PAGES ROMANDES - Le management du social

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No 4 septembre 2009

Le management du social


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Dossier: Le management du social...

Conseil de Fondation Président : Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch Comité de rédaction Membres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Salamin, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule Zufferey Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

2 Tribune libre Jean-Louis Korpès

3 Editorial Marie-Paule Zufferey

4 Le Portail, une institution à réorganiser Comité de Pages romandes 5 Un portail avec vue sur la mer Comité de Solidarité-Handicap mental

Parution: 5 numéros par an Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre Tirage minimal: 800 exemplaires Abonnement annuel Suisse AVS, étudiants Abonnement de soutien Etranger

Fr. Fr. Fr. Euros

45.-38.-70.-35.--

Publicité et annonces - Tarifs 1 page Fr. 800.-1/2 page Fr. 500.-1/4 page Fr. 250.-1/8 page Fr. 125.-1/16 page Fr. 50.-Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions Les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites Délai d’insertion 2 semaines avant parution Compte bancaire Banque cantonale du Valais, 1951 Sion En faveur de K0845.81.47 Pages romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue Ire Armée F - 68800 Thann Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch Mise en page Marie-Paule Zufferey

6 Les attentes de parents face à l’institution Olivier Gallay, Autisme Suisse romande

8 La Démarche Qualité, une histoire de greffe Daniel Petitmermet 10 C’est quoi, ce business? Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin 12 «Le Portail» expérimente la sociocratie Barbara et Jean-Pierre Zbinden 14 La désinstitutionnalisation Daniel Boisvert 18 Valoris en Suisse Marie-Paule Zufferey 20 Miroir, mon beau miroir, dis-moi... Laetitia Maradan, travail de recherche 22 «Participer à un tournoi à l’étranger, ça donne des souvenirs» Monique Bassin, Fair Play

Impression Espace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12

24 Pages romandes en fête, invitation Marie-Paule Zufferey

Crédits photographiques et illustrations Robert Hofer, , Peter Geisler, Fair Play, Hélène Tobler, Fotolia, Olivier Salamin

24 Eben-Hézer et son prix Médias

Photos de couverture: Robert Hofer, Sion N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source. ©Pages romandes

Daniel Grivel

26 Alerte rouge pour la solidarité sociale Luc Recordon 27 Sélection Loïc Diacon 28 Séminaires et formations


L’invité Evolutions dans le champ du handicap et management des institutions éducatives et sociales Jean-Louis Korpès, professeur HEF-TS, Givisiez, Fribourg

Depuis le début des années 90, la lecture du handicap s’est modifiée sous l’impulsion d’une pluralité d’acteurs revendiquant la reconnaissance de leurs droits civils, sociaux et économiques. C’est durant cette période que la vision sociale du handicap a commencé à poindre et à être prise en compte dans les politiques mises en place. On retrouve les traces de ce combat pour l’accession aux droits et à l’égalité des chances dans l’initiative populaire de 2003, faisant suite à l’adoption de la nouvelle Constitution fédérale de 1999 interdisant toute discrimination envers les personnes handicapées. On connaît le résultat de la votation sur cette initiative, mais son échec aura eu le mérite de la mise en place de la LHand en 2004. Il faut dire que les principes de non-discrimination, de participation, d’égalité des chances, de citoyenneté, d’accessibilité pour tous, ont été proclamés en permanence durant les années 90 et qu’ils ont fini par imprimer les consciences et à s’imposer au niveau international (voir les multiples déclarations de l’ONU), de l’Europe (nombre de pays ont légiféré sur la non-discrimination durant cette période), même si les ré

sultats n’ont pas toujours apporté, selon les pays, les bénéfices escomptés. Dans le même temps, l’OMS avait lancé la révision de la CIH (première classification du handicap adoptée en 1980) pour aboutir en 2001 à l’adoption de la CIF (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé). Cette nouvelle classification sera la référence pour tous les pays membres de l’OMS pour traiter la question du handicap, non plus sous l’angle uniquement individuel et médical, mais aussi sur le plan environnemental et social. Cela aura des incidences notables sur la manière de définir les besoins des personnes et sur les ressources nécessaires à la mise en place des moyens indispensables à la satisfaction de ceux-ci. Il en va de même avec le PPH (Processus de production du handicap) de nos collègues québécois. Deux éléments d’évolution Si donc, nous devions pointer deux éléments d’évolution dans le champ du handicap en Suisse, et qui auront, qu’on le veuille ou non, des répercussions au sein des institutions éducatives et sociales, nous serions tentés de retenir, d’une part, la question des droits des personnes handicapées1 et

d’autre part, la mise en place de la RPT dans les différents cantons. Pour ce qui regarde la question des droits, la Convention de l’ONU confirme, comme le faisait déjà la Déclaration de Madrid en 2002 , que l’acteur principal n’est plus le professionnel (technicien ou expert), mais la personne handicapée qui est appelée à définir ses besoins et ses attentes, en tant que citoyen, client et consommateur. La personne handicapée doit être en mesure de poser ses choix: ce n’est plus l’offre de services qui doit entièrement déterminer la demande. Cette option modifie de manière notable le rôle et la finalité des institutions et des professionnels, avec une vision de l’accompagnement basée essentiellement sur ce qui favorise l’auto-détermination et le libre choix des personnes, quelles que soient leurs atteintes physiques, intellectuelles ou sensorielles. C’est là l’esprit du budget personnalisé d’assistance qui pourrait être un droit garantissant la liberté de choix du consommateur si ce principe était retenu à l’avenir par les autorités politiques. Le second élément majeur, qui aura un impact certain sur le management des institutions, est ce que l’on nomme d’un acronyme «obscur»,

la RPT. Ce changement fondamental sur le plan politique va entraîner une remise en question des pratiques mises en place avec l’OFAS et l’AI. Le retour aux cantons de la responsabilité de la politique à destination des personnes présentant des incapacités obligera les directions à de nouvelles pratiques non seulement comptables mais aussi vraisemblablement dans la réalisation des prestations pour lesquelles elles ont passé convention avec l’Etat. Là encore, il n’est pas insensé d’imaginer la nécessaire mise en place de formations pour leur mise en œuvre, comme par exemple pour l’évaluation des besoins des personnes sur la base de l’une ou l’autre des classifications dont nous avons parlé plus avant. Certaines directions en Suisse romande ont bien perçu ces changements et s’y préparent, d’autres sont encore dans une posture attentiste… A leurs risques et périls!

Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations unies et signée par 142 pays au 30 juillet 2009 dont les USA (c’est une première!) mais pas encore par la Suisse. 2 Déclaration résultant du Congrès européen des personnes handicapées à Madrid en mars 2002. 1


Inventer une institution dans laquelle on peut inventer1 «Je dirigeais une institution au temps précédant mon entrée dans la cure (...) J’ai fait cette expérience analytique et cela change de l’avoir vécue. (...) Le maître de l’institution qui a fait lui-même cette expérience inouïe de la désinsertion de l’Autre, tente tant bien que mal de sauvegarder dans l’institution un espace d’invention. Surtout protéger ce trou dans le savoir. Une gageure. Utiliser les semblants directoriaux pour rendre possible ce pas de côté qui ouvre la faille, l’espace d’invention dans l’institution. Cet espace obtenu par le forçage du discours du maître permet qu’il s’y passe souvent des choses étonnantes. C’est une chance pour les enfants (...) dont les solutions sont mal accueillies dans le monde. Ainsi, le maître de l’institution tente-t-il tant bien que mal de faire rempart au maître social. Le paradoxe de cette institution c’est qu’elle s’efforce de faire valoir la singularité contre l’idéal. Il s’agit de se maintenir dans un équilibre instable, fragile, entre deux pôles impossiblement conciliables, l’institution et le singulier. Tenter de subvertir le discours du «tous pareils», du maître social. Lieu qui se singularise par l’ouverture qu’il s’efforce de produire pour que chacun puisse inventer sa solution, pour que chacun puisse traiter son insupportable, pour que chacun puisse s’inscrire dans l’Autre à sa façon, pour nouer comme il peut, comme il le peut, les cercles de son univers.» Bernard Seynhaeve est psychanalyste et directeur de l’institution le Courtil, à Leers, Belgique

Edito Management et social, une alliance improbable Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Les anglicismes sont arrivés, il y a quelques décennies, massivement débarqués des classes business de charters low cost. Autant le dire tout de suite, j’ai la plus grande réticence à intégrer dans mon langage quotidien, ces extensions anglo-saxonnes du français contemporain. Je les accuse d’intrusion. Je les rends responsables de l’appauvrissement sémantique de notre langue. Je les soupçonne de distiller, l’air de ne pas y toucher, le catéchisme de l’excellence et de la rentabilité à tout prix. Voilà, en prime time, la raison pour laquelle il m’en a coûté de devoir titrer ce dossier «le management du social»... Personne ne me fera croire qu’il n’existe aucun mot dans la langue de Molière susceptible de nommer le travail d’un directeur d’institution. Le coach, dûment «masterisé» qui m’a initiée aux rudiments du new public management m’a pourtant assurée du contraire. Traduction faite, et toutes explications fournies, la notion de management recèle - quant à moi - encore bien des zones d’ombre; mais peut-être qu’après tout, un certain flou dans la définition n’est pas le moindre de ses atouts marketing? La question que s’est posée le comité de rédaction est celle de l’association inattendue de ces deux termes: management et social. Les règles en vigueur dans les entreprises privées conviennent-elles au secteur non-marchand? La question reste ouverte, tant les qualités demandées aux personnes appelées à remplir cette fonction sont nombreuses et variées; tant les exigences des organes en charge de distribuer les subventions tendent à se complexifier. Bernard Seynhaeve1, directeur du Courtil résume bien la situation:

«L’institution dans laquelle je travaille se présente nécessairement comme voulant le bien de ceux qu’elle accueille. Institut médicopédagogique, ainsi s’affiche-t-elle. C’est de cette manière qu’elle peut être reconnue et subsidiée par le maître social. Mais le monde a changé. Le maître du 21e siècle se présente avec la férule du chiffre. Obligation de résultats s’inscrivant dans un rapport qualité/prix défiant la concurrence. Obligation d’effets thérapeutiques à court terme. Inscription des enfants dans un lien social. C’est ainsi que le maître social le veut». De plus en plus souvent, les établissements à caractère social sont amenés à mettre sur pied des projets de nature économique, qui génèrent des bénéfices affectés au développement des objectifs institutionnels. Dans ce contexte de mutations sociales et économiques, la formation des futurs gestionnaires d’institutions apparaît comme l’un des principaux enjeux. Sollicitée par Pages romandes, une école de formation des cadres du social a pourtant renoncé à développer pour nous les lignes de son programme. C’est donc l’avis d’un businessman que nous avons recueilli à ce sujet... Pour manager une institution sociale, prévoir tout de même quelques aménagements du côté de l’écoute des usagers et des règles de partenariat... Notre dossier d’automne propose d’autres modèles de gouvernance, comme la sociocratie; d’autres visions de la vie en commun comme la démarche québécoise de désinstitutionnalisation. Des challenges pour nos managers... Extrait de l’intervention de Bernard Seynhaeve intitulée «Elucider ce qui pourrait sembler faire difficulté» Colloque Paris, 31.01.09 1


Le Portail, une institution à réorganiser

Dans le but de cerner le plus concrètement possible les enjeux liés à la conduite d’établissements à caractère social et d’explorer les différentes approches managériales dans ce domaine, le comité de rédaction a imaginé la situation emblématique ci-après. Ce cas d’école a ensuite été présenté à différents intervenants, assorti de questions spécifiques. Association d’usagers, parent d’enfant autiste, chef de service Qualité, directeur d’institution, responsable de formation de cadres; autant de visions exposées dans les pages qui suivent. Sans oublier l’approche sociocratique et la démarche québécoise de désinstitutionnalisation.

Créée dans les années 70 par une association de parents, la Fondation Le Portail est située entre deux villes de moyenne importance. Elle accueille 250 personnes handicapées mentales, dont un tiers vit à domicile. Les deux autres tiers sont accueillis en foyer où ils résident à l’année. L’occupation proposée en journée s’appuie sur la valorisation des rôles sociaux, principalement par le travail. Ainsi une vingtaine d’ateliers créent des produits pour différents clients. L’encadrement est assuré par des professionnels qui occupent 200 postes de travail. Ceux-ci se répartissent dans les secteurs administratif, hôtelier et d’accompagnement socioéducatif, principalement autour des professions d’éducateurs, de maîtres socioprofessionnels et, dans une moindre mesure, de psychologues et de physiothérapeutes. En 2002, l’organisation administrative de l’établissement a connu un changement important au travers de sa certification qualité. Aujourd’hui la Fondation répond aux normes ISO 9001. Depuis 2008, le financement du budget annuel de l’établissement (de 20 millions de francs) est assuré par le canton, dans le cadre de la RPT.

