PAGES ROMANDES - La communication facilitee

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No 3 juin 2008

La communication facilitĂŠe


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Dossier: La communication facilitée

Conseil de Fondation Président : Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch

Comité de rédaction Membres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Salamin, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule Zufferey Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud Parution: 5 numéros par an Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre Tirage minimal: 800 exemplaires Abonnement annuel Suisse AVS, étudiants Abonnement de soutien Etranger

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Publicité et annonces - Tarifs 1 page Fr. 800.-1/2 page Fr. 500.-1/4 page Fr. 250.-1/8 page Fr. 125.-1/16 page Fr. 50.-Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions Les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites Délai d’insertion 2 semaines avant parution Compte bancaire Banque cantonale du Valais, 1951 Sion En faveur de K0845.81.47 Pages romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue Ire Armée F - 68800 Thann Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch Mise en page Marie-Paule Zufferey Impression Espace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12 Crédits photographiques et illustrations Elisabeth et Anne-Marie Guiffray, Catherine Donnet, Manuela Thurre, Fondation SGIPA, Genève.

2 Tribune libre Marie-Christine Ukelo Mbolo Merga

3 Editorial Valérie Melloul 4 Qu’est-ce que la communication facilitée? Michel Marcadé

6 Une étude de la fidélité du soutien de la main Fredi Büchel

8 Pratique de la communication facilitée en institution Marie-Claire Opoczynski 10 La CF au Centre Social et Curatif Jean Foin 11 La communication facilitée dans notre vie, témoignage de parent Line Short 14 Un jour quelqu’un m’a pris la main au-dessus du clavier, témoignage Elisabeth Guiffray 15 CF: position d’Autisme Suisse romande 16 Moi je peins libre; la peinture facilitée Catherine Donnet 18 Ethique et communication facilitée Conférence de Jean-François Malherbe Rédaction, Michel Marcadé 20 2008, la SGIPA fête ses 50 ans Marie-Paule Zufferey 22 Sélection d’ouvrages sur la CF Michel Marcadé

Photos de couverture: Manuela Thurre, Sion N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source.

23 Sélection Loïc Diacon 24 Formations et séminaires

©Pages romandes


Tribune libre

Et si c’était possible?

Ou quand la schizophrénie pointe à force de ne pas vouloir rester dans les extrêmes Marie-Christine Ukelo, Mbolo Merga formatrice HEF-TS, Givisiez

Eeeett sis été pppppositl… Bon, un peu de provocation, c’est une manière de faire une pirouette aux conflits réflexifs qui envahissent mon esprit, quand il s’agit de se «pencher» sur la CF! En effet, comment sortir d’une symétrie rigide des positions tranchées qui nous assurent d’un côté que, n’étant pas scientifique, la CF peut éventuellement exister comme une proposition parmi tant d’autres, mais pas à prioriser. L’autre position étant de dire que la CF est visiblement, après toutes les précautions d’usage prises, un outil d’accès à la communication et à l’expression pour la personne ainsi qu’une approche permettant, entre autres, pour le professionnel, de véritablement changer le regard sur la personne handicapée. L’exigence professionnelle de l’accompagnement auprès de personnes en difficultés suppose que nous soyons en capacité, lorsqu’il s’agit de mener des interventions, de nous positionner à partir d’une multitude de paramètres articulés entre eux, à mobiliser, avant, pendant et après nos interventions. Qui suis-je, qu’en est-il de mes résonances dans cette situations, quelles pensées me viennent à l’esprit, à quoi cela me fait-il penser? Comment réagir adéquatement? Au nom de quoi est-ce que j’agis? etc. Tout en étant en capacité d’accueillir ce qui vient, d’être réceptif à la rencontre. Une solide formation et quelques années d’expériences ne nous apportent heureusement pas de réponses à ces questions, mais bien la capacité de poser les questions appropriées et de mobiliser les ressources permettant de construire des

réponses. En tant que professionnelle, face à cet outil, j’ai avant tout été confrontée à l’inconfort de ne pas avoir de repères pour construire (ou déconstruire) des questions, me permettant ensuite d’envisager des réponses. D’emblée, je me retrouve dans des dimensions qui semblent, apparemment en dehors de mes créneaux conscients de questionnements professionnels: celles des croyances et des convictions. La CF est mystérieuse. Malgré des explications, des hypothèses plus ou moins rationnelles, la situation d’interaction que j’ai vécue dans le cadre d’une séance de CF avec T, reste un moment emblématique qui ne m’a pas laissée indifférente. T, est un magnifique jeune homme, souffrant de troubles envahissants du développement sévères et n’ayant pas d’accès au langage verbal. T. n’est autonome dans aucun acte de la vie quotidienne. Il sait faire valoir des envies/besoins, tels que «aller dehors» en montrant ses chaussures, ou en pointant par lui-même les pictogrammes correspondant à l’activité qu’il souhaite réaliser. Lors d’une séance avec sa facilitatrice, ce jeune demande à me voir. Je ne suis pas à l’aise avec cette méthode et ce qui ressort de ces séances. L’idée que la CF puisse être une offre «forcément» aidante, la rend d’emblée suspecte à mes yeux. Et puis T., qui ne parle pas, demande à me voir???!!!! D’emblée, en essayant d’analyser mes résistances, je comprends que je suis prise dans une question sans fin: j’y crois1 ou je n’y crois pas. De la croyance (ou de la non

croyance) à la conviction2 absolue de l’une ou l’autre position, il n’y a qu’un pas... «Sentiment que l’on a de la vérité d’un fait»… «Confiance sans réserve»… C’est là que le bât blesse. Si je pense être dans la vérité, dans l’une ou l’autre des positions, je peux nuire. Une confiance sans réserve, sans que le doute subsiste, me renvoie immédiatement à une dimension éthique fondamentale: «Primum non nocere». En quoi, la posture même que je peux prendre face à n’importe quelle approche, avant même d’avoir agi, peut-elle être «pathologisante» pour l’autre? La position éthique est inconfortable, par le fait même qu’elle ne renonce pas aux doutes, aux questionnements permanents. Je dois aller à cette séance. J’essaie d’identifier comment je peux être O.K. avec moi-même, malgré mon trouble face à l’outil, la méthodologie et la demande qui semble émaner de T. (j’aimerais bien savoir comment elle a fait ça?). Je décide d’arrêter de me focaliser sur l’outil (le clavier), la méthode (c’est juste hallucinant ce qu’il(?) est en train d’écrire), pour me focaliser sur ce qu’il semble dire. Il dit, il raconte… et je ne sais plus que penser ni que croire… Mes doutes subsistent. Si ça marche, si c’est un outil de communication qui visiblement fait ses preuves, je serais bien bête de ne pas approfondir le sujet. Des preuves… sentiment de la vérité d’un fait… Même registre. Je sors de la séance, avec la sensation d’avoir vécu un moment étrangement torturé en ce qui me concerne, et, malgré

tout, dans une proximité toute singulière avec T. Le doute est présent. La différence étant peut-être que les doutes se sont transformés progressivement en questions et réflexions variées, laissant entrevoir leurs reliefs et aspérités. J’ai su, pour moi, à la fin de cette séance, que je n’y retournerai plus. Je prends conscience que le monde de questions, présentes au moment où j’aimerais être dans l’instant présent avec T. me semble préjudiciable, tant pour lui que pour moi. Sans disponibilité pour ce qu’il y a à vivre (les partisans de la CF disent la même chose, je crois), le risque est de perdre son temps et son latin, à chercher des preuves et des contre-preuves du mystère. Une question de la CF, avec laquelle je me sens en accointance sans le moindre doute: à cet instant, suis-je capable de regarder la personne au-delà de ses difficultés… Et si c’était possible?

«Croire: v. tr. et intr. 10e siècle, credre. Du latin classique credere, «confier en prêt», «croire, penser», «avoir confiance», et, en latin chrétien, «avoir foi en (Dieu)». Accorder une confiance sans réserve à une parole, à un témoignage.» 2 «Conviction: n. f. 16e siècle, au sens de «action de prouver la culpabilité de quelqu’un». Emprunté du latin chrétien convictio, «démonstration, fait d’être convaincu». Sentiment que l’on a de la vérité d’un fait ou de la justesse d’une opinion, d’un principe; certitude qui en résulte.» 3 Avant tout, ne pas sciemment causer de préjudices. 1


Edito

Vous avez dit «communication facilitée»? Valérie Melloul, membre du comité de rédaction, BA en Sciences de l’éducation, Université de Genève

La communication facilitée... Voilà un sujet qui revient régulièrement dans les discussions du comité de rédaction de Pages romandes... Comment se positionner par rapport à cette approche? La question est posée dès lors que ces deux mots sont prononcés: «communication facilitée». Pas le temps de la définir, de la présenter, immédiatement le débat s’anime, les avis s’opposent, les arguments fusent, les critiques, les interprétations,… tourbillons de réflexions, de controverses et de contradictions. Dans certains milieux, il devient même risqué de parler de communication facilitée… D’où notre angle de questionnement: est-il possible d’aborder ce sujet sans tomber dans les outrances et la radicalité? Depuis sa découverte à la fin des années 80, la communication facilitée (CF) comme «moyen alternatif de communication, proposé notamment à des adultes et à des enfants ayant des difficultés dans la communication verbale» (Cf-romandie, 2008, chap. 5)1 ne cesse de faire l’objet de grands débats passionnés. Les bases théoriques de la CF semblent donner, par exemple, une autre lecture de l’autisme. Il s’agirait d’un problème moteur, d’une impulsion de communication défaillante. La personne atteinte d’autisme peut donc communiquer, mais elle a besoin d’un facilitateur pour générer l’impulsion de communication. Dès lors, on comprend l’engouement qui est né de cette découverte: enfin, il était possible de communiquer avec ces personnes; enfin c’était la personne qui primait sur le handicap. Les conditions d’utilisation de la CF, à savoir: le contact physique avec le facilitateur, le contrôle du mouvement ainsi que la relation de confiance, ont souvent fait l’objet de critiques. Beaucoup de points restent inexplicables, comme le relève le site «CF-Romandie»: «Le mécanisme qui sous-tend cette pratique n’est pas clairement expliqué, mais il y aurait une sorte de connexion cérébrale entre les deux partenaires qui permet à la CF d’avoir lieu» (2008, chap. 5). Les critiques formulées sont de divers ordres: d’une part, l’acquisition spontanée du langage interroge. Comment, une personne n’ayant vraisemblable-

ment jamais appris ni à écrire, ni à lire peut-elle s’exprimer en tapant lettre après lettre des mots sur un clavier? Dans certaines vidéos, les personnes utilisant la CF tapent à une rapidité impressionnante sur le clavier, sans jeter un seul coup d’œil à celui-ci. Certains critiques ont demandé à une dactylographe experte de taper à un doigt sur le clavier sans le regarder. Celle-ci a été incapable de reproduire le même texte dans un temps si bref. D’autre part, la méthode a été très critiquée au niveau de l’induction faite par le facilitateur. Toutefois, il est intéressant de relever que ces études relèvent le fait que les facilitateurs sont de bonne foi; même s’ils influencent la production de la personne, ils ne se rendent absolument pas compte qu’ils induisent un biais. Une recherche a été menée au Canada avec douze personnes atteintes d’autisme utilisant régulièrement la CF. Il s’agissait d’une tâche d’identification d’objets courants. Des photos étaient présentées au facilitateur ainsi qu’à la personne atteinte d’autisme. Dans une des conditions de la recherche, les deux sujets ne voyaient pas la même image mais ne le savaient pas. Les résultats de cette étude montrent qu’aucune identification correcte de l’objet n’a pu être faite par la personne atteinte d’autisme, sauf dans le cas où le facilitateur voyait la même image! Bien sûr, des réponses ont été formulées à ces critiques, quant à la situation expérimentale pouvant fausser la relation entre la personne et le facilitateur. Pourtant dès lors, la CF est considérée comme un outil non scientifiquement valide. Malgré tout, aujourd’hui encore, de nombreuses personnes utilisent ce moyen de communication dans des situations très diverses. Le dossier que nous vous présentons dans ce numéro donne la parole à celles et ceux qui la pratiquent, afin de comprendre leurs motivations. Les utilisateurs de la CF reconnaissent ne pas pouvoir expliquer certains mécanismes en jeu, mais proposent plusieurs hypothèses. Afin de sortir du débat stérile: pour ou contre, nous avons choisi de nous interroger sur le pourquoi et le comment... 1

http://www.cf-romandie.ch


Qu’est-ce que la communication facilitée? Présentation d’une autre forme de la relation d’aide Michel Marcadé, formateur en CF, Gimel

«Comme de nombreuses démarches nouvelles, dans la panoplie actuelle des relations d’aide, la communication facilitée bénéficie à la fois de supporters et de critiques, parfois aussi fanatiques les uns que les autres, ce qui est loin d’éclairer la connaissance». Dans cet article, Michel Marcadé brosse un portrait des plus objectif de cette autre forme de la relation d’aide que constitue la CF. Une présentation que nous vous invitons à aborder, libres d’a priori.

