PAGES ROMANDES - La recherche dans tous ses etats

Page 1

No 3 juin 2007

La recherche dans tous ses ĂŠtats


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Dossier: La recherche dans tous ses états

Conseil de Fondation Président : Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch

2 Tribune libre: Du laboratoire aux

Comité de rédaction Membres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Jean-Daniel Vautravers, Olivier Salamin, Valérie Schauder, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Marie-Paule Zufferey Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

Tirage minimal: 800 exemplaires

Fr. Fr. Fr. Euros

45.-38.-70.-35.--

Publicité et annonces - Tarifs 1 page Fr. 800.-1/2 page Fr. 500.-1/4 page Fr. 250.-1/8 page Fr. 125.-1/16 page Fr. 50.-Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions Les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites Délai d’insertion 2 semaines avant parution

Evelyne Rivat Métrailler 3 Editorial Marie-Paule Zufferey 4 La recherche au cœur d’une

Parution: 5 numéros par an Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre

Abonnement annuel Suisse AVS, étudiants Abonnement de soutien Etranger

réalités de la vie quotidienne

association

Viviane Guerdan 6 La recherche en Travail social

au sein de la HES-SO

Dolorès Angela Castelli Dransart 8 Le partenariat avec les terrains de

pratique dans la recherche en HES Véronique Zbinden Sapin

10 Les besoins des personnes cérébrolésées et de leurs proches Geneviève Piérart

Compte bancaire Banque cantonale du Valais, 1951 Sion En faveur de K0845.81.47 Pages romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue Ire Armée F - 68800 Thann

12 Les tribulations d’un chercheur Maurice Jecker-Parvex

Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch

16 Du double au triple diagnostic Claude-André Dessibourg

14 Quand la recherche s’interroge Jean-Luc Lambert

Mise en page Marie-Paule Zufferey Impression Espace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12 Crédits photographiques et illustrations Robert Hofer, Manuela Thurre, Fotolia, Myriam Crouzy, Sébastien Gollut, Marie-Paule Zufferey Photos de couverture: Robert Hofer

N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source. ©Pages romandes

19 Une journée sur 4 roues: expérience

réalisée par des ergothérapeutes en formation Propos recueillis par Myriam Crouzy

22 Assistance sexuelle et handicap, une

nouvelle formation

Catherine Aghte Diserens 23 Sélection Loïc Diacon 24 Séminaires, colloques et formations


Tribune libre

Du laboratoire aux réalités de la vie quotidienne Evelyne Rivat Métrailler, maman de Virgile, 5 ans, polyhandicapé, Fey/Nendaz, Valais

la collaboration avec les Hautes Ecoles technologiques, afin de sensibiliser les étudiants, les futurs chercheurs aux réalités complexes des personnes handicapées. Certes, le progrès est indéniable. Le modèle antique de la chaise roulante a fait place à de nombreux systèmes performants qui permettent de communiquer et d’acquérir une certaine autonomie quand cela est possible. La recherche est utile; elle permet une amélioration de la qualité de vie. Des médicaments adéquats et bien dosés calment les crises aiguës ou les souffrances indescriptibles. Il est important de se préoccuper de la réalité du quotidien. Il

Marie-Paule Zufferey

En posant la question à brûlepourpoint sur l’utilité de la recherche, la réponse tombe invariablement: «Oui, la recherche est indispensable, nécessaire, fondamentale, obligatoire, vitale, inévitable…». Les adjectifs sont légion. A première vue, la recherche va de soi; en creusant le sujet, les affirmations péremptoires s’étiolent. Le souci premier est donc l’aboutissement de la recherche à des applications pratiques; c’est-à-dire l’amélioration du quotidien des personnes en situation de handicap, de leurs parents, des éducateurs qui œuvrent au sein des institutions, de l’entourage en général. Ensuite, c’est de persévérer dans

«Le modèle antique de la chaise roulante a fait place à des systèmes plus performants...»

serait bénéfique que les chercheurs émergent de leur laboratoire de temps en temps pour communiquer les résultats de leurs recherches. Avoir un langage clair et envisager un dialogue constructif avec les parents et toutes les personnes concernées. C’est peut-être une vision utopiste, mais pourquoi pas? Il y a trop de cloisonnements, chacun concocte ses recettes alors qu’il faudrait mettre les énergies en commun pour être encore plus efficaces. La recherche est vaste. Le point névralgique demeure cependant l’aspect financier. Qui récolte les fruits de toutes ces recherches? Et comment sontelles vraiment appliquées? Lors d’émissions télévisuelles ou radiophoniques extrêmement bien orchestrées, la générosité du public offre des sommes faramineuses aux chercheurs. Des artistes se mobilisent, les médias aussi. Tout le monde espère une répartition équitable des gains… Espère… Assis sur le sol, mon fils, le quatrième de la fratrie, tourne les pages d’un vieux journal avec habileté. Soudain, grâce à l’appui d’une chaise, il se retrouve debout contre la table. Il tend les bras, s’agrippe très fort à moi et manifeste ainsi son affection. Ces gestes apparemment anodins ne sont que le résultat de sa volonté, de sa force de vie. Les chercheurs, les médecins n’avaient pas prévu tout ça! C’est un cadeau inespéré. Il ne faut pas le négliger. Le progrès, la recherche sont des mots dans l’air du temps. Afin d’obtenir toutes les chances de réussir et de concevoir un beau bébé, les dépistages

précoces se multiplient. Il y a le dépistage prénatal, bientôt anténatal. Avant même que les géniteurs ne se rencontrent et fusionnent dans un élan passionnel, une liste sera dressée: yeux verts, fossettes craquantes, bon élève, obéissant. Tout pour le bonheur des parents! Verser dans l’eugénisme le plus total. Correspondre à l’image lisse et pourtant fausse d’un monde parfait. Malgré les recherches génétiques et le travail performant de l’obstétricien, mon fils est arrivé sur notre planète bleue accompagné d’une liste désespérément noire, avec des défauts et de multiples malformations. Les chercheurs se sont même fourvoyés dans leur diagnostic durant un an et demi. Certains ont eu l’humilité et la sagesse de reconnaître leurs erreurs. C’est bien. De mon côté, ma recherche se situe sur un axe de réflexion intérieure. Il y a certes des difficultés d’ordre médical, mais il y a aussi les innombrables aspects positifs, les découvertes de ce petit être qui apprend chaque jour, qui nous apprend la patience, la tolérance, le respect d’autrui. Il est important d’observer les ressources que l’on a en soi pour faire face au handicap de son enfant. Ne pas minimiser la part d’amour et de confiance qui peut soulever des montagnes. La majorité des parents ont des compétences insoupçonnées pour accompagner leur enfant handicapé dans son chemin de vie. Rechercher les liens d’amour, voilà le véritable combat.


Edito

«Plouf» ou «plop»? Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Lorsqu’un caillou est jeté dans l’eau, il fait quelquefois «plouf» et d’autres fois «plop». Que se passe-t-il dans l’un et l’autre cas? C’est la question qui a occupé durant six mois, les chercheurs du laboratoire de physique de la matière condensée et nanostructures du CNRS¹. Leur étude établit d’abord que la vitesse d’impact du caillou doit dépasser un certain seuil pour que l’on entende un «plouf», produit par la fermeture de la cavité de l’air entraîné, lorsque ledit caillou pénètre dans l’eau. Elle démontre ensuite que la valeur du seuil de vitesse dépend de l’état de surface du caillou. Et de décortiquer les conditions de production du «plouf», puis celles du «plop»... D’accord, me dis-je un peu perplexe, en prenant connaissance de ces savantes analyses; mais au fond, à quoi cela peut-il bien servir de connaître par le menu, les phénomènes qui produisent depuis la nuit des temps ces deux onomatopées aussi familières que joyeusement «éclaboussantes»? Loin d’être anodines, me répond la «Faculté», ces découvertes seront d’abord utiles à la navigation, permettant notamment de contrôler la formation de cavités d’air indésirables, au moment où les navires fendent les vagues. Cette étude aura également permis à la science de se révéler à elle-même: «Que de tels détails microscopiques déterminent des phénomènes macroscopiques était inattendu, disent les chercheurs. Cela va à l’encontre des explications qui prévalaient jusqu’ici en physique pour décrire ces phénomènes»...

Autant pour moi. Une question d’apparence banale peut déboucher sur une trouvaille capable de changer la vie et une découverte peut en cacher une autre. Je range mes doutes de béotienne au placard et replace le monde de la recherche sur son piédestal. Les lieux où se construisent les savoirs ont toujours eu quelque chose de fascinant pour la population lambda. Quoi de plus sibyllin que cette expression, qui se chuchote sur le ton de la confidence et convoque immédiatement l’admiration de l’interlocuteur: «Il est dans la recherche»... A l’ère d’internet, où l’accès aux découvertes les plus singulières est l’affaire de quelques «clics», cet univers, fait de questionnement permanent et d’expériences en tous genres, conserve encore tout son mystère. Il suscite aussi bien des questions. Quel contrôle est exercé et par qui sur l’origine d’une étude, sur la diffusion, l’interprétation et l’utilisation de ses résultats; quelle crédibilité accorder et à quel type de recherche; quelle indépendance les scientifiques ont-ils vis-à-vis des organismes qui financent leur travail... Dans un monde en mouvement, à l’heure où se redéfinissent les formations supérieures, les interrogations ne manquent pas. Les parutions concernant le handicap mental sont, elles aussi, nombreuses et variées2. Dans ce dossier, Pages romandes a convoqué quelques-uns des pôles de recherche en la matière3. Histoire de faire connaissance avec celles et ceux dont les travaux seront peut-être à l’origine des pratiques de demain. Des acteurs, des actrices de la recherche nous invitent à visiter les coulisses de leur univers, évoquent les bonheurs et les difficultés liées à l’exercice de leur métier et partagent leurs expériences. La constante qui se dégage des diverses interventions est la volonté d’aller vers un partenariat construit avec les professionnels de terrain et les parents. Dans la continuité de cette posture qui vise à un rapprochement de «la rue avec les terres ouatées du savoir»2 la participation, dans la mesure des possibles, des personnes handicapées elles-mêmes semble être aujourd’hui souhaitée par de nombreux scientifiques. Ce dossier donne un bref aperçu des travaux en cours, dans l’une et l’autre de nos structures de formation supérieure. Le prochain pourrait proposer un échange entre les chercheurs des différentes «écoles», dans un souci de complémentarité et de meilleure lisibilité pour le grand public... Cet appel au dialogue sera-t-il entendu? Et quel bruit fera-t-il: plouf» ou «plop»?

Centre national de recherche scientifique, université de Lyon Lire à ce sujet l’ouvrage d’Alain Blanc «Le handicap ou le désordre des apparences»; présentation de l’ouvrage dans notre rubrique «Sélection», page 23 3 AIRHM, Université de Fribourg, HES, HEF-TS, Fribourg ¹ ²


La recherche au coeur d’une association Dépasser les frontières pour construire les savoirs Viviane Guerdan, présidente de l’AIRHM1

Faire tomber les barrières, afin de construire les savoirs avec plus de pertinence. Voilà le but de l’AIRHM, qui s’active à donner une place, dans ses démarches de recherches internationales, non seulement aux chercheurs et aux praticiens, mais aussi aux proches et aux personnes handicapées elles-mêmes. Mars 1988, Lausanne… Une date, un lieu mémorables, une naissance attendue par les chercheurs de la francophonie: la création d’une association tout entière dévolue à la recherche pluridisciplinaire en faveur des personnes handicapées mentales. L’idée de cet organisme avait germé suite à un voyage au Québec de chercheurs français, lesquels, se trouvant en minorité numérique et linguistique par rapport aux chercheurs anglosaxons, décidèrent de créer une branche francophone, européenne et canadienne. Dénommée Association internationale de recherche scientifique en faveur des personnes handicapées mentales (AIRHM)2, cette association s’est dotée des objectifs suivants: • promouvoir, réaliser et diffuser des études et recherches en matière de déficience intellectuelle; • encourager la collaboration entre chercheurs et praticiens et la démarche de recherche chez ces derniers; • inclure les personnes handicapées mentales et leur famille dans cette collaboration. Ces objectifs sont fondés sur une triple conviction: la recherche est de nature à enrichir la pratique et vice-versa, la collaboration entre chercheurs et praticiens est de l’ordre du possible, la complémentarité des rôles et des connaissances entre les divers acteurs concernés est à renforcer. Autant d’affirmations qui demandent à être développées.

La recherche et la pratique, un enrichissement mutuel La recherche, la pratique… des mots courants dont on a tendance à croire qu’ils sont appréhendés par tous de la même manière.

Là réside le danger: celui des débats sans fin dus au sens que chacun peut accorder à ces termes; il y a dès lors nécessité de recourir aux définitions établies. Pour le Petit Robert, la recherche renvoie à «l’ensemble des travaux, des activités intellectuelles qui tendent à la découverte de connaissances et de lois nouvelles». Le terme «scientifique», que l’on ajoute parfois, véhicule une idée supplémentaire, celle fort bien énoncée par A. S. Barr, cité par G. de Landsheere (1979): la recherche scientifique est cet «effort systématique de compréhension, provoqué par un besoin ou une difficulté dont on a pris conscience, s’attachant à l’étude d’un phénomène complexe, dont l’intérêt dépasse les préoccupations personnelles et immédiates, le problème étant posé sous forme d’hypothèse». La pratique, quant à elle, réfère à un ensemble finalisé d’actes s’appuyant sur des savoirs. «Toute pratique vise une fin, met en œuvre pour l’atteindre un certain nombre d’actes et de savoirs et s’exerce dans une situation où se produisent de nombreuses variations. (…) Les savoirs à l’œuvre dans une pratique valent par leur pertinence visà-vis de cette pratique, c’est-à-dire leur capacité à servir d’instrument pour atteindre la fin poursuivie» (Charlot, 1978)3. Cette définition porte en elle la place à accorder à la recherche, en tant que productrice de savoirs. Vis-à-vis de la pratique, la recherche a bien un rôle à jouer, celui de lui offrir les résultats de ses investigations pour vivifier les actions à entreprendre et les asseoir sur des données validées scientifiquement. Ainsi, par exemple, d’étudier l’effet de différentes méthodes d’enseignement des habiletés de conversation chez des enfants autistes guidera le professionnel vers le choix de celles qui auront fait la preuve de leur efficacité (Revue francophone de la déficience intellectuelle, 2004, vol. 15, no 2, pp. 187 200). A l’inverse, une pratique peut devenir objet de recherche dans un but de vérification de son efficacité. Nous pouvons citer l’exemple de l’expérience thérapeutique groupale BDBD concernant des usagers

ambulatoires accueillis à la consultation et en Hôpital de Jour des Hôpitaux universitaires genevois (Revue francophone de la déficience intellectuelle, 2005, vol. 16, no 1 & 2, pp. 129-136). Ces démarches sont à multiplier. L’AIRHM entend les favoriser activement par l’organisation de rencontres internationales visant à susciter l’intérêt des chercheurs pour les réalités du terrain et à faciliter la diffusion, le transfert et l’application des résultats de recherche auprès des utilisateurs concernés.

