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Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée

handicap.com

No 4 septembre 2010


Annonces

Bonjour, Je m’appelle Josette. J’ai 48 ans et j’ai un handicap mental léger. J’aime rire, faire des jeux, écouter la musique, me balader, aller aux bains thermaux, faire les magasins. Je souhaite rencontrer un homme de 48 à 55 ans ayant la possibilité de se déplacer et une certaine autonomie pour partager des loisirs, de l’amitié et de la tendresse. Vous pouvez m’écrire à l’adresse: Rouiller Josette Route de Bruence 83 1618 Châtel-Saint-Denis

Plus d’infos pour plus de choix ! www.info-handicap.ch une technologie au service des personnes handicapées Bénéficiant des plus récents développements en matière d’accessibilité et favorisant l’appropriation des contenus pour les personnes en situation de handicap, le nouveau site de «pro infirmis» prolonge les services existant et amène les facilités suivantes: • vocalisation des pages • traitement des acronymes (par ex. CFF = Chemins de fer fédéraux) • description des accès à l’aide de Google Maps • travail avec le clavier et sous forme de raccourcis (pour les personnes éprouvant des difficultés motrices) • détection des balises (pour les personnes avec une déficience visuelle) et agrandissement des caractères Adresse de contact Partie technique: Pierre-André Vuilloud, Inetis Sàrl Grand-Vigne 7 - 1302 Vufflens-la-Ville 021 731 70 88 - pa@inetis.ch Lien à pro infirmis: Frank Henry, coordinateur du projet 021 321 34 47 - frank.henry@proinfirmis.ch Label d’accessibilité: www.acces-for-all.ch

Bonjour, Dans votre numéro de février 2010, j’ai mis une petite annonce pour rencontrer une femme et, dernièrement, j’ai eu la chance d’avoir une réponse positive d’une femme que j’ai rencontrée pour la première fois ce samedi. Merci à vous de m’avoir permis de faire cette rencontre, qui n’a pas donné les résultats que j’attendais. Je vous enverrai une nouvelle annonce prochainement. Bonnes salutations. Référence Philippe et Sylvia Schwaar, Responsables du groupe «amour au quotidien» Cité du Genévrier Fondation Eben-Hézer Amour au quotidien 1806 Saint-Légier 021 925 74 94


Sommaire

Impressum - Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de L’Espérance, 1163 Etoy Conseil de fondation Président: Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch Comité de rédaction Membres: Corinne Mellana Campiche, Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Jean-Daniel Vautravers, Michel Bellego, Olivier Salamin,Valérie Schauder Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud Parution: 5 numéros par an Tirage minimal: 800 exemplaires Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre. Abonnement annuel Suisse AVS, Etudiants Abonnement de soutien Etranger :

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Publicité et annonces - Tarifs 1 page Fr. 800.– 1/2 page Fr. 500.– 1/4 page Fr. 250.– 1/8 page Fr. 125.– 1/16 page Fr. 50.– Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions. Gratuit: les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes. Délai d’insertion 2 semaines avant parution. Compte bancaire Banque Cantonale du Valais, 1951 Sion. En faveur de K0845.81.47 Pages Romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue 1re Armée F - 68800 Thann Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch Impression Espace Grafic, Fondation Eben-Hézer,1000 Lausanne 12 Crédits photographiques Fotolia - Gianluca Colla - Marine Brayer Photo de couverture: Robert Hofer, Sion Dessins: Gollut N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source.

© Pages romandes

Dossier : handicap.com 2 Tribune libre Pierre-André Milhit

3 Editorial Olivier Salamin 4 Une réflexion non exhaustive sur certaines dérives de la communication Nathalie Buyssens 6 La communication dans l’annonce du diagnostic Armand Bottani - Michèle Ortiz 10 La communication par l’image Marine Brayer 12 Pixels en images… Marie-Paule Zufferey 15 Le choc des photos et le poids des mots Martine Ammann-Renaud 17 La communication sur le handicap dans le contexte européen Jena-Louis Korpes 19 «A vous, frères et sœurs de silence…» Olivier Salamin 20 Elèves aux besoins particuliers dans le système scolaire régulier Karine Bachmann Hunziker - Patricia Pulzer-Graf 23 Sélection Loïc Diacon 24 Séminaires, colloques et formations


Tribune libre

«Et le verbe s’est fait chair. » Chronique des communications difficiles Pierre-André Milhit, assistant social Service Social Handicap éméra (Valais), chroniqueur, poète http://signemilhit.blogspot.com

Je t’écris que je t’aime Je les observe. Ils sont jeunes, ils sont de ce siècle. Ils sont rompus à tous les moyens de communication d’aujourd’hui. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont amoureux. Il est arrivé en premier sur la terrasse du bistrot. Il lui a envoyé un message pour dire qu’il était là, qu’il l’attendait, qu’il l’aimait. Puis en attendant, il a consulté quelques applications de son Iphone. Météo, resto, kino. Elle est arrivée en lui envoyant une photo de lui qu’elle venait de prendre. Juste un clin d’œil amoureux. Elle l’a embrassé tendrement. Ils ont souri, puis ri. Ils ont commandé un soda. Et chacun s’est plongé et replongé dans son instrument de communication. Kino, resto, météo, texto. Mode, sport, people, vidéo. Plus tard, ils se sont dit je t’aime, se sont embrassés et se sont quittés. Chacun de son côté. Mais tellement heureux d’avoir pu passer quelques instants, ensemble. Que ne sait-on de l’autre si l’on ne se jette pas, nu et livide, dans le regard de l’autre? Si l’on n’a pas frémi au contact de la peau de l’autre? Ni décortiqué le timbre de voix et l’attitude? Ni même confronté une opinion, rongé la même cuisse de poulet? Nous venons tous du borborygme et du mammifère. Comment savons-nous notre amour si nous ne nous grognons pas, si nous ne nous reniflons pas? Comme vous l’avez dit Ils sont très sérieux à leur table de travail. Une table de restaurant, car il est bienséant de négocier dans la chorégraphie d’un repas partagé, mais payé par l’un des deux. A coups de lieux communs, de faits divers, de résultats sportifs, ils cherchent ce qui peut les lier, et ce qui les différencie. Puis imperceptiblement, ils glissent vers le cœur du sujet. Il ne faut pas brusquer, il ne faut pas effrayer, il faut attirer. L’un des deux ne ter2

mine pas ses phrases et lance un geste imprécis. L’autre récupère l’envoi et propose une chute à la phrase. Donc le sens, donc la direction. La répartie sera une correction, et une autre piste. Mais avec un silence de ponctuation et un nouveau semblant de geste. Enfin, celui qui croit tenir le bon bout, déclare: «Comme vous l’avez dit, nous allons opérer ainsi.» Et l’autre de rétorquer: «Je n’ai jamais dit ça, mais votre proposition m’intéresse, avec quelques aménagements.» Qui communique, et que communique-t-il? Il y a des mots, il y a des gestes que l’on s’approprie et qu’on imagine partagés. Alors qu’il n’y a que deux intentions qui se jaugent et qui combattent. Nous venons tous de la conquête et de la soumission. La parole est une arme, le geste est une esquive. Nous sommes loin de l’esprit du partage et de l’équité. Les mots de la victoire sont des mots égoïstes. Les mots de la défaite sont des mots inaudibles. Et ils proviennent du même dictionnaire. Je voulais te dire Il est muet. Il n’a pas l’accès au langage. Un dérèglement du cerveau. Un chemin fourvoyé. Il traverse les mêmes émotions que moi, les mêmes sentiments aussi. Les fonctions vitales sont pareilles aux miennes, pulsations et digestions, poumons et sphincters. Il m’arrive aussi de pisser de rire, d’être tétanisé de peur. Un diagnostic, un numéro de maladie répertoriée. Il ne parlera jamais. Une association, une institution, des professionnels, ils parleront pour lui. Même avec la meilleure intention du monde, avec mille précautions, avec une formation et une éthique, à un moment donné, on prend la parole de l’autre. Parce que l’on sait, et parce qu’un pouvoir quelconque nous en a donné la responsabilité. Parce qu’il est question de soin, de bien-être ou de survie. Toujours est-

il que l’on s’arroge la parole de l’autre. Est-on toujours certain d’être le bon porteparole? D’être dans le vrai, d’être en phase? Je me surprends parfois à écouter mes filtres, mes fantasmes, mes certitudes. Nous venons tous de la charité et du dogme. Nous venons tous de la bonne parole. Mais c’est toujours nous qui la tenons. Il est difficile d’imaginer que l’on accapare parfois la bonne parole de l’autre, celui qui ne parle pas. Regarde-moi quand je te parle Elle semble hors du monde. Elle est présente et absente. Il y a une force du regard, il y a une indifférence au monde. Elle ne regarde pas les yeux, mais les lèvres, elle a les mains qui dansent et elle regarde les mains qui parlent. Sa surdité me plonge dans l’embarras. Fait-elle partie du monde et comprend-elle ma vie? La surdité est un handicap partagé. J’ai plein de bons mots, de belles phrases, des pensées catégoriques, et je ne peux les lui donner. Elle voit le monde avec acuité. Elle s’exprime comme un envol d’oiseaux, comme les vagues de la mer, comme une bourrasque. Et je ne comprends rien. Elle sait et elle a compris des choses auxquelles je n’aurai jamais accès. Comment lui dire que ce que je sais du monde m’est entré par les oreilles? L’interprète lui dira mes mots d’incapacité, mais elle, elle aura vu mon trouble depuis longtemps. Que savons-nous du sens des mots? Si je dis le mot maison, nous avons tous l’image d’une maison, mais chaque maison sera différente. Et si je dis fleur, couleur et malheur, il nous arrive des images qui n’ont aucun sens commun. Et si je dis une connerie? Comment va-t-on se comprendre? Nous venons tous de la vérité et du mensonge. Nous venons de l’affirmation et du doute. Là, je vais m’abstenir.


Message à nos abonnés: Pages romandes s’oriente vers les technologies du 21e siècle Interactivité, facilitation des échanges, des réflexions, des informations et des débats via le canal des réseaux sociaux, tels sont, entre autres, les avantages reconnus que procure l’internet. La revue Pages romandes ne peut pas et ne veut pas passer à côté de ces nouvelles opportunités. Ainsi, désireuse de profiter au mieux de ces dernières afin de toucher et de sensibiliser un public encore plus large à la problématique de la déficience mentale, elle va orienter en douceur sa dynamique de communication vers les technologies du 21e siècle. Pour ce faire, dès l’an prochain, Pages romandes innovera dans trois domaines: • Renouvellement du concept de son site internet afin qu’il puisse jouer un véritable rôle au niveau de l’interactivité. • Ouverture du champ des échanges avec le public, via le canal des réseaux sociaux internet. • Toilettage du graphisme du magazine. Bien entendu, ces nouvelles prestations ont un coût. Pour les compenser, le Conseil de fondation a pris l’option de réduire d’une unité le nombre des parutions annuelles (4 au lieu de 5). Il est cependant persuadé que cette nouvelle orientation correspond mieux aux attentes des lecteurs de Pages romandes, qu’ils soient actuels ou nouveaux. Nous profitons de cette occasion, pour vous remercier de votre confiance, de votre appui et de votre fidélité. Ch.-Ed. Bagnoud Président du Conseil de Fondation Etoy, le 17 août 2010

Edito com que com

comme disent les Romands… Olivier Salamin, membre du comité de rédaction de Pages romandes

Il y a un petit goût de mise en abîme dans l’exercice de communiquer sur la communication, mais le titre du dossier le dit à lui seul, l’enjeu est omniprésent, le buzz ne bourdonne jamais bien loin!

fortunes diverses. Celles de l’AI et d’insieme ont fait le pari de partir des préjugés, du commun des mortels, des idées reçues et… elles ont fait l’expérience de réactions outrées, en particulier des milieux du handicap.

«Loué» soit Pages romandes En répondant à la représentation de poulets «Loué» par des agents de police, pour vanter les mérites de l’élevage en liberté, mal en a pris aux syndicats des hommes en uniforme bleu qui se sont insurgés contre la comparaison. Gageons que le bruit de l’affaire a largement valu l’investissement consenti en stratégies de «communication». L’agence voulait bien faire, c’est sûr, et elle y est, ma foi, fort bien parvenue! La fête du poulet de Sierre a fait les choses plus discrètement, en écrivant le mot «poulet» avec la typographie du logo de la police locale; l’effet est plus subtil ou l’événement trop anecdotique, personne n’en a encore parlé... Si l’exercice de communication est incontournable (mais ô combien délicat pour de simples volatiles qui finissent leur carrière dans nos assiettes), on imagine sans peine que la presse n’a pas toujours grandchose à se mettre sous le bec… On prend également la mesure des enjeux qui émergent lorsqu’il s’agit de communiquer sur le thème du handicap. Personne ne dira le contraire; aujourd’hui, il faut savoir convaincre, trouver les mots justes, choisir l’image qui accroche (même si la photo est faite sur votre mobile et qu’elle paraîtra pour 100 balles dans le 20 minutes du lendemain). De grands noms se sont essayés à parler de handicap; les campagnes d’affichage de ces dernières années ont connu des

Sujets sensibles Les années de militantisme, l’acquisition de droits pas à pas, les difficultés et la fragilité humaine révélées par le handicap, le contexte actuel de suspicion et de restrictions budgétaires sont autant d’éléments que le comité de rédaction a choisi d’explorer dans la construction d’un numéro qui partira des enjeux de la communication (y compris dans l’annonce du handicap) pour aller jusqu’à un élargissement européen de la question. Il faut voir grand après tout, non sans avoir raconté l’histoire de ceux qui font l’actualité du moment avec leurs projets de communication. En finalité, les yeux qui auront lu le dossier diront à nos oreilles si quelque chose mérite d’être retenu, car derrière une bonne couche de com., il ne reste souvent que bien peu de contenu.