Des enjeux • Taille de l’institution où tout est regroupé; • Défense de la profession des éducateurs face à l’arrivée des CFC sur le marché du travail; • Chiffre d’affaires lié à la production des ateliers; • Place à occuper dans la nouvelle péréquation financière; • Développement de partenariat avec des associations.

Robert Hofer

Un cas d’école proposé au regard de divers intervenants Comité de rédaction de Pages romandes

connaître les souhaits de votre association; les dimensions que vous aimeriez voir prises en compte; les réalisations qui vous paraissent indispensables pour assurer aux personnes que vous représentez, une meilleure qualité de vie et de citoyenneté.» 2.- Responsable de démarche Qualité: «Les équipes socio-éducatives du "Portail" se plaignent de la lourdeur administrative du système Qualité. Comment gérer les ressources dans un tel contexte et comment améliorer le système Qualité?» 3.- Approche sociocratique: «Vous êtes appelés à mettre en pratique le modèle de la “sociocratie” dans l’organisation de l’institution "Le Portail". Quelles sont les démarches que vous allez entreprendre?»

Des questions

4.- Institut de formation: «Vous devez former les cadres de l’institution "Le Portail". Quelles sont les priorités que vous définiriez pour mettre en place ces cursus de formation?»

1.- Associations défendant les intérêts des usagers: «Dans le cadre de la réorganisation de l’institution "Le Portail"vous êtes invités à faire

5.- Intervenant québécois: La fondation "Le Portail" vous est confiée en vue de désinstitutionnaliser ses résidents. Comment procédez-vous?


Un portail, avec vue sur la mer...

Ou quand les usagers se prennent à rêver l’institution Les rêveurs de Solidarité-Handicap mental, Lausanne: Claude Kosinski, Jean-Daniel Jossevel, Elisa Russo, Arnaud Bouverat, Kirsten Gigase, Valbert Pichonnaz, Marina Vadnaï, Isabel Messer

Premier cri du cœur: partager en quatre l’institution «Le Portail»: quatre lieux distincts, et peut-être davantage d’appartements ou de petites structures collectives en ville. Deuxième cri du cœur: plus d’activités! Durant la journée, notamment pour les habitants polyhandicapés ou souffrant de troubles du comportement, mais également en soirée ou en week-end… Vive la création d’un centre de loisirs! Ouvert à tous, qui propose des loisirs diversifiés et adaptés aux intérêts des habitants (et pas seulement pour les personnes les plus autonomes!) en soirée, le weekend, avec du personnel accompagnant de qualité et en suffisance. Ajoutez à l’attention des couche-tard et des personnes dépendantes, un service de «bus pyjama»! Troisième cri du cœur: des prises en charge adaptées aux personnes qui souffrent de troubles du comportement, aux personnes atteintes d’autisme, avec du personnel formé, plus aguerri, plus enthousiaste, plus résistant! Un peu de calumets… mais pas trop! O.K. pour des ateliers protégés, aptes à donner une identité de travailleur à celles et ceux qui en ont besoin et pour qui cela a du sens. Pour d’autres en revanche, pourquoi ne pas remplacer les ateliers par des activités temps libre? Bien-être, détente, activités pédagogiques, culturelles; activités sportives ou créatrices. En gros, plus de diversité! Plus de temps partiel également, même si c’est difficile à organiser, notamment pour les personnes résidant en ville. Se sentir comme à la maison: pour un habitant du «Portail», où est son «chez soi»? Sans doute, principalement dans sa famille s’il en a une. Mais pourquoi ne pas favoriser au maximum tout ce qui peut contribuer au fait de se sentir «comme à la maison»? Choisir les menus du soir, faire le repas ensemble, participer à l’aménagement des lieux. Mais aussi participer aux décisions de la structure: besoin d’agrandir? Modifier l’accompagnement des personnes âgées? Prévenir la maltraitance? Faire le programme du Centre de loisirs? Mieux connaître l’offre des organismes extérieurs? Rencontrer les nouveaux collaborateurs, ou pourquoi pas (soyons fous!) les candidats? Qu’en penseraient les habitants du «Portail»?

Vivre décemment: augmenter le montant vaudois pour les dépenses personnelles, qui atteint aujourd’hui 240 francs par mois. Les habitants qui ne disposent réellement que de cette somme agrémentée d’un maigre «salaire», restent dépendants de leur famille qui paie à leur place. Dans ce cas-là, est-il bien raisonnable de parler d’autonomie? Un soupçon de liberté: accorder aux travailleurs une demi-journée de libre hebdomadaire pour faire ce que l’on doit ou ce que l’on veut: se rendre chez le coiffeur ou chez son gynécologue, mais aussi faire des courses, regarder un film tout seul, se reposer… Rester un individu au sein d’un collectif et devenir un citoyen actif au sein du collectif: favoriser le droit à la parole, former à la critique, prévoir des instances où se plaindre sans risque, expliquer les droits et les limites. Proposition valable pour les habitants ET les familles! Et en vrac…. Basta avec la culture de groupe! Va pour la fourchette verte, mais plus de crème dans les mille-feuilles quand il le faut! Former au choix, valoriser le choix, encourager le choix! Et après tous les grands principes, penser à couper les ongles! Engager davantage d’auxiliaires de santé qui ont les capacités et la patience pour dispenser des soins de base: couper les ongles, boutonner le pantalon, fermer la veste en hiver, nettoyer les oreilles! Ça compte aussi!!!

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Le comité de Solidarité-Handicap mental, comprenant des personnes en situation de handicap, des parents et des professionnels, a pris le temps de rêver au renouveau du «Portail». Etant à la veille d’ouvrir une nouvelle structure, ce rêve a frôlé de près notre future réalité, sans pour autant nous censurer dans notre rôle de défense des usagers et des familles!

Le comité de Solidarité-Handicap mental souhaite bonne chance et bon courage à la direction du «Portail» et propose solidairement ses services pour venir peindre la mer sur le mur en face du portail!


Les attentes de parents face à l’institution

Une histoire d’état d’esprit Pour Autisme Suisse romande, Olivier Gallay, parent d’un enfant souffrant d’autisme

Laissez-moi, l’espace d’un instant, m’imaginer architecte… Je me vois rencontrer de nouveaux clients; je les observe, j’écoute leurs besoins, je m’informe de leurs habitudes, de leurs vœux et, comme j’ai du métier, voilà qu’une maison s’esquisse, se dessine déjà dans ma tête. Mes compétences au service de leurs besoins… un beau rêve, non?

Faut-il la construire, cette piscine? Seulement voilà – il fallait que cela tombe sur moi – mes clients sont d’un genre… plutôt versatile; ils changent de jour en jour, presque d’heure en heure. Ils voulaient beaucoup d’espace et de lumière, ils me demandent maintenant un lieu bien fermé, rassurant; ils avaient absolument besoin d’un jardin, ils n’en veulent plus. Idem pour la piscine… Soit, je me remets au travail, je redessine tout, lorsqu’un téléphone m’interrompt pour me dire que, tout bien réfléchi, il serait quand même bon qu’il y ait une piscine… Je respire un grand coup: surtout ne pas s’énerver. Mais, mille tonnerres, d’où peuvent bien venir des personnes aussi particulières ?

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Dans le cadre de la réorganisation de l’institution «Le Portail» (cf. page 4), Autisme suisse romande, sous la plume d’Olivier Gallay, nous fait connaître les souhaits de parents d’enfants souffrant d’autisme. Quelles sont les dimensions qu’ils aimeraient voir prises en compte, les réalisations qui leur paraissent indispensables pour assurer à leurs enfants une meilleure qualité de vie et de citoyenneté?

Les personnes souffrant d’autisme sont ainsi faites. Elles peuvent se métamorphoser de jour en jour, presque d’heure en heure. Elles sont à la fois cruellement limitées, incapables d’accomplir des tâches qui devraient relever de l’évidence, et, en même temps, douées d’un potentiel surprenant. Elles montreront des capacités certaines au travers d’une activité qu’elles s’avéreront incapables d’effectuer le lendemain. Elles feront d’immenses progrès en piscine durant plusieurs semaines et refuseront un jour d’y entrer, sans même que l’on puisse deviner pourquoi. Alors, faut-il la construire cette fameuse piscine?

Une affaire de personnes, non d’infrastructures Que l’on dessine une maison ou que l’on redéfinisse les contours d’une institution, la démarche est la même: on désire savoir ce que l’on veut, ce dont on a besoin. On construira ce qui est utile, nécessaire et, par la suite, on en fera usage, on le «rentabilisera». Les parents d’enfants autistes n’entendent pas ce langage. Eux, depuis que leur enfant est tout petit, sont rompus aux changements, à l’imprévu. Ils ont l’habitude d’essayer, de tâtonner, d’acheter à grands frais du matériel qui, finalement, ne servira que peu, d’aménager inutilement une salle de jeu à des fins thérapeutiques pour se retrouver à utiliser la salle de bain… Ils savent que, souvent, il suffit de pas grand-chose, associé à beaucoup de patience, d’amour et de foi. Alors qu’attend-on d’une institution? Qu’elle ait un jardin potager, une piscine, des chambres avec télévision… qu’elle soit grande, petite? Peu importe. D’abord parce que l’enjeu tourne autour d’un état d’esprit et que celui-ci est difficile à programmer et à chiffrer. Il est affaire de personnes, non d’infrastructures. Les parents qui auront à confier un enfant souffrant d’autisme feront part d’un immense espoir: que leur enfant soit compris, rejoint, aimé.


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Que celles et ceux qui en auront la charge l’acceptent comme il est, tout en ne cessant de discerner son potentiel, sa capacité de progresser… bref, tout en ne cessant de croire en lui. A l’inverse, ils craindront que ses comportements indésirables, répétitifs, soient si éprouvants pour le personnel que leur enfant soit finalement «pris en grippe», laissé de côté, occupé… voire «calmé» à l’aide de médicaments.

Une prise en charge basée sur le partenariat avec les parents L’institution leur dira: «Laissez-nous faire maintenant. Vous avez énormément donné, vous êtes épuisés. Lâchez donc prise et faites-nous confiance: tout va bien se passer». Certes. Mais, ayant mis des années à rejoindre laborieusement leur enfant dans sa vie et son quotidien, les parents douteront que des professionnels, même dûment certifiés, puissent, en quelques semaines, comprendre leur enfant et lui donner la sécurité dont il a besoin. Ils savent bien que, la plupart du temps, le personnel est si «hautement qualifié» qu’il n’a jamais le réflexe – ou l’hu-

milité – d’appeler les parents pour dire ce qui ne va pas dans le lieu de vie ou dans l’atelier… Comprendrat-il que ces derniers sont au bénéfice d’une expérience extrêmement pointue, irremplaçable, de leur enfant, et que seule une collaboration avec eux pourra, au début surtout, assurer le succès de la prise en charge? On ne peut confier un jeune souffrant d’autisme comme l’on confie un autre enfant… et nous sommes là au cœur de la problématique que rencontrent la plupart des parents concernés.

Et alors, cette piscine, il faut la construire ou pas? Mais oui, il faut la construire! Vous nous demandez, à nous parents d’un enfant souffrant d’autisme, «quelles sont (je cite) les dimensions que nous aimerions voir prises en compte, quelles réalisations nous paraissent indispensables». Vous nous demandez ce dont nous avons besoin… Nous vous répondons: de tout. De tout, comme le peintre a besoin, sur sa palette, de toutes les couleurs, incapable de dire, lorsqu’il se met à peindre, les-

quelles lui seront nécessaires exactement. Evidemment, par les temps qui courent, il se trouvera immanquablement quelqu’un pour s’asseoir à côté dudit peintre et pour lui faire remarquer que, durant l’année écoulée, il n’a que peu utilisé les couleurs mauve, vert pâle et turquoise de sa palette… et que, par conséquent, il pourrait tout aussi bien s’en passer pour ses travaux à venir, permettant ainsi une économie substantielle qui n’entraverait en rien son activité artistique… Il faut savoir alors si l’on parle d’une simple activité, rentable, ou si l’on parle d’un art. A l’évidence, la prise en charge d’un autiste relève de l’art, elle demande des moyens apparemment disproportionnés, elle ne demande rien d’autre que la totalité de la palette… que ce soit en moyens humains, ou en infrastructures. Tout… pour être assuré d’avoir, au bon moment, le «pas grand-chose» qui, associé à beaucoup de patience, d’amour et de foi, pourra faire de véritables miracles. Il n’en faudra pas moins, d’ailleurs, pour que celui ou celle qui souffre d’autisme puisse trouver un peu de sérénité, de confort et de joie de vivre.