La collaboration entre chercheurs et praticiens Chercheur et praticien, deux métiers que tout semble opposer: le premier est orienté vers la production de savoirs et la recherche de vérité, c’est-à-dire la compréhension et l’explication des phénomènes au-delà des évidences et des constats; le second est axé sur la résolution de problèmes et recherche l’efficacité. L’un pose le doute comme point de départ de la recherche et de la connaissance, l’autre a une tâche marquée par le besoin de certitudes. L’un s’appuie sur l’élaboration d’hypothèses et l’expérimentation, l’autre se livre à des actes spontanés et intuitifs. D’aucuns peuvent penser, dès lors, qu’il est utopique d’atteindre une collaboration. Or, leur union est fondamentale. L’intervention auprès des personnes handicapées mentales requiert un nécessaire mouvement de rapprochement: que les chercheurs orientent leurs travaux en prenant en compte les priorités de la pratique, accompagnant et soutenant les praticiens dans leur travail sur le terrain; conjointement que les praticiens développent un esprit de recherche pour créer des solutions novatrices et adaptées aux besoins des personnes handicapées mentales et de leur famille. Un double chemin de rencontre doit s’opérer: celui du chercheur qui accepte d’entamer des travaux sur les problèmes et besoins des praticiens en une recherche de solutions liées à l’action, sur la base d’une co-responsabilité et d’une démarche partenariale; celui du praticien qui accepte d’introduire


dans son travail une dimension scientifique faite d’une attitude de remise en question, de rigueur, de précision lorsqu’il se trouve confronté à une difficulté. L’AIRHM a, dès sa fondation, contribué à cette rencontre, se voulant ouverte à la fois aux chercheurs et aux praticiens en vue de faciliter leur communication réciproque pour garantir des recherches collaboratives4. Certaines politiques nationales actuelles facilitent grandement cette orientation. En Suisse en l’occurrence, où les Hautes Ecoles Spécialisées (HES) et Hautes Ecoles Pédagogiques (HEP) sont invitées à mettre davantage l’accent sur les besoins des professionnels de terrain et l’initiation de ces derniers à la recherche. La HEP Vaud s’y emploie activement.

La complémentarité des rôles et des connaissances La collaboration entre chercheurs et praticiens est à envisager sous une forme de complémentarité des rôles et des connaissances. Le chercheur apporte ses interrogations scientifiques et ses savoirs méthodologiques, le praticien apporte ses questions issues du terrain et ses savoirs d’expérience. La complémentarité ne peut s’opérer que s’il y a création d’un nouveau mode de relation, identification claire des rôles et tâches de chacun, partage des responsabilités. En un mot: l’instauration d’un réel partenariat. Les travaux menés au sein de l’AIRHM nous en ont convaincus; anciennement vice-président de notre association, JeanMarie Bouchard (2002, p. 77) affirmait: «Le partenariat est devenu un objectif important à développer dans les interactions entre les différents acteurs impliqués dans les secteurs des services à la personne, que ce soit celui de la santé, de l’éducation ou des affaires sociales. Ce partenariat est aussi souhaité non seulement entre les familles et les intervenants, mais également entre les chercheurs universitaires et les praticiens (…)». Ce partenariat signifie que la relation asymétrique chercheur-praticien cède la place à une relation plus égalitaire, conférant au praticien un pouvoir décisionnel quant aux objets de recherche et à la mise en œuvre de celle-ci. La condition en est une reconnaissance par chacune des personnes en présence des expertises et ressources respectives et un dialogue permettant de s’entendre sur la part que les uns et les autres pourront prendre dans la démarche de collaboration envisagée. Notre propre expérience nous

confirme qu’accepter cette relation exige une réelle reconversion dans nos modes de faire habituels, à nous chercheurs: il nous faut accepter de prendre le temps de la discussion et du tâtonnement dans la réflexion pour entendre les questions qui se posent sur le terrain, pour chercher et aboutir à une décision prise par consensus dans un rapport impliquant que nous nous reconnaissions mutuellement nos expertises différentes5. Accepter d’apprendre l’un de l’autre, tel est l’enjeu. Un même défi nous attend, non plus avec les praticiens mais avec les personnes en situation de handicap et leur famille. Jusqu’à présent, les projets de recherches émanaient des seuls professionnels sans impliquer les principaux intéressés. Sous l’effet de la pression des Mouvements de Personnes d’Abord, cette situation est en voie d’évolution et nous amène, au sein de l’AIRHM, à repenser le rôle des personnes et de leur famille afin de les impliquer dans le processus. Il devient impératif que nous développions un modèle de recherche participative6. Une prise de position telle que celle de Gary Woodill (1992), membre du Conseil d’administration du Centre for Independant Living à Toronto, ne peut nous laisser insensibles: «Toutes les recherches sur les personnes handicapées devraient faire intervenir de manière importante les personnes handicapées dans l’établissement du programme de recherche, dans l’élaboration des questions de recherche et dans l’interprétation et l’utilisation des résultats.» Nous avons, dès lors, à nous questionner sérieusement sur la place à accorder aux personnes handicapées mentales: en sommes-nous convaincus, et, si oui, comment leur permettre de participer à l’élaboration des questions de recherche ainsi qu’à la conception et à la mise en œuvre de celle-ci? C’est sur ce terme de «participation» que nous aimerions conclure cet article. En effet, il nous paraît central, tant pour la recherche que pour la pratique. Ce n’est pas sans raisons que les Nations Unies en ont fait un des principes majeurs de la Convention internationale pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des handicapés, adoptée à New York le 13 décembre 2006, et que la Déclaration de Montréal sur la déficience intellectuelle (2004) y fait également référence. Ce n’est pas anodin que les nouvelles classifications internationales du handicap (CIF-OMS et PPH) se proposent de la mesurer7. Ce n’est pas sans raisons que l’AIRHM, pour

son 10e congrès, l’a choisie comme notion à interroger et objet central de son congrès8. Cette convergence d’intérêts et de préoccupations sont des signes notoires d’un nouvel impératif social: intégrer dans notre champ de travail, à quelque niveau que ce soit, les principales personnes concernées par notre travail, à savoir les personnes en situation de handicap et leur famille. L’AIRHM et ses membres s’y emploieront dans l’avenir. Est également professeure-formatrice à l’Institut de pédagogie spécialisée (IPS) de la HEP Vaud, 33 av. de Cour, CH -1015 Lausanne. E-mail: guerdan@iprolink.ch 2 Pour le lecteur désireux d’obtenir plus d’informations sur cette association, nous signalons l’existence du site www.airhm.org 3 Revue Education permanente, no 47, janvier 1978 4 Le concept de «recherche collaborative», né aux Etats-Unis et développé par Serge Desgagné (1997) invite le chercheur à prendre en considération les préoccupations formulées par les professionnels et les questions/problèmes rencontrés par eux dans la quotidienneté de leur travail pour concevoir, élaborer et réaliser un projet commun débouchant sur une co-construction de savoirs liés à la pratique. 5 Pour le lecteur intéressé par cette démarche, nous le renvoyons à une expérience vécue récemment et relatée dans un texte publié par la revue pédagogique de la HEP Vaud, la revue Prismes, no 5, novembre 2006: Guerdan, V. Le partenariat, source et moteur d’une formation à la recherche (pp. 50-51) 6 La recherche participative est l’aboutissement de différentes traditions dans le secteur de la recherche, qui ont vu le jour dans la seconde moitié du 20e siècle. Elle se focalise sur les idées développées dans les années septante en Amérique latine par Paolo Freire; elle rompt avec les approches traditionnelles de collecte de données «sur» les personnes. Pour une présentation des particularités de la recherche participative, se reporter à Hall B. Participatory research, popular knowledge and power: a personal reflection. Convergence 1981;14(3):6-19. 7 Le site du GIFFOCH www.giffoch.org apportera plus de détails. 8 Se reporter au site www.airhm.org en attendant la publication des actes du congrès prévue pour fin 2008. 1

Références bibliographiques Bouchard, J.-M. (2002). Le partenariat entre chercheurs et praticiens: au-delà du discours. In: V. Guerdan, J.-M. Bouchard et M. Mercier. Partenariat chercheurs, praticiens, familles. De la recherche d’un partenariat à un partenariat de recherche. Outremont (Québec), Les Editions LOGIQUES. Convention internationale pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des handicapés. Assemblée générale des Nations unies, décembre 2006. www.un.org/french/ Déclaration de Montréal sur la déficience intellectuelle. Conférence OPS/OMS de Montréal 2004 sur la déficience intellectuelle. http://www. conferencemontreal2004paho-who.com De Landsheere, G. (1979). Dictionnaire de l’évaluation et de la recherche en éducation. Paris, Ed. PUF Désgagné, S. (1997). Le concept de recherche collaborative: l’idée d’un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens de l’enseignement. Revue des sciences de l’éducation, XXII, no 2 (pp. 371-393)


5 La recherche en Travail social au sein de la HES-SO Dolores Angela Castelli Dransart, Haute Ecole fribourgeoise de Travail social (HEF-TS), responsable du Département de la recherche appliquée et du développement (Ra&D)

Avec l’intégration des domaines santé et social dans le périmètre des Hautes Ecoles Spécialisées (HES) en 2002, la recherche (appelée Recherche appliquée et développement Ra&D) est devenue l’une des quatre missions attribuées à ces établissements de formation1. Le Masterplan2, pour les HES 2004-2007 en a même fait une priorité, conjointement à la formation professionnelle de base. Toutefois, la recherche en Travail social existe depuis bien avant la mise en place des HES et s’est déployée avec profit dans des domaines aussi variés que l’étude des différentes problématiques sociales, l’analyse et l’évaluation des interventions professionnelles et des dispositifs socio-politiques, la mise à jour des réalités des populations bénéficiaires des interventions professionnelles ainsi que l’émergence et l’évolution de la professionnalisation et de la professionnalité. Orientée vers la pratique, la recherche en Travail social contribue, par exemple, à construire des éclairages qui peuvent concourir à orienter la décision politique et le pilotage institutionnel. Elle fournit des indications pour élaborer de nouvelles (ou renouvelées) interventions professionnelles, pour saisir les enjeux sociétaux et pour enrichir et faire évoluer les profils et les contenus de formation afin d’améliorer l’accompagnement des populations bénéficiaires et l’utilisation efficiente des ressources. Elle vise à trouver des éléments de réponse à des questions complexes, comme par exemple: quelle est la situation des personnes vieillissantes en situation d’handicap et vivant avec des membres de leur famille? Quels sont les dispositifs et les mesures à prévoir, voire à mettre en place pour répondre aux besoins et aux difficultés de ces personnes et de ces familles? Comment améliorer la qualité de vie dans une commune? Comment structurer, voire améliorer les prestations offertes par une institution active dans le domaine du handicap psychique ou pour personnes cérébro-lésées? Comment rejoindre et soutenir les personnes

en situation de handicap psychique dès l’émergence des premières difficultés? Afin d’élaborer des éléments de réponse à de telles questions, la recherche en Travail social utilise des approches et des méthodologies variées tant quantitatives que qualitatives, «classiques» ou privilégiant la participation des acteurs, ainsi que des techniques de collecte des données multiples, telle que l’analyse documentaire, les entretiens de recherche, les questionnaires, les observations, les échelles de mesure, les entretiens collectifs, la méthode Delphi, etc. Les formes qu’elle assume sont également diversifiées: étude exploratoire ou vérificative, recherche-action, recherche intervention, évaluation, n’en sont que quelques exemples. Caractéristiques de la Ra&D en HES Parmi les traits qui caractérisent la Ra&D en HES, citons entre autres, sa proximité avec les questions qui «travaillent la société» et les acteurs des domaines socioéconomique (cf. article de Véronique Zbinden Sapin sur les partenaires de terrain) et sanitaire, d’une part, et la transférabilité de ses résultats, d’autre part. Les questionnements à la base des recherches naissent souvent de réflexions et d’échanges partagés ou élaborés en commun entre les chercheurs et les travailleurs sociaux, les responsables d’institutions ou d’organismes en charge de l’intervention sociale, d’associations de bénéficiaires, de décideurs politiques désireux d’obtenir des indications à la fois théoriques et pratiques sur la manière d’appréhender et de réponses à des problèmes sociaux. Cette proximité, si elle s’avère le plus souvent très pertinente et riche du point de vue heuristique, n’est pas sans poser des questions épistémologiques et méthodologiques passionnantes: la question de l’autonomie de la pensée et du processus de recherche, les questions déontologiques voire éthiques d’accès aux sources, mais également de l’utilisation des résultats de la recherche, les enjeux

contextuels politiques et socio-économiques et leur influence dans la conduite de la recherche en sont quelques exemples. Ces questions, qui ne sont pas seulement propres à la recherche appliquée, concernent également la recherche tout court à l’aube de la diversification des subventionnements et de la multiplication des interfaces entre le public et le privé. La transférabilité ou le retour des résultats de recherche vers la pratique et la formation sont également un souci constant de la recherche appliquée et cela sous différentes formes: d’une part, les résultats sont communiqués par le biais de conférences, brochures, résumés de recherche, échanges formels ou informels, aux partenaires de terrain de la recherche, aux professionnels, aux institutions, voire aux instances susceptibles d’être concernées par les connaissances et les indications produites par la recherche, ainsi qu’au sein de la communauté scientifique sous forme d’ouvrages ou articles. D’autre part, les résultats sont également utilisés et communiqués au sein de la formation de base, à l’intention des apprenants futurs professionnels et des collègues qui n’ont pas participé à la recherche. De cette manière, ils contribuent à enrichir, diversifier et à innover l’offre de formation et ses contenus. Il n’est pas rare que les partenaires de terrain ayant participé à la conduite de la recherche soient invités à intervenir dans le cadre de la formation de base, la réciprocité du transfert contribuant ainsi de manière tangible à la construction de connaissances et de compétences professionnelles. Financement La Ra&d en HES dispose de différentes sources de financement: au niveau fédéral, un programme d’encouragement à la recherche (DORE, DO-Research) a été mis en place depuis 19993. Entièrement géré par le Fonds national suisse de la recherche scientifique depuis 2004, ce programme, qui fait partie de la division des sciences


humaines et sociales, vise la promotion et le soutien à la recherche au sein des HES et des HEP (Hautes Ecoles Pédagogiques) par le subventionnement de projets de recherche, de réunions scientifiques, de publications et de cours destinés à la relève scientifique. Entre 2004 et 2006, 50 projets ont été déposés dans le domaine du Travail social (dont 25 par des chercheur-se-s de la HES-SO). Le taux de succès pour le Travail social est, avec 48%, supérieur à la moyenne (44%)4, attestant ainsi de la vitalité et de la qualité de la recherche menée dans ce domaine. D’autres sources de financement possibles sont, par exemple, les fondations privées, les pouvoirs publics (fédéraux, cantonaux, communaux), les associations faîtières, professionnelles ou de bénéficiaires, les institutions socio-sanitaires ainsi que les syndicats. Au sein de la HES-SO, depuis 2004 pour la Santé et le Social, il existe également un dispositif de soutien et de promotion de la Ra&D. Celui-ci se déploie essentiellement autour des quatre réseaux de compétences qui ont été institués à la suite de procédures de sélection. Chaque réseau a un programme (cf. encart) de recherche et une enveloppe budgétaire qui lui permettent de soutenir financièrement soit l’élaboration, soit la conduite de projets de recherche. Les réseaux sont constitués de chercheur-se-s

actifs/ves au sein de la HES-SO ainsi que de scientifiques travaillant sur les thématiques et les axes du programme du réseau en Suisse et à l’étranger. Pôles de compétences de la HEF-TS6 Au sein de la HES-SO, chaque site dispensant une formation en Travail social (Fribourg, Genève, Valais et Vaud) dispose d’une unité de recherche qui, au fil des années, a développé et développe, en lien avec les mandats et les formations continues, des domaines d’expertises spécifiques. Les pôles de compétences de la HEF-TS concernent, principalement mais non exclusivement, les thématiques suivantes: • les différents handicaps, les personnes en situation de handicap dans la société, les dispositifs de prise en charge et les politiques sociales dans ce domaine; • les problématiques et les enjeux liés aux confins du social, aux zones d’articulation de champs professionnels contigus (social, sanitaire, judiciaire, scolaire, etc.) et aux différentes articulations et régulations de ces champs; • la violence sous ses différentes formes et manifestations, ses implications et ses conséquences, son traitement par la société et par les professionnels (violence contre les autres

