Livret d'artiste - Architectures Inachevées - Roxane Daumas

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R OX A N E DAU M A S ARCHITECTURE S I NACHEVÉE S



R OX A N E DAU M A S ARCHITECTURE S I NACHEVÉE S




Roxane Daumas en prise de vue Marrakech, Maroc - sept. 2016


« Ce qui est important, ce n’est pas de finir une œuvre, mais d’entrevoir qu’elle permette un jour de commencer quelque chose ». Joan Miro

Aucun passionné d’architecture ne devrait rester indifférent face aux monstres de béton et d’armatures qui abandonnés décorent sombrement les paysages du quotidien. Ce phénomène de l’inachevé et de l’abandon n’a ni région, ni époque attitrée. Construire pour ne jamais finir, laisser tel quel aux mains de l’âge, aux agressions des intempéries et du temps sans même avoir profité de l’œuvre achevée. L’abandon croissant d’une partie de nos valeurs et notre habitude à vivre seulement l’instant servent la civilisation de l’éphémère et nous ne nous reconnaissons pas dans ces abandons, voire même nous les ignorons. Squattés, ces temples deviennent les cités d’une population interlope ou tout simplement l’abri pour une nouvelle société oubliée. Ils deviennent alors le symbole du dysfonctionnement de nos systèmes et c’est pour cela que nous refusons de les voir ! Vers le milieu du XVIIIe siècle, le romantisme mit à l’honneur les décors de ruines antiques, de parcs jonchés de vestiges oubliés où la végétation avait envahi la vie. Il devint dès lors « tendance » de construire l’inachevé. C’était le rappel nostalgique et mélancolique d’un passé perdu considéré alors comme meilleur, l’alarme précurseuse qui pointait déjà le doigt sur les décadences de nos époques.


Roxane Daumas nous plonge aujourd’hui dans un monde où la vie n’a finalement pas eu le temps de prendre possession du lieu. Témoins quelquefois d’une ambition démesurée face aux moyens, abandonnés à l’irréversible destruction du temps, ces temples, monuments souvent érigés à l’égo du bâtisseur, nous interpellent et nous ramènent à une triste réalité de nos temps modernes : le gaspillage. Plus encore, il semblerait que la vie s’en soit d’un coup absentée, laissant en plan l’instant figé et créant le malaise, l’angoisse inconsciente du visiteur qui découvre pour la première fois le lieu. Roxane, c’est tout l’inverse. Roxane c’est la vie à l’état pur, un éternel sourire, des yeux qui pétillent et une hyperactivité la soudant à l’œuvre des heures durant. Inlassable, obstinée comme si le dessin allait redonner vie au modèle. L’artiste réalise un travail consciencieux de repérage, une analyse parfaite des volumes et des masses mise en jeu et en lumière, pour enfin poser sa mine de pierre noire aussi sûre que nette. Rien n’est laissé au hasard pendant les trois cents heures nécessaires à un dessin, tout est là, précis, figé pour l’éternité. Nous avions reçu de Roxane la plus belle et précise candidature à une résidence et l’aventure a commencé. Plus de dix résidences d’un travail acharné ont été consacrées au service de ce projet. L’objectif est cette fois atteint sans contestation possible, c’est encore une fois aujourd’hui « la » récompense qui nous pousse devant. JLH


L’artiste dans son atelier à Jardin Rouge Marrakech, Maroc - déc. 2016


Architectures Inachevées Marrakech #1, #2, #3 Acrylique et crayon aquarellable sur toile 130 x 130 cm 2016





Architectures Inachevées L’Hôtel #6, #3, #4, #5, #2, #1 - Marrakech Pierre noire sur papier 28,5 x 21,5 cm 2016







Architectures Inachevées L’Hôtel #18, #17, #16, #19, #20, #21, Marrakech Pierre noire sur papier 125 x 99 cm 2018