Démarche Qualité, une histoire de greffe

Les questions à se poser en cas de rejet... Daniel Petitmermet, Chef du service Stratégie, Qualité et Organisation, Direction générale, CHUV, Lausanne

Les équipes socio-éducatives de l’institution «Le Portail» (cf. page 4), se plaignent de la lourdeur administrative du Système Qualité en vigueur dans leur établissement. Comment gérer les ressources humaines dans un tel contexte et comment améliorer le modèle organisationnel? Il faut retisser les liens avec les pratiques professionnelles, répond Daniel Petitmermet, responsable de la Démarche Qualité du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Sur la base du cas d’école proposé, quel éclairage puis-je modestement apporter sur une démarche Qualité qui est implantée dans cette institution type depuis quelques années (2002) et qui serait vécue par les équipes comme étant trop lourde et administrativement contraignante? Rappelons que dans le cadre des institutions socio-médicales, les démarches qualité ont été notamment exigées, dès la fin des années 90, par des instances extérieures chargées de leur contrôle (administrations cantonales, assureurs, associations faîtières…). Ces contrôles se traduisent par des audits réguliers effectués sur site et basés sur la documentation existante décrivant le mode organisationnel en vigueur en fonction de critères fixés par la norme ISO1 et parfois complétés de standards que le secteur concerné s’est donnés (référentiels spécifiques). Or, cette exigence de traçabilité (se traduisant par un passage clé de la tradition orale - largement dominante au sein des établissements de soins - à la tradition écrite) représente un changement de paradigme majeur dans les pratiques des professionnels impliqués. Il n’est donc pas étonnant que ces derniers se plaignent, en réaction, de «la charge administrative» supplémentaire que cela occasionne au détriment de l’accompagnement de leurs clients (patients, pensionnaires, etc.). Cette exigence représente, toutefois, une tendance lourde et incontournable du système de santé actuel à laquelle les prestataires de soins, de quelque bord qu’ils soient, ne peuvent se soustraire, en vertu des obligations légales et assécurologiques qui leur sont faites. Or, la démarche qualité apporte des solutions à ces contraintes. Il n’en reste pas moins qu’elle peut être vécue sur le terrain comme rigide et formaliste, ce d’autant plus si elle n’a pas été intégrée dans le quotidien des équipes impliquées et adaptée à leur contexte. C’est sans doute, en effet, le plus grand danger qui guette ce type de démarche

qui, au lieu de se fondre dans le vécu des professionnels, est un élément extérieur de plus, un corps étranger (…ou un jargon incompréhensible) qui se superpose à toutes les autres exigences du quotidien. A mon humble avis, lorsque les équipes se plaignent de leur système qualité dans les années qui suivent son introduction, c’est que la greffe n’a pas pris et que le système est vraisemblablement en échec!

Retour aux fondamentaux Revenons donc aux fondamentaux. Il s’agit, en effet, de dédramatiser cette démarche qui ne fait, dans le fond, rien d’autre que de fournir un certain nombre d’outils de gestion aux professionnels impliqués. Elle se base sur des valeurs fondamentales qui touchent, d’une part, à l’implication de l’ensemble des équipes au projet de l’établissement (démarche participative) et, d’autre part, à l’évaluation commune des manières de faire et de s’organiser pour valoriser le savoirfaire et le savoir être d’une équipe ou plus largement d’une institution, selon les principes de l’amélioration continue. A ce titre, elle renvoie les professionnels à leurs responsabilités en leur donnant les moyens de les assumer, ce qui, il ne faut pas se le cacher, peut provoquer de cas en cas des réticences… La valeur ajoutée principale de ce type de démarche est, donc, au moins double. Elle réside, d’une part, dans la construction d’un projet commun auquel tout un chacun, quelle que soit sa fonction - autant modeste que prestigieuse - puisse adhérer, se reconnaître et en tirer fierté. Mais, d’autre part, elle permet aux professionnels impliqués de faciliter leur travail au quotidien. Les bénéfices qui en découlent sont en effet: • une harmonisation et une stabilisation des savoir-faire et des savoir être qui permet de les valoriser par le biais d’un corpus documentaire (qui offre de la transparence et permet de clarifier les circuits, les responsabilités et les fonctionnements),


et qui favorise l’intégration rapide et la formation des nouveaux professionnels aux contingences et aux valeurs de l’institution concernée; • l’introduction d’une culture de la multi ou pluridisciplinarité en offrant des méthodes pour que les professionnels puissent dialoguer, se reconnaître et se respecter dans leur complémentarité; • la capacité à conduire des projets à terme, dans les délais, en fonction des objectifs fixés; • mais aussi la maîtrise de la gestion du changement et de la remise en question permanente des savoirs et des modes de prise en charge; • et finalement, et non des moindres, la prise en compte des besoins du client (patient, pensionnaire et usager) par le biais notamment des enquêtes de satisfaction qui sont autant de moyens d’identifier les axes d’amélioration sur lesquels les équipes vont investir.

Rétablir les connexions avec la pratique professionnelle Le modèle organisationnel sur lequel se base toute démarche qualité est donc un outil puissant pour adapter les structures aux remises en question qui sont imposées par l’environnement. Mais cela pour autant que cet objectif soit gardé en première ligne et que l’approche soit la plus pragmatique et la moins dogmatique possible. Pour revenir à notre cas d’école où la démarche qualité s’est probablement embourbée dans un formel déconnecté de la pratique des professionnels, il y aurait lieu de repartir sur des éléments clés qui constituent le but et la mission de l’institution, de revisiter la vision et les stratégies qui en découlent, d’associer le personnel à cette démarche réflexive et de l’encourager à trouver et proposer les axes d’amélioration - touchant directement leurs pratiques - sur lesquels un projet commun et fédérateur devrait pouvoir se développer. Ainsi, progressivement, la greffe devrait prendre … et, tout comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, la démarche Qualité deviendra, tout simplement, le système organisationnel de référence de l’institution.

La norme ISO 9001 fait partie de la série des normes ISO 9000, relatives aux systèmes de gestion de la qualité, elle donne les exigences organisationnelles requises pour l’existence d’un système de gestion de la qualité. 1

Valeurs et management Jérôme Laederach, directeur Fondation Ensemble, Genève Dans une «apologie des valeurs au service du management», parue dans le magazine Psychoscope, Jérôme Laederach, psychologue et directeur de la Fondation Ensemble1, à Genève expose le point de vue d’un dirigeant d’établissement social. «Le management doit laisser une place prépondérante aux valeurs fondamentales de l’institution, élément complémentaire au rôle du politique, qui doit en tenir compte et mettre à disposition les moyens nécessaires pour la prise en charge d’enfants en situation de handicap». «La prise en charge d’enfants en situation de handicap représente plusieurs défis pour l’institution et ses dirigeants. Si l’évolution de la politique sociale traduit la volonté d’une meilleure reconnaissance des besoins de l’enfant, tels que celui de son droit à l’intégration, la réalité nous démontre des points de vigilance et une réelle difficulté de mise en application, par les moyens financiers nécessaires à mettre à disposition certes, mais aussi par les possibles dérives du management institutionnel lui-même, inférées par cette même politique. Ces points de vigilance se situent à plusieurs niveaux: celui du difficile ancrage d’une véritable politique cantonale intégrative - pour ne pas dire encore inclusive; celui de gestions administrative et normative de plus en plus exigeantes, inscrites au cœur même de la mission institutionnelle - éducative, pédagogique, thérapeutique; celui enfin de l’impact de certaines décisions administratives relatives à la reconnaissance même des prestations données». (...)

L’administration normée: un obstacle? «L’institution a vu sa charge administrative augmenter significativement ces dernières années. Si la récente contribution à la procédure de l’octroi de prestations en pédagogie spécialisée en est une des raisons, la mise en place de contrats de prestations et l’obligation de satisfaire à certaines exigences normatives en sont d’autres. Ce constat est sujet à de nombreuses critiques, émises principalement par les professionnels de terrain, arguant que leur principale mission réside dans l’encadrement de l’enfant en situation de handicap. Ces critiques doivent être entendues, pour que le risque d’une organisation où "l’usager est au service de la norme" soit écarté au profit d’une "norme au service de l’usager". Toute dérive de croire que l’institution répond à sa mission sur de seuls indicateurs quantitatifs et économiques doit être neutralisée par la démonstration que la dimension qualitative de la prestation prime et que l’exigence normative peur servir à cela. L’organisation institutionnelle doit faciliter les responsabilisation de chacun des acteurs, tant opérationnels que stratégiques, dans des processus assimilés de tous, tels les maillons d’une chaîne dont chacun connaît non seulement son rôle mais celui des autres, favorisant ainsi un fonctionnement homogène au service du véritable bénéficiaire, la personne en situation de handicap.» (...) Un cadre institutionnel qui s’appuie sur des valeurs fondamentales et comprend la prise en charge comme n’étant pas orientée sur les seules déficiences de l’enfant, mais mettant en exergue ses potentialités, représente une probable résilience face à l’évolution de notre politique sociale. La priorisation et la généralisation de ces axes dans la politique de management s’imposent dès lors comme un phare, guidant la conduite du dirigeant.»2 Fondation en faveur des personnes avec une déficience intellectuelle Ce texte est composé d’extraits d’un article de Jérôme Laederach, «Valeurs et management», paru dans le périodique «Psychoscope» - Dossier «Psychologie et handicap» 7/2009 - pp 23-25 1 2


C’est quoi ce business?

David Claivaz, Administrative Dean, Business Programmes, Institut universitaire Kurt Bösch (IUKB), Sion

Interview réalisée par Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin, Sion

Y a-t-il lieu de prévoir des cursus de formation spécifiques pour les cadres du social? Le point de vue de David Claivaz, actuellement responsable du Master in Business Administration (MBA)* de l’IUKB, qui a lui-même eu l’occasion de diriger des entreprises privées. Il nous semble, et cela a constitué le choix du thème de notre dossier, qu’il y a une tension, voire une opposition entre les concepts de «management» et de «social»? Dans le secteur privé, nous avons l’avantage d’outils d’évaluation du résultat relativement simples: le chiffre d’affaires, le bilan d’exploitation, etc. Une des logiques essentielles de l’entreprise est celle du retour sur investissement. C’est une pression, mais c’est aussi une source d’information qui conforte les choix du manager: «On ne tue pas les chevaux qui gagnent…» En tant que managers, nous disposons d’une grandeur; nous savons, par exemple à l’aide d’un bilan comptable, si nos choix se sont révélés efficaces ou non. Dans le public, avec les subventions, l’équation n’est plus la même; c’est pourquoi il faut rester prudent lorsque il est question d’opérer un transfert des outils de gestion du domaine privé au domaine public. Prenons l’exemple de la maîtrise des coûts. Dans le secteur privé, cette approche est porteuse, puisqu’elle peut aider à générer un bénéfice qui va satisfaire les actionnaires et pourra être utilisé, par exemple, à de nouveaux investissements, alors que dans le secteur public, la maîtrise des coûts ne fait

sens que dans certaines conditions-cadre, par exemple la présence de mesures incitatives, comme la possibilité de ré-allouer un bénéfice. Pour vous résumer, il ne serait pas possible de «manager» le social? Au contraire, il y a un grand intérêt à transférer dans le management du social des outils qui ont fait leurs preuves ailleurs. Lorsque vous prenez un avion et que vous arrivez à votre destination, songez au nombre d’instruments de management extrêmement pointus qui – de la conception de l’appareil à son exploitation régulière – ont rendu votre voyage possible. Il serait peu pragmatique de refuser le recours à de tels outils dans le domaine du social: simplement, leur transfert doit être opéré avec prudence. C’est un préjugé de croire qu’il n’est pas possible d’allier un service de qualité à un succès commercial; cette croyance génère beaucoup de limites inutiles. Filtrons les idées qui marchent dans le privé et définissons des critères de réussite clairs. Il s’agit en effet de ne pas oublier la finalité et de ne pas laisser la méthodologie prendre le pas. On pourrait dès lors parler de gouvernance plutôt que de management? La gouvernance introduit une dimension éthique et morale que le management n’a pas obligatoirement: il est certes souhaitable d’introduire le souci de la gouvernance dans les institutions sociales, mais il existe des outils de management tout à fait détachés de la no-

*Les MBA sont nés aux Etats-Unis après la Deuxième Guerre mondiale pour permettre aux officiers qui avaient passé des années sur le front plutôt que sur les bancs de l’université, de retrouver un emploi. C’est une formation rapide et pratique qui est un peu à l’encontre des habitudes de formation au niveau universitaire en Suisse. Un MBA permet l’acquisition de compétences pratiques sur 1 à 2 ans. Le coût du MBA de Bramois est de CHF 25’000.-

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tion de gouvernance qui peuvent être utiles également dans le domaine du social. Le scandale «Enron» aux Etats-Unis a reposé de façon très percutante les questions de l’humain et de la morale dans les domaines de la gestion. Au niveau de la formation, la tendance actuelle est de vérifier les principes éthiques dans toutes les branches qui sont enseignées. Cela dit, le management n’est pas une science exacte; c’est une pratique empirique qui s’ajuste en fonction des expériences. Par exemple, dans le domaine de la gestion de la qualité, le management s’attache à voir comment les systèmes qui ont fait leurs preuves dans les modèles industriels sont applicables aux services. C’est à cela que servent les théorisations: extraire des principes et les appliquer à de nouveaux contextes. Le-la titulaire du MBA que vous organisez ferait donc un-e directeur-trice capable de conduire «le Portail»? Evidemment. Un MBA pour une institution de 200 employés; un deuxième si celle-ci a beaucoup de moyens ou un secteur en développement, par exemple dans un projet de collaboration avec des entreprises. Nous tenons pourtant le pari que vos étudiants ne connaissent rien au domaine du handicap? Lukas Mühlemann, ancien PDG du Credit Suisse, a révélé aux médias qu’il avait un enfant souffrant d’un handicap. Ce haut degré d’implication personnel n’a pas eu, à ma connaissance, le moindre effet sur ses choix de gestion, parce qu’il n’y avait pas de raison pour cela. Ce ne sont pas les circonstances personnelles, mais la finalité de l’entreprise qui doit orienter le management. Vous pouvez avoir un dirigeant sans implication personnelle avec une problématique et qui réalise un excellent travail; vous pouvez avoir quelqu’un


