Pages romandes - Le prix du handicap

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No 1 fĂŠvrier 2009

Le prix du handicap


Pages romandes a 50 ans! Pour fêter l’événement, une journée anniversaire sera organisée

le jeudi 8 octobre 2009 dans les locaux de l’Espérance à Etoy, siège de la Fondation Pages romandes

Cette manifestation intégrera également la remise du prix «Média» de la fondation Eben-Hézer Retenez d’ores et déjà cette date!

Le programme détaillé des activités prévues pour l’occasion sera communiqué dans le numéro d’avril 2009

LA FONDATION COUP D’POUCE Séjours et loisirs pour personnes vivant avec un handicap mental

recherche pour ses séjours de printemps du 10 (soir) au 18 avril 2009 plusieurs collaborateurs pour les postes de moniteurs, cuisiniers, aides de cuisine Renseignements et postulations: www.coupdepouce.ch/emplois.html - jobs@coupdepouce.ch FONDATION COUP D’POUCE J.-L. Galliard 2 CH - 1004 Lausanne Tél. +4121 323 41 39


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Dossier: Le prix du handicap

Conseil de Fondation Président : Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch Comité de rédaction Membres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Salamin, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule Zufferey Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud Parution: 5 numéros par an Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre Tirage minimal: 800 exemplaires Abonnement annuel Suisse AVS, étudiants Abonnement de soutien Etranger

Fr. Fr. Fr. Euros

45.-38.-70.-35.--

Publicité et annonces - Tarifs 1 page Fr. 800.-1/2 page Fr. 500.-1/4 page Fr. 250.-1/8 page Fr. 125.-1/16 page Fr. 50.-Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions Les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites Délai d’insertion 2 semaines avant parution Compte bancaire Banque cantonale du Valais, 1951 Sion En faveur de K0845.81.47 Pages romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue Ire Armée F - 68800 Thann Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch

2 Tribune libre Stéphane Rossini

3 Editorial Jacques Kühni

4 L’AI pour les nuls Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin

6 Parcours avec handicaps Témoignage d’une maman Laurence Birbaum 8 Une affaire de cœur et d’argent Rencontre avec la famille de Virgile Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin 10 Quelques notions d’économie psychique Olivier Salamin 12 Le coût du budget d’assistance Dominique Wunderle 14 Pleins feux sur les subventions Christian Chatelain 16 Malheureux au jeu; l’aide de la Loterie romande aux personnes handicapées Jean-Pierre Rageth

Mise en page Marie-Paule Zufferey Impression Espace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12 Crédits photographiques et illustrations Fotolia, Robert Hofer, Christian Métrailler, Cédric Blanc, Christian Bidaud, FOVAHM, Cap Contact Photos de couverture: Fotolia N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source. ©Pages romandes

18 Voyage en Sibérie Echange d’expériences avec des associations russes Michel Jeanbourquin et Olivier Salamin 20 Pratique: la boîte à outils Christian Bidaud 22 Une nouvelle rubrique pour Pages romandes; appel à contribution Marie-Christine Ukelo Mbolo Merga 23 La sélection de Pages romandes 24 Séminaires, colloques et formations


Tribune libre

Les dérives de l’assurance-invalidité se confirment Stéphane Rossini, Prof. EESP, Lausanne et Université de Genève, conseiller national

L’état d’esprit de la 5e révision de l’assuranceinvalidité (AI), que ce soit lors de la publication du message du Conseil fédéral, des travaux parlementaires ou du débat référendaire, ne laissait rien présager de bon dans une perspective de politique sociale. Après une année de mise en œuvre, les craintes se vérifient et les dérives se confirment. Derrière les affirmations tranchées du Conseil fédéral ou autoritaires de l’OFAS et les diverses publicités des Offices AI se cache une autre réalité. Celle vécue par les assurés, bénéficiaires et leurs familles, mais aussi celle des travailleurs sociaux, qui découvrent les conséquences d’une révision socialement discutable et pour l’instant fort éloignée des ambitions initialement avouées. Une logique discutable La dégradation de la situation financière de l’AI est problématique. Personne ne le conteste. Un régime de protection sociale devant, par définition, répondre aux problèmes sociaux, on ne saurait simplement ignorer ces derniers pour régler des questions financières. C’est pourtant la logique qui prévaut. On durcit l’accès aux prestations, les réduit ou les supprime. Comme si cela apportait la moindre aide aux personnes concernées. Les faits sont têtus. Les comptables

ont pris le dessus sur les soignants et les sociaux. Les managers de l’AI s’érigent en marchands d’illusions. Mais, leurs mots sonnent faux, au mieux creux. Ils intègrent peu. Ils excluent beaucoup. Pire, ils humilient de plus en plus. Nos craintes deviennent donc réalité, ce qui est démontré par: • La prédominance d’une logique d’économies sur la prise en considération des besoins avérés des personnes. • Une approche restrictive de l’invalidité, une chasse aux «abus», le dénigrement et la stigmatisation des bénéficiaires. • Une faible influence sur les entreprises et une insertion professionnelle bien en-deçà des promesses. • Une marginalisation des invalidités psychiques. • La banalisation des conséquences des réductions de prestations. • Le discrédit porté sur les médecins indépendants. Dénoncer, agir Devant cette évolution, plusieurs acteurs du système sanitaire et social (dont Pro Mente Sana, mais aussi des travailleurs sociaux de Pro Infirmis) et de nombreux assurés commencent à dénoncer des pratiques douteuses. L’application de la loi pose problème. Elle ne saurait être admise sans autre! La défense des droits sociaux impose une action vigoureuse. Le démantèlement

(comme le progrès social d’ailleurs) suppose engagement et détermination. Entre la vision «angélique» des potentiels effets de la 5e révision, vantée par les autorités fédérales et la majorité bourgeoise du Parlement, et ce que l’on observe, le fossé est aussi grand qu’inacceptable. Concrètement: un état d’esprit policier, des processus d’évaluation des situations approximatifs et parfois expéditifs, des collaborateurs irrespectueux, voire humiliants, des entreprises mandatées pour chasser les abus à l’étranger, des médecins traitants marginalisés, des intrusions dans les traitements médicaux ou des pressions sur les personnes en difficulté composent les nouveaux ingrédients «légitimes» de ce régime social. Cette vision ne saurait être admise sans autre et sans discussion démocratique. Interpellation au Conseil fédéral Dans ce contexte, en décembre dernier, j’ai interpellé le Conseil fédéral sur la mise en œuvre de la 5e révision AI, en lui demandant de se prononcer sur les thèmes suivants: • Les exigences de formation et de formation continue à l’égard des collaborateurs chargés d’appliquer la LAI. • Les pratiques humiliantes, voire intimidantes, des collaborateurs des OAI, provoquant une violence symbolique et un pouvoir

disproportionné de l’administration sociale parfois à la limite de l’irrespect des personnes. • Les pressions multiples et les logiques de contrôle policier ou les insertions dans la sphère privée. • Les tendances à l’affaiblissement du principe fondamental de l’assurance en faveur du principe de l’assistance. • Les menaces (en imposant des traitements médicaux) de non entrée en matière sur des demandes de prestations ou de suspensions d’indemnités. • Les remises en cause de la liberté de pratique thérapeutique des médecins privés. • Le risque de privilégier les traitements les moins chers au détriment de la qualité et des besoins des patients. Une telle démarche poursuit deux objectifs: garantir les droits sociaux de la population suisse et empêcher le renforcement de l’assistance publique au détriment des assurances sociales. Car, au-delà du transfert financier qui en découle, c’est une nouvelle philosophie qui s’installe, de manière pernicieuse. Or, une telle vision de la politique sociale va clairement à l’encontre des progrès réalisés depuis plus de cent ans par le développement des assurances sociales. Rétrograde et anti-sociale, on ne saurait l’admettre sans combattre!


Edito Coûts et bénéfices Dans cette première parution de l’an neuf, Pages romandes s’intéresse au prix du handicap... Le dossier présente brièvement quelques sources et modes de financement de prestations pour personnes handicapées: bases du fonctionnement de l’AI; point sur le projet-pilote «budget d’assistance»; subventions aux associations et fondations romandes; soutiens de la Loterie romande au domaine du handicap.... Mais le coût du handicap ne se calcule pas seulement en espèces sonnantes... Il se décline aussi, pour celles et ceux qui le côtoient quotidiennement, en d’autres termes moins quantifiables: temps donné, multiplication de tâches, poids des mots, lourdeur des regards, moments de révolte, phase de deuil et autre travail d’acceptation... Sans oublier la dette à régler envers une société qui semble multiplier à plaisir les «handicaps» administratifs. Pourtant, les témoignages de parents qui viennent étoffer ce dossier se concluent tous deux sur une note positive, une sorte de formidable bénéfice humain: «Nos valeurs ont changé. Nous allons à l’essentiel». Ou encore: «Ce n’est pas à cause de Virgile que nous en sommes arrivés là, c’est grâce à lui».* Marie-Paule Zufferey * Extrait de «Borborygmes» d’Evelyne Rivat Métrailler (réf. p.9)

L’argent du pouvoir et le pouvoir de l’argent Jacques Kühni, formateur d’adultes, Morgins

«J’ai froid, dit le pauvre. C’est la saison qui veut cela, dit le riche» Jules Renard

L’argent se pare d’un statut d’objectivité absolue, doté d’une unité, chez nous le franc, qui sert de référence universelle à une impressionnante majorité d’humains. Pourtant, et les enfants le savent bien, l’argent, ça dépend surtout de la place où l’on est par rapport à l’idée que l’on s’en fait. Banalités de base: la part situationnelle et relative du coût Je fais partie des gens qui trouvent chère la demi-journée de ski à 39 francs, que puis-je dire à ce brave homme bien-portant qui dépense 20’000 euros pour une nuit au palace des cimes du jardin alpin (avec skiboy enleveur de chaussures, supernany et valet patineur)1? La part subjective de la dette La dette fabrique de la honte, sans bruit, sans argument, mais très efficacement. Le chômeur, le vieux, le malade et l’invalide vident les caisses de l’Etat; c’est la ritournelle des puissants. Et le refrain, c’est que nous n’avons plus les moyens. «Le seul moyen efficace de comprimer les dépenses est d’alimenter chichement la caisse fédérale»2, disait le rapport annuel du Vorort en 1992. Vous remarquerez au passage que cet Etat qui, stratégiquement, s’appauvrit depuis des années en pratiquant le cadeau fiscal, peut être le donateur généreux de 63’000 millions de francs à une grande banque de la place... Moralité et immoralité des dépenses, des choix politiques Depuis quelques mois, quelqu’un a tranché la main invisible de l’économie de marché qui devait réguler les

équilibres économiques du monde. L’intervention de l’Etat était, jusqu’à fin 2008, considérée comme inadmissible. En une demi-saison, elle est devenue souhaitable, puis nécessaire et enfin salutaire, donc morale. Et l’argent public, qui avait été décrit comme manquant, s’en est trouvé soudainement disponible par une pirouette idéologique miraculeuse. La quantophrénie, maladie mentale et violence administrative «Il y a un risque de quantophrénie aiguë (la maladie de la mesure) qui guette ceux qui, au lieu de mesurer pour mieux comprendre, ne veulent comprendre que ce qui est mesurable»3. Les agents de l’AI, comme ceux des autres assurances sociales, pratiquent plus ou moins consciemment l’humiliation et l’irrespect des demandeurs, parce que cela s’inscrit dans la nouvelle philosophie de leurs pratiques professionnelles. Ce que les managers nomment optimalisation des ressources et contrôle des coûts cache bel et bien une stigmatisation renforcée de ceux et celles qu’ils jugent improductifs. La toute-puissance mortifère des experts Que ce soit le diagnostic médical du pire (pour dissimuler l’ignorance du spécialiste) ou le décret de celui qui juge en 45 minutes du degré d’évolution d’une situation (en piétinant une observation quotidienne), les experts sont de ceux qui ne paient pratiquement jamais le prix de leurs péremptoires idioties. In l’Humanité, 6 janvier 2009. Cité dans «L’argent de l’Etat», Sébastien Guex, éd. réalités sociales, 1998, page 182 3 «La société malade de la gestion», Vincent de Gaulejac, éd. Seuil, 2005, page 49 1 2


