Catalogue d'exposition - IN-DISCIPLINE - Côte d'Ivoire

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YACOUBA KONATÉ Des jeunes ivoiriens au passage du nord-ouest

1. Au début de sa pièce Les nègres, Jean Genet (1958) s’interroge : « Mais qu’est-ce que c’est donc un Noir ? Et d’abord, c’est de quelle couleur ?» A l’entame de cette présentation de jeunes artistes de Côte d’Ivoire, la question qui me démange… l’esprit, n’est pas « c’est quoi un Ivoirien », mais plutôt celleci : « c’est quoi un jeune dans la Côte d’Ivoire, dans l’Afrique d’aujourd’hui ? » Les données du recensement général des populations de 2014 sont stupéfiantes d’informations : 41,5 % ont entre 0 et 14 ans ! 56 % des habitants ont entre 15 et 65 ans, 2,5 % 65 ans et plus. Les artistes réunis dans la présente exposition ont entre 31 et 47 ans. Yéanzi le cadet du groupe est né en 1988, Joachim Silué en 1979. Entre ces deux, Gopal Dagnogo (46 ans), Armand Boua (41 ans), Pascal Konan (40 ans). Ils sont relativement jeunes et surtout, ils appartiennent aux forces vives de la nation, celles dont le travail, l’esprit d’initiative et l’attachement aux valeurs supérieures sont propres à relever les défis des temps nouveaux dont l’emploi, l’urbanisation, la migration, les conflits, le réchauffement climatique, la démographie, la montée des populismes, le mode de vie… Pour relever de Côte d’Ivoire, ces artistes ne vivent pas tous en Afrique. Gopal vit et travaille en France, Joachim Silué en Italie. Plus que jamais, les pays débordent leurs frontières. A l’image des équipes de foot ou de basket dont plusieurs stars évoluent dans des championnats hors du continent, de plus en plus d’artistes référés à leur pays d’origine, sont pris dans des dynamiques de mobilité.


Cela dit, en défi du bruit de fond du marché noir des migrations des Africains vers l’Europe, rappelons que les Africains immigrent relativement peu hors de leur continent. Ces considérations portent à conséquences en ce sens qu’elles reformulent les questions d’identité. L’identité africaine n’est pas dans l’adéquation à une image statique éternelle. C’est un trou, une béance à combler par des récits, des légendes et des histoires qui dans le meilleur des cas, ont vocation à donner aux hommes et aux groupes sociaux, le fil d’une histoire à continuer. L’art, la littérature, la peinture, sont des moyens d’inventer et de poursuivre nos histoires… Notre question du début était : c’est quoi un jeune dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui ? Réponse provisoire : c’est une personne éduquée qui dans un contexte de compétition animé par une forte poussée des cadets, pratique le métissage culturel et entreprend de se raconter par le foot, la peinture, l’occupation des trottoirs et des rues, par tout ce qu’on voudra. Dans sa pièce de théâtre Que ta volonté soit Kin, Sinzo Aanza (2018), un jeune dramaturge de la République Démocratique du Congo, indique que « la légende c’est une histoire qui finit en chanson.» C’est pourquoi il faut lui donner une perspective, des mirages à croquer. En rêve ou pour de vrai, par la légende ou par l’épopée, les hommes, les femmes, jeunes ou moins jeunes, hommes, femmes, apprennent à se raconter des histoires. 2. Voici des tableaux. Des tableaux qui énoncent les versions abouties des histoires de Silué et de Konan, de Dagnogo, de Boua et de Yéanzi. Des histoires amorties et avalées dans des portraits et des paysages, des histoires empruntées, d’autres prêtées. Des tableaux et des dispositifs de circuits désintégrés qui offrent leur écrin de piquants pour une lune, un astre qui aspire l’observateur assis sur le rebord du monde. Des tableaux quelque part hors disciplines, indisciplinés…


Indisciplinés, ces jeunes artistes le sont en ce sens qu’ils ne se laissent pas enfermer dans le huis-clos d’une discipline, mais passe de l’une à l’autre, comme pour expérimenter l’idée de Michel Serres (1990) selon laquelle les innovations ne jaillissent pas du centre des disciplines, mais dans l’intersection entre deux ou, plusieurs épistémès ; au passage du nord-ouest, dans la zone de fusion et de mélange entre les mers chaudes et froides des hémisphères sud et nord. Sur les trottoirs des rues d’Abidjan, Armand Boua rencontre des enfants ou plutôt des sourires, des yeux d’enfants. Des yeux et des sourires qu’aucune misère ne saura vaincre. Pascal Konan intègre des circuits électroniques dans le corps de son tableau, il les restaure comme des bandes de couleurs, pour sonoriser les bruits étrangement morts de la rue. Saint-Etienne Yéanzi a pratiqué et pratique la sculpture et la photographie. Mélangeant peinture et goudron, il visite les grandes figures de l’histoire des Noirs dans des compositions amples mordant sur des supports variés : papier, bâche, toile de jute, tôles... Gopal Dagnogo propose une nature morte qui d’abord assoupie dans le fatras des bouteilles d’eau de vie, des chaussures délaissées, se réveille au chant de la volaille, dans le feu doux des regards des personnages qui sortent de l’ombre. Joachim Silué propose des assemblages de formes et de volumes qui ne renoncent pas aux effets de surfaces où le noir cru du bois brûlé maintient une densité monochrome. 3. « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir.» Cette injonction, Frantz Fanon (1925-1961) l’articule dans Les Damnés de la terre, un livre auréolé d’une préface du légendaire Jean-Paul Sartre, qui sort en 1961. Elle sonne comme une maxime et une injonction à l’action. Elle interpelle les générations au-delà et à travers les champs d’action de chacun.


Je ne sais pas si les artistes réunis dans la présente exposition font génération. Mais, on peut considérer qu’ensemble, ils donnent une certaine évidence à la portion de l’interpellation qui ouvre sur la « relative opacité ». En filant sur cette pente, on peut se laisser aller. Et se demander si la mission de l’artiste, seul ou en génération, ne consiste pas précisément à produire ou reproduire « une relative opacité», à adoucir le feu des projecteurs. Les missions se rêvent la nuit. Une mission, en particulier une mission importante a besoin d’être pensée à la faveur de la quiétude de la nuit. Tout le monde ne peut pas se prendre pour Rimbaud qui professait que « le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. » Seuls ou en génération, les artistes créent pour comprendre pourquoi la vie roule et coule vers l’incompréhensible, l’anéantissement, vers le mirage du nuage. Pour sa part, Sony LabouTansi (1980) disait : « j’écris pour qu’il fasse peur en moi. (…) Et, comme dit Ionesco, je n’enseigne pas, j’invente. J’invente un poste de peur en ce vaste monde qui fout le camp». Les jeunes artistes de la présente sélection n’ont pas installé des postes de peur, mais des postes de vie. Ils ont allumé et placé de petites lampes à la porte des consciences, des lampes de veille et d’éveil, de jour et de nuit.

YACOUBA KONATÉ Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan-Cocody. Président honoraire de l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA)

Bibliographie

Sinzo Aanza (2018),Que ta volonté soit Kin, Ed. du Passage, Tarmac, Paris. Frantz Fanon (1961), Les damnés de la terre, Paris, Ed. Maspero. Michel Serres (1980) Le Passage de Nord-Ouest. Hermès V, Ed, de Minuit. Collection Critique. Sony LabouTansi (1979), La vie et demi, Paris, Ed. du Seuil.



Yacouba Konaté Vernissage de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )


YACOUBA KONATÉ Young Ivorians At the crossward of northwest

1. At the beginning of his play Les nègres, Jean Genet (1958) wondered: "But what is a black man? And first of all, what color is he? At the beginning of this presentation of young artists from Ivory Coast, the question that itches me... the mind, is not "what is an Ivorian", but rather this one: "what is a young person in Ivory Coast, in Africa today?" The data from the 2014 general population census are staggeringly informative: 41.5% are between the ages of 0 and 14! 56% of the inhabitants are between 15 and 65 years old, 2.5% 65 years old and over. The artists in this exhibition are between 31 and 47 years old. Yéanzi, the youngest member of the group, was born in 1988, Joachim Silué in 1979. Between these two, Gopal Dagnogo (46 years old), Armand Boua (41 years old), Pascal Konan (40 years old). They are relatively young and, above all, they belong to the living forces of the nation, those whose work, initiative and commitment to higher values are capable of meeting the challenges of the new times, including employment, urbanization, migration, conflict, global warming, demography, the rise of populism, the way of life… They come from Ivory Coast but not all these artists live in Africa. Gopal lives and works in France, Joachin Silué in Italy. More than ever, countries exceed their borders. Like football or basketball teams, many of whose stars play in leagues outside the continent, more and more artists referred to their country of origin are caught up in mobility dynamics.


However, in spite of the troubling black market for African migration to Europe, it should be recalled that Africans migrate relatively little outside their continent. These considerations have consequences in that they reformulate identity issues. The African identity is not in the adequacy to an eternal static image. It is a hole, a gap to be filled with stories and legends that, in the best of cases, are intended to give men and social groups the thread of a story to continue. Art, literature, painting, are ways of inventing and pursuing our stories... Our initial question was: what is a young person in today's Ivory Coast? Temporary answer: an educated person who, in a context of competition driven by a strong rise of the youngest, practices cultural mixing and undertakes to tell himslef stories through football, painting, by occupying sidewalks and streets, by whatever means we can imagine. In his play Let your will be kin, SinzoAanza (2018), a young playwright from the Democratic Republic of Congo, states that "the legend is a story that ends in song." That's why we have to give him a perspective, mirages to chew on. In dreams or for real, by the legend or the epic, men, women, young or old, learn to tell themselves stories. 2. Here are some pictures. Pictures that set out the successful versions of the stories of Silué and Konan, Dagnogo, Boua and Yéanzi. Absorbed and swallowed stories in the form of portraits and landscapes, some borrowed, others lent. Tables and devices of disintegrated circuits offer their setting of spikes for a moon, a star which sucks the observer sitting on the edge of the world. Pictures somehow outside disciplines, undisciplined...


Undisciplined, this is how these young artists are, in the sense that they do not allow themselves to be locked in the closed doors of a discipline, but pass from one to the other, as if to experiment with the idea of Michel Serres (1990) that innovations do not spring from the center of the disciplines, but in the intersection between two or more epistemes; at the Northwest Passage, in the zone of mixing between the warm and cold seas of the southern and northern hemispheres [...] On the street pavements of Abidjan, Armand Boua meets children or rather smiles and children's eyes. Eyes and smiles that no misery can beat. Pascal Konan integrates electronic circuits into the body of his painting, restoring them like soundtracks of colours, to set the strangely dulled noises of the street to music. Saint-Etienne Yéanzi has practiced and continues to practice sculpture and photography. Mixing paint and tar, he invokes the great figures of Black History in large compositions using various supports: paper, tarpaulin, burlap, metal sheets... Gopal Dagnogo proposes a still life that first, anesthetized in the mess of bottles of brandy and abandoned shoes, wakes up to the song of the poultry, in the gentle fire of the eyes of the characters who come out of the shadows. Joachim Silué offers combinations of shapes and volumes that do not renounce the effects of surfaces where the raw black of burnt wood maintains a monochrome density. Together, these artists track down the still lifes of our problems, sewn with twisted threads, laid in stale paper, stuffed in melted plastic, framed with burnt wood... 3. Each generation must, in relative opacity, discover its mission, fulfill it or betray it." Frantz Fanon (1925-1961) articulated this injunction in Les Damnés de la terre, a book with a preface by the legendary Jean-Paul Sartre, which was published in 1961. It sounds like a maxim and an injunction to action. It challenges generations beyond and across the fields of action of each individual.