L’artiste dans son atelier à “Fermé le Lundi” Marseille, France - sept. 2018


L’artiste dans son atelier à Jardin Rouge Marrakech, Maroc - sept. 2018


Non finito Avec ses « Architectures Inachevées », Roxane Daumas nous invite, dans une sorte d’aposiopèse, à plonger dans un romantisme inversé dans lequel nous n’avons plus la nostalgie de ce qui a été, mais de ce qui aurait pu être. En nous faisant découvrir cet inachèvement, le « non finito », que Michel Ange fût un des premiers à utiliser pour mettre en évidence l’intensité de l’intention première, Roxane entraine le spectateur dans une émotion esthétique qui le renvoie à sa propre finalité, à ses propres projets (inachevés ?) de création et de vie. Avec son talent, Roxane Daumas manie à merveille tous les registres de cette rhétorique. Depuis le romantisme de l’œuvre abandonnée, avec ses polaroids qui font penser aux premiers clichés des archéologues de Palmyre, jusqu’à

l’accomplissement d’un véritable dessein, avec les pierres noires ou l’inachèvement devient alors œuvre en tant que telle. Comme si cet inachèvement n’était plus un état mais un processus de la création architecturale, saisi et désigné par le trait puissant de Roxane. Elle réussit à capter cet inachevé pour qu’il devienne une finalité, comme si, à l’image des sculptures volontairement inachevées de Rodin, ces masses de béton armé avaient été conçues pour devenir son œuvre à elle... Baignées dans une lumière diaphane et étrange, ces pierres noires, nous interrogent, et nous éclairent aussi, sur la capacité de notre monde à achever son ambition de civilisation. « L’inachevé c’est beau » Paul Eluard Jean Pistre Valode & Pistre architectes Paris / Moscou / Beijing / Dubaï


Il y a de la poésie dans l’architecture dès lors que l’on dépasse la fonction et l’usage d’une construction et que l’on ressent des émotions face à elle. De la même manière, Roxane Daumas a su, à travers son oeuvre, figer le temps, révéler le grain, et magnifier la matière offrant une nouvelle existence à l’objet inachevé pour créer un rapport émouvant et poétique entre l’observateur et l’objet ressuscité.

L’artiste dans son atelier à Jardin Rouge Marrakech, Maroc - sept. 2017

Mehdi Besri MoBB Architecture, Casablanca



La ruine et le devenir ou pourquoi l’architecture ne devrait jamais être finie. Ruine ou devenir. Y a-t-il vraiment une différence entre ce qui n’est pas encore fini, ce qui n’a jamais été habité, et ce qui est devenu ruine après un effondrement, une fin ou une obsolescence ? Entre l’architecture en devenir avorté, et la ruine sédimentée ? Le devenir, est non seulement inhabitée, mais inhabitable. Alors que la ruine, celle qui a été habitée, garde de l’architecture sa dimension narrative, propice aux fantasmes de refondations. De la première Renaissance, à Godon Matta-Clark en passant par Piranèse, la ruine est un support d’histoires.

La redécouverte des ruines romaines et étrusques est au cœur de la première Renaissance, celle d’Alberti et de Brunelleschi, mais c’est aussi avec ces mêmes ruines, celles du Forum qu’on a reconstruit la Rome de Nicolas V et de Jules II. La ruine est un matériau mental et physique, celui qui permet de faire l’architecture avec l’architecture, et l’architecture sur l’architecture. Cette cannibalisation au sens de l’ingestion de la puissance de ces corps inertes n’est possible que parce qu’ils ont été habités. Dans le travail de Roxane Daumas, on comprend l’impossibilité de cette cannibalisation, pourtant nécessaire au devenir de l’architecture et de son inscription dans les territoires.

Cannibalisation nécessaire. Le devenir est inhumain, la ruine elle, appelle à la cannibalisation.