L’AI pour les Nuls

Voyage au cœur de l’assurance-invalidité Olivier Salamin et Marie-Paule Zufferey

En suivant un itinéraire fictif, celui de Simon, cet article se propose d’emmener le citoyen lambda à travers le labyrinthe de l’assuranceinvalidité. La seule ambition de ce texte est de poser quelques bases qui permettront à celles et ceux qui ne connaissent rien (ou pas grandchose) à l’AI, d’entrevoir la logique de son fonctionnement et surtout les difficultés auxquelles sont confrontés les parents de personnes handicapées, lorsqu’il s’agit de traiter avec cette assurance. Nous sommes bien loin de l’imagerie populaire qui laisse quelquefois à penser que bien des problèmes trouvent leur solution avec l’obtention d’une «rente AI»... Vous verrez qu’il n’en est rien. Que de formulaires à remplir, que de requêtes à adresser, que de justificatifs à produire… L’éclatement des prestations ne facilite pas la tâche de ces familles qui, en plus de la gestion personnelle du handicap, doivent faire face à des exigences administratives de tous ordres. Simon naît le 1er janvier 2009, dans un hôpital du Chablais. Diagnostic: syndrome de Down (trisomie 21). Le médecin présent lors de l’accouchement informe la famille des procédures à suivre, la demande auprès de l’office AI du canton de domicile incombant aux parents. Première surprise; la trisomie ne figure pas dans la liste des infirmités congénitales reconnues par l’AI… En effet, pour faire partie de cet inventaire, une affection doit pouvoir être «traitée» médicalement, ce qui n’est pas le cas de la trisomie 21. En revanche, certaines conséquences pathologiques, généralement liées à la trisomie, sont reconnues comme des infirmités congénitales; il en va ainsi de la malformation cardiaque et d’un trouble moteur cérébral1 diagnostiqués chez Simon.

A ce stade, la famille en question a droit au remboursement intégral des frais médicaux relatifs aux pathologies identifiées. Or, cette prestation ne permet pas aux parents de Simon de s’en sortir. Une autre forme d’aide leur est donc accordée sous forme de remboursement des frais de déplacements liés à la prise en charge médicale: transports publics, et si ceux-ci ne sont pas utilisables, taxi ou véhicule privé (45 ct. le km). Plus tard, le neuro-pédiatre proposera peut-être à Simon des moyens auxiliaires. Le moyen auxiliaire a pour but d’atténuer les répercussions d’une invalidité; dans la mesure où il remplace une fonction du corps absente ou atrophiée (par exemple, la faculté de marcher) - et s’il fait partie de la liste des moyens auxiliaires de l’AI il est remboursé intégralement par l’AI (ex. une orthèse de jambe pour un enfant avec un spina-bifida). Par ailleurs, le retard de développement occasionné par la trisomie de Simon exige un surcroît de soins par rapport à ceux habituellement prodigués aux enfants de son âge. Une liste de critères est ainsi établie par l’AI, qui permet de mesurer l’écart à la normale, s’agissant du besoin d’aide lors de l’accomplissement des actes (répertoriés par l’AI) de la vie ordinaire. Nouvelle demande des parents (avec description des constats); la requête est visée par le médecin et contrôlée sur place par une enquête de l’AI. Ce rapport déterminera le degré d’impotence (faible-moyen-grave) et partant, le montant journalier de l’allocation pour mineur impotent (API) qui sera accordée à cette famille. A noter que si l’enfant réside dans la famille, cette dernière touche l’allocation intégrale; s’il est placé dans une institution, elle ne touchera que la moitié du montant (tableau p.5). Dans le cas où Simon serait très gravement affecté, il est possible d’obtenir

Délais et diagnostics Pour certains diagnostics, le législateur a fixé des délais à respecter à l’intérieur desquels l’infirmité congénitale doit être obligatoirement signalée. Ainsi, en admettant que Simon souffre d’autisme, ce trouble devra être diagnostiqué avant l’âge de 5 ans pour qu’une prise en charge médicale soit remboursée – intégralement – par l’AI. Si le signalement intervient au-delà de cet âge, les frais médicaux seront alors assumés par la caisse-maladie (avec la quote-part habituelle à charge du patient). Autre exemple: un syndrome psychoorganique peut être considéré comme congénital s’il a été diagnostiqué ou traité comme tel avant la neuvième année. Ce ne sera plus le cas si le signalement intervient après cette période, même s’il avait été possible d’identifier certains symptômes avant… Ces cas de figure illustrent clairement l’importance d’un suivi médical de qualité. En effet, un diagnostic erroné, un oubli et/ou une annonce intervenue trop tard ne sont pas des arguments que l’AI est encline à prendre en compte pour une prise en charge rétroactive des frais de traitement.

un supplément pour soins intenses. Par ailleurs, tout au long du processus et en fonction des difficultés rencontrées, l’allocation pour impotence peut être réévaluée.

Scolarisation

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la RPT (2008), l’AI participait à hauteur de 50% aux frais de l’enseignement spécialisé. Ce n’est plus le cas aujourd’hui: avec la RPT, l’AI s’est retirée du cofinancement des prestations collectives et individuelles dans ce domaine. Cette responsabilité incombe maintenant aux cantons.


Montants (mensuels) des API (pour mineurs) dès le 1er janvier 20092 Allocation pour impotent AI* (dans un home)

degré faible moyen grave

Fr. 228.— Fr. 570.— Fr. 912.—

Allocation pour impotent AI (à la maison)

degré faible moyen grave

Fr. 456.— Fr. 1140.— Fr. 1824.—

Supplément pour soins intenses pour mineurs AI (à la maison) au moins 4 heures au moins 6 heures au moins 8 heures

Fr. 456.— Fr. 912.— Fr. 1368.—

Un handicap ne donne pas droit automatiquement à une rente… Luc, maçon de 30 ans, n’a jamais eu affaire à l’AI avant son grave accident de voiture. L’AI examine son dossier pour évaluer son incapacité de travail et donc de gain, suite au traitement dont il va bénéficier. Si Luc ne peut pas reprendre son travail de maçon, l’AI évalue sa capacité à exercer une autre activité (avec formation si nécessaire, selon le principe «la réadaptation prime la rente»). Au bout du processus et une fois toutes les évaluations faites, si la perte de gain de Luc est estimée à moins de 40%, il n’aura pas droit à une rente AI…

*Pour les mineurs, les API sont versées par jour.

Les limites temporelles aux l’attribution de sa rente et de l’API de la rente, de l’API ou des indemniaides de l’AI se fait d’office. Cet examen permet tés journalières AI, lorsque les reve• S’agissant des moyens auxiliaires, Simon peut compter sur l’aide de l’AI sa vie durant. • En revanche, le paiement intégral de ses traitements médicaux s’arrête à 20 ans révolus; ensuite, c’est la caissemaladie qui va prendre le relais, avec les conséquences financières que l’on sait sur les petits budgets. • L’allocation pour mineur impotent lui sera versée (dès 8-10 mois), jusqu’à l’âge de 18 ans révolus.

d’évaluer la capacité de Simon à exercer une activité lucrative. Le niveau de rente est fixé pour compenser son incapacité de gain. Le taux d’invalidité est le facteur déterminant d’après lequel l’AI accordera 1/4, 1/2, 3/4 de rente ou une rente entière. La détermination de ce taux résulte de calculs très complexes et peut s’effectuer selon diverses méthodes.3

Le passage à la rente

Si les parents de Simon ne s’en sortent pas financièrement, il leur est possible d’adresser au canton, une demande de prestations complémentaires. Conséquence de la RPT, depuis le 1er janvier 2008, tous les cantons ont l’obligation d’accorder des prestations complémentaires, destinées à remplir l’un des devoirs inscrits dans la Constitution fédérale, à savoir: «couvrir les besoins vitaux des citoyens». Les PC sont versées en plus

L’entrée dans l’âge adulte constitue pour Simon un tournant par rapport à ses droits aux prestations AI. En effet, reconnu comme invalide de naissance, ce derniet peut prétendre à une rente AI, ainsi qu’à une allocation pour impotent (cf. montants mensuels indiqués ci-dessous). Comme il bénéficiait déjà d’une prise en charge de traitements médicaux et d’une API mineur, l’examen de Rentes ordinaires AI - 2009 Taux d’invalidité dès 40%: - 1/4 rente: Fr. 285.- à Fr. 570.Taux d’invalidité dès 50%: - 1/2 rente Fr. 570.- à Fr. 1140.Taux d’invalidité dès 60%: - 3/4 rente Fr. 855.- à Fr. 1710.Taux d’invalidité dès 70%: - Rente entière Fr. 1140.- à Fr. 2280.-

Prestations complémentaires

Rentes extraordinaires pour invalides de naissance - 2009* Taux d’invalidité dès 40%: - 1/4 rente: Fr. 380.-Taux d’invalidité dès 50%: - 1/2 rente Fr. 760.-Taux d’invalidité dès 60%: - 3/4 rente Fr. 1140.-Taux d’invalidité dès 70%: - Rente entière Fr. 1520.--

* Rentes qui seraient versées à Simon

nus ne permettent pas de financer les dépenses reconnues. Accompagner Simon dans ses premières démarches en matière d’AI n’aura permis de soulever qu’un coin du voile... Les témoignages recueillis dans les pages qui suivent apportent de la chair à notre exemple; ils illustrent par le vécu, la complexité d’un système qui - et c’est le moins que l’on puisse dire - ne facilite pas la vie des personnes qui doivent avoir recours aux prestations de l’AI...4

Chaque pathologie est répertoriée dans une liste annexée à l’ordonnance concernant les infirmités congénitales (OIC): un trouble moteur cérébral peut être reconnu sous ch. 395 OIC ou ch. 390 OIC; l’un et l’autre ne donneront pas droit à la même prestation. 2 Les chiffres de cet article sont tirés d’une publication du Centre d’information AVS/AI, en collaboration avec l’Office fédéral des assurances sociales, janvier 2009, www.bsv.admin.ch - www.avs-ai.info 3 Pour plus de précisions sur le sujet, lire «Quels sont les droits de mon enfant?», page 84. 4 Cet article a été écrit sur la base d’un entretien avec Monsieur Guy Riand, Office cantonal AI, Valais, que nous remercions pour sa précieuse collaboration. 1

Pour de plus amples renseignements: - Contactez les offices cantonaux de l’AI: www.iv-ai.ch - Procurez-vous la brochure «Quels sont les droits de mon enfant?», éditée par Procap, décembre 2007, Bienne Tél. +32 328 73 15 – www.procap.ch/f


Parcours avec handicaps Témoignage d’une maman Laurence Birbaum, Pully

Le prix à payer au handicap s’appréhende sous de multiples aspects de la vie quotidienne. Qui mieux qu’une maman d’enfant avec un handicap pouvait nous en dresser un tableau aussi exhaustif, précis et éloquent? Témoignage. Je m’appelle Laurence Birbaum, j’ai 36 ans, je suis institutrice. Je suis maman de Maé qui est née avec une maladie génétique rare du nom de dysostose cléïdo-crânienne. Cette maladie touche une naissance sur 800’000. Ces enfants naissent avec une partie manquante des os du crâne et ils ont des moignons de clavicules, et plus rarement ils n’en ont pas du tout. C’est le cas de notre fille qui est venue au monde sans clavicule (ce qui représente un enfant sur huit millions). Elle est née également sans os du crâne. Elle est née à terme par voie basse un mardi à Morges… Pendant l’accouchement, les médecins et les sages-femmes ont senti au toucher la tête molle de notre enfant. Ils ont tous pensé à une bosse extra-sanguine. Le lendemain, un médecin a emmené Maé pour faire un ultrason de sa tête. Après cet examen, un jeune interne m’a dit d’appeler mon mari car quelque chose d’anormal apparaissait à l’ultrason et qu’un scanner allait être fait. Après le scanner, on nous a expliqué que notre fille devait partir au CHUV (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois) car elle n’avait pas d’os du crâne et qu’elle avait une hémorragie cérébrale. Ce fut le premier diagnostic qu’on nous a annoncé. Et ces paroles-là ont arraché nos tripes… Au CHUV, Maé était en néonatologie et là on nous apprenait le nom de sa maladie génétique (que j’ai dû écrire afin de le retenir) et tous les examens à venir. Ce fut la première bataille d’une longue série. J’ai dû me battre pour que ces examens se fassent

au plus vite et que l’on revienne pour faire les derniers examens en ambulatoire. Je voulais «qu’on me rende notre fille» le plus vite possible.

