PAGES ROMANDES - Spécial Vaud

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No 3 juin 2009

SpĂŠcial Vaud

Anciennes institutions, nouveaux partenariats


FESTIVAL ARTHEMO Demandez le programme!

Inscrivez-vous comme bénévole! Le nouveau calendrier ARTHEMO est également disponible… Il est illustré avec 24 dessins du concours «AFFICHE ARTHEMO 2009» et est valable de juillet 2009 à juin 2011 Fr. 10.-- la pièce Informations et commandes: ASA-Handicap Mental, +41 27 322 67 55 asa-handicap-mental@bluewin.ch www.arthemo.ch

Nouveau!

Participation et responsabilités sociales

Un nouveau paradigme pour l’inclusion des personnes avec une déficience intellectuelle V. Guerdan et al. (éds) : ISBN 978-3-03911-748-2 br. Viviane Guerdan / Geneviève Petitpierre /Jean-Paul Moulin / Marie-Claire Haelewyck (éds) L’objet de cet ouvrage, fruit du 10e congrès de l’Association internationale de recherche scientifique en faveur des personnes handicapées mentales (AIRHM), est centré sur un paradigme occupant actuellement une position centrale au sein de la communauté internationale: la participation. Erigé en modèle de société, devenant un objectif prioritaire des politiques publiques de certains pays, ce paradigme prend une ampleur grandissante. Dans un contexte où se dessinent l’inclusion et la «pleine participation» de tous, il est impératif de s’interroger aujourd’hui sur les retombées d’une telle évolution pour les personnes avec une déficience intellectuelle qui vivent des situations de handicap. Bon nombre de questions appellent à la réflexion. Des réponses pour demain sont à construire, fondées sur l’interdisciplinarité, l’analyse des pratiques existantes et l’exploitation des résultats de recherches. L’avenir est à définir, en partenariat, grâce à la participation de tous. Des voies nouvelles sont à investiguer, prenant appui sur ce qui, depuis quelques années, donne lieu en certains pays à des démarches riches d’enseignement. Des chercheurs, des praticiens, des personnes en situation de handicap, des familles, des décideurs politiques et économiques s’expriment à ce sujet. Peter Lang SA, éditions scientifiques internationales Moosstrasse, 1 BP 350 CH - 2542 Pieterlen Tél. +41 32 376 17 17 - info@peterlang.com


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy Conseil de Fondation Président : Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch Comité de rédaction Membres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Salamin, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule Zufferey Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud Parution: 5 numéros par an Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre Tirage minimal: 800 exemplaires Abonnement annuel Suisse AVS, étudiants Abonnement de soutien Etranger

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45.-38.-70.-35.--

Publicité et annonces - Tarifs 1 page Fr. 800.-1/2 page Fr. 500.-1/4 page Fr. 250.-1/8 page Fr. 125.-1/16 page Fr. 50.-Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions Les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites Délai d’insertion 2 semaines avant parution Compte bancaire Banque cantonale du Valais, 1951 Sion En faveur de K0845.81.47 Pages romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue Ire Armée F - 68800 Thann Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch Mise en page Marie-Paule Zufferey Impression Espace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12

Dossier: Anciennes institutions, nouveaux partenariats

2 Tribune libre Catherine Roulet

3 Editorial Danièle Wolf 4 De la charité à l’aide institutionnalisée Pierre Avvanzino

6 Fondation de Verdeil, 50 ans de raisons d’être Catherine Rollin 7 Des perspectives pour les institutions vaudoises Charles-Edouard Bagnoud 8 La RPT dans le canton de Vaud, état des lieux Françoise Jaques 9 Plans stratégiques cantonaux, le point de vue du GIRVA Philippe Cottet 10 Le service des besoins spéciaux de la petite enfance (BSPE) Nathalie Bluteau 12 Formation à la vie autonome Un service de Pro Infirmis Vaud Monique Richoz 14 Réseau vaudois en faveur du handicap mental et de l’autisme François Grasset 16 Commission d’éthique et de déontologie des institutions vaudoises Denis Müller

Crédits photographiques et illustrations Dominique Annen, fondation Eben-Hézer, Fotolia, Fondation de Verdeil, Pro Infirmis

18 Tribune des lecteurs - réaction Jean-Claude Hucher

Photos de couverture: La Maison Julie Hofmann, fondation Eben-Hézer, Dominique Annen

19 Pages romandes a 50 ans Marie-Paule Zufferey

N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source. ©Pages romandes

20 Vie affective et sexuelle des adultes en situation de déficience mentale Laëtitia Jacoby 22 Les rencontres de l’ASA Olivier Salamin et Marie-Paule Zufferey 23 Une date cruciale pour l’avenir de l’AI Florence Nater 24 Congrès, séminaires, formations


Tribune libre

La force des plus faibles

Un loi en faveur du respect de la personne en situation de handicap - LAIH Catherine Roulet, députée au Grand Conseil, Le Mont-sur-Lausanne, Vaud

Dans le préambule de notre constitution cantonale vaudoise il est précisé que pour favoriser l’épanouissement de chacun dans une société harmonieuse…, celle-ci mesure sa force au soin qu’elle prend des plus faibles de ses membres. Fort de cette généreuse introduction, le Canton avait proposé une loi sur les mesures d’aide et d’intégration pour personnes handicapées (LAIH), adoptée par notre Grand Conseil en février 2004 et entrée en vigueur en janvier 2006. Certes depuis 1991 une loi existait sur le financement des institutions et organismes pour personnes handicapées adultes (LH). Mais l’évolution du statut de la personne avec handicap et la nécessité de lui apporter des réponses diversifiées avaient rendu nécessaire l’élaboration d’un nouveau dispositif légal. Suite à l’entrée en vigueur de la LIPPI, loi fédérale destinée à promouvoir l’intégration des personnes invalides au début 2008, loi d’application légale conséquente à la mise en œuvre de la RPT pour le report des charges et des compétences de la Confédération sur les cantons dans le domaine de la prise en charge des personnes avec handicap, ainsi qu’à une prise de conscience générale sur

la vision du handicap, et enfin à cause de problèmes de négligence et de contention abusive dans quelques institutions, il s’est avéré indispensable de réviser cette loi. En introduisant principalement des articles sur la contention – son interdiction, ses exceptions – elle cherche à mettre en place un véritable mécanisme de résolution des conflits et cela même si de nombreuses institutions ont déjà des commissions internes de doléances. Ainsi début 2009, une commission parlementaire s’est attelée à réviser la loi sur les mesures d’aide et d’intégration pour personnes handicapées. Empreinte de sérénité, elle a réussi à dépasser les clivages habituels entre gauche et droite, pour s’immerger dans un monde plein de complexité et adapter la loi à l’évolution de la société. Les avancées de la loi La plus importante est certainement l’interdiction par principe de toutes mesures de contrainte. Celles-ci ne doivent être qu’exceptionnelles, si la santé et la sécurité de la personne concernée ou du personnel sont gravement mises en danger. Ces mesures sont définies et doivent alors être annoncées au Département concerné.

Utile pour les familles, la possibilité qu’a le Département de confier à un organisme la charge d’évaluer le besoin du placement en établissement socio-éducatif en fonction de la problématique du bénéficiaire. Chaque établissement ayant ses spécificités et chaque personne en situation de handicap les siennes, il est difficile pour les famille de choisir l’endroit de vie idéal. Cet alinéa permet ainsi un soutien bienvenu avec la collaboration des institutions et des association d’aide aux personnes avec handicap, même si cet organisme n’est pas le guichet unique tel qu’établi dans le canton de Genève, l’avancée est importante. Bureau de médiation et commission de plaintes Il a paru nécessaire d’étendre le bureau cantonal de médiation des patient-e-s aux usagers des établissements sanitaires et sociaux-éducatifs. Un médiateur professionnel est à l’écoute des doléances des parents ou tuteurs-trices. En cas d’échec de cette solution douce, le ou la requérant-e pourra se tourner vers une commission de plaintes pour les usagers. Des représentants des milieux concernés, nommés dans la commission, sont garants des décisions. Certes des bureaux

de médiation ou de dépôt de plaintes existent dans de nombreuses institutions, mais il a paru important à la Commission d’offrir le choix du lieu pour en discuter, l’idée étant de résoudre les litiges dans la transparence afin d’éviter que la presse ne s’en charge. Dignité des usagers Enfin, un article important pour la dignité des usagers. Pour être reconnues de l’Etat et avoir droit aux subventions, les institutions spécialisées et les ateliers protégés doivent préserver les droits de la personnalité de leurs résidents, notamment leur droit de disposer d’eux-mêmes, d’avoir une vie privée, d’entretenir des relations sociales en dehors de l’institution, d’être protégés contre les abus et les mauvais traitements et enfin d’autoriser leur droit de participation et celui de leurs proches. Cet article est repris de la LIPPI. En étant intégré dans la loi vaudoise, il a une valeur pédagogique et rappelle aux familles comme aux institutions et au personnel, les droits évidents des usagers. Cette loi a été acceptée à l’unanimité du Parlement cantonal. Il reste maintenant aux institutions et associations à maintenir la qualité de vie en institution.


L’invité Les politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap sont actuellement soumises à de multiples changements. Dans ce contexte, la réforme de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) constitue à la fois un défi majeur et une situation offrant de grandes opportunités. D’une part, le transfert de la gestion des prestations collectives destinées aux personnes adultes en situation de handicap aux cantons engendre une augmentation non négligeable des responsabilités pour l’administration cantonale vaudoise. De l’autre, cette réforme est une occasion importante pour promouvoir une politique davantage orientée vers les besoins de la personne en situation de handicap et de son entourage, et favorisant son autonomie et son intégration sociale et professionnelle. Le Canton de Vaud a choisi de mener ce processus dans un esprit de dialogue et d’échange constructif avec l’ensemble des partenaires concernés, notamment les institutions, les organismes, les associations et les bénéficiaires impliqués. En effet, parmi les objectifs principaux du Canton figurent la prise en compte des besoins exprimés par les bénéficiaires, la promotion et le développement d’alternatives au placement institutionnel, ainsi que la volonté d’offrir aux bénéficiaires le choix entre différentes prestations. Pierre-Yves Maillard

Conseiller d’Etat, chef du département de la santé et de l’action sociale (DSAS) du canton de Vaud

Edito

E-vaud-lutions Danièle Wolf, credas1

Le sommaire de ce numéro «Spécial Vaud» aurait parfaitement pu être composé d’une série d’articles consacrés à la présentation de développements et de projets novateurs menés ces dernières années au sein des fondations qui, historiquement, forment le socle du dispositif d’accompagnement cantonal. Pages romandes 3/09 aurait ainsi sans aucun doute témoigné de toute une série de nouvelles pratiques en cours dans de «vieilles» institutions. Le comité de rédaction a toutefois privilégié une perspective différente pour attester de la dynamique du secteur et mettre en évidence la diversité et la complémentarité des partenaires qui, dans le canton, concourent à l’élargissement du réseau de prestataires de services à l’intention des personnes ayant une déficience intellectuelle. Des collaborations, déjà bien ancrées dans les pratiques ou plus récentes, qui toutes s’inscrivent dans l’intention de soutenir la concrétisation au quotidien, de nouveaux principes prévalant dans l’accompagnement de la personne en situation de handicap… même si la Suisse, bien qu’adhérant à la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées adoptée par les Nations Unies en décembre 2006 et en vigueur depuis mars 2007, ne l’a toujours pas, ni signée et encore moins ratifiée. Mais notre secteur n’est pas à un défi, ni à un paradoxe près: le 9 avril dernier «24 heures» illustrait avec la

photographie d’une fillette atteinte du syndrome de Down un article consacré à la volonté du canton de Vaud d’intensifier l’intégration scolaire d’«enfants souffrant de troubles du comportement (hyperactivité, etc.) de troubles envahissants du développement (certaines formes d’autisme, de psychoses, par exemple), ou souffrant d’un handicap sensoriel»2; deux semaines plus tard, «Le Temps» titrait à la Une de son édition du 20 avril «Universitaire, futur prof et trisomique»3 et relatait le parcours de Pablo Pineda. Cet homme, atteint du syndrome de Down, vient d’achever avec succès ses études à l’Université de Malaga et se destine désormais à l’enseignement. Sa trajectoire est et restera atypique, et il est certain que tous les enfants trisomiques ne pourront jamais aspirer à une destinée analogue; il n’en reste pas moins qu’ils devraient pouvoir prétendre à davantage d’ouverture et de soutiens pour une scolarité intégrée et une meilleure participation sociale. Des tendances que nous sommes tous appelés à renforcer pour et avec l’ensemble des personnes en situation de handicap. credas (collectif de recherches, études et développements en adaptation scolaire et sociale), www. credas.ch 2 L’intégration, grand chantier de la pédagogie spécialisée. 24 heures. 9 avril 2009 3 Universitaire, futur prof et trisomique. Le Temps. 20 avril 2009 Les lecteurs intéressés trouveront des intervieuw de Pablo Pineda sur le web. 1


De la charité à l’aide institutionnalisée Quelques rappels historiques Pierre Avvanzino, professeur et historien, Epalinges

Pour comprendre les enjeux du présent, liés aux situations sociales aléatoires (marginalité, chômage, handicaps divers, vieillesse, maladie), il est utile et nécessaire de mobiliser la mémoire historique. Qu’est-ce une situation aléatoire, et à partir de quels critères s’apprécie-t-elle? Qu’est-ce qui distingue et que comportent à la fois de différent et de commun les anciennes situations de vulnérabilité et les diverses précarités d’aujourd’hui? Ces questions requièrent la mobilisation de différents paramètres. Tout d’abord, les grands faits historiques habituellement recensés, la production des idées sur ce que doit être l’individu et l’organisation sociale, mais également les conditions économiques et politiques d’une époque donnée, et bien entendu, le statut des pauvres et des assistés, et les moyens mis en œuvre pour leur venir en aide, pour «intervenir». (L’expression «Les pauvres et les assistés» est à comprendre ici au sens large: aveugles, sourdsmuets, handicapés divers, idiots, fous, enfants abandonnés ou vagabonds et parents sans aveux, délinquants, marginaux, etc.).