Le CEDIC (www.cedic.ch) a pour objectif, dans le cadre de la HES-SO, d’encourager la recherche sur la diversité culturelle et la citoyenneté dans les domaines du Travail social et de la santé. Les recherches développées par le CEDIC répondent aux questions que se posent les professionnels, les institutions, les associations dans ces champs. Il s’agit, par exemple, de traiter des problématiques telles que le rôle de l’interprétariat dans les institutions, les incidents interculturels, l’accès aux services pour les personnes «minoritaires», les représentations de la maltraitance et sa prévention et l’animation dans différents contextes culturels. Ces recherches sont réalisées en partenariat avec des acteurs de terrain et nourrissent les pratiques professionnelles et la formation des étudiant-e-s. (Claudio Bolzman, responsable du CEDIC). Le REA (www.reas2.ch) se donne pour mission d’encourager la recherche dans la HES-SO dans le champ de la politique sociale, familiale et de la santé. La recherche dans ce champ est particulièrement importante pour que des décisions soient prises en connaissance de cause. Il s’agit, concrètement, de répondre à des questions comme l’impact d’une politique sociale spécifique sur une population, les conséquences de mesures sociales sur la responsabilité parentale ou l’effet d’une politique de la santé sur la consommation de soins, ou encore de décrire et d’analyser l’évolution d’une politique ou d’une activité sociale ou sanitaire qui y est liée. Le REA invite les enseignant-e-s des sites de la HES-SO à déposer des projets de recherche ayant une pertinence pour les pratiques concernées et susceptibles de rejaillir sur les formations initiales et continues (Hélène Martin, responsable du REA). Le Réseau d’études appliquées des pratiques de santé de réadaptation /(ré)insertion (www.resar.ch) rassemble des chercheurs de différentes professions de la santé et du social et de différentes disciplines (sociologie, sciences

et comportements auto-destructeurs); • l’insertion sociale (vs l’exclusion sociale), les dispositifs et les politiques d’insertion sociales et professionnelles; • la prévention et la qualité de vie; • l’évaluation des prestations, des pratiques et des interventions professionnelles. Conclusion Les pratiques et les résultats de la recherche en Travail social au sein de la HES-SO sont riches et variés. Forts de ces expériences et de ce patrimoine les chercheur-se-s de la HES-SO sauront relever les défis d’avenir et continuer à déployer leurs compétences, leur talents d’inventivité, de rigueur et de sagacité au service de l’innovation et du développement du Travail social. Les quatre missions sont la formation de base, la recherche appliquée et le développement, les prestations de service et la formation continue et post-grade. 2 DFE/OFFT et CDIP-projet de Masterplan Hautes Ecoles spécialisées de la Confédération et des cantons, Masterplan Hautes Ecoles spécialisées 04-07, rapport final. Berne, le 26 avril 2004. 3 FNS (décembre 2006): Do REsearch (DORE). Instrument de promotion pour la recherche orientée vers la pratique réalisée au sein des Hautes Ecoles spécialisées et des Hautes Ecoles pédagogiques. Rapport d’activités 2004-2006. 4 FNS, op.cit. 5 HES-SO: Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale 6 HEF-TS: Haute Ecole Fribourgeoise de Travail Social 1

politiques, économie). Il a pour projet scientifique l’étude de l’impact des transformations du système socio-sanitaire actuel sur: • les usagers, leur trajectoire dans les institutions de ce système et les représentations qu’ils en ont; • les pratiques des professionnels de ce champ; • les interactions entre les uns et les autres. Un accent particulier est mis sur les points d’entrée du système socio-sanitaire (médicalisation de problèmes sociaux de plus en plus nombreux) et de sortie de ce même système (invalidité, réadaptation, réinsertion). Le Ré-Sa-R collabore étroitement depuis quelques années avec des institutions sanitaires et sociales et des partenaires universitaires (Danièle Lanza, responsable du RE-SA-R). Le RECSS (Réseau d’études aux confins de la santé et du social) rassemble des chercheur-es qui s’interrogent et travaillent sur les thèmes suivants: • les confins comme zones dynamiques de contacts et d’échanges, d’interface, de différenciation et de convergences, entre des champs (santé, social, politique, etc.), des disciplines, des professions, des institutions; • les acteurs individuels, collectifs et organisationnels qui agissent dans ces espaces et les logiques qui sous-tendent leurs actions; • - les régulations des échanges, les formes et modalités qu’ils prennent, les relations et collaborations entre acteurs de champs, de disciplines, de statut et de genres différents, les pratiques qui en découlent ainsi que les enjeux qui les conditionnent. Le RECSS soutient des projets portant, par exemple, sur la qualité de vie de personnes vieillissantes, les pratiques de la protection de la jeunesse, les actions de prévention.


Le partenariat avec les terrains de pratique dans la recherche en HES Véronique Zbinden Sapin, professeure, Haute Ecole fribourgeoise de travail social (HEF-TS)

L’une des spécificités de la recherche en HES est le développement d’une collaboration privilégiée avec les milieux liés à la pratique. Véronique Zbinden Sapin souligne l’importance de ces partenariats, dans le recueil de données d’abord, mais aussi comme relais pour la diffusion des résultats vers les terrains de référence.

Autisme Suisse romande, Asperger Romandie, centres médico-sociaux, commission cantonale en faveur des personnes handicapées, CroixRouge, Caritas, Pro Senectute, Bureau de l’intégration, associations de professionnel-le-s, fondations diverses et services de différents cantons (santé publique, enseignement, protection de la jeunesse, etc.),… Cette liste, loin d’être exhaustive, donne une idée de la richesse et de la variété des partenaires de terrain impliqués dans des projets de recherche menés dans les Hautes Ecoles Spécialisées (HES)1

financière, mais est souvent calculée en forces de travail: le partenaire de terrain mettant ainsi à disposition des chercheur-se-s des heures de travail de ses collaborateur-trice-s. Ce mouvement de partenariat vise la construction d’une culture commune entre praticien-ne-s et chercheur-se-s et un transfert mutuel de connaissances. Plus concrètement, que peuvent tirer l’un et l’autre parti de cette aventure commune?

Contexte de la recherche en HES: le programme DORE

Pour répondre à une question du type «Quelles sont les conséquences d’un accident de travail sur la trajectoire des personnes qui en sont victimes?», différents types de données peuvent être récoltées et analysées, dont les témoignages des personnes concernées (Tabin, Castelli Dransart, Bolzmann, Pasche, 2006). Mais où trouver ces personnes? Comment les contacter? Le partenariat avec les terrains peut permettre aux chercheur-se-s d’accéder aux personnes concernées par une thématique particulière, en respectant les règles de la protection des données. Ainsi, dans notre exemple, les partenaires sont un centre de réadaptation, des syndicats et un centre de contacts suisses-immigrés. Ceux-ci peuvent contribuer en donnant de leur temps pour prendre contact avec les participants potentiels et les informer de l’existence de la recherche. Les partenaires sont également un relais important de diffusion des résultats vers les terrains de référence. Ainsi, les connaissances issues de la recherche peuvent par la suite être utilisées par les terrains. De plus, les partenaires peuvent développer une argumentation en direction des politiques sur la base de données scientifiques. De manière complémentaire, les HES, en tant qu’écoles, sont également un lieu privilégié de transfert de connaissances: les résultats de la recherche venant enrichir très directement la formation des praticien-ne-s (formation de base et formation continue). La collaboration avec les terrains assure aux chercheur-se-s de rester en phase avec les pratiques de références. Le partenariat leur évite de s’enfermer dans une tour d’ivoire. Les chercheur-se-s s’engagent ainsi de préférence dans une recherche socialement utile, en construisant

Actuellement, les HES sont chargées de 4 missions principales, qui sont non seulement la formation de base et la formation continue des professionnel-le-s, mais également les prestations de service et la recherche appliquée. Cette dernière est financée par différents moyens: mandats, fondations, fonds privés, etc. Depuis 2000, la Confédération a introduit un instrument de promotion de ce type de recherche à l’usage des chercheurs des HES et HEP (Hautes Ecoles Pédagogiques): il s’agit du programme DORE (DO Research) du Fonds National de la Recherche scientifique (FNS). Ce programme comporte des spécificités par rapport aux conditions traditionnelles de financement de projets de recherche par le FNS (Universités, etc.). En effet, une des conditions d’allocation de ressources est que le projet de recherche soit porté à la fois par des chercheurs et des partenaires de terrain. Ces derniers doivent contribuer au financement de la réalisation de la recherche à hauteur d’environ 30%. Cette innovation, imposée par le programme DORE, est en lien avec la spécificité de la recherche en HES, qui est dite orientée vers les pratiques. Dans le domaine du Travail social, les types de partenaires les plus souvent impliqués pendant la période d’encouragement 2004-2006 ont été d’abord les pouvoirs publics (cantons, communes, système de santé publique), puis les associations, clubs et coopératives (FNS, 2006). Les modalités de la collaboration se discutent directement entre chercheurs et partenaires de terrain et varient de cas en cas. La contribution des partenaires de terrain peut évidemment être

Intérêt d’une collaboration entre chercheur-se-s et praticien-ne-s


leur objet en lien avec les terrains. Cependant, pour que la collaboration soit réussie, les différentes étapes menant à la réalisation du projet doivent être discutées entre les partis. En particulier, la question de la durée de ces étapes doit être abordée clairement. Dans le programme DORE, la requête est faite par les chercheurs, mais les partenaires s’engagent dès le dépôt du projet par leur signature. La requête est alors évaluée par des experts externes. Pour arriver à cette première étape, prise de contacts, enthousiasme, négociations, hésitations puis finalement engagement se sont déjà succédé pendant plusieurs mois. La signature de la requête représente ainsi l’aboutissement de tout un processus. Cependant, la route est encore bien longue jusqu’au démarrage de la phase de réalisation du projet, et l’enthousiasme peut s’atténuer durant les 6 à 8 mois existant au minimum entre ces deux étapes! De plus, une première requête peut être refusée par la commission, sans pour autant que la pertinence et l’intérêt de la recherche ne soient mis en question. Que faire alors? Une requête remaniée augmente considérablement ses chances de succès (passage d’environ 40% à plus de 70%, tous domaines confondus) (FNS, 2006). Il

s’agit alors de reprendre les négociations entre chercheurs et partenaires pour décider de la suite de l’aventure. Pendant ce temps, les personnes peuvent avoir changé d’emploi et les contacts pris devoir être poursuivis avec de nouveaux interlocuteurs. Une des difficultés de DORE est que, même si les terrains sont intéressés à une thématique de recherche, ils ne peuvent pas toujours collaborer par manque de ressources à mettre à disposition. Les domaines de la santé et du social sont particuliers au sens où les partenaires potentiels dépendent souvent, entièrement ou partiellement, de fonds publics. A l’heure des restrictions budgétaires et des équipes de professionnelle-s en sous-effectifs, l’engagement de forces de travail dans une recherche peut être hors de portée. La question se pose alors de l’impossibilité de mener des recherches dans ces domaines-là. Ces difficultés sont cependant contrebalancées par l’intérêt des recherches menées en partenariat. En plus des avantages décrits précédemment, elles permettent à chaque parti d’être reconnu par l’autre et par son réseau, et de s’engager les uns envers les autres à faire progresser à la fois les pratiques et les recherches. Les associations Autisme

Suisse Romande et Asperger Romandie sont partenaires de terrain d’une recherche menée actuellement par des chercheuses de deux sites de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale2.

1 2

Pour une liste complète : FNS, 2006, pp. 47-51 Voir encadré

Références FNS (Décembre 2006). DO REsearch (DORE). Instrument de promotion pour la recherche orientée vers la pratique réalisée au sein des hautes écoles spécialisées et des hautes écoles pédagogiques. Rapport d’activités 2004-2006. Tabin, J.-P., Castelli Dransart, A., Bolzmann, C., Pasche, G. (2006). Analyse pluridimensionnelle de l’accident de travail. Projet soutenu par DORE. Thommen, E., & Zbinden Sapin, V. (2006). La trajectoire développementale des personnes atteintes de Troubles Envahissants du Développement: Analyse rétrospective. Projet soutenu par DORE.

Les trajectoires des personnes atteintes d’autisme et du syndrome d’Asperger: un exemple de partenariat entre chercheuses et associations

Le point de départ de cette recherche, actuellement en cours de réalisation, a été le constat d’un manque de ressources spécialisées en Suisse pour les personnes atteintes de Troubles Envahissants du Développement, dont l’autisme et le syndrome d’Asperge font partie (DSM-IV-TR). Ce constat provenait à la fois de la recherche dans le domaine et des familles concernées, regroupées en associations. Celles-ci se sont engagées comme partenaires de terrain et ont permis l’accès à une partie des 36 familles qui ont été interviewées dans le cadre de la recherche. Ces familles sont issues des cantons de Fribourg, Genève, Vaud, Valais, Neuchâtel et Berne francophone. Un des objectifs de la recherche est de mettre en évidence les besoins des personnes concernées, par une méthodologie d’analyse systématique des entretiens racontant l’histoire de vie des enfants. Il s’agit de mieux connaître comment les enfants atteints de T.E.D sont suivis et se développent, pour améliorer les interventions éducatives et scolaires, ainsi que les relations entre les professionnel-le-s, les enfants et les parents. Les premiers résultats montrent que les trajectoires sont variées et dépendent de circonstances qui n’apparaissent pas directement liées aux troubles des enfants. Les résultats complets de la recherche seront disponibles fin 2007. Grâce au partenariat, un double mouvement de transfert de connaissances va s’opérer: les chercheuses, qui enseignent en HES, pourront diffuser les résultats auprès des professionnel-le-s de la santé et du social. De manière complémentaire, les associations de parents pourront diffuser les résultats obtenus vers leurs membres, mais également vers les décideurs politiques et le grand public. Financement

Fonds National de la recherche scientifique; HES-SO: Ecole d’études sociales et pédagogiques, Lausanne (EESP) & Haute Ecole fribourgeoise de travail social, Givisiez (HEF-TS); Autisme Suisse Romande: (http://www.autisme.ch); Asperger Romandie (www. asperger-romandie.ch). Equipe de recherche

Responsable principale: Evelyne Thommen, HES-SO, EESP; Lausanne Co-responsable: Véronique Zbinden Sapin, HES-SO, HEF-TS, Givisiez Collaboratrices à la recherche: Sandra Wiesendanger, Isaline Panchaux-Mingrone, Anne Guidoux.


Les besoins des personnes cérébro-lésées et de leurs proches Posture réflexive sur la définition des concepts et les choix méthodologiques d’une recherche Geneviève Piérart, Haute Ecole fribourgeoise de Travail social

La définition des concepts et la méthode choisie lors d’une recherche peuvent-elles être questionnées? Oui, postule Geneviève Piérart, qui revient, dans une attitude réflexive, sur l’étude qu’elle vient de terminer. En désignant la personne en situation de handicap comme un sujet acteur de la recherche, elle expose son choix aux critiques des débats actuels. Toutefois, cette posture offre d’autres bénéfices, comme celui de générer des retombées positives et pratiques plus pertinentes sur la vie des personnes concernées.