Après vous avoir situé le contexte de départ de notre vie de parents, voici les six difficultés principales d’avoir un enfant différent.

Avant notre départ du CHUV, on nous a dit qu’il fallait faire extrêmement attention à sa tête, qu’elle ne reçoive aucun coup dessus, car son cerveau n’était pas protégé par la boîte crânienne. Alors on a suivi ces recommandations à la lettre...

La première difficulté c’est l’acceptation. Un grand travail de deuil chemine en nous pour être capable de dépasser le handicap et entourer sans «a priori» notre enfant de tout ce dont il a besoin. Le couple est mis à mal. L’homme et la femme réagissent différemment. Si le dialogue ne s’installe pas rapidement, l’incompréhension se met en place sournoisement pour en arriver à la rupture. Le monde médical (comme cité ci-dessus) ne nous aide pas du tout en brisant nos espoirs. Attention je ne demande pas de mensonge, mais je crois sincèrement que garder confiance permet à notre enfant d’avancer. La projection peut tout changer. Certains médecins ne croient que ce qu’ils voient; donc quand nous, parents, disons: «il fait ça ou ceci», mais que le jour du rendez-vous, l’enfant ne veut pas le montrer, le médecin ne l’inscrit pas dans son dossier. C’est difficile de ne pas être crus; nous ne sommes pas des menteurs, nous vivons juste avec notre enfant 24 heures sur 24, contrairement à eux qui se permettent de juger ses capacités en une heure par année.

A 3 mois, un médecin nous a déclaré qu’elle avait un retard moteur par rapport à la tenue de sa tête. Ce qui à ce stade est normal vu la protection constante de sa tête. (Le médecin ne l’a pas reconnu, mais la physiothérapeute nous l’a confirmé). Le docteur nous a dit de faire de la physiothérapie. Il a contacté la physio qui a rapidement débuté chez nous. Elle est arrivée sans savoir ce qu’avait notre fille, alors qu’elle avait reçu un appel du médecin et voulait faire la physio sur le sol; alors il a fallu expliquer les dangers et l’on a débuté la physio sur le canapé… A 6 mois, un médecin nous a annoncé que notre fille était trop en retard, qu’elle n’arriverait à rien dans la vie, que l’on ne pourrait rien faire et qu’on pouvait la placer en institution… Imaginez (si vous le pouvez) le mal que ça a fait à notre cœur de parents. Nous avons vécu d’autres annonces catastrophées et catastrophiques. J’ai compris aujourd’hui que beaucoup de médecins «privilégient» le diagnostic du pire, plutôt que d’avouer leur non-connaissance de l’avenir. Heureusement, nous avons aussi rencontré d’extraordinaires médecins, avec qui nous avons pu dialoguer et collaborer pour chercher à développer au mieux les capacités de Maé.

La deuxième difficulté c’est cette lourdeur médicale. Il est difficile de garder une place de maman au milieu des rendez-vous chez les différents médecins, les thérapies, la stimulation à la maison… On devient infirmière, physiothérapeute, ergothérapeute, logopédiste etc... Avant que Maé ne commence l’école dans une institution en août 2008, je l’accompagnais à quatre thérapies hebdomadaires en plus de mon travail à 50%. Durant le temps passé à la maison, je la stimulais un maximum. La dernière année de cette folle course, je me suis


«accordé» un matin où je ne faisais rien qu’être maman bisous, maman chatouilles, maman câlins. Avec tous ces rendez-vous, il y a plusieurs fois dans l’année un moment de bilan. Ces bilans ravivent des blessures et remettent à chaque fois une couche sur nos épaules de parents. Ils montrent toujours plus la différence de notre enfant. Ils mettent plus le doigt sur les non-acquis que sur les progrès. La troisième difficulté est cette grosse machine administrative qu’est l’assurance-invalidité (AI). Cette non-reconnaissance de nos besoins à chaque refus. C’est très douloureux et ressenti comme une injustice supplémentaire. On ne demande rien par envie mais par nécessité. Tous ces refus engendrent de gros frais et de nombreuses demandes financières pour pouvoir offrir à notre fille ce dont elle a besoin. Votre fierté, vous la mettez dans votre poche quand vous commencez ces démarches. Parfois, vous avez envie de baisser les bras et tant pis. On pourrait croire que l’AI essaie de décourager un maximum de parents. Tous ces recours et ces démarches nous épuisent et avec le temps, on devient las de se battre pour tout. Je ne vous citerai qu’une de nos nombreuses situations. (J’en aurais bien d’autres à vous raconter). Le pédiatre en réhabilitation demande, en août 2005 à l’AI le chiffre OIC 390. C’est un chiffre qui donnerait droit à Maé aux mesures médicales comme l’ergothérapie, la physiothérapie, la logopédie, les moyens auxiliaires tels que lift pour le bain, vélo spécialisé etc. Six mois après notre demande, l’AI nous oblige à aller voir un neuropédiatre donc un nouveau médecin, un nouveau rendez-vous, un nouveau stress… Lors du rendezvous en neuropédiatrie, je demande clairement un rapport médical pour obtenir le chiffre 390. N’ayant tou-

jours pas de réponse sept mois plus tard, j’en reparle à l’assistante sociale des besoins spéciaux de la petite enfance de Pro Infirmis. On décide alors deux choses: en premier on demande une copie du dossier AI de Maé pour voir ce qui manque et en deuxième on prend rendez-vous avec le pédiatre en réhabilitation pour voir s’il a une solution. On se voit en décembre, le dossier met 3 semaines pour arriver. J’ai rappelé après 15 jours pour leur dire que l’on attend toujours la copie. Constat: l’AI a classé la demande sans suite et le neuropédiatre n’a pas fait le rapport médical pour le 390. On recommence tout et en janvier, le pédiatre en réhabilitation a refait un rapport médical avec la demande précise du 390 et pour changer on attend... On a reçu une réponse positive en juillet 2007. Résultat: de nombreuses démarches et 23 mois d’attente... La quatrième difficulté c’est la pression sociale. Les questions de votre entourage, mais aussi des passants: «Quand va-t-elle marcher? Quand va-t-elle parler? Je me réjouis de pouvoir aller me promener main dans la main au bord du lac avec elle, etc.» Le regard insistant des badauds dans la rue. Chaque promenade devient une épreuve et vous fuyez les places de jeux. C’est tout un long chemin pour ne plus être blessé et sourire à ces gens maladroits. Les anniversaires sont aussi un moment difficile car votre enfant n’a pas le développement des enfants de son âge. La cinquième difficulté est l’aménagement de notre appartement. Chaque moyen auxiliaire est volumineux. Nous avons fabriqué un parc capitonné de mousse dans notre salon, il utilise la moitié de l’espace, son lit électrique avec ses protections prend les trois quarts de sa chambre, son lift pour le bain, son appareil pour apprendre à

marcher..., bref notre appartement est occupé en grande partie pour les besoins spécifiques de notre trésor. La sixième difficulté est l’accessibilité. Il y a beaucoup de lieux publics inaccessibles avec une poussette. Il y aussi des amis, qui nous invitent au troisième étage sans ascenseur, et qui finissent par souper chez nous car chez eux c’est trop lourd, tout ce déménagement sans ascenseur... Cet article n’est pas écrit pour vous faire pitié, mais juste pour que vous essayiez de comprendre notre quotidien. Il est vrai que quelquefois, nous en avons marre de changer les couches, de toujours deviner les envies de notre fille, de la faire travailler pour avoir un résultat après de très longs mois; mais cet état d’esprit représente une minorité de jours dans l’année. Il est vrai que mon quotidien est nettement moins lourd depuis que Maé a commencé l’école. Les thérapies sont faites sur place, la stimulation est quotidienne et quand elle rentre à la maison, je n’ai plus qu’à être maman, sans stress d’horaires. J’ai réalisé la lourdeur de mes tâches au moment où je n’ai plus eu besoin de les faire... Maé est un magnifique cadeau de la vie. Notre fille est un rayon de soleil, elle siffle, elle chante des mélodies, elle nage comme un poisson, elle rit. Chaque progrès est une victoire. Nos valeurs ont changé; nous allons à l’essentiel. Nous avons une chance énorme, c’est le réseau d’amitié qui nous entoure et qui nous permet de souffler quand on en a besoin. Nous avons depuis une année un deuxième enfant en pleine santé. Pour l’instant, Maé ne l’accepte pas mais nous espérons que bientôt elle se rendra compte de la chance d’avoir un petit frère. Nous sommes des parents heureux de deux enfants merveilleux.


Une affaire de cœur et d’argent

Rencontre avec la famille de Virgile, un enfant polyhandicapé Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin

«Le problème, ce n’est pas Virgile, c’est tout ce qu’il y a autour du handicap», nous dit sa maman en guise d’entrée en matière. Et de fait, la famille qui nous reçoit pour cet entretien respire la joie de vivre ensemble. C’est avec une grande simplicité que chacun évoque devant nous les petits événements, les difficultés et les bonheurs qui émaillent leur vie auprès de cet enfant polyhandicapé, leur fils, leur frère...

