas de douter qu’il s’élevait avec force contre l’arbitraire de Lacrosse et justifiait l’arrestation des chefs « chargés d’exécuter des ordres injustes ». b) Le déroulement de la rébellion De toute évidence cette première journée d’émeute s’était soldée par une sérieuse entaille faite à l’autorité de Lacrosse. Il l’avait bien comprise et sa décision de briser la révolte dans l’oeuf ne souffrait aucune ambiguïté de sa part. Mais, les informations qu’il reçut le 22 à Capesterre, alors qu’il forçait le pas pour fondre sur Port la Liberté devenue cité rebelle et expliquant autrement le rôle pacificateur joué par Pélage à l’occasion du soulèvement, l’amenèrent à retarder l’attaque brutale projetée pour mettre au pas la garnison subversive. Se donnant un temps de réflexion à Petit – Bourg, il intime à Pélage l’ordre de venir en ce lieu conférer avec lui seul, lui reconnaissant sa qualité de commandant de l’arrondissement de la Grande – Terre. Méconnaissant volontairement les rôles dévolus aux commissaires civils nommés le 21, il leur fit simplement savoir sa décision de rencontrer le chef de brigade Pélage, dans son campement installé à Petit – Bourg en vue de préciser les moyens de ramener l’ordre dans la colonie. Mais, l’entretien prévu à Petit – Bourg le 22 n’a pas lieu. L’unique raison de cette annulation s’explique par l’opposition que les chefs des insurgés du 21 signifièrent au conseil des commissaires et à Pélage, car hostiles à tout accommodement avec Lacrosse. Pélage se résolut à différer sa rencontre avec le chef de la colonie en lui proposant de la tenir au passage de la Gabare. A l’issue de cette dernière, Pélage, confiant de concourir à un apaisement des esprits en prise à l’excitation, invitait Lacrosse à se rendre ensemble à Port la Liberté. Le capitaine – général, de nouveau acquiesça à la demande du chef de brigade et fixe le rendez – vous pour le 23 à 10 heures. L’entrevue Pélage – Lacrosse pour la deuxième fois devait être reportée car les chefs insurrectionnels n’entendaient point permettre à Lacrosse de reprendre l’initiative et d’imposer son diktat. Pélage leur apparaissait le maillon faible dans l’enchaînement des étapes de sape de l’autorité du capitaine - général. Pour le contraindre à mieux faire cause commune avec eux ce 23 octobre avant qu’il puisse se rendre au rendez – vous de la gabarre, ils lui imposèrent de prendre le titre de général en chef de l’armée de la Guadeloupe. En outre, ils exigèrent


dorénavant de le voir résider au Fort de la Victoire parmi les militaires. Puis, pour que tout équivoque soit levé les insurgés annoncèrent sans ambages qu’il devenait impérieux de se saisir de la personne de Lacrosse afin de l’expulser de la colonie. Alors ils investissent Pélage de la mission de conduire les troupes pour attaquer le camp de Petit – Bourg. Il s’y résolut malgré lui à conduire les opérations contre le chef de la colonie. En usant d’une ruse tactique de marche et contre – marche plus déroutante pour les insurgés impatients d’en découdre avec Lacrosse exposé dans sa position ouverte de Petit – Bourg, Pélage parvint à se laisser surprendre par la tombée de la nuit sans en inquiéter outre – mesure le petit détachement dont disposait le capitane - général. Et même, il l’informa ne pas être en mesure de se rendre à leur point de rendez – vous au passage de la Gabare. Il reporta néanmoins cette rencontre pour le lendemain 24 en pleine mer dans le Petit Cul de Sac Marin. Lacrosse encore une fois accepta cette proposition fort peu alléchante. Difficile de comprendre pourquoi Lacrosse s’accrochait à l’idée d’échanger avec Pélage. Encore plus déroutant de le voir accepter une entrevue en pleine mer ce mardi 24 sans avoir la garantie que la partie adverse y serait présente. Quoiqu’il en soit le déroulement des événements qui eurent cours dans le Petit Cul de Sac Marin, mettant en présence ce mardi 24 octobre 1801, - le chef de la colonie, le contre – amiral Lacrosse, assistée de ses aides de camp dont Louis Delgrès ; - une délégation de 14 députés qui s’était dispensée de la présence de Magloire Pélage, à dessein d’afficher toute son autorité, renseigne parfaitement sur le rapport de force qui est manifestement en faveur des insurgés mobilisés pour faire entendre raison au contre – amiral Lacrosse. Car, comment comprendre que ce dernier ait pu accepter de traiter avec la délégation en l’absence de Magloire Pélage ? Aussi, édifiants sont les points d’accord qui en résultèrent. En effet, le chef de la colonie accepte, à l’issue de l’entrevue, de se rendre sans escorte dans la cité rebelle. Et pourtant l’atmosphère de la rencontre fut houleuse et par moment heurtée, discourtoise voire cinglante à l’encontre de l’ancien conventionnel de 1792. On pourrait mieux comprendre l’ambiance et les conclusions de ces pourparlers en se rappelant le comportement du