I don't know if the artists in this exhibition are a generation. But, we can consider that together, they give some evidence to the part of the interpellation that opens on the "relative opacity". By continuing along this path, we can let ourselves go. And to wonder if the artist's mission, alone or in generation, does not consist precisely in producing or reproducing "a relative opacity," to soften the spotlights effect. Missions are dreamed of at night. A mission, especially an important mission, needs to be thought of in the context of the quietness of the night. Not everyone can think of himself as Rimbaud, who professed that "the poet becomes a seer through a long, immense and reasoned disruption of all the senses. "Alone or in generation, artists create to understand why life rolls on and flows on towards the incomprehensible, the annihilation, towards the mirage of the cloud. For its part, Sony LabouTansi (1980) said: "I write so I can be frightened. (...) And, as Ionesco says, I don't teach, I invent. I'm inventing a position of fear in this vast world that's getting out of hand." The young artists in this selection have not set up positions of fear, but positions of life. They turned on and placed small lamps at the door of consciences, lamps for watch and awakening, of day and night.

YACOUBA KONATÉ Félix Houphouët-Boigny UniversitY, Abidjan-Cocody. Honorary President of the International Association of Art Critics (AICA)

Bibliography

Sinzo Aanza (2018),Que ta volonté soit Kin, Ed. du Passage, Tarmac, Paris, 2018. Frantz Fanon (1961), Les damnés de la terre, Paris, Ed. Maspero Michel Serres (1980) Le Passage de Nord-Ouest. Hermès V, Ed, de Minuit. Collection Critique. Sony LabouTansi (1979), La vie et demi, Paris, Ed. du Seuil.




Chaque année la Fondation CDG, à travers sa Galerie d’art « Espace Expressions CDG », nous invite à un voyage au travers des œuvres qui expriment les mutations en cours dans le continent Africain. Ces œuvres font bouger notre société, elles nous interpellent, elles nourrissent notre intelligence collective, elles renforcent notre capacité à la conduite du changement. Toutes ces œuvres traduisent souvent une souffrance, mais toujours une grande confiance en soi et l’espoir d’une Afrique qui prend son envole. Nous le savons tous, la culture en générale et l’art en particulier sont un élément essentiel de cette nouvelle trajectoire africaine marquée par l’effervescence d’une jeunesse talentueuse et pleine de promesse. Une jeunesse qui prend le flambeau d’une Afrique privée pendant longtemps de ses atouts culturels et de sa capacité créatrice. Maintenant l’Afrique prend son destin en main, la culture est aujourd’hui au cœur de ses préoccupations. L’Afrique est convaincue que la question du développement ne peut être abordée sous le seul angle de la croissance économique. L’Afrique est convaincue que la culture est un enjeu de son développement. En marge du 32ème sommet de l’Union Africaine, Le Président de la République du Mali a été désigné Coordinateur de l’Union Africaine pour les arts, la culture et le patrimoine. Le défi de cette mission consiste à faire de la culture un levier essentiel pour la consolidation du lien social, et un domaine fécond pour le développement humain.

M.Mohcine Jazouli Ministre délégué auprès du Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, Chargé de la Coopération Africaine

Dans la droite ligne de la vision Royale pour l’Afrique, le Maroc manifeste une ambition renouvelée en direction de la jeunesse au Maroc et dans le continent, pour faire émerger un écosystème entrepreneurial, culturel et social innovant. Le Maroc est convaincu que derrière la culture et les arts, il y a une véritable économie de la culture et donc une création de richesse et d’emplois. Au travers de ses actions, la Fondation CDG met en évidence le rôle de la culture comme levier du développement économique social et comme vecteur de changement. La Fondation CDG nous offre une fois de plus une très belle exposition. Elle nous propose des œuvres d’art traduisant l’expression de ce renouveau Africain. Un élan qui invite chacun de nous à saisir la dynamique culturelle en Afrique pour en faire la force motrice de l’émergence de notre continent. Je tiens à féliciter les organisateurs et tous les artistes qui ont choisi de faire vivre la richesse artistique de notre continent, faisant ainsi la démonstration que la célébration de la journée internationale de l’Afrique au Maroc se fait tous les jours et non pas uniquement à l’occasion du 25 mai de chaque année.


C’est d’ailleurs à juste titre que le Royaume Chérifien, pays frère et ami de la République de Côte d’Ivoire, creuset culturel par excellence et locomotive du modèle de coopération Sud-Sud tant appelé, abrite la phase pilote de ce sublime programme. Qu’il me soit permis, à cet égard, d’exprimer toute ma gratitude à ses plus hautes autorités avec à leur tête Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste. Aussi voudrais – je adresser un message de remerciements à tous les partenaires pour l’opportunité qu’ils m’offrent d’introduire ce fascinant catalogue et féliciter le collège d’artistes plasticiens associé à cette belle aventure. Sur ce, je souhaite plein succès à l’Exposition « In-Discipline » et au programme triennal d’aide à la diffusion artistique pour que vive Marrakech 2020, capitale de la culture africaine.

After leaving Marrakech on March 31, 2019, the exciting travelling exhibition "In-Discipline", will be exhibited at the Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) in Rabat from June 11 to July 3, 2019, with works marked by idealism and realism, the result of the creativity of visual artists from Ivory Coast. This exhibition is part of a three-year programme of support for dffusion. The Kingdom of Morocco is the pilot phase. Other capitals, notably Abidjan, Bamako, Cotonou, will successively host this event. By transcending all diversities and breaking down all borders, the exhibition "In-Discipline" is a real tool for socioeconomic development in the service of cultural diplomacy It is therefore right that the Cherifian Kingdom, a brother and friend of the Republic of Côte d'Ivoire, the driving force behind the South-South cooperation model and a cultural melting pot, is hosting the launch of this fascinating programme. Allow me in this regard to express my gratitude to its highest authorities, headed by His Majesty King Mohammed VI, may God assist him. I would also like to thank all the partners for the opportunity they are offering me to introduce this fascinating catalogue and congratulate the college of visual artists associated with this wonderful adventure. With this, I wish full success to the exhibition "In-Discipline" and the three-year programme of support for artistic diffusion so that Marrakech 2020, capital of African culture, can flourish.

S.E.M Idrissa Traoré Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République de Côte d’Ivoire près le Royaume du Maroc

Partie de Marrakech le 31 mars dernier, l’exaltante Exposition itinérante « In-Discipline », pose maintenant ses valises à l’Espace Expressions de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) de Rabat du 11 juin au 03 juillet 2019, avec à la fiche des œuvres inédites, empreintes d’idéalisme d’une part et d’autre part de réalisme, fruits de la créativité artistique de plasticiens issus de la Côte d’Ivoire. Cette Exposition s’inscrit en effet dans le cadre d’un programme triennal d’aide à la diffusion artistique. L’étape du Royaume du Maroc en constitue la phase pilote. D’autres capitales notamment Abidjan, Bamako, Cotonou accueilleront successivement la présente. Transcendant toutes les diversités et brisant toutes les frontières, l’Exposition « In-Discipline » se veut comme une véritable plateforme de développement socio – économique au service de la diplomatie culturelle, outre ses valeurs artistiques indéniables.


Dina Naciri, Directrice Générale Fondation CDG

La Fondation CDG a consacré ces dernières années dans sa galerie d’art «Espace Expressions CDG» le talent d’artistes issus de notre continent. Déjà en 2014, la Fondation CDG avait organisé en partenariat avec la Fondation ONA une exposition intitulée «Encre d’Afrique» où s’étaient rencontrés en résidence des artistes marocains aux côtés de leurs homologues du Mali, Sénégal, Bénin et Togo. En 2017, dans le cadre de l’événement culturel «L’Afrique en Capitale» consacré par la ville de Rabat à l’Afrique et placé Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, l’Espace Expressions CDG a eu l’honneur d’accueillir une exposition «L’étoffe des songes» du grand artiste malien Abdoulaye Konaté. En 2018, elle a présenté au public de Rabat, l’exposition « IN-DISCIPLINE #1 » à travers les œuvres de cinq artistes béninois, Dominique Zinkpé, Ishola Akpo, Charly d’Almeida, Gérard Quenum et Nathanaël Vodouhé. Cet intérêt pour l’art africain est le prélude d’une orientation artistique de la Fondation CDG tendant à mettre en valeur, chaque fois que l’occasion se présente à elle, l’art d’un pays frère ou d’une région d’Afrique. C’est aussi sa manière de contribuer modestement aux hautes initiatives nationales visant l’ancrage du Maroc à l’espace africain. Pour cette année 2019, l’Afrique de l’Ouest, cette région avec laquelle le Maroc partage une histoire commune et où le Royaume a aujourd’hui de solides partenariats agissants et solidaires, sera à l’honneur. La Côte d’Ivoire, ce pays frère et partenaire de longue date du Groupe Caisse de Dépôt et de Gestion, représentera cette région dans notre Espace Expressions CDG. La Fondation CDG est donc fière d’accueillir une exposition réunissant cinq artistes ivoiriens aux notoriétés dépassant les frontières de leur pays : Armand Boua, Gopal Dagnogo, Yéanzi, Pascal Konan et Joachim Silué. Ces créateurs sont porteurs de promesses, d’ambition et de talent, leurs œuvres artistiques offrent au visiteur une Côte d’Ivoire peinte et sculptée, mais aussi une vision urbaine, mouvante, humaine, avec des scènes du quotidien, des enfants, des questionnements sur l’environnent et une grande ville, Abidjan, en perpétuelle mutation. Nous invitons donc nos partenaires et notre cher public à venir nombreux à l’Espace Expressions CDG pour vivre avec nous ces beaux moments d’art et pour partager ensemble ces temps forts d’échange avec nos cinq artistes. Vous découvrirez des œuvres inédites réalisées lors de leur résidence artistique tenue à Marrakech. Une pensée à toutes les personnes et à tous nos partenaires grâce à la contribution desquels nous avons pu organiser cette exposition. Nous les remercions pour leur soutien. Nos remerciements aux artistes qui ont animé cette exposition et qui nous ont guidés, pour la plupart d’entre nous, dans la découverte de l’art ivoirien. L’exposition débutera à l’Espace Expressions CDG le 11 juin, date du vernissage, pour prendre fin le 3 juillet 2019.