Virgile, Maurice et Sylvain, Photo Ch. Métrailler

Il est agriculteur de montagne; elle est mère au foyer, avec un diplôme des Beaux-Arts en poche et, dans la tête, une formidable envie d’écrire. Le couple a quatre enfants, tous des garçons, entre 7 et 13 ans. Le dernier, Virgile, présente un handicap sévère, le syndrome de Cornélia de Lange. «Il est arrivé à 4 h 34. La première nuit d’automne. Je suis seule avec la sage-femme. Christian est reparti à la maison, les trois autres enfants y dorment profondément», écrit sa maman, dans un premier ouvrage paru en 2006.1

Le coût financier La famille a des revenus modestes; les subsides obtenus pour les quelques têtes de bétail ne leur permettent pas de nouer les deux bouts. L’allocation pour mineur impotent (API) touchée par ces parents se monte à Fr. 88,50 par nuit [Fr. 59.-- (API) et Fr. 29,50 (suppl. pour soins intenses)]. «Lorsque nous plaçons Virgile, nous ne touchons pas ce montant, et nous versons 10 francs de forfait journalier à l’institution. Par ailleurs, le trajet depuis notre village jusqu’à La Castalie compte 55 km. Sur les frais occasionnés par ce service à notre enfant, l’AI nous rembourse 45 ct. le km, sans tenir compte ni de l’augmentation du prix de l’essence, ni du temps passé sur la route». Cette année, cette mère de famille à l’agenda plus que rempli a dû reprendre une journée hebdomadaire d’activité salariée: «c’est la seule solution pour essayer de nous en sortir financièrement». Cette précarité, les frères de Virgile ont appris à faire avec. «On n’a jamais d’argent de poche, disent les deux aînés. On doit se débrouiller pour chercher de la tune». «Une fois, explique l’un d’eux, j’ai travaillé comme berger pour m’acheter la PSP. Mais quand j’ai touché les 200 francs, je me suis dit que c’était dommage de dépenser pour ça, puisqu’on a une vieille game boy. J’ai mis à la banque, pour plus tard...» «Tout coûte plus cher, avec Virgile, le lit, les pompes, le bus qu’on doit avoir plutôt qu’une bagnole normale». «L’essence de la vie est au cœur des choses simples» écrit Evelyne Rivat Métrailler1. Avec

une telle philosophie de vie, comment admettre, pour cette famille, les paradoxes d’un système prêt à débourser sans sourciller 600 francs pour des chaussures fussent-elles adaptées (un prix injustifiable pour l’artisan père de famille) et qui rechigne à payer une ligne de carrelage supplémentaire, un bac et une porte de douche qui amélioreraient le confort et le bien-être de Virgile lors du bain? Comment comprendre que l’AI est prête à entrer en matière pour une voiture neuve, mais refuse de financer quelques aménagements - moins coûteux - dans le véhicule actuel de la famille? «L’AI ne considère que ce qui touche Virgile. Cela paraît logique au premier abord, mais comment ne pas tenir compte de l’environnement, des frais que cela génère et des retombées sur les autres membres de la famille? Lorsque nous avons fini de faire nos comptes, explique cette maman, il ne nous reste souvent plus rien pour les trois autres...» La dépense d’énergie Sans compter la dépense d’énergie que toutes ces démarches entraînent. Chaque aide doit faire l’objet d’une demande. «Pour trois portes, explique le papa de Virgile, nous avons dû faire trois demandes différentes». «Il faut toujours tout justifier et de ce fait, nous avons à gérer un nombre grandissant de formulaires. Cela devient très compliqué et quelquefois, oui, nous sommes découragés...» Dans un système aussi éclaté que l’AI, ne devrait-il pas exister une instance chargée d’accompagner les parents dans leurs démarches? Trouver la juste procédure, faire la bonne demande au bon endroit, au bon moment n’est pas une mince affaire pour qui doit en plus, gérer le quotidien d’une famille et d’un enfant avec un handicap... La valeur du temps Lorsque Virgile est à la maison, cette maman de quatre enfants exerce divers métiers: elle est éducatrice, infirmière et elle assure aussi tous les déplacements de Virgile. C’est un investissement de tous les


Le prix de certains sacrifices Il y a trois ans, la famille a déménagé. La maison qu’elle occupait dans le village principal avait une rampe d’escaliers très importante et les aménagements pour la rendre accessible étaient bien trop coûteux. Bricoleur, le papa de Virgile retape alors une vieille maison dans le village voisin. «On a dû partir à cause de Virgile, mais on n’avait pas très envie de quitter nos copains, disent les plus grands; finalement tout s’est arrangé; l’école proche de notre nouveau domicile a été fermée et à la rentrée, on s’est retrouvés dans les mêmes classes qu’avant.» «Virgile ne peut pas faire les mêmes choses que nous: aller à la forêt, skier, mettre la tête sous l’eau ou construire des cabanes; ça limite un peu nos loisirs ensemble. D’autres fois, on prévoit quelque chose en famille et on ne peut pas partir, parce qu’il n’est pas bien.» «Bien sûr, écrit en écho leur mère, Evelyne Rivat Métrailler, pas de comparaison avec les familles traditionnelles. Il y a parfois des contraintes qui empêchent d’avoir un week-end idyllique, des vacances à l’improviste, un repas sur le pouce. Mais où est l’essentiel?»1 Le poids des regards «Et vous Madame, comment faites-vous pour accepter cet enfant? Et le regard des autres?» «Oui, répond la maman interpelée, mon enfant est handicapé. Et alors?»1 «A l’école, tous connaissent Virgile. Il y en a deux ou trois qui le regardent; ils ne disent rien mais ils le regardent. Ce serait un dérangement qu’il soit dans notre classe». Ce sont les deux aînés qui s’expriment ainsi. «Dans les magasins, Virgile s’agrippe et tire tout par terre. J’ai quelquefois un peu honte», continue l’un. «Je trouve que maman laisse trop faire Virgile dans les lieux publics, poursuit le second. Il faudrait qu’elle le tienne un peu plus». «Dans les magasins, moi je joue avec lui conclut Maurice, le troisième frère, le plus proche de Virgile en âge et certainement en complicité. Pour lui, le fait que son petit frère soit handicapé «ne change rien; il est un frère comme les autres». S’il le faut, il prend la défense de son cadet: «Un jour j’ai dit à un grand qui l’embêtait: c’est toi qui es handicapé!» Les liens de fraternité «J’aime bien jouer avec lui» nous confie encore Maurice. «Pour Virgile et moi, la voiture c’est comme notre seconde maison». Question cohabitation, les aînés sont un peu plus critiques: «Comme il prend son dernier repas plus tard, il ne

Virgile et ses frères. Photo Ch. Métrailler

instants, une pleine activité non-rémunérée... Cette année, Virgile est intégré dans une classe du village principal (à quelques km), à raison d’une période par semaine. «Je l’amène en voiture et j’attends sur place que l’heure soit terminée... Alors, je tâche de faire mes courses pour que ce temps ne soit pas complètement perdu...» Comment, dans cette configuration, cette mère de famille peut-elle espérer dégager un peu de temps pour elle-même? «J’aimerais quelquefois pouvoir m’arrêter pour écrire ou me remettre à la peinture, mais c’est impossible». «Depuis la naissance de notre petit frère, disent par ailleurs les grands, les parents ont un peu moins de temps pour s’occuper de nous; mais on aime bien. Maintenant, on va skier tout seuls. Le plus difficile, c’était entre 7 et 11 ans.»

nous laisse pas dormir... Mais ils sont prêts à monter aux barricades pour lui. «Une fois, aux bains de Saillon, Virgile criait (il fait ça quand il est content); une grand-mère est venue nous dire d’arrêter de «gueuler»... J’aurais pu lui donner une gifle, à la mémère!» Ils reconnaissent que leur frère «pleure rarement; quelquefois le matin ou quand il a mal. «Maman arrive à bien le comprendre», disent-ils. Une maman qui nous confie son souci de «trop compter» sur Maurice: «c’est son copain», dit-elle. Elle peut vraiment s’appuyer sur lui pour accompagner Virgile. «Un jour, il s’en est occupé seul; il l’a même habillé. Il lui met la sonde; c’est un petit infirmier». La facture sociale «Tout ce qui est médical est bien pris en charge, explique le père de Virgile, parce que les demandes sont faites par les médecins. En revanche, toutes les requêtes d’ordre social nous incombent, et nous ne sommes que de simples péquins... On nous renvoie d’une instance à l’autre; personne n’a jamais les compétences pour répondre complètement aux questions posées, plus particulièrement peutêtre dans les communes». Pour ce travailleur manuel qui a fait de la vieille maison un foyer accueillant pour sa famille, «tout est trop cher». Comment comprendre qu’une coque puisse coûter 2800 francs? Qu’une heure d’accompagnement pour Virgile s’élève à 90 francs? (même si la personne qui s’en occupe est très bien). «L’intégration» de Virgile dans la classe du village a mis un certain temps à se mettre en place. «Sans doute n’est-il pas facile pour les enseignants d’accueillir ces enfants... Mais nous autres parents, nous n’y sommes pas préparés non plus... En 1/4 d’heure, notre vie bascule. Nous avons tout à apprendre, nous aussi...» «Les jours où Virgile est à l’institution, ça nous fait un peu de répit, disent les grands frères, mais lui, il n’est peut-être pas toujours heureux là-bas. On ne sait pas.» «Plus il grandit, confirme la maman, plus il a conscience de ce qui se passe. Quelquefois, je me sens coupée en deux de devoir laisser mon fils au Centre; il y a l’aspect financier et il y a l’aspect affectif. C’est une affaire de cœur et d’argent.» «Virgile dort deux nuits au Centre. Je l’amène personnellement. Lorsque la porte se referme sur lui, ma gorge se serre inévitablement. Je saute vite dans ma voiture. Le programme est chargé à la maison. Faut y aller...»1 Borborygmes, Evelyne Rivat Métrailler, imprimerie des Beaux-Arts, Lyon, mars 2006. Pour commander l’ouvrage: E. Rivat Métrailler: Tél. 027 288 18 92 - e-mail: evrime@bluewin.ch 1


Quelques notions d’économie psychique

Article extrait de l’ouvrage du psychanalyste italien Franco Lolli: «L’ingorgo del corpo»* Olivier Salamin, directeur Asa-Valais, Sion - traduction, Sabrina Salamin-Zanoli

C’est un développement clinique exigeant que nous vous soumettons en traduisant des extraits choisis de l’ouvrage du psychanalyste italien Franco Lolli. En effet, dans le deuxième chapitre de son livre «De l’enfant à l’adulte: le désir de l’Autre», l’auteur propose une lecture singulière des enjeux relationnels et inconscients entre des parents et leur enfant handicapé. Dans une rencontre toujours particulière où s’ajoute la complexité du handicap, il y a des «prix à payer» dans ce que Freud appelait l’«économie psychique» du sujet… Ainsi, à partir de l’écart qui existe entre la représentation idéale de l’enfant à venir et la naissance d’un enfant handicapé, Franco Lolli nous donne-t-il des repères psychanalytiques sur ce qui est en jeu pour les parents, jusqu’aux risques qui peuvent en résulter pour l’enfant lui-même, lorsqu’il est entièrement réduit à sa condition de handicapé. La femme et la mère En s’appuyant sur les écrits de Freud et de Lacan, Lolli rappelle ce qui est au départ une évidence biologique qui distingue une fille d’un garçon: l’absence de pénis. «La fille, en d’autres termes, doit faire avec la sensation de ne pas avoir» (p. 28) «De ce fait, le désir d’avoir un enfant se présente comme un fantasme de dédommagement du préjudice subi; avoir un enfant, dans une transposition d’ordre symbolique, vient ainsi constituer une sorte d’indemnisation, dans une sorte d’attente où ce qui est perdu est finalement restitué». (p. 28) Ce n’est pas une question de valeur ou de hiérarchie, mais nous pourrions alors dire que «l’humanité se divise, sur la base d’une telle constatation, en deux grands groupes définissables à travers la catégorie de l’avoir: d’un côté il y a ceux qui ont, de l’autre ceux qui n’ont pas» (p. 29). Dans cette perspective, «avoir un enfant» s’inscrit dans une compensation du manque.