conventionnel, loué et adulé à Pointe-à-Pitre en 1793, ses motivations, les relations qu’il noua alors parmi les activistes du Parti de la Régénération, d’une part ; et aussi, en faisant la comparaison avec ce même Lacrosse revenu en 1801 en tant que capitaine – général, sa politique menée depuis quatre mois, sans aucun ménagement, ligne politique doublée d’une volonté de réprimer toutes les formes d’hostilité contre son autorité, d’autre part. Il en récolta des récriminations, des inimitiés et enfin de compte la déchéance : son renversement comme chef de la colonie et son expulsion le 6 novembre 1801. Lacrosse a – t – il fait preuve d’imprudence en se rendant à la maison commune ce mardi 24 octobre accompagné de Magloire Pélage, des commissaires du Conseil Provisoire de gouvernement ? S’était – il trompé sur la détermination des insurgés à lui ravir autorité et prestige en le jetant dans la geôle du Fort de la Victoire ce 24 octobre 1801 ? Personnage ambigu, déjà en 1793 face à la menace anglaise imminente, n’avait - il pas argué qu’il n’avait aucune compétence pour livrer un combat terrestre parce que seulement marin et qu’il lui paraissait opportun de laisser à Collot la charge de gouverner pour affronter l’invasion anglaise ? Conséquences et portée Deux événements particuliers doivent retenir notre attention après la réception musclée et agitée que connut Lacrosse à la Maison Commune du Port La Liberté. Il s’agit, 1°) De l’arrestation et de l’emprisonnement du capitaine – général au Fort la Victoire vers 16 heures par le chef de bataillon Joseph Ignace. 2°) Du ralliement au même instant de l’aide de camp Louis Delgrès à la cause de la rébellion. Ces deux faits remarquables ne manqueront point d’être à l’origine des querelles intestines qui mirent à mal la stratégie du mouvement insurrectionnel et la stabilisation de l’autorité politique nouvelle supplantant le pouvoir colonial dès le 24 octobre 1801 ; Entre l’instant heureux (après le 6 novembre 1801) qui permit à Lacrosse déchu d’échapper à la mort et de trouver asile en Dominique, d’une part, et