Charité et protection sociale Durant tout le Moyen-Age, le pauvre est considéré comme un frère du Christ. Comme lui, il n’a pas de toit pour s’abriter, il est dans le dénuement et a droit à la Charité. Les œuvres de miséricorde qui lui sont destinées sont de deux ordres. Les unes appartiennent à l’ordre temporel et consistent à visiter les malades et les prisonniers et à subvenir aux besoins de ceux qui sont dénués de tout. Les autres sont d’ordre spirituel et consistent à donner conseil à ceux qui en ont besoin. Corriger les pécheurs, instruire les ignorants, consoler les affligés. C’est avant tout les vertus de

charité, de foi et d’espérance qui servent à endiguer le flot des malheureux et des proscrits. C’est un devoir commun et non spécialisé, dont toute la société est responsable, le châtiment étant réservé avant tout aux impies et aux meurtriers. La tradition chrétienne met en évidence la récompense que le Christ, évoquant le Jugement dernier, promet à ceux qui auront donné. L’harmonie terrestre, donc divine, qui fait le riche pour qu’il donne, se trouve encore confortée par la promesse du salut. Plus encore, le nanti peut être porté à croire que c’est le don des choses, dont il se croit seul capable, qui ouvre les portes du Royaume. L’ordre de la richesse distribuée, même parcimonieusement, peut sembler recevoir caution céleste.

De la charité à la laïcisation de l’aide sociale au tournant du 15e siècle (Juan Luis Vivès comme exemple, réformateur social, 1492-1540) Alors que, dans leur grande majorité, les humanistes de l’époque évitaient toute prise de position dans le domaine temporel et ne quittaient jamais le terrain de l’érudition, Vivès est toujours descendu dans l’arène pour y mener ce qu’il estimait être de bons combats. Ses interventions se situent sur trois plans: politique, humanitaire et social. Dans l’ordre des urgences, Vivès recommande la laïcisation de la bienfaisance par le recensement des miséreux et par l’offre la plus large possible d’emplois, au lieu de l’aumône indistinctement prodiguée par des couvents ou par des riches. Les municipalités doivent organiser le travail, en assurant à tous une vie décente. Selon lui, il n’y aurait plus d’autres oisifs que les malades. Un fonds général de

secours devrait être constitué pour venir en aide à tous les nécessiteux.

Apparition d’un nouveau monde: le travail et la discipline (du 16e au 19e siècle) Un long processus de transformations socio-économiques, dans lequel le protestantisme a joué un rôle, a lentement rendu caducs les idées et les symboles traditionnels. Dans le travail, les protestants découvrent la forme première et essentielle de discipline sociale, la clé de l’ordre et le fondement de toute moralité. Mais il y a quelque chose de plus dans le travail que cette forme évidente de discipline: il constitue également l’activité par laquelle les croyants s’affirment. C’est par leur industrie, par leur diligence, qu’ils se distinguent de la tourbe anarchique des mondains; leur industrie révèle leur sainteté; elle la leur révèle à eux-mêmes, aussi bien qu’à leurs semblables. La théorie catholique traditionnelle des «bonnes œuvres» cède ici la place à une théorie protestante de l’ouvrage honnête. Ce modèle de relèvement de l’âme par le travail et la soumission va être appliqué vigoureusement à tous les enfants et les adultes «déviants».

Les placements en institutions spécialisées Le placement des enfants ou des adultes «handicapés» dans des institutions spéciales prend un nouvel essor dès le début du 19e siècle sous l’impulsion du mouvement philanthropique. Ce mouvement prône la gestion privée des problèmes sociaux, sans intervention de l’Etat. Interventions diverses, dûment informées par des approches conceptualisées, avec des premières enquêtes statistiques de type scientifique pour mesurer


les résultats obtenus (de Gérondo, le visiteur du pauvre). Pendant plus d’un siècle les pédagogies mises en œuvre vont peu évoluer et pratiquement rester identiques jusqu’à l’apparition de ce que l’on pourrait appeler «la pédagogie médico-sociale» (création des offices médicaux pédagogiques). L’enfant placé est pris dans une double réaction. Désir certes de protéger l’enfant, mais aussi désir de protéger la société. Solutions pédagogiques et solutions législatives s’inscrivent autour de ces deux pôles. Ce qui permet pendant plus d’un siècle de socialiser des garçons et des filles à une place bien précise pour laquelle ils vont êtres éduqués, soit le plus souvent le maintien dans leur classe sociale d’appartenance. L’accès à l’école, aux études, à la culture leur est le plus souvent interdit.

Modernité et traitement du handicap mental (dès 1970) Ce terme de «handicap mental» est relativement récent et recouvre essentiellement, à l’origine, l’ensemble des déficiences intellectuelles, il a été élargi par la suite à d’autres affections mentales générant des états déficitaires. Les personnes à handicap mental sont des humains à part entière. C’est l’entrée dans le champ de l’institution éducative de diverses lois universelles qui affirment «que tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits». C’est aussi le déploiement de lois fédérales et cantonales avec leurs divers règlements d’application, avec le contrôle d’instances étatiques et le pilotage de l’action sociale par la gestion des coûts. Mais aussi renforcement des directives institutionnelles, procédures diverses, démarches de qualité, cahiers des charges et évaluation des personnels. La mise au travail des personnes à handicap mental est d’une extrême importance. Les tâches confiées à ces personnes doivent être stimulantes et avoir du sens. Le travail au même titre que le plaisir est source de grandissement, d’épanouissement, de fierté. Les choix, les souhaits et les désirs des personnes placées sont pris en considération aussi précisément que possible. Dans la mesure où ils s’avèrent réalisables et respectueux des lois et de la morale, ils doivent être respectés et

figurer dans un projet individuel de la personne placée en institution. L’affectivité et la sexualité en tant que besoins et désirs sont estimées, a priori, aptes à êtres vécues. D’aucuns auront besoin pour ce faire de plus d’accompagnement que d’autres, mais qu’importe pour autant que soient respectés l’éthique, la législation générale en cours, voire les us et coutumes individuels et que soient protégées la morale et les valeurs de chacun. Les projets pédagogiques individuels sont la clef de voûte de l’action socio-pédagogique. Ils constituent un véritable contrat, c’est-à-dire un accord mutuel et explicite entre la personne à handicap et les différents intervenants (y compris, bien entendu, les parents). Ces contrats doivent définir les buts, les limites et les conditions des tâches qui vont être accomplies ensemble. Les objectifs fixés en commun devront être réalisables, concrets et mesurables, stimulants, fractionnables, avouables à autrui, reliés à un objectif plus vaste. Les projets pédagogiques des éducateurs sont à la fois la conséquence des bilans individuels des personnes accueillies et l’amorce des projets individuels futurs.

Notre chance pour demain; une mobilisation éthique Nous pourrions lire les contraintes sociales, politiques, financières et pédagogiques de la vie institutionnelle d’aujourd’hui tout à fait superposables aux recommandations de Juan Luis Vivès cité plus haut. Aujourd’hui cela s’appelle péréquation financière Confédération cantons, démarches de qualité et vérification de leur application pertinente, présence accrue des autorités de contrôle au sein même de l’institution, normalisation des pratiques, mais aussi approche laïque des pédagogies. Ces constats peuvent être jugés comme restrictifs, mais aussi comme une chance pour refaire un débat démocratique ouvert, une mobilisation éthique avec sa charge de projet. Ceci pour dégager des références communes qui puissent aider à faire vivre ensemble, sur un même territoire, des cultures institutionnelles et des aspirations identitaires diverses, pour en faire émerger des valeurs collectives.

Dans le canton de Vaud... L’histoire institutionnelle vaudoise s’inscrit dans celle, plus large, retracée ici par Pierre Avvanzzino, à travers, notamment, trois figures pédagogiques incontournables: Auguste Buchet, Renée Delafontaine et Julie Hofmann. Un homme, deux femmes, trois personnalités à l’origine de la création d’établissements pour personnes handicapées mentales, encore aujourd’hui bien ancrés dans le paysage institutionnel vaudois. Auguste Buchet (1845-1888) ouvre à Etoy, le 1er mai 1872, la toute première structure romande accueillant des enfants avec un handicap mental. Ce sont les débuts de l’Espérance. Un nom évocateur pour quelqu’un qui a conduit sa vie à la lumière des trois vertus théologales: la foi, l’espérance et la charité. Inscrit dans le mouvement compassionnel de l’époque, Auguste Buchet ira même jusqu’à refuser l’aide de l’Etat.1 Renée Delafontaine (19212006) ouvre en 1955, le premier externat pour personnes mentalement handicapées. Aujourd’hui, la Fondation qui porte son nom gère plusieurs structures en ville de Lausanne. «La démarche de Renée Delafontaine s’inscrit dans le développement du travail social de la 2e moitié du 20e siècle, dans la prise de conscience du sort des personnes handicapées au sein d’une société et d’une économie en forte évolution, dans la recherche de leur intégration sociale.»2 Julie Hofmann (1867-1960) crée, à l’âge de 32 ans, «un petit asile pour enfants incurables». Au fil des ans, la petite unité du début prend de l’importance, se diversifie et se professionnalise. C’est la genèse de la fondation Eben-Hézer3. La rédaction Un article est consacré à Auguste Buchet dans la revue Pages romandes, no 4, sept. 2007 2 Un hommage signé Christian Ogay est paru dans Pages romandes, no 3, juin 2006, à l’occasion du décès de Renée Delafontaine 3 Pour en savoir plus, lire l’ouvrage de Séverine Pilloud «Julie Hofmann, une vie de combats auprès des exclus», paru à l’occasion du 100e anniversaire de la fondation Eben-Hézer 1


Fondation de Verdeil

50 ans de raisons d’être (1958-2008) Pour la Commission relations publiques, Catherine Rollin-Guerbet

Le 27 mai 2009, la Fondation de Verdeil clôt son année jubilaire, riche de festivités et de portes ouvertes sur l’avenir. Une occasion de faire le point.

En 50 ans, un public en évolution, mais toujours la même mission Accueillir des enfants et adolescents dont les capacités d’apprentissage posent des problèmes concrets, que cela soit dû à des difficultés cognitives ou à des troubles du comportement ou de la personnalité, ce qui est de plus en plus souvent le cas. Les aider à s’épanouir, à faire fructifier leurs compétences et les accompagner sur le chemin de leur émancipation, en collaboration avec leurs parents. Contribuer à valoriser leur raison d’être et leur permettre de s’insérer en adultes responsables dans la société. En 50 ans: • d’une dizaine d’élèves à plus de 1000; • de quelques collaborateurs à plus de 300; • d’une seule classe à 16 structures (10 écoles, 2 foyers, 4 services, Service éducatif itinérant, Soutien pédagogique spécialisé, Unité pédago-thérapeutique itinérante et Unité d’accueil temporaire); • d’une seule localisation à 5 régions (Lausanne, Yverdon-les-Bains, Payerne, Vevey, Aigle).

Comment cela s’est-il produit? Les gouttes d’eau font les grandes rivières! 1958: quelques personnes se mobilisent et créent une classe-atelier accueillant des adolescents, à Lausanne. D’autres initiatives personnel-

les voient ensuite le jour, notamment dans des régions du canton éloignées des institutions, internats d’alors. Berthe de Rham, directrice de Pro Infirmis leur apporte une aide précieuse et la section vaudoise de l’Association suisse d’aide aux handicapés mentaux (ASA) est créée en 1959. Années 60 et 70: des classes s’ouvrent à Yverdon-les-Bains, Vevey, Payerne, Lausanne et Aigle, devenant bientôt des écoles à part entière. 1983: les écoles ASA se regroupent en une Fondation distincte de la section vaudoise ASA, la «Fondation des écoles ASA», avec des équipes décentralisées et une direction unique. 1993: la Fondation change de nom, dans un souci de non stigmatisation de ses élèves, et devient la «Fondation de Verdeil», du nom de la localisation de son siège social de l’époque.

Les moyens de ce développement? Des collaborateurs prêts à innover Cette évolution n’aurait pas été possible sans les acteurs précités (parents, Pro Infirmis, section vaudoise ASA), mais également sans l’apport des collaborateurs. Dès le départ, ceux-ci ont été ouverts à de nouvelles méthodes d’intervention: enseignement spécialisé et non plus uniquement éducation, travail en équipe pluridisciplinaire, orientation professionnelle dans les foyers et les classes Transition Ecole Métier (TEM).

De nouveaux modes de financement et la mise en place de transports pour les élèves Par ailleurs, nous n’aurions certainement pas connu cette évolution sans la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 instaurant un financement par l’AI, sans la création

d’instances cantonales tel le Service de l’enseignement spécialisé dès 1972 et sans la mise en place de transports gratuits pour les élèves, de leur domicile à l’école (et vice-versa), facilitant beaucoup leur accès à un enseignement adapté.