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Franco Lolli résume ce premier chapitre en insistant sur le fait que «dans tous les cas, l’attente d’un enfant se présente comme un événement hautement investi du point de vue émotionnel et affectif: (…) L’enfant, en s’annonçant fantasmatiquement comme la solution désirée à son propre manque, promet une satisfaction capable de mettre fin à l’état de privation dans lequel se trouve la femme.» (p. 30) La naissance de l’enfant «L’enfant, comme nous l’enseigne Lacan, existe bien avant de venir réellement à la lumière du jour; il vit dans l’esprit de ses parents, dans leurs attentes, dans leurs espoirs.» (p. 30) «L’enfant se trouve, ainsi, dans la position d’objet du désir depuis sa conception et ceci est très important d’un point de vue clinique par le fait qu’il existe un écart entre la représentation de l’enfant (l’enfant imaginaire) et l’enfant en chair et en os. Cet écart toujours présent se réduit à son minimum quand la naissance de l’enfant se déroule dans un climat de sérénité, de normalité.» (p. 31) La naissance de l’enfant handicapé «(…) parmi la diversité extrême des réactions des parents face à un événement aussi terrible et inattendu, (…) il existe un élément invariable qui caractérise ces réactions: le bouleversement de la construction du désir des parents envers leur propre enfant. Une telle altération du désir des parents semble résulter de la violence (…) d’un événement qui surgit sans préavis, laissant l’adulte comme assommé; cet événement qui bouleverse l’ordre familial, efface les rêves et les espoirs, fait vaciller les équilibres affectifs, oblige à une reconsidération générale de sa propre existence. Une sorte de deuil se produit chez le parent; effectivement l’enfant désiré a été perdu, l’enfant né est autre.» (p. 32) «Le contrecoup émotionnel est fort et

dévastateur. (…) Quelque chose arrive dans la réalité, quelque chose qui de par ses caractéristiques d’imprévisibilité, de non-contrôlabilité et de non-sens, échappe entièrement à la capacité de symbolisation du sujet.» (p. 33) Dans une configuration de crise, l’expérience clinique montre comment «chaque parent trouve, dans son propre inconscient, des modalités défensives à ces sensations d’effondrement, des stratégies de reconstruction qui, dans leurs formes les plus diverses, représentent l’unique ressource à disposition pour pouvoir dépasser le sentiment de paralysie qui, autrement, compromettrait entièrement la relation.» (p. 33) Les fantasmes maternels «(…) une des modalités fantasmatiques de résolution du choc causé par la naissance d’un enfant handicapé est, selon Mannoni, de prendre soin de lui comme «objet»; situation, ajoutet-elle, qui dans le cas d’un enfant avec handicap, «est reconnue dans la réalité comme conforme au bien de l’enfant». Le fantasme maternel est socialement autorisé, dans la conviction partagée qu’il «est un devoir naturel de la mère de prolonger indéfiniment la gestation de l’enfant déficient». (p. 34) «A l’inverse, nous trouvons des réactions de refus de l’enfant de la part de ses parents; réactions de détachement, de désintérêt, d’éloignement, réactions qui témoignent de la crainte de l’adulte de s’approcher d’un gouffre pulsionnel non symbolisable qui domine le monde du sujet handicapé. Un monde souvent indifférent au rappel éducatif, sourd aux règles de la cohabitation (…). Au bord de cet abysse régi par l’hégémonie de la réalité d’un corps qui ne peut se soumettre à l’impulsion pacifiante du symbolique, l’adulte, dans certains cas, semble faire marche arrière pour ne pas s’y précipiter lui-même.» (pp. 35-36) Nous pourrions ainsi dire que «(…) le parent tente de régler ses comptes avec


l’apparition de ce que Lacan appelle l’impossible à dire» (p. 36) Ainsi, «l’éventualité la plus défavorable qui peut toucher l’enfant handicapé concerne sa difficulté, quand ce n’est pas son impossibilité, de s’émanciper du statut d’objet pour passer à celui de sujet. Point crucial dans la clinique de la déficience, qui rend du reste comparable par bien des aspects la situation du sujet déficient à celle du sujet psychotique.» (p. 36)

Le signifiant de l’Autre Franco Lolli évoque en conclusion la parole de ses patients qui ont un retard mental et qui utilisent fréquemment des expressions d’autodénigrement, évoquent leurs propres incapacités et considèrent exclusivement leurs propres limites. «A la demande de réaliser un simple exercice, de faire une dessin ou de développer une petite fonction – demande bien entendu à leur portée – ceux-ci répondent en se disant incapables, certains mêmes, angoissés, réagissent en s’insultant.» (pp. 38-39). «Dans le cas d’un enfant handicapé, ce qui apparaît comme un élément incontestable est l’extrême pauvreté des attentes parentales; le désir de l’Autre est étouffé par (…) des nécessités émergentes et incessantes qui semblent ne laisser aucune place pour autre chose que la surveillance du développement, la vérification de l’adéquation des comportements, le réglage de la croissance cognitivo-intellectuelle. L’attention de

Robert Hofer

La pathologie du désir de l’Autre «(…) Dans la difficulté du parent à reconnaître son propre enfant, de voir en lui le bien le plus précieux, le prolongement de soi, (…) ce qui ne change jamais dans une telle configuration clinique qui fait référence à une grande incertitude ou à une absence complète du désir de l’Autre, c’est la difficulté du sujet handicapé à symboliser son propre corps, à se soustraire à son statut de pur organisme vivant pour parvenir à une significantisation du corps.» (pp. 37-38) «Dans cette configuration du désir, l’enfant est comme englouti dans une position d’objet de jouissance, de matière vivante destinée à répondre (…) à la problématique psychique de l’Autre. Une telle solidification du statut d’objet pose les bases d’une évolution structurale de type psychotique.» (p. 38)

l’Autre semble se concentrer toute entière sur ce qui manque, sur l’écart des prestations par rapport à la normalité, sur ce que le sujet ne peut pas; comme l’affirme Maud Mannoni. (…) Alors, si le signifiant de l’Autre (…) se caractérise par les préoccupations liées à son incapacité, par la focalisation exclusive sur son handicap, l’identification à l’être manquant – «être un handicapé» - se présente comme unique modalité du sujet pour se représenter. Dans ce cas (…), l’enfant se pense et se représente de la manière dont il s’est senti pensé et représenté. Le handicap organique se redouble ainsi (…) en raison d’une identification du sujet au manque, à la faiblesse, à la différence. L’effet qui en résulte est une solidification, une congélation, une pétrification de l’identité; une identité, que ce soit clair, que le sujet a prélevée – sous la forme de signifiants – de l’Autre et qui,

par conséquent, le colle à l’Autre, en empêchant toute possibilité de séparation.» (p. 40) Dans l’équilibre délicat de nos fonctionnements, dans notre capacité à assumer ou non une fonction parentale – loin de l’idée reçue qui consisterait à chercher un coupable – Franco Lolli isole ainsi un enjeu important pour l’enfant handicapé: né du désir de ses parents, il va falloir l’aider à s’en séparer, comme c’est le cas pour chaque enfant, afin qu’il puisse prendre son propre envol… Références *Lolli, F. 2004. L’ingorgo del corpo. Insufficienza mentale e psicoanalisi. Milano: Franco Angeli. Parution récente Lolli, F. 2008. Percorsi minori dell’intelligenza. Saggio di clinica psicoanalitica dell’insufficienza mentale. Milano: Franco Angeli.

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Le coût du budget d’assistance

Le 1er janvier 2006, le projet pilote budget d’assistance a débuté dans trois cantons pilotes pour une durée initiale de trois ans. Chaque mois les participants reçoivent un budget d’assistance (entre Fr. 500.- et Fr. 12’600.-) et un forfait d’assistance (Fr. 300.-, Fr. 600.- ou Fr. 900.-). Cette prestation financière de l’invalidité leur permet d’engager des assistant-te-s personnel-le-s qui vont leur apporter l’aide dont ils ont besoin au quotidien pour vivre de manière autonome à domicile.

Origine et public cible

Plus précisément, le Conseil fédéral a décidé d’appliquer le projet du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009, dans les cantons du Valais, de Bâle-Ville et de St-Gall. Il a prévu un budget de 42 millions qui couvrent le versement des budgets et forfaits d’assistance, le travail des Offices AI et des équipes d’évaluation. Le projet vise 400 bénéficiaires d’une allocation pour impotence (API) qui décident de renoncer au versement de l’API pour recevoir un budget et un forfait d’assistance. Ces personnes sont des mineurs ou des adultes qui sont atteints de handicaps aussi bien mentaux que physiques, psychiques ou sensoriels.

Calcul du budget d’assistance; questionnaire d’évaluation des besoins

Chaque participant répond à un questionnaire d’évaluation des besoins. Il le fait seul, ou avec l’aide de sa famille, de son tuteur, de son ergothérapeute ou d’un éducateur. Pour les six domaines d’assistance, il donne le nombre de minutes/jour pour lesquelles il a besoin d’aide. Les 6 domaines sont: • les actes ordinaires de la vie (s’habiller, se déshabiller, aller aux toilettes, soins corporels, se soigner, se nourrir, se lever, se coucher); • la gestion du ménage (nettoyer,

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ranger, laver, acheter, cuisiner, bricoler, réparer, entretenir, administrer); • la participation à la vie sociale et l’organisation des loisirs (se déplacer, avoir des loisirs, entrer en contact avec d’autres personnes, lire, être informé, s’amuser); • les thérapies et les soins médicaux (faire des mouvements, masser, étirer, exercices respiratoires, donner les médicaments, faire des perfusions, des injections, traiter des plaies); • la surveillance diurne et nocturne; • la garde des enfants, la formation, le travail, une activité à but non lucratif. Le budget d’assistance peut couvrir et financer des soins et de l’aide 24 heures/24 et 7 jours/7. Sur la base des réponses au questionnaire, l’Office AI détermine le montant du budget d’assistance personnel et déclenche le versement de deux prestations: le «forfait d’assistance» et le «budget d’assistance». Quatre tarifs sont appliqués par l’Office AI pour calculer le montant du budget d’assistance: • Qualification A: 30.-/heure (tarif de base) • Qualification B: 45.-/heure (assistance devant être fournie par du personnel qualifié) • Surveillance personnelle diurne: 20./heure • Forfait de nuit: 50.-/nuit Le budget d’assistance s’élève selon le degré d’impotence jusqu’à Fr. 420.par jour. Toutes les dépenses effectuées avec le budget doivent être justifiées par des contrats de travail, des décomptes salaires, des factures et des quittances.

Présentation d’un mineur en situation de handicap mental au bénéfice d’une API moyenne

La maman de Charles-Edouard a rempli le questionnaire d’évaluation des besoins et l’a transmis à l’Office AI du Valais qui a admis les minutes

Cap Contact

Un projet voulu, pensé et réalisé par les personnes handicapées Dominique Wunderle, responsable de la Succursale romande BA/Cap-Contact, Lausanne

Charles-Edouard, âgé de 9 ans, participe au projet depuis le 1er mai 2006. Il est atteint du syndrome du X-Fragile qui se caractérise par des faiblesses physiques et un retard de développement. Il fréquente une école privée, car il n’a pas pu être intégré à l’école publique de son quartier en raison de son handicap. Sans projet pilote, Charles-Edouard bénéficierait d’une allocation pour impotence moyenne de Fr. 1140.-/mois.

d’assistance suivantes par jour: Actes ordinaires: 150 Participation à la vie sociale/loisirs: 30 Soins: 60 Formation/intégration scolaire: 52 Surveillance: 60 Total: 352 minutes d’assistance/jour

A partir de cette évaluation en minutes, l’indemnité d’assistance qui lui a été octroyée se monte à un forfait d’assistance de Fr. 600.- et un budget de Fr. 4328.- versés chaque mois. Le budget d’assistance représente la somme la plus importante. Il sert à payer les frais d’assistance directs, c’est-à-dire les salaires des assistants avec les charges sociales ou les prestataires de service. Le bénéficiaire ou son représentant légal engage librement et directement la ou les personnes de son choix, parmi ses amis, sa famille, des étudiants, des voisins ou


des professionnels. La maman a organisé la prise en charge de la manière suivante: - 2 assistantes personnelles pour assister Charles-Edouard à l’école ce qui représente 56 heures/mois; - 4 assistantes personnelles pour assister Charles-Edouard en dehors de l’école, qui couvrent 120 heures/mois et une jeune fille au pair. Pour la maman, cet apport financier a permis à son fils «d’entamer un processus d’inclusion en classe. Une assistance de qualité, visant à son autonomie à long terme». Cela donne la possibilité de prendre le temps dont il a besoin pour lui apprendre comment réagir face à des situations données. Tout ceci contribue à améliorer sa qualité de vie en famille et en société. Selon les parents, le budget d’assistance permet à leur enfant «de vivre des expériences très enrichissantes pour lui, tant sur le plan des apprentissages globaux que sur le plan relationnel avec ses pairs».