«Mon regard s’installe dans le tien Moi je vois derrière tes yeux Je sais aller vite si tu m’accueilles». Extrait de «Fleur de paroles», témoignages de personnes facilitées

Découverte à la fin des années 70, la CF a été développée en 1987 en Australie par Rosemary Crossley, docteur en philosophie, diplômée en sciences de l’éducation, éducatrice et directrice du «Dignity Education Language Center» (DEAL) à Melbourne. Anne Marguerite Vexiau, orthophoniste, au bénéfice d’une longue pratique auprès d’enfants autistes, a importé cette méthode en France dans les années 90. Elle est à l’origine de l’association Ta Main Pour Parler (TMPP), du centre de formation à la CF «EPICEA» qui est devenu l’école de formation de TMPP, où de nombreux professionnels des milieux de l’éducation, du travail social et d’approches psychothérapeutiques diverses, ainsi que des parents se sont formés. En grande pionnière, elle a travaillé dans un premier temps auprès de personnes handicapées sans langage verbal, les aidant à s’exprimer et leur permettant d’accéder à plus d’autonomie. Puis, s’apercevant que la CF permettait d’accéder à des contenus inconscients, elle a ensuite étendu son activité auprès de personnes valides, afin de résoudre des problématiques personnelles, approche qu’elle a appelée, pour en distinguer le but, «psychophanie». En Suisse, depuis les années 90 des formations sont proposées sur plusieurs niveaux et la CF est pratiquée, tant en Suisse allemande qu’en Suisse romande. Les formations de Suisse romande sont soumises aux exigences de contrôle et d’éthique de l’association TMPP fondée par A.M. Vexiau dont le siège est à Paris.

Comment se pratique cette relation d’aide? La CF permet à des personnes mutiques et maîtrisant difficilement leur gestuelle volontaire de faire des choix en pointant des objets, des images ou des mots écrits. Elle permet aussi de s’exprimer dans un langage plus ou moins structuré en pointant les lettres avec un doigt sur un clavier (papier, ordinateur, organiseur, etc.).

Pour ce faire, un partenaire appelé facilitant soutient la main, le poignet ou l’avant-bras du facilité, qui peut exprimer ses choix. On parle alors de geste facilité, à bien distinguer du geste guidé. Le facilitant attend et perçoit l’impulsion du facilité pour mieux suivre son geste qui ne parvient pas à se réaliser de façon autonome. Parfois il sert de filtre en freinant les mouvements impulsifs ou en favorisant un retour en arrière après chaque frappe sur le clavier. Au niveau le plus simple de son utilisation, la CF peut servir à connaître les choix de la personne dans la vie quotidienne. À un deuxième niveau de communication, le geste facilité peut aider la personne à exprimer ses désirs, ses sentiments, ses émotions. Le choix est alors nettement plus vaste et un tableau de communication avec des mots ou des pictogrammes peut ne plus suffire à toutes les situations. Le recours à un tableau de lettres ou au clavier d’un organiseur permet de compléter ou de préciser le message. Enfin, lorsque la personne désire transmettre des informations, partager ses idées, poser des questions, l’utilisation du geste facilité sur un clavier d’organiseur ou d’ordinateur prend toute sa valeur. Mais ces deux derniers niveaux exigent une véritable formation théorique et pratique du facilitant pour éviter les interprétations erronées, hasardeuses ou prématurées. Cela d’autant plus que la communication à ce niveau s’accompagne très vite d’une coordination oculomanuelle intermittante et accède souvent à des couches inconscientes, raison pour laquelle ce niveau profond de CF a été appelé psychophanie.

Mieux vivre avec son handicap Dans la pratique courante de la CF, on constate que pour la personne facilitée, la pratique régulière de la CF permet des modifications du comportement et peut avoir des effets thérapeutiques. Bruno Gepner, neuropsychiatre français, a comparé les effets de la CF pour des autistes


ayant bénéficié pendant 18 mois de cet outil, avec un groupe témoin sans cet appui. Les résultats montrent une amélioration des interactions sociales, de la communication verbale et non-verbale, et des réactions à l’environnement. Il est clair que la CF ne peut pas supprimer la symptomatologie liée à une pathologie. Elle ne guérit pas, mais permet de mieux vivre avec son handicap, ce qui est loin d’être négligeable. On constate également, au terme de cette étude que, pour l’entourage, l’utilisation de la CF permet d’être le témoin d’une sorte de compréhension intuitive intacte au cœur de la personne, même sévèrement handicapée. Elle contribue à modifier le regard porté sur les personnes handicapées, ce qui conduit à les considérer différemment, donc à leur tenir un autre langage et avoir une autre attitude, une autre façon de les accompagner dans la vie. Quand la pratique de facilitation devient plus subtile et touche le domaine de l’inconscient (psychophanie), il est clair que les exigences de formation deviennent plus fortes pour les facilitants, mais une longue pratique permet de savoir, par l’expérience, qu’au cours d’une séance de CF, certains moments sont plus proches du conscient et d’autres ancrés plus profondément dans l’être. C’est la

raison pour laquelle les conditions pour accéder et continuer une formation sont devenues, ces dernières années, plus exigeantes. On peut alors proposer ce mode de communication à des personnes valides, dans un but thérapeutique ou à des personnes rencontrant des obstacles dans leurs possibilités d’expression (IMC, Alzheimer, comateux, etc.).

Quel accueil pour la CF? Comme de nombreuses démarches nouvelles, dans la panoplie actuelle des relations d’aide, la CF bénéficie à la fois de supporters et de critiques, parfois aussi fanatiques les uns que les autres, ce qui est loin d’éclairer la connaissance. Il est souvent dommage que certains, sans discernement suffisant, présentent cette approche comme une panacée qu’elle n’est pas et, de même, que d’autres s’appuyant sur un magistère parfois contestable et s’appropriant abusivement le terme «scientifique» critiquent, sans une connaissance réelle de la démarche et des exigences éthiques de ses praticiens formés. Jean Michel Olivereau, professeur honoraire de psychophysiologie à l’université René Descartes de Paris, déclarait en février 2000, dans une conférence à des universitaires: «La CF sera validée lorsqu’un nombre

Conversation Je demande à François, 12 ans, autiste profond et mutique comment s’est passé son week-end en famille. Suit alors cette conversation, dans laquelle il s’exprime en CF: pour je fais des petites kestions pour les parents je pourais(?) - Oui, bien sûr! je kroi kil pouraient faire kelkechose kon pourait faire davoir moi des betes... - Tu aimerais avoir un animal? oui un petit mon chien. - Tu voudrais un chien? oui je fais des kroire ke jen ai un toujours moi joublie kil est plus la - Tu peux m’expliquer? oui il est kite la maison pour je garde lui il faut lattacher. Au cours d’une communication téléphonique, les jours suivants, la maman me confirme qu’il y a un chien à la maison, mais que François en a peur. Quand François rentre à la maison pour le weekend, on confie le chien à des voisins... Extrait d’un entretien facilité entre Michel Marcadé et François.

suffisant d’entre nous (à commencer par les chercheurs et les cliniciens) aura: premièrement, saisi qu’une telle approche est beaucoup plus qu’une technique de communication pour déficients mentaux, mais qu’elle permet de renouveler les questionnements sur la nature de la pensée humaine, et deuxièmement, lorsqu’on ne craindra plus les réponses que nous pouvons y apporter...» Positionnement étonnant et courageux, autant que rare, s’agissant d’une discipline nouvelle et controversée. Par ailleurs, le psychanalyste Didier Dumas écrivait, dans sa préface au second livre de Anne Marguerite Vexiau «Un clavier pour tout dire»: «Outil clinique aux multiples facettes, la CF... est non seulement d’un apport inestimable dans une très large palette de troubles mais, de surcroît, elle encourage et dynamise les recherches cliniques sur la communication d’être à être. Laquelle est actuellement considérée par un nombre important de cliniciens, comme une relation télépathique incontournable, tant dans la prise en charge des bébés et des petits enfants que dans celle des mourants et des comateux. Il faut donc saluer, dans les travaux de l’école française de CF et la Psychophanie, une découverte aussi importante, dans la connaissance de l’esprit humain, que celle que fut, au siècle dernier, la psychanalyse.» Voilà qui sonne différemment des propos beaucoup plus réservés, voire discriminatoires, à propos de la CF, dispensés habituellement par les tenants du savoir. Il faut donc penser que, même à ce niveau, les avis sont partagés et que la circonspection nécessaire ne dispense personne d’aller voir plus près de quoi il s’agit. Les praticiens sérieux et leurs formateurs sont tout à fait conscients des écueils que peut rencontrer cette approche (induction, interprétation, manipulation, diffusion maladroite des textes, relation transférentielle, etc.), ils sont soucieux d’une formation et d’un contrôle permanents qui soient une garantie pour les personnes facilitées. Ils souhaitent bénéficier de la confiance qu’on accorde à des professionnels sérieux et que des chercheurs ouverts et courageux les aident dans leur démarche, afin d’améliorer cette pratique de la relation d’aide.


1 Une étude de la fidélité du soutien de la main Fredi Büchel, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève

Le soutien de la main représente un aspect important dans la méthode de la communication facilitée proposée par Rosemary Crosseley, directrice d’un centre de communication à Melbourne, Australie. Cette méthode a été lancée en qualité d’outil devant permettre à certaines personnes handicapées (par ex. personnes autistes, personnes atteintes d’une I.M.C. ou d’un polyhandicap) de s’exprimer par la langue écrite en utilisant un ordinateur. Dans cet article, nous n’avons pas l’intention de discuter le pour ou contre de la communication facilitée. Nous présentons une recherche qui avait comme but de répondre à une question purement méthodologique. Nous avons étudié, auprès de personnes polyhandicapées, dans quelle mesure la technique de soutien de la main pouvait être observée de manière objective et fidèle. La capacité de distinguer fidèlement entre un soutien de la main sans imposer ses propres intentions à la personne soutenue, d’une part, et une manipulation de la personne soutenue, voulue ou non, d’autre part, est en effet une condition préalable pour étudier les effets de cette méthode sur l’apprentissage ou d’autres compétences des participants. Nous avons donc organisé nos hypothèses autour de deux axes: le rôle du médiateur et le contrôle du mouvement. Soutien ou guidance? Nous avons introduit la distinction entre soutien et guidance. La main est soutenue si l’impulsion des mouvements vient de la part de la personne soutenue. Par contre, la main est guidée si les mouvements de la personne soutenue sont influencés par la personne qui la soutient. Par la suite, nous appelons cette personne

«le médiateur». Par son soutien, il se fait l’intermédiaire2 entre les intentions de la personne soutenue et les mouvements de cette personne. Concernant le rôle du médiateur, la question était de savoir s’il était possible de trouver des critères précis et discriminatifs permettant à un observateur averti de juger si l’aide du médiateur était constituée de soutien ou de guidance. Pour que les résultats concernant le contrôle du mouvement soient imputables au participant, l’aide apportée par le médiateur devait être principalement caractérisée par du soutien et non de la guidance. A propos du contrôle du mouvement, nous voulions voir si l’on pouvait constater une amélioration au niveau de la vitesse et de la précision des pointages après plusieurs séances, ainsi qu’à l’intérieur d’une même séance. Pour valider cette amélioration éventuelle, on ne devait pas trouver de corrélation entre le contrôle du mouvement (précision et rapidité des pointages) et l’aide fournie par le médiateur, lorsqu’une telle corrélation était qualifiée comme signe de la guidance. La technique que nous avons étudiée a été mise au point par André Baechler au centre médico-éducatif La Castalie à Monthey, qui était à la recherche de moyens qui devaient faciliter l’apprentissage cognitif avec l’aide de l’ordinateur pour des personnes présentant un handicap moteur grave. Pour cela, il a proposé une méthode facilitant l’utilisation de l’écran tactile grâce à une aide physique apportée à la personne handicapée par un accompagnant expérimenté. Selon les médiateurs qui ont appliqué cette technique, le soutien de la main permettrait dans un premier temps au participant d’améliorer le contrôle de son mouvement au cours de la séance et, dans un deuxième temps, d’amé-