d’autre part, l’éviction (au mois de février 1802) du commandant de la Place de Basse – Terre, l’officier métis amérindien Massoteau, ardent partisan de l’Indépendance, il y a beaucoup de décisions prises et nombre de comportements ou faits ambigus des nouveaux chefs du gouvernement Guadeloupéen à passer au crible. Cette analyse s’avère nécessaire pour tenter de comprendre le cours néfaste que la Révolution politique et militaire du 21 au 24 octobre 1801 eut à subir. L’assassinat du nègre Alexis, un des acteurs authentiques du mouvement insurrectionnel, exécuté de sang – froid par Magloire Pélage lui – même, en février 1802 à Ducharmoy, après avoir essuyé le refus de Massoteau d’exécuter son ordre, nous conduit à nous interroger sur les intentions réelles de Pélage. Ainsi dès la fin du premier trimestre de 1802, le nouveau pouvoir détenu par Pélage assumant la conduite des affaires du Péyi Gwadloup, était en pleine déviance idéologique, stratégique et tactique. Pélage ne cessait de montrer toute sa fidélité et sa disponibilité pour servir l’autorité militaire française. Il lui quémande conseils et décisions. Visiblement, il cherche à rassurer le colonisateur et Bonaparte en personne, sur ses intentions de se ranger sous sa discipline, et de se courber devant l’autorité qu’il désignera pour faire régner l’ordre en Guadeloupe. La chronologie des événements qui ébranlèrent le pouvoir colonial entre le 21 et 24 octobre 1801 est sans conteste exceptionnelle, unique dans les annales de la Guadeloupe et de la Caraïbe. La prise du pouvoir qui en résulta par les hommes dits de couleur civils et militaires associés, l’adhésion spontanée de la population aux changements politique, militaire, administratif et judiciaire survenus, imprimèrent une dimension toute nouvelle à l’autorité politique exercée en Guadeloupe. Cette autorité politique nouvelle, conceptualisée dans le soulèvement du 21 au 24 octobre 1801, est assumée par les femmes et les fils surgis de son sol, dans l’enfer esclavagiste, en moins d’une décennie (1792 – 1801). C’est de haute lutte, dans une salutaire conscience et dans la pratique du marronnage, du refus de la domination édictée par le Code Noir de mars 1685 que cette nouvelle génération de Guadeloupéens réussit cet audacieux mouvement insurrectionnel, anti – colonialiste du 21 octobre 1801. C’est parce qu’il furent preuve d’audace, de courage et de détermination qu’ils parvinrent à doter le Péyi Gwadloup du premier et authentique gouvernement, en rupture avec l’ordre colonial établi depuis 1635, suite au massacre du peuple amérindien, notre prédécesseur sur le sol guadeloupéen.


La suite directe du 21 octobre nous mène six à sept mois plus tard, aux mois d’avril et mai 1802, lorsque deux expéditions militaires dans la Caraïbe abordent pour l’une, les côtes de la colonie de Saint – Domingue et pour l’autre les côtes de la Guadeloupe. Le 6 mai 1802, le général Richepanse envoyé de Bonaparte était accueilli au Port La Liberté par la volonté du chef du gouvernement provisoire de la Guadeloupe. Les événements qui se sont produits ce 6 mai nous ramènent aux divergences qui ont petit à petit minées les forces guadeloupéennes incapables quelques mois après octobre 1801 de faire front commun face à l’envahisseur colonialiste. Il y a lieu de retenir qu’il ne s’agit pas d’une malédiction guadeloupéenne ou nègre comme nombre d’entre nous ont été habitués à dire aujourd’hui, mais plutôt du résultat de nos divisions en trois forces ou courants : à savoir, 1 – Un courant légitimiste, avec à sa tête Magloire Pélage, désireux de remettre le plus rapidement possible le pouvoir en des « mains légitimes » ; un peu à la manière des larbins qui se mettent en action non point pour eux – mêmes mais par délégation assurant le bien de leur maître esclavagiste. Il s’agit d’une mentalité née avec l’esclavage qui consiste à faire perdurer la soumission. Elle réalise un principe mis au point par le maître esclavagiste : le nègre est né pour être un esclave. S’en défaire ! Telle doit être notre action première. 2 – Un courant idéaliste dit humaniste, qui a fait du mot d’ordre « La liberté ou la mort ! » un adage. Il est anti – esclavagiste, pour la liberté quelque soit la couleur de la peau. L’homme qui le caractérise le mieux apparaît sans conteste aucun le colonel Louis Delgrès. Il est prêt au sacrifice suprême face à tout retour à l’ordre antérieur à 1794. C’est en quelque sorte le radicalisme républicain avant la lettre. Un tel courant croit en la magnanimité du pouvoir colonial et espère convaincre uniquement par la diffusion des idées justes. 3 – Enfin, un courant patriotique, indépendantiste. Sa représentation semble bien assurée par plusieurs patriotes tels Massoteau et Ignace, en premier lieu, mais aussi Palerme, Codou, Edouard, Solitude, Marthe – Rose et bien d’autres. Massoteau apparaît sans conteste comme celui dont les vues stratégiques étaient fondées. Ses propositions consistaient entre autres à doter la Guadeloupe d’une armée de 10.000 hommes à laquelle il faudrait adjoindre