Le budget d’assistance – 90% des participants ont vu leur qualité de vie améliorée – mais ne coûtet-il pas trop cher? Selon les études publiées, le budget d’assistance a amélioré la qualité de vie des personnes en situation de handicap et de leur entourage, mais également permis à des enfants et des adultes de vivre à domicile avec leur famille. L’expérience a favorisé 27 sorties d’institution, lesquelles ont permis une diminution des dépenses de Fr. 5500.- par an et par personne. Considérant que la moyenne, par personne, des budgets d’assistance octroyés est inférieure à celle des coûts «institutionnels», quel que soit le degré d’impotence (cf. tableau), la nouvelle prestation devrait stabiliser le coût des subventions aux institutions et des services d’aide à domicile, grâce aux sorties d’institutions et aux entrées en institutions qui ont pu être évitées. Le projet a permis de reconnaître le travail de l’entourage en le rémunérant. Tous les assistants personnels déclarent leur revenu aux impôts et paient leurs charges sociales à l’AVS, etc., comme le font les professionnels des institutions et des services de soins à domicile. La comparaison entre les coûts de la vie en institution, des services de soins à domicile et du budget d’assistance

montre que le budget d’assistance permet de faire des économies. Selon les calculs de FAssiS, ce potentiel serait de 50%; ce qui permettrait de financer un budget d’assistance pour les bénéficiaires d’API.

Quel avenir pour le budget d’assistance?

Le 3 septembre 2008, le Conseil fédéral a décidé de promouvoir pour les personnes en situation de handicap la possibilité de mener une vie autonome et responsable. Dans ce but, il prévoit d’introduire dans l’assurance-invalidité une nouvelle prestation intitulée «participation aux frais d’assistance» destinée à 4000 bénéficiaires d’une allocation pour impotence dont le coût est estimé à 80 millions. Le Département fédéral de l’intérieur est chargé de préparer le projet de modification de loi nécessaire qui sera mis en consultation. La réglementation adoptée par le Conseil fédéral comprend quelques nouveautés, telles que la délimitation du groupe-cible aux assurés adultes qui ont déjà une certaine marge d’autonomie et sont en mesure d’assumer la responsabilité personnelle qu’implique la nouvelle prestation. Les mineurs et les personnes au bénéfice de mesures tutélaires ne pourraient donc obtenir cette participation aux frais d’assistance. L’avancée du Conseil fédéral doit être saluée. Il a franchi une étape importante pour la liberté de choix par rapport au lieu de vie. Par contre la délimitation n’est pas acceptable, car comme pour Charles-Edouard ou d’autres personnes sous tutelle, ces moyens financiers permettent d’envisager une vie autodéterminée à domicile.

Un appel a été lancé par des associations1 pour récolter des signatures dont le but est de faire pression pour que tout bénéficiaire d’une allocation pour impotence puisse bénéficier de la participation aux frais d’assistance. Par l’expérience acquise durant ces trois ans, le budget d’assistance est une réponse complémentaire à l’offre des institutions et des services de soins à domicile. Selon nos estimations, l’introduction de cette nouvelle prestation permettrait d’une part d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées, mais également de trouver une solution pour le financement des soins de longue durée. En conclusion, dès que l’on dépend de l’aide d’autrui pour accomplir les actes de la vie quotidienne, cette aide a un coût quel que soit le système envisagé. Une assistance qualitative et précoce est indéniablement garante d’une autonomie plus performante à l’âge adulte. Il faut se donner des moyens pour élargir l’offre, car les besoins des personnes en situation de handicap et de leur famille évoluent. Dans les 26 cantons, l’application de la péréquation financière dans le domaine du handicap fait l’objet de réflexion. C’est l’occasion de penser à une offre de prestations (institution-services de soins à domicile-budget d’assistance) qui permettrait aux personnes en situation de handicap et à leur entourage de choisir librement leur lieu de vie et de se sentir soutenues dans leurs efforts d’intégration scolaire, sociale ou professionnelle. AGILE, ASRIM, ASPr, Autisme Suisse, CapContact, CEREBRAL, FAssiS, Forum handicap Bern et Zürich, FTIA, SGMK, ZSL. 1

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Pleins feux sur les subventions Le Réseau romand ASA (RrAsa)

Christian Chatelain, président du RrAsa, directeur Cap Loisirs, Genève

Sujet brûlant ou froid calcul, le domaine des subventions peut être présenté sous de multiples facettes, tant il renvoie à de nombreux enjeux et à l’évolution de notre société, de ses représentations, de ses valeurs, de ses lois et de ses politiques sociales. S’inscrivant dans ce lien à l’Etat, dans cette dépendance financière et cette reconnaissance renouvelée, dans cette participation citoyenne au devenir commun, la subvention est porteuse de significations qui vont au-delà de ce qu’elle rend possible, là où elle nourrit, par son mode même de relation sociale, les ferments d’un contrôle charitable ou d’une liberté responsable. Prenant depuis (bien) longtemps mon bâton de pèlerin pour aller frapper (aux portes) des magistrats afin de traiter ces questions de subventions, que ce soit en tant que directeur de la Fondation Cap Loisirs ou président de l’association faîtière Réseau romand-ASA, il m’a été demandé de faire un petit tour d’horizon sur les changements survenus dans ce domaine et la situation actuelle, notamment en lien avec le Réseau romandASA.

Les financements publics

Des organisations privées (associations, fondations) ont été créées depuis de nombreuses années pour répondre aux besoins des personnes handicapées et de leurs proches. Prenant parfois le relais de structures religieuses, s’appuyant sur un soutien financier de privés, de leur canton, voire de leur commune, ces organisations ont vu leur nombre et leurs moyens grandement améliorés par l’introduction de la loi sur l’Assurance-Invalidité (AI) en 1959. Dès sa création, et dans le but principal de favoriser la réintégration professionnelle, l’AI a prévu plu-

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sieurs modes de soutien financier aux personnes handicapées ainsi qu’aux divers organismes et institutions œuvrant dans ce domaine, notamment sur la base de ses articles 73 «subventionnement aux institutions» et 74 «subventions aux organisations faîtières de l’aide privée». Pendant 40 ans, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a subventionné directement l’ensemble des institutions et organismes concernés par ces deux articles, assurant en principe la couverture - sur présentation des comptes annuels - du 80% de leurs dépenses effectuées, principalement les charges salariales. Dans un rapport parfois assez «paternaliste», l’application de cet art. 74 LAI s’est même élargie à l’ensemble des associations privées, même si elles n’étaient pas «faîtières». C’est ainsi que la fondation Cap Loisirs a, par exemple, été subventionnée pendant 20 ans directement par l’OFAS. Mais face à une croissance continue du nombre d’organismes suivis et du montant des subventions versées, face aux surcharges et aux retards administratifs, face à la montée en puissance du «new public management» ainsi qu’à la situation financière délicate de l’AI, le Conseil fédéral adopta, à la fin des années «nonante», certaines mesures qui vont directement influencer les deux articles 73 et 74 LAI: • dès 2001, le subventionnement lié à l’art. 74 LAI passe obligatoirement par les seules organisations faîtières (OF), chargées d’assurer ensuite un relais avec leurs membres si nécessaire. L’OFAS met en place des contrats de prestations d’une durée de 3 ans avec les OF et détermine lui-même les montants des subventions accordées chaque année. Le montant de la subvention versée en 2001, début de la 1ère période contractuelle, correspond à ce qui était globalement versé auparavant aux membres de l’OF concer-

née. De plus, l’OFAS verse en 2001 les arriérés des subventions encore en attente. • l’art. 73 LAI est introduit dans le cadre de la révision sur la répartition des charges entre la Confédération et les cantons (RPT), amenant ainsi la reprise du subventionnement des institutions par les cantons et la disparition de l’Art. 73 LAI. Ce changement concerne également les différents soutiens à la formation du personnel spécialisé. Mise en œuvre dès l’année 2008, cette petite révolution amène de nombreuses adaptations législatives, des changements structurels ainsi que des modes de subventionnement spécifiques à chaque canton, s’orientant parfois également vers l’élaboration de contrats de prestations.

Réseau romand-ASA

Afin de répondre aux changements exigés par l’OFAS et d’assurer la poursuite de leur subventionnement lié à l’art. 74 LAI, plusieurs organisations indépendantes (associations et fondations) de la région lémanique, souvent non liées à des organisations faîtières actives, se sont regroupées pour créer une nouvelle association. C’est ainsi que naquit en décembre 2000, l’association faîtière Réseau romand-ASA, dont les buts sont les suivants: • assumer le rôle d’association faîtière dans le cadre du subventionnement de l’OFAS; • assurer la gestion des contrats de prestation, dans un esprit de responsabilité et de solidarité; • être un lieu de coordination, de concertation, de réflexion et d’innovation; • être porte-parole et défendre les intérêts de ses membres vis-à-vis de l’administration fédérale, des pouvoirs publics et des organismes privés;


• faire reconnaître la vie associative comme un élément indispensable de l’action sociale. Le Réseau romand-ASA regroupe actuellement des organismes valaisans, genevois et vaudois, et certaines de ses prestations s’adressent à toute la population romande concernée. Sont membres de cette faîtière les associations et/ou fondations suivantes: AGIS, Anyatas, Autrement Aujourd’hui, Caritas Handicap, Cap Loisirs, Project, ASA-Handicap mental, ASA-Valais, ainsi que la revue Pages romandes. Dans le schéma ci-contre, le subventionnement s’effectue de l’OFAS aux OF seulement. Le subventionnement des autres associations membres de l’OF passe par le biais de souscontrats de prestations. Les OF peuvent être amenées à collaborer entre elles ( - - - ) ou à coordonner certaines actions ou prestations communes ainsi que des projets spécifiques. Les membres des OF continuent d’avoir des liens (—) ou à recevoir des subventions de la part de leurs cantons respectifs.

Le contrat de prestations

Reprenant les fondements de l’art.74 LAI , l’OFAS a défini un ensemble de prestations et de conditions qui constituent les bases des contrats de prestations. Les prestations définies sont les suivantes: • Conseil aux personnes handicapées et aux proches • Aide dans les lieux d’accueil • Cours pour personnes handicapées et les proches • Prestations ayant pour objet de soutenir et de promouvoir la réadaptation des personnes handicapées: information et relations publiques, travail de fond, entraide. Les conditions à respecter dans le cadre du contrat portent sur les aspects suivants: • description quantitative des prestations prévues pour la période de 3 années (nombre de cours, de participants, d’heures de conseil, etc.) • faire la preuve du besoin de toute nouvelle prestation ou du développe-

insieme suisse

Office fédéral des assurance sociales OFAS

La Personne d’Abord

Contrats de prestations

Pro Infirmis

Autres organisations faîtières nationales ou régionales

Réseau Romand-ASA AGIS

Sous-contrats de prestations

ASA-Valais

Anyatas Autrement Aujourd’hui

ASA-Handicap mental

Caritas Handicap Cap Loisirs Project Etat de Genève

ment de prestations déjà effectuées (coûts unitaires, raisons, etc.) • rendre compte annuellement des prestations effectuées (controlling), sous forme de statistiques détaillées et d’une comptabilité analytique répartissant les coûts (notamment salariaux) par unité de prestation • respect de conditions qualitatives (structures, personnel, prestations, évaluation) • description du fonctionnement de l’organisme (organe faîtier, organigramme, postes, bénévoles, etc.) D’une période contractuelle (3 ans) à la suivante, il est possible de faire une demande de supplément de subventions correspondant à la preuve d’un besoin en matière de prestations nouvelles ou élargies. Malgré l’apport de cette preuve, il ressort de notre expérience que l’OFAS, disposant de peu de moyens supplémentaires, ne peut généralement pas répondre à la globalité de ce qui est demandé. Il est d’autre part difficile d’augmenter la subvention sans augmenter les prestations, ce qui rend très difficile toute adaptation structurelle ou toute reconnaissance d’un passage d’un fonctionnement bénévole à un travail rémunéré.