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Une réflexion non exhaustive sur certaines dérives de la communication Nathalie Buyssens, Bulle

Technicienne en marketing, typographiste pour la communication visuelle, Nathalie Buyssens a travaillé durant plusieurs années en qualité de responsable des ateliers de production d’une institution pour personnes souffrant d’un handicap mental.

Nous (consommateurs) sommes confrontés quotidiennement à des choix multiples. La diversité de l’offre sature le marché. Pour imager notre situation face à la multitude de possibilités que nous avons, j’utiliserai la situation suivante: Monsieur X (consommateur) est invité à une fête. Il est midi et il a faim. Au moment de passer à table, on explique qu’il s’agit d’un buffet et que chaque convive ne pourra se servir qu’une seule fois. Il a à disposition une assiette de 30 cm de diamètre. Il découvre enfin le buffet (l’offre ). Magie, tout ce dont il avait rêvé, tout ce qu’il aime est là devant lui. Saumon, jambon cru, foie gras, œufs cuits durs, salades diverses. Les plats chauds sont là également: cuisine française, thaïlandaise, chinoise, spécialités régionales. Sans oublier les fromages et les desserts. Une seule assiette… un seul service… De nombreuses solutions s’offrent à notre hôte. Dans son assiette, il prend un peu de tout: tout se mélange… pas appétissant… finalement pas vraiment bonne cette tarte baignant dans la sauce chinoise: notre hôte repartira déçu et aura eu la sensation que le buffet était très médiocre et il a peut-être même trop mangé. Deuxième cas de figure, il choisit quelques mets, prend de petites quantités, renonce aux fromages et aux desserts pour ne pas subir les affreux mélanges… sentiment de frustration (pas de dessert)… pas vraiment content, il se dira ultérieurement qu’il n’y avait pas vraiment de choix. Dernière stratégie, il choisit une chose qu’il aime et la mange avec délectation mais là aussi, il lui manque quelque chose, ce n’était pas terminé, il a renoncé à beaucoup pour repartir sans être rassasié! C’est un peu ce que nous vivons dans notre société de consommation et c’est probablement un des facteurs qui nous pousse à consommer encore. 4

En Suisse, il y a bien plus de chaises que de c… pour s’y asseoir… Les agences de communication font tout leur possible pour nous convaincre que dans cette pléthore d’offres, seul le produit X ou Y nous est destiné et nous conviendra parfaitement. Un exemple patent: en Suisse, il y a bien plus de chaises que de c… pour s’y asseoir et le défi est de vendre encore d’autres chaises, les agences de communication y travaillent. Elles y travaillent tellement à la vente que chaque jour, nous sommes exposés à plusieurs milliers de messages publicitaires. Pléthore de produits, pléthore de messages… comment faire pour se distancer de la concurrence, se faire remarquer, sortir du lot? «Révolue la publicité où OMO lavait simplement bien mon linge! Il a fallu que l’on me demande de croire que maintenant elle lavait plus blanc et finalement, que je suis une bonne mère qui aime ses enfants parce que c’est cette lessive particulière que j’ai choisie! Zut! On me met vraiment la pression. Si j’en choisis une autre, je suis coupable? Je n’aime plus mes enfants? Aïe, les messages publicitaires jouent avec mes émotions, mes sentiments au point de me mettre mal à l’aise si je devais faire une infidélité à la marque… c’est vraiment sournois.» Et pourtant, il est prouvé que de provoquer l’émotion fait vendre. Mais quelles émotions ? Nos medias regorgent d’images choquantes. Guerres, famines, maladies, addictions, accidents. Certains medias vont même jusqu’à mettre en scène notre actualité de manière sensationnelle pour nous toucher encore un peu plus. Comme si tout cela ne suffisait pas ! Nos medias regorgent de publicités qui souhaitent rivaliser dans l’intensité avec cette actualité.

meilleur. Avons-nous vraiment besoin de cette provocation pour comprendre les enjeux de l’actualité ? Il semblerait que peu à peu, nous nous habituions aux malheurs du monde et que la simple vérité nous touche moins. Pour maîtriser l’audimat, il faut polémiquer, il faut choquer, il faut émouvoir. Est-ce vraiment nécessaire ? Sommesnous à ce point formatés par tous les messages, toutes les images que l’on nous sert? C’est dans ce contexte, car en grande partie dans ces médias, que la publicité est diffusée. Les créatifs nous expliqueront volontiers qu’il faut s’adapter, se mettre à niveau et que violences, ironie, pornographie se fondent dans le paysage et sont de ce fait parfaitement utilisables et digestes. Nous avons toutefois l’impression que cet argument tend à être le garant d’une impunité totale, le moteur d’un «tout est possible». C’est en 1982 que la marque de vêtements Benetton a engagé son image pour défendre les droits de l’homme, pour vanter le multiculturalisme et la multiracialité de notre planète. En soi, un message valorisant. Mais y-a-t-il un lien entre les vêtements de mode et ces idéaux? Les personnes achetant ces habits partagent-elles les mêmes idées? Puis la marque Benetton va bien plus loin.

La publicité dérange, déplaît, plaît, bouleverse… Elle nous servira plus tard une affiche représentant un homme nu, tamponné «HIV positif»; une chaise électrique, un uniforme de soldat maculé de sang, un enfant trisomique… La publicité dérange, déplaît, plaît, bouleverse. Il n’y a plus aucun rapport avec les objets vendus. Est-il régulier ou légal de chercher à nous émouvoir avec des objets totalement étrangers aux produits proposés pour vendre? Et d’ailleurs, qu’essaient-ils tous de nous vendre en nous faisant sourire, en nous mettant mal à l’aise, en nous mettant dans un état de compassion, en nous incluant dans un monde qui est le leur? Finalement la mode publicitaire a dérapé. De toucher à l’émotion, elle provoque et choque aujourd’hui. Pour la prévention routière, en Angleterre, l’épave d’une L’audimat est meilleur… voiture, encastrée dans un arbre, est filmée. Les images nous hantent, l’audimat est Taches de sang, prénoms des personnes


tuées ou blessées, description des blessures, situations familiales… c’est violent. Dans le luxe, des images porno-chic ont afflué, il fallait se démarquer à tout prix. Aujourd’hui nombre de marques vestimentaires le font également, la mode ( des publicités porno-chic ) va certainement s’éteindre peu à peu. Elle a fait pourtant des adeptes dans d’autres domaines tels que les sanitaires (KOS - catalogue présentant de jeunes garçons sous la douche ou dans le bain ). Ces images peuvent être choquantes. Même les œuvres caritatives s’y mettent… Vous vouliez faire une croisière? Donnez plutôt une partie de cet argent à … Juste de quoi vous mettre mal à l’aise. Ces publicités marquent, se démarquent, mais sont-elles pour autant bonnes ? Ce n’est

vraiment pas certain car les niveaux de compréhension, de tolérance et de résistance à la violence, au sexe, à l’humour sont bien différents d’un individu à l’autre. Il m’est impossible de terminer cette réflexion sans m’attarder sur l’utilisation de l’humour en publicité. Humour pour parler des tabous. Humour pour cacher le malaise. Humour pour amuser, faire le pitre. L’humour dans la communication publicitaire attire d’avantage la sympathie et l’attention. Par contre, l’individu n’a pas la même tolérance et la même compréhension de l’humour. C’est pourquoi la compréhension d’un message peut s’en trouver affectée. L’humour dans la communication publicitaire nous permet de parler plus librement

DEFINITION WIKIPEDIA DE SHOCKVERTISING Né de la contraction des mots anglais shock (est-il nécessaire de traduire?) et advertising (publicité ), le terme semble parler de lui-même. Pourtant, il faut définir ce qui peut être considéré comme choquant. Le seul texte officiel mentionnant le shockvertising apparaît dans un texte de loi suisse sur la publicité où il est expliqué que «doit être considérée comme shockvertising toute publicité qui, indépendamment du média employé, utilise des thèmes sans aucune relation objective avec le produit ou la compagnie et capable d’entraîner des réactions violentes de la part des consommateurs dans le but d’améliorer la notoriété de la compagnie. » Cependant, cette définition laisse une large marge d’interprétation sur les méthodes qui provoquent ces réactions violentes. Mais la notion essentielle qui s’en dégage est que l’image, le texte, le son, ou même le concept développé dans la publicité utilisant le shockvertising n’a pas de lien logique avec le produit ou l’entreprise vantée. Ainsi, la stratégie employée est de se servir d’un concept émotionnel fort pour augmenter la mémorisation du produit par le consommateur. Quatre procédés principaux se dégagent. D’abord, l’utilisation du plaisir qui intègre la beauté et le sexe. On parle aujourd’hui de porno chic pour classifier cette méthode (le porno chic est de moins en moins utilisé à l’heure actuelle ). Ensuite, l’humour qui provoque le rire, et permet une mémorisation très importante. De plus, il favorise le buzz marketing (plus connu sous le nom de bouche-àoreille). Puis, le trouble qui se matérialise par un message provoquant une stimulation négative, amenant ainsi le spectateur vers une situation de colère ou de tristesse. Cette technique, fortement employée, joue sur les thèmes de la violence, la drogue, la mort ou bien le racisme. Enfin, la confusion, qui crée une incompréhension du spectateur en lui proposant un message en totale inadéquation avec le produit. Le public met alors en marche un processus inconscient de réflexion pour créer un lien entre ces deux idées, ce qui génère une très forte mémorisation.

de choses taboues. David Ogilvy, un publicitaire ayant eu une grande influence dans le métier, pense que l’on a trop souvent recours à l’humour en publicité : « Les clowns amusent les gens, constate-t-il, mais ne leur vendent rien!». Cette campagne m’a touchée, m’a fait sourire puis m’a indignée… En juin dernier, la campagne d’affichage insiem a obtenu le 2e prix du concours de la SGA. Cette campagne, qui exploite le côté humoristique pour nous rapprocher des personnes trisomiques m’a touchée, m’a fait sourire puis m’a indignée. Une sensation de fausse note (cela n’engage que moi).Voici en quelques lignes l’objet de mon doute et de mon indignation : une personne trisomique va-t-elle dire d’elle-même qu’il lui manque une case? Durant mes quelques années d’activités au sein d’une institution occupant des personnes handicapées mentales, je n’ai jamais entendu quelque chose de similaire. La qualité de vie tenait plus dans la satisfaction de pouvoir travailler comme « les autres », de vivre dans un appartement, de pouvoir faire ses courses seul, d’avoir des relations sociales diverses, que dans la stigmatisation de la différence, du manque d’une case ou d’avoir un grain en plus… Ces stéréotypes, même s’ils provoquent le rire ou le sourire ne font, me semble-t-il, qu’accentuer la différence. J’ai la sensation que l’on touche à l’intégrité de la personne. En conclusion, j’espère que la mode de «shockvertising» disparaîtra tout prochainement. Elle me semble inutile, contre-productive à terme et surtout dégradante. Même si en fait, en utilisant le shockvertising l’émetteur fait parler de lui, de son produit, de son association et que le but recherché est atteint : une bonne mémorisation.

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La communication dans l’annonce du diagnostic Armand Bottani, médecin adjoint au Service de médecine génétique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) Propos recueillis par Michèle Ortiz, psychologue FSP et spécialiste en relations publiques, Genève

Y a-t-il des manières de faire plus adéquates que d’autres pour annoncer un diagnostic? Rencontre avec le docteur Armand Bottani, médecin adjoint au Service de médecine génétique des Hôpitaux universitaires de Genève. Ce pédiatre de formation arrivé dans la génétique clinique un peu par hasard partage avec nous son expérience dans l’exercice difficile et redouté de l’annonce du diagnostic qui est souvent lourd de conséquences pour les parents et les proches des personnes avec un handicap intellectuel. L'absence d'un diagnostic clair est parfois tout aussi mal vécue.