Tout comme IN-DISCIPLINE #1 s’est construit avec le regard de Dominique Zinkpé, artiste plasticien et directeur du Centre, espace culturel pluridisciplinaire d’Abomey-Calavi à Cotonou, IN-DISCIPLINE #2 s’adjoint le concours d’une figure incontournable de l’art africain contemporain, en la personne de Yacouba Konaté, conservateur, écrivain, critique d’art, professeur de philosophie et curateur. Parmi ses nombreux engagements, ce fervent défenseur et grand connaisseur de la création africaine et ivoirienne contemporaine est membre de l’Académie des Arts, des Sciences et des Cultures d’Afrique et des Diasporas d'Abidjan, directeur de la Rotonde des Arts Contemporains dans la galerie Nour-al-Hayat, au Plateau à Abidjan. Comme nul autre, il saura accompagner la double démarche du programme IN-DISCIPLINE, qui au delà de soutenir une sélection de jeunes artistes, vise à contribuer au développement du marché de l’art en Afrique. Après Cotonou, IN-DISCIPLINE #2 relie à Marrakech une des scènes artistiques africaines les plus dynamiques. Collectionneurs, institutions et fondations privées, artistes confirmés et jeunes talents, manifestations culturelles et publics font d’Abidjan une plateforme en pleine effervescence. A travers l’accompagnement des artistes, IN_DISCIPLINE #2 va mettre en lumière et rendre visible, sur la scène internationale, la création ivoirienne contemporaine. Depuis deux ans, le programme IN-DISCIPLINE fonde l’une des vocations à promouvoir dans le cadre de MARRAKECH 2020 Capitale Africaine de la Culture. Ce projet a su dès 2018, imposer sa vision et mettre en place un programme pérenne permettant de faire circuler les artistes sur le continent et positionner le Maroc et Marrakech comme l’une des plateformes majeures du marché africain de l’art contemporain.

After Cotonou, IN-DISCIPLINE #2 connects Marrakech to one of the most dynamic African art scenes. Collectors, institutions and private foundations, established artists and young talents, cultural and public events make Abidjan a buzzing platform. Through the support of artists, IN-DISCIPLINE #2 will highlight and make visible on the international scene the contemporary Ivorian creation. For two years, the IN-DISCIPLINE programme aims to promote within the framework of MARRAKECH 2020, African Capital of Culture. Since 2018, this project was able to impose its vision and set up a sustainable programme that allows artists to circulate on the continent and to position Morocco and Marrakech as one of the major platforms of the African contemporary art market.

Khalid Tamer, Conseiller artistique du programme IN-DISCIPLINE

Just as IN-DISCIPLINE #1 was built with the perspective of Dominique Zinkpé, visual artist and director of the Centre, a multidisciplinary cultural space in Abomey-Calavi in Cotonou, IN-DISCIPLINE #2 was joined by an essential figure in contemporary African art, in the person of Yacouba Konaté, curator, writer, art critic, and philosophy teacher. Among his many commitments, this fervent defender and great connoisseur of contemporary African and Ivorian creation is a member of the Academy of Arts, Sciences and Cultures of Africa and the Diasporas of Abidjan, director of the Rotunda of Contemporary Arts in the gallery Nour-al-Hayat, in the Plateau in Abidjan. Like no other, he will be able to support the dual approach of the IN-DISCIPLINE programme, which, beyond supporting a selection of young artists, aims to contribute to the development of the art market in Africa.




RMAND

OUA


Mon asso ( Nous sommes ensemble ) - 2018 Technique mixte sur toile 140 x 140 cm





Djossi ( débrouiller dans la vie ) - 2018 Technique mixte sur toile 140 x 140 cm (2)




Tes œuvres illustrent des scènes de vie représentant des enfants, faisant écho à un phénomène social apparu en 2010 en Côte d’ivoire. Peux-tu nous nous en dire davantage ? Cela fait maintenant cinq ans que je développe dans mes œuvres le thème des enfants de la rue. J’ai commencé à m’intéresser à ce sujet pour mon mémoire à l’École Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan. La Côte d’Ivoire traversait un moment très difficile avec la crise, cela a amplifié ce phénomène. Je parle d’enfants de la rue mais la rue ne fait pas d’enfants. La rue devient pourtant une mère, un père, une famille. Je les photographie dans l'anonymat dans leurs milieux urbains, sans les déranger pour donner à voir ces scènes de rue. J’observe leurs modes de vie, leurs activités, les souffrances qu’ils rencontrent mais aussi leurs joies.

On trouve des affiches déchirées par exemple. J’aime m’exprimer de cette manière en réalisant des compositions déchiquetées. La destruction est inhérente à mes œuvres : j’ajoute, j’enlève, j’ajoute, j’enlève jusqu’à obtenir quelque chose qui reflète leurs conditions de vie. Cette volonté de témoigner des conditions de vie des enfants des rues d’Abidjan s’exprime également à travers les titres de tes œuvres, peux-tu nous en parler ? Je nomme mes œuvres en Nouchi que je sous-titre ensuite soit en français, soit en anglais dans l’objectif que tout le monde arrive à les comprendre. Le nouchi est un langage de la rue qui est propre à la Côte d’Ivoire. C’est le langage des enfants de la rue, c’est un véritable mélange de toutes sortes de langues ou dialectes d’ethnies : le français, l’anglais, le bété, le yacouba, le malinké, etc. Je titre mes œuvres en nouchi car je suis avec ces enfants, je les représente, c’est important pour moi.

Pourquoi est-il important en tant qu’artiste de se saisir de sujets sociaux-culturels ? Ce sujet m’a beaucoup interpellé et j’ai jugé bon d’en parler et d’orienter mon travail sur ce phénomène. L’artiste doit apporter quelque chose à ce monde. Il ne faut pas peindre pour peindre. Il faut parler de quelque chose où tu peux apporter ta pierre à l’édifice. Je me suis intéressé à ce problème pour montrer à ceux qui ne voient pas, ne savent pas et ceux qui font semblant de ne pas voir que cette situation est difficile. Je souhaite interpeller le gouvernement sur ce phénomène des enfants de la rue, sur ces « microbes » comme on les nomme souvent, parce qu’ils grouillent et agressent parfois pour se nourrir. Ton travail de collage a débuté il y a cinq ans. Dans quelle mesure ta technique sert-elle le sujet abordé ? J’utilise une technique mixte qui reflète tout ce qu’on peut trouver dans la rue. Les images et les scènes de rue que l’on peut observer sur mes toiles sont déconstruites. Je cherche à motrer une approche sur les enfants de la rue et leur milieu de vie en présentant ma conception plastique sur la manière dont ils vivent dans cet environnement.

Cette résidence artistique t’a-t-elle inspiré d’autres séries ? En résidence, j’ai vu d’autres travaux de certains artistes qui m’ont inspiré, d’autres supports. Cela m’a donné l'envie d'explorer de nouveaux médiums tout en conservant le même sujet. Les toiles de jute de l'artiste Kouka sont une inspiration qui me permet d’ouvrir mon esprit à d'autres techniques. Cela fait maintenant deux ans que j’ai commencé à exploiter la toile, j'utilise de manière générale davantage le carton. C’est une expérience que j’ai voulu faire. Je suis satisfait par ce support mais je suis toujours à la recherche de quelque chose qui va bien refléter ce que je veux représenter. Pour ma prochaine résidence j’aimerais continuer à travailler sur ce sujet mais cette fois-ci sur les enfants du Maroc, sur de la toile de jute, du carton ou à nouveau de la toile, selon mes envies.


Your works illustrate scenes of life depicting children, echoing a social phenomenon that appeared in 2010 in Ivory Coast. Can you tell us more about it ? For five years now, I have been developing the theme of street children in my works. I started to be interested in this subject for my thesis at the National School of Fine Arts in Abidjan. Ivory Coast was going through a very difficult time with the crisis, which amplified this phenomenon. I talk about street children, but the street does not make children. Yet the street becomes a mother, a father, a family. I photograph them anonymously in their urban environments, without disturbing them to show these street scenes. I observe their lifestyles, their activities, the suffering they face but also their joys.

I use a mixed technique that reflects everything you can find on the street. The images and street scenes that can be seen on my canvas are deconstructed. I seek to show an approach to street children and their living environment by presenting my plastic conception of how they live in this environment. There are torn posters, for example. I like to express myself in this way by making shredded compositions. Destruction is inherent in my works: I add, I remove, I add, I remove until I obtain something that reflects their living conditions. This willingness to testify to the living conditions of street children in Abidjan is also expressed through the titles of your works, can you tell us about it ? I name my works in Nouchi, which I then subtitle either in French or in English so that everyone can understand them. Nouchi is a street language that is specific to Ivory Coast. It is the language of street children, it is a real mixture of all kinds of languages or dialects of ethnic groups: French, English, Bété, Yacouba, Malinke, etc… I title my works in Nouchi because I am with these children, I represent them, it is important for me. Did this artistic residency inspire you to do other series ?

Why is it important as an artist to address social-cultural issues ? This subject has been of great interest to me and I have seen fit to talk about it and to focus my work on this phenomenon. The artist must bring something to this world. You can't paint just to paint. We need to talk about a topic in order to add to the dialogue. I took an interest in this problem to show those who do not see, do not know and those who pretend not to see that this situation is difficult. I would like to question the government about this phenomenon of street children, these "microbs" as they are often called, because they swarm and sometimes attack to feed themselves. Your collage work started five years ago. To what extent does your technique serve the subject matter ?

During my residency, I saw other works by certain artists who inspired me, other mediums. It gave me the desire to explore new media while keeping the same subject. The works on burlap of the artist Kouka are an inspiration that allows me to open my mind to other techniques. It is now two years since I started to use the canvas, I generally use cardboard more. It's an experiment I wanted to do. I am satisfied with this support but I am always looking for something that will reflect what I want to represent. For my next residency, I would like to continue working on this subject but this time on the children of Morocco, on burlap, cardboard or again on canvas, according to my desir. .

I talk about street children, but the street doesn't make children. Armand Boua



Vue du vernissage de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )



Bro ( Frère et sang ) - 2018 Technique mixte sur toile 150 x 150 cm


Sigui ( Assis ) - 2018 Technique mixte sur toile 140 x 140 cm



OPAL

AGNOGO


Nature morte aux deux maquereaux et sa pintade - 2018 Acrylique et pastel sur toile 180 x 180 cm


Pink dog and yellow dog - 2018 Acrylique et pastel sur toile 195 x 286 cm




Histoires Nocturnes #1 #2 #3 #4 #5 #6 - 2018 Technique mixte sur papier 70 x 100 cm ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )





Nature mortes aux poissons et la volaille - 2018 Acrylique et pastel sur toile 130 x 180 cm (2)