liorer de manière visible la qualité de son mouvement après plusieurs séances. Par son soutien, le médiateur aide la personne handicapée à positionner correctement sa main en isolant un doigt pour pointer. De plus, il l’aide à freiner ses spasmes et lui demande de se détendre. Il se tient très près du participant et garde son bras libre de tout appui, ce qui lui permet de suivre au mieux le mouvement du participant. Par contre, son rôle n’est donc pas toujours neutre, c’est-à-dire que, pendant une séance d’apprentissage, il ne joue pas seulement le rôle de médiateur comme il a été défini cidessus. C’est à lui de juger, à chaque moment, de la nécessité de soutenir ou de guider la personne suivant les objectifs visés lors de la séance d’apprentissage. L’intérêt de notre recherche était de voir si cette distinction était en accord avec les observations faites par des personnes neutres ou non. Au coeur de la recherche Pendant environ quatre mois, les deux observatrices ont suivi quatre personnes présentant un polyhandicap. Pour chaque participant, elles ont assisté à une dizaine de séances individuelles à l’écran tactile avec soutien de la main. Pendant ces séances, les participants ont travaillé avec un logiciel d’apprentissage. Chaque séance a été animée par l’un des quatre médiateurs qui ont participé à cette recherche. Différentes modalités d’observation ont été mises en place, afin de récolter les données. Une des deux observatrices était présente à chaque séance. Elle notait le contenu de chaque pointage sur l’écran. Un pointage a été compté chaque fois que le participant posait son doigt sur l’écran et que l’ordinateur émettait un bip. L’observatrice tenait en outre un journal de bord. Chaque séance était également filmée. Le but était de


juger, a posteriori, si le mouvement du participant était guidé ou soutenu par le médiateur. Ensuite, lors de la phase d’analyse, tous les mouvements de pointage étaient décomposés en trois temps (l’impulsion de départ, le mouvement vers l’écran et le pointage final) et codés comme du soutien ou de la guidance par l’observatrice. En effet, lors d’une même séance, d’une même activité ou à l’intérieur même d’un seul pointage peuvent s’alterner des périodes de guidance et de soutien. Certains passages étaient ensuite sélectionnés afin de les faire coder par une seconde observatrice et parfois, de plus, par le médiateur présent lors de la séance, dans le but de calculer le taux de fidélité interjuges3. Analyse des résultats Des analyses sophistiquées nous ont permis de constater que la distinction entre soutenir et guider dans la technique de soutien de la main sur écran tactile, comme elle a été proposée par André Baechler, est possible avec une fidélité suffisante. En effet, la décomposition du mouvement en trois temps a permis une observation et une interprétation extrêmement fines et précises. Les résultats obtenus indiquent une bonne concordance entre les différents juges. Ces derniers ont généralement interprété l’aide physique fournie par le médiateur de la même manière. De plus, nous avons constaté que trois sur quatre participants étaient significativement plus souvent soutenus que guidés par les médiateurs, et cela dans toutes les 10 à 12 séances. Pour un seul participant, le nombre de guidance dépasse le nombre de soutien dans les deux premières séances. On peut en conclure que les participants ont eu un rôle actif durant les séances. En ce qui concerne l’amélioration au niveau de la vitesse et de la précision des pointages au cours des séances, les résultats sont plus mitigés. D’une manière générale, à l’aide des critères choisis, nous n’avons pas pu mettre en évidence une progression générale. Seul le participant le plus jeune (7 ans) a significativement mieux contrôlé ses pointages dans la deuxième partie des séances. Les trois participants plus âgés (entre 15 et 45 ans) montrent une grande variance de séance à séance. Il

semble que leur capacité de contrôler le mouvement dépend fortement de facteurs non cognitifs qui varient de jour en jour (par ex. l’état physique ou des événements qui touchent l’équilibre sentimental). Pendant l’entraînement de courte durée, l’aide du médiateur ne pouvait pas maîtriser ou compenser l’influence de ces facteurs. Il est important de relever que nous avons trouvé de grandes différences inter- et intra- individuelles dues à l’hétérogénéité de l’échantillon et à la particularité du handicap. Discussion Malgré le résultat très prometteur du point de vue méthodologique, nous avons constaté que l’on ne pouvait pas négliger l’influence physique du médiateur sur le mouvement du participant. Cependant, nous pensons que cette influence ne doit pas être considérée comme négative dans une situation d’aprentissage. En effet, le médiateur avait toujours une bonne raison de guider le participant, par exemple pour lui éviter des frustrations ou pour le motiver. Nous devons souligner que dans cette recherche, nous n’avons pas étudié la communication facilitée comme proposée par Mme Crosseley, mais uniquement le soutien de la main avec le but de faciliter l’apprentissage. Nous pensons que dans une situation d’apprentissage, la guidance fait partie intégrante de l’enseignement. Ensemble avec l’apprentissage par observation (voir par ex. Bandura, 1986), elle est le moteur qui fait avancer la zone proximale de développement, comme elle a été conçue par Vygotsky (1978). Les médiateurs ne servent pas uniquement de «support technique» au participant, leur rôle va bien au-delà. En effet, les séances sont de véritables situations d’apprentissage, comportant de nombreuses interactions entre l’enseigné (le participant), l’enseignant (le médiateur) et la matière (le contenu du logiciel). Or, comme dans toute situation d’apprentissage, on constate une influence de l’enseignant sur son élève. Cet effet a sa raison d’être et ne devrait pas être supprimé. Cette recherche a été exécutée par André Baechler (en tant que médiateur principal), ancien animateur pédagogique 1

au centre médico-éducatif La Castalie à Monthey, VS, et Laurence Gauchat et Joséphine Duc (en tant que chercheurs et observatrices), dans le cadre d’un mémoire de licence de Laurence et Joséphine, dirigé par l’auteur et soutenu en 2005 à l’Université de Genève. André Baechler a aussi mis au point toute la technologie de recherche. 2 Cette définition de médiation ne doit pas être confondue avec celle donnée par Feuerstein (par ex. Feuerstein & Hoffman, 1995). Chez Feuerstein, le médiateur guide l’enfant, le dirige vers un certain but d’apprentissage et lui facilite cet apprentissage de différentes manières (par ex. par la sélection des stimuli ou la réduction des solutions possibles (voir aussi Bruner, 1983). 3 La fidélité interjuges a été calculée à l’aide du coefficient Kappa K corrigé de Cohen et par le coefficient de concordance.

Références Bandura, A. (1986). Social foundations of thought and action. A social cognitive theory. Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall. Bruner, J.S. (1983). Le rôle de l’interaction de tutelle dans la résolution de problème. In J.S. Bruner: Le développement de l’enfant: savoir faire, savoir dire. Paris: PUF. Duc, J., & Gauchat, L. (2005). Une technique de soutien de la main sur écran tactile avec des personnes présentant un polyhandicap. Fidélité et effets d’apprentissage. Mémoire de licence [non publié] soutenu à l’Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Feuerstein, R., & Hoffman. M.B. (1995; Orig. 1980). Conflit intergénération des droits: imposition culturelle et réalisation de soi. In F.P. Büchel (Ed.), L’éducation cognitive (pp. 103-134). Neuchâtel: Delachaux et Niestlé. Vygotsky, L.S. (1978). Mind in society: The development of higher psychological processes. Cambridge: Harvard University Press.


Pratique de la communication facilitée en institution Un outil complémentaire pour un accompagnement socio-éducatif adapté Marie-Claire Opoczynski, facilitante

Les thérapeutes et autres professionnel-le-s du social qui désirent utiliser la communication facilitée comme outil d’accompagnement des personnes handicapées, doivent d’abord trouver l’établissement qui leur permettra de pratiquer cette forme de relation d’aide. Mais au fait, quels sont les bénéfices que peuvent tirer de cette méthode résidents, résidentes et personnel d’institutions? Témoignage d’une praticienne de la CF.

Formée comme socio-thérapeute depuis plus de 20 ans, j’ai toujours travaillé en tant qu’éducatrice. Mon parcours de vie professionnel est étroitement lié à la personne ayant un handicap mental profond et privée de langage verbal. C’est en 1998 que j’ai eu pour la première fois la possibilité d’assister à une séance de communication facilitée (CF). Je pensais très bien connaître la personne facilitée. Ce fut un véritable choc de me rendre compte que je n’avais pas vraiment rencontré cette personne. C’était comme si je la voyais pour la première fois. Son attention, son regard étaient nouveaux. Elle avait une qualité de présence que j’ignorais. Au-delà des écrits en CF, ce sont les émotions dégagées durant cette séance qui m’ont questionnée. Comment avais-je pu passer tant de temps à m’occuper de cette personne sans rien ressentir de tel? Forte de beaucoup de questions sans réponses, j’ai suivi le premier module de formation en CF avec Michel Marcadé. J’en suis revenue avec plus de questions encore, mais déterminée à ne pas laisser de côté la nouvelle possibilité d’entrer en communication avec des personnes privées de langage et qui, pour les plus dépendants, ne pouvaient pas faire de simples choix par eux-mêmes.

Portes ouvertes sur ma pratique Dans un premier temps, j’ai travaillé avec deux personnes, à l’aide de photos et de mots écrits avec réponses multiples, uniquement par geste facilité, pointage avec soutien de la main. Exemple. Je pose la question «Que souhaites-tu comme cadeau de Noël?» Je propose un choix de réponses écrites sur un papier: un habit, un objet de décoration, autre. La personne facilitée pointe un habit. Je poursuis avec un second choix de réponses: un pull, un pantalon, etc. J’ai pu, par ce moyen, avoir de véritables conversations sans recours à l’usage du clavier.

Dans un deuxième temps, ayant débuté mon travail au CSC de St-Barthélemy, et poursuivi ma formation en CF, j’ai commencé à recevoir des résidents en séance individuelle et j’ai introduit la communication à l’aide du clavier électronique ou de papier.

Les objectifs de la CF L’objectif de départ est d’offrir un moyen de communication aux personnes n’ayant pas ou peu de langage verbal, afin de leur permettre de faire des choix, de mieux cerner leur besoin quotidien, de comprendre les problématiques liées à des moments plus difficiles de leur vie. La CF contribue à atténuer les tensions provoquant des comportements inappropriés ou asociaux et offre un soutien. Le suivi d’un résident se fait en étroite collaboration avec le médecin de l’institution. Les séances peuvent avoir lieu à la demande de chacun: facilitant, facilité, médecin, thérapeute, référent ou parent.

Des exemples parlants... de ce que permet la CF Dire son mal-être Lorsque je reçois Bernard en séance, il est en dépression depuis plusieurs mois, semble-t-il suite au changement de maison lors de la restructuration du centre. Il ne mange presque plus et a des difficultés à dormir. Par la CF, il confirme qu’il n’est pas chez lui. Il demande à réintégrer son ancien lieu d’habitation. «Question de vie ou de mort» écrit-il. Le groupe qu’il souhaite rejoindre n’est, a priori, pas adapté à lui. Pour que Bernard puisse réintégrer cette habitation, des entretiens ont lieu en sa présence avec la possibilité de CF, avec le médecin, le directeur, le responsable de groupe. Après avoir évalué cette situation le plus objectivement possible, Bernard change de groupe et retrouve son ancien lieu de vie. Immédiatement, il recommence à s’alimenter et retrouve sa joie de vivre.


Elisabeth Guiffray

Il a fait beaucoup d’efforts pour se faire une place et être accepté auprès de ses nouveaux camarades plus indépendants que lui. Participer aux décisions du groupe Afin que les résidents du centre soient pleinement intégrés dans la vie institutionnelle, une plénière des résidents a été mise en place. De cet organe est issu le conseil des résidents. Il est formé de 13 membres et trois accompagnants socioéducatifs. Nous souhaitions donner les mêmes chances à chacun de nommer les membres de ce conseil et d’en faire partie. Un vote a eu lieu. Pour les personnes n’ayant pas de possibilité de choix par eux-mêmes, je me suis mise à disposition avec le geste facilité tel que décrit plus haut. Le pointage s’est fait sur une liste contenant tous les noms des résidents. Entretenir des liens écrits avec amis et proches. Plusieurs personnes facilitées ont souhaité entretenir un lien écrit avec des personnes proches. Le plus impressionnant est le suivant: Bernard est en institution depuis sa petite enfance. Il parle peu. Tous liens familiaux ont été coupés dans les premières années de sa vie. Sa sœur retrouve sa trace et lui envoie un courrier en 1998/1999. Bernard jette la lettre. Elle lui écrit à nouveau en 2003. Bernard m’apporte la lettre à sa séance de CF. Il commence par exprimer son angoisse par écrit. Que lui veut cette sœur après tant d’années? Et vat-elle l’accepter avec son handicap?

Bernard va travailler sur lui durant plus d’une année; sur sa relation au handicap, à la famille, à sa vie. Pour son 46e anniversaire, la sœur de Bernard est là. Ils se rencontrent pour la première fois et découvrent qu’ils n’ont que 9 mois d’écart. C’est une nouvelle vie qui commence pour les deux. Ils s’écrivent et se voient régulièrement. Patrick quant à lui, a beaucoup de plaisir à écrire des petites lettres à ses amis dans le centre. Il cultive ses liens à toute occasion. Adrien rencontre l’aumônière une fois par mois. Il échange avec elle par la CF et va ensuite faire une balade juste avec elle. Julie aime recevoir les nouveaux stagiaires en séance. Elle leur parle de son vécu, de sa façon de comprendre le monde.