Son travail ? Appelé en tant que consultant au chevet de petits patients en pédiatrie ou à la maternité, Armand Bottani reçoit également en consultation des enfants, dont les parents cherchent à savoir d’où vient le handicap mental, l'autisme, le trouble envahissant du développement, la psychose infantile, etc., autant de termes descriptifs pouvant souvent cacher une origine génétique. Dans ce domaine, l’établissement du diagnostic est en général un long chantier qui peut déboucher sur une information aux familles et un conseil génétique, en fonction de ce qu’il trouve, ou pas. Ses outils ? Lors d’une consultation qui dure facilement une à deux heures, il retrace les événements médicaux marquants de la vie du patient, de sa famille, visionne des photos, des vidéos puis procède à un examen clinique détaillé. Son coup d’œil expert acquis avec les années l’amène à chercher des signes physiques particuliers qui feraient penser à une situation connue ou suspecte. Pour confirmer ou infirmer ses hypothèses, il va procéder à des tests génétiques – s’ils existent – voire à d’autres examens pour avancer dans la réflexion. Son but ? Apporter si possible un diagnostic définitif. Malgré les connaissances actuelles de plus en plus grandes, il n’arrive fréquemment pas à conclure; une frustration qu’il partage avec nombre de ses collègues de par le monde qui travaillent dans ce domaine. «Il faut être extrêmement prudent dans ce qu’on affirme aux parents ou au patient. Si 6

ce n’est pas le bon diagnostic, ils vont se souvenir de vous assez longtemps. Et s’il est avéré, ils vont aussi se souvenir de vous quand vous allez l’annoncer. On n'a pas vraiment le droit à l’erreur. J’ai souvent vécu de situations où un médecin, même de bonne foi, a dit que c’était le syndrome untel alors que ce n'est manifestement pas ça. Pour ensuite enlever une étiquette qui est fausse, c’est diabolique. Ça peut laisser des traces à très long terme.» « Mais souvent on n’a pas la réponse. Malgré toutes les investigations, à la fin du compte je vais devoir dire aux gens : écoutez, je ne sais pas. Je constate bien qu’il y a un handicap, un retard de développement, qu’il y a des traits autistiques, mais pourquoi, je ne sais pas. Revenez dans une année, dans deux ans, dans trois ans. Cette incapacité à trouver le nom du syndrome ou de la maladie fait partie d’une réalité en général difficile à accepter par les parents. Mais je leur dis toujours: si on ne cherche pas, on ne va pas trouver. Souvent, j’annonce la couleur en précisant : je pense que la démarche qu’on va entreprendre est justifiée, peut-être qu’on comprendra mieux, mais c'est possible qu’à la fin je vous dirai que je ne sais pas. Mais je pense que c’est important de chercher. Rarement, la situation est pour moi claire d’emblée: récemment, j’ai reçu des parents envoyés par le pédiatre qui suspectait un syndrome de Down (trisomie 21) chez leur enfant alors qu’eux ne se doutaient de rien. Ceci a nécessité tout un travail d’approche : je pense qu’il va falloir faire un examen des chromosomes du bébé pour essayer de comprendre pourquoi il a un discret souffle au cœur et un tonus un petit peu plus bas que d’habitude, d'ici là il va falloir patienter. Le résultat a reflété l’évidence et ça a été un choc terrible pour ce couple.

Quand un nouveau-né pose dès la naissance certains soucis à l’équipe soignante et frappe par des traits physiques particuliers, certains parents demandent spontanément si leur bébé n’est pas peut-être trisomique et on peut leur dire: oui, ça fait partie des choses qu’il va falloir exclure en faisant rapidement la carte des chromosomes de votre enfant. Je ne pose quasiment jamais ce diagnostic sur la simple observation, car on peut très facilement se tromper! Si le résultat confirme la suspicion, il sera alors peut-être moins difficile de l'annoncer, les parents y ayant déjà pensé eux-mêmes.» Faut-il tout dire ? «Il est important de demander aux parents dès le début: qu’attendez-vous de moi? Personnellement, au stade de la recherche du diagnostic, je ne verbalise qu’exceptionnellement mes hypothèses. Les parents s’empresseraient alors de faire des recherches sur internet au prix de frayeurs souvent inutiles puisque je peux être amené à rejeter a posteriori mon idée de départ. Par contre, je leur dis: il y a matière à aller plus loin, à faire des analyses, par exemple une carte chromosomique, une IRM cérébrale ou d'autres examens. Si vous êtes d’accord pour procéder comme ça, une fois qu’on aura ces éléments, je vous ferai alors part de mes conclusions et on prendra tout le temps nécessaire pour en parler. Lors de l'annonce du diagnostic, je suis très paternaliste et je l’assume pleinement. En effet, je pense qu’il ne faut pas donner trop d’informations tout de suite et en une fois, mais qu’on doit quand même un peu protéger, du moins temporairement, les gens. Mon rôle est de donner ce qu'il faut d'éléments pour les aider à s’approprier progressivement cette nouveauté. Même si je suis d'avis qu’on peut tout dire, tout expliquer, même les choses les plus compliquées et les plus douloureuses, il n’y a certainement pas une bonne et unique manière d’annoncer des nouvelles désagréables. Il y a par contre des conditions à respecter pour le faire le moins mal possible. On devrait se mettre si possible autour d’une table, avec les deux parents et, si c’est pertinent, quelqu’un de l’équipe


soignante. Si l'occasion se prête, on prend l'enfant avec. Il faut par contre éviter d'être trop nombreux, pour éviter que les parents ne se sentent observés par un aréopage de personnes en blouse blanche. Le choix des mots est évidemment capital et tout doit être pensé pour éviter des paroles blessantes, culpabilisantes, incompréhensibles parce que trop techniques ou compliquées. On ne peut pas toujours faire comme on le souhaiterait idéalement. Des fois on ne se comprend pas pour des questions de langue et on n’a pas toujours un traducteur sous la main. Par ailleurs, je ne communique jamais de résultat par téléphone sauf grande exception et j'avertis les parents : ça ne sert à rien de m’appeler; lorsque j’aurai les informations, la secrétaire vous contactera pour fixer un rendez-vous dans les meilleurs délais. Dans la mesure du possible, je propose un rendez-vous de suivi dans les semaines qui suivent l'annonce initiale, ceci afin de poursuivre la discussion, reprendre des points pas clairs, répondre aux questions.» «Il y a l’expérience, des tendances, des moyennes, mais s’il y a un domaine où les choses ne sont jamais pareilles ni comme dans les livres, c’est bien celui du handicap mental. Malgré les ressemblances, chaque enfant en situation de handicap est unique et différent. Je préfère dire: la plupart des parents qui ont un enfant avec une trisomie 21 font l’expérience que… ou trouvent que… ou ça a déjà été signalé par des associations de parents que... Mais gardons-nous, surtout si l’enfant est petit, de tirer des conclusions trop hâtives et de faire d’emblée des pronostics à long terme. Rien n’est gravé à jamais dans la pierre, laissons les portes grand ouvertes ! C’est vrai, il y a des maladies génétiques dont on sait qu’elles conduisent inexorablement à la mort à plus ou moins brève échéance et dans ces cas-là, il faut préparer les parents au pire, sans se voiler la face. Mais en général, dans le domaine du handicap mental, on est parti pour un long chemin, le plus souvent jusqu’à l’âge adulte. Et c’est très difficile parce qu’on se projette tous… Mon enfant ira-t-il à l’école comme les autres? Aura-t-il des enfants ? Pourra-t-il vivre de manière indépendante?

Il y a des situations où on sait pertinemment que non. Mais ça n’est pas une raison pour dire aux parents dès la première fois qu’il est fort probable que leur enfant ira de toute façon en institution. On a des moyens de répondre sans répondre complètement, par omission, mais tout en restant crédible, honnête et positif. Oui, il y a des soucis importants, la situation a l’air sérieuse, le chemin sera sinueux, mais il y aura des solutions à beaucoup de problèmes; par rapport à ceci ou cela, je crois que je suis dans l’incapacité de vous dire. Je pourrais tellement me tromper dans un sens ou dans l’autre. Mais c'est vrai, il y a des soucis. Certes, ne pas non plus tomber dans l'angélisme et dire que tout ira bien alors qu’il y aura des soucis plus que majeurs. Mais de nouveau, je crois qu’on peut toujours trouver du positif, même dans les soucis et que c’est un processus de maturation, comme le deuil. Evidemment le deuil de l’enfant parfait existe et il faut en être conscient, accompagner les gens, prendre le temps qu’il faut, trouver si possible les bons mots. Mais des fois, on se trompe et on espère faire mieux la prochaine fois.» Quelles autres sources d’informations ? « J’aborde presque systématiquement la question de l’internet. C’est vrai, c'est un outil en soi génial et on fait tous la même chose, mais on sait pertinemment que c’est une question de dose, de temps adéquat pour y aller, de qualité de l'information. Pensez à vous protéger un peu aussi. Il faut consulter les bons sites et je peux vous aider à trouver ceux qui me semblent être de très bonne qualité. En général, ceux des associations le sont parce qu’ils sont fait par des gens qui savent de quoi ils parlent. Si vous lisez des choses pas claires, posez-moi des questions. Je pourrais vous aider à mettre les informations en perspective. Je parle aussi des associations de parentspatients (si elles existent pour la maladie en question - voir www.orphanet.ch à ce sujet), dont je défends le travail en général remarquable; mais de nouveau, j’imagine qu’il y a un moment, différent pour chacun, où on se sent assez fort pour participer à une première réunion et affronter dans un même lieu, des situations diverses et

variées qui pourraient nous projeter parfois de manière prématurée dans un futur qu'on ne souhaite pas forcément déjà connaître. On peut facilement prendre des claques si on n'est pas un peu préparé. Le fait d’avoir participé à de nombreuses rencontres de ce genre m’a cependant convaincu au fil des années qu’il y a toujours dans ces réunions une incroyable chaleur humaine, un sens de l’écoute et du partage qui valent bien des discours médicaux! Pour moi médecin, c’est aussi une chance extraordinaire et unique d’apprendre beaucoup sur le vécu quotidien des familles, ce qu’on ne trouve jamais dans les livres de médecine.» En conclusion ? «Oui, l’annonce d’un diagnostic de handicap, quel qu’il soit, est un exercice toujours périlleux et difficile qui demande certes de l’expérience et beaucoup de sensibilité. Il n’existe pas de recette miracle pour bien faire, on essaie juste d’être le moins inadéquat possible. Certains professionnels arrivent mieux que d’autres, d’aucuns seront toujours des handicapés de la communication, malgré des heures de formation! Et une chose me paraît essentielle et évidente: depuis longtemps, et contrairement à ce que nous médecins avons trop souvent tendance à penser et dire, le handicap n’est plus seulement pour moi qu’une longue liste interminable de problèmes et de soucis, mais bien plus une constellation inépuisable de sourires échangés, d’émotions partagées, d’expériences positives, de petits et grands bonheurs.»

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Témoignages de parents

C. B., maman d’une jeune femme de malement. Après une prise en charge psy19 ans chiatrique infructueuse de quelques années pour autisme, et au risque de perdre notre Chez ma fille, le handicap ne se voyait pas droit parental, nous avons crié au secours et au premier abord. Dès sa naissance, elle a été Insieme nous a orientés vers le S.E.R.A. prise en charge par différents professionnels pour une nouvelle évaluation basée cette fois qui ont considéré chaque problème (œil sur le potentiel de notre fille et non plus sur blanc, hypotonie, etc.) à leur niveau. ses lacunes. Malgré sa vision d’ensemble, la pédiatre de Tout comme nous l’avions constaté au conl’époque ne nous a pas alertés. Elle se repo- tact de parents d’enfants autistes, il est sait sur ce réseau de prise en charge et n’avait ressorti que notre fille n’était pas représentaelle-même rien à nous proposer. Alors tive de ce trouble. Vers 7 ans, elle a intégré qu’elle nous amenait à croire à des améliora- une école spécialisée de la Fondation tions à venir, les symptômes ne nous ont pas Ensemble. La prise en charge répondait à ses alertés parce qu’ils se retrouvaient, bien que besoins et à nos attentes. Du coup le diagmoins fortement, dans l’histoire d’autres nostic avait moins d’importance. C’est alors membres de la famille (lenteur, grande sou- seulement, avec l’équipe éducative, qu’on a plesse) dont le grand frère (aujourd’hui commencé à parler réellement de handicap sportif de haut niveau) qui lui aussi était très voire de handicap cognitif. calme, voire lent. Par élimination et après 13 ans de recherLorsque vers 20 mois les difficultés de la ches, le généticien a trouvé que notre fille petite se sont aggravées, c’est un jeune souffrait du syndrome de Rett, bien qu’elle interne des urgences de l’hôpital qui m’a en soit complètement atypique. Ce diagnossuggéré d’aller voir un ORL. Ce dernier tic a permis d’effacer les inquiétudes de nous a fait envisager une opération pour notre fils par rapport à ses propres projets mettre un terme aux otites chroniques de d’enfants, de nous rassurer sur notre rôle de notre fille. En fait si elle criait si fort dans les parents et de répondre aux nombreuses aigus en souriant, c’est tout simplement questions de notre entourage qui, dès lors, qu’elle ne s’entendait pas! L’opération lui a commençait à mieux comprendre notre permis de se tenir debout, de recouvrer enfant. l’ouïe. En parallèle, elle a eu une rampe lin- Aujourd’hui, on pense à l’avenir mais, pour guale, traitement de pointe, qui lui a permis rester positifs et ne pas trop s’inquiéter, on d’accéder au langage. Mais on avait trop avance au jour le jour. Le diagnostic nous a joué avec la chance et j’étais très en colère permis d’être plus indulgents par rapport au vis-à-vis de la pédiatre qui n’a pas soutenu syndrome de notre fille et heureux de tout ce nos démarches. Face à un tout dans le com- qu’elle parvient à faire qui, compte tenu de portement et l’évolution de ma fille, je m’en sa maladie, se révèle en fait extraordinaire. suis ouverte à la pédiatre qui m’a redis que la petite était juste différente de son frère et que c’était à moi de m’ adapter. Compte tenu de mon histoire familiale, ça m’a conduite à me poser beaucoup de questions sur mon fonctionnement. Sur le conseil d’une amie, nous sommes allés consulter un neurologue. Ce dernier nous a dit: «Effectivement, il y a quelque chose, mais on ne peut pas vous dire quoi. Il y a plusieurs symptômes isolés et l’évolution globale n’est pas harmonieuse.» Peu après, on a consulté un généticien qui a confirmé qu’il était pertinent de chercher ce qu’elle avait. Très vite les yeux et oreilles ont progressé mais le reste n’évoluait pas nor8