Intégrer, comment? Créée au départ par des parents qui militent pour des centres éducatifs en externat, à l’encontre de ce qui se faisait à l’époque, la Fondation de Verdeil cherche à poursuivre sur une voie médiane, entre différenciation et normalisation. Intégrer? Oui, dans la prise en compte et le respect des différences, afin que les jeunes puissent prendre confiance en eux et ainsi s’ouvrir au monde et devenir autonomes, autant que possible. Oui, en aidant les parents dans leur rôle parental et leur quotidien. C’est ce qui se vit au jour le jour dans nos structures. C’est dans ce sens que la Fondation a ouvert récemment une Unité d’accueil Temporaire (UAT), à Aigle, structure de relève parentale ouverte toute l’année pour enfants et adolescents polyhandicapés ou relevant de troubles envahissants du développement, et qu’elle inaugurera à la rentrée prochaine sa nouvelle école «e-TEM» de Lausanne. Alors, rendezvous dans 50 ans!


Institutions vaudoises

Perspectives d’avenir Charles-Edouard Bagnoud, directeur de l’Espérance, Etoy

Le canton de Vaud peut se targuer d’avoir été un canton pionnier en matière d’accueil de personnes en situation de handicap mental. Dans ce sens, en termes de structures institutionnelles, il bénéficie d’un équipement hautement performant. Cependant, avec le temps, certaines pratiques peuvent s’ancrer dans l’histoire, et parfois même dans la culture, par la force de l’habitude. Aussi, la démarche «RPT», avec ce qu’elle génère de réflexions et de perspectives nouvelles, favorise clairement l’émergence de nouveaux concepts et de nouveaux modes d’accompagnement.

Défis et projets A l’heure actuelle, trois projets de nature et de portée différentes, nous semblent particulièrement enclins à développer et à améliorer le dispositif global en faveur des personnes en situation de handicap.

Dispositif cantonal d’indication et de suivi (DCIS) Conformément à la Loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides (LIPPI), chaque canton devient désormais responsable de l’analyse des besoins et de la planification de l’offre du point de vue qualitatif et qualitatif. Afin de répondre à cette exigence, le canton de Vaud, à l’instar de beaucoup d’autres, prévoit ainsi la création du DCIS. Ce dernier, hormis le fait qu’il permettra l’évaluation et la mise en œuvre des ressources diversifiées nécessaires et ce, en fonction de l’évolution des besoins, sera surtout d’un grand secours pour les représentants

légaux, en recherche d’une place, notamment en hébergement, pour leur pupille. En effet, actuellement, trouver un lieu d’accueil s’apparente souvent, pour les familles, au parcours du combattant, avec des listes d’attente dont la gestion pour les institutions se révèlent particulièrement difficile puisque dépendante principalement des décès qui surviennent. Ainsi, le DCIS devrait permettre, entre autres, de gérer et de maîtriser le flux des places et l’articulation «offre-demande», en tenant compte des besoins futurs des personnes non accompagnées en institution, et, de prendre en compte les situations particulières, notamment les accueils d’urgences et ceux destinés à décharger momentanément les familles (unité d’accueil temporaire).

Alternatives au placement institutionnel, le projet RAHMMO1 Le canton de Vaud souhaite, à raison, promouvoir et développer des alternatives au placement institutionnel. Actuellement, la plupart des grandes fondations vaudoises ont déjà mis sur pied des structures de foyers intégrés ou d’appartements protégés. Certes, cette offre doit encore être développée. Cependant, pour certaines personnes, le maintien dans le milieu ordinaire peut également constituer, en termes de qualité de vie et d’épanouissement personnel, une solution intéressante. Dans cette optique, quelques institutions travaillent depuis quelques mois, sur le projet RAHMMO (Réseau accompagnement handicap mental en milieu ordinaire). Elles estiment, en effet, qu’avec leur expérience, au niveau des appartements protégés notamment, elles ont acquis un savoir-faire important

en ce domaine, intégrant également le fait qu’elles sont les spécialistes du handicap mental. D’autre part, elles ont l’avantage de bénéficier de ressources facilement mobilisables qui leur permettent des adaptations et des réactions rapides face à certaines situations (crises, placement en urgence, occupation professionnelle provisoire, …). Un premier projet a été remis par les institutions concernées à Monsieur le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard qui l’a transmis, pour étude, au dispositif chargé de la mise en place de la RPT.

Centre de recherches Le handicap mental souffre d’un déficit au niveau de la recherche. De plus, les études qui sont effectuées par les chercheurs académiques peinent à redescendre dans la «pratique» ou ont peu d’impact sur cette dernière. Se basant sur ce constat et conscient des besoins à ce niveau (pensons par exemple au vieillissement des personnes trisomiques, aux programmes relatifs à la sexualité, à la parentalité,…), les grandes institutions vaudoises actives dans le domaine du handicap mental (GIVAHM) réfléchissent à la création d’un centre de recherche. Afin de conserver et d’exploiter tous les acquis, elles le projettent, en s’inspirant du modèle québecquois, dépendant d’elles, donc relié au «terrain», avec des collaborations au niveau des Universités et des HES.

Réseau accompagnement handicap mental en milieu ordinaire 1


La RPT dans le canton de Vaud

Etat des lieux Françoise Jaques, cheffe du Service de prévoyance et d’aide sociales (SPAS) du canton de Vaud

Depuis le 1e janvier 2008, la gestion des prestations collectives destinées aux personnes majeures en situation de handicap est de la responsabilité exclusive du canton de Vaud. Cependant, nous vivons actuellement une phase transitoire qui va au moins durer jusqu’en 2011, étant donné que les plans stratégiques cantonaux exigés par la Loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides (LIPPI) devront vraisemblablement entrer en vigueur à cette échéance. Les travaux visant à réaliser le Plan stratégique vaudois en faveur de l’intégration des personnes adultes en situation de handicap (PSH2011) sont actuellement en cours, et devront se terminer à l’automne 2009. Ceci étant donné que les cantons latins ont décidé d’adresser conjointement au Conseil fédéral leurs plans stratégiques pour fin 2009. Concernant l’approbation des plans stratégiques cantonaux, le Conseil fédéral sera conseillé par une commission composée de représentant-e-s de la Confédération, des cantons, des institutions et des personnes en situation de handicap.

Une démarche partenariale Pour la réalisation du PSH2011, mais également pour les travaux techniques qui se prolongeront audelà, le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) du canton de Vaud a nommé en 2006 un comité de pilotage du projet RPT pour le domaine des adultes en situation de handicap. Ce comité a pour tâche de valider les résultats des travaux de plusieurs groupes de travail qui s’occupent de différentes thématiques, telles que les principes et les modalités de fi-

nancement, le développement et la gestion des infrastructures, l’analyse des prestations existantes et à développer, la formation du personnel dans les institutions, l’analyse des besoins et la planification de l’offre de prestations. A ces derniers, vient de s’ajouter un nouveau groupe de travail qui va prochainement réaliser une enquête, limitée à une région du canton, visant à développer et tester les outils, ainsi qu’à déterminer le périmètre et les modalités de fonctionnement du Dispositif cantonal d’indications et de suivi (DCIS) que le canton souhaite adopter. L’ensemble des ces instances – comité de pilotage et groupes de travail – sont composées de représentante-s du canton, des établissements socio-éducatifs (homes et ateliers), des organismes et des associations de défense des intérêts des personnes en situation de handicap. La démarche adoptée est donc partenariale et ouverte à l’ensemble des acteurs publics et privés impliqués dans la politique cantonale dans le domaine du handicap. Les travaux sont coordonnés par le Service de prévoyance et d’aides sociales (SPAS) du canton de Vaud, qui est responsable de la gestion des prestations collectives pour personnes adultes en situation de handicap.

Les axes prioritaires pour une réorientation de la politique en faveur des personnes handicapées Pour le SPAS, le projet RPT actuellement en cours est l’occasion pour promouvoir une nouvelle politique en faveur des personnes adultes en situation de handicap qui se base sur plusieurs axes prioritaires. • Tout d’abord, la promotion du respect des droits et des aspirations

de la personne handicapée, ainsi que son autonomie. Pour cela, il est important d’adapter et de valoriser le réseau institutionnel, ainsi que de promouvoir des conceptions de prise en charge et d’accompagnement favorisant l’autonomie. • Deuxièmement, la diversification et la personnalisation de l’offre de prestations. Une attention particulière est portée à l’élimination des barrières administratives qui empêchent le développement des solutions adaptées aux besoins individuels. • Troisièmement, la promotion et le développement d’alternatives au placement institutionnel. Afin de favoriser cet axe, il sera central de développer les structures intermédiaires que sont l’accueil temporaire, les courts séjours et les appartements protégés. • Quatrièmement, l’amélioration de l’orientation des bénéficiaires vers les prestations adéquates à leurs besoins et le suivi de l’adéquation des prestations. Cet objectif pourra être atteint grâce à la mise en place du DCIS. • Enfin, garantir l’accès à la formation et favoriser le perfectionnement professionnel du personnel. Les axes du projet RPT sont donc multiples et ambitieux. La réorientation de la politique existante nécessitera quelques années pour déployer tous ses effets sur le quotidien des personnes en situation de handicap et de leur entourage. Toutefois, il est important de saisir l’opportunité offerte par la RPT pour concrétiser au plan cantonal une politique qui permet de promouvoir efficacement l’intégration et l’autonomie des personnes en situation de handicap.


Mise en place des plans stratégiques cantonaux

Le point de vue du Groupe d’Intérêts RPT-Vaud, handicap Adultes (GIRVA) Philippe Cottet, président GIRVA

Dès la votation sur la RPT acceptée par le peuple en novembre 2004, les institutions en charge de personnes handicapées se sont fédérées sous le nom du GIRVA (Groupement d’Intérêts RPT Vaud handicap Adultes). Pour mémoire ce regroupement de forces comprend aussi bien les homes et foyers résidentiels (regroupés au sein de l’AVOP) que les ateliers dits à vocation occupationnelle ou industrielle (membres pour certains que d’INSOS-FAH, alors que d’autres institutions sont affiliées aux deux associations). Le GIRVA est reconnu comme partenaire du canton pour l’élaboration du plan stratégique cantonal vaudois et des textes législatifs découlant de la loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides conformément à l’art. 10, al. 2 de la LIPPI, A ce titre, il a défini en juin 2005 déjà des principes directeurs qu’il entend promouvoir dans la démarche liée à l’introduction de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT). Il lui apparaît donc nécessaire, dans une optique de continuité, de se poser en force avec sa vision et propositions par rapport au plan stratégique cantonal qui doit être élaboré par les services concernés du canton de Vaud. Par cette action et à travers le modèle qu’il suggère, le GIRVA souhaite donner sa vision et apporter ainsi sa contribution à la réflexion sur cet élément central qu’est le plan stratégique.

En étroite collaboration avec les autorités cantonales C’est la raison pour laquelle les membres du GIRVA ont tout de suite

collaboré avec la Commission cantonale, présidée par Madame Françoise Jaques, dans les différents groupes de travail que celle-ci a mis sur pied. A ce jour, la démarche est toujours en cours dans les 6 groupes de travail chapeautés par un COPIL (comité de pilotage). Ces groupes de travail sont les suivants: planification, finances, infrastructures, bases légales, prestations et formation. Conformément à la loi, les groupes de travail, y compris le COPIL, sont constitués de représentants des institutions et des associations, et pour certains groupes de représentants de syndicats; chaque groupe étant présidé par un-e fonctionnaire du Département (sauf pour la formation). Le temps consacré par chacun des membres de nos institutions est important. Le GIRVA informe de manière détaillée tous ses membres lors de réunions impliquant tous les directeurs des institutions.

Phase transitoire Arrêtons-nous, si vous le voulez bien, à la phase transitoire qui a commencé au 1er janvier 2008 et qui devrait se terminer au 31 décembre 2010 (pour autant que les plans stratégiques cantonaux aient été acceptés par une commission désignée par le Conseil fédéral). A mi-parcours de la phase transitoire les institutions vaudoises sont satisfaites des directives mises en place durant cette période. Un dialogue constructif est établi de manière plus approfondie pour certaines institutions, qui au préalable ne dépendaient que peu du canton, alors que pour les autres ce dialogue s’est amélioré. Concernant la mise en place du plan stratégique vaudois, les institutions ont pris note avec satisfaction que les cantons latins veulent élaborer un projet commun – ce que prévoit d’ailleurs la LIPPI - tout en s’adaptant

aux dispositions cantonales. Il en va surtout de la planification et des standards de qualité qui seront identiques pour tous les cantons latins. Ceci signifie que les personnes handicapées n’auront pas à faire du «tourisme» pour s’assurer des meilleures prestations. Par contre, nous aimerions souligner que les institutions désirent des règles qui soient simples, souples et transparentes. Ne mettons pas en place des systèmes type «usine à gaz» et essayons de reprendre un maximum de règlements OFAS, ceux-ci ayant fait leurs preuves depuis les années 60. Disséquons-les, prenons-en le positif et modifions ce qui mérite de l’être.