Venustas. Ces structures qui ne sont pas encore devenues des lieux


ont la beauté étrange et dérangeante de ce qui n’a pas encore été traversé par la vie. Elles me rappellent, la série de photographie d’Andres Serrano à la morgue de New York au milieu des années 80. Une esthétisation de ce qui n’est plus traversé par la vie. C’est cela la venustas vitruvienne, non pas la beauté de la composition et de l’ornement, mais la beauté de ce qui est traversé par une force vitale. Coupe et dissection. Au fond, faire la distinction entre le devenir et la ruine, c’est s’obliger à imaginer une fonction différente pour la coupe (architecturale) et la dissection (anatomique). La coupe est une spéculation mentale, intime, imaginaire, nécessaire à la constitution du projet mais qui ne devrait jamais être vu. Ce qui est sublimement obscène et presque pornographique dans

ces photos, c’est que l’on montre un moment du projet qui malgré sa tangibilité, ne peut être vu et encore moins montré. La dissection elle, est post-mortem, elle effeuille avec le temps, le couche de la matière et inscrit une durée dans l’œuvre, elle n’a pas la violente instantanéité de la coupe. Ne pas finir c’est laisser la place. Faire l’architecture, c’est se placer entre le devenir et la ruine, entre ce qui n’a pas commencé et ce qui n’est pas fini, mais en empruntant à ses durées leur inachèvement et parfois leur indétermination. Ce n’est qu’en ne finissant pas le projet que nous arrivons à laisser une place pour les autres dans l’œuvre. Tarik Oualalou OUALALOU + CHOI, Casablanca / Paris



L’artiste dans son atelier à “Fermé le Lundi” Marseille, France - sept. 2018


Architectures Inachevées L’Hôtel #14, #9, #13, #11, #12, #15, #7, #10, #8 - Marrakech Pierre noire sur papier 187 x 125 cm 2017 / 2018

















Architectures Inachevées Pola #1, #2, #3, #4 Photographies Polaroid 8,5 x 5,5 cm 2016



Architectures Inachevées Espace d’art Montresso* Marrakech, Maroc sept.2017




Diplômée de l’école supérieure d’art d’Aix en Provence, Roxane Daumas construit son œuvre au cœur de l’espace. Artiste multiple, elle se plait à l’utilisation de différents médiums, de la photographie à la peinture en passant par l’installation. Attentive aux curiosités qui prennent place dans notre société, l’artiste souligne les contrastes, les incohérences des mutations contemporaines et questionne les territoires en transition. Dans ses toiles, Roxane Daumas confronte les paysages lumineux aux architectures inachevées et délabrées donnant l’illusion d’une abstraction lyrique, d’un moment en suspens. Après la peinture, Roxane se focalise sur une série de dessins à la pierre noire.

2018 _« Tous à la plage », Fermé le Lundi, Marseille, France _« Architectures Inachevées », Jardin Rouge, Fondation Montresso*, Marrakech, Maroc 2017 _Exposition inaugurale, Fermé le Lundi, Marseille, France _« La collection », Espace Montresso*, Marrakech, Maroc 2015 _« Herstal – Seraing / Wallonie 2, 3 et 4 », Exposition Figure du Double, Musée des Tapisseries, Aix-en-Provence, France 2014 _« Herstal – Seraing / Wallonie 1 et 2 », Exposition Figure du Double, Château de Bouc Bel Air, France 2009 _« Vous Êtes Ici », Exposition De l’autre côté du miroir, MuseeAv, Nice, France _« Containers en transit », « Peu importe, ici, vous êtes ailleurs », Exposition Urban Works, Domaine de Fontblanche, Vitrolles, France _« Cafétéria Vénicienne », Centre Culturel de Marignagne, France _« Peu importe, ici, vous êtes ailleurs », Exposition Alibi Hic et Nunc, Hôtel 3.14, Cannes, France 2007 _« Ascention Sociale », Exposition Prologue, Espace Square Architecture, Cannes, France


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