C’était mon premier enfant. Dans mon 4ème mois de grossesse, j’ai failli faire une fausse couche mais on ne m’avait jamais parlé d’avoir un enfant malformé, comme on disait à l’époque. Après un accouchement difficile, je me suis étonnée de la fréquence élevée des visites de ma fille chez le professeur qui ne m’a pourtant jamais reçue. Une première nurse m’a dit que c’était normal. Plus tard, une autre m’a dit «votre fille est apathique, comme une de poupée en pâte. Il vous faudra être ferme avec elle pour obtenir quelque chose.» Ça a été un choc. Par la suite, je me suis inquiétée auprès d’un pédiatre parce qu’elle ne tétait pas et dormait tout le temps. Il m’a demandé de la laisser une semaine en observation à l’hôpital. Là, elle a une fois avalé son lait de travers, ce qui a provoqué une broncho-pneumonie par infection. J’allais la voir tous les jours. Compte tenu de sa position, je l’appelais ma grenouille ! Un jour, ne pouvant me rendre à l’hôpital, j’ai téléphoné pour avoir de ses nouvelles. L’assistant du docteur m’a répondu: «Faut pas vous attendre à des miracles avec une enfant comme ça, vous savez bien qu’elle est mongole ! » Connaissant des adultes trisomiques, je m’imaginais déjà le pire et ne m’attendais en tout cas pas à des améliorations. C’est comme si on m’avait donné un coup sur la tête. Je me suis dit «Il faut que je la protège, elle aura besoin de moi.» Par la suite, je me suis retrouvée enceinte et, dans mon 3ème mois de grossesse, ma fille a eu la rubéole. Inquiète, je me souviendrai toujours de ce gynécologue qui m’a dit alors «de toute façon vous ne pouvez pas avoir un deuxième enfant mongol, vous aurez tout au plus un enfant avec un pied bot ou un enfant idiot!» Finalement ma deuxième fille allait bien. J’ai compris bien des choses après coup et j’en ai voulu à ces médecins qui, soit n’étaient pas assez renseignés, soit n’ont jamais osé me dire la vérité. On était sensés savoir. Pourtant, avant la découverte de la trisomie 21 en 1959, je ne savais pas de quoi il s’agissait. Au sein de la famille, on se rejetait la

faute. On a fait faire des tests qui ont confirmé ce diagnostic. J’ai alors rencontré des membres d’Insieme, anciennement APMH, qui sont venus chez moi. Au début, faire partie de l’Association revenait pour moi à reconnaître que mon enfant était handicapée. En fait pour moi, c’était provisoire. Avec beaucoup d’amour, elle allait s’en sortir. Je ne savais pas que la trisomie c’était à vie. Après un temps, j’ai intégré l’Association et m’y suis sentie soutenue. Légèrement atteinte, ma fille s’est bien développée mentalement. A l’âge de 6 ans, suite à un vaccin contre la polio, elle a été atteinte physiquement. J’ai toujours pensé que ce vaccin en était la cause, mais les médecins ne voulaient rien reconnaître. Un jour, 30 ans après, j’ai demandé au médecin qui la suivait depuis l’enfance pourquoi elle n’avait pas de traitement pour son handicap physique et il m’a répondu : «Vous savez bien qu’elle a fait une attaque de polio! »... Après, je n’ai plus cherché à comprendre la maladie, mais surtout à m’occuper de ma fille pour qu’elle évolue et que tout aille bien.

Image Forolia

J. B., maman d’une adulte de 53 ans

Fonder une famille malgré le handicap… 9


La communication par l’image Marine Brayer, photographe-auteur, Lyon Propos recueillis par Cédric Blanc, membre du comité de rédaction de Pages romandes Crédit photos: Marine Brayer L’image est incontournable dans notre société actuelle. Parfois forte, parfois détournée, parfois provocatrice, parfois apaisante, elle communique sans détour un message, d’une manière directe, souvent subtile. L’image ose parfois ce qui ne peut être communiqué par les mots. Ou vice-versa. Si les deux s’assemblent en parfaite symbiose, alors le message touche au plus profond. Marine Brayer, jeune photographe lyonnaise de 29 ans, est de ces auteurs qui présentent avec humilité un travail sensible et recherché. Son exposition «Un autre regard», que j’ai découvert à Lyon en juin 2009, m’a vivement interpellé. La simplicité du message est transmise par une alchimie ingénieuse entre image et mots. Les textes traduisent, avec une malice et une transparente vérité, les instantanés réalisés dans l’action et le mouvement de sportifs en situation de handicap. Les clichés se sont trouvés mêlés à des sentiments liés aux valeurs de l’existence et des souvenirs que je porte avec bonheur en moi. Mon regard est devenu autre. Un autre regard. La photographe avait atteint son but.

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Ce binôme d’auteurs communique à merveille par ce mariage intemporel de l’image et des mots: un duo qui immortalise une fraction de seconde et laisse le cortège des mots nous entraîner vers l’essentiel pour toujours. Tous deux laissent ainsi aux visiteurs une impression de grandeur d’âme.

début de mon engagement en tant que bénévole auprès du club Handisport Lyonnais. Dans un premier temps, j’accompagnais simplement les équipes lors de déplacements extérieurs, puis je me suis impliquée dans l’organisation de compétitions à Lyon.

- Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs? Originaire de Seine-et-Marne, j’ai d’abord suivi des études d’Histoire à la Sorbonne avant de me tourner vers la photographie. C’est pour cette raison que je suis venue m’installer à Lyon. Au-delà des heures de cours, l’école que j’ai choisie nous laissait une grande liberté dans notre travail. Cela nous a permis, selon notre sensibilité personnelle, de trouver notre voie parmi toutes les possibilités qui s’offraient à nous.

- Quel a été le déclic qui vous a conduite à explorer le monde du handicap? On me pose souvent la question, mais j’avoue que je n’en ai plus le souvenir exact. Peut-être était-ce lié à l’implication de plusieurs membres de mon entourage auprès de personnes handicapées, notamment déficientes visuelles. C’était aussi l’occasion pour moi de découvrir et de faire découvrir autour de moi une discipline méconnue du grand public.

- Votre voie, c’est donc celle de la photographie? En effet, je me suis assez vite orientée vers le reportage. En juin 2005, à l’occasion des examens de fin d’année, j’ai présenté devant un jury de professionnels, un reportage sur le torball1 à Lyon. Ce dernier a marqué le

- Comment avez-vous choisi de votre activité? Photographe-auteur depuis fin rencontres que j’ai pu faire d’autres reportages, mais aussi mon engagement en tant que

poursuivre 2006, les au cours à travers bénévole,

m’ont donné l’envie d’aller plus loin. En 2008, j’ai donc décidé de me lancer dans un projet à long terme consacré au handisport et ai parallèlement rejoint le Comité d’organisation de la Coupe du monde de torball, où j’étais chargée de la communication et des relations presse. Ce projet s’est concrétisé par l’exposition itinérante «Un autre regard». - Qu’avez-vous voulu communiquer par ce travail singulier? À travers ce projet, mon souhait était d’offrir plus de visibilité au handisport mais aussi d’inviter le public à poser un regard plus positif sur les personnes handicapées, un regard sans préjugés ni condescendance. Je pense que le sport, grâce à toutes les valeurs positives qu’il véhicule, représente une formidable opportunité de faire avancer les choses dans ce sens. C’est ce qui m’a conduite à persévérer dans la photographie: pouvoir donner à son savoirfaire une réelle utilité sociale. Le sport permet aussi de réunir les individus, quelles que soient leurs différences.


- Comment est construite cette exposition? L’exposition «Un autre regard» rassemble une vingtaine de photographies N&B accompagnées de textes de l’écrivain Pierre Deruaz et de leurs transcriptions en braille. Ces photos ont été prises au cours de séances d’entraînement. Pendant un an, j’ai été à la rencontre de différentes associations de la région lyonnaise. Je me suis volontairement limitée à un petit nombre de disciplines simplement pour consacrer plus de temps à chacune d’entre elles et prendre le temps d’instaurer une relation de confiance avec les personnes que j’étais amenée à rencontrer. Ma présence au cours d’entraînements m’a permis d’être au plus près et certainement saisir des choses que je n’aurais pas pu en compétition. J’ai également pris le parti de travailler en N&B pour aller à l’essentiel, mettre en valeur certaines attitudes ou expressions. Au cours de ce reportage, j’ai passé beaucoup de temps avec des enfants. J’ai été particulièrement

Notes 1 Torball: jeu collectif adapté aux personnes déficientes visuelles. 2 Mlle Brayer travaille actuellement à la réalisation d’une exposition pour la Fondation Suisse Sport-Up dans le cadre de son projet intégratif « Objectif Gymnaestrada 2011!» relaté dans notre édition du 50e en décembre 2009 (www.sportup.ch).

touchée par le lien qui se créait entre eux et les personnes qui les accompagnaient. On devine parfois beaucoup de choses à travers un simple regard. Ce sont toutes ces émotions prolongées dans les mots que j’ai cherché à saisir et partager. - Vous avez aussi choisi d’accompagner vos images de mots choisis? Au début de mon projet, j’ai eu la chance de rencontrer Pierre Deruaz qui a accompagné chacune de mes photographies par un texte. J’ai encore en mémoire le jour où j’ai découvert les mots qu’il avait écrits sur mes premières images. Loin de toute description, ses textes, empreints de poésie, vont vraiment au cœur des relations humaines. Ils «ouvrent l’imagination des regards». Cela fait plus d’un an maintenant que l’exposition est itinérante et beaucoup de gens sont venus me voir pour me dire combien ils avaient été touchés par l’association des images et des textes2.

Extraits «Des formules qui touchent le cœur… des moments d’émotion qui transforment le regard» pour Suzanne. Sur le livre d’or, on peut aussi lire : «Bel hommage à l’homme et ses prouesses, à la vie, à l’espoir, à la combativité » (Myriam).

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Pixels en images... Regards croisés sur une exposition Propos recueillis par Maire-Paule Zufferey, rédactrice Crédits photos : Gianluca Colla - www.gianlucacolla.it A l’occasion de son 50e anniversaire, l’ASA-Valais a produit «Sur un fil», spectacle de danse contemporaine de la Cie Pixels. Cette compagnie est composée de danseurs avec et sans handicap qui ont été immortalisés tout au long de leur parcours par le photographe italien Gianluca Colla. Depuis, une exposition de 30 clichés accompagne et prolonge le spectacle.

Olivier Salamin, directeur ASA-Valais Que pensez-vous de l’exposition? Avec l’Association, nous disposons de beaucoup de photos, mais il faut bien avouer qu’à une ou deux exceptions près, ce sont des photos de vacances! Elles font surtout plaisir aux participants et à leurs proches… Tout cela pour dire que ce qui nous a d’abord frappés, c’est la qualité des clichés. Ce sont de belles photos que nous avons envie de montrer à un large public. Comment avez-vous mis sur pied l’exposition ? Nous n’avons rien mis sur pied. Nous avons confié cette tâche à Gianluca Colla qui est un grand professionnel. En fait, nous avons découvert par après l’immense chance de cette rencontre car il travaille pour des mandataires importants et pour des magazines reconnus dans le domaine de la photo... Ce qui nous a fasciné, c’est la justesse de son approche. Il a construit son exposition à partir de la rencontre de personnes avec et sans handicap. Il a croisé les portraits de chaque danseur en y mettant une thématique commune (aimer faire du vélo ou la cuisine par exemple). L’expo montre ensuite des scènes de répétitions qui sont superbes et se terminent par des clichés du spectacle luimême. Il y a une progression, une montée en force qui est impressionnante. 12

Nous pensons dans l’après-coup que nous avons eu raison de lui faire confiance, c’est un travail que nos demandes et idées auraient sans doute compliqué. Quel message espérez-vous faire passer? Les photos témoignent avec une grande justesse de la joie des rencontres entre danseurs avec et sans handicap qui se sont réunis dans la Cie Pixels. Le nom que le groupe s’est choisi nous avait mis sur la voie, autant de petits éléments qui mis bout à bout constituent une image… Nous attendons donc de ces photos qu’elles montrent que non seulement la rencontre est possible, mais que celle-ci peut conduire à des réalisations exceptionnelles. Quelle suite allez-vous lui donner? Un tel travail a un coût qui n’est pas négligeable pour une structure telle que la nôtre. Ce dont nous sommes sûrs, c’est que cette exposition photo constitue un investissement qui apporte de la valeur au spectacle lui-même en le complétant. Comme nous devons vendre ce spectacle et l’autofinancer, c’est un argument supplémentaire pour parler de sa qualité. Plus tard, si des financements sont trouvés, l’idée de faire un livre nous plairait beaucoup. Ce projet est la forme la plus aboutie de notre travail associatif, nous pourrions ainsi commémorer notre 50e anniversaire avec un bel ouvrage.