Ressources et prestations

En 2007, le Réseau romand-ASA a reçu un montant d’environ Fr. 4’130’000.de subventions de l’OFAS redistri-

Pages romandes Etat de Vaud

Etat du Valais

buées entre ses membres. Plus de 85 postes à plein temps ont pu réaliser leurs prestations, avec l’appui de nombreux bénévoles en plus. C’est ainsi près de 16’700 journéesparticipants qui ont été effectuées par des personnes handicapées de tous âges et dans l’ensemble des activités décrites ci-dessus, soit plus de 720 activités différentes (séjours, week-ends, journées, cours, etc.). Une part importante des prestations concerne le conseil aux personnes et aux proches, l’ensemble de l’information transmise sous différentes formes ainsi que les actions tournées vers un plus large public (évènements, représentations, etc.) qui permettent aux personnes handicapées et aux associations d’être partie prenante de la vie des cités romandes. Si l’argent est souvent considéré comme le nerf de la guerre, il est aussi l’énergie de la créativité et d’une responsabilité qui peuvent se développer par l’attribution de subventions. Et un contrat représente une relation de réciprocité qui devrait donner l’opportunité de faire grandir une confiance éveillée de plus en plus nécessaire dans cette période où l’on a un peu trop tendance à penser que «celui qui paie commande». Pour d’autres renseignements sur le RrASA: ASA-Handicap mental, Sion Tél. +41 27 322 67 www.asa-handicap-mental.ch

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Malheureux au jeu

Les soutiens de la Loterie romande au domaine du handicap Jean-Pierre Rageth, au nom de la Conférence romande des président-e-s des organes de répartition

Parmi les organismes qui financent régulièrement des projets visant à offrir des prestations aux personnes handicapées de notre région, il y a la Loterie romande. Quelle part de son bénéfice, cette société accordet-elle à des réalisations en faveur des personnes atteintes de handicap? Une philosophie et des chiffres commentés par Jean-Pierre Rageth.

Il n’est pas inutile de rappeler que la loi fédérale sur les loteries et paris professionnels, du 8 juin 1923 interdit les loteries et paris sur le territoire suisse, à l’exception de celles organisées par les cantons et pour autant que les bénéfices en reviennent à la bienfaisance et à l’utilité publique. Signalons encore que ladite loi interdit aux cantons de pratiquer une loterie à des fins fiscales on encore au financement de dépenses de droit public. C’est sur cette base que l’ensemble des cantons romands, dès 1937, se sont mis d’accord pour autoriser l’exploitation des jeux de loterie par la Société de loterie de la Suisse romande, au travers d’une convention intercantonale, actuellement la 9e du nom depuis novembre 2005. S’agissant de la redistribution des bénéfices tirés des jeux, les organes cantonaux de répartition ont mis en place des conditionscadre d’attribution des dons de la Loterie romande, servant de charte à l’activité de répartition, dans un souci d’égalité de traitement. Les bénéfices revenant aux cantons sont attribués à chacun d’entre eux, à l’exception du 10% du total, distrait du pactole pour affectation à des projets romands (soit dès que 4 cantons sont concernés). Toujours dans un souci de visibilité, d’égalité et de comparabilité, lesdites conditions-cadre définissent des catégories

communes à tous. Ces catégories sont au nombre de 8, à savoir: • Action sociale et personnes âgées (ASPA) • Jeunesse et éducation (JE) • Santé et handicap (SH) • Culture (C) • Formation et recherche (F&R) • Protection du patrimoine (PAT) • Environnement (ENV) • Promotion, tourisme et développement (PTD) Le domaine qui nous concerne aujourd’hui et celui de Santé et handicap (SH), à propos duquel on trouve ci-après quelques informations. On précisera d’abord que la part «santé» du domaine concerne des actions de prévention, des colloques ou des publications portant sur la promotion de la santé et la prévention des maladies ou des dépendances. La partie «handicap» très largement majoritaire concerne des institutions ou des associations concernées par la vie des personnes atteintes de handicaps de diverses natures. Les données chiffrées de cet article concernent les exercices 2005 à 2007. Le premier tableau (encadré grisé, page 17) illustre les soutiens de caractère romand et leur ventilation selon les catégories, avec indication de l’évolution sur trois ans.

Montants et nombres de bénéficiaires Neuchâtel

Fribourg

Valais

2005

Fr. 105’000 (8)

Fr. 197’100 (17)

Fr. 1’634’500 (34)

2006

Fr. 164’000 (4)

Fr. 146’670 (12)

Fr. 1’661’000 (23)

2007

Fr. 85’000 (4)

Fr. 308’600 (10)

Fr. 1’217’000 (29)

Total

Fr. 354’000F (16)

Fr. 652’370 (39)

Fr. 4’512’500 (86)

Fr. 217’457F (13)

Fr. 1’504’167 (29)

Fotolia

Moyenne annuelle Fr. 118’000 (5.3)

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ASPA JE

SH

C

F&R PAT

ENV

PTD Autres

2005

14% 10% 12% 38% 7%

10%

2%

6%

2006

16%

8% 10% 40% 4%

14%

1%

7%

2007

8%

9% 15% 37% 15%

9%

4%

3%

On constate ainsi que le hit-parade des répartitions intercantonales place le handicap en seconde position, derrière la culture et devant l’action sociale/personnes âgées. S’agissant des montants attribués, on peut relever un montant total pour les 3 années de Fr. 4’586’900 attribué à 38 bénéficiaires considérés comme romands (activité concernant au moins 4 cantons), soit une moyenne annuelle de Fr. 1’530’000 pour un nombre moyen de 13 bénéficiaires. Après avoir analysé la pratique intercantonale, que sait-on de la pratique de chaque organe cantonal de répartition? Les informations qui suivent vont éclairer les montants attribués, les institutions bénéficiaires et les destinations des dons. En examinant le tableau de répartition (encadrés ci-dessous), on constate donc que près de 10 millions de francs sont attribués chaque année à plus de 130 bénéficiaires du domaine du handicap, les cantons les plus largement sollicités étant Genève, Vaud et Valais.

Des bénéficiaires de dons pour quelles destinations? Il convient tout d’abord de préciser que les organes de répartition ne s’assignent pas un budget annuel qui

1%

serait consacré au domaine du handicap. Ils disposent d’un montant global qu’ils affectent aux requêtes qui leur parviennent jusqu’à épuisement de la dotation, les premiers arrivés étant les mieux servis. Les montants attribués ne sont pas des subventions au fonctionnement mais des aides ponctuelles, lesquelles peuvent néanmoins se répéter mais pas plus d’une fois par année. S’agissant tant des institutions bénéficiaires que des destinations des dons, le temps manque pour donner une énumération détaillée, qui serait d’ailleurs fastidieuse. Les personnes intéressées par le détail peuvent consulter le fascicule annuel d’attribution des dons édité par la Loterie romande1. Rappelons également que les dons sont destinés à des organisations privées ne poursuivant pas de but lucratif. De manière très synthétique, on dira que les bénéficiaires sont des institutions d’accueil, des organisations faîtières (par exemple Pro Infirmis, ProCap, insieme, Intégration pour tous) et des associations de défense et de promotion de l’intégration de personnes handicapées de catégories spécifiques (malentendants, autisme, handicapés mentaux, sclérose en plaque, aveugles, etc.)

Les montants attribués concernent le soutien aux activités (sport, peinture, théâtre) d’institutions ou associations. Ils portent également sur la construction, l’agrandissement ou la rénovation d’institutions d’accueil pour personnes handicapées ainsi que l’acquisition de matériel, véhicule ou équipement informatique. Sont également soutenues les campagnes d’information et de promotion à l’intégration, prenant la forme de publication de brochures ou autres supports d’information.

Autonomie et intégration Soucieux de la promotion du bien commun dans leur sphère d’influence, les organes de répartition des bénéfices de la Loterie romande considèrent, s’agissant du domaine du handicap, que les cibles essentielles de leurs soutiens sont l’autonomie et l’intégration des personnes handicapées, qui doivent être considérées en tout temps et sous toutes les formes comme des individus à part entière, à qui notre société doit considération et respect.

Ce document intitulé «fascicule de répartition des bénéfices de la Loterie romande» peut être commandé à l’adresse suivante : www.entraide.ch 1

Vaud

Genève

2005

Fr. 4’071’565 (35)

Fr. 4’259’500 (33)

Fr. 394’950 (20)

2006

Fr. 1’707’000 (22)

Fr. 2’822’340 (29)

Fr. 91’000 (6)

Fr. 8’601’410 (106)

2007

Fr. 1’164’084 (23)

Fr. 3’577’156 (32)

Fr. 406’250 (17)

Fr. 8’093’090 (128)

Total

Fr. 6’942’649 (80)

Fr. 10’658’996 (94)

Fr. 892’200 (43)

Fr. 28’599’615 (396)

Moyenne annuelle Fr. 2’314’216 (27)

Fr. 3’552’999 (31)

Fr. 297’400 (14)

Fr. 9’533’205 (132)

Jura

Total Fr. 11’905’115F (162)

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Voyage en Sibérie

Echange d’expériences avec des associations russes* Pour la délégation, Michel Jeanbourquin, président Cerebral Valais et Olivier Salamin, directeur ASA-Valais

En octobre 2007, les associations ASA-Valais et Cerebral Valais répondaient favorablement à la demande de Barbara Profeta (Association Bridging-Borders) d’accueillir un groupe d’adolescents polyhandicapés russes venant de Sibérie et souhaitant découvrir avec leur famille notre manière de vivre. Partenariat Ce projet est le fruit d’une collaboration entre «SM Charity» et «Cœurs ouverts» en Sibérie, «Bridging-Borders» et «Pro Victimis» à Genève, «Plusport» en Suisse romande, l’Etat et les Assocations «ASA-Valais» et «Cerebral Valais» en Valais.

compétences. Sept représentants de nos associations, des parents, de l’Etat du Valais et de Plusport ont accepté cette invitation à Krasnoyarsk1 avec enthousiasme.

Dépasser les préjugés Selon les informations que nos amis russes nous avaient transmises en octobre 2007, nous nous attendions à rencontrer une situation beaucoup plus dramatique. S’il est vrai que beaucoup de choses essentielles manquent, dans l’ensemble, des structures sont déjà en place. Nous sommes conscients d’avoir assisté à la présentation d’objets récents. A l’image du rythme soutenu de notre séjour, qui nous a conduits de familles en institutions, le développement de solutions nouvelles témoigne d’une volonté et d’une

Cédric Blanc

Ci-dessous: les membres de la délégation lors d’une visite institutionnelle.