Dans le cadre d’une recherche mandatée par l’association FRAGILE Suisse1, il nous a été demandé d’évaluer les besoins des personnes cérébro-lésées et de leurs proches en Suisse romande, en vue d’offrir une base de réflexion au développement de l’offre associative locale2. Dans cet article, nous souhaitons adopter une posture réflexive vis-àvis de la démarche de recherche que nous avons effectuée. Afin d’atteindre nos objectifs de recherche, nous avons dû d’emblée résoudre deux questions: définir de manière opérationnelle le concept de besoin, et trouver une méthode de recueil des données adaptée aux personnes que nous allions rencontrer. En effet, dans le domaine du handicap3, l’évaluation des besoins implique la prise en compte de nombreuses perspectives, avec, au premier plan, celle de la personne en situation de handicap. De même, le recueil de données auprès de personnes en situation de handicap requiert l’utilisation de méthodes adaptées à leurs compétences communicatives et cognitives4.

Le concept de besoin Le handicap lié à une lésion cérébrale présente un caractère singulier: la lésion peut entraîner différents types de séquelles (cognitives, psychologiques, motrices, psychosociales) et il est difficile de poser un pronostic clair de récupération. De plus, le caractère accidentel de la lésion implique une rupture avec la vie antérieure, la personne conservant la mémoire d’un passé normal5. On parle souvent de «séquelles invisibles», car elles ne se voient pas au premier abord6, bien que l’équilibre du milieu de vie de la personne et sa capacité d’adaptation à ce milieu puissent être fortement perturbés7. Ces bouleversements du milieu de vie touchent également les proches: différentes recherches mettent en évidence un niveau élevé de stress et de surcharge au sein des familles assumant l’accompagnement d’une personne cérébro-lésée8. La situation de handicap consécutive à une lésion cérébrale entraîne donc l’émergence de besoins spécifiques chez la personne concernée et son entourage. Pour répondre de manière satisfaisante à ces besoins, il est primordial de les évaluer correctement. Ce qui signifie, en premier lieu, de définir clairement ce que l’on entend par «besoin».

10

Cette notion comprend à la fois une dimension subjective (un état de tension ou de malaise ressenti par l’individu en lien avec une nécessité biologique, psychologique ou sociologique) et une dimension objective (en tant qu’élément extérieur nécessaire au fonctionnement d’un groupe ou d’un organisme)9. Dans le domaine de la santé, la même distinction est opérée entre les besoins «ressentis» (c’est-à-dire perçus subjectivement par l’individu) et les besoins «non-ressentis» (mais considérés comme des besoins d’un point de vue extérieur, objectif ). Les besoins ressentis peuvent être exprimés, ce qui leur permettra éventuellement d’être comblés, mais il arrive également que la personne ne les exprime pas10. Dans le cadre de notre recherche, nous avons retenu cette double perspective en prenant en considération les demandes exprimées par les personnes interrogées (besoins ressentis et exprimés), les manques dont elles ont fait part (besoins ressentis mais non exprimés), ainsi que les difficultés dont elles ont témoigné, renvoyant à des besoins définis de notre point de vue de chercheurs, mais pas nécessairement ressentis par les personnes elles-mêmes. Nous avons tenté de traduire le plus fidèlement possible en termes de besoins les récits, témoignages et échanges des personnes que nous avons rencontrées. Les besoins que nous avons dégagés dans notre analyse sont donc à la fois le reflet de l’écart entre ce que vivent les personnes et ce qu’elles souhaitent, et de notre interprétation des situations de manque et de souffrance renvoyant à des besoins dont les personnes ne sont pas nécessairement conscientes. Cette posture est critiquée dans les débats actuels sur la position du chercheur s’intéressant aux personnes en situation de handicap. En effet, une approche centrée sur les besoins risque de favoriser une représentation du handicap en tant que problème social11. Cependant, notre démarche a ceci de particulier qu’elle répond à la demande d’une organisation de personnes en situation de handicap, et qu’elle vise ainsi tant des retombées pratiques positives sur la vie de ces personnes, qu’un questionnement des politiques sociales (en l’occurrence le système de prestations de l’OFAS) exerçant un impact sur leur vie. Dans cette perspective, notre étude respecte les critères de la recherche dite «émancipatoire», qui place la


personne en situation de handicap en position de sujet acteur et non pas d’objet de la recherche12.

Les choix méthodologiques Afin de recueillir nos données, nous avons retenu la méthode des focus groups. Celleci consiste à réunir une dizaine de personnes pour un entretien collectif basé sur un thème précis et structuré selon un plan de questions13. Cette méthode favorise le recueil d’une quantité importante d’informations dans un délai relativement court. Les interactions entre les participants mettent en évidence les points de rencontre (convergences) et de rupture (divergences), permettant d’établir un inventaire des expériences, des besoins et des attentes des personnes concernées14. Elle présente également certaines limites liées à la dynamique de groupe (tensions, blocages liés à l’hétérogénéité du groupe ou des expériences)15. Certaines caractéristiques du tableau clinique et social de la lésion cérébrale (aphasie, troubles de la concentration, isolement social notamment) peuvent exercer un impact sur les résultats obtenus. Notre choix méthodologique a effectivement entraîné une sous-représentation des personnes en situation de repli social, ainsi que des personnes cérébro-lésées fortement limitées dans leurs capacités d’expression orale. Cependant, la discussion de groupe fait partie des méthodes considérées comme les plus pertinentes dans la recherche émancipatoire. En effet, une approche qualitative reposant sur une interaction directe entre le chercheur et les personnes en situation de handicap lui permet d’accéder aux significations qu’elles attribuent à leur expérience, ainsi qu’à leurs critiques et souhaits vis-à-vis de la recherche. De plus, le chercheur ne peut s’extraire artificiellement des situations qu’il étudie: il en fait partie, en tant que membre de la société, ainsi qu’en tant que relais de la parole des personnes en situation de handicap16. Précisons que des personnes cérébro-lésées (membres des comités des antennes cantonales de FRAGILE) ont participé à l’élaboration et la réalisation de notre méthodologie, nous procurant ce regard critique et concerné dont nous avions besoin.

Des résultats significatifs Les résultats se fondent sur l’analyse de sept focus groups, réalisés avec des personnes cérébro-lésées, des proches et des professionnels concernés par la lésion cérébrale.

Ces résultats convergent avec ceux d’autres études menées dans le champ de la lésion cérébrale, et utilisant des méthodes de récolte des données différentes (questionnaire, entretien individuel)17. Quatre types de besoins ont émergé de l’analyse des focus groups: le besoin d’information, de soutien, de structures adaptées et de respect (notamment en lien avec des situations de maltraitance). Des moments-clés apparaissent dans les récits des personnes interrogées: la période d’hospitalisation, la fin de la phase de rééducation, et l’étape de la réinsertion sociale et/ou professionnelle de la personne cérébro-lésée. Trois grands besoins émergent du discours des proches: avoir accès à l’information au moment opportun, bénéficier d’un soutien adapté en période de crise et dans la durée, et trouver une place dans la société pour leur proche cérébro-lésé. Les besoins exprimés par les personnes cérébro-lésées concernent principalement la gestion de leurs séquelles, la participation sociale et la collaboration avec les professionnels. Ces derniers expriment le besoin d’une plus grande visibilité et d’une meilleure coordination des ressources existant dans le domaine de la lésion cérébrale. La temporalité apparaît comme un aspect fondamental sous-jacent aux besoins identifiés: chaque acteur impliqué (personne cérébro-lésée, proche, professionnel, personne active dans une association) perçoit les besoins et les ressources à un moment spécifique de son parcours de vie, ce qui complexifie l’adéquation entre l’expression des besoins et la proposition de moyens visant à y répondre. Ainsi, alors que les personnes cérébro-lésées témoignent d’attitudes résilientes (voir le côté positif des choses, profiter de chaque instant), les proches expriment leur lassitude face aux difficultés s’installant dans la durée18. Les professionnels font eux aussi état de ce décalage lorsqu’ils parlent de leur difficulté à situer la demande, les attentes des proches entrant parfois en contradiction avec celles des personnes cérébro-lésées. Différentes pistes ont été proposées en vue d’élaborer des réponses aux besoins identifiés par notre recherche. Elles visent le renforcement des solutions déjà existantes ainsi que le développement de nouveaux moyens, notamment en termes de prévention, de communication, de visibilisation des ressources et de coordination des prestations19. En conclusion, rappelons que l’implication des personnes en situation de handicap dans les recherches qui les concernent et l’obtention de résultats favorisant

des retombées pratiques réelles et positives sur leur vie constituent des exigences vers lesquelles doit tendre tout chercheur. En contrepartie, la recherche émancipatoire offre au chercheur l’opportunité d’un engagement social et politique en faveur de la cause qu’il étudie, une posture qui, en l’occurrence, nous convient parfaitement! Association suisse pour les traumatisés cranio-cérébraux Korpès, J.-L. et Piérart, G., Étude sur les besoins des personnes cérébro-lésées et de leurs proches. Contribution à la définition des prestations des associations romandes, sur mandat de FRAGILE Suisse. Rapport final interne, Givisiez, février 2007. 3 Swaine, B. et al., Identification des besoins spécifiques des adolescents suite à un traumatisme cranio-cérébral léger, Québec, Programme de Recherche en Réadaptation et Intégration Sociale en Traumatologie (PRRIST), 2006. 4 Boutin, G., L’entretien de recherche qualitatif, Québec: Presses de l’Université du Québec, 1997. 5 Lebeau, H., Rapport d’enquête sur les traumatisés crâniens réalisé par l’Inspection Générale des Affaires Sociales, [Online], 1995. 6 Croisiaux, C. (dir.), Le handicap invisible? Quelques pistes pour y faire face au quotidien, Bruxelles: La Braise a.s.b.l., 2005. 7 Lefebvre, H. et al., L’impact à long terme du TCC sur les proches (pp. 27-44), Montréal: Les Publications du CRIR, 2005. 8 Degeneffe, C.E. et Lynch, R.T., Correlates of Depression in Adults Siblings of Persons with Traumatic Brain Injury, Rehabilitation Counseling Bulletin, 2006, 49, 3, 130-142; Kosciuleck, J.F., A multidimensional longitudinal analysis of family coping with brain injury, International Journal of Rehabilitation Research, 1999, 22, 269-276; Lefebvre et al., op.cit.; Perlesz, A. et O’Loughlan, M., Changes in Stress and Burden in Families Seeking Therpay Following Traumatic Brain Injury: A Follow-up Study, International Journal of Rehabilitation Research, 1998, 21, 4, 339-354. 9 Mucchielli, A., Les motivations (p. 42), Que sais-je? Paris: Presses universitaires de France, 2001; Chombart de Lauwe, P. H., Pour une sociologie des aspirations: éléments pour des perspectives nouvelles en sciences humaines, (p. 13 14), Paris: Éd. Denoël, 1969. 10 Heinemann, A.W. et al., Measuring unmet needs and services among persons with traumatic brain injury. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 2002, 83, 1052-1059, cités par Swaine, B. et al., op.cit. 11 Boucher, N., Handicap, recherche et changement social. L’émergence du paradigme émancipatoire dans l’étude de l’exclusion sociale des personnes handicapées. Lien social et Politiques – RIAC, 50, Sociétés des savoirs, gouvernance et démocratie, Automne 2003, pp. 147-164. 12 Ibid. 13 Beuscart, J.-S., Étude sur les besoins et les attentes en matière d’accompagnement des personnes atteintes de maladies rares, AFM/Altao, 2006; Moreau, A. et al., S’approprier la méthode du focus group, La revue du praticien - Médecine générale, 2004, 18, 645, 382-384; Slocum, N., Méthodes participatives - un guide pour l’utilisateur: Focus groupe, [Online], 2006. 14 Ibid. 15 Fenneteau, H., Enquête: entretien et questionnaire, Paris: Dunod, 2002. 16 Boucher, op.cit. 17 Swaine et al., op.cit.; Cram Rhône-Alpes, Lésions cérébrales, Regards croisés: Répercussions de la lésion cérébrale chez les personnes victimes d’un traumatisme crânien ou d’un accident vasculaire cérébral, implications pour la famille et la société, [Online], 2003. 18 Cram Rhône-Alpes, op.cit. 19 Korpès et Piérart, op.cit. 1

2

11


Les tribulations d’un chercheur

De la genèse à la publication, itinéraires et états d’âme

Maurice Jecker-Parvex, professeur et chercheur, HEF-TS, Givisiez, Fribourg

La conduite d’une recherche n’est pas un long fleuve tranquille. Comme dans la vie, il y a des hauts et des bas. En pédagogue averti, c’est au moyen d’une allégorie que Maurice JeckerParvex nous invite à entrer dans l’univers austère et confidentiel de la recherche.

Le choix de parler de la genèse et de la trajectoire d’une recherche sur un mode métaphorique s’est imposé à moi pour deux raisons. La première est que la recherche dans laquelle je suis engagé (et qui est présentée en marge de cet article) se trouve actuellement dans une phase où mon implication ne me permet pas de prendre le recul approprié pour en parler avec suffisamment de lucidité et de détachement. La seconde raison est que j’ai souhaité apporter un éclairage original sur le processus de création d’une recherche, ainsi que sur les aléas du métier de chercheur; lever un coin du voile sur des sujets souvent considérés comme sérieux et austères et ainsi les rendre, d’une certaine façon, plus abordables et accessibles. Je me suis cependant largement inspiré d’entreprises de recherches auxquelles j’ai collaboré pour les résumer en quelques images.

«Voici les données que vous recherchez…»

Pouvez-vous vous imaginer ce qu’un tel message, de prime abord anodin, peut apporter comme émotions et pensées à un chercheur, à chaque personne impliquée dans une équipe de recherche ? C’est à ce moment qu’ils poussent un soupir de soulagement, ou du moins celles et ceux qui ne sont pas nécessairement des vieux briscards de la recherche. Pour ma part, lorsque j’ai reçu le mail contenant cette information, en un instant, j’ai été traversé par divers sentiments et pensées et, très curieuse-

ment, plusieurs moments des années précédentes de préparation et de mise en œuvre de la recherche me sont revenus à l’esprit. D’une certaine manière, j’ai perçu cet instant comme un instant crucial dans une histoire déjà passablement longue et traversée de nombreuses péripéties. C’est une étape essentielle, voire vitale, car on peut alors se dire: «Je suis payé de mes efforts; j’ai réussi mon examen de passage, cette fois, les choses vraiment concrètes commencent!». Eh oui, malgré la satisfaction légitime, il ne s’agit pas d’un aboutissement ultime, mais bien de la fin d’une étape, et du début d’une nouvelle. En fait, il est possible de dire que chaque recherche contient en elle-même une histoire, et bien souvent de manière implicite et peu évidente. L’histoire des engagements de plusieurs personnes, de leurs rencontres, de leurs collaborations, de leur travail collectif, tissé d’accords et désaccords d’émulations et de soutiens, de leurs tâtonnements, de leurs hésitations… Les lecteurs du rapport final de recherche, les lecteurs des publications qui peuvent en être extraites, restent la plupart du temps peu conscients des multiples péripéties et tribulations à l’origine de la création et de la mise en œuvre d’une recherche et des aléas qui l’accompagnèrent. De nombreux événements heureux, malheureux, sillonnent en effet le parcours d’une recherche: événements liés à la collaboration et aux partenariats mis en route, mais également événements associés aux histoires de vie personnelles et professionnelles des partenaires faisant partie directement ou indirectement de la recherche.