Gianluca Colla, photographe Comment se passe la rencontre d’un photographe et d’une compagnie de danse? J'avais promis à mon amie Florence, la chorégraphe de Pixels, de prendre quelques photos de la compagnie afin qu'elle puisse avoir du matériel de promotion. J'ai tellement été touché par la spontanéité et le naturel des danseurs, que la matinée de travail s'est transformée en une longue et magnifique histoire humaine. Après à peine quelques minutes, il était pour moi évident que je voulais aller plus loin. Qu’est-ce qui vous a conduit à décider d’en faire un projet professionnel? Pour tout dire, le projet a démarré et a grandi naturellement. Nous sommes partis sans idée ou direction précise. Au début, je ne savais même pas vraiment dans quel but seraient utilisées mes images. La seule chose dont j'avais vraiment envie, c'était simplement d'être avec eux, de partager des moments d'une rare intensité. Mon appareil photo est devenu un simple prétexte pour avoir la chance de partager un bout de leur vie. En tant que photographe que vouliez-vous communiquer par votre travail? Après les premières images, toutes faites lors de répétitions et d'un spectacle, j'ai passé du temps avec chacun des danseurs, individuellement. J'ai essayé de capturer des instants de leur vie en mettant en parallèle les similitudes entre personnes avec ou sans handicap. Je montre que leur quotidien peut receler plus de similitudes qu'on ne pourrait penser. L’exposition suit une construction particulière, comment l’avez-vous ordonnée? Oui, l'exposition suit un fil conducteur, raconte une histoire: elle s'ouvre avec la présentation de chaque danseur, dans leur quotidien, couple par couple. J'ai essayé de trouver des moments ou des situations similaires, sans forcer personne à faire quoi que ce soit qu'il ne ferait pas sans photographe. Ensuite viennent quelques images de groupes lors de répétitions et préparatifs ; puis je termine sur les images

d'un spectacle précédent. De cette dernière partie, je n'ai choisi que quelques photos car l'exposition est juste un préambule qui raconte « l'avant »... La suite se passe sur scène, c'est pourquoi l'exposition accompagne le spectacle de danse. Comment vos collègues photographe perçoivent-ils votre travail? La question la plus posée par mes collègues est toujours de savoir s'il est difficile d'entrer dans l'intimité des danseurs. En fait, c'est beaucoup plus facile que l'on peut croire. Tout est si naturel. Je crois qu'ils ont senti que je les aimais profondément, que je ne voulais pas voler des instants de leur vie ou biaiser leur réalité mais que j'y étais sincèrement intéressé... Quelles suites aimeriez-vous donner à ce travail? Nous espérons pouvoir créer un livre. J'aimerais réussir à partager la magie de ces moments intenses avec le plus de personnes possible. J'aimerais également que les danseurs voient à travers les clichés à quel point ils sont intéressants, qu'ils réalisent ce qu'ils représentent quand ils dansent, qu'ils puissent être fiers du chemin qu'ils parcourent. Le livre reste une idée fixe depuis que j'ai vu Michèle, danseuse de la compagnie, s'admirer, les larmes aux yeux devant l'impression d'une de ses photos. Elle se trouvait belle. C'est un des moments les plus intenses de ma carrière photographique. Audrey Bestenheider, animatrice Florence Fagherazzi, chorégraphe Y a-t-il une volonté de communiquer un message au public dans la présentation d’un spectacle qui regroupe des danseurs avec et sans handicap? Florence: Bien sûr, une énorme volonté de parler d'intégration... mais pas dans le sens où on l'utilise couramment: «Nous devons nous intégrer à eux!» Audrey: Toutes ces années de partage de danse avec les personnes avec handicap m’ont permis d’entrer en contact avec une certaine liberté intérieure. Avec eux je me sens bien, pas jugée, je peux m’exprimer. Ils

m’ont permis d’être simple et joyeuse. C’est cette joie simple que je souhaite partager. Florence : Nous sommes semblables les uns aux autres. Nous devons juste trouver un moyen de communiquer et quel meilleur moyen de communiquer que celui du corps, du mouvement… Laissons la parole pour danser ensemble d'une seule et unique voix! Pourquoi avoir choisi de compléter la démarche par une exposition photo? Audrey: Ce n’est pas un choix «réflexif» mais une rencontre, un coup de cœur, une amitié. Un jour Florence m’a parlé de Gianluca, photographe de «renommée». Elle m’a parlé de son intérêt pour notre démarche, de son souhait de venir voir nos répétitions, de prendre, peut-être, quelques photos. Ma démarche à l’égard de Pixels a toujours été d’être ouverte, d’accueillir. C’est comme ça que Gianluca est arrivé sur la pointe des pieds dans la salle de danse. Il a regardé, photographié beaucoup, souri et nous a offert un regard aimant et juste. Notre rencontre a été simple, sur la même longueur d’onde. Vivre des instants de danse, parfois légers, d’autres fois plus difficiles. Ne pas séparer les choses, la danse, la vie de tous les jours, les rires, les pleurs, le corps, l’esprit. L’exposition complète bien la chorégraphie en ce sens. Les spectateurs sont invités dans notre vie qui finalement ressemble à la vie de tout un chacun. Les photos comme la danse mettent en évidence notre beauté à tous. Florence : Quel meilleur moyen de communiquer que l'image? Laissons une nouvelle fois les mots et les paroles de côté et laissons les images parler d'elles-mêmes, elles reflètent parfaitement l'émotion, le lien, la magie qui circule lors de chacune de nos rencontres! Qu’avez-vous ressenti en découvrant l’exposition? Florence : Un immense bonheur, une immense émotion... et la surprise de découvrir que Gianluca nous avait parfaitement compris, malgré la barrière de la langue! La Cie Pixels va au-delà des barrières, quelles qu'elles soient! Audrey: J’ai suivi le travail de Gianluca 13


petit à petit… Son regard est à la fois proche, intime et pudique. Son travail est minutieux et précis, laissant une grande place à l’improvisation dans l’instant. Je n’arrive pas à exprimer ce que j’ai ressenti en voyant les photos; il y avait beaucoup de monde, d’émotions. Je n’ai pas encore pu me poser tranquillement devant l’exposition. Plus précisément, comment avez-vous réagi en vous voyant sur les photos? Florence: Je ne me reconnais pas, je me trouve belle et rayonnante... Parce que portée par la magie du moment que je partage avec ces êtres chers! Comment trouvez-vous cette exposition et qu’apporte-t-elle au public selon vous? Audrey: L’exposition prolonge ce moment éphémère qu’est la danse. Elle permet la rencontre, le contact, la discussion. L’image retranscrit le sensible, l’émotion. Elle ouvre d’autres portes intérieures, elle éclaire d’autres failles. Florence: Très subjectivement, je la trouve juste incroyable ! Tellement parlante, tellement riche, tellement vraie et pure! Elle permet au public de découvrir des moments qui n'appartiennent qu'à nous et de comprendre par quels chemins nous sommes passés pour arriver «Sur un fil» (photos des répétitions ). Elles montrent la beauté de chacun, dans son milieu, dans son univers et ce qui nous lie, malgré la différence, dans la vie de tous les jours! Ce qui nous lie et qui fait que Pixels a pu voir le jour ( photos au quotidien). Envisagez-vous d’autres moyens de communication autour de votre compagnie? Florence: Nos projets sont nombreux et ne demandent qu'à éclore, qu'à trouver écho dans le cœur de chaque personne qui croisera le chemin de la Cie Pixels... Audrey: Nous souhaitons, avec Florence, créer un dossier de promotion afin d’introduire la compagnie dans le circuit professionnel des spectacles de danse. Nous aimerions aussi danser de façon spontanée et improvisée, en petits groupes, dans des lieux publics ouverts à tous... 14

Témoignages de parents Fabienne Salamin, Carole Berclaz et Anaïs Vuarand sont trois danseuses. Elles évoluent dans le spectacle en tandem avec deux autres danseuses, sous le regard admiratif de leurs parents… Que pensez-vous de l’exposition? Les parents de Carole: Les photos sont très belles, ce mélange de différentes situations représente bien la vie de nos danseurs… Les parents de Fabienne : C’est une magnifique exposition par son côté humain. Il y a de très belles photos que nous avons envie de revoir. Les parents d’Anaïs: L’exposition photos est de très belle qualité. Elle magnifie nos jeunes. C’est un défi superbement réussi. Merci M. le Photographe! Quel effet cela fait-il de se voir en photo, de voir son enfant? Fabienne: Je suis fière de me voir sur les photos. Une belle expérience avec le photographe et surtout avec Sophie, ma danseuse… Les parents de Fabienne: Nous la trouvons naturelle et très bien. Il y a une belle complicité entre les danseurs. Les parents de Carole: De voir son enfant

en photos est toujours émouvant… Nous éprouvons aussi beaucoup de fierté! Nous avons remarqué que Carole avait beaucoup de plaisir à prendre toutes sortes de poses, que Gianluca pouvait tout lui demander et qu’elle le faisait avec plaisir... Les parents d’Anaïs: C’est émouvant et gratifiant de découvrir son enfant sur les photos de cette exposition. Quel message ces photos permettent-elles de faire passer? Les parents de Carole: Que malgré leur handicap, ils peuvent faire beaucoup de choses et que, surtout, on ne doit pas dire qu’ils n’arriveront pas à le faire. Il faut toujours essayer. Les parents de Fabienne: Avec beaucoup de patience et un soutien, on arrive à faire de très belles choses avec les personnes handicapées. Les parents d’Anaïs : Un message de tolérance et d’acceptation de la différence; mais aussi la Reconnaissance de la Personne! Notre enfant est déficiente certes, mais comme tout un chacun, ses journées sont occupées par le travail en atelier et aussi par les loisirs, ainsi que des projets importants comme un spectacle de danse!


Le choc des photos et le poids des mots Martine Ammann-Renaud, journaliste, Mies, Vaud

Pour marquer son cinquantième anniversaire, l’association insieme a choisi d’intégrer une campagne nationale d’affichage dans ses festivités.Trois jeunes personnes trisomiques, souriantes et bien campées dans leur vie, interpellent le passant par des propos légèrement décalés et désinvoltes. Comment s’élabore une telle campagne et quel peut être son impact dans le grand public?

L’objectif premier d’insieme était de renforcer son image en rappelant son engagement en faveur des personnes mentalement handicapées. Les affiches, placardées dans les trois régions linguistiques du pays, visaient à apporter un support visuel à la thématique de la fête axée sur la rencontre et sur l’intégration. Concilier ressenti émotionnel et impact publicitaire La mise sur pied d’une telle campagne suscite naturellement moult questionnements dans une association comme insieme où tous les membres sont parents ou proches d’une personne vivant avec un handicap mental. L’affiche réveille des émotions et des sentiments contradictoires. Si, pour beaucoup, les photos proposées sont porteuses d’un message de confiance et d’espoir, pour d’autres l’image dérange et le slogan fait peur. Comment, après avoir pendant des années lutté pour sortir les personnes handicapées de leur isolement, accepter de bon cœur qu’elles affrontent aujourd’hui crânement le grand public en assumant pleinement ce handicap? Quant au slogan «Une case en moins? Pour moi, ce n’est pas un handicap», il touche à une conception culturelle et personnelle de l’humour ou de l’autodérision. De Zurich à Lugano en passant par Genève, les niveaux de compréhension sont différents. Un consensus

Florilège de commentaires recueillis au gré de mes rencontres «Cette affiche frappe par son originalité… Elle dédramatise le problème du handicap… N’éveille ni pitié, ni révolte… Interpelle par sa gratuité… La photo est trop lisse et le texte hermétique… La photo seule aurait suffi… »

doit alors être trouvé entre le ressenti émotionnel de la personne concernée de près par le handicap et l’impact recherché dans la réaction potentielle et espérée du passant. Ces deux sentiments doivent être pris en compte dans la conceptualisation de l’affiche. «La provocation est une démarche de marketing» Ce processus d’élaboration de la campagne a été accompagné dès son début par une agence de publicité zurichoise et son responsable Roland Suter, partenaire fidèle d’insieme depuis de longues années. «Pour mieux faire connaître l’association du grand public et promouvoir l’image de la personne handicapée, je me devais de mettre une certaine provocation dans mon projet ». C’est sur ce credo qu’il base sa première proposition, sa tâche étant ensuite d’entendre les commentaires et les critiques, d’être à l’écoute des émotions, de faire preuve de beaucoup d’empathie et de remettre l’ouvrage sur le métier. Son implication personnelle est ici bien différente que dans le cas d’une publicité pour un produit à lessive: le «produit» à vendre est une idée, une valeur, un concept de société que l’on choisit d’incarner dans un personnage représentatif du monde du handicap mental. Le publicitaire doit alors avec doigté intégrer son expérience du marketing dans la démarche, convaincre ses clients que le temps très limité de la campagne exige un impact direct et immédiat sur le public, que le groupe sur une affiche n’attire pas le regard et ne symbolise pas l’intégration, contrairement à une idée répandue. Il précise encore que « cette intégration souhaitée doit se développer entre le personnage de l’affiche et moi, entre Mathias, Helen ou Tiziana et l’homme et la femme de la rue». Toutefois, obtenir l’adhésion totale de trois régions linguistiques, de parents jeunes et moins 15


jeunes et de représentants de handicaps très divers reste mission quasi impossible. Contrairement au passant qui doit se laisser interpeller, le parent est directement et émotionnellement impliqué. Cette vision du handicap mental livrée par voie d’affiches aux passants est pour bon nombre de personnes concernées le résultat réjouissant de l’évolution d’une société qui peut aujourd’hui accepter la personne handicapée mentale avec son autonomie et sa joie de vivre. Pour d’autres par contre, cette représentation du handicap n’est pas réaliste, elle masque une réalité difficile, elle fait fi de beaucoup de souffrances et de luttes et pourrait induire l’interlocuteur en erreur. Lorsque le difficile processus d’acceptation est encore en cours, cette mise en scène publique du handicap bouscule leur cheminement personnel, viole en quelque sorte leur intimité. Le plaisir d’être sur le devant de la scène «C’était chouette ! Le photographe nous a emmenés dans un vrai studio…» Mathias et Helen sont enthousiastes et évoquent cette expérience avec des étoiles dans les yeux. Cette aisance et ce plaisir face à la caméra ne sont pas étrangers au fait que les trois protagonistes sont, comme ils se plaisent à le rappeler, «comédiens professionnels à mi-temps», ce qui revient à dire qu’ils passent la moitié de la semaine dans un atelier protégé et l’autre dans le cadre du théâtre Hora qui est un lieu de formation et de créations scéniques. Leur motivation est simple : ils aiment être devant l’objectif et répondre avec un engagement tout professionnel aux consignes du photographe. L’objectif d’intégration et de rencontre lié à la campagne et bien expliqué par leurs parents et accompagnants respectifs leur échappe quelque peu, mais peu importe, ils ont l’occasion d’être sur le 16

devant de la scène et s’en réjouissent. Le résultat est d’ailleurs à la hauteur de leurs espérances et ils découvrent la fierté d’être reconnus par leurs amis. L’événement reste toutefois anecdotique et leur quotidien ne semble pas profondément modifié par cette heureuse expérience. Le public de la rue, dans sa grande diversité, découvre le handicap, comprend ou non le message du protagoniste et se sent prêt ou non à faire un bout de chemin avec lui. L’opinion publique est la somme de ces passants aux vécus divers et aux expériences multiples et il est normal qu’elle soit divisée. Ces personnages trisomiques qui clament haut et fort qu’ils assument pleinement leur handicap marquent un changement de cap déstabilisant dans les processus traditionnels d’intégration.