En bon manager, vous venez de réussir le coup marketing d’enterrer les formations qui aboutissent à un titre spécifique de directeur d’institution sociale! Un MBA peut sanctionner aussi bien des idiots que des génies, qui ne vont pas se distinguer seulement par l’objet de leur formation, mais également par leur profil personnel. Du coup, nous n’avons pas la prétention sans borne et peu pragmatique de penser que chacun peut acquérir toutes les compétences. Nous fournissons un bagage dans les domaines de la finance, des ressources humaines, de l’organisation, du marketing, du leadership et de la négociation; ensuite, il y a un choix de personne. Pour autant, je trouve qu’une formation de directeur d’institution sociale a un rôle essentiel à jouer. Elle permet l’identification d’un rôle qui n’est pas seulement celui d’applicateur des lois ou de distributeur d’argent. La valorisation de cette fonction n’en sera que plus forte et le directeur concerné rencontrera forcément moins de résistances. Ma crainte, c’est qu’une formation spécifique ne glisse vers «l’art pour l’art». Dans les formations hôtelières, on trouve le cas de figure qui conduit à un corps professionnel constitué qui ne permet plus de passages. C’est un risque de glissement vers la technocratie: la première année, vous formez des directeurs d’institution pour personnes handicapées; la seconde pour personnes handicapées des villes ou de la campagne; dans ce dernier secteur, de la montagne ou de la plaine, de l’adret ou de l’ubac, etc. L’idéal serait donc qu’un étudiant formé à la direction d’institutions sociales réussisse dans le secteur économique, nous aurions alors la preuve que le système de formation est bon. Vous avez réglé le compte de la direction, reste celui des cadres intermédiaires… Une profession comme celle d’éducateur peut servir de base, car il n’y pas vraiment de perspective de carrière. L’incitation financière n’est donc pas la

seule motivation, l’accès à des responsabilités peut être un levier puissant. Il est important que les cadres intermédiaires aient un rôle bien identifié et contribuent au progrès institutionnel. De plus, au «Portail», les éducateurs trouvent que le système qualité est lourd... Evidemment puisque le système est jeune, sans standard précis, et qu’il a été imposé par la loi, sans doute dans une inflation nourrie par nombre de consultants agréés… Pour qu’un système qualité soit bien perçu, il faut que son exercice aboutisse à des améliorations qui soient visibles de tous. Il me paraît souhaitable que la personne qui a mis le système qualité en place ne soit pas celle qui va le suivre, de façon à permettre une évolution plus libre. La simple pratique de l’approche qualité peut alors tendre vers une simplification bienvenue. Dans le système qualité du «Portail», l’important, ce n’est pas tant les objectifs que l’éducateur va fixer au résident, mais ceux qu’il va poser pour lui-même. C’est un levier fort, évaluable, qui permet un jugement et la vérification d’un référentiel. Les objectifs resteront évidemment difficiles à fixer si le discours institutionnel n’est pas clair. On risque les effets de mode, la thématique annuelle ou la relativisation. Quant aux objectifs que les éducateurs doivent fixer aux résidents, j’y vois l’idée de fixer des objectifs à son client, ce qui est un peu déroutant pour quelqu’un qui vient du domaine privé, au même titre qu’un ratio de professionnels aussi important pour un nombre de clients aussi réduit dans l’exemple du "Portail". Problème déroutant, mais qui peut avoir une solution. Je ne l’ai pas en ce moment, mais j’ai eu à relever des défis similaires. J’ai connu une situation analogue alors que je dirigeais une école privée: pour que les élèves réussissent, il fallait leur fixer des objectifs. Mais les élèves - qui avaient choisi l’école comme on choisit un grand restaurant - voulaient plutôt être servis à table. J’avais résumé la situation dans une image: vous êtes dans le meilleur restaurant du monde, mais vous êtes en cuisine, et ne mangerez que ce que vous préparez!

David Claivaz, photo Olivier Salamin

dont la sensibilité à une cause est manifeste et qui ne se montre pas à la hauteur de la tâche... Un MBA développe les capacités d’adapter le management, d’établir des ponts entre les modèles théoriques et la pratique.

Le problème n’est-il pas que le social se laisse difficilement évaluer? Chaque fois que j’entends ce genre de réflexion, j’ai en mémoire la phrase de Kennedy: «Nous n’irons pas sur la lune parce que c’est facile, mais parce que c’est difficile!». Il faut rester modeste et ne pas perdre de vue que nous n’avons que très peu de recul sur l’utilisation des systèmes qualité dans le domaine social, une dizaine d’années tout au plus, même sur la question centrale des critères d’évaluation des services qui sont fournis. Mais nous avons bien réussi à aller sur la lune! Il suffit donc de chercher les bons indicateurs. Un raisonnement de manager pourrait, par exemple, chercher à calculer l’espérance de vie moyenne dans les institutions ou les coûts générés pour la prise en charge de maladies courantes chez une personne en situation de handicap. Vous pourriez aussi comparer les frais généraux d’une institution à l’autre; ce sont autant de critères qui peuvent faire avancer le management des institutions sociales et c’est le rôle des conseils d’administration que de les définir et de les évaluer. Le Portail aurait ainsi une place à prendre dans le cadre de la nouvelle péréquation financière? Une place à prendre? Cette notion me hérisse le poil… L’offre crée évidemment la demande, mais quels sont les besoins? Comment évaluer le fait que vous y répondez? Voilà les questions que le «Portail» doit se poser. Il n’a ni à développer des services subventionnés dont ses résidents n’ont pas besoin, ni à revendiquer l’exécution de prestations que d’autres partenaires seraient à même d’offrir.

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«Le Portail» expérimente la sociocratie Un modèle de management dynamique et participatif Barbara et Jean-Pierre Zbinden*, Martigny

Avec un collègue, je suis invitée par Eric Duval, directeur de l’institution «Le Portail» à rencontrer le Conseil de fondation pour une présentation de la sociocratie en tant que modèle de management dynamique et participatif. Après les présentations d’usage, nous témoignons des raisons qui nous ont amenés à promouvoir ce type de gouvernance. Sa pratique nous permet en effet d’expérimenter une mise en œuvre réelle des principes d’empowerment. De plus, notre intérêt pour les nouvelles approches environnementales du handicap trouve dans le postulat sociocratique, selon lequel toute problématique a des racines et des incidences dans une structure collective, l’ancrage d’une application des théories systémiques. L’histoire et la vie du «Portail» sont ensuite commentées par le président de la Fondation. Une discussion s’engage sur les conciliations difficiles, voire utopiques entre les valeurs humanistes de l’institution et les restrictions financières de l’Etat en tant que bailleur de fonds. Aux contraintes budgétaires s’ajoutent des pressions sur le chiffre d’affaires des ateliers, les revendications salariales et la multiplication de professionnels avec des niveaux de formation très différents. Comment intégrer dans un tel contexte la coopération des personnes accueillies? Les tensions sont des opportunités de changement La tension vécue aux différents niveaux * Formés en travail social et en pédagogie pour adultes, Jean-Pierre et Barbara Zbinden interviennent depuis plus de 25 ans dans diverses organisations en lien avec la thématique du handicap. Spécialisés en management sociocratique, ils promeuvent par le biais de la CORAASP (Coordination romande des associations d’action pour la santé psychique) cette méthodologie qui stimule la participation et le partenariat.

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pour relier les enjeux économiques et administratifs avec une vision éthique est considérée en sociocratie comme une source potentielle d’énergie nouvelle. Ni esquivée ni perçue comme un obstacle, elle est transcendée par les motivations les plus élevées des personnes. En écoutant les membres du Conseil de fondation à ce propos, nous apprenons qu’ils portent en commun le rêve d’un monde dans lequel chacun occupe une place valorisée et valorisante, un monde dans lequel la fragilité ne fait pas peur, mais devient une opportunité de développement, un monde qui veille au respect des différences, garantes de la richesse et de la pérennité de la vie. "Le Portail" contribue à l’incarnation de cette «Weltanschauung» en se dotant d’une mission de soutien à la participation sociale des personnes handicapées mentales par le travail et par une domiciliation intégrée à la vie de la région. Si à ce stade de nos échanges, certains membres du conseil font le lien avec le concept pédagogique de VRS, choisi par l’institution, d’autres ont besoin de davantage d’implications pratiques et demandent qu’on étudie le maillage de cette vision idéale avec la situation financière actuelle. À cette fin, ils nous montrent l’organigramme actuel. La polarisation idéal-réalité divise visiblement les membres du conseil et le conflit ouvert n’est pas loin. Nous en concluons que le beau powerpoint sur la sociocratie attendra et proposons un exercice pratique. Après avoir listé ensemble les éléments de la réalité actuelle permettant de nourrir leur idéal commun et ceux qui au contraire freinent ce mouvement, il est convenu de constituer un petit groupe d’amélioration, qui à partir de ce recensement va élaborer une proposition pour la gestion de la continuité de la Fondation. Le groupe est composé du directeur, de deux membres du Conseil de fondation (le père d’une personne

handicapée mentale et le responsable administratif d’une entreprise locale) et d’un représentant des cadres (le chef du secteur accompagnement socio-éducatif). Leur proposition est présentée à l’ensemble du Conseil de fondation le mois suivant lors d’une seconde rencontre pendant laquelle les personnes présentes décideront de sa mise en œuvre sur la base du consentement, première règle de gestion sociocratique.

Le consentement1 stimule la cocréativité et la co-responsabilité La proposition contient, entre autres, la restructuration du «Portail» sur le mode de gouvernance sociocratique. Elle est accueillie de manière diversifiée. Certains sont enthousiastes, d’autres se disent relativement satisfaits et d’autres encore s’avouent franchement sceptiques. Un processus rigoureux est dirigé par mon collègue, qui veille à une distribution équitable du temps de parole et au respect des étapes clairement différenciées de la méthodologie. On profite des objections des personnes moyennement satisfaites et sceptiques et à grâce à l’intelligence collective de ce groupe, on les utilise pour bonifier la proposition initiale. Ce soir-là, le Conseil de fondation décide donc, avec l’accord de tous ses membres, d’initier un nouveau plan de développement. Celui-ci prévoit l’inclusion progressive de la sociocratie dans son mode de management, moyennant toutefois un certain nombre de conditions soigneusement notifiées: • Intégration de l’ensemble des collaborateurs, des personnes accueillies par la Fondation ainsi que des associations partenaires à cette dynamique; • Participation des personnes handicapées au processus d’implantation de la sociocratie; • Mise en œuvre par étapes, soit pour commencer dans deux sites pilotes de l’institution;


• Décisions prises dorénavant sur le mode sociocratique dans les deux sites pilotes; • Projet d’implantation de la sociocratie incluant les coûts, l’information et la formation du personnel, des résidants de l’hébergement et des travailleurs des ateliers. La présentation de ce plan de développement à l’ensemble du personnel et aux personnes accompagnées par "le Portail" permet d’enregistrer quelques préoccupations supplémentaires et de décider que les deux sites pilotes seront: la direction et les ateliers intégrés, appelons-les de «GrandMarché» et de «Francheville». Il est également convenu que des cours de sensibilisation à la sociocratie seront dispensés aux collaborateurs et aux résidants. Les animateurs des cercles des sites-pilotes bénéficieront d’une formation plus approfondie.

Le cercle de concertation2 clarifie les rôles et fonctions Le principal problème d’une structure hiérarchique classique est le cumul des fonctions d’orientation politique, d’exécution des tâches et d’évaluation des résultats. Les nombreux colloques instaurés par les organisations sociales visant la participation résolvent rarement la question d’une répartition de ces différents pouvoirs. Des frustrations concernant la communication, la clarté de fonctionnement et la coopération de chacun sont évoquées à tous les niveaux de l’organigramme, du Conseil de direction, aux colloques d’atelier, de foyers, en passant par l’assemblée annuelle des personnes handicapées et jusqu’à la rencontre annuelle avec les organisations de parents et les partenaires sociaux du canton. C’est pourquoi, nous suggérons à la direction de prévoir une amélioration de l’organigramme et l’adjonction progressive pour chaque unité de travail d’un cercle de concertation. Une élection, effectuée selon des modalités très précises et surtout sans candidat, permet de doter chaque cercle d’un second lien.