Un outil complémentaire Chacun utilise la CF comme il le souhaite. Dans le centre, une large place est faite à la communication entre le facilité et ses partenaires sociaux. Elle est utilisée le plus naturellement, comme un outil complémentaire. Même la personne la plus dépendante (et peut-être justement celle-ci) a le droit d’interagir avec son entourage et de s’exprimer. Certes la CF est controversée. Elle ne s’explique pas et a une large part dévolue à un côté mystérieux. Sontce des raisons suffisantes pour ne pas l’offrir à des personnes n’ayant pas d’autre moyen d’expression à disposition que leur comportement? Souvent, les éducateurs sont recon-

naissants d’avoir par la CF un retour sur ce qu’ils pensent être bien pour les personnes dont ils s’occupent. Le facilité renforce sa propre personnalité. Il est perçu comme unique dans un groupe d’individus. Le regard posé sur lui change. C’est ce dernier élément qui est le plus souvent cité. Son regard à lui aussi devient plus présent. Il est reconnu comme un être humain avant d’être un handicapé. En tant que professionnelle et membre de la famille des humains, mon but est de contribuer à réduire de plus en plus les inégalités de traitements dues à l’approche que nous avons avec autrui en fonction de ses différences quelles qu’elles soient. Mettre à disposition des moyens de communication tels que la CF y contribue. C’est aussi partir à la rencontre… Marcel, porteur de handicap mental et privé de parole, facilité depuis 2002 écrit ceci: «Je suis souvent déconnecté de me savoir si différent d’âme et de nature. Des deux je me reconnais... Je suis l’âme et le corps et je cherche à relier les deux. Je pense que la CF est un moyen d’y arriver. Ce que je sais c’est l’importance qu’elle a prise dans ma rencontre avec toi. Aurions-nous eu l’opportunité de partager de riches moments sans la CF? Franchement je crois qu’il n’y aurait pas eu de rencontre. Quelle perte alors pour nos deux vies. Voistu quelque part nous sommes désormais unis au-delà des mots. Le cœur a raison des barrières que la vie érige parfois pour nous faire comprendre un peu plus de nous».


La CF au Centre Social et Curatif

Donner la parole au «peuple des silencieux» Jean Foin, directeur du Centre social et curatif, Saint-Barthélémy

Rares sont les institutions à accepter la communication facilitée comme pratique affichée et reconnue dans l’accompagnement des personnes handicapées. Directeur d’un établissement vaudois qui utilise cette méthode, Jean Foin expose, dans cet article, les raisons qui l’ont amené à inscrire la CF au nombre des outils à disposition du personnel éducatif et des résident-e-s, ainsi que son cadre d’utilisation.

Le Centre Social et Curatif est un lieu de vie et de travail pour personnes adultes en situation de handicap, présentant des niveaux d’autonomie très variés. En qualité de lieu de vie, il est également un lieu de rencontres et de partages, un «organisme social» vivant qui grandit, audelà des contraintes politiques et économiques, grâce à l’évolution même des personnes qui le constituent. Afin d’être pleinement représentatif de ses membres, ce «corps social» ne se justifie que s’il prend en compte les avis des différentes personnes qui le composent, avec leurs besoins, intentions, désirs. A sa mesure, chacun doit devenir «citoyen de cette société» et y faire entendre sa voix et son point de vue, faire connaître ses choix et préférences. Portés dans les organes compétents pour les recevoir, ces paroles pourront alors nourrir le débat et contribuer à l’évolution de l’ensemble.

Offrir des lieux de parole

Un «Groupe écoute», guidé par quelques collaborateurs, cultive avec les résidents qui le peuvent et le souhaitent, la prise de parole en leur apprenant à formuler et présenter leur idée à un groupe, à écouter et recevoir celle d’un autre, à échanger et débattre. Cette initiative riche de quelques années d’expérience est complétée aujourd’hui par un «Conseil des résidents» et d’une «Plénière des résidents», autant de lieux où la parole est consciemment cultivée comme moyen de structuration du lien social. Le but fondamental ainsi poursuivi est celui de rendre la parole à ceux que Philippe Caspar appelait dans un de ses ouvrages «Le peuple des silencieux».

La CF, un outil parmi d’autres...

Comment entendre ceux qui ne parlent pas? Les langages ne sont pas seulement verbaux, ils sont pluriels, des communications subtiles se tissent au fil des rencontres, des outils complémentaires sont développés afin de réduire les barrières érigées par l’absence de langage verbal. Dans cette recherche de

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moyens, aucun outil, nous semble-t-il, ne devrait être négligé à priori. La Communication facilitée est considérée à ce titre au Centre Social et Curatif et utilisée comme une prestation dans le cadre du projet individualisé. Elle est un moyen parmi d’autres au service des résidents qui présentent des difficultés significatives dans l’expression orale.

Un cadre d’utilisation rigoureux

Les interrogations légitimes soulevées par cette méthode de relation d’aide nous imposent une pratique dans un cadre professionnel rigoureux, une évaluation permanente, une appréciation et interprétation prudente des résultats. Proposée dans le cadre de la réunion de synthèse, elle est soumise à l’approbation du représentant légal, proposée au résident et en permanence portée à l’appréciation du médecin de l’institution. Tout élément significatif est soumis aux professionnels qui accompagnent le résident ou aux personnes proches concernées. La collaboratrice «facilitante» travaille sous l’autorité d’une charte et d’un cahier des charges validés par la direction et le médecin, qui fixent un cadre éthique et professionnel clair et contraignant. Force est de constater que la dynamique relationnelle induite par cette méthode porte des fruits positifs, manifestés par les résidents eux mêmes. Leur satisfaction évidente à pratiquer cette nouvelle communication, leur participation active et leur force de proposition pour la vie de l’institution leur donne une place significative d’acteur. Leur parole nouvelle est attendue et reconnue par leurs pairs et toute la vie du Centre Social et Curatif s’en trouve enrichie. En luttant contre cette forme d’exclusion, il accomplit sa mission de réhabilitation et d’intégration. Bien que des questions restent aujourd’hui sans réponses, tant que la rigueur, la compétence, la transparence et le regard critique présideront à cet exercice, serait-il vraiment sage ou prudent de laisser certains de nos amis dans leur silence?


La communication facilitée dans notre vie Témoignage de parent Line Short, maman de Caroline et facilitante1

Qui utilise la CF et pourquoi? Cette maman de personne polyhandicapée a accepté de raconter son histoire, son cheminement et ses errances, jusqu’à sa rencontre avec la communication facilitée. Une découverte qui a changé sa vie, celle de sa fille Caroline, ainsi que les relations de cette dernière avec l’entourage

Line Short est également écrivain. Elle a écrit plusieurs ouvrages pour la jeunesse. L’un d’entre eux lui a été inspiré par sa vie auprès de Caroline: «L’enfant qui ne parlait pas», à découvrir sur: www. histoires-3millenaire.ch

Alors que je plonge mon regard dans les yeux de mon bébé, âgé de deux mois à peine, les étoiles qui y brillent mettent mon cœur en joie. Bien loin de moi sont les mots de mise en garde des médecins spécialistes qui nous ont annoncé, à mon mari et à moi-même, les déficiences possibles de notre petite fille. Caroline est mon premier enfant et l’avenir nous appartient… Après quelques mois cependant, je dois bien me rendre à l’évidence: le développement de Caroline ne suit pas la courbe habituelle des bébés de son âge. Commence, alors, la valse des consultations auprès de nombreux spécialistes et professionnels de l’enfance handicapée: neuro-pédiatre, physiothérapeute, ostéopathe, éducatrice spécialisée. Un cursus que connaissent bien tous les parents d’un enfant «différent». Un emploi du temps très chargé, mais de belles rencontres avec des professionnels qui savent trouver les mots justes pour nous accompagner dans notre cheminement. La lecture de différents livres me soutient dans mes nouveaux apprentissages auxquels rien ne m’a préparée. Je retiens tout particulièrement ceux de Françoise Dolto, psychiatre. Dans ses écrits, Madame Dolto met en avant la capacité du bébé de comprendre son entourage et d’entrer en contact avec lui, avec les moyens qui lui sont propres (cris, pleurs, sourires). Elle invite donc les parents à verbaliser leurs gestes et leurs émotions, pour rassurer leur bébé. Cette lecture me permet d’appréhender plus sereinement mon quotidien avec Caroline. Mon bébé, tout comme n’importe quel petit enfant, a la capacité de me comprendre, je le sais… A l’âge où les jeunes enfants babillent et prononcent leurs premiers mots, Caroline ne montre aucun signe à vouloir s’exprimer verbalement. J’apprends donc à décoder son langage corporel, tout comme son langage «visuel», car ses yeux sont très expressifs. Je continue de développer mon intuition au contact de ma petite fille handicapée, comme le font tous les parents avec leur nourrisson. «Handicapée»: il me faut beaucoup de

temps avant de pouvoir prononcer ce mot, tout comme il me faut beaucoup de temps pour demander au neuro-pédiatre en charge de notre enfant, de quoi souffre précisément Caroline: «polyhandicap»2, me répond-il. Ses explications me permettent de mieux comprendre la réalité qui se cache derrière ce terme; je réalise également que Caroline a peu de chances de développer un langage verbal. La venue d’une deuxième petite fille, Rébecca, 2 ans et trois mois après Caroline, nous est d’une grande aide dans l’acceptation du handicap. Avec Rébecca, nous vivrons une enfance «dans la norme»; avec Caroline, nous découvrirons une autre réalité.

Rencontre avec la communication facilitée (CF) A quatre ans, Caroline est scolarisée dans une école spécialisée qui accueille des enfants porteurs de divers handicaps. Elle ne parle toujours pas, mais je sais qu’elle comprend parfaitement ce qui se dit autour d’elle. Aussi, je demande à son entourage de veiller aux paroles prononcées en sa présence, tout particulièrement s’il s’agit de sa personne. Notre première rencontre avec la CF, nous la devons à l’ostéopathe de Caroline, qui me remet un article présentant ce nouveau moyen alternatif de communication. Il s’agit d’un témoignage recueilli auprès de Madame Anne-Marie Vexiau, suite à la publication de son livre «Je choisis ta main pour parler». Orthophoniste, Madame Vexiau a introduit en France une méthode révolutionnaire de communication avec des personnes privées de langage verbal, qui s’adresse principalement aux autistes, mais peut également être utilisée avec d’autres handicaps. Le lendemain, j’achète son livre et le lis assidûment, il a une telle résonance en moi! Enfin, je vois écrit, noir sur blanc, ce que je sais depuis toujours: mon enfant, malgré son handicap, est intelligente! Elle peut penser, elle peut apprendre. Quel soulagement! Et quel espoir!

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Caroline et sa maman - Photo Manuela Thurre

lui parler comme à une enfant de son âge. Caroline a alors sept ans. Je répète à ses maîtresses combien elle peut être attentive. Un beau jour, l’une d’entre elles s’exclame: «Mais Caroline comprend tout ce qu’on lui dit!» Enfin, la reconnaissance du monde professionnel! Je partage avec les enseignantes mes apprentissages en CF. Ceux-ci n’éveillent aucun commentaire; le scepticisme est de mise à l’égard d’une méthode si différente, qui n’a pas encore reçu l’aval des scientifiques. Moi, je suis de plus en plus convaincue de sa pertinence!

Les premiers pas avec la CF Enthousiasmée par ma lecture, je prends contact avec l’antenne suisse romande pour la CF et m’inscris à un premier module de formation. J’y apprends, en compagnie d’autres parents et professionnels du monde du handicap, les bases de la CF, l’historique, le geste facilité, comment accompagner le mouvement sans le diriger, comment ressentir l’impulsion de la main, index pointé, vers le choix souhaité, pictogramme ou lettre alphabétique. Partie théorique, avec films témoignages à l’appui, mais aussi ateliers de pratique. De retour à la maison, j’exerce aussitôt avec Caroline mes nouvelles connaissances. Caroline assise sur mes genoux, sa petite sœur Rébecca à nos côtés, nous lisons des livres de développement pour les tout-petits: Caroline pointe les images, les couleurs, les notions spatio-temporelles: en haut, en bas, derrière, devant etc. Je m’efforce de ressentir l’impulsion de Caroline vers l’image choisie, sans la guider. Mo-

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ments intenses d’apprentissage mais aussi bonheur immense de partage, toutes trois réunies… Les acquis de Caroline seront confirmés plus tard, par divers travaux d’observation effectués dans le cadre de son école. Caroline apprend, et surtout, Caroline choisit. Les habits qu’elle souhaite porter, son goûter, la musique qu’elle désire écouter, le livre à découvrir.