Qu’elle soit publicitaire ou idéologique, l’affiche propose généralement une image et un message. Dans le cas présent, l’image positive laissera certainement des traces dans le grand public. Dans les rangs de l’association, les personnages de Mathias, Helen et Tiziana ont peut-être joué un rôle de catalyseur en créant un terreau fertile pour des réflexions de fond. Le slogan, quant à lui, m’apparaît quelque peu hermétique. Question de génération ou de culture? Son mérite reste toutefois d’interpeller et d’offrir dans le meilleur des cas plusieurs niveaux de compréhension. L’impact d’une campagne pour une idée est difficilement mesurable, mais il m’apparaît évident que la présence, même éphémère, de ces personnages trisomiques dans nos rues et sur nos places contribue à l’évolution des mentalités.

insiemePLUS Le site internet pour les personnes avec déficience intellectuelle La loi (Lhand) demande que les sites de la Confédération, des cantons et des communes répondent aux critères d’accessibilité. Dans cette évolution, la question du handicap mental est encore difficilement prise en compte. Il n’existe que peu d’interfaces, contenus et applications pour les surfeurs et surfeuses avec une déficience intellectuelle. insiemePLUS a rendu son site accessible aux personnes handicapées mentales France Santi, plus@insiemeplus.ch, 031 300 50 20 - www.insiemeplus.ch

insiemePLUS offre: - un graphisme simple et clair - des boutons de navigation «3D» (texte, son, image) - un contenu en langage simplifié et/ou parlé insiemePLUS offre un véritable espace multimédia avec ses rubriques «Jeux», «Vidéos», «Mes droits» et son «Blog» qui donne la parole aux personnes concernées. Le site est conçu pour évoluer et s’adapter, il attend vos visites et appréciations...


La communication sur le handicap dans le contexte européen Jean-Louis Korpes

Communiquer sur le handicap, comme sur tout autre sujet portant sur la souffrance, le malheur, l’injustice, la discrimination, l’indifférence et les préjugés, n’est pas chose aisée. Pourtant, à observer ce qui est publié ou visible sur internet, chaque pays cherche à informer la population en poursuivant différents buts: sensibilisation aux droits, prévention, incitation à l’emploi, politique d’inclusion1, recueil de fonds, etc. Il est reconnu qu’un des problèmes majeurs que rencontre la problématique du handicap est la permanence des préjugés2. Nombreux sont les rapports sur le plan européen3 qui mettent l’accent sur cet aspect. On se souvient de la dernière campagne de l’OFAS à propos de l’emploi des personnes handicapées (cf. l’article sur ce sujet dans ce numéro) qui a soulevé un tollé et précipité son retrait. A vouloir combattre des préjugés par ce genre de méthode publicitaire, on ne fait, me semble-t-il, que les renforcer. Un slogan semble récurrent depuis 40 ans: «Changer le regard sur le handicap», et plusieurs campagnes ont tenté de développer ce thème4, ainsi qu’un certain nombre de publications5. Il n’est pas facile de bousculer les mentalités et les représentations et les publicitaires n’ont pas toujours conscience des effets inverses que leurs messages peuvent produire chez les «consommateurs récepteurs» que nous sommes. J’ai encore en tête plusieurs campagnes de ce type qui ont entraîné les mêmes réactions de la part des organismes publics. Exemple: la campagne d’affiches commandées par l’entreprise d’emploi en intérim ADIA6 en 2003 sur le thème des apparences trompeuses, où une jeune femme handicapée est présentée sous le slogan: «Cette fille ne peut rien faire» en grands caractères et sur la ligne suivante «sans passion» en petits caractères… Mais les choses avancent dans ce domaine et l’on trouve aujourd’hui des publications qui montrent l’effort des entreprises dans le combat pour l’emploi des personnes handicapées7, tout comme l’on voit des entreprises prendre le problème par un autre bout, celui des compétences plutôt que des lacunes8. De la même manière on peut relever que les informations relatives à l’accessibilité sont

de plus en plus ciblées, comme celle concernant le transport aérien9 et parfois empreintes d’un certain humour pour faire passer le message (comme par exemple la campagne réalisée par les Danois en 2003 et montrant que l’extrême sollicitude des valides met parfois les personnes handicapés dans des situations pires que tous les obstacles physiques). Il est tout aussi intéressant d’observer la différence des slogans et de présentation des campagnes de recherche de fonds entre une ONG autrichienne10 et une ONG écossaise11 dans leur stratégie de communication. Alors que toutes les deux partent sur la même finalité, sensibiliser le public sur le besoin financier des associations de personnes handicapées, l’une énonce une vérité

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qui a encore bien du mal à passer dans les esprits, alors que l’autre prend une tournure culpabilisante. Cette dernière démontrant, par ailleurs, la hiérarchie sournoise qui s’instaure entre toutes les actions de «bienfaisance », demandant implicitement aux donateurs de savoir faire le choix entre les animaux et les personnes handicapées! Si les communications portent, la plupart du temps, sur le handicap en général, on peut noter néanmoins que chaque type de déficience cherche aussi à être reconnu à sa juste place. Ainsi on trouvera des annonces relatives aux maladies génétiques rares (ELA) aussi bien que celles devenues au fil des années plus que reconnues, comme l’autisme par exemple. Mais une déficience me semble retenir encore plus l’attention depuis plusieurs années. Et le cinéma n’est pas en reste à son propos. Depuis le début des années 90, j’avais pressenti que la trisomie aller devenir l’image prototypique de la déficience mentale, et cela s’est confirmé comme le démontre l’attrait que ce syndrome présente depuis deux décennies sur le cinéma et la publicité. Si au départ, le feuilleton « Corky, un adolescent pas comme les autres »12 avec l’acteur trisomique Chris Burke, n’a pas plus retenu

l’attention que cela, le film «le huitième jour» en 1996 a propulsé Pascal Duquenne au sommet de l’affiche et de la popularité. Aujourd’hui, une société de téléphonie13 a offert à Pascal Duquenne de reprendre son «rôle» pour une publicité. Cette pratique ne semble pas faire l’unanimité dans le public qui trouve le procédé un peu manipulatoire et ne mâche pas ses critiques à l’égard de l’entreprise qui «utilise» ainsi l’image de cette personne. Cela ressemble grandement au même phénomène que nous avons observé en 1998, lorsque la firme italienne Benetton avait employé pour la première fois des adultes handicapés dans son catalogue de mode. Mais aujourd’hui le phénomène va beaucoup plus loin, en Suède, où pour la promotion d’un supermarché14, un publicitaire a imaginé une sorte de mini série télévisée dans laquelle un acteur trisomique joue un rôle au plus grand plaisir des téléspectateurs et de l’acteur, semble-t-il. Et comme par hasard, cet été est sorti un film espagnol qui est encore à l’affiche cette semaine en Romandie: Yo, Tambien. L’histoire d’un jeune homme, Daniel, 34 ans, premier trisomique européen à avoir obtenu un diplôme universitaire. Il débute un

emploi dans un centre social à Séville où il fait la connaissance de la jeune et indépendante Laura. Leur amitié se fait instantanément et devient l'objet de toutes les attentions, au travail et dans leurs familles. Mais la situation ne manque pas de se compliquer quand Daniel tombe définitivement amoureux de Laura. La suite, je vous laisse aller la découvrir, ainsi que l’acteur formidable Pablo Pineda15. Difficile de faire le tour de la question à propos de la communication sur le handicap en quelques lignes, un livre pourrait y être consacré tant il y a matière. Cependant à travers cette petite lucarne qu’est l’Internet, on peut voir que le contenu des messages évolue avec le temps et qu’il commence à donner une autre image du handicap, par forcément plus acceptable (l’atteinte de l’intégrité n’est définitivement pas acceptable) mais certainement plus humaine et plus en lien avec la reconnaissance des droits qui demeurent attachés à la personne en dépit de ses déficiences. Souhaitons que cela persiste et s’amplifie même dans les années à venir!

Références Recommandation CM/Rec(2010 )2 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et leur vie au sein de la collectivité (adoptée par le Comité des Ministres le 3 février 2010, lors de la 1076e réunion des Délégués des Ministres de l’Union européenne)

1

2 C’est ce que confirme la dernière enquête à ce sujet publiée par l’INSEE en France. «Les discriminations liées au handicap et à la santé» - Gérard Bouvier et Xavier Niel , division Enquêtes et études démographiques, Insee Première, N° 1308 - Juillet 2010

Conseil de l’Europe: https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id =1355449&Site=CommDH, «Droits de l’homme et handicap: l’égalité des droits pour tous» Site consulté 20 juillet 2010 Le Forum Européen des Personnes Handicapées (FEPH): « Adoptez la handicap attitude. » http://www.1million4disability.eu/adopt.asp?langue=FRConsulté le 20 juillet 2010

3

4 Comme la campagne «We walk in different shoes » ou bien «vous voyez le handicap, regardez plutôt les personnes» lors de l’année internationale de 2003

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Le dernier en date est celui de Danielle Moyse « Handicap : Pour une révolution du regard, Une phénoménologie du regard porté sur les corps hors normes» Presses universitaires de Grenoble, 2010. 5

Voir http://www.strategies.fr/actualites/marques/r 29008W/adia-donne-une-conscience-a-l-interim.html site consulté en juillet 2010

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7 Handicap : les entreprises qui mènent le combat _ http://fr.calameo.com/read/0001082689dd5d26bb995 Site consulté le 20 juillet 2010

Le 2 février 2010, François Davy, président du groupe Adecco France a inauguré l’espace emploi handicap et compétences d’Adecco, structure pilote 100% dédiée à l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées

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9 Voir le site http://ec.europa.eu/transport/passengerrights/en/index.html - consulté le 20 juillet 2010

Voir le site http://4.bp.blogspot.com/_Dc8q8nuzrHw/ SOsQijAoJ9I/AAAAAAAAC2E/Tesfma-9LMo/s1600h/G36028.jpg - consulté le 20 juillet 2010

10

11 voir le site http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/scotland/6247725.stm - consulté le 20 juillet 2010

12 Corky un adolescent pas comme les autres (Life Goes On ) série télévisée américaine diffusée entre 1989 et 1993 sur le réseau ABC

13 Voir le site: http://www.wat.tv/video/pascal-duquennedans-pub-simyo-16spx_2exyh_.html - consulté le 20 juillet 2010

14 Voir la séquence sur le site: http://www.dailymotion. com/video/xb63qt_culture-pub-le-supermarche-qui-seb_fun - consulté le 20 juillet 2010

15 Pablo Pineda est une star en Espagne. C’est le premier étudiant européen atteint du syndrome de Down à avoir décroché un titre universitaire, à l’Université de Malaga. Il se destine à l’enseignement. Son exemple suscite de grands espoirs, même si son cas reste exceptionnel (voir le journal Le Temps du 20 avril 2009)


«A vous frères et sœurs de silence… » Table ronde de personnes facilitées, St-Barthélemy - Olivier Salamin, membre du comité de rédaction de Pages romandes

«A vous frères et sœurs de silence, réunis dans ce lieu de la vie, crions bien fort nos mots, laissons nos pensées s'évader de nos prisons et parcourons avec joie ce moment particulier. Grâce à nos amis de parole, soyons affectés au renouveau.Tous ensemble, regardons le chemin parcouru et engageonsnous sur la route du changement par l'écoute de nos voix.» Nicolas H.