Le second lien3 introduit la communication ascendante Lucie Faverger travaille à l’atelier

de «Grand-Marché». Elle a écouté avec intérêt le projet lors de la réunion d’information et se demande comment cela va modifier son quotidien. A sa grande surprise, lors de la première réunion du cercle des ateliers, elle est élue sociocratiquement second lien, c’est-à-dire avec le consentement des MSP et de tous ses collègues d’atelier! Dorénavant elle pourra faire part des besoins et des demandes des travailleurs en situation de handicap en participant à des réunions d’ateliers consacrées aux politiques en matière d’aide à l’intégration par le travail. Elle compte bien y faire entendre ses idées et celles de ses pairs. Etonnement aussi du côté du conseil de direction où c’est Marc Pannatier, le psychologue, qui a été élu second lien et qui accompagnera Eric Duval aux séances du cercle dit «général». Sa présence aux séances du conseil de fondation permet au directeur de se centrer sur sa responsabilité, faire descendre les informations liées aux décisions prises, conduire l’exécution des tâches et contrôler l’atteinte des résultats. La préoccupation de Marc Pannatier sera ciblée sur une communication dite «ascendante». C’est à ce titre qu’il intervient d’ailleurs pour faire part du désir de ses collègues de mettre en place une démarche de recherche-action visant à associer les personnes qui n’ont pas l’usage de la parole à des processus de prises de décisions. Ce nouveau défi dans l’application de la sociocratie suscite spontanément quelques idées. Mais ce qui convainc surtout aujourd’hui le conseil de fondation à poursuivre l’expérience c’est la liste de toutes les idées de marketing émanant de tous les niveaux de l’institution pour positionner plus fortement «le Portail» dans la vie socio-économique de sa région. Bibliographie: Gilles Charest, La démocratie se meurt, vive la sociocratie, Ed. esserci, collection Ecomanagement.

Cet article est téléchargeable dans son entier, avec des exemples d’organigrammes sur le site de Pages romandes: www.pagesromandes.ch

Définitions Le consentement Le processus de prise de décision basée sur le principe du zéro objection conduit un groupe à la formulation d’une décision qui ne rencontrera plus aucune objection raisonnable de la part d’aucun de ses membres. Dans la plupart des organisations, les décisions concernant les politiques générales de l’organisation sont prises soit de manière autocratique par un leader charismatique soit de manière plus large par la majorité des membres d’une équipe. Les deux principaux problèmes qui en découlent sont d’une part la frustration des minorités, qui risquent d’entraver la réalisation de la décision et d’autre part, le manque de prise en compte de l’expertise des personnes confrontées sur le terrain aux conséquences pratiques d’une décision. Le consentement pallie les effets pervers du consensus. 1

Le cercle de concertation Le cercle de concertation réunit les personnes qui partagent un même but opérationnel dans le respect du concept, des règles et des objectifs institutionnels. Il détermine les objectifs annuels de l’unité, organise le travail et veille au développement des compétences de chacun de ses membres. Le chef de l’unité participe aux réunions du cercle de concertation en y exprimant son avis comme les autres membres du cercle. Il veille à la prise en compte des contraintes de l’environnement et à la faisabilité des décisions prises puisqu’il sera responsable de leur exécution. N’oublions pas qu’il peut s’objecter lui aussi! Il le fera d’autant plus facilement que la conduite d’un cercle est confiée à un(e) animateur(trice) assisté(e) d’un(e) secrétaire, élus tous deux selon le mode sociocratique. 2

Le second lien Le second lien porte à la connaissance du cercle directement supérieur au sien les questions et les réalités des personnes pratiquement concernées par une décision politique. Le second lien garantit le droit à l’expression et augmente la confiance dans les instances supérieures. 3

La Coraasp propose des séminaires d’introduction à la sociocratie (voir l’annonce en 3e de couverture).

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Approche de la désinstitutionnalisation...

Un changement de rapports entre les personnes handicapées et la société Daniel Boisvert, directeur du CNRIS1 et professeur associé de communication sociale, Université du Québec

«La fondation "Le Portail" vous est confiée en vue de désinstitutionnaliser ses résidents. Comment allez-vous procéder?» Voilà la question posée à notre correspondant québécois. Directeur du Consortium national de Recherche en intégration sociale (CNRIS), Daniel Boisvert répond à la demande de Pages romandes avec beaucoup de clarté, de pertinence et d’exhaustivité. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la démarche de désinstitutionnalisation, sur les idées qui la sous-tendent et sur les procédures nécessaires à sa mise en pratique...

«L’histoire de la déficience intellectuelle devrait être l’histoire de ceux qui souffrent d’une déficience intellectuelle à cause, avant tout, des changements de leurs conditions de vie, des effets produits par celles-ci, des modifications dans leurs habitudes de vie, de l’impact sur leur droit à l’autodétermination et de l’expérience de la difficulté de se faire une nouvelle image d’eux-mêmes et d’être perçus comme des personnes à part entière.» Bengt Nirje (2005) «La désinstitutionalisation n’est pas une démarche propre à un pays ou à un continent, ni un processus qui s’adresse uniquement aux personnes présentant une déficience intellectuelle. Elle n’est pas non plus une panacée pour toutes les difficultés rencontrées en institution. La désinstitutionalisation est surtout la concrétisation de l’idée selon laquelle toute personne a le droit strict de vivre dans son milieu et de participer à la vie de sa communauté et que les personnes vivant avec déficience intellectuelle quittant l’institution ont généralement une meilleure qualité de vie. Les indicateurs les plus souvent observés chez ces personnes sont la diminution de l’anxiété, une socialisation accrue, une diminution des comportements excessifs, l’amélioration de l’autonomie fonctionnelle, l’amélioration de la communication et des comportements sociaux. Elles vivent aussi plus de moments d’intimité et de confort physique et psychologique.

Dimensions de la désinstitutionalisation

Consortium National de Recherche en Intégration Sociale (CNRIS) 1

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Comprendre le sens profond de la désinstitutionalisation, c’est saisir les aspects multidimensionnels du phénomène parce qu’elle est à la fois un idéal, un processus, un renouvellement des pratiques et une réalité sociopolitique. La première dimension renvoie à l’idéal que le mot véhicule. La désinstitutionalisation revêt la forme d’une idéologie parce qu’elle fait la promotion des droits fondamentaux

de tous les citoyens, sans distinction fondée sur leurs particularités ou leurs différences. La deuxième dimension met l’accent sur l’aspect dynamique qu’engendre un tel mouvement. La désinstitutionalisation est avant tout un processus qui concerne à plus ou moins longue échéance, la vie et l’avenir d’un nombre important de personnes que sont les usagers, leur famille, le personnel des institutions et les membres des collectivités, particulièrement celles de proximité. La troisième dimension met l’accent sur le renouvellement des approches d’intervention. La désinstitutionalisation signifie alors une remise en question des pratiques, des méthodes et des instruments qui s’y rattachent, en vigueur depuis de nombreuses années où les usagers hébergés en institution étaient parfois perçus comme des individus dont il fallait, souvent en groupe, «occuper» les journées. Les nouvelles pratiques des professionnels et des accompagnateurs ont pour but le développement de l’autonomie personnelle et l’utilisation des services courants de la société, intégration fonctionnelle, par une planification personnalisée des services tout en tenant compte des besoins mais aussi des goûts et des désirs de chaque personne. La quatrième dimension de la désinstitutionalisation recouvre aussi une visée politico-économique car elle questionne les coûts liés au séjour des personnes vivant au sein de l’institution c’est-à-dire l’efficience des ressources humaines et matérielles utilisées pour ces personnes et l’effet de cette utilisation. Ces établissements sont aussi souvent considérés dans leur milieu comme des leviers économiques dont une des fonctions est quelquefois de soutenir l’économie locale et régionale. Bref, la désinstitutionalisation a comme visée principale le changement des rapports entre les personnes dites handicapées et la société - incluant les intervenants ou professionnels - par l’abandon du recours à l’institution traditionnelle et par l’utilisation de services et de soins communautaires ainsi que de services d’adaptation ou de réadaptation, dans tous les cas possibles.


Paramètres de la reconversion des services La désinstitutionalisation des personnes n’a de sens que si elle s’accompagne de la reconversion des services et si elle s’appuie sur un changement de paradigmes mettant l’accent sur les notions d’inclusion, d’équité, d’appropriation, d’autodétermination, de qualité de vie et de soutien provenant de la communauté. Pour ceux qui désirent procéder à un telle démarche, un premier travail important à réaliser est de bien préciser le processus d’intervention dynamique permettant de clarifier l’expertise requise du personnel, le rôle des équipes interdisciplinaires, d’encourager leur contribution active ainsi que la participation de l’usager, de sa famille ou de son représentant et de développer un partenariat solide avec les autres acteurs impliqués qui seront dans les nouveaux milieux de vie. Mais d’abord, il importe de bien connaître certains paramètres de la situation future: • les besoins et désirs des personnes; • la gamme complète des services requis dans un nouvel environnement; • les activités menant au départ des usagers; • et enfin, la sortie des usagers ellemême. Cette dernière étape du processus est généralement planifiée à partir du projet de vie de chaque résident, de ses besoins et de ses intérêts, mais aussi à partir des éléments internes, tels que la préparation du personnel à ses nouveaux défis, les contraintes externes à son milieu de vie ou encore, la disponibilité de ressources résidentielles. Au cours de ces étapes, les professionnels utilisent les plans d’intervention et de services individualisés pour guider les décisions… et elles seront légion!

Connaître les caractéristiques des personnes Cette étape consiste à connaître les caractéristiques et les besoins des personnes, permettant ainsi de développer des services adaptés et personnalisés, ainsi que de définir les services résidentiels et les activités de jour et de soutien éducatif, professionnel et spécialisé appropriés. La cueillette de données intègre des renseignements additionnels concernant les soins physiques prodigués, les déficits associés, les besoins en matière d’autonomie fonctionnelle, les troubles comportementaux et leur fréquence ainsi que les liens significatifs entretenus avec la personne. Concevoir de nouveaux services En raison des caractéristiques des personnes, les nouveaux services doivent tenter de répondre aux besoins résidentiels, aux demandes d’activités de jour et aux soutiens éducatif, professionnel et spécialisé des personnes présentant une déficience intellectuelle. Cette étape permet d’en élaborer un design et d’identifier le profil de la main-d’œuvre souhaité pour les services définis et finalement d’identifier les besoins de formation du personnel. Planifier et actualiser les actions La planification consiste à déterminer les priorités et établir des stratégies d’accompagnement des usagers, ce qui permet d’identifier les groupes d’usagers devant quitter l’établissement à chaque étape du projet d’intégration et de redéployer les ressources de l’institution. L’actualisation du processus pose certains défis. En voici quelques-uns: • suivre un rythme soutenu des réunions (interdisciplinaire, PSI, discussion de cas) et y participer tout en organisant le départ des personnes;

• bonifier ou enrichir rapidement les évaluations initiales et procéder à des observations plus systématiques; • conjuguer avec des informations significativement différentes ou nouvelles, à la suite de nouvelles évaluations de besoins; • mobiliser les équipes des milieux de vie et impliquer encore plus les employés de nuit; • s’assurer de la présence des mêmes intervenants dans les réunions du PSI et entre les rencontres; • respecter les plans d’intégration décidés lors des réunions PSI tout en permettant l’ajustement nécessaire à un équilibre avec le nouveau milieu de vie; • poursuivre harmonieusement les activités du processus d’intervention malgré le roulement de personnel. Certaines règles sont incontournables pour augmenter les chances de succès de cette entreprise. Par exemple, la participation à divers groupes de travail et le respect des ententes de travail semblent particulièrement importants. Il serait indispensable de: • s’assurer de l’implication de tous les groupes constitués de l’institution (conseil d’administration, gestionnaires, syndicats, travailleurs, comité des usagers, etc.) au processus de changement et que l’ensemble de ces groupes s’engage envers la personne présentant une déficience intellectuelle et son intégration à la communauté; • respecter le cadre des dispositions tenant lieu de convention de travail; • prévoir des programmes de mise à jour des connaissances des travailleurs en vue de les impliquer davantage dans le processus d’intégration et de réintégration sociale et d’en assurer la réussite; • informer et soutenir la démarche des usagers et des parents.

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Un seuil à franchir... Pour une structure du type «Le Portail», nous croyons que quatre comités pourraient être mis sur pied et animés par les divers directeurs.

Enfin un comité de monitoring, pourrait s’assurer d’obtenir de l’information sur les impacts de la démarche de désinstitutionalisation en lien avec plusieurs paramètres: qualité de vie des usagers et des familles, le personnel, la pratique professionnelle, les milieux de vie, etc. Ces informations pourraient notamment alimenter la réflexion des équipes et constituer une aide à l’ajustement des interventions individuelles.