Vers de nouvelles politiques? Durant les démarches avec le canton, nous avons souvent évoqué l’idée de créer une nouvelle politique pour la prise en charge des personnes en situation de handicap (alternatives à l’institution par exemple, budget d’assistance). Je rappelle que la LIPPI définit un périmètre clair qui s’arrête aux «personnes bénéficiant de prestations de l’Assurance Invalidité». On peut dès lors fort bien imaginer de traiter dans le plan stratégique cantonal les personnes dépendantes, les personnes à grandes difficultés sociales, mais il faudra ensuite chiffrer les dépenses supplémentaires à prendre en charge pour ces personnes, ce qui n’était de fait pas prévu dans la LIPPI. En termes de conclusion, j’aimerais relever la collaboration placée sous le signe du respect entre les interlocuteurs et la prise en compte constructive de nos remarques par les autorités. Groupe d’Intérêts RPT-Vaud, Institutions pour adultes en situation de handicap (GIRVA) philippe.cottet@polyval.ch


Il y a 30 ans, un service unique en Suisse romande était créé Pro Infirmis Vaud et le CHUV, un partenariat novateur au service des familles Nathalie Bluteau, cheffe de service Besoins spéciaux de la petite enfance (BSPE), Pro Infirmis Vaud

Dès 1978, à la demande du médecin responsable de l’Unité de Néonatologie du CHUV à Lausanne (alors appelé Pavillon des Prématurés), Pro Infirmis Vaud a eu la volonté d’offrir un conseil spécialisé précoce aux parents dont le jeune enfant présente une grave atteinte à la santé. Rappelons qu’à la fin des années 70, le paysage médicosocial vaudois était à peine esquissé, la néonatologie était une science médicale nouvelle et on ignorait le devenir à long terme des enfants prématurés, les ressources à disposition des enfants dits «handicapés» et de leurs parents étaient souvent inconnues voire inexistantes. Au choc de l’annonce d’un diagnostic s’ajoutaient l’isolement des familles, la culpabilité de demander de l’aide, la méconnaissance des prestations d’assurances, les projets de vie fondamentalement remis en question du jour au lendemain… Pro Infirmis Vaud a mis les compétences de ses collaborateurs au service des parents qui apprenaient que leur bébé ne grandirait pas comme les autres. En 30 ans, nous avons rencontré régulièrement plus de 2100 enfants, en essayant de leur offrir un soutien personnalisé en lien avec la situation particulière de chacun. Pour l’année 2008, plus de 6000 heures de consultation sociale ont été consacrées aux enfants âgés de moins de 7 ans et à leurs familles. BSPE, vous avez dit Besoins spéciaux de la petite enfance? A l’origine, le service d’aide précoce de Pro Infirmis Vaud s’appelait «Antenne de Pro Infirmis déléguée au CHUV». Nous nous sommes aperçus que le terme même de Pro Infirmis stigmatisait d’emblée l’avenir du bébé que nous allions rencontrer. Face à un nourrisson de quelques jours, quel que soit le diagnostic posé, les parents ont un besoin légitime de garder un certain espoir, celui-ci étant nécessaire pour affronter le processus de deuil fort douloureux qui s’amorce. Le service Besoins spéciaux de la Petite Enfance ou BSPE est désormais connu sous cette abréviation. Nos connaissances pointues concernent des thèmes tels que l’arrêt de travail d’un parent et les conséquences financières que cela implique, l’organisation de la prise en charge de l’enfant, le recours possible à des aides à domicile telles qu’une aide au ménage et son financement, la relève de l’entourage ou encore le lien entre famille et professionnels. Dans le cadre des informations que nous transmettons aux parents, notre expertise permet aux familles d’actionner des prestations en assurances socia-

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les en lien avec les conséquences directes de la situation de handicap de l’enfant (allocation d’impotence, Allocation pour mineur handicapé à domicile ou AMINH par exemple). Citons à ce propos le docteur Pierre-Yves Jeannet, médecin associé au CHUV dans l’unité de Neuropédiatrie «L’évaluation et la prise en charge des enfants en bas âge présentant des troubles neurologiques ou un retard de développement est souvent complexe non seulement du point de vue médical, mais également du point de vue social et familial. Dans ce sens, les services fournis par les BSPE sont d’une très grande utilité pour l’équipe de neuropédiatrie. Nous référerons certaines familles aux BSPE pour une aide administrative ou «assécurologique», tout en sachant qu’elles obtiendront bien plus en étant en contact avec ce service. Les collaboratrices des BSPE permettent par exemple très souvent aux familles de mieux comprendre la problématique de leur enfant, en faisant le lien avec l’équipe médicale. Ceci facilite le plus souvent la prise en charge et l’acceptation de la situation par les familles». D’une approche individuelle des familles à une dimension de politique sociale A travers un partage des préoccupations des parents rencontrés jour après jour, nous nous interrogeons sur les lacunes en matière des ressources à leur disposition dans la prise en charge de leur enfant. Notre responsabilité est de relayer aux autorités compétences les questions et les problèmes redondants auxquels ils sont confrontés. Nous avons ainsi contribué à la mise en place d’un certain nombre de prestations qui nous semblent aujourd’hui incontournables: participation à la création de la Commission d’intégration précoce dans les crèches-garderies du canton, création du Pivert, Unité d’accueil temporaire pour les très jeunes enfants, création de l’AMINH, prestation financière qui compense la perte de salaire d’un parent renonçant partiellement ou totalement à son activité lucrative, organisation d’une journée d’étude pour les professionnels sur le thème de l’annonce du handicap, création d’un outil d’évaluation des besoins de répit de la famille en lien avec la situation de handicap de l’enfant (outil basé sur le PPH/processus de production du handicap et les actes de vie quotidienne selon l’âge de l’enfant). Il est indéniable que ces prestations contribuent quelque peu à soulager les familles confrontées à une annonce de handicap. Elles se trouvent en effet du jour au lendemain face à un bouleversement total de leur vie. Et pendant ces premières années, nous professionnels, remettons aux


Après 30 ans, qu’est-ce qui a changé? Face aux progrès de la médecine, on aurait pu formuler l’hypothèse que la prévalence des handicaps deviendrait moindre, il n’en est rien. BSPE rencontre chaque année en moyenne 115 nouveaux enfants. Et si le diagnostic de trisomie 21 a diminué dans nos statistiques, nous rencontrons une forte proportion d’enfants ayant des Troubles Envahissants du Développement (TED), un retard de développement (donc sans réel diagnostic) ou une maladie orpheline. Et même si cela reste mineur, nous sommes interpellés par le nombre d’enfants polyhandicapés, très grandement dépendants et bénéficiant de soins médico-infirmiers à domicile. Sans parler de ce que cela signifie pour la famille, les parents devenant à la fois thérapeutes, infirmiers, enseignants et éducateurs, nous sommes confrontés à des situations exceptionnelles dans leur gestion et leur coordination. Enfin, l’intégration à l’école ordinaire des enfants en situation de handicap est un paradigme qui occupe passablement les professionnels. BSPE salue la volonté du canton de Vaud dans cette nouvelle orientation, en sachant qu’une fois encore, nous devons travailler en partenariat tout en cultivant le respect que nous avons les uns vis-à-vis des autres et en continuant à croire au potentiel des enfants et des parents. Il est indiscutable que la société a modifié son regard et adapté ses prestations pour les familles concernées. Mais ces évolutions ont aussi leur paradoxe! Les nombreux progrès de la médecine, par exemple pour le diagnostic prénatal, font penser que «le handicap, cela n’existe plus». L’accès à l’information au moyen des nouvelles technologies ne nous donne plus l’exclusivité du savoir, nous voilà obligés de le partager! Le catalogue des prestations à disposition des parents conduit également à une situation quelquefois perverse: plus il y a de besoins, plus les professionnels actionnent les dispositifs susceptibles d’aider les familles. Est-ce que nous ne les rendons pas davantage dépendantes de tout

Logo BSPE

parents une boîte remplie de pièces d’un puzzle gigantesque. Ce puzzle sera construit au fur et à mesure du développement et des besoins de leur enfant et notre rôle est bien d’être à leurs côtés afin d’expliquer la place et l’objectif de chaque pièce, tout en les mettant en lien les unes avec les autres. Le défi auquel nous devons faire face est de ne pas vouloir maîtriser la construction du puzzle, mais bien d’accompagner la famille dans son chemin à elle, selon le rythme auquel elle peut assembler les pièces qui lui conviennent et qui ont un sens pour elle.

ce réseau en les dépossédant alors de leur rôle essentiel de parents? L’opportunité de la nomination d’un leader, d’un référent ou d’un Case Manager prend ici toute sa dimension tant les questions et les enjeux soulevés restent complexes. Pour la famille, il est essentiel d’avoir un membre du réseau auquel ils peuvent se référer. Pour les professionnels, ce référent est indispensable puisqu’il centralise toutes les informations et qu’il dispose alors d’une certaine légitimité pour que les parents soient remis au centre des préoccupations de chacun. Un bilan positif de part et d’autre Pro Infirmis et le CHUV ont réellement été novateurs en créant BSPE; à ce jour, ce service reste unique en Suisse romande. A lui seul, le service BSPE connaît le 40% des enfants de moins de 7 ans suivis en Suisse par Pro Infirmis. Les résultats d’une étude menée en 2000 par l’Université de Fribourg ont démontré un taux de satisfaction proche de 80% quant à la qualité de nos prestations. Plus de 1000 familles avaient alors été interrogées, environ 30% d’entre elles avaient répondu en insistant sur la nécessité d’avoir eu à leur disposition un service de conseils précoces et personnalisés. (Evaluation du Service BSPE. Evaluation de l’efficacité de l’aide reçue. Université de Fribourg, Mémoires de licence en Pédagogie curative sous la direction de Monsieur Romain Lanners, 2001). Les contacts que nous avons avec les nombreux acteurs de la prise en charge précoce sont étroits, efficients et reconnaissent BSPE comme un partenaire incontournable dans l’accompagnement des familles. Parce que leur vie a changé brusquement, les parents qui nous ouvrent les portes de leur quotidien nous ont appris la patience, le respect, l’opiniâtreté et à nous réjouir avec eux du sourire de leur enfant. Les moments de deuil que nous partageons parfois avec eux, nous les «oublions» bien vite parce qu’eux, les parents, ont une force et une foi insoupçonnées et nous recevons là de grandes leçons de vie.

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Formation à la vie autonome

Un service de Pro Infirmis Vaud Monique Richoz, directrice Pro Infirmis Vaud, Lausanne

«Pro Infirmis vise à l’indépendance et à l’autonomie des personnes en situation de handicap et à leur participation active à la vie sociale. Elle veille à ce que ces personnes ne soient pas défavorisées» (art. 2, al. 1 des statuts de Pro Infirmis). Le Service de formation à la vie autonome (SFVA) présenté ci-après par Monique Richoz est l’une des prestations de Pro Infirmis visant à la réalisation de cet objectif.

Pro Infirmis Vaud Direction cantonale Rue du Gd-Pont 2 bis Case postale 7137 CH - 1002 Lausanne Tél. +41 21 321 34 34 vaud@proinfirmis.ch

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Le Service de formation à la vie autonome, de Pro Infirmis Vaud, s’inscrit dans la ligne de la prestation «école d’autonomie» de Pro Infirmis Suisse.

Des références: formation des adultes et normalisation Nées du constat, dans les années 80, de la double nécessité de développer la formation des adultes ayant une déficience intellectuelle et d’inscrire ces prestations dans une perspective de normalisation, les écoles d’autonomie se sont ancrées initialement dans la région zurichoise. La formation des adultes a pris son essor non seulement avec l’école d’autonomie mais également avec les clubs de formation continue, connue, dans le canton de Vaud, sous le nom de FCPA (Formation continue pour adultes) et gérée par Solidarité Handicap mental. Les études d’alors convergent, en effet, sur une nouvelle donne: les personnes ayant une déficience intellectuelle continuent à apprendre, dans un contexte approprié, à l’âge adulte: «… l’enseignement spécialisé a longtemps été considéré comme une forme de pédagogie pour les enfants handicapés. Ce n’est que depuis quelques années que la prise en charge et la formation continue des adultes mentalement handicapés sont l’objet d’une plus grande attention. Dans les domaines de la pédagogie et de l’éducation des personnes "mentalement handicapées", l’on assiste à un bouleversement des systèmes de références théoriques. L’on s’éloigne de plus en plus de la vision traditionnelle axée sur les déficits. Aujourd’hui, l’on est convaincu que le développement d’un être humain est influencé de manière décisive par son histoire personnelle et ses conditions de vie…»1. Le concept de normalisation fait alors référence dans le cadre de la mise en place de ces prestations. «… ce principe met l’accent sur les intérêts de la personne handicapée. Il ne s’agit pas de rendre les personnes handicapées "normales" mais, dans la

mesure du possible, de rendre accessible l’infrastructure existante…»2. L’idée fait son chemin que le lieu de vie peut être un appartement non protégé. Mais une formation ad hoc doit être proposée, permettant, à terme, une vie indépendante à domicile, intégrant les apprentissages nécessaires et également la prise progressive de responsabilités.