Des chaises et des sneakers - 2018 Technique mixte sur toile 180 x 180 cm


Tu as vécu jusqu’à l’âge de tes 18 ans à Abidjan avant de t’installer en 1991 à Bordeaux où tu as suivi un cursus d’art plastique. Quelle a été ta première approche de l’art ? J’ai toujours aimé dessiner depuis la maternelle jusqu’à la terminale. C’était la seule matière où j’étais enthousiaste de faire mes devoirs avec sérieux. Je ne saurais pas dire qu’elle a été ma première approche, c’était naturel, je ne l’explique pas. Et je pense qu’on est tous des talents différents, chacun à son niveau, c’est juste que l’onn’arrive pas forcément à les repérer ou alors parce qu’ils sont bridés à un moment donné. En tant qu’artiste, te considères-tu comme un « indiscipliné » ? Déjà artiste je ne sais pas ce que cela veut dire, je pense qu’il y a des gens qui font des choses avec plus ou moins de passion, d’intérêt, mais en lisant le premier catalogue d’In-Discipline j’ai vu que c’était « in » discipline et je rejoins ce que disait JLH « aller creuser dans sa discipline ». Effectivement c’est amusant d’être dans un contexte où je peux réaliser des choses que je ne peux pas faire dans mon atelier, je peux aller un peu plus loin, notamment en termes de format. Là justement c’est l’opportunité pour moi de présenter autre chose comme travail avec lequel je suis connu par la peinture, en l’occurrence de présenter du dessin qui pour moi est vraiment la base de la peinture, des arts plastiques. C’est du dessin très simple, sans fioriture, sans chichi, sans blabla, un trait assez clair, une ligne simple. Je me suis amusé à creuser un petit peu et à faire du dessin de façon un peu plus monumental. Tu explores différents médium : le tissu, le papier, la toile tout en utilisant à la fois de la peinture, des crayons de couleur ou encore des pastels. Pourquoi est-ce important pour toi de varier les techniques et les supports ? Je suis versatile et je m’ennuie à faire toujours la même chose, c’est plus un plaisir de varier, notamment de passer du pinceau au crayon : cela

permet de diversifier et de ne pas trop s’embêter. C’est ce qui est intéressant en résidence, de pouvoir s’exprimer sur des formats avec lesquels je ne peux pas travailler habituellement. Tu décris régulièrement ta peinture comme spontanée et hybride. Cette esthétique syncrétique est-elle au service d’un message que tu souhaites transmettre ? Je ne sais pas si l’esthétique est au service du message que je souhaite transmettre, je ne sais même pas si je souhaite en adresser un, c’est une forme de catharsis, quelque chose qui sort naturellement sans que je ne me pose trop de questions sur un message ou une légitimité de parole. C’est dans l’interprétation qu’on peut en faire que chacun peut trouver un sens qui lui est plus ou moins personnel. Ensuite la question de l’esthétique, on s’en moque un peu. Quelles-sont tes influences ? La peinture classique en général allant de Caravage à Degas, de la Renaissance à la peinture moderne. Quand je suis arrivé en France à 17 ans, la peinture c’était vraiment cela, quelque chose de très académique, que j’ai appris à déconstruire ; donc oui mes influences restent très académiques, très classiques. Dans l’étymologie de chaos on explique qu’avant le BigBang tout était déjà présent mais de façon non ordonnée et qu’ensuite il a permis de mettre tout en ordre. Je trouve cela amusant de s’imaginer qu’on puisse voir un désordre, une pagaille non organisée qui pourrait se mettre en ordre et qui puisse s’organiser à sa façon sur le papier ou sur la toile. J’aime bien le bordélique.

Il y a quelque chose de cruel et de macabre dans mon dessin, mais aussi de la poésie dans ce genre de danse ronde érotique.


Cette année, la seconde édition du programme In-Discipline met à l’honneur la Côte d’Ivoire. On retrouve beaucoup d’éléments symboliques de ton pays d’origine, quelle place tiennent-ils dans ta création ? Je ne me définis pas en termes d’appartenance nationale. Je pense que les arts n’ont pas de frontière, c’est un langage universel. En tant que plasticien on est des ambassadeurs de pensée universelle. Après cela peut avoir une couleur plus orientée parce qu’on a des références culturelles mais cela se limite à ça. Donc cela serait prétentieux de dire que je représente la Côte d’Ivoire à moi tout seul. Il ne s’agit donc pas que de la Côte d’Ivoire, ce sont des choses que j’ai vues et avec lesquelles j’ai grandi. Des objets comme les bouteilles de Gin que l’on retrouve dans certaines cérémonies rituelles ou des animaux comme les volailles, les cabris, les chèvres, les moutons qui se promènent dans la rue. Ça me hante, ça continue de hanter mes toiles, c’est pour cela que j’aime bien mettre des volailles et des moutons dans des intérieurs un petit peu bourgeois parce que je me questionne sur la nature humaine et je me dis que finalement on ne mérite pas vraiment en tant qu’humain d’être représenté en peinture.

Parfois les animaux ont un peu plus de jugeote que nous. C’est pour cela que je m’amuse à les représenter dans des intérieurs confortables. Le mobilier Louis XV tu peux le retrouver dans les familles un petit peu bourgeoises en Afrique. Ils se meublent avec du mobilier empire, du parquet, du marbre, des stucs alors que culturellement on a beaucoup de choses là-bas qu’on ne pense même pas utiliser dans l’ameublement. Le réflexe c’est

d’acheter, de consommer occidental, on ne pense pas auto consommation, dès que l’argent rentre il faut acheter des choses importées. J’ai une double culture, je vis en France depuis longtemps, on peut parler d’une forme de syncrétisme qui se retrouve dans mon travail. En 2014, tu effectuais ta première résidence artistique à Art OMI, aux Etats-Unis. Après deux résidences successives à Marrakech dans le cadre du programme In-Discipline, quel(s) bénéfice(s) en tires-tu ? A OMI comme à Marrakech, il y a beaucoup d’échanges avec les collectionneurs et amateurs d’art qui viennent découvrir le lieu et le travail des artistes. La force de ma dernière résidence est d’accompagner les artistes sur le long terme et de ne pas s’en tenir uniquement à finir un projet. Un autre des bénéfices de cette résidence, c’est d’être mélangé à d’autres et de se rendre compte que même si en apparence on a beaucoup de différences, on est très semblables, on est identiques, sauf qu’on a choisi de mettre en avant une facette de nous et que socialement on fait tout pour ne pas montrer notre part d’ombre. J’essaye de montrer dans mes dessins des choses que les gens n’ont pas envie de voir, notamment des volailles. Par exemple, dans l’un de mes dessins initial il y avait des poules suspendues dans un abattoir et en faisant le tour du dessin je me suis rendu compte qu’en leur mettant les pieds sur terre tu avais l’impression qu’elles étaient en train de danser. Il y a un côté barbare, cruel, mais il y a aussi de la poésie dans cette espèce de ronde érotique, mais il y a toujours cet aspect macabre, et ça en général les gens ont beaucoup de difficulté à le voir. C’est aussi pour ça que c’est plus facile d’intégrer ce genre de choses dans des natures mortes très colorées plutôt que des choses en deux couleurs que je fais en ce moment et pour lesquelles les gens ont plus de réticence. C’est l’avantage ici, je peux mettre de côté l’aspect commercial, il y a la possibilité ici d’avoir une production comme cela.


You regularly describe your painting as spontaneous and hybrid. Is this syncretic aesthetic at the service of a message you wish to convey ? You lived until the age of 18 in Abidjan before settling in 1991 in Bordeaux where you studied art. What was your first approach to art ? I have always enjoyed drawing from kindergarten to senior year. It was the only subject I was enthusiastic about for doing seriously my homework. I can't say that it was my first approach, it was natural, I don't explain it. And I think we're all different talents, each at our own level, it's just that we can't necessarily spot them or because they're restricted at some point.

I don't know if aesthetics is at the service of the message I want to convey, I don't even know if I want to address one, it's a form of catharsis, something that comes out naturally without asking myself too many questions about a message or a legitimacy of speech. It is in the interpretation that we can make it that everyone can find a meaning that is more or less personal to them. Then the question of aesthetics really does not matter, even if it seems that there is non purposely a form of aesthetics, but that is not the ultimate goal.

As an artist, do you consider yourself to be "undisciplined" ? Firstly, I don't know what "artist" means, I think there are people who do things with more or less passion, interest, but when I read the first In-Discipline catalogue I saw that it was "in" discipline and I join what JLH said "look deeper into your discipline". Indeed it is fun to be in a context where I can do things that I can't do in my workshop, I can go a little further, especially in terms of format. This is precisely the opportunity for me to present something else than what I am know, for me my painting, in this case to present drawing which for me is really the basis of painting, of visual arts. It's a very simple drawing, without frills, without fuss, without blabla, a fairly clear line, a simple line. I had fun looking deeper into it and drawing in a little more monumental way. You explore different media: fabric, paper, canvas while using paint, coloured pencils or pastels. Why is it important for you to vary the techniques and supports ? I'm versatile and I'm bored doing the same thing over and over again, it's more a pleasure to vary, especially to switch from brush to pencil: it allows you to diversify and not get too bored. That's what's interesting about working in résidency, to be able to express yourself in formats that I can't usually work with.

What are your influences ?

Classical painting in general, from Caravaggio to Degas, from the Renaissance to modern painting. When I arrived in France at the age of 17, painting was that, something very academic, something I learned to deconstruct; so yes my influences remain very academic, very classical. In the etymology of chaos it is explained that before the BigBang everything was already present but in an unordered way and that it allowed then everything to be put in order. I find it amusing to think that you can have a mess, an unorganized mess that could be arranged in your own way, on paper or on the canvas. I like the mess. this year, the second edition of the In-Discipline programme honours Ivory Coast. There are many symbolic elements of your country of origin, what place do they have in your creation ?


I do not define myself in terms of national affiliation. I think that the arts have no boundaries, it is a universal language. As a visual artist, we are ambassadors of universal thought. Besides, there can be a more oriented colour because we have cultural references, but that's all it is. So it would be pretentious to say that I represent Ivory Coast on my own. It is not just Ivory Coast, it's things I've seen and grown up with, objects like the bottles of Gin found in some ritual ceremonies or animals like poultry, goats or sheep walking in the street. It haunts me, it continues to haunt my paintings, that's why I like to put poultry and sheep in a little bourgeois interiors because I wonder about human nature and I tell myself that finally we don't really deserve to be represented in painting as humans. Sometimes animals have a little more sense than we do. That's why I enjoy representing them in comfortable interiors. The Louis XV furniture you can find it in the families a little bit bourgeois in Africa. They are furnished with empire furniture, parquet, marble, stucco, while culturally we have a lot of things there that we don't even think of wusing in furniture. The reflex is to buy, to consume Western, you don't think about self-consumption, as soon as money comes in you have to buy imported things. I have a dual culture, I have lived in France for a long time, we can talk about a form of syncretism that is found in my work.

In 2014, you did your first artistic residency at Art OMI, in the United States. After two successive residencies in Marrakech as part of the In-Discipline programme, what benefit(s) do you get from it ?

At OMI as well as in Marrkach, there are many exchanges with collectors and art lovers who come to discover the place and the work of the artists. The strength of my last residency is to support artists over the long term and not just to finish a project. Another benefit of being in a residency is to be mixed with others and to realize that even if we seem to have many differences, we are very similar, we are identical, except that we have chosen to highlight a facet of ourselves and that socially we do everything we can not to show our dark side. I try to show in my drawings things that people don't want to see, like poultry. For example, in one of my initial drawings there were chickens hanging in a slaughterhouse and as I was looking closely at the drawing I realized that by putting their feet on the ground you had the impression that they were dancing. There is a barbaric, cruel side, but there is also poetry in this kind of erotic round. There is always this macabre aspect and that in general people have a lot of difficulty seeing it. That's also why it's easier to integrate these kinds of things into very colorful still lifes than the two-color things I'm doing right now, which people are more reluctant to do. That's the advantage here, I can put aside the commercial aspect, there is the possibility to have that kind of production.