Impact sur l’entourage proche et élargi Nous «jouons» avec la CF. Aussi, nous lisons beaucoup d’histoires, soit Caroline et moi, ou accompagnées de Rébecca. Caroline n’a toujours pas de langage verbal, mais ses yeux suivent avec attention les activités proposées. Le regard que mon mari porte sur notre enfant change. Il découvre une enfant curieuse. Caroline développe sa propre personnalité, avec un caractère bien trempé, mais un sourire radieux… Je parle de nos progrès en CF à ma famille et j’encourage son entourage à

«Le regard dit tant de choses de chacun. Il transperce la carapace, traverse les couches. Il permet la rencontre des âmes». Caroline, facilitée par Anne-Catherine6

La peinture facilitée Je continue ma formation en CF avec le 2e module, où j’affine les connaissances acquises lors du premier, et où je peux partager les questionnements soulevés par ma pratique avec Caroline Caroline et moi sommes à l’aise avec l’utilisation des pictogrammes pour les choix de la vie quotidienne, mais il me tarde de passer à l’étape suivante: le dialogue au moyen du clavier3. Malgré toute ma bonne volonté, je n’arrive pas à accueillir les pensées de Caroline, ces pensées que je souhaite tant découvrir et que je ressens si riches. Mon désir de communiquer avec elle est si grand, que je crée un «barrage» à l’expression de ses messages. Il s’ensuit alors une longue période de découragement, même si, au fond de moi, je sais que le temps joue en notre faveur. Lors d’une conférence sur la peinture facilitée, donnée par Madame Catherine Donnet, praticienne en CF, je reprends espoir. Mon enthousiasme retrouvé, Caroline et moi nous initions avec bonheur à la peinture facilitée. Quelle joie de voir la couleur donner forme aux émotions de Caroline. Caroline est heureuse de pouvoir s’exprimer par le biais de la peinture; je lui demande de commenter ce qu’elle peint, et le dialogue s’établit. Quant à nous, ses parents, nos attentes sont


«La peinture met l’âme en fête, qu’elle soit pratiquée par un professionnel ou par un amateur. Pour moi, la peinture vibre, les couleurs me font rêver et je m’évade.» Caroline, facilitée par Line

Richesse du texte, du moment partagé Depuis plusieurs années maintenant, je communique avec Caroline par le biais du clavier et à chaque fois, je suis comblée par la richesse de ce qui s’écrit. Si Caroline parle parfois de sujets anodins, ses textes expriment le plus souvent des pensées très lucides, parfois teintées de philosophie. Je découvre son «intelligence de cœur». Mon cheminement à ses côtés m’inspire la réflexion suivante: les personnes handicapées sont peut-être là pour nous ouvrir à d’autres dimensions, d’autres possibles… Le geste facilité prend vie dans une relation de confiance entre les deux partenaires. Abandonner sa main dans celle de l’autre n’est pas un geste anodin. Lorsque nous sommes assises côte à côte, la main fragile de Caroline posée dans la mienne, toute notre attention portée vers ce moment de communication, le temps s’arrête. Nous sommes dans une bulle, nous touchons du doigt le sublime…

Les effets bénéfiques de la CF La CF a permis à Caroline d’exprimer ses joies, ses émotions, mais aussi ses colères à l’égard de son corps déficient. La CF a ainsi apporté un mieux-être tant psychique que physique; elle lui a permis «d’apprivoiser» son corps si difficile à habiter. Caroline est devenue plus sereine. Même si, parfois, le temps manque à une pratique régulière, elle se sait entendue. «Quand le corps ne répond pas toujours, on apprend l’abandon. Ne pas

vouloir est important pour ne pas souffrir de ne pas pouvoir, et alors son cœur s’ouvre à autre chose. Ce que j’aime c’est écouter les cœurs». Caroline, facilitée par Anne-Catherine Actuellement, Caroline est également facilitée par une autre personne. Il me paraît, en effet, important qu’elle puisse s’exprimer avec quelqu’un hors du milieu familial. Deux facilitantes différentes, mais un style d’écriture identique confirme que les écrits sont bien ceux de Caroline. De nombreuses «validations4 viennent certifier cela.

Notre vie actuelle A seize ans, grâce à la CF, Caroline se sent reconnue dans la valeur de sa vie. Nous voyons en notre fille une personne à part entière; elle a trouvé sa place dans notre famille. Il existe une grande complicité entre Caroline, son papa, sa petite sœur et moi. En compagnie de Caroline, nous travaillons pour l’intégration de la personne handicapée. «Plus on donne, et plus on reçoit. C’est une vérité que je vis tous les jours. Ceux qui m’écoutent, ou plutôt ceux qui m’entendent, partagent avec moi leur cœur. Leur cœur est beau et bon.» Caroline, facilitée par Anne-Catherine Ce que j’ai appris, ce que j’apprends, aux côtés de Caroline, j’ai souhaité le partager avec d’autres personnes handicapées de la parole. Aussi, j’ai suivi les modules 3 et 4 de la formation en CF. Depuis plus de deux ans, j’accompagne ainsi une personne adulte privée de langage verbal, suite à un traumatisme crânien. En ce début 2008, j’ai cessé mon ancienne activité professionnelle, pour me consacrer entièrement à ma nouvelle activité: praticienne en communication facilitée. Grâce à Caroline, j’ai découvert la richesse de la différence. Malgré leurs grands handicaps, les personnes polyhandicapées, et autres personnes déficientes, ont un rôle à jouer dans notre société, dans nos vies. Elles nous remettent face à l’essentiel: notre capacité «d’être» humain.

Manuela Thurre

comblées. Nous découvrons la variété de son monde intérieur. Nous percevons sa capacité d’observation. C’est avec grand plaisir que Caroline peut ainsi offrir une peinture de sa création, accompagnée d’un petit mot personnel, à la personne de son choix.

«Nous sommes une grande famille de cabossés5 à l’extérieur, mais des boules de cristal à l’intérieur. Chacun brille de sa propre couleur, vibre à sa propre fréquence. Les fréquences sont chacune une note de musique qui, mises ensemble, composent une musique magnifique, une musique pour les anges.» Caroline, facilitée par Line Bien à vous,

Line et Caroline

Facilitant-e: la personne qui soutient la main. Facilité-e: la personne qui s’exprime 2 Infirmité Moteur Cérébral, doublée d’autres handicaps sensoriels ou d’une déficience intellectuelle. 3 Le clavier est l’instrument de base utilisé dans la communication libre en C.F. Il peut s’agir d’un simple organiseur, d’un clavier d’ordinateur ou d’un clavier imprimé sur papier. 4 Les validations sont des écrits qui expriment des faits inconnus du facilitant. 5 Caroline utilise ce terme pour faire référence aux personnes handicapées. 6 Caroline est facilitée par Anne-Catherine Bruchez, 1934 Le Châble, Valais 1

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Un jour, quelqu’un m’a pris la main au-dessus d’un clavier... Témoignage d’une personne facilitée Elisabeth Guiffray, Lyon

Nous avons demandé à Elisabeth Guiffray de se présenter et de nous dire ce que la communication facilitée représentait pour elle, ce qu’elle lui apportait. Voici les textes qu’elle nous a envoyés avec une demande: respecter son style sans ponctuation.

Le blog d’Elisabeth Guiffray:

Elisabeth et Anne-Marie Guiffray

http://moije.blogs-handicap.com/

«Moi je suis née avec une infirmité motrice cérébrale; je suis ce que l’on appelle une personne handicapée en grande dépendance. Ma vie a été partagée entre ma famille et les centres. La dépendance, je l’ai vécue comme normale pendant longtemps j’étais comme ça c’était moi et puis un jour j’ai réalisé ce que j’aurais pu faire j’aurais pu marcher courir j’aurais pu dessiner écrire seule j’aurais pu parler j’aurais pu… Mais le handicap fait partie de moi j’ai eu des phases de rébellion de questions et puis j’ai eu aussi moments de partage avec les copains inexprimables car particuliers entre nous. Ma famille c’est papa maman et ma sœur qui depuis toujours font bloc autour de moi contre les autres contre leurs attitudes de pitié contre leur parole de désespoir contre leur regard fuyant.

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L’amour qui nous unit est tellement fort qu’il se voit et un comble entraîne jalousie autour de nous. Les centres c’est établissements spécifiques pour les IMC comme moi avec pour les jeunes une éducation et pour les adultes des activités. L’infirmité motrice cérébrale est encore mal connue les professionnels ont tâtonné ont inventé une éducation adaptée mais sans véritablement connaître ce que pouvait entraîner notre handicap au-delà de ce qui est visible. Mais j’ai appris avec eux des notions de formes de couleurs j’ai aussi appris les autres la vie en collectivité. Ma famille complétait cette éducation par une multitude d’activités piscine visite de musées de salons livres lus de philosophes. Une vie un peu hachée entre la maison et le centre des divergences parfois sur ce qui était mieux pour moi. Mon mode de communication est le oui non j’explique on me pose une question et je réponds par oui ou par non très utile pour le quotidien mais si la question n’est pas celle que j’attends si le thème n’est pas celui que je veux aborder on cherche et on est à côté. Alors comment moi je pose des questions comment moi je parle de ce qui me préoccupe comment moi je peux parler de mon handicap comment moi je peux parler de ce que j’entends et qui me fait souffrir comment moi je fais partager ma joie comment moi je peux dire ce que je voudrais comme vie. Comment quand ma mutité ne me permet que des sons discordants et incompréhensibles ? Un jour quelqu’un a pris ma main au dessus d’un clavier avec des lettres et magie je peux dire avec les mêmes mots que j’entends exprimer mes pensées.

Ce moment reste gravé dans ma mémoire comme une nouvelle naissance à la vie.


J’ai pu mettre des mots sur mon handicap...

Ces mots que je ne peux dire je peux les écrire sur un clavier si quelqu’un me soutient la main est en empathie avec moi et laisse ma main galoper sur les touches pour pointer encore et encore. J’ai pu grâce à la communication facilitée mettre des mots sur mon handicap mette des mots sur mes souffrances sur mes ressentis de situation sur les autres sur ma perception de la vie ces mots me relient au monde me remettent dans un espace où je peux partager. Longtemps je n’ai parlé que de moi trop de mots devaient être pointés trop de pensées se bousculaient j’ai quarante ans de silence à rattraper puis aujourd’hui j’ai rassemblé mes idées j’ai structuré ma pensée pour être synthétique. Certains disent que je vais à l’essentiel c’est parce que je ne suis pas détournée de ce que je veux dire mes écrits pour exister doivent attendre une main qui soutient la mienne il ne faut donc pas de parlotes qui n’intéressent pas ou qui sont futiles il faut mots percutants qui expriment mes pensées.

Ne me renvoyez pas à mon silence...

Ici je pointe pour que tous sachent ce que la communication facilitée apporte à une IMC mutique c’est important car notre handicap laisse supposer une absence de pensée profonde un manque d’intérêt pour le monde alors qu’une fois notre souffrance d’être handicapé exprimée partagée avec nos proches c’est ouverture aux autres au monde. Ne me renvoyez pas à mon silence monde creux où la vie perd son sens où elle est vide des mots enfouis dans ma tête et qui ne veulent que sortir pour que je me sente membre à part entière de l’humanité. Merci aux responsables du journal qui permettent mon expression mon témoignage sur la CF. Merci à toi lecteur de regarder autrement les mutiques de les regarder comme des personnes dont le handicap les rend différents mais en voyant caché derrière le handicap l’être qui souvent attend un vrai regard un sourire une parole.»

Pensée vive Fugace ou réfléchie mais toujours vive. Action pour moi est inconnue hormis une gestuelle mal contrôlée ou une parole plutôt sonore et jamais compréhensible. Action par les autres sur mon corps lente trop lente mais nécessaire à ma survie. Temps toujours décalé avec en plus les temps d’attente attendre je le pratique sans cesse mon handicap m’y contraint mais extérieurement je n’aime pas ce temps il est pourtant pour moi riche d’observation de réflexion et de méditation mon intérieur en est empli de ce temps où ma pensée tourne à mille tours ou au contraire ressasse retourne approfondi. Deux rythmes de vie pour moi différents et correspondant rarement sauf lorsque je pointe magie qui relie ma pensée aux autres par une gestuelle à deux mains. Bonheur de ces instants. Elisabeth Guiffray

Position officielle d’Autisme Suisse romande, à propos de communication facilitée

Lorsque nous parlons de communication facilitée (CF), nous entendons la technique qui consiste à soutenir le bras, la main ou le poignet d’une personne placée devant un clavier (le facilité); celui qui soutient est le facilitant. Notre position concerne uniquement les personnes avec autisme et privées de parole. De même que la plupart des associations de parents d’enfants autistes, nationales ou internationales, nous recommandons, à tous les niveaux de prise en charge, le recours à des méthodes éducatives basées sur la structuration du temps et de l’espace. Plus généralement, nos recommandations vont à des méthodes dont l’efficacité a été scientifiquement démontrée et qui se basent sur les besoins (respectivement les déficits) spécifiques des personnes autistes. Dans ce contexte et concernant l’aide à la communication, nous privilégions le recours à des supports visuels. La communication facilitée est une technique dont la fiabilité des résultats n’a pas été scientifiquement démontrée. Elle ne fait donc pas partie des méthodes que nous recommandons dans le cadre d’une prise en charge publique des personnes autistes. Nous pensons que les écoles ou les institutions ne devraient pas utiliser de façon généralisée cette méthode chez les personnes autistes. Ces remarques ne sauraient toutefois en aucun cas se substituer à la liberté de choix et aux convictions des parents. Des situations concrètes, empreintes de bon sens et de pragmatisme nous ont été rapportées. Si, grâce à la CF, il y a entre parents et enfant autiste une amélioration de la qualité de la communication et donc de la qualité de vie, alors nous ne pouvons que nous en réjouir, comme un médecin se réjouirait de l’amélioration de la santé de son patient qui a recours à l’homéopathie, alors que lui-même n’est pas convaincu des vertus de cette médecine «parallèle». Pour reprendre cet exemple, nous ne soutenons pas l’application généralisée de la CF pour les autistes dans les structures publiques comme les médecins ne prescrivent pas de façon généralisée le recours à l’homéopathie dans les hôpitaux. Jusque-là, nous n’aurions pas de véritable problème avec la CF si nous ne devions toutefois constater que cette méthode peut ouvrir la porte à des situations préoccupantes, notamment lorsqu’il s’agit d’interpréter ce qu’a écrit le facilité. Utilisée à mauvais escient, par des personnes mal intentionnées ou abusant, consciemment ou non, de leur position de facilitant, cette technique présente un danger réel dont les parents doivent être avertis.