Des outils pédagogiques adaptés Les «écoles d’autonomie» vont s’ouvrir en réponse à ce besoin de formation et constituent de petites communautés vivant en appartement. Pro Infirmis Vaud ouvre son Service de formation à la vie autonome (SFVA) en janvier 2000. L’appellation service a été préférée à école ou centre, car les initiateurs souhaitaient clairement orienter la prestation dans une perspective de milieu ouvert et de vie à domicile. Par ailleurs, il apparaissait quelque peu prétentieux de décréter que le choix de vivre dans son propre logement devait supposer, pour cette population, le passage dans une école. Le SFVA s’adresse à de jeunes adultes ayant des déficiences intellectuelles moyennes à légères, qu’ils maîtrisent ou non la lecture et l’écriture. Ils peuvent être au bénéfice d’une allocation d’impotence de l’AI. Les outils pédagogiques utilisés doivent tenir compte de l’hétérogénéité du groupe et de parcours individualisés. A cette complexité s’ajoutent les exigences en matière de formation d’adultes. Le projet ne peut démarrer sans la vérification d’une solide motivation de la personne et de l’adhésion de son représentant légal. Un stage de découverte, d’un à deux jours, permet au candidat de prendre connaissance de la structure et de confronter ses attentes. S’il maintient son intérêt, un stage d’un mois est organisé, avec une intégration partielle dans le programme de formation. C’est sur cette base qu’un projet de formation peut être élaboré. Il s’écoule un certain temps entre


Une formation au SFVA a-t-elle des effets durables? Ces dix dernières années, c’est probablement la question la plus fréquente qui nous a été posée avec, en filigrane, l’interpellation quant aux espoirs que nous aurions fait naître et qui pourraient être déçus. Notre bilan montre que sur les 22 personnes ayant terminé la formation ou

Apprentissage au SFVA - Photo Pro Infirmis

les différentes étapes, en fonction des contraintes temporelles et de la limitation de la capacité d’accueil d’une part, et, d’autre part, en fonction du rythme nécessaire pour l’élaboration de ce projet chez le candidat et la conclusion d’un contrat. La formation est dispensée l’après-midi dans un lieu de vie, où chaque personne en formation dispose d’une chambre individuelle. L’activité occupationnelle, le plus souvent en atelier protégé, est poursuivie le matin. En soirée, des thèmes liés à la communauté d’habitat et au voisinage peuvent être abordés. La durée de la formation est de trois ans et inclut, depuis 2007, une phase de transition. Cette étape a été mise en place par les formateurs, après qu’ils eurent constaté, au terme de quelques années d’expérience, qu’il fallait davantage de progressivité dans la prise d’indépendance. L’enseignement est à la fois théorique et pratique, individualisé ou en groupe. Sans être exhaustifs, signalons que les thèmes abordés recouvrent autant l’hygiène, les soins corporels, l’entretien d’un ménage, les déplacements, l’habillement, l’alimentation, la prise de médicaments, la gestion des contacts sociaux et administratifs, la gestion du temps libre, des relations affectives et de la sexualité. Les formateurs recourent à des tiers, spécialisés dans un domaine particulier, pour compléter les ressources à disposition. Des objectifs individualisés sont fixés, avec des évaluations périodiques et le cas échéant, des adaptations du programme. Le passage de la formation de base à l’étape de transition représente une étape-clé, car elle débouche sur la vérification des apprentissages par l’observation et le suivi dans la vie quotidienne, la concrétisation du projet individuel de choix de lieu de vie, l’évaluation finale avec la transmission des informations pertinentes aux services offrant un relais ainsi qu’au représentant légal. L’emménagement dans l’appartement se fait avec le soutien du SFVA. Le Service d’accompagnement à domicile de Pro Infirmis prend ce relais, avec la mission de soutenir la personne dans son projet de vie à domicile, en collaboration avec le Service de conseil social de Pro Infirmis, également impliqué.

la suivant encore, 3 d’entre elles ont dû l’interrompre et rejoindre une institution de type résidentiel. Toutes les autres ayant terminé la formation vivent de manière indépendante à domicile. Pour la plupart, le service d’accompagnement reste indispensable et permet d’offrir le soutien en cas de difficultés passagères. Cependant, même si le travail occupationnel reste un espace important où les contacts sociaux peuvent se créer, le problème le plus fréquemment relevé, dans le cadre de l’accompagnement à domicile, est celui de la difficulté d’établir de nouveaux liens sociaux. Globalement, nous pouvons avancer que les résultats confirment l’utilité du modèle, même s’ils n’excluent pas, à un moment donné de l’existence, en raison de l’âge, que le choix se porte alors sur un lieu de vie en institution.

Un modèle susceptible de développement? Pro Infirmis Vaud prône la diversité des prestations délivrées et la possibilité de choisir pour la personne handicapée. Avec la réorganisation de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), il est pertinent d’attendre, de la part des cantons, le développement de prestations novatrices offrant un cadre souple et évolutif, en réponse aux aspirations des personnes handicapées. Comme le relève Adriano Previtali3: «… la réorganisation de la répartition des tâches investit les cantons de nouvelles compétences en matière de politique en faveur des personnes handicapées. Il s’agit d’une occasion unique de renforcer l’autonomie de ces dernières et le respect de leurs droits…». Les écoles d’autonomie entendent renforcer les choix possibles, et postulent que les trajectoires peuvent être modifiées, si la personne handicapée en a le souhait. Des perspectives auxquelles devraient se rallier les collectivités publiques. Hartmann-Kreis Stefan, «Se confronter à une autre réalité» In Forum, revue spécialisée, Pro Infirmis, 2/1996 2 Bernath Karin, «Des projets sur la sellette», In Forum, revue spécialisée, Pro Infirmis, 2/1996 3 Previtali Adriano, «La RPT et l’amélioration des droits des personnes handicapées», Plaidoyer, 3/2006 1

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A propos du réseau vaudois en faveur du handicap mental et de l’autisme (DCPHM)1 Dr François Grasset, prof. titulaire (FSSP UNIL), médecin-chef du DCPHM (PCO, DP CHUV)

Dans le contexte vaudois, la problématique du handicap mental en général et celle de l’autisme en particulier ont induit le développement d’un réseau opérationnel très complexe dont l’évocation exhaustive dépasserait de beaucoup les limites de cet article. Par conséquent, s’agissant du handicap mental et de l’autisme à l’âge adulte, nous focaliserons l’attention sur une portion du réseau qui a considérablement évolué au cours des dernières années, en impliquant non seulement des acteurs des milieux associatifs, socio-éducatifs et psychiatriques, mais aussi des acteurs du milieu politique et administratif.

Rappel historique Autrefois, l’encadrement institutionnel du handicap mental était partagé par les établissements socio-éducatifs et les divisions spécialisées de l’hôpital psychiatrique où les personnes affectées d’un handicap relativement grave trouvaient un lieu de vie durable. Dans la seconde moitié du 20e siècle, les changements socioculturels découlant de la Déclaration universelle des droits de l’homme ont favorisé l’activité et le développement des associations qui œuvrent pour la défense des droits des personnes handicapées mentales et l’obtention de moyens pour satisfaire leurs besoins. Par ailleurs, visant à réduire les méfaits de l’institutionnalisme hospitalier, mais fortement accélérée pour des raisons économiques, l’évolution de la psychiatrie a restreint la mission de l’hôpital au traitement intensif à court terme des épisodes psychopathologiques aigus. Il en résulta un processus de «déshospitalisation» de malades affectés de troubles chroniques. Dans le canton de Vaud, entre 1980

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et 1985, cette restriction a provoqué la disparition des divisions hospitalières spécialisées dans le domaine du handicap mental. Depuis, quelle que soit la gravité des troubles de la communication et du comportement, le lieu de vie institutionnel des personnes handicapées mentales est exclusivement attribué aux établissements socio-éducatifs. En cas de besoin, les personnes handicapées mentales sont hospitalisées dans les unités de psychiatrie générale où les critères d’admission et de durée des hospitalisations se sont avérés trop restrictifs. Dans ces conditions, le manque d’équipement approprié et l’absence de personnel socio-éducatif limite considérablement les possibilités de traitement hospitalier des patients présentant un double diagnostic d’affection psychiatrique et de retard mental. D’un autre côté, au cours des années 1990 à 2000, dans les établissements socio-éducatifs, les mesures d’économie ont également imposé des restrictions en diminuant le taux d’encadrement, ce qui accentua le recours aux mesures de contrainte pour surmonter les troubles majeurs du comportement.

Evolution de l’action du réseau en faveur du handicap mental et de l’autisme à l’âge adulte Cette portion du réseau implique principalement quatre catégories d’agents: les diverses associations de parents, d’amis et de professionnels concernées; les autorités cantonales du Département de la santé et de l’action sociale; les institutions socioéducatives spécialisées dans le domaine du handicap mental et les institutions de la psychiatrie publique. Depuis de nombreuses années, mis à part le soutien qu’elles apportent aux familles de personnes handicapées mentales, INSIEME Vaud (association de parents de personnes handi-

capées mentales), SHM (SolidaritéHandicap Mental) et ASr (Autisme Suisse romande) conjuguent leurs efforts pour intervenir en milieu socio-éducatif, que ce soit en proposant des compléments occasionnels aux mesures socio-éducatives habituelles ou, surtout, en organisant des programmes de formation, notamment dans le domaine de l’autisme. A partir de 2002, sous l’effet de revendications réitérées des institutions socio-éducatives et des associations concernées, le Département de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (DP CHUV) a commencé à mettre en œuvre un dispositif de psychiatrie de liaison spécialisé dans la collaboration avec le milieu socio-éducatif du handicap mental (DCPHM). Doté d’une équipe pluridisciplinaire mobile, ce dispositif est destiné, d’une part, à favoriser des alternatives à l’hospitalisation par des interventions en milieu socio-éducatif ou familial et, d’autre part, à améliorer les possibilités de traitement hospitalier lorsqu’une admission dans un service de psychiatrie générale ne peut être évitée. De plus, les associations concernées militent depuis longtemps pour obtenir l’abolition des mesures de contrainte en milieu socio-éducatif, afin d’éviter le risque de maltraitance qui en découle. Produite par cette démarche, une pétition populaire a incité les autorités cantonales à promulguer un règlement imposant cet objectif. Entré en vigueur le 1er janvier 2006, par principe, ce règlement interdit toute mesure de contrainte à l’égard de personnes handicapées mentales. Toutefois, le respect de ce principe pose des problèmes difficiles à résoudre si un épisode critique provoque des réactions violentes. En de telles circonstances, si des mesures moins restrictives de la liberté de mouvement ont échoué, une mesure


Situation actuelle et perspectives d’avenir L’abolition progressive des mesures de contrainte dans les établissements socio-éducatifs et en milieu hospitalier pose des problèmes qui ont considérablement activé la collaboration interdisciplinaire et la concertation entre les établissements socio-éducatifs spécialisés, les autorités cantonales du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), les milieux associatifs concernés (SHM, ASr et INSIEME) et la psychiatrie publique (DCPHM). En effet ces divers acteurs sont représentés dans le cadre du Comité de révision de l’application du règlement (CoREV), ce qui leur donne régulièrement l’occasion de confronter leurs points de vue et de partager leurs opinions pour définir les conditions et les limites d’une mesure de contrainte exceptionnelle dans un cas particulier. Dans ce contexte, sous l’impulsion du conseiller d’Etat P.-Y. Maillard, chef du DSAS, la Direction générale du CHUV a attribué des moyens au Service de psychiatrie communautaire (PCO) du DP CHUV pour développer le DCPHM, non seulement sur le plan clinique mais aussi sur le plan de la recherche scientifique et de l’enseignement. De plus, le Service de prévoyance et d’aides sociales (SPAS du DSAS) a contribué à cette attribution en renforçant le pôle socio-éducatif de l’équipe pluridisciplinaire de psychiatrie de liaison. Pour pallier le manque de moyens hospitaliers appropriés, ces mêmes autorités ont intégré, dans le plan de rénovation du site de Cery du DP CHUV, la création d’une nouvelle unité spécialisée dans le domaine de la psychiatrie du handicap mental. Ainsi, à l’avenir, en intégrant l’actuel DCPHM dans son organisation, cette nouvelle unité disposera également d’une division hospitalière et d’un hôpital de jour dotés de ressources pluridisciplinaires et d’un équipement spécialisé. Par ailleurs, un nouveau projet institutionnel spécialisé dans le domaine de l’autisme est en voie de réalisation dans le cadre d’une collaboration entre le SPAS du DSAS et SHM, alors qu’une expérience pilote est en cours dans l’un des établissements socio-éducatifs à disposition.

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d’isolement, voire d’attachement, momentanée peut tout de même être prescrite exceptionnellement, à condition que les troubles du comportement s’avèrent particulièrement dangereux pour la personne handicapée mentale elle-même ou pour son entourage et pour autant que des mesures alternatives soient activement recherchées pour remplacer aussi rapidement que possible la mesure de contrainte exceptionnelle qui doit nécessairement rester transitoire et de courte durée.

De l’importance du travail interdisciplinaire Tel qu’il s’est constitué en ce qui concerne les adultes, le «Réseau vaudois en faveur du handicap mental et de l’autisme» n’échappe pas à la confrontation parfois conflictuelle des logiques médicales, socio-éducatives, administratives ou associatives, ni aux luttes d’influence occasionnelles qui en résultent. Il n’en reste pas moins que les différents acteurs qui l’animent partagent leur sensibilité aux difficultés d’accompagnement socio-éducatif ou thérapeutique des personnes handicapées mentales qui présentent des troubles majeurs de la communication, du comportement et de l’adaptation à l’environnement. Ce partage les amène à persévérer dans un travail interdisciplinaire approfondi, pour analyser les situations complexes dans lesquelles les mesures de contrainte ne peuvent pas être évitées, afin d’envisager toutes les solutions propices à la réalisation de solutions alternatives moins contraignantes. Dans ces conditions, au-delà des démarches focalisées sur l’abolition des mesures de contrainte comportant un risque de maltraitance, les différents acteurs du réseau en question conjuguent leurs efforts pour promouvoir une amélioration des démarches socio-éducatives ou thérapeutiques en faveur des personnes handicapées mentales affectées de troubles du registre de l’autisme. En effet, notamment sous sa forme atypique, ce type de troubles est insuffisamment détecté et, par conséquent, insuffisamment pris en considération dans les cas où une adaptation appropriée du soutien visuel à la communication ainsi que l’instauration d’un programme d’activité spécifiquement adapté sont particulièrement indiquées, car elles sont susceptibles de prévenir les épisodes critiques dans toute la mesure du possible. 1

Dispositif de psychiatrie de liaison spécialisé dans la collaboration avec le milieu socio-éducatif du handicap mental (DCPHM) Adresse: DCPHM PCO, DP CHUV, Site de Cery, 1008 Prilly

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Commission d’éthique et de déontologie (CEDIS)

Une instance à l’écoute de chacun Denis Müller, professeur d’éthique, Universités de Lausanne et Genève, président de la CEDIS

La Commission d’éthique et de déontologie des institutions sociales vaudoises (CEDIS) est en activité depuis le 1er novembre 2004, suite à un accord entre le Service de prévoyance et d’aide sociale (SPAS) et l’Association vaudoise des organismes privés pour enfants, adolescents et adultes en difficulté (AVOP).