Manuela Thurre

Parcours de recherche – parcours de vie

12

Avec la réserve scientifique et éthique qui sied à tout chercheur soucieux de l’objectivité et de la rationalité de ses propos, il est envisageable de comparer la construction, le développement et la diffusion d’une recherche, au parcours et aux cycles d’une vie humaine. Il est ainsi possible de situer la conception d’une idée de recherche au cœur des échanges entre des personnes, partageant une même pulsion de réfléchir sur la vie, sur le monde, qui en se questionnant, font naître une idée de recherche… «Mais est-ce qu’il serait possible de mieux connaître la situation, par exemple, des personnes adultes vivant au domicile parental?»


Ce n’est pas toujours quelque chose de clairement repérable dans le temps, ni même un processus conscient et maîtrisé… mais il s’agit fréquemment d’un moment et d’un type d’échanges particuliers, véritablement féconds et fondateurs… Certaines idées n’ont qu’une existence éphémère, d’autres de par leur permanence, leurs résurgences, s’imposent avec leur existence propre. En reprenant l’analogie de la conception, il est possible de repérer dans la mise en place d’une recherche, comme une longue période de gestation. C’est une phase au cours de laquelle, extérieurement, peu d’éléments marquants apparaissent, l’essentiel s’effectuant de manière interne, discrète. L’idée de recherche prend forme, prend corps… Elle est évoquée à mots feutrés. Les proches se réjouissent, d’autres s’inquiètent… en fonction des personnalités, des faiblesses ou des dons des «parents», des représentations et projections que chaque personne se fait du «petit être» en gestation. Si l’issue est incertaine, chacun a néanmoins la certitude que quelque chose est en train de voir le jour… Pour donner corps à la recherche en devenir, les concepteurs lisent de nombreux ouvrages, se nourrissent et prennent des forces pour deux… L’acceptation d’un projet de recherche, très fréquemment par une ou plusieurs instances de subventionnement financier, est un moment hautement symbolique que l’on peut comparer à la fois à la naissance et aux rituels de fête (comme un baptême…) qui lui sont encore souvent associés dans la plupart de nos cultures contemporaines. Les chercheurs, durant cette période, s’associent à des «parrains et des marraines». Ceux-ci sont choisis pour apporter une caution et un accompagnement important au projet en gestation; en matière de recherche. Ce sont des personnes qui, par leur intérêt, leur engagement, montrent et prouvent positivement qu’ils «y croient», à cette idée de recherche, à ce projet… Elles sont également invitées, voire même parfois se proposent, pour «faciliter» un récolte de soutiens financiers, scientifiques, politiques, être des intermédiaires afin que les «parents», les initiateurs de la recherche, puissent rencontrer d’autres «parents» plus expérimentés, ou des «spécialistes» et conseillers en pédagogie de recherche… C’est une période «heureuse» pour les «parents», ils sont en effet félicités, conseillés… Ils vivent, et c’est souvent leurs propres paroles, «comme sur un nuage!» L’élaboration et le déroulement de la recherche correspondent aux phases de l’enfance et de l’adolescence d’une vie humaine.

Au cours de ces phases, les partenaires de la recherche apprennent beaucoup de choses, ils lisent, ils rencontrent du monde, ils font leurs premières expériences d’autonomie… C’est au cours de cette phase qu’ils consignent des pages et des pages de réflexions, de messages, remplissent de nombreux cartons d’archives, de nombreux classeurs… Mais c’est aussi durant cette période qu’ils quittent des espaces sécurisé dans lesquels ils se sentent à l’aise, pour affronter l’inconnu, qu’ils changent de classe, doivent remplir des exigences toujours plus pointues. Ces expériences leur donnent toutefois l’opportunité de se renforcer, de prendre de l’assurance, de vivre leurs premières déceptions, mais aussi de connaître des joies profondes. Les chercheurs ont parfois l’impression de «tourner en rond» durant ces phases, que leur contexte ou les partenaires ne leur font pas suffisamment confiance, temps de doutes, temps de déceptions, mais aussi d’affirmation de soi et de recherches de consensus. Enfin, il y a un moment où la recherche prend son autonomie, vit sa propre vie, tout en restant en lien avec sa famille, ses parrains et marraines. C’est le passage à la vie adulte. Concrètement, en fonction de mes expériences, ce moment est corrélé aux premières données matérielles reçues… Elles signifient que cette fois, la préparation donne un résultat tangible et la recherche peut «faire carrière», de manière plus apaisée. Toute cette longue période de quête puis de recueil des données, de leur analyse, de la composition des bilans intermédiaires, des contacts avec les concepteurs de la recherche, avec ses parrains et marraines, permet de confirmer la maturation de la recherche, de parfois la réorienter, de lui apporter des nuances… Il s’agit de l’époque de la maturité de l’adulte, période de valorisation mais aussi de doutes, un peu comme dans le mitan de la vie, avec ses remises en question, ses interrogations sur le sens de sa vie, de son projet de vie… ou de recherche… Et puis le temps passe, une fois les multiples contraintes et enjeux surmontés, scientifiques, éthiques, temporels, financiers, interpersonnels, structurels et institutionnels, une fois les débats sur les analyses épuisés, l’équipe passe à la phase de la composition du rapport final de recherche. Un nouvel enjeu se dessine: il faut prendre le risque de rendre cette recherche visible à des partenaires, qui en attendent les résultats. Fréquemment, la rédaction du rapport final et son acceptation par les destinataires

débouchent sur d’autres modalités de visibilisation du travail fourni. Les chercheurs donnent des conférences, composent des articles, voire parfois des publications, présentés dans le but de se faire connaître, de proposer ses connaissances et compétences dans un domaine particulier, sur une thématique spécifique….

Et le cycle recommence...

Et là, c’est parfois la naissance d’un «nouveau coup de foudre», à l’occasion d’un échange fécond avec d’autres personnes! Jaillit alors la pensée… d’une nouvelle idée de recherche… pénétrant l’esprit de personnes qui, à un moment donné se disent quelque chose comme «Mais c’est vraiment une bonne idée… est-ce qu’il ne faudrait pas un peu plus la creuser pour voir ce qui peut en naître?» Et alors, une nouvelle aventure … de recherche peut voir le jour.

Ce texte est dédié à Léa, petite fille d’une collaboratrice de recherche, née durant l’un de ces fameux parcours de recherche! M. Jecker-Parvex

L’auteur est actuellement engagé dans une recherche dont les initiateurs sont insieme Vaud et la Haute Ecole fribourgeoise de travail social. Elle concerne l’avancée en âge de personnes adultes ayant un handicap mental et vivant avec leurs parents, eux-mêmes âgés. L’étude est menée dans les cantons de Fribourg, Genève et Vaud. L’équipe de recherche est composée de partenaires issus des centres de formation professionnelle, des associations de parents, des terrains professionnels et des représentants des services publics concernés. Elle est soutenue financièrement par la Fondation Leenaards à Lausanne et par la HES-SO à Delémont.

13


Quand la recherche s’interroge Ethique, utilité et publication des résultats

Jean-Luc Lambert, professeur et président du département de Pédagogie curative et spécialisée, Université de Fribourg

Une centaine d’articles et deux dizaines de livres se publient chaque trimestre sur les incapacités intellectuelles... Cette prolifération d’études a-t-elle l’impact souhaité sur le quotidien des personnes handicapées mentales et leur entourage? C’est la question que soulève Jean-Luc Lambert, qui appelle de ses vœux un rapprochement entre chercheurs, praticiens et parents, avant de dresser la liste des recherches en cours à l’Université de Fribourg.

14

L’article de Madame Rivat Métrailler1 me permet d’introduire les recherches menées sur les déficiences intellectuelles au Département de pédagogie curative et spécialisée de l’Université de Fribourg. Trois thèmes centraux sont ainsi soulevés: l’éthique, l’utilité de la recherche et la publication des résultats. Il y a septante ans, les chercheurs nazis ont centré leurs efforts sur la destruction systématique des personnes déficientes, ce passage à l’acte étant le résultat d’un vaste courant de pensée qui a traversé les pays occidentaux et qui a considéré que la vie de ces personnes était un fardeau pour leur entourage et pour la société. Aujourd’hui, comme le souligne Madame Rivat Métrailler, l’eugénisme prend des formes moins radicales, plus insidieuses, en imposant progressivement l’idée que le droit à la vie et au développement est réservé à des êtres humains exempts de toute malformation, de toute atteinte physique, intellectuelle et psychologique. La recherche ne peut pas se concevoir sans un système de valeurs qui guide ses orientations. Les fondements de l’humanisme qui ont façonné l’éthique occidentale posent comme principe premier le respect total de la personne déficiente intellectuelle, de sa dignité et de sa liberté. La proclamation de l’égalité entre tous les êtres humains est une position philosophique exigeante. Cet impératif éthique en appelle un second. Toute activité de recherche doit avoir pour objectif premier l’acquisition par la personne de compétences lui permettant de vivre dignement sa condition en la dotant de moyens pour apprendre et agir dans ses milieux de vie, dans les aspects sensorimoteurs, cognitifs, affectifs, sociaux et spirituels de ses activités et cela, dans le respect total de sa personnalité et de celle des accompagnants. Il se publie en moyenne par trimestre une centaine d’articles et deux dizaines de livres sur les incapacités intellectuelles, rien qu’en langues anglaise et allemande. La valeur de ces écrits est diversement appréciée par chacun en fonction de sa formation et de ses centres d’intérêt. Cette prolifération des études s’accompagne d’une sophistication des méthodes de traitement des données. Un tel développement ne peut manquer de satisfaire les chercheurs concernés par le développement de «la science». Il convient toutefois de se demander si les personnes déficientes, leurs

familles et le personnel éducatif dans son ensemble bénéficient de cet essor scientifique. C’est la question maintes fois posée de la finalité de la recherche. Cette interrogation n’a jamais été aussi actuelle en déficience intellectuelle. D’une part, les fonds pour subventionner la recherche ne sont guère fournis, le domaine étant peu porteur en termes de retombées économiques. D’autre part, l’écart entre la somme des données recueillies par le microcosme scientifique et les applications quotidiennes ne cesse de croître. La question des relations entre la science et la pratique n’est pas neuve. Elle revêt toutefois une signification particulière dans les sciences sociales et psychopédagogiques parce que l’évolution de nos sociétés nous confronte quotidiennement à l’exclusion, à la rupture des liens sociaux. Posée autrement, la question est la suivante: les résultats d’une recherche améliorent-ils la qualité des pratiques sur le terrain et l’existence des personnes déficientes intellectuelles? Si ce n’est pas le cas, s’il n’y a pas de progrès tangibles et durables, il est raisonnable de remettre en question cette étude ou la conceptualisation du programme dans lequel elle s’inscrit. Tout investissement dans un programme de recherches destiné aux personnes déficientes intellectuelles n’est défendable que s’il accroît la qualité des services et de la vie des personnes concernées et de leurs proches. En supposant que la recherche remplisse ces critères, il reste à résoudre la question lancinante de la diffusion des données, de les rendre accessibles et compréhensibles par les familles et les praticiens de l’éducation spécialisée. La presque totalité des travaux des chercheurs sont publiés dans des revues dont l’accès aux praticiens est très difficile, notamment pour des raisons de formation. Diverses solutions ont été proposées au cours des années pour améliorer la diffusion des données scientifiques applicables dans la pratique. Force est de constater que l’artisanat règne en maître, avec des efforts réalisés le plus souvent par des revues d’associations de praticiens ou de parents, plus rarement par les chercheurs euxmêmes. Les réunions des associations professionnelles et de parents pourraient être des tremplins intéressants à condition que les chercheurs daignent s’y intéresser. L’idéal serait la création de petits ouvrages consacrés à un thème, réunissant chercheurs, praticiens et parents. La vulgarisation


scientifique est un exercice exigeant, une action de recherche à part entière qui devrait attirer les chercheurs et faire partie de leur cursus académique au même titre que l’étude des processus expérimentaux. Les recherches menées au sein du Département de pédagogie curative et spécialisée s’inscrivent dans différents contextes. Certaines bénéficient de l’aide directe du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNRS), cet organisme mettant un accent particulier sur la diffusion des résultats. La majorité des travaux s’effectuent dans le cadre des exigences de la formation, notamment les mémoires de licence et de master. La collaboration avec des organismes extérieurs, en Suisse et à l’étranger, se réalise selon les thèmes.

Citons par exemple des demandes spécifiques émanant de structures cantonales (départements de l’instruction et des affaires sociales), d’associations de parents, d’écoles et d’institutions spécialisées. Dans tous les cas, les recherches sont menées sur le terrain, les familles, les écoles, les institutions, avec l’accord des personnes concernées. Elles font l’objet d’un contrat de collaboration explicitant les objectifs, les méthodes utilisées et les modalités de dissémination des résultats. Diverses modalités permettent de concrétiser cette exigence: séances d’information, production d’articles ou de manuels accessibles à toute personne, cycles de conférences ou de formation. La légitimité des attentes exprimées par Madame Rivat Métrailler est un rappel

Les travaux actuels menés au sein du Département s’inscrivent dans plusieurs directions. La description précise de chaque thème, ainsi que les références des personnes responsables, peuvent être consultées sur le site http://administration.unifr.ch/futura/, qui reprend l’ensemble des activités en langues française et allemande, le Département étant bilingue. Les projets accompagnés d’une* sont dirigés par Madame Dr. Barbara Jeltsch, responsable de la section «Klinische Heilpädagogik». Familles • Orchestration de la vie quotidienne dans des familles d’enfant sâgés de 0 à 5 ans et présentant des retards de développement; • Familles migrantes et déficiences intellectuelles. La recherche est centrée sur le thème des relations entre les familles migrantes ayant un enfant déficient intellectuel et les professionnels de l’éducation spécialisée; • Représentations des déficiences intellectuelles chez des familles africaines: Algérie et Mali. Personnel éducatif • Analyse des conditions de stress et d’implication sociale en milieux institutionnels; • Etude des stratégies émotionnelles et cognitives du personnel éducatif face aux troubles du comportement; • Satisfaction des intervenants spécialisés et RPT. Evaluation de la satisfaction de vie • Définition d’indicateurs de satisfaction pour des personnes ne possédant pas de systèmes de communication verbale, leur évaluation dans des milieux résidentiels et la transformation de ces milieux en fonction des attentes et des besoins des personnes déficientes. Construction identitaire Ce thème comprend l’analyse des stratégies identitaires des personnes avec des déficiences et les relations entre l’identité et le milieu social: • Mères déficientes intellectuelles;

constant de la finalité de la recherche en déficience intellectuelle: permettre à la personne d’exercer pleinement ses droits dans une société conviviale, fondée sur le respect mutuel et assurant à chacun les soutiens nécessaires pour son développement.

Lire l’article en page 2: «Du laboratoire aux réalités quotidiennes» 1

• Récits de vie de familles avec un enfant gravement déficient; • Stratégies identitaires d’adolescents autistes; • Concept de soi chez des adultes en institution; • Relations entre les familles migrantes et les professionnels de l’éducation spécialisée. Polyhandicap • Les soutiens exprimés par les parents et par les professionnels face à la scolarisation des enfants polyhandicapés. Vieillissement • Situation des personnes vieillissantes et âgées en Suisse alémanique*. Pédagogie scolaire • Les effets de l’intégration d’enfants présentant des incapacités intellectuelles dans les classes primaires régulières pourvues du soutien d’un enseignant spécialisé; • Sentiment d’efficacité personnelle chez des élèves de classe à exigences de base; • Mise au point d’instruments d’évaluation des difficultés comportementales en classe et en institution; • Aménagement du milieu scolaire: le rôle du temps et de l’espace dans le contrôle des difficultés comportementales; • Fonctionnement des enfants agressifs et mise en place d’interventions en milieu scolaire; • Les troubles de l’humeur et les troubles de l’apprentissage chez l’enfant à l’école primaire. Intervention précoce/Développement • Etude longitudinale du développement d’enfants trisomiques, de la naissance à l’entrée à l’école primaire*; • «Down syndrome plus»: aspects du développement d’enfants et adolescents trisomiques présentant des handicaps associés*; • Coordination des services dans le domaine de la petite enfance; • L’évaluation longitudinale de la dépendance chez l’enfant.