Autisme Suisse romande Lausanne, le 13 septembre 2005

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Moi, je peins libre...

La peinture facilitée Catherine Donnet, art-thérapeute à Perceval, Saint-Prex

«N’oublie pas que je vois par tes yeux. Je m’installe derrière ton regard libre et transparent». Passée du travail en guidance au geste facilité, Catherine Donnet, art-thérapeute, explique les raisons de son choix, les exigences de la méthode et les satisfactions que cette pratique apporte aussi bien aux facilitant-e-s qu’aux facilité-e-s . «Nous devenons alors partenaires, écrit-elle, dépassant pour un moment la barrière du handicap».

Voici de nombreuses années que j’ai la joie de travailler en peinture auprès des personnes handicapées. J’ai utilisé pendant longtemps le travail en guidance, entraînant la personne dans mon mouvement, dans mon dynamisme pour la mener au but que j’avais choisi. Je l’assistais avec bienveillance. Quand le geste facilité est apparu dans ma vie, j’ai pour la première fois senti que j’étais autorisée à découvrir avec tout le tact nécessaire le monde intérieur de la personne handicapée. Depuis lors, ma façon de travailler est toute autre, ainsi que le regard que je porte sur le handicap.

Présence et disponibilité Peindre en facilité me demande deux qualités: une grande présence et une totale disponibilité. L’expérience m’a appris qu’en chacun vit un artiste qui attend d’être réveillé. C’est à lui que je fais appel quand je soutiens la main. Ma présence calme, rassurante et constante, réveille sa présence, la stimule

«Suave peinture de liberté. Les papillons perdent leurs ailes, moi je les fais pousser. Peinturer librement accroît ma libre acceptation de mon handicap.»

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Catherine Donnet

Le papillon (nov. 07)

et je sens la personne descendre dans ma main jusqu’au bout de ses doigts, jusqu’au bout du pinceau. Dès qu’elle prend l’initiative d’un mouvement, du choix d’une couleur, je m’efface progressivement pour qu’elle apparaisse toujours davantage. Si je suis son support sur lequel elle s’appuie avec confiance, j’essaie aussi d’être une véritable écoute. Seuls ces deux facteurs permettent, selon moi, une expression totalement libre. Nous devenons alors partenaires, dépassant pour un moment la barrière du handicap. Cette véritable rencontre permet que toute personne puisse se révéler quel que soit son handicap.

Un matériel simple, des visions poétiques... Un matériel simple nous accompagne: une feuille de papier, une boîte d’aquarelle de 24 couleurs, quelques pinceaux et un organiseur. Le peintre peut ainsi, s’il le désire, commenter ses peintures ou illustrer ses propos.


L’oiseau (octobre 07)

Catherine Donnet

«Oiseau libre dans le ciel - Pourquoi as-tu choisi le rouge? - pour mieux parader - Pourquoi regarde-t-il en arrière? - Il est comme moi. Je n’ose pas me mener seul.»

Lorsque j’ai demandé aux peintres de décrire leur expérience en PF, voici ce qu’ils partagèrent: «L’unité doit être trouvée pour peindre: la rencontre sur la feuille est ma chance de participer vraiment.» «Joie d’unir nos mondes inconnus au monde des hommes bien portants.» «Ma peinture ressemble très fort à notre «je saurai t’entendre.» «N’oublie pas que je vois par tes yeux. Je m’installe derrière ton regard libre et transparent.» Je voudrais ici rappeler que jamais je ne sais ce que la personne veut peindre. Sa gamme de couleurs m’est totalement inconnue, son geste m’est étranger, la façon dont il compose son tableau est souvent inverse à la mienne…, par exemple peindre un personnage en commençant par les pieds, le mât d’un bateau par une horizontale… La feuille sera à redresser en fin de séance!...Seul un lâcher-prise total dans ma tête, mes émotions et ma main lui ouvre l’espace de liberté tant attendu. «Je suis sûr de moi quand tu me tiens. Des idées lentement arrivent et je rencontre ma vraie pensée. Moi aussi je suis capable de construire une image avec ton soutien, c’est la joie. Tout seul je m’embrume. Chaque leçon je me retrouve vraiment.»

«Je m’apprivoise par la peinture. Je décide de me montrer ouvert pour laisser les gens me connaître. La peinture permet de me sentir pour faire les premiers pas vers l’autre partie handicapée. Je suis libre de me cohabiter.»

Plus qu’un résultat visible, un vécu en transformation... Si les peintures sont parfois représentatives, elles peuvent aussi être composition aux multiples nuances. Les couleurs se juxtaposent alors ou s’unissent et parlent selon la place qu’elles occupent et leur ordre d’apparition sur la feuille. La peinture facilitée n’est donc pas un résultat visible à afficher mais bien davantage un vécu en transformation allant jusqu’à la réalisation du jour. Lorsque la personne choisit de signer sa feuille, elle signifie par là qu’elle a atteint son but et en est satisfaite. Les vécus sont multiples et évoluent au cours des séances. Les premières peintures sont souvent consacrées au partage de la souffrance gardée en soi depuis si longtemps. Il est à remarquer que malgré le chagrin, la détresse, la colère, aucune peinture n’est arrachée ou trouée. Souvent les tons vifs se confrontent, les mélanges s’assom-

brissent mais les personnes gardent une dignité qui me touche profondément. Au cours des séances suivantes un véritable apaisement apparaît sur le visage ainsi qu’une concentration accrue et souvent beaucoup d’humour. De nouveaux thèmes sont alors abordés: la vie au quotidien avec ses difficultés et ses surprises, la place dans la famille, l’importance des relations, qui suis-je? la vie professionnelle, les loisirs, la maladie, la mort, le sens du handicap, la place dans la société, l’écologie… L’essentiel pour la personne facilitée en s’exprimant ainsi, est de se reconnaître sous le manteau du handicap comme une personne entière, riche d’une vie intérieure, riche d’une histoire unique, riche d’avenir. C’est donc avec un grand plaisir et avec la permission des personnes facilitées que je laisse la place aux peintures ainsi qu’au petit texte qui les accompagne: «Les peintures tu peux les présenter. Les regarder abreuve le cœur. Rareté d’être si vrai. Laisser toucher votre cœur pour recevoir notre vrai visage. Moi je peins libre.»

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Ethique et communication facilitée Conférence de Jean-François Malherbe Michel Marcadé, formateur en CF

Toute relation d’aide présente un risque de violence, dans la mesure où celui ou celle qui est censé-e apporter de l’aide n’arrive pas libre d’attente face à la personne à aider. La communication facilitée n’échappe pas à cette règle. L’éthique est donc le respect de la surprenance de l’autre, «un chemin de non-violence», dit encore Jean-François Malherbe, qui ajoute que pour le réaliser, trois conditions sont indispensables: formation permanente, supervision et intervision.

Tel est le titre d’une conférence suivie d’un débat donnée le 12 avril 2008 par Monsieur Jean-François Malherbe, à la Fondation Perceval (Saint-Prex, VD) sur invitation de l’association CF-Romandie, pour un public de parents et professionnels. Jean-François Malherbe, philosophe, professeur d’éthique (Ecole supérieure en éducation sociale à Lausanne, Université de Sherbrooke au Canada, Università degli Studi di Trento en Italie) est bien connu dans notre région où il a apporté son concours dans bon nombre d’institutions. N’étant pas un spécialiste de la Communication Facilitée (CF ci-après), JeanFrançois Malherbe introduit son sujet en nous rappelant que celle-ci est simplement à considérer comme un outil approprié dans certaines relations d’aide et que c’est sous cet angle qu’il en traitera.

Rationnel et irrationnel Le conférencier nous rappelle que longtemps en Occident, c’est dans l’Eglise qu’étaient détenues les hautes formes de savoir. Puis c’est une réaction anti-cléricale qui amena la naissance des universités. C’est alors qu’apparut une distinction entre «l’être-qui-connaît» et la connaissance qu’il détient. Et c’est ainsi qu’on passa du savoir «ésotérique» au savoir «exotérique» dispensé aujourd’hui dans nos écoles et universités. Selon Jean-François Malherbe, on peut illustrer ce savoir exotérique en disant qu’aujourd’hui on peut être professeur de philosophie sans pour autant être sage. L’implication dans une auto-transformation n’est plus jugée nécessaire. En revanche, il admet que certains dogmatismes ont parfois envahi les universités, autant publiques que privées. C’est cette orientation qui aujourd’hui est appelée rationnelle. À côté de cette orientation, ce qui est considéré actuellement «irrationnel» est tout simplement ce qu’on ne sait pas

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encore expliquer. Concernant la CF, Monsieur Malherbe constate qu’elle ne fonctionne que si les personnes qui la pratiquent sont engagées sur un chemin de travail intérieur, mais il pense que cela est commun à toutes les démarches qui impliquent une relation d’aide.

L’éthique, un travail sur soi, une culture de la surprenance L’éthique est le travail que je consens à faire avec d’autres sur le terrain, pour réduire autant que possible l’inévitable écart entre mes pratiques affichées et celles que je voudrais avoir. Ici encore, nous devons revenir sur un lieu commun: on nous a appris à l’école à ne pas être trop subjectifs, mais nous sommes, de fait, des sujets. Et le travail qui me revient est en réalité d’assumer ma propre subjectivité, en ne l’imposant pas comme norme universelle. Il y a, bien sûr, toujours un écart, plus ou moins grand, entre ce que nous voudrions être, pouvoir, savoir et ce qui se passe effectivement dans nos pratiques et notre vécu. Cet écart est lié à notre condition humaine, mais nous pouvons travailler à le réduire. C’est en cela que consiste l’éthique et c’est ce travail sur nous-même qui donne naissance à un sujet. En quoi consiste un sujet, interroge le conférencier? Le sujet est un surprenant créateur d’harmonie. Et il explique: nous héritons en naissant de certaines conditions, mais qui dit «je», quand je parle? Il évoque les liens avec les générations passées (Constellations Familiales). Mais ne s’agit-il pas plutôt de ce que d’autres nomment le karma? De même, à travers les rêves, les cauchemars, les lapsus, etc., comme l’a démontré K.G. Jung, je peux rencontrer «qui je suis» dans ma nature intérieure. Mais nous constatons toujours un écart entre ce que nous souhaitons être et ce que nous sommes et il nous faut travailler


Elisabeth Guiffray

à rétrécir l’angle de cet écart, pour entrer en harmonie avec soi-même. Comment? Les pratiques de méditation sont l’outil pour cela. On pourrait définir la spiritualité comme le rapport que le sujet s’autorise à une certaine «surprenance». Avec chaque mauvaise nouvelle qui arrive, il y a une bonne nouvelle. Si on reconnaît cela, nous dit maître Eckart, cité par le conférencier, les choses ne nous dictent pas ce que nous devons être.

La CF comme relation d’aide La relation d’aide met en relation deux sujets: un qui est censé avoir besoin d’aide et un qui est censé lui apporter cette aide. Or, nous dit Platon, le vrai dialogue n’est possible qu’entre experts. Et l’expert, selon celui-ci, est celui qui sait tracer la frontière entre ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas. La relation d’aide a pour but: aider l’autre à devenir soi. Mais sait-on qui est cet autre? Pour accomplir une telle aide, il faut être sans attente, sinon je vais induire chez l’autre le désir de se conformer à ce que j’attends de lui. Paraphrasant des propos de maître Eckart, on pourrait dire qu’il s’agit de «voir l’autre tout nu dans son vestiaire», avant que l’aidant ne le revête de tout ce dont il souhaite le voir revêtu. Il s’agit d’éviter toute violence, car est violence tout acte, non-acte, attitude, etc. qui vise à obtenir autre chose d’un sujet que ce que celui-ci n’aurait pas fait spontanément. On admet toutefois des violences «constructives» en pédagogie notam-

ment, mais on sait aussi que le cadre peut parfois en être excessif. Or, comme toute forme de relation d’aide, la communication facilitée est un risque d’extrême violence. On peut, par exemple, induire quelque chose qui ne correspond pas au désir profond de l’autre. Mais, bien heureusement, le contraire est aussi possible.