Le président de la CEDIS se tient à disposition des personnes et des institutions qui en expriment le besoin: Professeur Denis Müller Bâtiment Anthropole, Bureau 5013 Université de Lausanne CH - 1015 Lausanne denis.muller@unil.ch. Le secrétariat de la CEDIS se trouve depuis janvier 2009 à l’adresse suivante: AVOP Av. de la Vallombreuse 51 CH - 1004 Lausanne Tél. 021 621 89 36

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Le but de la Commission d’éthique et de déontologie est de servir d’autorité de référence en matière d’éthique et de déontologie pour les institutions au bénéfice d’une autorisation d’exploiter délivrée par le Département de la santé et de l’action sociale (art. 11 de la Loi du 26 novembre 1990 sur le financement des institutions et organismes pour personnes handicapées adultes). La CEDIS est composée de 12 membres représentant les différents milieux concernés par la prise en charge institutionnelle: usagers, institutions, autorité de surveillance, professionnels des institutions. Au besoin, elle requiert l’avis d’experts. La Commission a pour tâches: • d’émettre des recommandations à l’attention du SPAS, de l’AVOP et des institutions ou des organismes concernés; • d’entendre et le cas échéant instruire les réclamations et les plaintes des usagers ou représentants légaux et prendre position; • de prendre position sur les pratiques socio-éducatives en vigueur dans les institutions; • de conseiller les institutions ou associations d’usagers sur les aspects éthiques des prestations fournies et d’en informer le SPAS; • de favoriser la conciliation entre les parties. Le but de la CEDIS est ainsi défini: «Le but de la Commission est de servir d’autorité de référence en matière d’éthique et de déontologie pour les institutions au bénéfice d’autorisation d’exploiter délivrée par le Département de la santé et de l’action sociale (art. 11 ct ss Loi du 26 novembre 1990 sur le financement des institutions et organismes pour personnes handicapées adultes)». La loi sur les mesures d’aide et d’intégration des personnes handicapées (LAIH), confirme les dispositions de surveillance et d’autorisation d’exploiter notamment dans ses articles 23 et 24.

Une éthique de l’attention aux plus vulnérables Mais l’éthique se laisse rarement réduire à un cadre légal ou institutionnel. Sans cesse, la CEDIS est saisie de questions personnelles ou professionnelles, soit par des individus en situation difficile, soit par des institutions en recherche d’une meilleure éthique et de meilleures pratiques. Rappelons que l’éthique se subdivise en éthique individuelle, interpersonnelle et sociale ou institutionnelle. Personne n’a le monopole de la bonne éthique! Il s’agit d’une recherche permanente de justice et de vérité, ou de la quête d’une adéquation plus grande entre les besoins et les droits des individus et les missions des institutions. Aussi le registre de l’éthique n’est-il pas d’abord celui de la plainte juridique, mais de l’expression des sentiments d’injustice, de maltraitance, de victimisation. Un but prioritaire de la CEDIS est de prêter oreille et attention aux demandes des personnes, surtout quand elles sont en situation de détresse ou de vulnérabilité. Un autre but, complémentaire, est d’encourager et de soutenir les efforts des institutions pour faire preuve de meilleures pratiques, autrement dit d’une éthique plus respectueuse des personnes qui leur sont confiées, mais aussi des professionnels engagés au service de leurs missions fondamentales.

Une demande de clarification au sujet de la maltraitance Parmi les demandes qui lui sont adressées, la CEDIS est appelée à clarifier certains enjeux. Un bon exemple est fourni par la tentative de donner une définition éthique* de la maltraitance en institution. *Ndlr: A cet effet, la Commission a élaboré le document de référence à l’usage des institutions, que nous publions ci-après.


La maltraitance en institution Proposition d’une définition éthique pouvant servir de cadre général de référence au quotidien.

Remarques liminaires Une définition éthique a pour but de servir de cadre général de référence permettant de s’orienter au quotidien, dans une attitude de vigilance et de respect. Si elle doit toujours tenir compte d’un contexte donné pour expliquer une situation, elle renvoie néanmoins à des valeurs reconnues et partagées par notre société. La maltraitance dont il est question dans ce document concerne d’abord des pratiques répétitives et persistantes dans le cadre d’une institution. Tout mauvais traitement survenant de manière isolée doit être dénoncé et combattu avec la plus grande attention, d’autant plus qu’il peut très vite déboucher sur de la maltraitance institutionnelle.

1.- Rappel des valeurs éthiques Les valeurs reconnues qui entrent en considération lorsque l’on s’interroge sur la maltraitance sont les suivantes: • respect de la personne humaine en sa dignité constitutive; • recherche du bien le plus juste pour chacun; • promotion de l’autonomie de la personne; • attention à la vulnérabilité de la personne; • respect de l’environnement social et culturel dans lequel s’inscrit la personne; • responsabilité individuelle; • responsabilité de l’institution; • attitude responsable dans l’exercice du pouvoir.

2.- L’horizon de la bientraitance Les valeurs ci-dessus tendent vers un idéal de bientraitance, c’est-à-dire un accompagnement bienveillant et efficace, un traitement respectueux et une attitude favorisant l’échange et le partenariat. Le bien visé est celui de la personne toute entière: dans son corps, son esprit, son environnement humain et social, ses biens matériels. Afin d’éviter que la bientraitance ne reste au niveau des intentions générales, il convient de respecter les références de «bonnes pratiques» et de renforcer leur développement.

3.- Les formes et dimensions de la maltraitance La maltraitance peut s’exercer de façon interpersonnelle ou institutionnelle, de manière horizontale ou verticale. Elle est toujours un abus de pouvoir, que celui-ci s’exerce de façon formelle ou non. Le passage d’un mauvais traitement isolé ou exceptionnel à la maltraitance institutionnelle n’est pas aisé à observer, à contrer ou à combattre. Il importe en conséquence de prêter la plus

grande attention et une vigilance de chaque instant à tout ce qui peut provoquer ou favoriser l’acceptation tacite ou la banalisation sournoise de comportements, de situations et de mesures inacceptables. Il peut exister des situations de maltraitance non-intentionnelle, notamment celles où l’institution fait l’économie d’une recherche de bientraitance. La maltraitance peut prendre des formes variées: • maltraitance corporelle (mauvais traitements répétés, violence physique, négligence dans les soins, privation de nourriture ou de boisson); • maltraitance sexuelle; • maltraitance psychologique (ignorance, menaces, chantage affectif ou financier, harcèlement, moquerie, dévalorisation); • maltraitance thérapeutique (contention injustifiée, acharnement médicamenteux, mépris du consentement de la personne); • maltraitance morale (manque de respect, déni de l’autonomie, mépris, humiliation); • maltraitance environnementale (limitation de l’espace vital, confinement, isolement, ostracisme); • maltraitance matérielle (privation, confiscation, refus infondés d’accès aux médias ou à de la documentation).

4.- Les critères éthiques A quelles conditions éthiques peut-on parler de maltraitance? Les critères éthiques indispensables à considérer sont les suivants: • déni de l’autonomie de la personne; • refus de considérer ses besoins essentiels; • intention de nuire; • application routinière de pratiques professionnelles discutables, non soumises à évaluation; • répétition ou compulsion; • déni des protestations; • refus de corriger la situation; • surdité ou aveuglement face aux signes de maltraitance.

Une définition de référence de la maltraitance En résumé, nous proposons la définition suivante de la maltraitance: «On peut légitimement parler de maltraitance lorsque, dans l’accueil, l’accompagnement et le traitement institutionnels d’une personne, sa dignité, son autonomie, son intégrité corporelle, ses besoins fondamentaux, sa liberté de mouvement, sa mobilité sociale ou ses droits à la propriété sont ignorés, entravés ou diminués sans motifs connus et reconnu ». Adoptée par la CEDIS le 22.02.06

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Droit de réponse

Vers une éducation sociale et citoyenne Jean-Claude Hucher, directeur de l’Ecole supérieure en éducation sociale de Lausanne (és-L)

En écho à différents articles parus dans Pages romandes de décembre 2008 traitant des «Forces et potentiels de la formation»1, une école sociale souhaite s’exprimer: l’école supérieure en éducation sociale, Lausanne (és-L). Reconnue ESTS en 2002, assurant la filière éducation sociale sur mandat du canton de Vaud depuis 2005, la formation a atteint, après 40 ans d’existence, son 3e profil. Elle s’est localisée à la place du Tunnel 21, à Lausanne. L’és-L favorise l’acquisition des compétences professionnelles par des méthodologies innovantes, dans une approche transdisciplinaire: • une philosophie et une éthique humanistes, pour prioriser subjectivation de la personne et autonomie réciproque; • des espaces d’animation et d’improvisation pour développer la créativité sociale; • l’apprentissage par problème pour susciter initiative et esprit de recherche; • des pratiques artistiques pour cultiver intelligence émotionnelle et empathie; • l’affinement du sens esthétique pour promouvoir une vie de qualité; • des forums actualité, croisement de regards, pour saisir les politiques sociales dans leurs orientations et leurs conséquences. L’école répond ainsi aux lignes de force des formations du niveau ES, caractérisé par l’agir autonome, dont l’excellence s’exerce dans la compétence pratique. La Conférence nationale ES propose le titre générique de «professional bachelor» et formule ainsi le positionnement propre à ce niveau: • Les étudiants sont des cadres por-

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teurs de leur propre potentiel de prestation. Ils agissent de façon autonome et travaillent proches de la pratique. • Le contenu et les objectifs de formation viennent d’analyse des champs professionnels et sont construits sur des situations de travail exigeantes et complexes. • La transmission du contenu de l’enseignement se fait par les praticiens qui ont un rapport direct au monde du travail correspondant. • La valeur ajoutée des diplômes ES est constituée de compétences acquises en école et dans la pratique professionnelle. L’entreprise est ainsi au premier plan. • Les étudiants développent ainsi de hautes compétences pratiques et de gestion et sont encouragés dans le développement de la personnalité.

du tissu social. Cette dimension politique ne peut se réaliser qu’avec les institutions, dans une extension extra muros de leur travail intra muros. Aux professionnels de devenir acteurs d’un tel projet de société en déployant le génie apte à réaliser un «développement social durable». Le Plan d’étude cadre de l’éducation sociale en donne les moyens, prévoyant dans le profil nouveau de l’éducation sociale ES:

L’és-L traduit ces lignes de force dans la formule: «Une école au cœur de la ville – une profession au cœur du social – une éducation sociale citoyenne». Elle rejoint la proposition émise par M. Alex Fischli (les «Perce-Neige»), dans son article La formation un projet de société: «Un réel progrès sera réalisé lorsque les lieux de formation s’inscriront durablement dans les projets des institutions et que les institutions accepteront de s’inscrire dans un projet global de société». Nous soutenons que la citoyenneté des personnes vulnérables peut favoriser des formes de démocratie de proximité par la recomposition du lien social. Un tel projet global de société signalerait le passage de l’ère de l’intégration vers celle de l’inclusion, la vulnérabilité des uns faisant office de ferment d’humanité pour le bien commun. Une telle visée sociétale doit être préparée en formation. Elle marque l’évolution d’une éducation spécialisée, orientée vers la prise en charge des personnes, vers une éducation sociale incluant l’amélioration

pour réaliser un accompagnement de qualité au quotidien, créateur de ressources, suscitant autonomie et réalisation de soi, visant la participation et l’intégration sociale des bénéficiaires.

• la collaboration en équipe et avec les bénéficiaires, dans une démarche systémique de collaborations plurielles; • l’agir professionnel dans le contexte juridique, politique et social; • un haut degré de réflexivité personnelle et professionnelle;

Ainsi, le niveau ES, auquel le social actuel doit son existence, s’est doté de nouveaux outils pour accomplir sa mission de formation orientée pratique dans une visée sociétale. «Mon ambition, mon utopie consiste à penser que cette vulnérabilité que nous renvoie la personne en situation de handicap nous constitue en profondeur, ou, si l’on veut, inconsciemment, et que par conséquent elle est partageable. Cet humanisme-là serait-il la "révolution culturelle" avec laquelle pourrait se construire la démocratie de proximité dont a besoin l’ère post-moderne?»2 Pages romandes, Spécial Neuchâtel «Les forces et les potentiels de la formation», 05/2008 2 Julia Kristeva, «La haine et le pardon», 2005, Fayard 1


Anniversaire

Un demi-siècle au service des personnes handicapées Retour aux origines de Pages romandes Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Le 1er numéro de Pages romandes, paru en octobre 1959 s’ouvre sur un mot de Renée Delafontaine. Avec ses références constantes à la religion et son style tout en déclinaisons symboliques, le texte a vieilli. Mais sous la métaphore, l’essentiel du message concernant les personnes en situation de handicap n’a rien perdu de sa pertinence: «Nous demandons, écrivait déjà la pédagogue vaudoise, des endroits où chacun d’eux peut croître dans sa vérité...»