15


Du double au triple diagnostic

Quand la recherche se nourrit des expériences partagées

Claude-André Dessibourg, neurologue et chargé de cours à l’Institut de Pédagogie Curative (IPC), Université Fribourg

Afin de trouver les réponses les mieux adaptées aux problèmes rencontrés par les personnes avec une déficience mentale, Claude-André Dessibourg propose d’enrichir le diagnostic d’une troisième dimension, la dimension neurologique. Dans cet article, il démontre la nécessité de pratiquer l’interdisciplinarité, gage, à la fois, d’une plus grande pertinence dans les interventions et d’une fertilisation certaine des connaissances.

16

La prévalence des troubles du comportement chez nombre de personnes en situation de handicap est très significative. Emerson (2003) a réalisé une étude en Grande-Bretagne auprès de 10’438 enfants âgés de 5 à 15 ans en utilisant l’ICD-10 (Classification Internationale des troubles mentaux et des Troubles du Comportement). Le chercheur identifie 264 enfants avec une déficience intellectuelle, soit 2,6% de la population examinée. La prévalence globale des troubles diagnostiqués chez les enfants et les adolescents déficients est égale à 39% contre 8% dans le reste de la population» (dans: Traitements médicaux et personnes déficientes intellectuelles, chap. L’utilisation des psychotropes, J.L. Lambert (2007), in print). Les médecins consultants et notamment les psychiatres se voient sollicités pour des prescriptions médicamenteuses. McGillivray et Cabe (2004) se sont intéressés à l’utilisation des psychotropes pour réduire la présence des comportements-défis chez 875 adultes. On dénombre 1316 médicaments, appartenant à 58 types différents de psychotropes». (…) Lott et coll. ont entrepris une analyse longitudinale d’une durée de 17 mois auprès de 4792 adultes; (…) 60% des personnes reçoivent au moins deux médicaments psychoactifs, 36% en reçoivent au moins trois». On se référera à ce sujet à l’analyse de J.L. Lambert dans l’ouvrage susmentionné. En d’autres termes, l’emploi de médicaments issus de la psychiatrie est massif. Ce qui n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’en particulier les neuroleptiques sont largement utilisés dans les troubles du comportement depuis un demisiècle environ. Dire que la coexistence des mesures psychopédagogiques et des psychotropes existe de manière intime semble donc une évidence. Toujours estil qu’il s’agit d’une relation délicate en raison de deux facteurs principaux: • les symptômes (subjectifs) sont peu ou pas verbalisés par la personne en situation de handicap, laquelle s’exprime souvent de manière différente, avec ses propres mots et son langage gestuel. Ainsi, une anxiété, voire un trouble dépressif peuvent-ils se traduire par un comportement-défi, ce que d’aucuns interpréteront comme un élément psychotique. Lequel sera peut-être «traité» par un neuroleptique en lieu et place de mesures psychothérapeutiques, sociales ou environnementales.

Celles-ci pourront êtres complétées, cas échéant, par un anxiolytique à faibles doses pour une durée limitée ou par un antidépresseur. • les signes (objectifs) de troubles comportementaux sont extrêmement divers, tant le nombre de syndromes est grand (on les compte actuellement par centaines): cf (www.orfanet.fr) et tant les phénotypes (aspects cliniques) sont variés. Il n’est donc pas du tout aisé pour les professionnels de dégager une véritable sémiologie adaptée au domaine éminemment complexe de la déficience intellectuelle. Ce d’autant que symptômes et signes varient d’un point de vue chronologique: dans de nombreuses institutions, une majorité de patients sont des adultes et ne relèvent plus de la pédopsychiatrie. L’environnement et d’autres paramètres psychosociaux jouent bien entendu un rôle majeur. Il est clair que psychiatrie ne rime pas avec médication. La psychothérapie bute néanmoins sur des paramètres pratiques (capacités introspectives et expressives de la personne, concentration, autres handicaps sensoriels et moteurs), sur d’éventuelles interférences avec l’équipe psychopédagogique procurant déjà un soutien ainsi que sur des considérations éthiques (consentement, compréhension de la démarche, paramètres familiaux) etc. Grande est donc la tentation de traiter superficiellement un signe perturbateur par des sédatifs puissants, afin d’éteindre le trouble du comportement. On aboutit, cas échéant, à l’accumulation de psychotropes, souvent mis en réserve au bon jugement de personnels n’ayant parfois à leur disposition ni diagnostic précis, ni formation suffisante quant aux médications distribuées. Si l’idée d’un double diagnostic est acceptée dans les têtes, il n’est pas sûr que son application soit passée dans les mœurs. La psychiatrie de la déficience intellectuelle n’en est encore qu’à ses débuts. En réalité, nous savons très peu à propos des mécanismes physiopathologiques de l’autisme (Dessibourg, 2006), des syndromes chromosomiques, génétiques ou malformatifs et quant à l’action précise des molécules psychoactives: ce, en général et dans la déficience en particulier. Les personnes handicapées ont en effet des réactions atypiques et des effets secondaires déconcertants qui se surajoutent à leurs déficits. La très vaste majorité des études se limite à un petit nombre


Fotolia

d’individus, à des groupes hétérogènes étudiés sans population contrôle et sur une durée limitée. Il en résulte des données le plus souvent aléatoires et non significatives. Ces difficultés à sérier les éléments psychiatriques des paramètres psychopédagogiques saturent l’esprit de certains. Pourtant, la simple réalité de ces personnes en situation de handicap sollicite une troisième dimension qui semble tout aussi évidente. Il s’agit de l’aspect somatique, en l’occurrence, neurologique. Certains pourraient arguer que l’on enfonce ici des portes ouvertes: le patient déficient n’a-t-il pas été investigué et traité lege artis à la naissance, puis suivi par un-e (neuro)pédiatre? Il bénéficie en outre de soins ambulatoires ou institutionnels de manière ponctuelle. La médecine a pu (ou n’a pas pu) donner un diagnostic, lequel figure dans un dossier séparé (mais pourquoi donc? il s’agit d’un travail d’équipe, dont tous les membres sont liés par le secret professionnel!). Que faire d’autre? La plupart du temps, il n’y a pas de traitement causal et le quotidien est géré de manière symptomatique (état fébrile, insomnies, agitation, constipation). Or, cette attitude, si elle semble frappée du bon sens, est aussi limitative que celle qui consiste à ne décapiter que les signes émergents d’une souffrance psychiatrique. À maints égards, elle est dépassée, voire fausse. Il est vrai que la majorité des handicaps constitués n’ont, à l’heure actuelle, pas de traitement étiologique. Cette assertion sera vraisemblablement modifiée dans les années à venir, grâce aux recherches biotechnologiques: cellules souches, substitutions enzymatiques, médicaments-ARN (acide ribonucléique) interférant avec un gène surexprimé, etc. Un diagnostic le plus précis possible pour chaque handicap n’est jamais vain. Les parents sont eux-mêmes souvent demandeurs pour comprendre la situation et, dans une certaine mesure, le pronostic. Informés par des médias multiples, ils veulent être sûrs qu’aucune solution thérapeutique n’a été négligée. Or, les neurosciences progres-

sent, de même que les possibilités cliniques, comme on le verra plus loin. Ils ont également le désir bien légitime de vouloir organiser leur avenir et, avant tout, celui de leur enfant et de leur descendance. Ce qui peut aboutir, cas échéant, à un conseil génétique. Expliquer, c’est souvent rassurer: par exemple, tel déficit n’est pas dû à un manque d’oxygène à la naissance, en d’autres termes, aux mauvaises performances obstétricales de la mère, mais bien à une mutation ou un réarrangement chromosomique dont les parents ne sont nullement responsables. Entrons dans une autre réalité clinique: celle des troubles envahissants du développement. On sait que 75 à 89% des personnes autistes ont des examens électrophysiologiques (EEG etc.) pathologiques: 30% ont des crises convulsives facilement reconnaissables, 30% des crises partielles (par exemple sensitives ou sensorielles), voire partielles complexes (qui peuvent mimer un trouble psychiatrique). Dans 30% des situations, une relation avec le comportement n’est pas exclue. Les deux tiers des situations sont donc difficiles à identifier par un observateur. Toujours est-il qu’elles répondent, en partie du moins, à des antiépileptiques, non seulement d’un point de vue comitial, mais également, sur le plan du comportement. On sait que le valproate, la lamotrigine ou le topiramate ont non seulement des vertus antiépileptiques, mais également des effets stabilisateurs sur l’humeur. De manière générale, la collaboration entre les personnels médicaux et éducatifs est extrêmement fructueuse. Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples, on évitera de confondre: • les myoclonies (secousses musculaires)

avec des mouvements automatiques dus au handicap mental; • des crises partielles complexes avec des épisodes d’agitation psychogène; • un syndrome d’hyperactivité avec un état maniaque; • un trouble de la concentration (dans le cadre d’un THADA chez une fille) avec un état dépressif; • une épilepsie de type Petit Mal avec un état rêveur; • une spasticité avec des crampes. • Distinguer ces différents phénomènes a pour conséquences des traitements tout à fait différents. • On peut brièvement aborder d’autres situations. • Est-on toujours conscient que la pénicilline et ses dérivés abaissent le seuil épileptogène? En d’autres mots, ils peuvent favoriser une épilepsie sous-jacente. • Il en est généralement de même pour les neuroleptiques et les antidépresseurs. Tout en sachant que certains patients doivent être traités pour deux ou plusieurs affections à la fois. • De nombreuses études récentes montrent que les antiépileptiques modernes ont moins d’effets secondaires que le phénobarbital qui est délétère pour l’acquisition des connaissances. Combien de fois laisse-t-on par habitude une molécule de l’ancienne génération, alors que l’on sait maintenant que ses effets secondaires vont s’accumuler au cours des années (ralentissement psychomoteur et rétractions tendineuses sous barbituriques, déchaussements dentaires sous phénytoïne etc.). Poser des questions, signaler les effets indésirables, demander une réactualisation du diagnostic et de l’attitude thérapeutique font également partie des attributions de l’éducateur-trice spécialisé-e.

17


18

Manuela Thurre

• Sait-on que des investigations par résonance magnétique (IRM) permettent parfois de mettrent en évidence une dysplasie (malformation du cortex cérébral) ou un foyer épileptogène totalement extirpable par neurochirurgie? • Les personnels sont-ils tous au courant qu’obliger une personne spastique à faire des exercices de fitness ou en piscine froide la péjore? • Certains patients atteints de sclérose en plaques grave vivent dans des institutions pour personnes handicapées. Est-il connu qu’un bain chaud peut déclencher des phénomènes d’Uthoff (une sorte de sensibilisation de lésions déjà constituées) qui en imposent pour une poussée de la maladie? • De nombreuses personnes polyhandicapées ont des dystonies (torticolis spasmodique, torsions) ou une spasticité des membres inférieurs (croisement des adducteurs). Ce qui provoque une luxation des hanches ainsi que des soins intimes difficiles. L’emploi de Botox® ou certaines opérations peuvent y remédier avec satisfaction. • Les équipes savent-elles toutes que les personnes trisomiques 21 ont une incidence fortement augmentée pour les malformations de la charnière entre la colonne cervicale haute et l’occiput? On sera particulièrement prudent quant à certains sports, massages, pratiques de physiothérapie ou de chiropraxie. • Pour ces mêmes personnes, on sera également attentif au fait qu’elles peuvent présenter précocement, à savoir dès l’âge de 40 ans, les signes d’une démentification de type Alzheimer, pour laquelle des traitements symptomatiques sont actuellement disponibles Une évaluation neurologique et neuropsychologique aideront également l’équipe psychopédagogique dans la prise en charge de ces patients. Par ailleurs, ce diagnostic ne doit pas être confondu, avec un état dépressif, une hypothyroïdie ou un autre syndrome psycho-organique traitable. • Il n’est plus tolérable qu’une personne handicapée ait des symptômes extrapyramidaux (rigidité, tremblements, dystonies) induits par des neuroleptiques de l’ancienne génération. Cette sémiologie est souvent confondue avec la spasticité ou le handicap de base. • Il n’est pas plus admissible qu’une personne reçoive une polymédication obsolète et surdosée provoquant des troubles de la vigilance, de la cognition ou de la coordination, alors qu’un simple examen clinique, électroencéphalographique et/ou sanguin pourrait éviter ces inconvénients parfois majeurs. Cette liste pourrait de facto être considérablement allongée. Elle déborderait largement le cadre de cet article. Comment y remédier? À notre sens, un triple diagnostic-action constitue la colonne vertébrale de ce que nous pouvons offrir de mieux aux personnes en situation de handicap. À l’heure où la psychopharmacologie et la neurobiologie se sont singulièrement rapprochées, un diagnostic et un suivi strict doivent être effectués grâce à la collaboration de toutes les parties en présence: le patient (avec son accord libre et éclairé, tant que faire se peut; dans le cas contraire, avec celui de sa famille), le ou les thérapeutes et prescripteurs, le personnel infirmier (mais peu d’institutions en ont à demeure), et éducatif (lui-même au bénéfice d’une formation permanente). Le pédagogue spécialisé est en première ligne avec la personne en situation de handicap. En conjonction avec ses parents ou proches, il est son référent, son porte-parole. Sa position est incontournable, tant au niveau du bilan, du suivi que des diverses thérapeutiques (médicamenteuses ou non) proposées. Ainsi, un dialogue tripartite est non seulement souhaitable, mais à notre sens indispensable. C’est celui du triple diagnostic-action,

à savoir: • psychopédagogique; • psychiatrique; • somatique. Ces démarches n’ont pas d’ordre hiérarchique: elles se construisent peu à peu et se nourrissent mutuellement. Elles impliquent un véritable partenariat (nous allions écrire fraternariat), une approche interdisciplinaire, une formation transverse permanente, une fertilisation des connaissances. Nous ne sommes plus des décapiteurs de symptômes, mais des découvreurs permanents: seule cette attitude pourra nous aider à passer le cap des innovations à venir.

Références bibliographiques Dessibourg CA. Autisme et neurosciences. Revue Médicale Suisse. 2006 ; 2 : 2300-05. Dessibourg CA, Lambert JL. (2007). Traitements médicaux et personnes déficientes intellectuelles. In print. Emerson E. Prevalence of psychiatric disorders in children and adolescents with and without intellectual disability. Journal of Intellectual Disability Research. 2003 ; 47: 51-58. McGillivray JA, McCabe MP. Pharmacological management of challenging behavior of individuals with intellectual disability. Research in Developmental Disabilities. 2004 ; 25: 523-37. Lott JT, McGregor M, Engelman L, Touchette P, Tournay A et al. Longitudinal prescribing patterns for psychoactive medications in community-based individuals with developmental disabilities: utilization of pharmacy records. Journal of Intellectual Disability Research. 2004 ; 48: 563-71.


Complément au dossier sur l’architecture Une journée sur 4 roues

Expérience vécue par des ergothérapeutes en formation Témoignages recueillis par Myriam Crouzy, étudiante, EESP, Lausanne

L’expérience vécue par des ergothérapeutes en formation et relatée dans cet article fait écho au dernier numéro de Pages romandes1. Le regard que portent ces jeunes sur les barrières architecturales et psychologiques rencontrées au cours de leur journée sur quatre roues prolonge avec une pertinence toute neuve le questionnement amorcé dans notre dernier dossier.