une véritable milice de 10.000 personnes capables de faire face aux troupes coloniales qui ne manqueraient pas de nous attaquer, disait – il. Ignace se signale à plusieurs reprises (le 24 octobre 1801, c’est lui qui pousse Lacrosse dans la geôle) ; c’est encore lui qui convainc l’aide de camp Louis Delgrès de faire cause commune avec les initiateurs du soulèvement. Le 6 mai 1802, il est à la tête des hommes qui quittent Pointe-à+Pitre (afin de rejoindre Basse– Terre). Il apparaît clairement tel un homme d’action, un meneur d’hommes. *** Ce rapide coup d’oeil concernant l’émergence d’une autorité politique proprement guadeloupéenne nous amène à considérer la question de la remise en cause du système esclavagiste moderne à la fin du XVIII ème siècle dans la Caraïbe sous un angle nouveau. En effet, allons – nous continuer à répéter comme des japlod que le principe de la liberté ne fut posé que par les Européens (en Angleterre au XVIIe siècle, en Amérique du nord en 1776 et en France en 1789) ? Non ! Notre courte expérience historique nous autorise à observer que la Guadeloupe est partie intégrante des terres caribéennes libérées des fers de l’esclavage (1794), des terres sur lesquelles pour la première fois dans l’histoire de l’humanité le principe de la liberté était posée non pas d’un point de vue discriminatoire (pour le Blanc) mais pour l’homme tout court dans sa diversité d’origine ethnique et culturelle. C’est précisément sur cet aspect que le 21 octobre 1801 n’a pas de précurseur, de modèle qui le précède. C’est un événement novateur dans l’histoire du monde. L’exercice du pouvoir politique colonial mis en lumière sous l’autorité du capitaine - général Lacrosse fait ressortir la contradiction principale qu’il importe aux patriotes Guadeloupéens d’analyser et de prendre en compte pour faire avancer le combat libérateur. Ignace, Massoteau et compagnons en octobre 1801 nous ont montré la voie à prendre pour mettre fin à l’ordre colonial dans notre pays. L’important c’est de renverser l’autorité coloniale en détruisant, d’une part son pouvoir démagogique, mystificateur faisant miroiter l’idée d’un régime démocratique, s’inspirant des concepts d’égalité, de liberté et fraternité, d’autre part des dispositifs d’assistanat et de décérébration du Peuple Guadeloupéen. S’il est un enseignement de premier ordre à retenir et à mettre en pratique, c’est bien celui de faire surgir coûte que coûte le concept d’une autorité politique guadeloupéenne.


Sans cette émergence essentielle le plus impérativement possible, le Peuple du Péyi Gwadloup ne pourra se défaire de l’emprise colonialiste française pour parvenir à l’émancipation totale. Que tous les combattants patriotes Guadeloupéens se décident, osent et nous construirons notre avenir !

POU-W FÈ NONM FO-W VLÈ NONM



Asi chimen ... On météanzyé a Makalidé-péyi Luk GAMA, grafis (2011-2015)