La cadre idyllique de St-Barthelémy, la proximité de son château, le contexte institutionnel et rassurant, tout cela n’avait rien enlevé aux questions et aux doutes du journaliste... Participer et relayer la mise sur pied d’une table ronde de personnes facilitées, tel était le défi de ce 12 juin 2010. Le numéro de Pages romandes consacré au thème de la communication facilitée (3, 2008) avait pris ce dossier délicat à bras le corps. L’enjeu était alors de ne pas réduire le débat à un conflit stérile entre les pour et les contre. Pour participer à une telle table ronde, il faut sans doute renoncer à ses repères habituels, accepter de rejoindre un espace et changer de temps, ou vice-versa on ne sait plus très bien. Il faut, c’est sûr, lâcher prise, mettre de côté son unique rationalité, sans quoi le journaliste quitte la salle dès les premiers échanges: au mieux il n’en dira rien, au pire il lancera une polémique pour discréditer l’expérience... De leur côté, les organisateurs sont prêts à montrer leur travail, à le discuter, mais à la condition que leur démarche soit respectée. Le thème du débat? Il ne portait rien moins que sur le sens de la vie, avec ses possibilités et ses limites. André Baechler, homme pragmatique s’il en est, a animé, filmé et retranscrit le débat dans le souci de mener une démarche rigoureuse, mais aussi sans doute pour soutenir les témoignages vibrants qui ont été apportés. Une première partie était consacrée à la qualité de vie et une seconde réservée aux chemins de vie. Il me semble que les photos illustrent la démarche et que les mots en disent bien plus encore… Le sens de la vie dans le regard de l’autre Nicolas H.: «Si je regarde autour de moi avec une vision plus large, je me rends

compte que les moments les plus durs sont lorsque je vois autour de moi que mon handicap provoque de la souffrance chez ceux qui me regardent. Pourquoi une telle différence? Ne sommes-nous pas tous des humains ?» David: «Handicap, chercher un sens, je ne trouve pas.» Nicolas H.: «Regarde comment il provoque des réactions autour de toi. Tu es porteur du changement pour autrui.» Nicolas C.: «Il est le plus handicapé d'entre nous mais il peut dire ce qu'il pense, quand même, si on l'écoute. Moi je suis sûr qu'il a des choses à dire aux autres.» «La liberté intérieure est la quête d’une vie» Nicolas H. A propos de la colère Hélène : « Femmes et hommes nous sommes, mais avec des faiblesses extérieures. Les gens parfois se trompent, notre vie intérieure est parfois si riche mais des colères sont inévitables dans le non respect de nous.» Nicolas C.: «Moi aussi je me mets en

colère. Mais c'est comme tout le monde. On n'est pas handicapé dans la colère.» Simone: «La colère est justifiée, mais elle ne sert à rien.» Hélène: «Les colères servent à extérioriser des émotions trop fortes.» Nicolas C.: «Pour moi, je peux bien être en colère et aimer les gens quand même. C'est pour dire ce qui ne va pas que je fais des colères.» A propos de sens et de mission… Hélène: «Ma mission est d’unir des âmes en recherche de véritables rencontres. Par mon mutisme, je force certaines gens à se rapprocher et à grandir dans leur vision du monde terrestre.» Nicolas C.: «Pourquoi il faudrait avoir une mission? Moi je ne crois pas avoir une mission spéciale. Vous croyez vraiment qu'on a une mission spéciale? Il faut être soi-même et montrer qui on est sans concession. Et les autres aussi doivent le faire sans tricher. Je trouve que vous posez des questions trop compliquées. Moi je vois la vie plus simple.» David: «J'espère que c'est pas "Mission impossible" dans quoi on est embarqué...» Nicolas H.: «Le handicap est une force. Il nous permet d'être en lien avec ce que nous sommes vraiment. Cela n'enlève en rien la difficulté de vivre un handicap, même si nous savons très bien que, un jour ou l'autre, nous y passons tous. Ce qui compte dans une vie, c'est de savoir se réaliser quelles que soient les circonstances.»

Sept personnes mutiques ayant des handicaps divers se sont retrouvées avec leur facilitant-e pour échanger au moyen de la CF - www.cf-romandie.ch 19


Elèves aux besoins particuliers dans le système scolaire régulier Karine Bachmann Hunziker et Patricia Pulzer-Graf

Quelles sont les conditions nécessaires pour que les enfants en situation de handicap puissent parcourir un cursus régulier? C’est à cette interrogation que cherche à répondre une étude que nous menons actuellement dans le canton de Vaud et dont nous présentons ici quelques constats préliminaires.

Ces dernières années, les autorités politiques vaudoises ont exprimé leur volonté d’accueillir, ou de garder, davantage d’enfants en situation de handicap dans l’école régulière. A terme, cette politique «intégrative» devrait permettre au canton de rejoindre la moyenne suisse d’enfants scolarisés dans une école d’enseignement spécialisé, alors qu’il se situe actuellement parmi les cantons romands les plus «ségrégatifs». Dans les faits pourtant, ce sont plusieurs centaines d’enfants aux besoins particuliers qui effectuent aujourd’hui déjà leur scolarité dans des classes régulières, en bénéficiant lorsque cela est nécessaire, de mesures d’encadrement. La recherche que nous menons actuellement a pour but d’apporter une meilleure connaissance des pratiques liées à l’intégration et des conditions de leur mise en œuvre. Dans cette contribution, nous souhaitons présenter quelques résultats préliminaires. Mais avant cela, nous présentons les services vaudois qui soutiennent l’intégration scolaire. L’intégration scolaire dans le canton de Vaud: organisation et prestations Les élèves qui éprouvent des difficultés à un moment ou un autre de leur cursus scolaire sont nombreux. Pour pallier ces difficultés, les enseignant-e-s peuvent activer des mesures telles que l’appui pédagogique ou les cours de français intensif (CIF). Si cela ne suffit pas, parce que les difficultés nécessitent un accompagnement plus spécifique ou soutenu, comme cela est par exemple le cas pour les élèves aux besoins particuliers, il s’avère alors nécessaire de recourir à des mesures relevant de l’enseignement spécialisé. Dans le canton de Vaud, ce mandat est assuré par le Service de l’enseignement spécialisé et de l’appui à la formation (SESAF); 20

intégré à ce service, l’Office de l’enseignement spécialisé (OES) gère plus particulièrement le secteur de l’appui à la scolarisation. Les missions confiées à l’OES sont larges et comprennent notamment le subventionnement des institutions et des écoles d’enseignement spécialisé, l’application de la loi sur l’enseignement spécialisé, la gestion des classes de développement et des classes d’enseignement spécialisé, ceci en collaboration avec les directions d’établissements scolaires. Plus spécifiquement en lien avec l’appui à la scolarisation, il dispense des mesures d’aide à l’intégration aux élèves relevant de l’enseignement spécialisé intégrés dans l’école publique, et subventionne les institutions qui dispensent du soutien pédagogique spécialisé (SPS) aux élèves en difficulté intégrés dans les classes régulières. Différentes prestations sont financées par le SESAF. Certaines sont dispensées dans le cadre de classes d’enseignement spécialisé ou d’institutions spécialisées (les mesures dites «structurelles»), d’autres dans le cadre de classes régulières (mesures «intégrées»). Ces dernières sont de trois sortes: • Le soutien pédagogique spécialisé (SPS): destiné à un élève relevant de l’article 1 de la loi sur l’enseignement spécialisé (LES, 1977) qui fréquente l’école ordinaire; ce soutien est dispensé par des enseignant-e-s spécialisé-e-s apportant une aide spécifique à l’enfant, tout en collaborant avec l’enseignant-e titulaire de la classe. • Le renfort pédagogique (RP): destiné à un élève relevant de l’article 1 de la LES qui fréquente l’école ordinaire; ce soutien est dispensé par un enseignant-e spécialisé-e ou non spécialisé-e et permet à l’enseignant-e titulaire d’apporter à l’élève en question de meilleures réponses pédagogiques dans le cadre de la classe. • L’aide à l’enseignant (AE): assure l’au-

tonomie des enfants ou favorise une plus grande participation de leur part aux activités de la classe. La personne qui donne ce soutien n’est pas spécialisée. Mandat de recherche, questionnement et méthode Notre recherche a été mandatée par les responsables scolaires du canton dans le but d’examiner les conditions dans lesquelles les enfants en situation de handicap peuvent effectuer leur scolarité en classe régulière. Les principales questions qui guident cette étude sont les suivantes: quelles sont les coordinations nécessaires entre les différents acteurs intervenant dans ces situations? Quels sont les bénéfices et les difficultés ressentis? Quelles sont les conditions qui favorisent ou, au contraire, qui affectent le maintien d’un enfant en situation de handicap dans un cursus régulier? Pour répondre à ces questions, nous avons mené, entre janvier et mars 2010 des entretiens approfondis avec les parents et les professionnel-le-s de l’école ( enseignant-e-s titulaires, référent-e-s institutionnel-le-s, professionnel-le-s dispensant les mesures d’aide à la scolarisation) intervenant auprès de dix élèves en situation de handicap ( sensoriel, moteur, mental, comportemental ou fonctionnel tel que la dyslexie) scolarisés dans une classe ordinaire et bénéficiant de mesures d’accompagnement. Les thématiques abordées lors de ces entretiens étaient les suivantes: description de la situation d’intégration passée et présente de l’enfant ( cursus scolaire antérieur, mesures d’accompagnement, aménagements, etc.), évaluation et appréciation de la situation d’intégration actuelle,


expérience et avis relativement à la problématique de l’intégration. Dans cet article, nous nous proposons de présenter quelques premiers constats tirés de notre recherche. Dans un premier temps, nous chercherons à comprendre qui sont les élèves dont nous étudions la situation d’intégration ( difficultés, parcours scolaire, conditions de scolarisation actuelles, etc. ) ; dans un deuxième temps, sur la base d’une appréhension globale de ces situations, nous tenterons de dégager quelques problématiques sousjacentes à l’intégration. Il nous sera bien entendu impossible de généraliser ces problématiques à l’ensemble des situations et d’en juger l’importance. Notre but se limite à identifier les aspects marquants de ces situations, déterminant de bonnes ou moins bonnes conditions d’intégration.

compagnement pour mener à bien leur scolarité, le moment où celles-ci ont été décidées et mises en place n’est pas le même pour tous. Pour cinq élèves, l’accompagnement a été mis en œuvre dès le cycle initial; pour les trois autres, ces mesures sont venues plus tardivement, alors même que les difficultés de l’enfant sont apparues rapidement. Les mesures d’accompagnement dont bénéficient ces élèves sont de trois sortes : les mesures «intégrées», les mesures d’ordre pédago-thérapeutiques et les adaptations pédagogiques du programme scolaire. Notons que tous les élèves étudiés reçoivent une mesure intégrée, qui peut être du renfort pédagogique, du soutien pédagogique spécialisé ou de l’aide à l’enseignant. Dans la plupart des cas (6 sur 8), un accompagnement d’ordre pédago-thérapeutique (logopédique par ex.) est également présent. On relèvera encore que la majorité de ces Huit situations d’intégration élèves suivent le même programme scolaire scolaire… que leurs camarades de classe; il n’y a eu Intéressons-nous aux huit situations d’inté- d’adaptation du programme que pour trois gration pour lesquelles nous disposons des d’entre eux. données. Parmi celles-ci, on trouve autant de filles que de garçons, dont les difficultés … trois problématiques liées touchent à différentes sphères telles que le à l’intégration comportement, le langage, le développement Pour chaque situation d’intégration, nous mental, ou relèvent d’un handicap sensoriel, avons mis en évidence, de manière globale, ce physique ou neuro-physiologique. La qui était perçu positivement ou négativement majorité de ces élèves sont actuellement sco- dans le fonctionnement. Nous avons ensuite larisés à plein temps en 4e année primaire; regroupé ces constats en fonction de trois seuls deux d’entre eux sont à temps partiel et problématiques que nous allons maintenant fréquentent, en parallèle, une institution développer et illustrer. spécialisée. Un élève se trouve pour sa part en 6e année, Le repérage et le diagnostic ce qui correspond à la 2e année du cycle de des difficultés transition.L’examen des parcours scolaires Pour cette première problématique on remarmontre que ceux-ci commencent, pour tous que qu’il y a schématiquement deux cas de fices élèves, au cycle initial ordinaire. gure pour nos huit élèves: dans un cas, la Toutefois, dans trois cas, des ajustements difficulté préexiste à la scolarisation (elle est sont présents: un élève est en même temps diagnostiquée) et la mise en œuvre de mesures scolarisé un jour par semaine en institution d’accompagnement va de soi; pour les autres spécialisée ; un deuxième est scolarisé en cas, les difficultés ont été, en quelque sorte, institution spécialisée et réalise une révélées par le cadre scolaire, de par les comintégration progressive dans l’école régulière; pétences cognitives, sociales et relationnelles l’entrée à l’école enfantine d’un troisième est qu’il requiert. Dans ce dernier cas de figure, le retardée d’une année. Si tous ces élèves chemin peut être long jusqu’à ce que les diffibénéficient actuellement de mesures d’ac- cultés soient repérées et, surtout, correctement

interprétées. Pour l’élève, ce chemin peut signifier bien des souffrances, comme cela fut le cas pour deux d’entre eux qui, pendant des années, n’ont pas été reconnus dans leur différence, si ce n’est que comme un élève faible ou non motivé, sans pouvoir bénéficier assez tôt d’un soutien approprié. Ces quelques exemples interrogent le milieu scolaire, notamment à propos des compétences professionnelles dont il doit pouvoir disposer afin que les difficultés rencontrées soient identifiées finement et que des mesures de remédiation pertinentes soient proposées. Les mesures demandées, accordées et mises en œuvre Dans plusieurs situations, on observe un hiatus entre ce qui est d’un côté demandé et accordé par le SESAF, et ce qui est finalement réalisé sur le terrain. La principale difficulté tient au fait qu’il n’est pas facile, une fois le financement de la mesure assuré par le SESAF, de trouver le-la professionnel-le adéquat-e pour dispenser celle-ci. Pour l’un des élèves, par exemple, quatre périodes de SPS lui ont été accordées. Or, il s’est avéré, en raison de l’éloignement de son école, qu’aucun-e professionnel-le n’était en mesure de se déplacer deux fois dans la semaine; par conséquent, il se joint actuellement à un camarade de classe pour partager les deux périodes de SPS que celui-ci a obtenues. Il arrive aussi que la mesure soit dispensée par un-e professionnel-le qui ne possède pas la spécialisation requise; dans un cas, cela a même modifié le statut de la mesure. Dans une autre situation, les périodes de SPS qui avaient été attribuées à l’élève en 3e année n’ont tout simplement pas été dispensées car aucun-e professionnel-le n’était disponible. Ainsi, il apparaît que les problèmes liés aux mesures demandées, obtenues, mises en œuvre ne résultent pas tant du financement des prestations; ils se situent davantage sur le plan des ressources humaines, soit 21