A l’origine était l’ASA Dans le rapport annuel 1959-1960 de l’Association suisse en faveur des arriérés (ASA), on retrouve trace de la genèse de Pages romandes: «Après la constitution des sections cantonales, le souci du groupe de travail fut de se consacrer à des tâches qui intéressent l’ensemble de la Romandie. Dès la première séance apparut la nécessité d’un organe de liaison entre les membres romands de l’ASA.

Plusieurs solutions furent envisagées: participation à des publications déjà existantes ou création d’un bulletin indépendant. C’est finalement la seconde solution qui fut retenue: ainsi virent le jour les PAGES ROMANDES. Celles-ci se présentent sous la forme d’un bulletin polycopié de 6 à 12 pages, tiré sur papier jaune».

Le canton de Vaud, déjà... «Depuis sa création, peut-on lire encore dans ce même rapport, ont paru 4 numéros ordinaires et un numéro spécial contenant les résumés des conférences données au congrès suisse de l’ASA tenu à Lausanne en 1960. La section vaudoise qui accepta la charge de lancer cette publication a cherché - et a réussi - à lui donner un caractère à la fois simple et vivant. On y trouve des exposés sur les réalisations cantonales touchant le domaine de l’arriération. Mademoiselle Kreis, directrice du Service éducatif itinérant vaudois, a publié régulièrement une

importante bibliographie fort utile à tous ceux qui s’intéressent à l’enfant déficient. Dans chaque numéro, une large part est réservée aux sections qui peuvent ainsi faire connaître leur activité. (...) Dès l’automne 1960, la rédaction a été assurée par la section genevoise».

Vaud encore... Après le changement de structure de l’ASA, intervenu en 1997, la parution de la revue est assurée par une fondation de droit privé, la fondation Pages romandes, enregistréee le 9 décembre 1997 et dont le siège est à Etoy (institution de l’Espérance). C’est dire les liens historiques et existentiels qui existent entre Pages romandes et le canton de Vaud... En octobre 2009, pour fêter ses 50 ans d’existence, Pages romandes organisera donc des festivités romandes en territoire vaudois... (Programme ci-dessous).

PAGES ROMANDES FETE SES 50 ANS Le jeudi 8 octobre 2009 Institution de l’Espérance, Etoy Programme de la manifestation: 10h - 15h

Atelier d’expression ouvert aux personnes handicapées romandes avec Michel Boutet

15h45 - 17h15 Table ronde autour du thème: «La place du handicap dans la presse» 17h30

Partie officielle: Spectacle avec les productions issues des ateliers

Remise du Prix Médias de la Fondation Eben-Hézer

Apéritif dînatoire, avec animation musicale par le Band Eben-Hézer

Réservez la date! Des informations plus détaillées sont disponibles sur notre site internet www.pagesromandes.ch 19


INterFace-recherche-intervention

Vie affective et sexuelle de personnes adultes en situation de déficience mentale Des représentations sociales véhiculées dans les chartes à la création de typologies Laëtitia Jacoby, Hannut, Belgique Ce mémoire de licence de Laëtitia Jacoby a été mené sous la direction du Professeur Michel Mercier, à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation de l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve, Belgique. Il a reçu le prix d’excellence AIRHM, attribué à Lausanne le 25 août 2006 lors du Xe Congrès AIRHM.

A l’heure actuelle, il semble que bon nombre d’institutions résidentielles pour personnes adultes en situation de déficience intellectuelle éprouvent des difficultés à traiter et encadrer la vie affective et sexuelle de leurs pensionnaires. Seraitce une manifestation du double tabou influençant et le handicap et la sexualité en général? Quoiqu’il en soit, deux constations sont à la base de ce travail. D’une part, le fait que de nombreux auteurs consultés mettent l’accent sur l’importance d’une étude des représentations lorsque l’on aborde ce thème. Notamment parce que ces représentations vont largement influencer les orientations de pratiques institutionnelles ainsi que les modes d’accompagnements plus spécifiques auxquels ces dernières vont donner cours. Et, d’autre part, le fait que nous avons pu constater que les institutions qui mettent sur pied des chartes institutionnelles afin d’orienter leurs pratiques dans la gestion de ce domaine sont de plus en plus nombreuses. Sur base de cette double constatation, nous avons postulé que les chartes devaient contenir nombre de ces représentations et qu’en étudiant ces dernières nous serions peut-être à même de déterminer différents types d’orientations de pratiques et de modes d’accompagnements en matière de gestion de la vie affective et sexuelle de personnes en situation de déficience intellectuelle.

Chartes et représentations sociales

Pour plus de renseignements: Laëtitia Jacoby Asbl Inter-Actions Rue de Tirlemont 52/1 4280 Hannut laetitia.jacoby@gmail.com Tel. 19/51.40.77

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Afin d’étudier les représentations véhiculées par les chartes, nous avons choisi d’analyser qualitativement leur contenu au moyen de l’analyse structurale, outil ayant l’avantage de nous permettre de dégager les représentations qu’elles contenaient1, mais surtout d’étudier leurs interrelations et de les organiser sous forme de typologies d’orientations de pratiques et de modes d’accompagnements. De manière globale, nous avons constaté que ces représentations semblent désormais

s’éloigner des représentations de «l’ange» et de «la bête» mises en évidence, en 1983, par Giami et al. Cependant, nous avons à l’une ou l’autre reprise émis l’hypothèse de leur influence résiduelle dans certaines chartes. A ce titre nous avons formulé l’hypothèse qu’aux représentations mises en avant par Giami et son équipe – qui constitueraient le noyau central – viendraient désormais s’ajouter des éléments périphériques qui indiqueraient que les représentations sociales auraient, depuis lors, évolué2. Nous avons encore pu constater qu’il semble désormais très valorisé dans le milieu institutionnel de mettre l’accent sur la reconnaissance, l’acceptation de la vie affective et sexuelle des personnes mentalement déficientes; et d’être (ou d’apparaître) apte à fournir un accompagnement à la gestion de ce domaine de la vie. Dans notre travail, nous avons concentré notre attention sur les représentations sociales qui apparaissaient tels des facteurs influençant l’organisation institutionnelle de la vie affective et sexuelle dans plusieurs chartes d’institutions simultanément. Cela nous permit de mettre en avant six variables-continuum principales susceptibles d’influencer fortement voire même, de déterminer, les fonctionnements institutionnels en matière de gestion de la vie affective et sexuelle des résidents. Ensuite, nous avons investigué, grâce à l’analyse structurale, certaines interrelations de ces variables. Cette étude nous permit notamment d’avancer l’hypothèse de l’existence de quatre manières différentes3, pour les institutions, d’orienter leurs pratiques.

Quatre manières d’orienter les pratiques institutionnelles • Premièrement, en intervenant de manière active dans la gestion de la vie affective et sexuelle de leurs pensionnaires. • Deuxièmement, en la reconnaissant ouvertement sans pour autant manifester l’intention d’intervenir dans ce domaine de leur vie.


• Troisièmement une intervention se caractérisant par une absence de positionnement institutionnel vis-àvis de la vie affective et sexuelle des résidents à laquelle s’ajoute une absence d’accompagnement. C’est une intervention consistant justement en un refus d’intervention. • Enfin, une intervention qui va dans le sens d’une non-reconnaissance de la vie affective et sexuelle des personnes déficientes mentales, mais qui néanmoins prévoit de les accompagner dans ce domaine de leur vie notamment en tentant de les en éloigner d’une manière ou d’une autre.

Huit manières d’accompagner la vie affective et sexuelle de résidents Nous avons ensuite émis l’hypothèse de l’existence d’une typologie de modes d’accompagnements s’exprimant au travers de huit manières possibles d’accompagner la vie affective et sexuelle des résidents. • Premièrement, en accompagnant de manière très directive ce domaine de leur vie. • Deuxièmement, en accompagnant le résident dans la gestion de sa vie affective et sexuelle, mais en incluant ce dernier de manière plus ou moins importante dans une optique de collaboration. • Troisièmement, en n’accompagnant pas le résident, mais en l’encourageant à se responsabiliser dans la gestion de ce domaine de son existence. • Quatrièmement, un mode d’accompagnement se caractérisant par une sorte de laxisme institutionnel, lui-même caractérisé par une absence d’intervention et d’encouragement quelconque du résident dans la gestion de sa vie affective et sexuelle. • Cinquièmement, un accompagnement se centrant exclusivement

sur le respect de la vie privée du résident et expliquant par là l’absence totale de positionnement institutionnel vis-à-vis de la vie affective et sexuelle des personnes accueillies par l’institution, ainsi que l’absence d’accompagnement prévu. • Sixièmement, un mode d’accompagnement se caractérisant par de l’indifférence quant à la vie affective et sexuelle des résidents. • La septième manière d’envisager la gestion de la vie affective et sexuelle des résidents, pourrait cette fois consister en le fait de les dissuader de vivre ce domaine de leur vie. • Enfin, la huitième et dernière hypothèse d’accompagnement institutionnel consisterait en l’interdiction, en la répression pure et simple de l’accès à la vie affective et sexuelle pour les résidents. De manière générale, nous avons donc été amenés à conclure en faveur de notre hypothèse de départ: il semble en effet que l’étude des chartes permette, grâce à l’analyse structurale, de mettre en avant des hypothèses de typologies, d’une part, d’orientations des pratiques institutionnelles, et, d’autre part, de modes d’accompagnements plus spécifiques. Leur opérationnalité nous sembla résider en le fait que ces typologies pourraient permettre aux institutions ayant rédigé pareilles chartes de se situer quant aux orientations de pratiques, d’interventions et quant aux modes d’accompagnements qui les caractérisent. Dans le cas où leur mode de fonctionnement ne les satisferait pas, elles pourraient, par exemple, envisager d’en changer en prenant partiellement pour appui, pour référence, nos typologies. Ces typologies pourraient peut-être, à ce titre, fournir des pistes, des repères, aux équipes désireuses de mettre sur pied pareilles chartes. Ces institu-

tions pourraient encore, par exemple, personnaliser ces repères de manière à mettre sur pied les modes d’interventions ou d’accompagnements composites qui soient les plus proches possibles de leurs convictions Tout cela dans le but de cerner le(s) facteur(s) qui semblai(en)t justement déterminer le mode de fonctionnement institutionnel en matière de gestion de la vie affective et sexuelle. 2 Du moins dans les discours institutionnels. 3 Dans la logique de l’outil que nous avons utilisé, l’interrelation de ces deux variables se représente au travers d’une « structure croisée » et donne lieu à la mise en évidence de « quatre réalités-mères », de quatre cadrans. 1

Références bibliographiques Delville, J., & Mercier, M. (1997). Sexualité, vie affective et déficience mentale. Belgique: De Boeck Université; Delville, J. (1997). Ethique, sexualité et handicap mental. In J. Duchêne, M. Mercier, J. Delville, M.-L. Delfosse, M. Mattys, & O. Witdouck (Eds.), Ethique et handicap mental (pp. 115-122). Belgique: Presses universitaires de Namur; Mercier, M., & Bazier, G. (2004). Droits des personnes déficientes mentales et changements de paradigmes dans l’intervention. Revue francophone de la déficience intellectuelle, 15, 123-130; Piret, A., Nizet, J., Bourgeois, E. (1996). L’analyse structurale. Une méthode d’analyse de contenu pour les sciences humaines. Bruxelles: De Boeck Université.

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Les rencontres de l’ASA

Partenariat, vers l’élaboration d’un guide des valeurs? Journée d’études d’ASA-Handicap mental Olivier Salamin et Marie-Paule Zufferey

Sur invitation de l’association ASAHandicap mental, qui poursuit sa réflexion sur le partenariat, des groupes réunissant parents, professionnels et personnes en situation de handicap se sont rencontrés à plusieurs reprises, durant l’année 2008, dans les cantons du Jura, Vaud et Valais autour du thème: «Donnons-nous la parole». La mise en commun de ces réflexions a eu lieu le 8 avril dernier à Lausanne. Jean-Marie Bouchard était invité à faire une synthèse des idées issues de ces séances, avec un objectif: ouvrir d’autres perspectives aux groupes ainsi constitués. La conférence du Professeur Bouchard1 était suivie d’une table ronde, conduite par le journaliste Laurent Bonnard et à laquelle participaient certains des animateurs cantonaux: Sophie Mattenberger, Jean-François Deschamps et Olivier Salamin. Le point sur la journée. Parler de partenariat, c’est d’abord, selon Jean-Marie Bouchard, revisiter la notion de communication. Les enjeux de la communication sont nombreux, variés et pas forcément toujours identifiés: agirs cachés (des expériences aussi bien professionnelles que parentales), jeux de coulisses, non-dits, évitements, faux-fuyants, résistances passives envers les parents de la part de professionnels ou vice-versa, réactions d’autoprotection face à la confrontation, en passant par des «laisser-croire» et des «faire comme si»... Clarifier ses peurs est l’une des étapes obligées vers l’instauration d’une communication constructive. Pour le professionnel, il s’agit d’oser dire ses craintes envers le savoir et les compétences des parents: peur d’être jugé, d’entrer dans un conflit de valeurs, de ne pas être à la hauteur, de dire ses limites, de montrer son mauvais côté, de perdre le pouvoir...

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Une fois ces peurs reconnues, ces craintes nommées, il est possible de poser les savoirs des uns et des autres: savoir de légalité des professionnels, savoir de légitimité des parents. On entre alors dans ce que Jean-Marie Bouchard appelle «l’agir communicationnel»2, le partage des savoirs. Cette reconnaissance réciproque de compétences et de territoires donne - notamment - aux personnes en présence l’autorisation de critiquer la proposition de l’autre en vue de la bonifier. L’horizontalité des savoirs entre les parties est une condition nécessaire à l’instauration d’un «modèle partenarial», qui ménagerait ainsi sa place à la personne en situation de handicap...