Nous sommes une quarantaine d’ergothérapeutes en deuxième année de formation à avoir vécu une expérience unique et émouvante. Quelques brèves notions sur notre profession permettront de mieux comprendre ce témoignage. L’ergothérapie prend en charge des personnes qui connaissent différentes difficultés avec ce point commun: la perte de l’autonomie au quotidien. L’objectif principal est de pallier ces déficits. Nous travaillons dans le milieu hospitalier (soins aigus ou réhabilitation) ou en cabinet privé. L’activité est le moyen privilégié lors des thérapies. Nous sommes également formés pour présenter et adapter les différents moyens auxiliaires que les patients utilisent (fauteuils roulants, facilitateurs pour l’activité cuisine, pour la toilette, pour l’habillage…). Nous intervenons fréquemment au domicile des personnes confiées. Dans le cadre du cours «Handicap et environnement», notre enseignante Mme Margot-Cattin, nous a proposé de vivre durant quelques heures une des réalités de certains de nos patients: le déplacement en chaise roulante. Le programme de la journée a été tiré au sort. À midi, les rôles entre la personne en chaise et l’accompagnateur sont échangés. La première pensée qui m’a traversé l’esprit est que nous allions «tricher»: j’allais leurrer les passants et surtout les personnes réellement atteintes dans la mobilité. Ce «mensonge» peut se justifier dans le cadre d’une formation, car comment se rendre compte des difficultés des personnes en situation de handicap? Comment conseiller les patients, sans avoir ressenti ce que cela représente de monter une pente de plus de 16% sur une chaise roulante manuelle? Que comprendre de la souffrance que déclenchent ces regards, fuyant trop souvent nos regards? Autant d’éléments que nous allions essayer d’entrevoir à travers ce temps au service de la conscience.

Un parcours semé d’obstacles

1 Architecture et handicap. Angles et perspectives, no 2, avril 2007

Mon collègue Fabien et moi-même devions nous rendre au Musée de l’alimentation à Vevey depuis les hauts de Lausanne où se situe notre école. Je m’assieds dans le fauteuil. Nous appelons la gare pour nous renseigner sur la manière de procéder. Un numéro d’une centrale nous est communiqué, et nous pouvons prendre le train une heure plus tard. Quelle chance de se trouver dans une

grande ville! Sur un axe moins fréquenté, il aurait fallu appeler 24 heures à l’avance. Premier objectif: se rendre à la gare. Un coup d’œil sur l’horaire nous permet de voir que le prochain bus adapté (un H est indiqué à côté des bus équipés) arrive dans 30 minutes. Nous décidons de nous rendre jusqu’à une station mieux desservie. Nous croisons plusieurs personnes. Certaines fixent et saluent mon accompagnateur; d’autres me jettent un regard de biais, mais jamais je ne réussis à accrocher un regard pour un bonjour. A plusieurs reprises, Fabien doit m’aider pour escalader un trottoir car l’abaissement se trouve trop loin. À l’arrêt de bus, je suis soulagée qu’il soit à mes côtés pour parler. Je me rends compte qu’il n’est pas très agréable de communiquer en étant toujours bien plus bas que l’interlocuteur… Le bus adapté arrive. Fabien soulève la rampe qui va me permettre de monter. Si j’avais été seule, j’aurais pu appuyer sur un bouton qui aurait fait venir le chauffeur, mais certains de nos collègues ont constaté que pendant les heures de pointe, celui-ci ne prenait pas la peine de sortir. Les bus filaient sous leur nez. Nous arrivons à proximité de la gare: le bus ne va pas plus loin. Deux possibilités s’offrent à nous: soit reprendre un autre bus qui nous déposera devant la gare, soit emprunter une des rues les plus raides de Lausanne (le Petit-Chêne). Comme le temps presse, nous choisissons la deuxième option. En voyant la pente devant moi, je commence à avoir un peu peur. Je parviens à freiner, mais rapidement mes mains brûlent. Mon camarade doit m’aider. À la gare, nous apprenons que l’accompagnateur d’une personne en situation de handicap voyage gratuitement. Au comptoir de la petite boulangerie, une personne m’aide à prendre la monnaie. La ville de Vevey nous réserve d’heureuses surprises: l’Office du tourisme est facilement accessible en chaise et l’on se fait un plaisir de nous expliquer toutes les possibilités de visite de la ville pour les 4 roues. Le Musée de l’alimentation est entièrement adapté et toutes les salles de l’exposition sont accessibles. Là encore, l’accompagnateur ne paie pas. Pour le retour, c’est Fabien qui est sur la chaise. Au moment de prendre le train de Vevey à Lausanne, il vit un moment désagréable. Les inter-régions, et les trains de grandes lignes sont souvent pourvus de trois marches. Une personne

19


en chaise ne peut donc pas y accéder de manière autonome et doit réserver sa place une heure en avance. La première difficulté consiste à accéder aux quais, qui heureusement sont souvent reliés au passage sous voie par une rampe (et parfois même par un ascenseur). La pente est très raide pour une personne en chaise (16%). «Bien qu’aidé de mon accompagnatrice qui a également beaucoup sué, raconte Fabien, je suis arrivé épuisé sur le quai.» Un employé des CFF est ensuite réquisitionné pour nous porter secours. En effet, le seul moyen d’accéder à ces trains est d’utiliser une sorte d’élévateur jaune que chacun a sûrement déjà remarqué sur les quais (des gares principales seulement). «La rampe de l’élévateur abaissée, poursuit Fabien, j’ai pu me hisser sur la plate-forme. En deux ou trois tours de manivelle, je suis enlevé dans les airs avant d’être transporté sur le bord de la voie. Malheureusement pour moi, le train ayant eu du retard, j’ai dû rester dix bonnes minutes perché sur un magnifique podium, à la merci de nombreux voyageurs qui ne manquent pas de jeter des regards curieux dans ma direction. Moi qui déteste être au centre de l’attention, ces dix minutes m’ont paru interminables! Et ce n’est pas tout... Lorsque le train arrive et que les passagers descendent, la

plate-forme bloque l’accès d’une des portes pendant une bonne minute, ce qui provoque un sentiment d’agacement perceptible chez plusieurs voyageurs devant choisir une autre porte...» Dans le train, nous avons dû ensuite nous frayer un chemin jusqu’aux places «réservées» aux personnes en chaise roulante. Comme elles étaient occupées, nous avons gentiment demandé aux personnes installées de changer de siège. L’une d’elles s’est levée, sans un mot et avec un soupir que nous avons préféré ne pas interpréter... Pour avoir assez de place pour le fauteuil, il faut lever les quatre sièges. Les personnes qui accompagnent doivent donc trouver une place ailleurs. «Le trajet me permet d’oublier quelque peu ma situation, commente encore Fabien, mais arrivé à destination, c’est de nouveau le branle-bas de combat pour redescendre.» Le retour à l’école est l’occasion de partager les expériences. «Dans la ville de Lausanne, nous avons trouvé que les gens étaient très aimables envers les personnes en fauteuil roulant. Nous avons pu le constater en prenant le bus. Lorsque ce dernier est arrivé, alors que nous nous apprêtions à sortir la rampe d’accès, le chauffeur s’est précipité pour nous aider en nous disant que cela faisait partie de son travail. Durant le trajet, nous avons été questionnées par quelques voyageurs au sujet de l’accessibilité des transports publics en fauteuil roulant. À destination, plusieurs personnes se sont empressées de baisser la rampe. Et à nouveau, le chauffeur nous a offert ses services. Finalement, nous étions entourées de cinq personnes prêtes à nous venir en aide. Une petite précision est à ajouter. Nous étions au cœur de l’après-midi et non aux heures de pointe!» Florence Boillat et Florence Buillard

Myriam Crouzy

«La journée en chaise roulante a été une expérience vraiment très significative pour moi. Je pense que tout le monde devrait vivre une telle expérience pour se rendre vraiment compte de la manière dont la vie peut changer dès l’instant où l’on ne peut plus utiliser les jambes. Tout se transforme…les routes, les trottoirs. Le simple fait de prendre le bus ou le métro devient une épopée. Je me suis également rendue compte que, si je devais un jour être en chaise roulante, je serais obligée de déménager car l’ascenseur qui mène à mon appartement est trop étroit pour qu’une chaise puisse rentrer.» Corinna Franscini

20

«Nous avons vu passer quatre bus se rendant à notre destination avant d’en avoir un adapté! Nous avons dû attendre à


l’arrêt dans le froid et la bise. En chaise, il est difficile de se réchauffer en faisant les cent pas…» Anaïs Amos, Aude Vagnières «Lors de cette journée, nous avons pris le bateau pour Evian. Le personnel de la CGN était impressionnant. La personne en chaise n’a jamais été en difficulté. Pour franchir la passerelle, elle a été soulevée à bout de bras pour que le niveau du débarcadère soit à plat. Les passants qui n’avaient pas l’habitude de voir quelqu’un en chaise étaient curieux et avaient un regard insistant. Mais jamais je n’ai senti quelque chose de négatif ou de blessant. Par contre dans la ville de Lausanne, nous avons fourni des efforts mémorables… Souvent nous devions faire tout un détour pour atteindre la partie abaissée du trottoir, souvent décalée par rapport au passage piétons. De plus, lorsque j’ai dû retirer de l’argent à la BCV à la gare, j’étais trop basse pour bien voir les touches. J’ai essayé de me tenir sur le côté pour dissimuler mon code, mais la position n’était pas confortable à cause du distributeur. Il est fait d’un seul bloc et ne me permettait pas de glisser mes jambes et mon fauteuil.» Gaëlle Borgeaud «L’accès au bord du lac, aussi bien du côté français que suisse, est remarquablement bien adapté pour une personne en fauteuil roulant. La balade a été belle et agréable! Par contre l’abaissement des trottoirs se situe à trois mètres du passage pour piétons… Cela illustre parfaitement mon incompréhension face aux barrières architecturales qui ont certes bien diminué, mais qui subsistent toujours dans nos villes. Grande frustration!» Eve Bellani

dérangées par la différence. Durant cette journée, j’ai pu remarquer que se déplacer en train ou en bus demande une organisation énorme et entraîne une perte de temps considérable. Je crois qu’il y a un gros travail à poursuivre pour adapter l’environnement.» Cynthia Gallizioli Cette petite expérience nous a permis de mesurer le gouffre qui sépare l’idéal architectural théorique de la pratique. Il est regrettable que de nouveaux bâtiments publics soient encore dans certains cantons construits sans penser aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées, aux malvoyants ou aux enfants en poussette Une adaptation ultérieure engendre un surcoût bien plus conséquent qu’un aménagement de base. Le «design universel» propose des aménagements qui faciliteraient les déplacements. Espérons que certains politiciens responsables du financement lors de la création des locaux publics fassent un jour l’expérience de s’installer dans un fauteuil roulant… Les publicités de ces derniers jours nous montrent des chefs d’Etat vulnérables. Au-delà de la provocation, la tentative de se faire entendre nécessite peut-être quelques outrages à l’image de nos bien braves conseillers fédéraux.

«J’ai été étonnée par l’attitude de la majorité des personnes, très attentionnées et sans hésitation prêtes à m’aider. J’ai moi-même vécu 4 mois en chaise roulante en 1996. En 11 ans, je remarque une évolution positive des gens. Cependant, je sens toujours aussi présent, le regard interrogatif de certaines personnes peut-être

Myriam Crouzy

«J’ai été surprise voire choquée dans une situation particulière. J’étais à ce moment accompagnatrice de la personne en chaise roulante. Nous sommes allées nous renseigner à l’Office du tourisme sur la présence éventuelle d’un guide de la ville indiquant spécialement aux personnes handicapées les entrées accessibles, les escaliers, les ascenseurs, les pentes ainsi que l’accès aux musées. C’est la personne en chaise qui a demandé ces renseignements et l’employée derrière le comptoir (qui se trouvait à la hauteur des coudes d’une personne debout) s’est adressée à moi en me montrant le plan posé sur le comptoir. Logique et normal? Ou inadmissible? Une situation due aux habitudes, à une méconnaissance du problème, à une peur de la différence?» Isaline Métraux

21


Nouvelle formation Assistance sexuelle et handicap Questions à Catherine Aghte Diserens Propos recueillis par Marie-Paule Zufferey

Après plus de 20 ans d’expériences pionnières dans les pays nordiques et plus récemment en Suisse allemande, le SEHP (SExualité et Handicaps Pluriels) promeut une formation romande en accompagnement érotique (assistance sexuelle) pour des personnes en situation de handicap-s. Cet appel s’adresse à des femmes et des hommes parlant français, âgé-e-s au minimum de 30 ans: o Se reconnaissant des compétences pour cette délicate relation d’aide, soit des qualités humaines, d’écoute de l’autre, de maîtrise du toucher, un sens aigu de ses propres limites, une personnalité équilibrée, étant à l’aise dans sa sexualité et au bénéfice d’une bonne santé; o Travaillant au moins à 50% dans sa profession, quelle qu’elle soit; o Désirant se former de manière spécifique dans un domaine encore très nouveau.

tions organisées à Bâle depuis 2003. Mais cette offre reste bien sûr exceptionnelle, et parce qu’elle relève de l’intime, elle est aussi tabou… ce qui est normal! Certaines grandes associations faîtières soutiennent donc ouvertement le SEHP dans sa recherche de fonds (formation de janvier 2008), d’autres y collaborent mais dans la discrétion, d’autres enfin déclinent (sans véhémence) en invoquant que ces aides particulières ne sont pas de première nécessité. Nous pouvons affirmer que ces dernières années les représentations sociales de l’assistance sexuelle ont changé: certaines institutions inscrivent même cet accompagnement comme accessible aux personnes qui le souhaiteraient, dans leur charte interne.

Pour plus de renseignements, ainsi que pour l’inscription à cette formation, consulter le site www.sehp-suisse.ch (et téléphones : 021/807.43.26 ou 022/361.15.29)

Comment se décline la question lorsqu’il s’agit de handicap mental?

Appel à candidature pour la Romandie

Catherine Agthe Diserens, l’association que vous présidez SExualité et Handicaps Pluriels (SEHP) s’engage-t-elle à former des professionnel-le-s de l’assistance sexuelle qui proposeraient leurs services à des personnes handicapées, contre rémunération?

Le Comité du SEHP a formalisé le concept en assistance sexuelle, il effectue la recherche de fonds et il est promoteur et porteur de la formation. Le SEHP collabore avec le CEFOC (Centre de Formation Continue) de la HETS (Haute Ecole du Travail Social) de Genève, pour élaborer et faire reconnaître cette formation spécifique. Quelles sont les expériences qui ont conduit le SEHP à mettre en place cette nouvelle offre de formation?

Nous recevons régulièrement des demandes individuelles allant dans le sens d’un mieux-être du corps sexué. Ces dernières émanent aussi bien de la part de personnes concernées par le handicap, que de parents et/ou d’éducateur-trice-s, soignant-e-s, thérapeutes, directeur-trice-s d’institutions. Ces appels à pouvoir bénéficier d’un peu de sensualité, d’érotisme, de massages de

22

plaisir, d’apprentissages dans la découverte de la sexualité, d’aide sexuelle directe, etc., ne pouvaient plus nous laisser indifférente-s, et au nom du droit à une vie intime et sexuelle un peu enrichie, nous nous devions d’agir! Or, ces implications délicates nécessitent d’être soigneusement sélectionné-e-s, puis formé-e-s aussi bien dans les domaines juridiques, éthiques et sexo-corporels. Se greffent l’indispensable connaissance des divers handicaps ainsi que des dynamiques institutionnelles et associatives. Une large part est prévue pour le développement personnel de chaque candidat-e et les aspects relationnels engagés dans ces contacts privilégiés. La future formation prend donc tout son sens, et elle s’inscrit aussi une suite logique de ce qui existe depuis longtemps en Hollande, en Allemagne et plus récemment en Suisse alémanique. Comment votre initiative est-elle perçue par les milieux du handicap?