Études anatomiques approximatives #1 #2 - 2018 Technique mixte sur papier 100 x 152 cm



Études anatomiques approximatives #4 - 2019 Technique mixte sur papier 152 x 300 cm



Armand Boua Marrakech 2018


ARMAND BOUA

Armand Boua est né en 1978 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Diplômé de l’École Nationale des Beaux-Arts d'Abidjan ainsi que du Centre Technique des Arts Appliqués, il vit et travaille à Abidjan. Armand Boua traite de la condition humaine. Ses œuvres révèlent ainsi les figures sans formes d'enfants oubliés, témoignant de la violence qui continue de caractériser les luttes politiques en Afrique de l'Ouest. C’est à Abidjan, capitale économique au carrefour de l'urbanisation et de l'industrialisation que la sensibilité de l’artiste s’aiguise. Son travail sur les enfants est inspiré de scènes de rue où les migrations urbaines créent des enchevêtrements ethniques, linguistiques, culturels et sociaux. Les œuvres d’Armand Boua font partie de la collection permanente du Minneapolis Institute of Art. L’artiste a notamment participé en 2005 à l’exposition ‘Pangaea II: New Art From Africa and Latin America’ à la Saatchi Gallery à Londres ainsi qu’à la 9ème édition de la Biennale de Dak'art en 2010. Armand Boua was born in 1978 in Abidjan, Ivory Coast. Graduated from the National School of Fine Arts of Abidjan as well as of the Technical Center of Applied Arts, he lives and works in Abidjan. Armand Boua deals with human condition. His works thus reveal faces without forms of forgotten children, showing the violence that continues to characterize the political struggles in West Africa. It is in Abidjan, the economic capital at the crossroads of urbanization and industrialization that the artist's sensitivity sharpens. His work on children is inspired by street scenes where urban migration creates ethnic, linguistic, cultural and social intricacies. Armand Boua's works are part of the permanent collection of the Minneapolis Institute of Art. The artist participated in 2005 in the exhibition 'Pangea II: New Art From Africa and Latin America' at the Saatchi Gallery in London and at the 9th edition of the Dak'art Biennale in 2010.


GOPAL DAGNOGO

Gopal Dagnogo est né en 1973 à Abidjan, en Côte d'Ivoire. L'artiste vit et travaille aujourd'hui à Paris. Véritables hommages à la banalité du quotidien, les œuvres de Gopal Dagnogo agissent comme les outils d'une réconciliation avec le sacré. Mémoire, conscience, souvenirs, les images confuses se bousculent, s’entrechoquent ou parfois s’isolent. Comme en surimpression, le peintre invente et ré-enchante une mythologie contemporaine qui, au-delà d’un syncrétisme culturel évident, souligne les paradoxes intérieurs et les contradictions d’un monde à la fois plus policé et plus violent. Depuis 2010 Gopal Dagnogo a participé à de nombreuses expositions en Afrique, en Europe, aux USA ou en Asie. Récemment il a participé à la 11ème et 12ème édition de la biennale de Dakar au Sénégal ainsi qu'à la 1ère biennale de Kampala en Ouganda (2014). Certaines de ses œuvres font partie de collections publiques et privées, dont celle du musée d’art moderne de Koweït City. Gopal Dagnogo was born in 1973 in Abidjan, Ivory Coast.The artist lives and works in Paris today. Real tributes to the banality of everyday life, the works of Gopal Dagnogo act as the tools of a reconciliation with the sacred. Memory, consciousness, confused images jostle each other, collide or sometimes isolate themselves. Playing with superimposition, the painter invents and re-enchants a contemporary mythology which, beyond an obvious cultural syncretism, underlines the inner paradoxes and contradictions of a world both more civilized and more violent.Since 2010 Gopal Dagnogo has participated in numerous exhibitions in Africa, Europe, the USA or Asia. Recently he participated in the 11th and 12th Dakar Biennale in Senegal, Dak'Art (2014 and 2016) and in the 1st Biennial of Kampala in Uganda (2014). Some of his works are part of public and private collections, including the Museum of Modern Art in Kuwait City, Kuwait.


Gopal Dagnogo Marrakech 2018


Pascal Konan Marrakech 2018


PASCAL KONAN

Konan Pascal est né en 1979 à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Diplômé de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan, Pascal Konan y enseigne aujourd'hui la peinture tout en pratiquant son activité artistique. Mettant en scène la vie quotidienne des habitants d'Abidjan, l'artiste se fait l’interprète d’une émotion particulière, celle que produisent les villes africaines à travers leur affluence et l'exubérante profusion de sons et d'odeurs qui les caractérisent. Toute la démarche de Pascal Konan réside ainsi à la fois dans l’exaltation d’une enfance heureuse passée dans un des faubourgs d’Abidjan, mais également dans le témoignage de la précarité d’une Afrique aux prises avec l’urbanité. Pascal Konan s'est vu discerner plusieurs prix et distinctions. En 2012, il est Lauréat du prix UEMOA à la 10e biennale de DAK’ART. En 2014, l'artiste remporte le prix Christian Lattier lui octroyant la possibilité de réaliser une résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris. Enfin, une exposition individuelle lui est consacrée à la Rotonde des Arts Contemporains d'Abidjan en 2017. Pascal Konan was born in 1979 in Abidjan, Ivory Coast. Graduated from the National School of Fine Arts in Abidjan, Pascal Konan teaches today painting while practicing his artistic activity. Staging the daily life of the inhabitants of Abidjan, the artist interprets a particular emotion, the one produced by African cities through their crowd and the exuberant profusion of sounds and smells that characterize them. Pascal Konan's whole approach lies both in the exaltation of a happy childhood spent in one of the suburbs of Abidjan, but also in the testimony of the precariousness of an Africa grappling with urbanity. Pascal Konan has been awarded several prizes and distinctions. In 2012, he won the UEMOA prize at the 10th biennale of DAK'ART. In 2014, the artist won the prize Christian Lattier granting him the opportunity to undertake a residency at the Cité Internationale des Arts in Paris. Finally, an individual exhibition is dedicated to him at the "Rotonde des Arts Contemporains" in Abidjan in 2017.


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Les artistes en résidence pour le programme IN-DISCIPLINE à Marrakech 1 Joachim Silué 2 Yéanzi 3 Gopal Dagnogo 4 Pascal Konan 5 Armand Boua


JOACHIM SILUÉ

Kagnédjatou Joachim Silué est né en 1972 à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Bologne, il est à la fois peintre, sculpteur et designer. Il vit et travaille aujourd’hui à Modène, en Italie. En admirant les natures mortes de Joachim Silué, il est difficile de ne pas y voir un hommage à la vie, aux sens. A cheval entre la peinture et la sculpture, ses œuvres se composent de bitume, de fils de fer ou encore de bois recyclés dont la matérialité est palpable. Le souvenir de son passé l’anime. Non sans une certaine élégance, la palette réduite composée de blancs, de noirs et de beiges souligne la présence narrative de ces matériaux bruts dont Joachim Silué s’applique à sublimer les derniers instants de vie, comme pour leur octroyer une ultime fonction. Joachim Silué enseigne depuis plusieurs années les arts visuels au Musée Municipal d’Archéologie, d’Ethnologie et d’Art Médiéval de Modène. En 2017 il participe à l’exposition « The Juices of Time » organisée au sein du Pavillon de la Côte d’Ivoire pour la 57e Biennale de Venise. Kagnédjatou Joachim Silué was born in 1972 in Abidjan, Ivory Coast. Graduated from the Academy of Fine Arts in Bologna, he is at the same time painter, sculptor and designer. He lives and works today in Modena, Italy. While admiring the still lives of Joachim Silué, it is difficult not to see a tribute to life, to senses. Half way between painting and sculpture his works are composed of bitumen, wire or recycled wood whose materiality is palpable. The memory of his past animates him. Not without a certain elegance, the reduced palette composed of whites, blacks and beiges emphasizes the narrative presence of these raw materials of whom Joachim Silué tries to sublimate the last moments of life, as to grant them an ultimate function. Joachim Sltué has been teaching visual arts for several years at the Municipal Museum of Archeology, Ethnology and Medieval Art of Modena. In 2017 he participated in the exhibition "The Juices of Time" organized in the Pavilion of Ivory Coast for the 57th Venice Biennale.


Joachim Silué Marrakech 2018


Yéanzi Marrakech 2018


YÉANZI

Yéanzi est né en 1988 à Katiola, en Côte d’Ivoire. Diplômé de l’École Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan dont il sort major de sa promotion en 2012, Yéanzi a travaillé comme portraitiste de commande pendant une dizaine d’années. Il vit et travaille aujourd'hui à Bingerville en Côte d'Ivoire. La question de l'identité est au cœur du travail de Yéanzi. A travers le portrait, l'artiste révèle en filigrane la personnalité d'individus à la double identité, utilisant régulièrement des noms d'emprunt. Tel le témoignage du masque qu'ils portent en société, Yéanzi donnera leurs noms à ses œuvres. Yéanzi a reçu plusieurs prix et distinctions, notamment le diplôme d’honneur de l’Ordre National du Mérite Ivoirien en 2012. En 2013, il est lauréat du ‘‘Grand Prix de Guy Nairay’’ et du prix ‘‘Bene Hoane’’. Son travail a été présenté à la Rotonde des Arts Contemporains en 2012 et à la Fondation Donwahi en 2014 dans le cadre de l’exposition AAA (Abidjan Arts Actuels). En 2016, il participe à l’exposition collective "Une collection particulière" dans le cadre du Off de la 12e biennale de Dakar. Yéanzi was born in 1988 in Katiola, Ivory Coast. Graduated with honors from the National School of Fine Arts in Abidjan in 2012, Yéanzi worked as a portraitist for a dozen years. He lives and works today in Bingerville, Ivory Coast. The question of identity is at the heart of Yéanzi's work. Through the portrait, the artist implicitly reveals the personality of individuals with dual identities, regularly using aliases. Such as the testimony of the mask they wear in society, Yéanzi gives their names to his works. Yéanzi has received several awards and honors, including the diploma of honor of the National Order of Merit of Ivory Coast in 2012. In 2013, he is the winner of the "Guy Nairay Grand Prix" and the "Bene Hoane" award. His work was presented at the Rotonde des Arts Contemporains in 2012 and at the Donwahi Foundation in 2014 as part of the AAA exhibition (Abidjan Arts Actuels). In 2016, he participated in the collective exhibition "A private collection" as part of the Off of the 12th biennale of Dakar.




ASCAL

ONAN


Au claire de la lune #2 - 2018 Technique mixte sur toile 120 x 120 cm


Femme à la fenêtre #1 - 2018 Technique mixte sur toile 92 x 73 cm


Homme à la fenêtre #2 - 2018 Technique mixte sur toile 92 x 73 cm


Vue du vernissage de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )




Marrakech - 2018 Technique mixte sur toile 200 x 200 cm


Diplômé de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan, tu y enseignes aujourd’hui la peinture tout en pratiquant ton activité artistique. A quel moment l’art est-il devenu une vocation pour toi ? Une vocation dans le sens d’appel, oui. Ma mère jouait du tam-tam, même si cela a commencé avec la musique, je suis né dans une atmosphère artistique. Dès l’âge de trois ans j’ai commencé à dessiner par terre, sur le sable. Mon père a compris très tôt mon attrait pour l’art et il m’a mis en contact avec un calligraphe. A chaque voyage, je partais avec lui pour apprendre à ses côtés. Cela m’a permis d’entrer très tôt dans ce monde artistique.

lue à celle-ci. L’artiste a toujours un message, une vision du monde à véhiculer. Cette dernière peut s’apparenter à une démarche engagée vis a vis de notre société. Je pense que l’artiste doit éveiller les consciences. L’artiste n’a pas la prétention de maîtriser, de savoir certaines choses mais il a son mot à dire. Un artiste arrive à parler à l’âme de son prochain à travers des taches de couleurs, des vibrations, des symboles ou des objets qu’il détourne. Il a un rôle majeur dans la gestion de notre société. Un artiste voit au-delà des apparences et s’attelle à chercher la vérité, la sincérité.