Un modèle de partenariat L’exemple le plus abouti de partenariat est sans doute le modèle québecois des «Coopératives de solidarité»: des lieux de vie créés par les familles elles-mêmes, dans le but de prendre leur relève. Au moment de mettre en place ces structures, la nécessité s’est bien vite fait sentir pour ces familles, d’élaborer un code éthique qui permette de clarifier les valeurs des différents partenaires et qui oriente la prise de décision pour un accompagnement des personnes dans la dignité. Un accent particulier a été mis ensuite sur la place des personnes en situation de handicap, afin qu’elles soient représentées dans le projet («Personnes d’Abord»). L’étape suivante a été d’interpeller l’Etat, qui a mandaté le groupe pour la mise en place de la structure, tout en contribuant à son financement et en développant son suivi. Dans la dynamique du «budget d’assistance», actuellement en cours d’expérimentation, serait-il utopique d’imaginer que des familles suisses se regroupent pour définir leurs besoins, choisir une structure et engager les professionnels qui accompagneraient

leurs enfants? La question mérite d’être posée.

Vers l’élaboration d’un guide des valeurs? Si les cantons qui ont participé à cette journée ont constaté des différences notoires concernant les conditions concrètes de mise en place d’un partenariat, il se dégage néanmoins une volonté commune de poursuivre la réflexion sur ce sujet. Pour les participant-e-s, les propos de Jean-Marie Bouchard résonnent autour des questions de confiance, de respect, de droit et de devoir d’information, de pratiques à uniformiser, de mise à niveau des partenaires, d’enjeux de territoire et de soumission à l’autorité... Très vite, les participant-e-s tombent d’accord sur l’idée d’élaborer un «guide des valeurs», avec comme point de départ «la reconnaissance de l’unicité, de la globalité, de la dignité et de l’intégrité de la personne». L’objectif d’un tel instrument étant, explique Jean-Marie Bouchard, de «réduire le plus possible l’écart entre les droits des personnes et des familles et leur traduction dans les faits». Au-delà d’une question de désirabilité sociale, il faut constater que le partenariat est encore un concept «passepartout»; chacun comprend de ce terme ce qu’il veut bien comprendre... Le temps est venu de trouver une définition commune, d’en faire un projet rassembleur... Après cette journée, les perspectives sont ouvertes et les groupes cantonaux prêts à poursuivre l’aventure. La situation est donc idéale pour amorcer le pas décisif vers la concrétisation d’un modèle romand de partenariat. J.-Marie Bouchard est professeur titulaire de l?université du Québec à Montréal 2 Référence à la théorie de Jürgen Habermas 1


Politique

Septembre 2009

Une date cruciale pour l’avenir de notre assurance invalidité Florence Nater, membre du Bureau romand de coordination de la campagne ProAI

Le 27 septembre prochain, le peuple suisse sera appelé à se prononcer sur une hausse de la TVA afin d’assurer le financement additionnel de l’assurance invalidité. L’enjeu de cette votation est de taille. L’avenir de notre assurance sociale repose indiscutablement sur la victoire du OUI dans les urnes. Aujourd’hui plus que jamais la situation de l’assurance invalidité est au centre des préoccupations des personnes et organisations concernées directement ou indirectement par les questions de handicap. Après une 4e et une 5e révisions AI menées à un rythme soutenu, avec en ligne de mire la perspective d’une 6e révision, c’est actuellement le financement de cette assurance sociale qui focalise toute notre attention. L’assurance invalidité est en déficit depuis de nombreuses années. 13 milliards de francs tel est le montant de sa dette au début de l’année 2009. Le financement de l’AI fait l’objet de multiples débats depuis longtemps, ayant été d’abord associé à la 5e révision AI, puis séparé de celle-ci. Promis comme «étape suivante» par les partisans de la 5e révision, de nombreux mois ont pourtant été nécessaires à nos parlementaires fédéraux pour se mettre d’accord sur un projet de financement, celui qui est aujourd’hui soumis à votation: une augmentation de la TVA, limitée dans le temps, différenciée selon les biens et associée à une séparation des fonds AVS et AI. C’est donc sur le fruit d’un compromis obtenu de haute lutte que le peuple suisse doit se prononcer à la fin septembre.

Renforcer notre conviction et mobiliser nos forces pour résoudre une équation difficile Pour vivre dignement, bénéficier de moyens auxiliaires adaptés à leur

handicap, participer et offrir leurs ressources et compétences à la société, les personnes en situation de handicap ont besoin de l’assurance invalidité. Pour rompre avec un processus d’endettement, travailler à son assainissement durable et surtout continuer à assurer sa mission, l’assurance invalidité a besoin d’un financement. L’équation a l’air simple, en apparence. Son résultat se révèle plus complexe quand on sait qu’il repose sur l’acceptation, par le peuple, d’une hausse d’impôts et cela de surcroît en des temps de crise économique où la sauvegarde individuelle prendra plus que jamais le pas sur la solidarité avec autrui… Pour résoudre cette équation difficile, il nous appartient à nous, personnes en situation de handicap, proches et organisations d’aide et d’entraide, de prendre notre «bâton de pèlerin» pour inviter nos concitoyennes et concitoyens à faire appel à leur bon sens.

Nul n’est à l’abri d’un handicap… Chaque citoyen de ce pays est exposé aux risques couverts par l’assurance invalidité. Ce n’est donc pas seulement l’assurance des personnes handicapées que nous nous devons de sauvegarder, mais bien notre assurance sociale à tous. La sauvegarde de l’AI renforce la pérennité de l’AVS… Actuellement, les déficits de l’assurance invalidité sont couverts par le fonds de compensation AVS destiné au versement des rentes de vieillesse et survivants. On ne saurait creuser durablement les réserves de l’AVS sans la mettre elle aussi en péril. La séparation des fonds AVS et AI est donc non seulement nécessaire mais aussi entièrement liée à l’acceptation du financement additionnel de l’assurance invalidité.

Les personnes en situation de handicap contribuent déjà au processus d’assainissement de l’assurance invalidité… Par les différentes mesures prises dans le cadre de la 5e révision AI, telles que la suppression de rente pour conjoint, l’abolition du supplément de carrière pour les jeunes invalides, les restrictions dans les mesures médicales et les dispositions rendant l’accès aux rentes toujours plus difficile, les personnes concernées et leurs familles réalisent déjà de nombreux sacrifices. Le sacrifice demandé aujourd’hui à l’ensemble de la population reste modeste malgré tout… La hausse de la TVA mise en votation est différenciée selon le type de biens de consommation. Pour les produits de première nécessité, la hausse prévue n’est que de 0,1 %, ce qui signifie, pour un achat de produits alimentaires à hauteur de Fr. 100.--, une augmentation à charge du consommateur de 10 centimes! Forts de ces convictions et de ces arguments, mobilisons-nous dès à présent pour convaincre notre entourage, nos collègues, nos amis, nos voisins de la nécessité de dire OUI le 27 septembre prochain et n’oublions pas de dire au citoyen perplexe que la crise est certainement temporaire, mais un handicap, c’est souvent pour la vie…

Actualités de la campagne: www.proai.ch Informations sur les actions en Suisse romande: ismael.t@bluewin.ch

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Congrès, séminaires, formations

Congrès suisse de pédagogie spécialisée Formation continue Ouvrir l’horizon standardisation et différenciation en pédagogie spécialisée

Les 4 hautes écoles de travail social de Suisse romande: HEF-TS (Fr), HES-SO (Vs), HETS(ies) (Ge), éésp (Vd) offrent un

«Standardisation et différenciation», tel est le thème du 6e Congrès suisse de pédagogie spécialisée qui se déroulera du 31 août au 2 septembre 2009 dans les bâtiments de l’Unitobler à Berne. En choisissant ce thème, le Centre suisse de pédagogie spécialisée, organisateur du congrès, confronte les discussions en cours autour de deux tendances contradictoires: d’un côté ce qui est normal, qui correspond à la norme et de l’autre les particularités et besoins spécifiques individuels de chacun. Plus d’une centaine de présentations suisses et étrangères ainsi que sept conférences principales permettront d’échanger et d’ouvrir la discussion entre les professionnel-le-s du domaine de la pédagogie spécialisée, de la formation, du social et de la politique. Cette année encore, le Congrès suisse de pédagogie spécialisée a le plaisir de pouvoir annoncer des conférenciers de renommée internationale: nous souhaiterions tout particulièrement attirer votre attention sur les conférences plénières de Sylvie Cèbe et Greta Pelgrims (Université de Genève), de Pierre-André Doudin (HEP-Vaud), de Friedrich Glasl (Université de Salzbourg), de Winfried Kronig (Université de Fribourg), de Franz Wember (Université de Dortmund) et de Barbara Zollinger (Zentrum für kleine Kinder, Winterthur). D’autres informations relatives au Congrès suisse de pédagogie spécialisée sont disponibles à l’adresse suivante: www.szh.ch/congres Adresse de contact: Centre suisse de pédagogie spécialisée SZH/CSPS Maison des cantons, 3011 Bern kongress@szh.ch / 031 320 16 60

Master of advanced (MAS) en Action et politiques sociales

Cycle de formation 2009-2012 Public cible Travailleurs sociaux, ergothérapeutes, psychomotriciens, licenciés dans les domaines des sciences sociales et professionnelles des professions voisines. Objectifs • développer la capacité d’analyse des politiques publiques, plus particulièrement le système de protection sociale pour contribuer à l’innovation • permettre à des professionnels d’assumer des fonctions d’encadrement, de gestion, de formation. Durée 600 périodes d’enseignements et un mémoire sur 3 ans. La formation est modulaire. Elle débute chaque automne. Validation: 60 crédits ECTS Début: octobre 2009 Chef de projet: Stéphane Rossini Informations plus détaillées sur demande: Secrétariat de l’Unité de formation continue Chemin des Abeilles 14 CH - 1010 Lausanne Tél. +41 21 651 03 10 e-mail: srossini@eesp.ch

VIE AFFECTIVE ET SEXUELLE

Autonomie, autodétermination, droits des usagers-ère-s...

Intérêt et/ou besoin de réinterroger vos certitudes à propos de ces concepts et de redéfinir prises de risques et responsabilités? Nous vous offrons cette possibilité les 12, 13 et 14 novembre 2009 dans le cadre d’une session «DU CŒUR AU CORPS» réservée aux directeur-trice-s et/ou directeur-trice-s adjoint-e-s, responsables de groupes, de secteurs, coordinateur-trice-s Catherine Agthe Diserens, sexo-pédagogue spécialisée Formatrice pour adultes Tél. +41 22 361 15 29 catherine.agthe@vtxnet.ch

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Jean-Louis Korpès, professeur HEF-TS Haute Ecole de travail social, Givisiez Tél. +41 26 429 62 00 jean-louis.korpes€hef-ts.ch


Le Groupe Romand sur le Polyhandicap (GRP) a le plaisir de vous annoncer une Journée d’études sur le thème de

L’alimentation de la personne en situation de polyhandicap – sécurité et confort pour plus de plaisir Animée par le docteur Thierry Rofidal, cette Journée d’études aura lieu le 31 août 2009 à Berne en marge du Congrès suisse de pédagogie spécialisée 2009 Renseignements et inscriptions http://www.csps-szh.ch/fr Les membres du GRP, praticiens dans des institutions de Suisse romande et parents de personnes en situation de polyhandicap, se réunissent une fois par mois à Lausanne pour partager expériences et réflexions. N’hésitez pas à les rejoindre ! Renseignements auprès de Madame Fabienne Clément - Tél. +4179 3428414 - faclement @sunrise.ch

Situations extrêmes! Comment les surmonter ensemble? Les institutions de Lavigny et de l’Espérance à Etoy, les Maisons des Chavannes à Lausanne, la Cité du Genévrier à Saint-Légier, les Jalons à Villeneuve vous invitent à une journée de réflexion et d’échanges sur l’accompagnement en institution de personnes adultes présentant une déficience mentale et se trouvant en grave situation de handicap d’ordre psycho-affectif et social, contextuel et comportemental

Jeudi 3 septembre 2009 de 9H à 17H Ecole d’études sociales et pédagogiques de Lausanne Cette journée se veut une occasion de dialogue entre les institutions socio-éducatives, le milieu psychiatrique, les associations d’usagers, les organismes de formation et les services de l’Etat concernés; elle est ouverte à toutes les personnes œuvrant dans ces différents domaines. Avec notamment, selon l’ordre d’intervention, la participation de: Dr Georges Saulus, médecin-psychiatre, enseignant et formateur d’adultes; Dresse Catherine Rodrigues-Dagaeff, pédopsychiatre, consultante pour le département psycho-pédagogique de l’institution de Lavigny; Dr Mario Cattaneo, médecin-généraliste, médecin référent du département Hébergement et accueil spécialisé de l’institution de Lavigny; Dr Mario Navarro, médecin-psychiatre dans le cadre du dispositif cantonal psychiatrie et handicap mental (DCPHM); Mme Annemarie Chavaz, présidente d’Autisme Suisse romande; Le Service de prévoyance et d’aide sociale du canton de Vaud (encore à confirmer) La table ronde réunissant tous les intervenants après les présentations sera animée par Mme Isaline Panchaud Mingrone, professeure HES, unité de formation continue de l’éésp à Lausanne Le progamme définitif et le bulletin d’inscription sont disponibles sur le site www.ilavigny.ch Pour tout renseignement complémentaire: pierre.mayor@ilavigny.ch


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