Etre sans attente pour percevoir l’autre La «violence éducative» veut accompagner le développement de l’autre; mais il y a toujours un risque que passe, à travers notre comportement, de la violence destructrice, Une possibilité existe cependant de résoudre le problème: être «sans attente», en se faisant disponible ou sur le chemin de la disponibilité. Maître Eckart formule cela ainsi: «Moins j’ai d’attente et plus je peux percevoir l’autre.» On pourrait voir l’éthique comme l’art de transmuter de la violence destructrice en violence constructrice. C’est un chemin de non-violence et, pour le réaliser, trois conditions sont indispensables: formation permanente, supervision et intervision, être sur un chemin de «surprenance». Cette conclusion ne pouvait que satisfaire les praticiens en CF qui ont inscrit ces exigences clairement dans leur charte éthique et leurs programmes de formation.

... «Mes dons d’écrivain se révèlent et j’ai la joie de l’écriture. J’écris depuis longtemps sans que personne ne puisse lire, c’est important pour moi. C’est une source de joie renouvelée chaque semaine et un dialogue de vie...» ... «Joie d’unir nos mondes inconnus au monde des hommes bien portants...» ... «Dire pour moi est la meilleure façon de comprendre» ... «Pour mes parents, la santé suffit, mais la santé sans parole est vie sans musique» ... «La CF est ma respiration; c’est vital. Chaque fois, je suis très content de me sentir écouté. Je trouve qu’une fois par semaine, c’est pas assez,mais je suis habitué. Je voudrais dire aussi que j’écris à ma famille et c’est aussi important pour maman de recevoir mes lettres; chaque téléphone elle me dit combien elle se réjouit de me lire» ... Extrait de «Fleurs de paroles», recueil de témoignages de personnes facilitées

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2008, la SGIPA fête ses 50 ans Quand toute une institution se met au sport Marie-Paule Zufferey, rédactrice

«Le bénéfice majeur du sport est la culture du calme intérieur». C’est cette phrase du baron de Coubertin qui pourrait servir de base explicative aux relations privilégiées que la SGIPA entretient avec l’activité sportive.

Pionniers

Nous sommes en 1976, quelque 18 années après la création de la SGIPA. Ses responsables d’alors, soutenus par l’inspecteur d’éducation physique au DIP de Genève, ainsi que par le directeur du Service de la santé et de la jeunesse conviennent de la nécessité d’instaurer, dans l’institution, la pratique de l’éducation physique. Leur réflexion les amène également à constater que pour répondre avec efficacité aux besoins en la matière des personnes handicapées mentales, il est essentiel d’entrer plus avant dans «la compréhension des mécanismes de l’apprentissage à la fois gestuel et spirituel»2. Une spécialisation en psychomotricité (Le Boulch) est alors proposée aux maîtres d’éducation physique qui le souhaitent.

Tenue sportive exigée

Ces formations spécialisées de la première heure, si elles n’ont plus cours aujourd’hui, ont fortement marqué la philosophie de la maison face au sport. «Notre organisation prévoit pour les bénéficiaires, 4 jours de travail; le cinquième est consacré à d’autres activités, par exemple: appui pédagogique, soutien psychologique ou éducation au mouvement», explique J.-D. Jacquemet1. «Le travail du maître d’éducation physique, précise Alain de Flauguergues1, est d’adapter le programme en fonction des besoins gestuels quotidiens des personnes». En plus de ces entraînements personnalisés hebdomadaires, chaque bénéficiaire de la SGIPA participe à un camp par année. La fondation

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genevoise dispose de salles de sports bien équipées, quoiqu’avec du matériel simple, ainsi que d’une magnifique piscine, souvenir d’un temps où l’AI entrait encore en matière pour ce genre de réalisations... De fait, ces espaces destinés à l’entretien du corps sont bien investis par les travailleurs et travailleuses de la SGIPA. «La réelle activité sportive doit permettre de combler les lacunes que chaque individu se diagnostique», explique Alain de Flauguergues. Telle personne retrouvera confiance en elle grâce à une progression de mouvements adaptés à ses difficultés, telle autre apprendra à maîtriser règles et consignes, telle autre encore s’assurera, par la pratique régulière du mouvement, une vieillesse moins confinée.

Une large palette d’activités sportives

A la SGIPA, aucun sport n’est tabou. «Le seul échec, commente Alain de Flauguergues, c’est le volley, qui nécessite une capacité d’anticipation assez poussée...». Les sports proposés hebdomadairement varient selon les saisons: ski, raquette, marche, natation... Les camps eux, s’articulent autour

d’activités plus inattendues dans ce milieu: alpinisme, tir à l’arc, football, acrobatie aérienne, curling, escrime, ski nautique, etc., avec un encadrement professionnel de haut niveau. C’est par exemple Erhard Lorétan qui a initié et accompagné les «alpinistes» en herbe...

La journée sportive, une tradition à la SGIPA

Chaque année, en octobre, une journée sportive est organisée par l’ l’institution genevoise. Ces joutes d’automne réunissent dans un même élan d’affrontement amical, les bénéficiaires de la SGIPA et les étudiante-s de divers collèges, dont celui de Claparède. «Ce sont des moments toujours très fréquentés et très appréciés par les uns et par les autres.» Cette année, à l’occasion de son 50e anniversaire, la SGIPA a décidé d’ouvrir ces rencontres à des étudiante-s d’autres écoles qui viendront renforcer les rangs des travailleurs et travailleuses de la Fondation, dont les équipes seront confrontées à des formations de niveau national. Chaque activité sera parrainée par une personnalité connue présente sur les lieux.

Journée sportive du 50e Mercredi 1e octobre 2008

Sur le thème «visons l’excellence»: compétitions entre des équipes leaders dans leur discipline et des équipes de travailleuses, travailleurs de la SGIPA renforcées par des élèves des Collèges et ECG de Genève. Pavillon des Sports, Bout du Monde De 9 h à 16 h 30 Vous pourrez assister à: - des matches: de rugby,de basket, de football, de tennis; - un tournoi de tir à l’arc; - une démonstration de Full Contact... Renseignements complémentaires: Fondation SGIPA, Chemin Dupuy 20, Case postale 19, CH - 1231 Conches, Tél. +41 22 346 33 88


Les photos illustrant cet article proviennent de la Fondation SGIPA, Genève

Des bénéfices de la pratique sportive pour les personnes handicapées

En décidant, il y a plus de 30 ans, que l’activité physique était nécessaire pour les personnes handicapées vivant en institution, les responsables politiques et institutionnels de l’époque ont fait preuve de modernité. Cette posture se conjugue en effet parfaitement avec les découvertes actuelles qui prônent l’exercice et le mouvement comme un élément indispensable à la «rééquilibration du mental»3. Les arguments d’Alain de Flauguergues et Jean-Dominique Jacquemet pour défendre l’engagement de leur institution envers l’activité sportive se situent à plusieurs niveaux: Humaniste d’abord; c’est pour eux une forme de respect pour les personnes en situation de handicap que de leur proposer, à elles aussi, ces respirations qui nous font tant de bien... Educatif ensuite; l’apport de la psychomotricité est indéniable: éducation du corps aux gestes de la vie quotidienne, d’une part et apprentissage de la gestion de soi-même, d’autre part. Social enfin; l’exercice d’un sport est porteur de situations réelles d’intégration, de confrontations à l’autre (et à soi-même aussi). Il offre des opportunités de se positionner face à ses propres limites et à ce que l’autre peut m’apporter. Et Alain de Flauguergues d’illustrer cette dernière réflexion par une phrase d’Erhard Lorétan à un participant arrivé au sommet d’un passage difficile: «Sans moi, tu n’y arrives pas». Une école de la vie en somme... Reste que dans la tourmente budgétaire actuelle, il est légitime de se poser la question de savoir si les programmes d’éducation physique tels que programmés par la SGIPA auront encore leur place dans le futur... Cet article a été écrit sur la base d’une rencontre avec Messieurs Jean-Dominique Jacquemet, responsable du secteur Travail et Emploi, SGIPA, Genève et Alain de Flauguergues, maître d’éducation physique, SGIPA, Genève. 2 Extrait de l’ouvrage «Chronique du 50e», Fondation SGIPA, 2008, p. 43 3 Extrait de l’ouvrage «Chronique du 50e», Fondation SGIPA, 2008, p. 45 1

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Sélection Les ouvrages présentés ci-dessous sont en rapport avec notre dossier sur la communication facilitée (CF).

«Au coeur de ton silence» La communication facilitée, cette énigme Michel Marcadé, éd. Triskel, 2005, 185 pages ISBN: 2-940353-05-8 Disponible chez l’auteur: cfpph@effeta.org

Interpellé par une vie partagée durant 30 ans avec des personnes sévèrement handicapées dont beaucoup étaient privées de langage oral, Michel Marcadé a rencontré en 1995 la Communication Facilitée à Paris. Il nous livre ici son témoignage d’une pratique régulière de 10 années, auprès d’un grand nombre de personnes mutiques et au cours de quelque 3’000 séances. Il connait les attaques dont est l’objet cette approche. Il connaît plus que d’autres les travers éventuels qu’on y rencontre. Il en souligne les exigences éthiques, afin que la parole puisse être donnée à ceux qui la revendiquent bien souvent à travers de violentes crises. Michel Marcadé est éducateur spécialisé retraité. Il a développé sa carrière dans le cadre du Mouvement international Camphill et dans l’orientation pédagogique initiée par Rudolf Steiner. Il est praticien-formateur en Communication Facilitée. «Ouvrir la nuit pour te dire» Cyril Odon et Claire B. éd. IERO, 2004 Ecrits en CF de Claire B., autiste, présentés par un psychologue clinicien / psychanalyste. «C.P.A. Communication profonde accompagnée» Martine Garcin-Fradet, Un chemin vers l’être, éd. Quintessence, 2006 Témoignage / réflexion d’une thérapeute facilitante. «La communication d’inconscient à inconscient» Philippe Sieca, une nouvelle écoute thérapeutique, éd. Le Souffle d’or, 2006 Témoignage et réflexion d’un psychanaliste facilitant. «Un clavier pour tout dire» Anne-Marguerite Vexiau éd. Desclées de Brouwer, 2002 Témoignage et réflexion d’une orthophoniste facilitante, pionnière de la CF en France. «Un chemin de langage dans le lacis de l’autisme» Pierre Gilbert, éd. l’Harmattan, 2007 Récit autobiographique d’un père haut fonctionnaire français, en accompagnement constant de sa fille autiste.

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«Handicap mon amour gris» Aurélie Connoir, «Poèmes d’espoir» éd. des écrivains, 2003 Ecrit en CF par une jeune fille atteinte de trisomie 21. «Le livre d’Annaëlle» Annaëlle Chimoni, éd. du Rocher, 2000 Fillette juive polyhandicapée de 8 ans facilitée par sa tante. «Le silence des mots» Emmanuel Combaluzier, éd. du champs social, 2000 Poèmes écrits (CF) par un jeune homme autiste de 18 ans. L’enfant qui ne parlait pas Line Short, éd. A la carte, Sierre, 2007, coll. «Histoires pour les enfants du troisième millénaire», 50 p. Pierre ne parle pas. A l’âge de 4 ans, il n’a pas encore prononcé un seul mot. Ses parents l’emmènent voir des spécialistes, mais en vain... Cependant, une rencontre extraordinaire va lui permettre de «prendre parole». Line Taramarcaz Short est maman d’une jeune polyhandicapée. Elle est aussi écrivain et son livre est dédié à sa fille Caroline. La CF en question, articles critiques Bicklen D et al 1992 «La CF: implications pour sujets autistes» Topics in language disorders 12 1-28; Beck AR Pirovano CM 1996 «Performance de la CF pour une tâche de langage réceptif» Journal of autism and development disorders 26 (5) 497-512; Simpson RL Myles BS 1995 «Efficacité de la CF pour des enfants et jeunes autistes» The journal of special education 2 8(4) 424-439; Eberlin M et al 1993 «La CF: échec pour reproduire le phénomène» Journal of autism and development disorders 23 (3) 507-530; Bomba C. et al «Évaluation de l’impact de la compétence en CF sur 14 élèves autistes» Journal of autism and development disorders 26 (1) 43-57; Green G Shane HC 1993 «La CF: les prétentions contre les preuves» Harvard Mental Health letter 10 4-5; Montee BB Mittenberger RG Wittrock D 1995 = Analyse expérimentale de la CF» Journal of applied behavior analysis 28 189-200; Moore S et al «Évaluation de la CF: huit études de cas» Journal of autism and development disorders 31 (3) 287-313; Mostert MP 1995 «La CF depuis 1995: revue des études publiées» Journal of autism and development disorders 31 (3) 287-31 3.