Dans quelle mesure le projet que tu as réalisé relèvet-il de l’ « indiscipline » ? Le projet que je développe ici trouve une certaine harmonie avec la thématique de l’indiscipline. C’est une thématique ouverte, l’indiscipline regroupe beaucoup de choses, d’ordre caractériel ou d’ordre sociétal. Moi j’ai préféré prendre l’indiscipline par l’angle sociétal. Je veux interpeller mon prochain sur une politique de gestion saine de notre environnement afin d’inciter les gens à être dans la discipline ( in - discipline ). Je dénonce la construction, la gestion de notre habitat, de notre environnement. Je me donne comme objectif de dénoncer avec mon filtre, avec la chose plastique, à travers les différents éléments utilisés dans notre quotidien. J’impulse une orientation, une autre vie aux déchets électroniques. Les gens connaissent ce matériau, il leur parle et cela rend le message de l’œuvre plus audible. En 2015, au cours de ta résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris pour le compte de la Côte d’Ivoire, tu as réalisé le projet ART-LERTE visant à décrier l’attitude insouciante de l’homme face à son environnement. Quel est selon toi le rôle de l’artiste dans notre société ? On dit de l’art contemporain qu’une œuvre d’art est plus dans le dire que dans le faire. Le message véhiculé par l’œuvre ajoute une plus-va-

Le programme In-Discipline pose dans une première phase triennale en Afrique un regard sur la singularité créative de trois pays différents. Comment as-tu perçu l’intérêt d’un tel projet ? In-Discipline devient un programme important car il établit un pont dans le Sahara entre l’Afrique du nord et l’Afrique sub-saharienne. C’est un fait énorme. Il crée un passage de culture, une synergie d’actions et un idéal commun. C’est un programme qui se veut le creuset de toutes ces diversités culturelles, c’est pourquoi il est aujourd’hui majeur. Il parvient à réunir des talents de toutes les contrées, il est de plus axé sur un pays, ce qui permet aux gens de comprendre l’âme créative de chaque pays et c’est essentiel.

Ton travail s’inscrit dans la continuité d’un projet initié en 2015 sur la gestion de nos villes, à travers l’utilisation de différents matériaux, comme les e-déchets. Quelle a été la portée de cette nouvelle phase de création ?


Je l’ai vécue comme étant une matérialisation d’un certain parcours. J’avais commencé ce projet à la Cité Internationale des Arts à Paris, mais je n’avais pas trouvé sa nature et je n’ai pas pu réaliser certaines œuvres. Ici, j’ai cette impression qu’avec le brassage, la parole, l’assistance et surtout l’aide technique apportée cela m’a permis de m’extérioriser davantage et de me laisser même entrevoir d’autres pistes avec d’autres techniques. J’ai vécu une transition, une découverte de moimême et d’autrui, et aussi une confrontation de mon travail avec l’autre.

C’est dans cette démarche là que j’utilise ou en réutilise les rebus de la société, les déchets électriques et électroniques, je leur donne une seconde chance pour atteindre mon but. Je dirais que mon œuvre suit une certaine esthétique qui relève d’une beauté fonctionnelle. Ce que je fais, ce n’est pas juste pour plaire aux yeux, mon esthétique suit une recherche qui a pour intention : interpeller, éveiller les consciences, être politicien dans le sens où je m’intéresse à mon prochain. Je prône l’action individuelle comme moyen de concrétiser l’humanisme. Cette phrase résume presque tout. Quelles sont tes influences artistiques et comment ont-elles servi ta réflexion ?

La question du beau est continuellement interrogée dans l’art et la philosophie. Dans quelle mesure ton travail fait-il appel à ce questionnement ? Tout le monde est dans la recherche du beau, maintenant la question est de savoir qu’estce que le beau ? Il existe une beauté libre et une beauté adhérente. La première n’est déterminée par aucun concept, on ne discute pas des couleurs ni des goûts, chacun est libre. Alors que la deuxième présuppose un tel concept, elle a des principes et des modes de fonctionnement. Dans l’art africain on parle de beauté fonctionnelle. Autrement dit, est-ce que ce que tu fais fonctionne, est-ce que cela atteint un but ? Par exemple, une statuette ou un masque Dan peuvent faire peur car ils ont été réalisés dans le but d’effrayer l’adversaire. Le masque Dan devient beau s’il a rempli cette fonction de faire peur. C’est pourquoi on dit que le laid est une catégorie esthétique. En terme de beauté, je parlerai de beauté adhérente. Une œuvre ne peut pas être esthétique s’il n’y pas de déontologie derrière, de démarche pour atteindre un but.

J’ai été professeur pendant sept ans d’histoire de l’art occidental. L’art occidental m’a beaucoup parlé, en particulier l’art des années 1950 jusqu’à nos jours en passant par l’hyperréalisme, l’art cinétique et le pop art. J’ai beaucoup appris de ces artistes. J’ai compris que l’œuvre d’art vaut plus par la manière de la présenter que l’œuvre elle-même. Je m’explique, par exemple la manière dont Hendrik Beikirch va présenter son œuvre est plus pertinente que l’objet d’art, car une machine pourrait représenter cela. Ce qui m’intéresse c’est la manière dont l’artiste montre cette dernière, la philosophie qu’il y a derrière. Tous ces éléments font qu’elle prend de la valeur car elle est habitée par des mots, des vibrations. Cette manière de voir m’a beaucoup influencé. Le côté décalé de l’art me fascinait également.


Graduated from the National School of Fine Arts in Abidjan, you now teach painting while practicing your artistic activity. When did art become a vocation for you ? A vocation in the sense of call, yes. My mother played drumming, even though it started with music, I was born in an artistic atmosphere. When I was three years old, I started drawing on the ground, on the sand. My father understood my interest in art very early on and put me in touch with a calligrapher. During every trip, I was going with him to learn with him. This allowed me to enter this artistic world very early on.

convey. The latter can be compared to a committed approach to our society. I think that the artist must awaken people's consciences. The artist does not pretend to control, to know certain things but he has a say. An artist can speak to the soul of his fellow man through colour stains, vibrations, symbols or objects that he diverts. He has a major role in the management of our society. An artist sees beyond appearances and strives to seek truth, sincerity.

I want to call on my fellow man on a policy of safe management of our environment, encourage people to be in the discipline.

To what extent is the project you carried out "undisciplined"? The project I am developing here finds a certain harmony with the theme of the indiscipline. It is an open theme, the indiscipline brings together many things, of a character or societal nature. I preferred to take the notion from a societal perspective. I want to question my fellow man on a policy of healthy management of our environment in order to encourage people to be in the discipline (in - discipline). I denounce the construction and management of our habitat and environment. I set myself the objective of denouncing with my filter, plastically, through the different elements used in our daily lives. I am promoting an orientation, another life for electronic waste. People know this material, it speaks to them and it makes the message of the work more audible. In 2015, during your residency at the Cité Internationale des Arts in Paris on behalf of Ivory Coast, you carried out the ART-LERTE project aimed at decrying man's carefree attitude towards his environment. What do you think is the role of the artist in our society ? It is said of contemporary art that a work of art is more in saying than in doing. The message conveyed by the work adds value to it. The artist always has a message, a vision of the world to

The In-Discipline programme, in its first three-year phase in Africa, takes a look at the creative singularity of three different countries. What was for you the interest of such a project ?

In-Discipline is becoming an important programme because it builds a bridge in the Sahara between North Africa and Sub-Saharan Africa. That is a huge fact. It creates a passage of culture, a synergy of actions and a common ideal. It is a programme that aims to be the melting pot of all these cultural diversities, which is why it is now major. It brings together talents from all over the world, and is country-oriented, allowing people to understand the creative soul of each country, and that is essential.

Your work is in line with a project initiated in 2015 on the management of our cities, through the use of different materials, such as e-waste. What was the impact of this new phase of creation ? I experienced it as a materialization of a certain journey. I had started this project at the Cité Internationale des Arts in Paris but I had not found its nature and I could not realize some works. Here, I have the feeling that the meetings and contions,


the assistance and especially the technical help provided, allowed me to express myself more and even to let myself glimpse other paths with other techniques. I experienced a transition, a discovery of myself and others, and also a confrontation of my work with the other.

The question of beauty is continually questioned in art and philosophy, to what extent does your work draw on this questioning ? Everyone is in search of beauty, now the question is what is beauty? There is a free beauty and there is an adherent beauty. The first is not determined by any concept, there is no discussion of colours or tastes, everyone is free. While the second presupposes such a concept, it has principles and modes of operation. In African art we speak of functional beauty. In other words, does what you do work, does it achieve a goal? For example, a statuette or a Dan mask can be scary because they were made to frighten the opponent. The Dan mask becomes beautiful if it has fulfilled this scary function. That's why we say that the ugly is an aesthetic category. In terms of beauty, I will talk about adherent beauty. A work cannot be aesthetic if there is no deontology behind it, no approach to achieve a goal. It is in this process that I use or reuse the society's waste, electrical and electronic waste, I give them a second chance to achieve my purpose. I would say that my work follows a certain aesthetic that is a functional beauty. What I do is not just to please the eyes, my aesthetics follows a research that aims to challenge, awaken consciences, be a politician in the sense that I am interested in my fellow. I advocate individual action as a means of making humanism a reality. This sentence sums up almost everything.

What are your artistic influences and how did they help your reflection ? I was a professor for seven years of Western art history. Western art has spoken to me a lot, especially art from the 1950s to the present day, through hyper-realism, kinetic art and pop art. I learned a lot from these artists. I understood that the work of art was worth more by the way it is presented than the work itself. I explain myself, for example, how Hendrik Beikirch presents his work is more relevant than the artwork, because a machine could represent that. What interests me is the way the artist shows it, the philosophy behind it. All these elements make it valuable because it is inhabited by words and vibrations. This way of seeing things has influenced me a lot. The offbeat side of art also fascinated me.