* 1 – Komansman Nou pwan labitid di kilti Gwadloup sé kilti « anbouch », kon ta tout péyi yo kriyé péyi « a nèg ». E dèyè sa, nou vlé kwè é di kilti – annou pa ka bokanté épi lidé « maké ». Byen souvan, si noumenm répété biten lasa sé padavwa nou kwè kilti a moun-a-pofonsé yenki « anbouch ». Men, dèyè sa, nou kwè osi « maké » fò pasé « palé ». Nou ka rété an larèl a mouvman a lidé an péyi éwopéyen, dèpi nanni – nannan. Moun-ka-chèché ja montré pli gwo mòso a kilti a sé péyi lasa, kon yo yé la jòdijou, parèt adan on gran bokantaj épi mèt-a-lidé a Léjipt a lansyen tan (avan Jézikri té fèt). Moun-ka-chèché ja montré osi sé moun lasa sété moun-a-po-fonsé. Men moun-ka-chèché osi ja vwè kilti a pèp ka pasé jénérasyon an jénérasyon dapwé mannyè moun ka viv, la i « parèt ». « Kalité » oben « fòs » a kilti – lasa lyanné, kon lyanné fèt, asi la i vwè jou é dékatman oben chanjman a moun ki la. Ja ka fè on bon dizenn lanné, omwens, an ka touné – viré gadé, poubon, lidé ki kalé an péyi an mwen é mouvman a – yo. An pa ka palé yenki di lidé ki maké an jounal-papyé, oben ki ka pasé laradyo épi latélé oben si


entèwnèt. An ka palé di lidé ka vanté é ka tijé an mouvman « natirèl » a pèp – la : ki si mawché, ki an swaré léwòz, ki an kout-tanbou, men osi ki si plaj, ki an rivyè, ki an fanmi, ki an grèv, ki an gran magazen, ki an tout lawonn – kozé ka ouvè chak fwa moun ka jwenn an péyi – la. Iswta a vi anmwen lyanné kò anmwen adan désen, penti é dòt tèknik pou maké lidé. Kifè, sé la an pati. Chouk a pwojé lasa sé Pòlwi i yé. I komansé pwan rasin andidan mwen èvè on manifèstasyon ki té ka pasé owa kaz a fanmi an mwen, asi marina a komin – la : sé « Mémowyal Chaben ». On séri jenn moun – Pòlwi té désidé onoré mémwa a gran chantè véyé – la dèpi lanné 1989, dé lanné apré mò a – y. Sété dènyé gran chantè véyé a réjyon Nògranntè ki té fè dis é ki ka vann toujou (!). An frékanté asosyasyon lasa é moun a – y natirèlman, davwa on bon pati adan yo sété moun a kawtyé – la é moun a tanbou. Sé konsa, an 1995 é 1996, yo fè mwen rantré an lawonn a yo é yo mandé mwen fè afich a mémowyal – la. Fò mwen té touvé on mannyè pou « maké » épi imaj an mwen on kréyasyon piblik an larèl a tradisyon a péyi – la. Rasin – la komansé fouyé kè an mwen o séryé a moman lasa… Ni on dòt moman a vi an mwen ki ka ban mwen on dirèksyon pli klè ki avan. Sé lè – w vwè an fè lékòl an mwen Matinik, antrè 1995 é 1998. Pou an té pasé diplòm a lékòl – la4, an mété mwen ka travay asi kont – péyi. Yo kriyé sa « contes créoles ». Domenn lasa, ki sé on bèl gwo mòso a kilti an nou, an léta a on mèb an bwa plen poulbwa. I la… Men pli sa kalé mwens i ka viv. Kon onlo dòt biten a péyi an nou, moun mété – y an liv, kon ou ka mété biten an konjélatè. Sinon, sa ki ka fèt aprézan, sé yonn – dé manifèstasyon pou timoun é granmoun vin vwè kon nenpòt ki dòt ispèktak. An létid an fè asi kont – péyi, ni plizyè biten an mété douvan. Men sa ki mawké mwen plis, sé mannyè lidé, pawòl é son ka bokanté adan kont tradisyonnèl – la. Davwa, sé sa ki ka disparèt plis an jan sé kont – la yé alèkilé. Sé la an wouvwè fòm - la an té ja ka vwè la an dòt koté kon an « Mémowyal Chaben », adan kouttanbou oben adan swaré léwòz. An 1999, an rantré Gwadloup. é dèpi sa, an ka travay, an mak-é-zimaj, pou moun oben pou mwen menm.