Robert Hofer

Soutenir les employés

D’abord un comité de coordination, consultatif à la direction de l’institution, avec le mandat d’assurer la coordination fonctionnelle liée au processus d’intervention et à l’intégration des usagers, au programme d’information et d’accompagnement aux familles, au développement des nouveaux services, au suivi scientifique du projet ainsi qu’aux ressources matérielles et aux équipements. Un deuxième comité, que nous appellerons ici comité sur les ressources humaines aurait comme mandat l’élaboration des mécanismes régissant l’affectation des employés et leur perfectionnement. Il devrait aussi assurer la coordination fonctionnelle du projet liée au plan d’effectifs, à la dotation des postes, au transfert de personnel, à la formation et aux ententes avec les syndicats. Le troisième comité, comité sur la formation, s’assurerait de la planification de la formation, de concert avec les maisons d’enseignement et le quatrième, celui des finances serait chargé, entre autres, des discussions sur les coûts de transition.

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L’implication et la participation du personnel ne suffisent pas. La dotation du personnel ne peut se réduire au seul transfert d’employés sur de nouveaux lieux de travail. Un plan de formation ou de perfectionnement est souvent nécessaire aux personnels afin qu’ils soient en mesure de soutenir et accompagner les personnes présentant une déficience intellectuelle et leur entourage dans un nouveau milieu de vie. Ce plan, de préférence individualisé, devrait faciliter l’intégration du personnel à son nouvel environnement de travail et lui permettre d’assumer leurs rôles dans un nouveau contexte d’intervention. Compte tenu des besoins, certaines activités de formation rejoignent un plus grand nombre de professionnels; meilleure connaissance de la personne vivant avec une déficience intellectuelle, intervention auprès des familles, fonctionnement en équipes de travail semi autonome, ainsi que différentes approches liées aux services et aux interventions. Certaines autres formations peuvent s’avérer utiles comme par exemple, l’utilisation de différents instruments d’évaluation, la prévention des comportements agressifs ou perturbateurs, la gestion des situations de crise, etc. Enfin, des journées d’étude pour le personnel et/ou les partenaires, permettraient de dégager un bilan des activités passées et à venir et ajuster le «tir» pour les prochaines étapes. En dépit de la mobilisation du personnel, les équipes doivent continuer à fournir un service de qualité aux résidents demeurant toujours à l’institution. De plus, le personnel vivra certainement un sentiment de

Thèmes de formation qui sont les plus demandés de la part du personnel • Travail des professionnels dans de nouveaux milieux résidentiels; • Valorisation des rôles sociaux et son application concrète dans divers contexte de vie; • Relation d’aide au quotidien; • Gestion des relations conflictuelles; • Plan de services individualisé et le plan d’intervention; • Intervention communautaire et de réseaux; • Approche positive face aux difficultés comportementales; • Modèle d’intervention avec restrictions minimales; • Approche préventive et intervention contrôlée; • Principes de déplacements sécuritaires pour les usagers; • Soins immédiats en réanimation cardio-respiratoire; • Rédaction de notes significatives au dossier de l’usager; • Initiation à l’informatique et à l’environnement Windows. deuil et ce, surtout à partir de l’étape médiane du projet: les confrères, les consœurs et les usagers que l’on connaît et même affectionne ont quitté ou sont en voie de le faire. Les membres du personnel auront besoin d’être soutenus afin de maintenir l’intérêt au travail au sein de l’institution.

Soutenir les familles Même si les personnes présentant une déficience intellectuelle ont plus de chances d’apprendre et de développer de nouvelles habiletés et un nouveau style de vie, les familles ne partagent pas toutes le même sentiment positif en regard de la démarche de désinstitutionalisation. Beaucoup n’acceptent pas facilement le départ de leur proche de l’institution et expriment plusieurs réserves. Elles ressentent de l’inquiétude, voire de l’incrédulité face aux objectifs du projet de réinsertion sociale. Aussi, les sentiments vécus lors de la première


séparation se ravivent, sentiments aussi déchirants que la culpabilité, la colère et la confusion. Plusieurs parents considèrent depuis longtemps l’institution comme un milieu de vie permanent. Les parents et les proches ont besoin d’être écoutés afin qu’ils puissent s’exprimer. Dans un contexte de changement aussi important que celui de la désinstitutionalisation, il s’avère indispensable que les familles puissent parler de leurs préoccupations et leurs sentiments. Ainsi, en favorisant les échanges et en mettant en place des moyens de communication, les familles peuvent s’exprimer librement et se sentir impliquées dans le processus de relocalisation de leur proche. Différentes mesures ou activités visant à soutenir la réflexion et la participation des familles peuvent avantageusement être utilisées. Voici quelques suggestions: Dépliant d’information portant sur le projet de désinstitutionalisation. L’objectif visé par le dépliant d’information est de faire connaître les principales activités de la désinstitutionalisation et de lancer une invitation à communiquer avec des personnesressources disponibles pour répondre à leurs questions. Des personnes de référence assignées aux familles afin d’assurer la continuité de l’information. Afin de personnaliser les rapports avec les familles et les proches, d’assurer une cohérence de l’information et réduire le plus possible le nombre d’intervenants, une personne de référence peut être avantageusement assignée à chaque famille. Leur rôle consiste principalement à créer des liens privilégiés avec les familles en logeant des appels téléphoniques réguliers ou occasionnels, selon les besoins. La personne de référence (ou son associé) joue un rôle déterminant sur le plan de l’information, plus spécifiquement en agissant comme «courroie de transmission» entre la direction et les familles, en demeurant leur principal interlocuteur, en communiquant avec celles qui lui étaient désignées selon les modalités établies et en les accueillant et les accompagnant lors des séances d’information.

Des appels téléphoniques et des lettres personnalisés à chaque famille pour favoriser une approche basée sur les besoins et les attentes spécifiques. Une lettre personnalisée envoyée aux familles et aux proches dans le but de les inviter à une séance d’information est quelquefois un bon moyen de communication. Un appel téléphonique provenant de la personne de référence devrait suivre l’envoi de cette lettre. Les familles apprécient généralement ce genre de contact. Ces appels servent à informer, à valider la compréhension du contenu de la lettre et à encourager la participation des familles aux séances d’information. Ils permettent la création d’un lien de confiance, lien qui s’avérera très bénéfique lors des séances d’information.

leur épanouissement et à tirer profit de leur nouvelle existence. Enfin, rappelons que le succès d’une telle démarche repose surtout sur l’engagement individuel des acteurs impliqués et leur croyance partagée qu’aucune personne ne saurait être maintenue en situation d’exclusion, de retrait de la communauté sous prétexte de ses déficiences ou incapacités. D’autres paramètres sont également garants de la réussite d’un tel projet: • la présence et l’action de ceux qui portent le message de ce projet en rappelant le sens de la démarche; • l’incarnation du projet dans un plan d’action systématique, rigoureux et constamment suivi, mesuré et ajusté.

Des séances d’information organisées en petits groupes pour favoriser les échanges. Des séances d’information peuvent être organisées pour les familles et les proches des usagers. Ces rencontres se font généralement par petits groupes. Elles visent à informer les familles concernant les étapes à venir, à répondre à leurs questions et à leur permettre d’échanger avec des personnes ressource et d’autres parents. Ainsi, personnaliser l’approche aux familles suppose de clarifier le sens du projet d’intégration et permet aux familles de suivre l’évolution de la condition de leur proche tout au long du processus.

Quelques références

La clé du succès, l’engagement individuel... La désinstitutionalisation n’est pas une fin en soi. Toutefois elle est un bon moyen de permettre l’intégration sociale. Bien évidemment, pour les personnes directement concernées, il s’agit d’une étape particulièrement importante, qui marque le début d’un parcours qui viendra façonner leur devenir. Toutes les précautions et les efforts consentis afin de réaliser cette intégration devraient concourir au plus grand respect possible des personnes présentant une déficience intellectuelle. Le départ des personnes de l’institution vise à soutenir

Hubert Gascon, Daniel Boisvert (2008). Un lungo cammino verso l’integrazione. L’evoluzione dei servizi alle persone portatrici di handicap mentale nel Québec. PSICHIATRIA DI COMUNITÀ: LA RIVISTA DEI DIPARTIMENTI DI SALUTE MENTALE Volume VII N. 1 Marzo 2008 Boisvert, D., Gascon, H. (2005). Un projet extraordinaire à dimension humaine: la transformation des services de l’Hôpital Saint-Julien. Presses Inter Universitaires: Québec. Boisvert, Daniel Ouellet, P. A. (1990). Désinstitutionnalisation et intégration sociale: L’expérience québécoise. In S. Ionescu (Eds.), Tome 2, L’intervention en déficience mentale: Manuel de méthodes et de techniques. (329-372). Bruxelles: Mardaga. Bolduc, M., et autres. (1988). L’intégration sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle: bilan du processus vécu dans cinq centres d’accueil québécois de réadaptation. Québec: MSSS Brown, Ivan. «Editorial: Time is Right for Closing Institutions», JOURNAL ON DEVELOPMENTAL DISABILITIES, volume 11, no. 2, 2004, p. vii-xii. Pilon, W, et autres (1994). Le passage de l’institution à la communauté et son impact sur la qualité de vie et l’intégration sociale de la personne présentant une déficience intellectuelle. Conseil québécois de la recherche sociale: rapport de recherche.

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En direct du Valais

Valoris en Suisse

Des institutions valaisannes partenaires d’ un projet européen Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Cet article offre un prolongement intéressant à notre réflexion sur le management du social. Par sa dimension européenne, le projet Valoris T.I.Q.S.S.* ouvre en effet des perspectives prometteuses en termes de processus d’accompagnement fortement ancrés sur des valeurs communément définies par l’ensemble des pays de la Communauté. Axée sur la vie quotidienne et les pratiques de terrain, la méthode présente en outre une excellente capacité d’adaptation aux diverses approches culturelles.

*Valoris - T.I.Q.S.S. (Training for the improvement of the Quality of Social Services) est une méthode européenne d’évaluation de la qualité des services à l’usage des dispositifs sociaux et médicosociaux, élaborée par le «Comité européen pour le développement de l’intégration sociale» (CEDIS).

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Commençons par le commencement. Dès 1983, un certain nombre de personnes soucieuses d’améliorer la qualité des prestations dans les établissements sociaux et médico-sociaux, s’intéressent à l’évaluation institutionnelle. Parmi elles, des professionnels de l’action sociale, des bénévoles, des universitaires, ainsi que des représentants de l’administration sanitaire et sociale. En 1986, le groupe crée à Genève le «Comité européen pour le développement de l’intégration sociale» (CEDIS), association à but non lucratif, dont le siège est transféré en France en 1991.

Le CEDIS dans tous ses états Comme sa genèse le laisse pressentir, le CEDIS est attaché à des valeurs humanistes qu’il s’efforce de promouvoir par l’information, la formation et l’évaluation. Cette association militante «œuvre en faveur des personnes en difficulté d’intégration sociale, quelles qu’en soient les raisons», afin de «prévenir l’exclusion sociale, restaurer les liens actifs de solidarité et défendre les libertés, les droits et les intérêts des personnes en difficulté»1. Le «Comité européen pour le développement de l’intégration sociale» s’est fixé des finalités: • promouvoir le respect, la dignité et l’autonomie de la personne humaine; • développer ses potentialités, sa qualité de vie, son intégration sociale; • l’accompagner dans sa participation à la vie de la cité. Pour servir ses objectifs, le CEDIS s’appuie sur le concept de Valorisation des Rôles Sociaux (VRS)2. C’est sur la base de ces outils qu’une équipe du CEDIS construit, en 2004, une méthode d’évaluation de la qualité des services à l’usage des dispositifs sociaux et médico-sociaux qu’elle appelle VALORIS et qu’elle diffuse largement en France et dans les pays francophones de la Communauté européenne.

De VALORIS à VALORIS - T.I.Q.S.S. Au moment d’élaborer une nouvelle version de VALORIS (qu’il s’agissait de réactualiser), le CEDIS a souhaité associer d’autres partenaires à la démarche. C’est ainsi que l’Espagne, l’Estonie, la Pologne et (plus tard) la Suisse, ont rejoint le programme. Ce projet, nommé «VALORIS - T.I.Q.S.S.» (Training for improvment of the Quality of Social Services) consiste à mettre l’outil «VALORIS» à disposition d’autres pays européens afin qu’ils l’apprivoisent, l’expérimentent, l’adaptent et l’adoptent au sein de leur propre structure dans le but de proposer des prestations de meilleure qualité aux usagers. Soumis à la Commission européenne dans le cadre du transfert d’innovation Léonardo da Vinci, le projet est accepté. Pour les partenaires européens, l’aventure peut commencer...