Vue de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )



Au claire de la lune #1 - 2018 Technique mixte sur toile 120 x 120 cm




La gare de Bassam Abidjan - 2018 Technique mixte sur toile 200 x 200 cm


OACHIM

ILUÉ


Accident - 2018 Acrylique sur toile 130 x 162 cm


Droite Un sandwich de fusil - 2018 Technique mixte sur bois 205 x 90 cm

Centre Due donne - 2018 Technique mixte sur bois 205 x 90 cm

Gauche A sheet of pasta - 2018 Technique mixte sur bois 205 x 96 cm



Tes œuvres se situent entre la sculpture et la peinture et exhalent la matérialité des objets utilisés. Peux-tu nous parler de ta première approche de l’art et plus particulièrement de la matière ? Il n'a pas été difficile pour moi de trouver une sorte de tiroir dans lequel l’histoire de l’art pouvait introduire ce que j’avais envie de faire. J’avais uniquement envie de m’exprimer. C’est une envie que j’ai depuis mon plus jeune âge. J’avais toujours ce besoin de fabriquer, de créer. J’avais déjà une approche assez physique avec la matière. Vers quatre ou cinq ans, je faisais des dessins de voitures, je les fabriquais, je les construisais avec des fils de fer. J’avais ce besoin-là. Je ne savais rien de l’histoire de l’art, je ne savais pas ce qu’était le futurisme ou le pop art. C’est donc très jeune que tu as eu cette envie d’expérimenter différents matériaux, à quel moment as-tu compris que l’art serait ton domaine d’expression ? L’art a commencé à être une évidence pour moi quand je suis arrivé au collège. J’ai alors compris que j’avais quelque chose à exprimer. A 18 ans, j'ai quitté la Côte d’Ivoire pour partir à l’aventure. Je suis arrivé en Europe, en Italie, j’ai fait toutes sortes de petits travails tout en fréquentant pendant mon temps libre les musées. Je me suis rendu compte que j’adorais cela. J’avais éteint cette flamme et je l’ai rallumée. J’ai travaillé intensément. J’ai survécu à un accident et je suis resté un an et demi sans ne pouvoir rien faire. À partir de ce moment, j’ai commencé à peindre pour m’occuper. Cet accident m’a rapporté à la toile. Tu as été diplômé des Beaux-Arts de Bologne en 2005, que retiens-tu de ton instruction académique ? Cela m’a apporté une prise de conscience assez importante. Savoir ce qu’est l’art, la culture. C’est à ce moment que j’ai commencé à chercher mon identité plastique. En connaissant l’histoire de l’art, j’ai été amené à chercher qui j’étais, à trouver mon identité. J’ai revu mon père. Il tenait à ce que nous connaissions notre culture, notre tradition Sé-

noufo. L’histoire de l’art m’a apporté des clefs de compréhension de ma culture, que ce soit pour les masques ou les fêtes en Côte d’Ivoire. L’instruction académique m’a apporté une conscience.

J'aime la matière organique. Je crois que l'objet tient l'âme de la personne qui l'a utilisé.

Comment as-tu fait le pont entre cette pratique classique et ton champ d’expression actuel. As-tu eu des maîtres à penser qui t’ont aidé dans la recherche de ton identité plastique ? Mon professeur d’anatomie et mon professeur d’art graphique ont été des maîtres à penser. Sur la technique je suis autodidacte. Je suis issu d’une académie traditionnelle où je peins la pomme comme je la vois. En revanche, dans mon travail je n’aime pas dessiner la pomme comme elle est car notre monde aujourd’hui n’est pas la réalité. Je cherche à faire voir la réalité d’une manière parfois amusante et parfois dramatique. L’approche que j’ai dans mes dessins se rapproche de celle exercée dans les dessins animés, par sa rapidité d’exécution, je fais presque du minimalisme mais avec de la matière. Tout cela a un sens pour moi. Visuellement, nous sommes tous propres, soignés, car c’est l’apparence que l’on souhaite refléter mais nous avons quelque chose qui peut être violent en nous, qui est caché. Je veux montrer cette violence, car le monde en réalité est brut.

On retrouve dans ton travail une utilisation récurrente de matériaux bruts récupérés (bois recyclés, fils de fer, sable, miroirs…). Qu’est-ce que cela implique ? Pour moi la matière représente notre histoire, je ne vais donc pas peindre notre société sans l’utiliser. La matière représente l’histoire de la personne, de la collectivité, de la société auxquelles j’y


ajoute mon propos. J’utilise tout ce qui peut être ajoute mon propos. J’utilise tout ce qui peut être approché par un individu, souvent une matière organique. Je me dis que l’objet possède l’âme de la personne qui l’a utilisé. Quand il y a un tremblement de terre, tout le monde se désole car il rase tout et efface tout ce qui a été construit. Cela veut dire que chaque individu a une approche particulière aux éléments avec lesquels il vit. Quand la personne perd tout, elle a l’impression de ne plus avoir ses points cardinaux, comme si sa vie était remise à zéro. Pour moi c’est très important de prendre ces objets et de les proposer avec ma manière de voir les choses.

Durant cette résidence, tu as travaillé sur la série « Mental Slavery » qui réunit une trentaine de pièces faisant écho à différentes formes de soumissions contemporaines. Dans quelle mesure te considères-tu comme un artiste engagé ?

Dans mon travail, je parle de la condition humaine. Je me suis lancé dans un art engagé, j’aime parler du manque de liberté, du manque de démocratie. Je travaille sur la mentalité de l’esclave, sur la relation entre le commandant et son serviteur. Soit l'esclave n’a pas le courage nécessaire de partir soit il n’a pas la possibilité de se défaire du commandant. Il y a ce petit fil qui les tient. Il est difficile de casser ce contrat psychologique, social, culturel, politique. Pour moi, une personne doit se libérer de sa condition, il ne faut pas aller aux compromis. J’ai laissé la Côte d’Ivoire pour aller chercher mon futur ailleurs, si j’étais resté là-bas cela signifiait que j’acceptais les conditions. C‘est possible de sortir de sa condition. Je parle de quelque chose de très basic, la condition d’avoir sa liberté est la chose que tout le monde veut avoir. Je ne vivais pas paisiblement.

L’Afrique a un sous-sol très, riche mais la population ne peut pas s’offrir une tablette de chocolat. Dans mon bas âge, je voyais cette réalité et cela m’a amené à prendre des décisions. La seconde édition d’In-Discipline met en lumière la création ivoirienne contemporaine :quelles relations entretiens-tu avec ton pays d’origine ? En participant à In-Discipline, je vais pour la première fois participer à une exposition en Afrique mais c’est la deuxième fois que je représente la Côte d’Ivoire. La première fois était lors de la biennale de Venise en 2017. Le fait d’être parti de la Côte d’Ivoire ne veut pas dire que je méprisais mon pays. Je haïssais le fait de ne pas avoir d’opportunité, cette situation de chômage endémique. Je sais qu’en Côte d’Ivoire si tu as un emploi c’est pour la vie. Cette condition-là je ne pouvais pas la supporter. En me présentant à la biennale pour représenter mon pays je montre que si tu veux, tu peux. Je veux retourner en Côte d’Ivoire, j’ai beaucoup d’idées et si tu as des idées, tu peux les nourrir et essayer de les rendre réelles. Je n’ai pas envie que les jeunes en Côte d’Ivoire restent dans le désespoir le plus total.


Your works are between sculpture and painting and exhale the materiality of the objects used. Can you tell us about your first approach to art and more particularly to matter ? It was not difficult for me to find a kind of drawer in which art history could introduce what I wanted to do. I only wanted to express myself. It's a desire I've had since I was a child. I always had this need to make, to create. I already had a pretty physical approach to the material. When I was four or five years old, I used to draw car designs, and make them, build them with wire. I had this need. I didn't know anything about art history, I didn't know what futurism or pop art was. It was indeed very young that you had the desire to experiment with different materials, when did you realize that art would be your field of expression ? Art began to be an obvious part of my life when I arrived in high school. I then realized that I had something to express. At the age of 18, I left Ivory Coast to go on an adventure. I arrived in Europe, in Italy, I did all kinds of small jobs while attending museums in my spare time. I realized that I loved it. I had extinguished that flame and I lit it again. I worked very hard. I survived an accident and spent a year and a half without being able to do anything. From that moment on, I started painting to keep myself busy. This accident brought me back to canvas. You graduated from the Bologna School of Fine Arts in 2005, what do you retain from your academic education ? This has brought me a rather important awareness. To know what art and culture are. That's when I started looking for my visual identity. Knowing the history of art, I was led to look for who I was, to find my identity. I saw my father again. He wanted us to know our culture, our Senoufo tradition. Art history has provided me with keys to understanding my culture, whether for masks or celebrations in Ivory Coast. Academic education has brought me a conscience.

How did you join this classic practice with your current field of expression? Was there any important figure that helped you in the search for your visual identity ? My anatomy teacher and my graphic arts teacher were mentors. On the technique I am selftaught. I come from a traditional academy, I paint the apple as I see it. On the other hand, in my work I don't like to draw the apple as it is because our world today is not reality. The approach I have in my drawings is similar to that used in cartoons, by its speed of execution, I almost do minimalism but with matter. All this makes sense to me. Visually we are all clean, neat because it is the appearance we want to reflect but we have something that can be violent in us, that is hidden. I want to show this violence because the world is actually a rough place.

In your work, there is a recurring use of reco vered materials (recycled wood, wire, sand, mirrors, etc...). What does this imply ? For me the material represents our history, so I will not paint our society without using it. The material represents the history of the person, the community, the society to which I add my intention. I use anything that can be approached by an individual, often organic matter. I believe that the object holds the soul of the person who used it. When there is an earthquake, everyone is devastated because it destroys everything and erases everything that has been built. This means that each individual has a particular approach to the elements with which they live. When the person loses everything, he or she feels there is no more cardinal points, as if life had been reset. For me it is very important to take these objects and propose them according to my way of seeing things.


During this residency, you worked on the series "Mental Slavery" which brings together about thirty pieces that echo different forms of contemporary submissions. To what extent do you consider yourself a committed artist ?

In my work I talk about human condition. I have embarked on a committed art, I like to talk about the lack of freedom, the lack of democracy. I work on the mentality of the slave, on the relationship between the commander and his servant. Either the slave does not have the necessary courage to leave or he does not have the possibility to get rid of the commander. There's this little thread that holds them. It is difficult to break this psychological, social, cultural, political contract. For me, a person must free himself from his condition, we must not go to compromises. I have left Ivory Coast to look for my future elsewhere, if I had stayed there it would mean that I accepted the conditions. It is possible to escape one's condition. I'm talking about something very basic, the condition of having freedom is the thing that everyone wants to have. I wasn't living peacefully. Africa has a very rich subsoil but the population cannot afford a chocolate bar. In my early years, I saw this reality and it led me to take decisions.

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The second edition of In-Discipline highlights contemporary Ivorian creation: what are your relations with your country of origin ? By participating in In-Discipline, I will for the first time participate in an exhibition in Africa but this is the second time I represent Ivory Coast. The first time was at the Venice Biennale in 2017. The fact that I left Ivory Coast does not mean that I despised my country. I hated the fact that I had no opportunities, this situation of endemic unemployment. I know that in Ivory Coast, if you have a job, it's for life. I could not bear this condition. By presenting myself at the biennale to represent my country I show that if you want, you can. I want to go back to Ivory Coast, I have many ideas and if you have ideas, you can feed them and try to make them real. I do not want young people in Ivory Coast to remain in total despair.