2 – Dékatman Adan tousa an zyété, an rivé touvé on fòm ki ka travèsé istwa a Gwadloup. E sé – y an chwazi pwan pou sèvi mwen adan sa an té ka – y fè : sé WON – la. Apa on fòm ki tan nou « plis » ki ta dòt pèp. Awa. Men, sèl biten, o péyi, an fil a WON – la, nou tini mannyè an nou ki tan nou pou nou kréyé épi – y. I anlè tèt an nou, oben anba fès an nou. I douvan zyé an nou oben i ka – y an fal an nou. An tout jan, i an tout kò an nou. Asi chimen, an jwenn vyé biten menm. Men, an jwenn osi tèlman bèlté. Sa pa ni non. An touvé mwen an hat5 a tandézon a moun – Gwadloup, adan on savann lidé. Mizi–an–mizi, an vansé, menm lè – w vwè an té ka tchoulé. WON – lasa, i òbò lari, i an kaz, i an lakou. An palé dè – y épi moun, an kouté – y aka vyé moun é an gadé – y asi jenn moun. An kouté mwen osi é an gadé mwen. An mété mwen ka pozé lidé ki rézonné pou mwen an fil a tout lawonn o péyi. An chèché, an ki mannyè an pé « maké » sa an « vwè » épi zorèy oben sa an tandé épi « zyé ». Alòs, an kyouyi lidé oben an ranmasé yo. An bokanté onlo osi (lè – w ka ba – y, ou ka pwan, lè – w ou ka pwan, ou ka ba – y). An sak an mwen, an rété gadé sa ki té ni. E èvè sa, an chwazi montré on pati adan sa ki pasé dèyè koko – zyé an mwen. Asi chimen, é an larèl a mounisi (avan éwopéyen, afriken, zendyen é arab té rivé), an mété mwen ka maké ti lidé an té jwenn. An pwan si mwen pou kriyé sa « makatilidé ». Sé sa yo kriyé « pictographe » o « pictogramme » an fwansé. Asi chimen, an pwan on ti kanpo é an désidé mété-an-zyé a moun sa men an mwen fè ban mwen, ki sé si òwdinatè, ki sé si papyé, ki sé si bèl «vyé» mòso planch an té touvé. Pa konpwann – di zò ké vwè won – la a tout fòs. I pé la antyè kon pa mòso. Sé pou sa zò péké vwè onlo lign dwèt. Men zò ké vwè tras a zouti ki té an men an mwen ; zouti ki lofé é ki fè lantou, ki soté é ki maté, ki touné é ki viré. Sa ki sèten, zò ké vwè on séri makatildé épi imaj an fè asi baz a lawonn a tandézon a moun Gwadloup. Sé tousa ki tini adan météanzyé lasa. Sa an chèché é sa an touvé délè. An ka bouré douvan sa ki kléré an zyé an mwen kon « bèl » lidé. An lannuit a lidé a – w, ou pé sonjé suiv sé ti klendenden – lasa, davwa sé dèyè chimen ki ni chimen…


3 – Mouvman Antrè 2011 é 2012, an fè on séri istand épi « mété-an-zyé » plizyè koté an péyi-la, si granntè kon si Anba (Kòtsoulvan é Kòtovan). Sé on pasaj ki pèwmèt fè moun vwè imaj ki té sòti an dwèt an mwen. Épi sé té on mannyè mwen tandé sa moun ka vwè é vwè sa moun ka tandé... An 2015, an Juiyé-Out, an montré final a pwojé-la an médyatèk minisipal Pòlwi é an palé di tousa an radyo. Lespwisavann ka-y mété déwò on liv konplé épi non é sans a sé makalidé-la. Mi on agouba, avan-lè, a yonn-dé makalidé pou zòt pasé dèyè tèt a zòt..

Lasantral


4mo

Tètzé

VètèNOU

Yonn-a-lòt


Noéfa

Sé la

La moun ki di yo blan kalé, apa chimen an mwen La moun ki di yo nèg bout, sé komansman an mwen La moun ki di yo kréyòl déviré apa sans an mwen La moun-tout-koulè pé fann–kann

Wi, sé dèyè la an tini tras an mwen Pas’ sé la an pisimé yé

Pas’ sé la nou té simé yè

Luk… (20/04/2008)



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In Lespwisavann, Istwa & Sosyété www.lespwisavann.org Revue Online - ISSN : 1634 - 0507


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