La Suisse, partenaire silencieux Deux structures valaisannes - La Fondation en faveur des personnes handicapées mentales (FOVAHM) et l’association Valais de Cœur - décident de prendre le train en marche. En mai 2008, ils intègrent le programme qui en est à sa troisième rencontre. Leur participation est financée par le «Secrétariat d’Etat à l’Education et à la Recherche». Pourquoi ce statut de partenaire silencieux? «Parce que nous ne faisons pas partie de l’Europe, tout simplement», explique Pascal Zufferey, directeur de Valais de Cœur et l’un des trois membres de la délégation suisse. «Pour autant, nous n’étions pas de simples observateurs. Notre participation a été bien réelle et très concrète». Une version européenne et enrichie de l’outil VALORIS sortira de ces expérimentations; version qui sera, au terme du programme, disponible aussi bien en français qu’en anglais, en allemand, en espagnol, en polonais et en estonien... Le projet prévoit que la dissémination et la valorisation de la méthode se feront par


le biais de conférences et de séminaires organisés dans leurs pays, par les différents partenaires (voir encadré, en fin d’article).

Une méthode de plus pour évaluer la qualité? Avec les critères «OFAS/AI 2000», mis en place par l’Office fédéral des assurances sociales, il semblait que les institutions suisses étaient valablement dotées en la matière. Pourquoi se tourner aujourd’hui vers un autre modèle? «Avec la mise en œuvre de la RPT3, explique Véronique Goy Gay-Crosier, responsable de secteur à la FOVAHM et membre de la délégation suisse au sein du projet VALORIS - les cantons sont chargés d’assurer le financement des institutions et partant, de veiller à la qualité des services. Ce sont eux, en fin de compte, qui décideront de reconduire la méthode actuellement en vigueur au-delà de 2011, de l’adapter ou d’en changer. En vue de cette échéance, les cantons latins souhaitent adopter un SMQ uniforme et éventuellement confier la certification à une instance spécialisée dans la certification des systèmes de management. Les institutions sociales vont étudier l’opportunité de mettre en œuvre des critères de contrôle et des instruments d’investigation communs. C’est dans le cadre de cette réflexion et comme base de travail que nous désirons proposer la méthode VALORIS».

Des avantages de VALORIS... «Si les critères OFAS/AI 2000 sont intéressants et très utiles dans l’évaluation de domaines particuliers, précise Giselle Roduit, responsable de secteur à la FOVAHM et autre membre de la délégation suisse, cela ne constitue pas une méthodologie de travail. Ce qui est le cas de VALORIS. La méthode, très ancrée sur les valeurs définies notamment par la VRS2, permet d’évaluer de façon continue toutes les prestations, dans tous les domaines». «Avec OFAS/AI 2000, résume Véronique Goy, on se fonde sur des indicateurs documentaires; avec VALORIS, on est sur le terrain...». De fait, dans le cadre de leur forma-

tion, les trois membres de la délégation suisse ont participé à des évaluations de structures, façon VALORIS: «Nous mangeons avec les résidents, nous observons les gestes éducatifs quotidiens, nous procédons à des enquêtes de voisinage, nous vivons les journées de travail avec les usagers... Bref, pendant 3 à 4 jours, nous récoltons des faits, que nous classons ensuite selon les items de la méthode et que nous échangeons entre évaluateurs. Avec l’objectif de déterminer si les faits correspondent bien aux pratiques déclarées...» Afin d’évaluer la qualité des prestations proposées aux usagers des services sociaux et médico-sociaux, VALORIS-T.I.Q.S.S. a défini six secteurs d’évaluation: • intégration physique des dispositifs au sein de leur environnement; • intégration sociale des usagers; • développement de la personne; • pertinence et cohérence des prestations; • développement d’une politique d’ouverture des dispositifs; • amélioration des techniques de management. «C’est un outil extraordinaire en termes de mise en place de projets», ajoute Pascal Zufferey, directeur d’un établissement qui se dote actuellement d’une nouvelle structure. «Cela m’a permis de vérifier la pertinence de certains choix comme le nom, l’implantation géographique ou encore la proximité de transports publics». «Une fois entrés dans le processus, conclut Giselle Roduit, la posture des professionnels change; les réflexes s’aiguisent et le questionnement devient permanent».

Un outil d’évaluation complet, européen et à usage multiple Après deux années d’expérimentation dans plusieurs pays d’Europe, VALORIS - T.I.Q.S.S. a intégré les orientations et directives de la Commission européenne, ainsi que les obligations inscrites dans les différentes lois nationales concernant les droits et les chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En outre, en prenant en compte l’équivalent culturel valorisé, la méthode a fait la preuve de son haut degré

d’adaptabilité aux différentes approches culturelles. Ces qualités, ajoutées à sa philosophie originelle, font de VALORIS T.I.Q.S.S., un outil d’évaluation très complet, qui propose à la fois: • un référentiel de valeurs et de concepts pour l’élaboration de projets; • un guide de bonnes pratiques professionnelles, adaptable pour tout établissement et service du secteur; • un outil d’évaluation interne (auto-évaluation); • un outil d’évaluation externe à la disposition d’évaluateurs formés et dûment mandatés; • un support de formation initiale ou continue. A ce stade, VALORIS - T.I.Q.S.S. apparaît comme un prolongement de la VRS2 dans le champ de la pratique. La plupart des établissements romands pour personnes handicapées se réclamant déjà de ce concept disposeront désormais, s’ils le désirent, d’un outil permettant de mesurer le degré réel d’application de ces valeurs fondamentales au sein de leurs structures...

Extraits de la présentation du CEDIS par lui-même sur le site: www.cedis-europe.org 2 La VRS est apparue dans le domaine des services aux personnes handicapées en Amérique du Nord et en Europe dans les années 80. Elle fut précédée par un autre principe, celui de la normalisation, qui apparut comme un des concepts des services humains vers la fin des années 60 en Scandinavie et en Amérique du Nord. Il a depuis lors été élaboré et systématisé, plus particulièrement, par le professeur Wolfensberger en Amérique du Nord, qui en a fait un principe directeur universel pour concevoir et diriger toutes sortes de services. 3 Réforme de la péréquation financière et de la répartititon des tâches entre la Confédération et les cantons. La mise en place de la RPT devrait être terminée en 2011. 1

La FOVAHM, Valais de Cœur et leurs partenaires européens organisent un séminaire de présentation de la méthode VALORIS Mercredi 7 octobre 2009 à la HES-SO Valais/Wallis à Sierre Inscription et programme sur le site www.fovahm.ch

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INterFace-recherche-intervention

Miroir, ô mon beau miroir, dis-moi...

La représentation de la féminité chez les femmes en situation de déficience intellectuelle Laetitia Maradan, maîtresse socioprofessionnelle

Pour ce travail, j’ai souhaité me pencher sur la représentation de la féminité qu’ont les femmes déficientes mentales. Plusieurs dames que je côtoie dans mon cadre professionnel me semblent préoccupées par les images liées à la femme. Je sens, de leur part, un réel intérêt pour l’image que l’on renvoie en tant que telle. En revanche, je constate que, bien souvent, elles n’y correspondent pas. Elles semblent également se préoccuper de l’image sociale de la femme. Elles se sentent valorisées par le fait d’avoir un lieu d’activité. Elles mettent volontiers en avant le fait qu’elles sont des femmes car elles travaillent. La plupart de ces femmes font souvent référence à des stéréotypes de la féminité. Je me suis interrogée sur ces réflexions. Je me suis demandé si elles pensent vraiment ressembler à l’idée qu’elles ont de la féminité. Peut-être qu’elles disent cela dans le but de correspondre à des normes sociales stéréotypées bien définies, sans pour autant réaliser ce que cela signifie réellement?

Dans leur peau de femme... Il n’est pas fréquent d’entendre des personnes handicapées mentales s’exprimer sur certains sujets. Il peut s’agir d’un thème très sensible à aborder, tel que la sexualité ou la maternité. Mais il peut également s’agir d’aspects plus faciles à traiter tels que l’habillement, ou le look. En règle générale, l’entourage a tendance à parler à leur place. Certaines personnes sont lourdement handicapées et ne peuvent pas s’expliquer ni faire de choix. Il est alors évident que d’autres individus choisissent pour elles. Mais les femmes que j’accompagne dans leur activité professionnelle ont la possibilité de s’exprimer. Elles vivent des choses au quotidien, dans leur peau de femme, et ne peuvent pas toujours les faire partager. Je leur ai proposé de faire partie d’un groupe de discussion qui aborderait plusieurs sujets liés à la femme et à la féminité. Elles ont tout de suite répondu positivement.

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Cap Loisirs, Genève

Cet article est le résumé d’un travail de mémoire réalisé dans le cadre d’une formation de maîtresse socioprofessionnelle à l’EESP. Ce travail a reçu le prix ARMaSP, qui était remis en 2007 par AvenirSocial. Changer de regard sur la femme handicapée mentale, c’est lui permettre d’être et d’exister dans son entité afin qu’elle puisse prendre sa place dans une société qui trop souvent tente d’annihiler les différences.

J’ai donc commencé un travail d’entretiens et d’échanges afin de connaître leurs représentations de la féminité. Nous avons abordé différents sujets comme le mariage, les enfants, le travail, les hommes, le handicap…

Certains domaines plus difficiles d’accès... Grâce à ces discussions autour de thèmes ciblés, j’ai acquis la conviction qu’elles ont des idées bien déterminées de certains aspects de la féminité, tels que les attentes et les rôles sociaux à accomplir. Mais j’ai le sentiment que ce qui touche à l’intimité, au sens large, n’est pas forcément connu ou compris. Tout ce qui est sousjacent n’est pas forcément intégré. Elles ont, certes, plus de facilité à emmagasiner


étaient attendus depuis longtemps. J’ai le sentiment de mieux comprendre certaines attitudes, certaines réflexions. Le fait d’avoir interprété, cherché à déchiffrer leur vécu et leur façon de voir les choses a influencé positivement ma relation avec ces femmes. J’ai compris la manière qu’elles ont de se situer et je sais mieux, maintenant, comment les aborder et les accompagner dans leur vie quotidienne.

Donner la parole aux femmes

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les messages transmis par la société concernant les attentes envers les rôles féminin et masculin. Ce qui touche à des domaines plus suggestifs, où il n’y a pas forcément d’idées toutes faites et qui demandent une faculté de projection, leur est beaucoup plus difficile d’accès. Souvent par méconnaissance du domaine en question, elles ont peu de repères et ont des difficultés à se construire une opinion ou à réaliser ce que cela représente. Elles ont pu exprimer leur manière d’être, de fonctionner dans notre société. Parfois, elles ont pu crier leur sentiment d’injustice face aux réactions des gens qui ne tolèrent pas la différence. Elles ont également pu partager leur vision de la

société dans laquelle elles vivent, leur point de vue sur les comportements des gens qui les entourent. J’ai également pu partager avec elles mes propres opinions, mes interrogations. Il y a vraiment eu de la réciprocité dans nos échanges. Je les côtoie depuis cinq ans, mais ces quelques semaines m’ont permis de les découvrir sous d’autres angles. Certaines complicités se sont renforcées grâce à ces discussions sincères et personnelles. Elles se sont beaucoup investies et ont participé activement à ces entretiens. Elles ont été sincères et m’ont témoigné énormément de confiance. Ces moments ont été appréciés par toutes les femmes présentes et ils

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Je suis convaincue qu’il est nécessaire d’accorder du temps de discussion à ces femmes. En effet, elles doivent constamment répondre à des injonctions sociales. Celles−ci les amènent

à répondre non pas en fonction d’une identité propre à leur statut de femme handicapée mentale, mais plutôt à celle d’une norme sociétale qui leur permet un équilibre, une stabilité. Par conséquent, j’ai pu constater qu’il y a beaucoup de souffrance chez ces femmes face à certains sujets tels que le deuil de la maternité, la différence… Il me paraît vraiment important qu’elles puissent se délester de certaines inquiétudes, mais également partager des moment de légèreté dans des espaces qui leur permettent de se mettre en valeur. Dans l’ensemble, cette démarche d’écoute, de reconnaissance de leur vécu et de leur statut m’apparaît réellement comme un besoin et m’encourage à persévérer dans ce sens.

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Sport - tennis de table

«Participer à un tournoi à l’étranger, ça donne des souvenirs!» L’équipe de Fair Play au Bodenseecup 2009 Monique Bassin, membre de Fair Play, Lausanne

Après l’organisation du championnat européen de football en 2008, Saint-Gall s’est vu confier l’organisation de la 2e édition du Bodenseecup. Le but de cette manifestation est de sensibiliser la population au handicap mental, de créer une émulation et d’encourager toutes les personnes en situation de handicap mental à pratiquer un sport et à en faire une discipline dans laquelle ils pourront se surpasser. Une équipe de Fair Play y était. Invitation au voyage...

Pour la première fois cette année, Fabrice Dewarrat, Ali Al Mayyah, Guy Clément, Filipe Correia De Almeida, Yannick Puertas, Frank Cherpillod et Julien Arcoria, ont participé à un tournoi à l’étranger… dans une région germanophone! Seuls francophones en compétition à la Coupe du lac de Constance, les 14 et 15 mai 2009, ils ont réussi à décrocher quatre médailles dans la catégorie 11 de Special Olympics. Julien a retenu le nom de la bourgade: Lindenberg im Allgäu. Que représente ce double défi pour les sept vaillants membres de Fair Play? Monique Bassin, membre de Fair Play, recueille les impressions de Julien. Intarissable, il vient spontanément les confier: «C’était super, ce tournoi en Allemagne!» As-tu aimé le voyage? «Oui, beaucoup. J’aime voir les paysans, les paysages. Ça me donne des souvenirs! J’aime voir toute la Suisse. Saint-Gall, c’était la première fois que je voyais cette ville. Les autres dormaient, moi je regardais tout.» Tu es content? «Oui, je suis content, parce que c’est nouveau. Je n’ai que de bons souvenirs!»