qu’elles manquent encore, soit que choisir entre placer leur enfant dans l’institul’on ne parvienne pas à mobiliser la res- tion ou le scolariser dans l’école régulière. Ces source adéquate. quelques exemples, qui se situent à des niveaux de collaboration différents, mettent Aspects de coordination en évidence un élargissement du cercle des et de communication personnes ( professionnel-le-s ou parents ) Enfin, la troisième problématique englobe intervenant dans la situation d’intégration; les aspects de coordination et de communi- ceci laisse supposer une complexification de la cation propres à toute collaboration. Les huit coordination et de la communication. On situations que nous étudions présentent peut dès lors se demander comment le milieu toutes des difficultés ou frictions rattachées à scolaire prend en compte et s’adapte à cette l’un de ces aspects. Dans un cas, l’enseignant complexité afin d’arriver à la meilleure titulaire souhaite que l’enseignant spécialisé collaboration possible. travaille avec l’élève en dehors de la classe, ce qui va à l’encontre des désirs de l’enseignant Quelques mots pour conclure spécialisé. Dans un autre cas, les parents de Les propos développés dans cet article l’élève sont allophones et n’ont jamais com- reposent sur l’analyse préliminaire de huit pris les difficultés de leur enfant jusqu’à ce situations d’intégration. Comme nous l’avons qu’un interprète participe, en 4e année, à un préalablement relevé, les problématiques que entretien. La collaboration entre les institu- nous avons soulevées ne peuvent prétendre à tions scolaires et spécialisées semble parfois une généralisation. Seule l’analyse approdifficile, voire impossible, du fait de pro- fondie de l’ensemble de nos données pourra blèmes tels que le partage d’autorité par nous permettre d’affiner et de nuancer nos exemple. propos. Mais étant donné le nombre très Ce point est illustré par l’une des situations restreint de situations étudiées, et aussi de dans laquelle les parents, qui souhaitaient leur diversité, notre objectif sera principaleque leur enfant puisse être intégré au moins ment d’identifier une série de problématiques partiellement dans l’école régulière, ont dû, sans pour autant juger de leur importance. sur la demande de l’institution spécialisée,

Références Loi sur l’enseignement spécialisé (Art.1, 25 mai 1977) Cet article est paru dans la revue du Centre Suisse de Pédagogie Spécialisée (CSPS) Bachmann Hunziker, K. & Pulzer-Graf, P. (2010) Elèves aux besoins particuliers dans le système scolaire régulier, 5, 38-42, Schweizerische Zeitschrift für Heilpädagogik. Coordonées Responsable de recherche Karin Bachmann Hunziker karin.bachmann@vd.ch Enseignante chercheure Patricia Pulzer-Graf patricia.pulzer-graf@vd.ch Unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques (URSP) Route de Chavannes 31 1014 Lausanne

Fondation Centre suisse de pédagogie spécialisée (CSPS) Le CSPS est une agence nationale pour les professionnels de la pédagogie spécialisée, les autorités et toute personne intéressée aux questions touchant l’intégration, la formation, l’éducation et le développement des personnes en situation de handicap ou ayant des besoins éducatifs particuliers. Il diffuse d’une part des informations relatives à la pédagogie spécialisée (gestion d’un site internet ainsi que d’un centre d’information et de documentation, organisation d’un congrès bi-annuel, édition d’une revue/newsletter, de livres, etc.) et développe d’autre part des compétences spécialisées (participation au sein de commissions, réalisation de projets, etc.). Tenez-vous au courant des nouveautés concernant la pédagogie spécialisée en vous abonnant gratuitement à notre newsletter à l’adresse suivante: csps@csps.ch SZH/CSPS | Maison des cantons - Speichergasse 6 - CH-3000 Berne 7 Téléphone +41 31 320 16 60 | www.csps.ch

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Sélection Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de Travail social (IES), Genève

La trisomie 21: perspective historique sur son diagnostic et sa compréhension Rondal, Jean-Adolphe Bruxelles: Mardaga, 2010 La trisomie 21, habituellement nommée syndrome de Down, mais qui en toute équité historique devrait s'appeler syndrome de Seguin-Down-Lejeune, est le mieux connu et un des plus fréquents syndromes génétiques congénitaux du handicap cognitif. Il touche plus de 500’000 personnes en Europe seulement. L'incidence est supérieure à celle de la mucoviscidose, de la myopathie et de la maladie de Huntington combinées. Ce livre retrace la façon dont la trisomie 21 a été diagnostiquée, nommée et comprise au fil des années. En effet, l'histoire scientifique de ce syndrome, qui remonte à la première partie du XIXe siècle, est édifiante. Elle reflète les ambiguïtés, les malentendus, les fausses pistes, et finalement les clarifications apportées par la recherche des dernières décennies. Si la situation actuelle des personnes porteuses d'une trisomie 21 est meilleure que jamais dans nos pays, il s'en faut de beaucoup qu'elle soit satisfaisante en termes de droits, d'insertion sociale et professionnelle et de qualité de vie. De nouveaux espoirs se font jour avec une amélioration des prises en charge et les perspectives encore éloignées mais réelles de thérapie génétique. Comprendre les déficiences intellectuelles sévères et profondes: approche diagnostique et évolutive à l'âge adulte Gonzales-Puell, Samuel Paris: L’Harmattan, 2009 Ce livre analyse de manière critique le concept de l'intelligence en suivant la démarche historique et épistémologique; il traite de la question du diagnostic, tant au plan neuropsychologique qu'étiologique. Il s'efforce ainsi d'intégrer plusieurs domaines concernés et de démystifier le jargon qui les caractérise. Il aborde les facteurs culturels, sociaux et économiques, les problèmes de santé physique communément associés à la déficience intellectuelle, ainsi que les troubles psychiatriques, le vieillissement, la fin de vie et la représentation de la mort. L’auteur a centré ses analyses sur les personnes présentant des déficiences intellectuelles sévères et profondes qui constituent une réalité multiforme, encore souvent méconnue des scientifiques et des praticiens. Explorant les nombreuses facettes de leur fonctionnement, il présente une synthèse des pistes récentes en matière de diagnostic.

Vivre et grandir polyhandicapé sous la direction de Dominique Juzeau Paris : Dunod, 2010 Ce livre est le fruit d'un travail collectif autour du polyhandicap vécu au quotidien par des professionnels et des parents qui ont appris à partager leur expérience. La vie d'une personne polyhandicapée et de sa famille, depuis la découverte et l'annonce du handicap jusqu'aux derniers instants de vie partagée, sert de trame au récit du partenariat actif qui s'établit peu à peu entre tous les acteurs d'un territoire, pour assurer au mieux l'éducation et les soins. Des questions plus générales sont rassemblées par thème de réflexion, non sur le plan du savoir, mais pour prendre un peu de hauteur au-delà des réalités quotidiennes. Les auteurs, parfois, se positionnent clairement pour témoigner d'un consensus sur une pratique. D'autres fois les questions fusent, car les réponses ne sont pas des certitudes, mais des pistes où chacun chemine à son rythme. On trouvera à chaque page le témoignage de la grandeur et de la dignité d'enfants et d'adultes dont les vies nous sont précieuses.

Scolariser les élèves sourds ou malentendants Ministère de l’éducation nationale (France) Direction générale de l’enseignement scolaire Futuroscope (Vienne): Scérén-CNDP, 2010 Bien que destiné au contexte français, ce guide s’adresse prioritairement aux professionnels de l'éducation, principalement aux enseignants, acteurs déterminants de la réussite des parcours scolaires des élèves handicapés. La présence d'élèves sourds dans une école ou une classe peut constituer une grande richesse pour tous les autres élèves, mais elle interroge aussi l'école tout entière sur son projet. Ainsi, la présence d'un élève sourd va souvent conduire l'enseignant à s'interroger sur les différenciations pédagogiques nécessaires à chacun. Ce guide propose une information concernant les implications de la surdité sur les apprentissages, les conditions favorables à la scolarisation d'un élève sourd ou malentendant et apporte les premières réponses aux questions qu'un enseignant peut se poser. On y trouve notamment quelques pistes pour aider celui-ci à mettre en œuvre des dispositifs permettant aux élèves sourds de se construire, de comprendre, d'apprendre et de vivre avec les autres. 23


Séminaires, colloques et formation Classification du handicap: approfondissement CIF et PPH Coordinateur : Jean-Louis Korpès 18, 19 octobre 2010 pour PPH 21 et 22 octobre 2010 pour CIF Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet – 026 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch Analyse multimodale des troubles graves du comportement (TGC) en retard mental ou autisme Intervenant:Yves Lardon Coordinateur: Jean-Louis Korpès 3, 4 et 5 novembre 2010 Délai d’inscription: 1er octobre 2010 Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet – 026 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch Troubles de l’attachement: des comportements défis et des difficultés d’apprentissage Intervenant:Yves Lardon Coordinateur: Jean-Louis Korpès 11 et 12 novembre 2010 Délai d’inscription: 8 octobre 2010 Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet – 026 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch Approche multidimensionnelle des comportements d’automutilation (Blessures et Pica) Intervenant:Yves Lardon Coordinateur: Jean-Louis Korpès 15 et 16 novembre 2010 Délai d’inscription: 15 octobre 2010 Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet – 026 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch

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Situations de handicap et migrations Intervenante: Geneviève Piérart, professeure HEF-TS 26 novembre 2010 Délai d’inscription: 22 octobre 2010 Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet – 026 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch Autodétermination, du concept à la pratique Intervenante: Manon Masse 27 et 28 janvier 2011 Délai d’inscription: 17 décembre 2010 Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet – 026 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch Autisme et éthique: quels projets pour la petit enfance? Samedi 13 novembre 2010, de 9h à 18h Ce deuxième colloque organisé par l'association TED-autisme GE s’adresse à un public de parents et de professionnels intéressés par les questions relatives au diagnostic et à la prise en charge du petit enfant ayant un trouble envahissant du développement, et par les aspects éthiques qui accompagnent ces questions. Ce colloque réunira des chercheurs et des praticiens de différents pays - Canada, France, Belgique, Suisse - impliqués dans les domaines du diagnostic, de l’évaluation et de l’intervention. Il sera enrichi par le témoignage de deux personnes qui viendront parler du sens de la différence. Lieu: Auditoire B400, CMU, avenue de Champel 9 rue Michel-Servet 1 - 1206 Genève Prix : CHF 35.Renseignements et inscriptions: www.autisme-ge.ch


Forum de Tignousa II - Vercorin Passerelles et Handicap - 23-24 octobre 2010 Partenaires: Itinéraire Santé - Pages romandes

SAMEDI 23 OCTOBRE 2010 Après-midi forum Frais d’inscription: 30.13h30 Accueil 14h - 15h Une passerelle de Mars à Vénus Points de vue paternel et maternel sur le handicap Urs et Mali Wiget, parents de Florentin 15h - 18h Forum ouvert « La réalité de certains univers n’est pas accessible d’emblée pour tous. Afin de tendre vers un « monde commun » digne de notre humanité, il faut quelquefois entreprendre la construction de passerelles… Des passerelles théoriques ou symboliques aux passerelles pratiques et concrètes. Avec des mots comme passerelles, nous échangerons sur les besoins, les nécessités, les possibles et les rêves de chacun, mais aussi sur les peurs, les refus, les silences et les fuites. Avec les mots comme passerelles, nous tisserons les liens manquants, nous dessinerons d’autres espaces truffés de passages inédits… » Marie-Paule Zufferey

Soirée festive Frais d’inscription à la soirée: 30.Possibilité de loger à la Pension la Forêt: 60.(yc repas et petit-déjeuner) 18h30 Cie Pixels – ASA-Valais Spectacle de danse contemporaine 19h30 Les Roues de la Liberté: De la Croix du Sud à l'Etoile Polaire En direct du Brésil dans le cadre du Festival Nautique de Porto de Galinhas (50 km de Recife) pour les 15 ans de l'Association les Roues de la Liberté... Animation: Gérad Manzoni (Pilou – Suisse) et Michel Barras (Brésil) 20h Charrette de Fraîcheurs *** L'empereur de nos forêts aux saveurs de l'automne Spätzli *** Légende de fruits d'automne

Animation: Marie-Christine Ukelo, professeure HEF-TS

dimanche 24 octobre 2010 ateliers passerelles Frais d’inscription: 40.9h30 Handicap et travail Jean-Marc Dupont, directeur FOVAHM Discutant: Jacques Kuehni, rédacteur de la Revue «petite» enfance 10h Handicap et tourisme Pierre Margot-Cattin, professeur HES-SO, Sierre Discutant: Simon Wiget, responsable de l'Office de tourisme de Grimentz 10h30 Pause café

11h De la rue à la rencontre Matthieu Moulin, éducateur spécialisé en milieu ouvert, Martigny Discutant: Itinéraire Santé 11h30 Sommes-nous tous des passeurs? Florence Nierle, fondatrice de l'école Gabriela Feliz (Brésil) et accompagnante Pro Infirmis Discutant: Pages romandes 12h Passerelle Apéro Jean-Daniel Rey, vigneron-encaveur en chaise roulante, Cave St-Michel, Corin


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