Sélection Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de Travail social (IES), Genève

Les fondements de l’arthérapie Sara Paint Paris: L’Harmattan, 2008, 196 p.

La psychothérapie qui a pour cadre l’atelier d’art est une jeune profession qui a déjà fait ses preuves. Elle invite à réfléchir sur les questions que pose l’expérience fascinante et hétéroclite d’une œuvre d’art en train de se faire. Des éléments théoriques issus de la psychologie et de la psychanalyse lui sont indispensables pour aborder les capacités créatives et expressives de chaque sujet et les obstacles qui s’opposent à leur épanouissement. Des notions venues de l’histoire de l’art et de l’esthétique lui sont nécessaires pour arbitrer les conditions dans lesquelles la créativité artistique peut être un facteur d’intégration active de l’individu dans la culture et dans la société. Une pratique bien fondée n’est pas seulement un moyen d’enrichir le travail de l’arthérapeute: elle ouvre aussi un champ de réflexion original incluant le corps et le sensible, l’institué et l’imaginaire, l’art et la séduction, l’archaïque et l’actuel, la réalité et la fiction. Agrégée de philosophie et psychologue, Sara Pain s’est consacrée aux troubles de l’apprentissage et de la créativité, à partir de la théorie piagétienne et de la psychanalyse. Handicaps et sexualités Sous la direction de Marcel Nuss Paris: Dunod, 2008, 260 p.

Nos sociétés ont par rapport à la question de la sexualité des personnes handicapées une position paradoxale. Alors qu’on ne cesse de proclamer le droit des personnes dépendantes à l’égalité des chances dans tous les domaines, on peine encore à reconnaître l’accompagnement à la vie affective et sexuelle comme un véritable sujet de société. Et ce malgré la grande détresse des personnes concernées. En effet le débat soulève des problèmes tout à la fois d’ordres éthique, technique, médical, juridique et économique, mais il nous renvoie surtout à nos tabous ainsi qu’à nos représentations des personnes en situation de handicap. Marcel Nuss nous livre ici le premier recueil de témoignages intimes de personnes handicapées, mais aussi de soignants, de conjoints, d’accompagnateurs sexuels étrangers, d’institutionnels, de philosophes et de juristes. Il nous permet ainsi de faire un point exhaustif et honnête sur la question.

La grande vulnérabilité: fin de vie, personnes âgées handicap: esquisse d’une éthique de l’accompagnement Sylvie Pandelé Paris: Seli Arslan, 2008, 126 p.

L’accompagnement d’une personne placée en situation de grande vulnérabilité du fait d’altérations importantes de ses fonctions supérieures ne va pas de soi: c’est une rencontre à haut risque, pour l’un, comme pour l’autre. Le monde de la grande vulnérabilité déploie en effet un univers d’étrangeté, voire d’extrêmes, où les notions d’action, de soin et d’accompagnement semblent vouées à perdre sens. Ce livre s’attache à explorer les enjeux de cette rencontre singulière qui se noue entre une personne marquée par le grand âge, le handicap profond ou la maladie grave finissante et celui qui a pour mission d’en prendre soin. De cette confrontation à l’insupportable et au non-sens émerge l’exigence forte d’une éthique spécifique de l’accompagnement. Quels sont les valeurs et les préceptes dont pourra - et devra - se réclamer cette pratique d’accompagnement? Quand le respect et la sollicitude, pourtant si traditionnellement érigés en valeurs phares de la relation de soin, échouent à éclairer l’univers incohérent de la grande vulnérabilité, il est besoin de forger un nouveau principe d’action: celui de la vigilance éthique. Corps, acte et symbolisation: psychanalyse aux frontières Sous la direction de Bernard Chouvier et René Roussillon Bruxelles: De Boeck, 2008, 184 p.

Cet ouvrage collectif se propose d’actualiser la question de la place du corps et de l’acte dans la vie psychique: la voie somatique apparaît tantôt comme un retour régressif à une expressivité archaïque de l’affect, tantôt comme un recours. Il s’agit de comprendre l’évolution des pathologies actuelles où le corps s’épuise à dire l’inexprimable ainsi que d’interpréter les pathologies de l’agir, tant au niveau individuel que groupal. Destiné à tous les professionnels du soin psychique (psychologues cliniciens, psychiatres, psychanalystes et psychothérapeutes), ce texte intéressera également les étudiants en psychologie (Master et Doctorat), en spécialité médicale (psychiatrie et pédopsychiatrie), ainsi que les étudiants des écoles d’éducateurs spécialisés et assistants sociaux. Bernard Chouvier est Professeur de Psychologie clinique à l’Université Lumière Lyon 2. Il dirige également le CRPPC (Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique), rattaché à l’Institut de psychologie. René Roussillon est psychanalyste. Eminent membre de la Société psychanalytique de Paris, il enseigne la psychologie à L’université Lyon.

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Séminaires, colloques et formations

Les émotions des professionnels et des clients Qu’en dire? Qu’en faire? Ouverture sur quelques préoccupations éthiques Christiane Besson Cours Améthyste No 317 23 et 24 juin 2008 Centre paroissial de Lucens Renseignements et inscriptions: Christiane Besson Tél. +41 26 668 02 78 - chr.besson@bluewin.ch

Le coach, le superviseur, l’aidant Quel rôle? Quel statut? Quelle autorité? Jacques Dekoninck Cours Améthyste No 307 25, 26 et 27 juin 2008 Centre paroissial de Lucens Renseignements et inscriptions: Christiane Besson Tél. +41 26 668 02 78 - chr.besson@bluewin.ch

Borderline: troubles de la personnalité chez la personne handicapée mentale

Eric Willaye 18 et 19 septembre 2008 Cours organisé par Autisme suisse romande Centre pluriculturel et social d’Ouchy Beaurivage 2, 1006 Lausanne Renseignements et inscriptions: Autisme suisse romande, Av. de Rumine 2, Lausanne Tél. +41 21 341 93 21 - secretariat@autisme.ch

Ecouter et être écouté La disponibilité dans l’urgence du quotidien Jocelyne Huguet Manoukian Cours Améthyste No 318 23 et 24 septembre 2008 Centre paroissial de Lucens Renseignements et inscriptions: Christiane Besson Tél. +41 26 668 02 78 - chr.besson@bluewin.ch

La confiance en soi: un atout professionnel

Francis Ritz, psychiatre, thérapeute de famille 3 et 4 juillet ou 18 et 19 août 2008 Formation EPI (GE) Institut La Combe, Route d’Hermance 63, Collonge-Bellerive

Oser s’affirmer et s’exprimer Christiane Besson Cours Améthyste No 308 29 et 30 septembre 2008 Centre paroissial de Lucens

Renseignements et inscriptions: Tél. +41 22 855 93 00 - formation@epi.ge.ch

Renseignements et inscriptions: Christiane Besson Tél. +41 26 668 02 78 - chr.besson@bluewin.ch

Stratégies éducatives avec les personnes atteintes d’autisme

Autisme et communication

Myriam Ravessoud et Marc Segura 1, 8 et 15 septembre 2008 Cours organisé par le Service de la formation continue de l’Université de Fribourg, en collaboration avec Autisme suisse romande Lieu: Université de Fribourg Renseignements et inscriptions: Service de la Formation continue, Uni, Fribourg Tél. +41 26 300 73 47 - www.unifr.ch/formcont

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Gestion des troubles de comportement chez les personnes atteintes d’autisme: formation pratique

Hilde de Clercq et Théo Peeters Cours organisé par Autisme suisse romande 30 septembre, 1er et 2 octobre 2008 EPI - Etablissements pour l’Intégration, Route de Collonges 63, 1245 Collonge-Bellerive Renseignements et inscriptions: Autisme suisse romande, Av. de Rumine 2, Lausanne Tél. +41 21 341 93 21 - secretariat@autisme.ch

Initiation à l’approche Snoezelen

L’intelligence émotionnelle dans le travail d’équipe

Jean Bruning, ergothérapeute 5 septembre 2008 Formation EPI (GE) Résidence de Thônex Avenue Adrien-Jeandin 34, Thônex (GE)

Daniel Boisvert En collaboration avec Espace Compétences Cours Améthyste No 309 6 et 7 octobre 2008 Centre paroissial de Lucens

Renseignements et inscriptions: Tél. +41 22 855 93 00 - formation@epi.ge.ch www.epi.ge.ch

Renseignements et inscriptions: Christiane Besson Tél. +41 26 668 02 78 - chr.besson@bluewin.ch http://www.amethyste-perf.ch


ASA-HANDICAP MENTAL Propose dès la rentrée scolaire 2008, dans les cantons de Genève, Vaud et Valais, des RENCONTRES PERIODIQUES PROFESSIONNELS, PARENTS ET PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP

Donnons-nous la parole!

- Comment reconnaître les obstacles qui empêchent le dialogue véritable...? - Comment distinguer le droit de savoir et la curiosité...? - Comment respecter le droit de dire ou de ne pas dire...? - Comment donner la parole à la personne en situation de handicap, savoir l’écouter...? - Comment faire comprendre à mes partenaires que je leur fais confiance...? - Comment accepter de ne pas être le seul détenteur de la vérité...? - Comment accorder assez de temps de parole à l’autre...? - Comment tenir compte de valeurs qui ne sont pas forcément les miennes...? - Comment éviter de juger, d’être piégé(e) par des a priori...? Participez et faites participer!

Renseignements et inscriptions: www.asa-handicap-mental.ch - asa-handicap-mental@bluewin.ch - Tél. +41 27 322 67 55

5e Festival Arthemo du 11 au 13 septembre 2009 Morges/VD Art et Handicap mental Dernier appel!

ARTHEMO

Pour proposer vos spectacles, vos concerts, vos œuvres artistiques ou participer au concours de dessins pour l’affiche du Festival Arthemo 2009

www.arthemo.ch

Délai d’inscription: 30 juin 2008 Renseignements et bulletins de participation: ASA-Handicap Mental Rue des Casernes 36 - CP 4016 - CH 1950 Sion 4 Tél. +41 27 322 67 55 – Fax +41 27 322 67 65 asa-handicap-mental@bluewin.ch www.asa-handicap-mental.ch


La Fondation Coup d’pouce Séjours et Loisirs pour personnes vivant avec un handicap mental recherche pour cet été plusieurs MONITRICES - MONITEURS Les séjours ont lieu du 19 juillet au 2 août 2008 du 26 juillet au 9 août 2008 Plus d’informations: www.coupdepouce.ch Fondation Coup d’pouce Rue J.-L. Galliard 2, 1004 Lausanne Tél. 021 323 41 39 - jobs@coupdepouce.ch

Je m’appelle Corrinne, je vis dans un studio rattaché à une institution dans les hauts de Vevey. J’ai 41 ans, j’aime la marche, le vélo, le cinéma, faire les boutiques, faire de la photo, la cuisine et manger. J’aime les gens qui prennent soin d’eux. Je souhaiterais rencontrer un homme entre 30 et 40 ans ayant les mêmes passions que moi pour partager nos loisirs. Voici mon adresse: Corrinne Demierre Groupe les Jardins 1806 St. Légier

Prévenir les handicaps et les retards de développements Colloque Franco-Québécois

à l’intention des médecins et des professionnels de la santé

3 octobre 2008, Montréal Plus d’informations: Tél. (450) 438-3583, poste 228 - courriel: sylvie_couture@ssss.gouv.qc.ca - site: www.fpsm.qc.ca

Pour ses 10 ans, CREAHM - Fribourg s’ouvre à la ville, à la Suisse et à l’Europe Le CREAHM, c’est quoi? Depuis 1998 CREAHM-Fribourg met à disposition de personnes handicapées un lieu de travail où elles peuvent en toute liberté s’exprimer dans les domaines de la peinture, de la gravure et de la sculpture, et à titre expérimental (2003/04) dans le domaine du théàtre. Une parfaite connivence entre les animateurs de l’atelier de peinture et les artistes permet à ces derniers de se familiariser aux différentes techniques et d’en tirer le plus grand profit. Cette complicité stimule les artistes qui ont su développer leur propre langage et présenter avec un réel talent un monde intérieur extrêmement riche et coloré. Aujourd’hui, on peut dire que l’atelier est à l’origine de l’épanouissement de 12 artistes faisant aujourd’hui partie intégrante du monde artistique fribourgeois.

Des projets, des expositions, un livre Art en voyage - Une invitation à 9 ateliers d’art différencié en Europe - Grande exposition au Kaléidoscope, bd de Pérolles, Fribourg, du 10 octobre au 16 novembre 2008 - Conférences, ateliers et concerts de «Die Regierung» les 7 et 8 novembre au Nouveau Monde

CREAHM expose en ville - Octobre

2008: 40 grandes affiches originales, réalisées par tous les artistes, seront exposées en ville de Fribourg

Un livre -

Présentation en images des oeuvres de 14 artistes dans un livre; sortie prévue pour le versissage de «Art en voyage»


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