Le but de l’Association sportive Fair Play (www.as-fairplay.ch), créée en 1989, est de développer l’activité sportive pour les personnes en situation de handicap mental, dès l’âge de 7 ans, pour accroître la confiance en soi et permettre par ce biais leur intégration dans la société.

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Yannick se mêle à la conversation, il a aussi des souvenirs à partager... «On a dormi dans la même chambre, Julien, Filipe et Jacques (moniteur délégué par l’association Vaud Valais et Fribourg de tennis de table). Quand il y avait des ronflements, on se jetait des coussins dessus…» Prudemment, le nom des ronfleurs et de l’initiateur des batailles de coussins ne sera pas publié! Jacques précise: «Le soir, tout le monde était fatigué. On se couchait déjà à 21 heures car le réveil, c’était à 6H et quart, suivi d’un premier échauffement, à 8 heures! On passait plus de six heures par jour debout, dans des salles très chaudes.» Yannick et Julien ont été confrontés à un

groupe de niveau de jeu assez élevé, raison pour laquelle ils ont terminé à la 4e et 6e places. Quand il s’agit d’évoquer les défaites, ils ne sont pas du même avis: l’un s’avoue déçu, l’autre non. Ils préfèrent cependant gagner! Sur les rives du lac de Constance, ils n’ont pas eu de peine à se faire comprendre: par geste, «tout était facile». As-tu retenu des mots d’allemand? Oui: «Jawohl» et «Nein»! «Les demoiselles qui ramassaient les balles étaient très jolies…» Qui d’Ali, de Guy, de Filipe ou de Franck a laissé tomber cette phrase? Il y a de fins observateurs dans la bande… Qu’est-ce qui donne du plaisir, dans un tournoi? Jouer donne du plaisir. Le public te dérange? Quand il applaudit, il y a plus de plaisir, bien sûr! Un tournoi, ça donne des souvenirs. Tu en as d’autres, Julien? Oui, le soir, on a dansé. C’était de la techno et du rap. J’aime ça. Et puis, j’ai joué au billard avec un Allemand… qui a gagné! Je n’étais pas gêné du tout de ne pas comprendre sa langue. Fabrice, lui, rayonne: il a gagné la médaille d’or! Le soir, à Lindenberg, lorsque Nicolas, en moniteur enthousiaste et méticuleux, notait les impressions de la journée, il acquiesçait par hochements de tête pour approuver la formulation. En voici quelques extraits: Départ à la gare de Lausanne le 13 mai, le cœur battant. A l’arrivée, pas le temps de se reposer, la cérémonie d’ouverture commence tout de suite. On hisse le drapeau, on allume la flamme olympique sur le parvis de la mairie. Et on se met en marche et… «Fair Play défile en première position du cortège!» se souvient le papa de Guy.


Rencontre avec d’autres cultures La manifestation a rassemblé 76 pongistes; 1200 personnes œuvraient sur place pour la bonne organisation, en comptant l’équipe d’organisation, les nombreux bénévoles de la région et les membres de la famille accompagnant les sportifs. Special Olympics international, organisateur du tournoi (catégorie 11), était de toute évidence bien rodé: les matchs s’enchaînaient pour le plus grand plaisir des joueurs. Nos sportifs, passés maîtres dans l’art de transmettre leur joie au public, provoquaient des élans d’enthousiasme. Les équipes qui se disputaient les honneurs autour de 16 tables provenaient – sauf la nôtre - de régions germanophones, d’Allemagne, d’Autriche, du Liechtenstein et de Suisse alémanique. Ce tournoi a fourni l’occasion de rencontrer - enfin! - d’autres sportifs en situation de handicap mental, dans la bonne humeur… même si l’envie de gagner était de mise!

Nicolas Boss, moniteur attentif...

L’équipe du Bodenseecup...

Quatre médailles pour Fair Play A cette première expérience internationale, nos sept sportifs ont rapporté quatre médailles: une d’or pour Fabrice Dewarrat; deux d’argent, l’une pour Ali Al Mayyah et l’autre pour Guy Clément; une de bronze pour Filipe Correia De Almeida. Yannick Puertas a terminé 4e, Frank Cherpillod 5e et Julien Arcoria 6e dans leurs groupes respectifs. La cérémonie des remises des médailles était riche en émotions pour notre équipe de joueurs, guère habitués à la compétition. Les sportifs de Fair Play et leurs parents ont pu participer à la cérémonie de clôture: Yannick Puertas a eu l’honneur de faire descendre le drapeau et le père d’Ali, Monsieur Al Mayyah, a participé à la distribution officielle des médailles. Cette expérience unique pour Fair Play démontre bien que nous sommes tous les mêmes, handicapés ou non: nous apprécions tous la nouveauté, le dépaysement. Et les leçons du sport sont les mêmes pour tous: accepter les défaites, trouver du plaisir à se mesurer à ses semblables et apprendre à se surmonter soi-même et, en plus, comme dit Julien: «Ça donne des souvenirs!»...

L’audace des grands jours... Au début, les joueurs lausannois engagés dans différentes catégories se sont montrés un peu timorés. Peu à peu, au fil des matchs, les entraîneurs ont noté un net regain de confiance et nos pongistes ont eu l’audace des grands jours et des gestes techniques précis. Grâce à cela, de précieux points ont été engrangés, synonymes parfois de victoires inattendues.

Ci-contre, toute l’équipe de Fair Play... Les photos illustrant ce reportage sont de Peter Geisler

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Cinquantième anniversaire de Pages romandes

Invitation à la fête C’est en octobre 1959 que paraît le 1er numéro de Pages romandes. Il s’agit alors de quelques feuilles A4 polycopiées sur papier jaune, destinées à créer un lien entre les sections francophones de l’ASA1 nouvellement créées. Depuis lors, les Pages romandes (de l’ASA) n’ont cessé de paraître à raison de 4 à 5 fois par an. Un demi-siècle de vie au service des personnes en situation de handicap mental, cela se fête! Pour marquer l’événement, une manifestation est organisée

Programme de la journée 10h - 15h

Ateliers d’expression réservés aux personnes handicapées mentales Animation: Michel Boutet (France), Pascal Romailler et Marie-Antoinette Gorret

15h30

Table ronde animée par Stéphane Gabioud

«La place du handicap dans les médias» Avec: Henri-Jacques Stiker Michel Boutet (Québec) Jean-Philippe Rapp Philippe Grand Roger de Diesbach Ex&Co, atelier Clair-Bois Lancy, Genève

jeudi 8 octobre 2009 dans les locaux de l’Espérance à Etoy Les lecteurs et lectrices de Pages romandes sont cordialement invités à participer à cet anniversaire! Votre présence sera un encouragement à poursuivre l’objectif que s’est fixé la revue depuis ses origines: créer les conditions nécessaires aux échanges entre les partenaires et maintenir les liens entre les professionnels des différentes régions francophones. Ce trait d’union intercantonal que constitue Pages romandes est à maintenir et à renforcer plus que jamais, au moment où les cantons sont appelés à reprendre à leur compte le financement des institutions. L’autre événement du jour est la remise du prix «Médias» de la Fondation EbenHézer. Une occasion de réfléchir ensemble, autour d’une table d’invités, à la place réservée par la presse au handicap mental. Le Conseil de fondation et le comité de rédaction de Pages romandes espèrent vous accueillir nombreuses et nombreux, afin de fêter ce jubilé comme il se doit... Association Suisse des Arriérés, devenu par la suite Association Suisse d’Aide aux personnes handicapées 1

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17h30

Partie officielle Spectacle issu des ateliers d’expression Remise du Prix «Médias»

Avec la participation d’Alain Berset, président du Conseil des Etats 18h30

Apéritif dînatoire avec concert du Band d’Eben-Hézer

Si vous désirez plus d’informations sur les animateurs de l’atelier, ainsi que sur les intervenants de la Table ronde, vous pouvez consulter le site de la revue: www.pagesromandes.ch La participation aux activités de cette journée d’anniversaire est gratuite, mais l’inscription est obligatoire, jusqu’au 20 septembre 2009. Pour vos inscriptions: - un numéro de téléphone: - Institution de l’Espérance, Etoy: 021 821 14 28 - un site internet: - www.pagesromandes.ch - une adresse e-mail: - 50pagesromandes@esperance.ch Pour d’autres informations: - Marie-Paule Zufferey, rédactrice - Tél. 079 342 32 38


Itinéraire santé

Pages romandes

www.itineraire-sante.com

www.pagesromandes.ch

vous invitent au Forum de Tignousa

«VALEURS DU HANDICAP» SAMEDI 17 OCTOBRE 2009 8H30 - 17H Saint-Luc - Anniviers - Valais

Forum ouvert - Ateliers - Convivialité

Moments de détente et de réflexion de discussion... de balade... de partage... de liberté...

LE PARI DE LA RENCONTRE entre personnes en situation de handicap, professionnels, proches et moins proches pour

«FAIRE MONDE COMMUN» (Charles Gardou)

Renseignements et inscription avant le 30 septembre 2009: Tél. +41 27 475 18 60 ou +41 (0)79 342 36 74 ou mali@itineraire-sante.com Prix de la journée (repas et funiculaire inclus): CHF 60.--


APPEL A CONTRIBUTION Professionnels du travail social (enseignant-e-s, praticien-ne-s, chercheur-e-s) et collègues de disciplines voisines, vous êtes invités à soumettre vos propositions de communication dans le cadre du

2e congrès international de la Société suisse de travail social (SGSA-SSTS) 21-23 mars 2010 Centre international de conférences de Genève (CICG) sur le thème:

Handicap mental Quand le médecin, le psy et l’éduc en parlent Conférence publique proposée par la Fondation Eben-Hézer avec Claude-André Dessibourg

neurologue et professeur à l’Université de Fribourg

Jeudi 12 novembre à 20H Aula des Cèdres, Lausanne

La lutte contre la pauvreté et l’exclusion Le travail social en temps de crise Informations: www.sgsa-ssts.ch et contact:congres2010.hets@hesge.ch

Renseignements: Fondation Eben-Hézer - Tél. 021 654 63 17

SEMINAIRES D’INTRODUCTION A LA SOCIOCRATIE (G. Charest et G. Cimon)

La sociocratie est un mode de gouvernance qui réconcilie la liberté individuelle et le pouvoir de l’intelligence collective. Issue des théories systémiques, cette approche de la conduite d’un projet personnel et/ou d’une entreprise collective introduit de nouvelles règles de communication et de meilleurs interfaces entre des objectifs financiers, relationnels et commerciaux. Elle offre des outils novateurs pour des prises de décision concertées et une coopération effective entre les divers acteurs d’une organisation ou d’une entreprise. Appliquée à une stratégie de management participatif, la sociocratrie complète les organigrammes classiques par des cercles de concertation et différencie les espaces d’orientation, d’exécution et de mesure, ce qui favorise un réel partage du pouvoir. Les stages d’introduction à la sociocratie s’adressent à toutes les personnes intéressées. Ils comprennent 2 modules de 3 jours. Dates Module I : 18 –19 –20 novembre 2009 (me, je, ve) Module II :14 – 15 – 16 janvier 2010 (je, ve, sa) Prix CHF 1300.- pour les deux modules. Tarifs réduits CHF 950.- pour les professionnels des organisations membres de la Coraasp et CHF 400.- pour les bénéficiaires AI et leurs proches. Lieu Bex, centre d’accueil et de formation de la Pelouse, possibilité de bénéficier d’un hébergement sur place. Renseignements et inscriptions: Coraasp, Barbara Zbinden, coordinatrice, rue du Castel 7, 1920 Martigny - info@coraasp.ch

Je m’appelle Cédric

Je m’appelle René

J’habite à la Cité du Genévrier à Saint-Légier, j’ai 31 ans et je suis célibataire. J’aime beaucoup la musique, le cinéma, faire la fête, les spectacles et le sport. Je souhaiterais rencontrer une femme qui aurait les mêmes envies et un âge correspondant. Je souffre d’un handicap mental léger, je suis en partie autonome dans mes déplacements, mais j’ai besoin d’accompagnants dans ma vie quotidienne. Si vous êtes cette personne, écrivez-moi à l’adresse suivante:

Je suis bel homme en fauteuil roulant, 59 ans dynamique, toujours de bonne humeur, plein d’humour Je cherche une femme valide ou lègèrement handicapée 40 à 55 ans, coquine pour partager ensemble.

Cédric Frütchi, Groupe Akela, Cité du Genévrier, ch - 1806 Saint-Légier

Mon adresse e-mail: rene.codou@netplus.ch


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