L’assistance sexuelle fait son chemin en Suisse romande, à la suite des 2 forma-

Si l’accompagnement érotique semble aller de soi lorsque le handicap est physique (parce que les bénéficiaires savent de quoi ils/elles ont besoin et de quoi il en va), une réflexion doit être engagée dans le champ des nombreux et variables handicaps mentaux. En effet, le décryptage de la demande ou des manifestations sexuelles (lorsqu’il n’y a que très peu de langage) devra toujours être minutieusement pris en considération, afin de ne pas nous substituer aux besoins de la personne concernée. Ce chemin est tout à fait possible, il été maintes fois expérimenté et il s’avère être très bénéfique pour un peu plus d’apaisement, voire d’épanouissement, ainsi que de découvertes inédites de soi et de l’autre.

Catherine Aghte Diserens est l’auteure, avec Françoise Vatré, de l’ouvrage intitulé: Accompagnement érotique et handicap. Au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur. Lyon: Chonique sociale (Présentation: Pages romandes No 4, sept. 2006) Elle a également participé à l’élaboration de l’ouvrage: Vie affective, relationnelle et sexuelle des personnes déficientes mentales, qui vient de paraîtrre aux Presses universitaires de Namur, sous la direction de Michel Mercier, Hubert Gason et Geneviève Bazier.


Sélection Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de Travail Social (IES), Genève

Le handicap ou le désordre des apparences Alain BLANC ouvrage publié sous la direction de Marco Oberti Paris : Armand Colin, 2006. – 255 p.

La question du handicap est des plus sensibles qui soient. Les pièges de la stigmatisation sont difficiles à éviter, parfois avec la meilleure volonté du monde. Faut-il alors s’étonner qu’on manque aussi cruellement d’une réflexion sociologique, poussée et actuelle, sur le thème? Pour autant, comment accepter cet évitement qui conduit à faire l’impasse sur des traits fondamentaux du fonctionnement social? Il faut croire que de la rue aux terres ouatées du savoir, les personnes handicapées, porteuses de «déficience», constituent, un «trouble à l’ordre public»... Désordre des apparences, le handicap déstabilise l’ordre des relations sociales. D’où l’importance du présent livre. Son auteur propose une approche aussi forte qu’innovante. Prenant appui sur les apports antérieurs de la sociologie, il explore la situation des personnes handicapées, et avance le concept de liminalité: une sorte d’entre-deux durable entre insertion problématique et jamais assurée, et exclusion évitée au nom de l’égalité démocratique. Apportant sa contribution à une sociologie générale des stigmates d’une part, du changement au sein des sociétés contemporaines d’autre part, il envisage la situation des handicapés comme un point de cristallisation des relations entretenues avec les personnes «différentes»: le modèle présenté aidera ainsi à situer et comprendre des populations (migrants), des lieux (quartiers), des moments (phases de mobilité), tous marqués au sceau de l’instabilité. Ce livre s’adresse aussi bien aux étudiants et enseignants en sciences humaines et sociales qu’aux personnes concernées, à titre professionnel, bénévole ou simplement humain par les questions du handicap. Alain Blanc est professeur de sociologie à l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, au sein de laquelle il dirige le Centre Pluridisciplinaire de Gérontologie. Clown d’hôpital : le jeu d’être soi

Crettaz, Aline Fribourg : Academic press, 2006. – 98 p. - Collection Lectures du social ; 4

Un phénomène social attire de plus en plus l’attention des médias et connaît un succès d’intérêt non démenti: les clowns d’hôpital. L’ampleur de la reconnaissance dont ils jouissent semble toutefois être à la mesure de la méconnaissance de ce qu’ils font. Nous sommes loin du cirque, mais le rire est toujours là. S’agit-il du même rire d’ailleurs? Que fait et à quoi sert un tel personnage dans les couloirs de cette institution si sérieuse et si empesée qu’est l’hôpital? En quoi consiste l’agir clownesque et sur quoi peut-il prendre appui pour se mettre en scène et produire cette efficacité qu’on lui prête? Comment permettre un sourire, un allègement, une évasion quand rôdent la souffrance et le malheur? Comment jouer un rôle qui doit s’inventer devant l’inconnu et l’incommunicable? Comment ouvrir la porte et, instantanément, rompre le quotidien? Comment refermer la porte et abandonner le public à son quotidien de malade?

Cyclothymie: troubles bipolaires des enfants et adolescents au quotidien Hantouche, Elie ; Houyvet, Barbara Paris : Ed. J. Lyon, 2007. – 263 p.

Votre enfant ou adolescent passe par des moments de dépression, de ralentissement, d’opposition, d’anxiété, de gaieté et d’énergie excessives. Vous connaissez ces crises de colère et de rage, ces conflits avec autrui, et surtout ces périodes où tout devient complexe... alors qu’il est en même temps attachant, sensible et affectueux. Ce sont les manifestations typiques de la bipolarité juvénile (ou BPJ). Environ 5 à 8% des jeunes sont dépressifs, dont la moitié serait en réalité atteinte de bipolarité. Ce livre donne des réponses aux nombreuses questions des parents et des enseignants, et propose des solutions thérapeutiques et pédagogiques. L’étape clé est de poser le «bon» diagnostic, puis de mettre en place le traitement le plus adapté. Un livre essentiel pour vous accompagner et vous rassurer: votre éducation n’est pas en cause, ni vous ni votre enfant n’êtes responsables de la bipolarité, mais une prise en charge médicale est impérative pour le bien-être de l’enfant et de votre famille. Le docteur Elie Hantouche est psychiatre, expert international des troubles de l’humeur, secrétaire du Forum Bipolaire Européen et responsable de la Consultation de l’Humeur à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Il est co-auteur du livre «Comment vivre avec une personne atteinte de TOC» paru aux mêmes éditions. Barbara Houyvet est mère de deux enfants bipolaires. Phénoménologie des corps monstrueux Ancet, Pierre Paris : PUF, 2006. – 178 p. - Collection Science, histoire, société

Voici un homme à deux têtes, un homme qui porte, sortant du thorax l’énorme appendice d’un frère régressé aux membres atrophiés, un enfant cyclope sans nez et privé de cerveau… L’énumération pourrait continuer ainsi longtemps si l’on n’éprouvait très vite une sorte de dégoût. Mais pourquoi un tel trouble? Comment peut-on appeler «monstre» un être qui naît du ventre d’une femme? En nous confrontant aux limites de notre tolérance, la grande difformité physique nous révèle nos craintes liées au corps mutilé, dégradé, régressé, non viable. Elle suscite des peurs irrationnelles de contamination et des fantasmes de métamorphose, mais aussi des angoisses rationnelles en touchant à la fragilité de l’organisme et au vécu intérieur du corps. A partir d’une analyse de la perception courante du corps gravement handicapé, de l’étude des exhibitions des monstres au XIXe siècle et de l’histoire de la tératologie scientifique marquée en France par Etienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Camille Dareste et Etienne Wolff, Pierre Ancet s’efforce de comprendre ce qui se produit en nous face au corps difforme d’un individu et nous pousse à penser de lui: «c’est un monstre». Maître de conférences en philosophie à l’Université de Bourgogne, Pierre Ancet travaille également en collaboration avec des magistrats et des médecins hospitaliers sur les thèmes du handicap, de l’évaluation des individus et du rapport au corps.

23


Séminaires, colloques et formation Mieux être, mieux agir dans son institution Les apports de l’analyse systémique, des organisations selon Mintzberg et de la théorie des organisations selon Berne (AT) En collaboration avec Espace compétences Christiane Besson Cours Améthyste No 287 4 et 5 septembre 2007, de 9h à 17h Centre paroissial œcuménique de Lucens Renseignements et inscriptions : Christiane Besson, Granges-près-Marnand Tél. +41 26 668 02 78 – chr-besson@bluewin.ch

Travailler en réseau et en interdisciplinrité Pour améliorer la collaboration entre professionnels et entourage, pour mieux articuler projets individuels et collectifs En collaboration avec Espace compétences Christiane Besson Cours Améthyste No 268 24 et 25 septembre 2007, de 9h à 17h Centre paroissial œcuménique de Lucens Renseignements et inscriptions : Christiane Besson, Granges-près-Marnand Tél. +41 26 668 02 78 – chr-besson@bluewin.ch

Approche systémique dans le domaine de l’action sociale & psychosociale Formation proposée par Hets/Cefoc Cette formation, qui débutera en automne 2007 compte 42 jours, répartis sur 2 ans Programme et bulletin d’inscription : Hets(ies)/cefoc, rue des Voisins 30, B.P. 80, 1211 Genève 4 Tél. +41 22 388 94 30

Formation à l’enseignement adapté Formation proposée par Hets/Cefoc Responsable du programme : Andréas Huber, cefoc Début de la formation : 15 septembre 2007 Délai d’inscription : 30 juin 2007 Programme et bulletin d’inscription : Hets(ies)/cefoc, rue des Voisins 30, B.P. 80, 1211 Genève 4 Tél. +41 22 388 94 30

Le psychologue autour de la personne sévèrement handicapée Association AIR (Association – Information – Recherche) 25, 26, 27 et 28 septembre 2007 Besançon Renseignements et inscriptions : Association A.I.R 6, Boulevard Diderot, 25000 Besançon Tél. +33 381 50 00 44 – Fax +33 381 88 79 18 air@airhandicap.org – www.airhandicap.org

Troubles envahissants du développement et polyhandicap Approche théorique Philippe Gabbaï Du 9 au 11 octobre 2007 Salle Bellerive, rez-de-chaussée de l’Institut La Combe Délai d’inscription : 5 septembre 2007 Renseignements et inscriptions : EPSE, Route d’Hermance 63, Genève - tél. +41 22 855 93 00

L’évaluation des enfants et adultes sévèrement handicapés Association AIR (Association – Information – Recherche) 16, 17, 18 et 19 octobre 2007, Besançon Renseignements et inscriptions : Association A.I.R 6, Boulevard Diderot, 25000 Besançon Tél. +33 381 50 00 44 – Fax +33 381 88 79 18 air@airhandicap.org – www.airhandicap.org

Autisme, troubles envahissants du développement et activité physique Cours de perfectionnement organisé par Sport Handicap suisse Cédric Blanc 17 et 18 novembre 2007 Délai d’inscription : 17 octobre 2007 Couvet (NE) Renseignements et inscriptions : Plusport, Sport Handicap Suisse, 8604 Volketswil Tél. +41 44 908 45 00 – Fax +41 44 908 45 01 ausbildung@plusport.ch – www.plusport.ch

Congrès suisse de pédagogie spécialisée 2007 Du 3 au 5 septembre 2007, l’Unitobler de Berne accueillera le 5e Congrès suisse de pédagogie spécialisée dont le thème s’articule autour des «Transitions». En tant qu’organisateur, le Centre suisse de pédagogie spécialisée lance ainsi la discussion relative aux transitions au niveau des personnes, des systèmes et de la politique dans le domaine de la pédagogie spécialisée. Plus de 120 contributions de Suisse et de l’étranger, 5 conférences principales et une table ronde offrent une plate-forme de discussion et d’échange aux professionnel-le-s et aux responsables des domaines de la pédagogie spécialisée, de la formation, de l’éducation sociale ainsi que de la politique. L’actuel pré-programme et le formulaire d’inscription peuvent être téléchargés à partir du site internet www.csps.ch/congres, ou commandés par e-mail: kongress@szh.ch. (Adresse: SZH/CSPS, Theaterstrasse 1, CH-6003 Lucerne; Tel. +41 226 30 40, Fax +41 226 30 41).

24


Concours Arthemo, donnez votre avis jusqu’au 31 août 2007 sur www.arthemo.ch

Vous êtes intéressé-e-s par les questions touchant le handicap mental?

Abonnez-vous à Pages romandes! Adresse de la rédaction: Marie-Paule Zufferey, avenue Général-Guisan 19, 3960 Sierre. Tél +41 79 342 32 38

Site internet: www.pagesromandes.ch


PRIX FOVAHM 2007 Soutien à la recherche dans le domaine du handicap mental Concours La FOVAHM (FOndation VAlaisanne en faveur de la personne Handicapée Mentale) encourage les projets éducatifs concrets ou théoriques en relation avec le handicap mental. Elle soutient tout particulièrement les travaux qui étudient la valorisation du rôle social de la personne handicapée mentale, afin de développer des modèles de soutien éducatif qui permettent une meilleure intégration sociale.

Qui est invité à participer? Sont conviés à participer tous les professionnels ayant terminé leurs études dans les domaines des sciences humaines et sociales (éducateurs, MSP, psychologues, etc.). Les mémoires de fin d’études, travaux de diplôme, de bachelor, de master ou de doctorat consacrés au sujet du handicap mental pourront être soumis, pour autant qu’ils aient été acceptés par l’Institution de formation. Seuls les travaux rédigés au cours des trois dernières années sont pris en considération.

Prix Un jury de professionnels récompensera trois travaux, dans les catégories suivantes: • Apports théoriques. Prix : 1000.• Apports pratiques Prix : 1000.• Innovation Prix : 1000.La remise des prix aura lieu le samedi 15 octobre 2007 dans le cadre de la Journée d’étude internationale organisée par la FOVAHM à l’occasion des vingt ans du Centre de Formation pour Jeunes Adultes. Elle se déroulera à la HES-SO Valais à Sierre. La décision du jury ne donnera lieu à aucun échange de correspondance.

Délai de dépôt Les travaux doivent être envoyés en 2 exemplaires non reliés, jusqu’au 30 juin 2007 à M. Jean-Marc Dupont, directeur FOVAHM, secteur administration, Home et Ateliers Pierre-à-Voir, Rte d’Ecône, 1907 Saxon. Un bref CV du candidat doit accompagner la soumission. Pour toutes informations, adressez-vous à M. Panchaud Lucien, FOVAHM, 027 743 21 50

DIPLOME D’ETUDES AVANCEES (DAS)

Prochaines Journées de l’ASA

«HANDICAP MENTAL»

Réservez déjà la date

2007 - 2009

Journée de formation professionnels-parents

L’Institut de pédagogie spécialisée de la HEP VD organise une formation postgrade «Handicap mental» pour professionnels travaillant auprès d’enfants, adolescents, jeunes adultes handicapés mentaux ou polyhandicapés (degré de sévérité moyen à profond).

«LE CADRE, LA LIBERTE, L’AUTONOMIE»

Délai de pré-inscription: 15 juin 2007

Pour tous renseignements:

Renseignements: HEP VD – Institut de pédagogie spécialisée Formations aux professions de l’enseignement spécialisé Viviane GUERDAN, responsable de la formation «Handicap mental» Tél : 00 41 (21) 316 38 04 - Fax : 00 41 (21) 316 38 15 Courriel : viviane.guerdan@hepl.ch Site : www.hepl.ch

ASA-HANDICAP MENTAL Case postale 4016 Rue des Casernes 36,, CH - 1950 Sion Tél. +41 27 322 67 55 - Fax +41 27 322 67 65 asa-handicap-mental@bluewin.ch www.asa-handicap-mental.ch

Vendredi 23 novembre 2007 Haute Ecole pédagogique, Lausanne


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.