Droite La croix - 2018 Technique mixte sur bois 442 x 173 cm

Centre Unico - 2018 Technique mixte sur bois 376 x 145 cm

Gauche Alone - 2018 Technique mixte sur bois 400 x 150 cm


Only - 2018 Technique mixte sur bois 405 x 225 x 45 cm




Vue du vernissage de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )


Mental slavery - 2018 Technique mixte sur bois 400 x 225 x 45 cm



ÉANZI


Colloquium Chaka #1 - 2018 Technique mixte sur plexiglass 151 x 202 cm



Colloquium Chaka #3 - 2018 Technique mixte sur plexiglass 150 x 200 cm



Vue de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )


Colloquium Chaka #4 - 2018 Technique mixte sur plexiglass 149 x 195 cm



La question de l’identité a toujours animé ton travail, comment s’est développée ta démarche artistique autour de cette thématique ? Ma démarche artistique est teintée de beaucoup de sincérité. Mon parcours m’a contraint à être honnête. Je travaille sur la question identitaire car elle a pris forme dans ma propre histoire. Moi-même j’ai porté deux noms, j’ai eu deux vies. Ainsi, mon premier projet PERSONA était construit autour de la question de l’identité individuelle : qui sommes-nous? Sommes-nous des chiffres? Des lettres? Sommes-nous ce que nous prétendons être ? J’ai alors mené des investigations dans des petits quartiers comme à Bingerville en Côte d’Ivoire où la majorité des personnes a une double identité. Elles se font appeler par un surnom qu’elles choisissent. Il y avait par exemple un chauffeur de taxi qui s’appelait Mohamed mais qui se faisait appeler Obama. Finalement, le chauffeur de taxi Obama a fait disparaître Mohamed car personne ne connaît Mohamed. C’est un phénomène qui avant me paraissait banal mais qui est très puissant en réalité. Même certains quartiers en Côte d’Ivoire se nomment quartier Berlin ou quartier Viêtnam. Dans le second chapitre de ce projet j’ai travaillé sur l’identité collective, sur les communautés. Ainsi, ma série PROJECTIONS traitait notamment du Brexit. Je pense que l’explication du Brexit n’est pas à chercher du côté de la monnaie ni de l’immigration, il s’explique davantage par la question de la communauté. Avec ces deux chapitres, j’ai ainsi pu montrer la diversité et la richesse de cette question. Ce qui est ressorti de ces deux volets est que l’identité n’est pas absolue. En effet, on peut finir par se séparer, par migrer, par aller vers une autre société, épouser une autre vision, renier l’ancienne, quoique l’ancienne fera toujours partie de nous. Si on se retrouve au Maroc au bout de quelque temps, soit on devient marocain, soit on ne s’adapte pas du tout et on continue sa quête parce qu’on ne se reconnaît pas dans cette communauté. L’identité est donc une quête permanente et perpétuelle de ce que nous sommes.

Au cours du programme In-Discipline, tu as réalisé la série « Colloquium », laquelle s’appuie plus particulièrement sur la notion de patrimoine. Peux-tu nous en dire davantage ? In-Discipline a eu l’effet magique de me faire sortir de mon schéma habituel, de mon approche objective pour aller vers la narration. En effet, dans ma nouvelle série COLLOQUIUM j’approfondis ma réflexion sur la question identitaire par un dialogue entre le présent et le passé. J’ai voulu m’imprégner de notre identité du passé, notre identité historique et voir comment elle interagit avec notre identité actuelle. L’identité historique est puissante, on la retrouve dans les musées, elle entretient la culture et la civilisation des peuples. Quand j’utilise dans mes œuvres l’histoire de l’Egypte, de Ramsès II particulièrement, cela m’intéresse de le confronter à un enfant d’Afrique subsaharienne afin de questionner ce que cette civilisation représente pour lui. Est-ce qu’il se sent égyptien ou est-ce qu’on ne lui a jamais proposé cette histoire ? Ce dialogue est important pour moi, car je trouve que notre société actuelle est dans une forme d’amnésie de l’histoire. Cette cohabitation historique remet à jour ce qui a été afin que chacun puisse s’interroger sur son identité, son rapport à la communauté et à l’histoire. Tout ce travail passe par une réflexion préliminaire sur moi-même, sur mon identité. J’ai compris que j’étais toutes les cultures que j’ai côtoyées dans ma vie. En effet, nous vivons dans un monde d’emprunt.


As-tu rencontré au cours de ta vie des personnes qui ont participé à la construction de ton identité plastique ? Je suis le résultat d’un savant mélange. Au cours de mon apprentissage je me suis comporté comme une véritable éponge. Je tiens de tous ceux que j’ai rencontrés. Il y a bien sûr des professeurs qui m’ont marqué, comme Pascal Konan qui participe aussi au programme In-Discipline. J’ai partagé avec lui la connaissance, la manière d’exprimer et la passion. Il y a aussi des artistes ivoiriens, Ignace Mensah, Moné Bou et d’autres artistes à l’international comme Bruce Clarke, Malik Sidibé ou Andy Warhol. Je ne peux qu’être heureux de dire que j’ai appris de tout le monde et qu’à l’origine j’ai eu de bons professeurs.

Dans la construction de tes œuvres, tu utilises du plastique que tu fais fondre, ce qui donne naissance à des portraits en filigrane. Que symbolise le choix de cette matière ? J’ai le sentiment d’être un créateur fidèle à l’esthétique. Quelque soit la thématique que j’aborde, je veux en tant que créateur sublimer les choses. Je veux qu’il y ait de l’enchantement. Les matériaux que j’utilise doivent ainsi me permettre de me prononcer sur ces sujets-là. Il me fallait donc des matériaux qui parlent aux gens, des matériaux contemporains qui expriment un langage qu’ils comprennent. Le plastique, après le gaz à effet de serre, est le deuxième plus grand fléau de notre terre, c’est un sujet d’actualité. Chacun peut y voir ce qu’il ressent, moi je voulais des matériaux qui parlent aux gens,

le plastique fait référence à un problème écologique, cela fait partie du quotidien. Concernant la technique je suis fasciné par le feu, la flamme qui purifie, la lumière qui illumine le monde. En ce qui concerne le programme In-Discipline, comment as-tu perçu ce passage de témoin entre le Bénin et la Côte d’Ivoire ? Je pense que nous sommes un même peuple, il n’y a pas de passage de témoin, il y a une continuité. Toutes nos œuvres sont empreintes d’une recherche sur la matière, tout est lié à la nature humaine, à notre civilisation. Quand je regarde les œuvres de Nathanaël Vodouhè ou de Dominique Zinkpé, il n’y a pas de différence, nous sommes un même peuple. Nous venons pour présenter de manière diversifiée ce que nous sommes mais c’est la même entité qui parle. Je le ressens beaucoup plus comme une continuité. Je ne les sens pas béninois, je ne me sens pas ivoirien. Nous sommes des africains qui représentons la diversité du continent.


The question of identity has always animated your work, how has your artistic approach developed around this theme ? My artistic approach is tinged with a lot of sincerity. My background has forced me to be honest. I am working on the question of identity because it has taken shape in my own history. I myself have had two names, I have had two lives. Thus, my first project, PERSONA, was built around the question of individual identity: who are we? Are we numbers? Letters? Are we who we say we are? I then conducted investigations in small neighbourhoods such as Bingerville in Ivory Coast where the majority of people have a dual identity. They are called by a nickname they choose. For example, there was a taxi driver named Mohamed who called himself Obama. Finally, the taxi driver Obama made Mohamed disappear because no one knows Mohamed. It is a phenomenon that before seemed banal to me but which is very powerful in reality. Even some districts in Ivory Coast are called Berlin or Vietnam. In the second chapter of this project, I worked on collective identity, on communities. Thus my PROJECTIONS series dealt in particular with Brexit. I think that the explanation of Brexit is not to be found on the side of currency or immigration, it is explained more by the question of community. With these two chapters, I was able to show the diversity and richness of this issue. What emerged from these two components is that identity is not absolute. Indeed, we can end up separating, migrating, integrating another society, espousing another vision, denying the old one, even though it will always be part of us. If we find ourselves in Morocco after a while, either we become Moroccan or we don't adapt at all and we continue our quest because we don't recognize ourselves in this community. Identity is therefore a permanent and perpetual quest for who we are.

We live in a world of borrowing. I understood that I was the result of all the cultures I have come across.

During the In-Discipline programme, you created the "Colloquium" series, which is based more particularly on the notion of heritage. Can you tell us more ? In-Discipline had the magical effect of taking me out of my usual scheme, out of my objective approach to focus on narrative. Indeed, in my new COLLOQUIUM series I deepen my reflection on the question of identity through a dialogue between the present and the past. I wanted to immerse myself in our identity of the past, our historical identity and see how it interacts with our current identity. Historical identity is powerful, it is found in museums, it maintains the culture and civilization of peoples. When I use the history of Egypt in my works, especially Ramses II, I am interested in confronting him with a child from sub-Saharan Africa in order to question what this civilization means to him, does he feel Egyptian or has this story never been told to him? This dialogue is important to me because I find that our current society is in a form of amnesia of history. This historical cohabitation brings to light what existed so that everyone can question their identity, their relationship to the community and to history. All this work involves a preliminary reflection on myself, on my identity. I understood that I was the result of all the cultures I had come across in my life. Indeed, we live in a world of borrowing.


Have you met people in your life who helped you building your plastic identity ? I am the result of a mixing. During my studies I behaved like a real sponge. I was shaped by everyone I've met. Of course, there are teachers who have left their mark on me, such as Pascal Konan, who also participates in the In-Discipline programme. I shared with him the knowledge, the way of expressing and the passion. There are also Ivorian artists, Ignace Mensah, Moné Bou and other international artists such as Bruce Clarke, Malik Sidibé or Andy Warhol. I can only be happy to say that I learned from everyone and that I have had good teachers.

In the elaboration process of your works, you use plastic that you melt, which creates filigree portraits. What does the choice of this material symbolize ? I have the feeling that I am a creator who is faithful to aesthetics. Whatever the theme I tackle, as a creator I want to sublimate things. I want there to be enchantment. The materials I use must therefore allow me to express my opinion on these subjects. I therefor needed materials that speak to people, contemporary materials that express a language they understand. Plastic, after greenhouse gas, is the second biggest scourge on our planet, it is a hot topic. Everyone can see what they feel, I wanted materials that speak to people, plastic refers to an ecological problem, it's part

of everyday life. Concerning the technique, I am fascinated by fire, the flame that purifies, the light that illuminates the world.

With regard to the In-Discipline programme, how did you perceive this handover between Benin and Ivory Coast ? I think we are the same people, there is no handing over, there is continuity. All our works are marked by a research on matter, everything is linked to human nature, to our civilization. When I look at the works of Nathanaël Vodouhè or Dominique Zinkpé, there is no difference, we are the same people. We come to present in a diversified way who we are, but it is the same entity that speaks. I feel it much more like a continuity. I don't see them as Beninese, I don't feel I am Ivorian. We are Africans who represent the diversity of the continent.



Vue du vernissage de l'exposition IN-DISCIPLINE ( Février 2019 - 1,54 Marrakech )


Colloquium Nzinga #1 - 2018 Technique mixte sur tissu 190 x 134 cm



Colloquium Nzinga #4 - 2018 Technique mixte sur tissu 134 x 286 cm




Colloquium Nzinga #2 - 2018 Technique mixte sur tissu 190 x 134 cm


Remerciements:

Aux artistes exposants : Armand Boua - Gopal Dagnogo Pascal Konan - Joachmi Silué - Yeanzi

Pour leur précieuse contribution, nous tenons à remercier : M. Mohcine Jazouli, Ministre Délégué auprès du Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, Chargé de la Coopération Africaine S.E.M Idrissa Traoré, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République de Côte d’Ivoire près le Royaume du Maroc M. Yacouba Konaté, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan-Cocody. Président honoraire de l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA) M. Khalid Tamer, Conseiller Artistique du projet

Ainsi que toutes les personnes qui ont participé à la réussite de l’exposition IN-DISCIPLINE.

© Les auteurs des textes Crédits photographiques : Cyril Boixel Conception graphique : Hafid Lhachmi ISBN: 978-9954-624-29-6 Dépôt légal: 2019MO2884 Imprimeur: Direct Print

Ouvrage non destiné à la vente - reproduction interdite



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