Cette demande a constitué le point de départ d’un projet d’échange. Fraîchement engagées dans un processus de mise en commun de leurs ressources, les association ASA-Valais et Cerebral Valais ont trouvé dans ce projet une belle occasion de mettre en pratique le concept de «synergie». Avec l’aide d’une grande partie de leurs partenaires, elles ont mis en place un séjour qui a permis de nombreuses rencontres: visites d’institutions, participation à des fêtes de familles, vernissage, participation à diverses activités de loisirs... Au début de l’année 2008, SM Charity, fondation russe qui a permis la venue du premier groupe, lançait une invitation pour qu’une délégation valaisanne vienne observer le terrain de l’accompagnement socio-éducatif en Sibérie et poursuive les échanges avec la perspective d’un transfert de

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Les professionnels de l’accompagnement Indiscutablement les niveaux d’engagement et de compétence n’ont rien à envier à notre système. Nous serions tentés de dire qu’en Sibérie, nous avons découvert plus de pragmatisme que de théories. La recherche de systèmes D (recherche sur internet, développement du réseau relationnel, etc.) fonctionne bien. La plupart des centres que nous avons visités (et ils sont nombreux), travaillent sur des principes similaires aux nôtres. Par contre, nous n’avons rencontré que peu de centres spécialisés. Au chapitre des différences que nous avons pu noter, l’approche éducative nous a semblé encore très axée sur la «défectologie» et les mesures de correction, alors que nous aurions tendance à aller plutôt du côté d’un accompagnement à l’autonomie. Nous avons ainsi parfois eu l’impression que la correction du défaut était visée, alors que l’adaptation de l’environnement aurait été privilégiée chez nous.

Le rapport aux autorités La relation entre les parents, les associations et les autorités manque à notre

Cédric Blanc - Journée multisports

détermination qui forcent l’admiration. Les manques qui nous ont semblé les plus flagrants, résident dans le peu de moyens auxiliaires et l’absence d’adaptation concernant les barrières architecturales. Même si de nombreux progrès sont encore à réaliser dans nos contrées, nous vivons dans un luxe incroyable par rapport à ces deux aspects.

avis de structure. Par contre, à l’inverse de ce que nous avions entendu, nous avons ressenti de la part des autorités une ouverture et une envie d’améliorer la situation. Nous avons eu l’impression qu’elles étaient parfois aussi elles-mêmes limitées par certaines caractéristiques de leur fonctionnement administratif et politique.

Des parents admirables L’engagement des parents que nous avons rencontrés est exemplaire. Ils se battent pour leurs enfants et le font de manière coordonnée. Pour les parents comme pour nousmêmes, un des temps forts du séjour aura été l’ouverture à l’occasion de notre venue d’un internat-orphelinat. La tension était perceptible de part et d’autre. S’il est vrai que nous avons trouvé un établissement un peu

vieillot et isolé de la ville elle-même, nous avons surtout été accueillis par des enfants souriants et en bonne santé. Finalement ce sont les activités sportives qui nous auront tous réunis que ce soit dans le cadre de la «Coupe Multisports» ou dans l’exercice plus délicat du gorodki.2.

Des projets qui continuent L’accueil s’est révélé très chaleureux, mais nous avons regretté le fait de ne pouvoir que survoler les sujets qui nous ont été présentés. Mais c’est aussi sans doute ce qui nous a donné l’envie de poursuivre l’alternance qui s’est mise en place. En 2009, de nouvelles familles pourront venir en Suisse; elles seront cette fois-ci accompagnées de professionnels qui auront à cœur de découvrir nos pratiques. L’horizon 2010? Nous y pensons déjà sous la forme d’un voyage pour revoir nos amis, mais aussi pour permettre à des personnes en situation de handicap de faire le pas...

Krasnoyarsk est une ville-étape importante du transsibérien qui compte plus d’un million d’habitants. Industrielle, elle est connue aujourd’hui pour ses production dans le domaine aéronautique notamment. 2 Sport qui consiste à lancer un bâton pour démolir des configurations de quilles. * Le compte rendu de notre séjour, ainsi que des renseignements complémentaires peuvent être obtenu auprès des associations Cerebral Valais et/ou ASA-Valais.

Cédric Blanc - Balade en forêt

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Pratique

La création comme choix professionnel

L’atelier artistique de la Fondation valaisanne en faveur des personnes handicapées mentales (FOVAHM) Christian Bidaud, responsable de l’atelier, Saint-Maurice

Pour la petite histoire... L’idée de créer un atelier artistique a germé lors de la visite en juin 2006 de l’exposition «The Minds Power of Symbolic Creation» au musée Paul Klee à Berne, une exposition des peintres de la Escuela Mexicana de Arte Down. Cette école destinée à des personnes vivant avec le syndrome de Down dispose de plus de 200 œuvres d’art reconnues internationalement dont une trentaine était présentée à Berne. Séduit par cette présentation, M. Jean-Marc Dupont, directeur de la FOVAHM lance le projet d’un atelier artistique en affirmant que parmi les personnes accueillies dans la fondation, il devait se trouver un certain nombre de personnes douées pour les Beaux-Arts. La création comme choix professionnel L’expression artistique n’est pas envisagée comme un loisir ou un support à visée thérapeutique mais comme un travail. En se référant au concept de valorisation des rôles sociaux, l’activité est organisée depuis maintenant une année sur les mêmes bases que les autres ateliers de la Fondation (activité professionnelle rémunérée avec le soutien d’un maître socioprofessionnel, des projets individuels avec bilans, suivis, synthèses, réunions d’équipe, système qualité, etc.). Les participants ont été choisis à leur demande expresse tout d’abord et ensuite en fonction de leur envie de s’exprimer et de leurs compétences artistiques. Ils se sont engagés du lundi au vendredi dans la réalisation d’œuvres qui sont triées et archivées. Nous désirons inscrire les travaux des artistes dans le marché économique de l’art c’est-à-dire qu’ils seront présentés dans des galeries reconnues.

Sophie Mottet, fusain (60x40), atelier artistique, FOVAHM

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Le programme des activités Les activités se déroulent selon trois axes: • L’expression personnelle en début de matinée et d’après-midi dans le but d’identifier son mode d’expression original et de cheminer avec le soutien du maître d’atelier. • Les apprentissages pour développer ses capacités de perception, d’observation, de réflexion, d’imagination et d’expression. • La gestion de l’atelier (nettoyages, mise sous cadre, visites, relations entre les personnes, suivis individuels,…). Les apprentissages Pour répondre au besoin de formation tant au niveau pratique que dans les connaissances intellectuelles, un programme a été mis en place sur trois ans dans un environnement ouvert et stimulant avec des visites hebdomadaires d’expositions, des sorties «sur le motif», des études de natures mortes, des contacts avec des artistes, un cours d’histoire de l’art et le recueil d’informations par internet, les vidéos, les revues et les catalogues. Les programmes pour ce tout jeune atelier artistique sont encore en cours d’élaboration. Si vous désirez échanger à propos de cette expérience, voici les coordonnées de son responsable, qui appelle de ses vœux vos réactions: Atelier artistique - FOVAHM Christian Bidaud Gd-Rue 34, 1890 St-Maurice Tél. +24 485 10 50 - www.fovahm.ch

Christian Raboud, fusain (60x40), atelier artistique, FOVAHM


Boîte à outils Un programme d’exercices Une palette d’exercices adaptée aux capacités des artistes de l’atelier est en train d’être créée selon le programme suivant:

noir-blanc gris bleu jaune rouge

composition

primaires secondaires I secondaires II complémentaires I complémentaires II

mandala estampe cubisme unicolore gestuelle

matière

devant-derrière grand-petit ombres valeurs aérienne

couleurs fondamentales

carré rectangle triangle ovale polygone

peinture

clair - foncé

petit-grand hachures doux-appuyé clair-obscur structure

géométrie

découpage vertical-horizontal traçage formats discrimination

perspective

espace

formes géométriques vertical-horizontal épargne frises structures

dessin

contraste

ligne

douce-appuyée sautée-glissée hachures traces du pinceau rythme

composition ornementale

transparent fusain spatule collage plexiglas

Des fiches pour les exercices

L’estompage

Le programme des exercices est inscrit sur un fichier Excel avec des liens hypertexte pour accéder à des fiches au format Word.

L’estompage dans le domaine des Beaux-Arts est l’action d’adoucir, d’ombrer un dessin avec l’«estompe» qui est un petit rouleau pointu, fait de peau, de coton ou de papier. Dans notre travail quotidien, ce mot est employé (M. Louis Vaney, cours de formation interne donnée à la Fovahm, en septembre 07) lorsqu’est diminuée l’aide portée aux personnes:

Exemple: un exercice pour les hachures:

- - Guidance manuelle - - Présentation d’un exemple pour imitation - - Rappel verbal des actions - - Formulation de questions aidantes - - Fourniture d’un mode d’emploi - - Observation silencieuse - - Vérification à la fin - - Aucune médiation Dans la réalisation des exercices, ces différents modes de soutien sont utilisés. Par contre la guidance manuelle n’est pas admise dans l’expression personnelle, ni bien entendu l’intervention directe sur les œuvres.

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INterFace

INterFace, une passerelle de la recherche à l’intervention

Une nouvelle rubrique pour Pages romandes Marie-Christine Ukelo Mbolo Merga, formatrice HEF-TS, membre du comité de rédaction de Pages romandes

De questions en questions…, pour paraphraser les propos de Marie-Paule Zufferey, rédactrice de la revue, dans son édito de septembre 2008… C’est ainsi qu’est balisé le processus de construction de chaque numéro de Pages romandes. Une foule d’interrogations au départ, et en clôture de numéro, des questionnements qui se précisent ou qui complexifient les interrogations de départ. Ainsi, dans son processus d’élaboration, la démarche de Pages romandes s’inscrit clairement dans un esprit de recherche: curiosité, envie de comprendre, recherche de sens, recherche d’une meilleure qualité de vie. Tout au long de ces années, c’est cet esprit qui a guidé Pages romandes, l’a poussé à s’intéresser à la recherche en matière de déficience intellectuelle, avec en point de mire, l’amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec un handicap mental. Dans l’exercice de leur pratique, les professionnels mettent en œuvre des interventions adaptées en prenant appui sur différents savoirs, fruits de la recherche, et en les questionnant à la lumière du principe de réalité. On le voit bien, la réflexion des uns et des autres fait émerger, d’une façon ou d’une autre, les prémisses d’une pratique de demain, ou, au minimum participera à l’évolution des représentations. Ce décloisonnement est nécessaire à la recherche tout autant qu’il l’est à la pratique. La participation régulière de chercheurs de tous ordres à notre revue, proposant une réflexion, partageant un «bout» de leur expertise autour d’une thématique en particulier, témoigne non seulement de cette conviction, mais aussi de la nécessité de cette dimension pour avancer, au même titre que la philosophie, la clinique du quotidien, etc. Les deux dossiers que nous avons consacrés à la recherche sur un laps de temps relativement court (deux ans) sont emblématiques non seulement au niveau de leur contenu, mais par leur existence même, de notre volonté de décloison-

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ner les différents espaces. Comme plusieurs chercheurs, parents ou personnes porteuses de handicaps nous l’ont déjà fait savoir, il est parfois difficile d’avoir accès à l’un ou l’autre des mondes: celui de la recherche, celui de la personne différente, celui des pratiques, etc. Pour décloisonner, il faut créer des passages, «Pas Sages» entre ces différents espaces, dans la mesure de nos possibilités. En effet, les espaces existent déjà, mais les «pas-sages» à imaginer, peut-être se trouvent-ils aussi du côté de chacun d’entre nous. Les mots sont à la fois l’obstacle et le passage. La recherche publie énormément. Encore faut-il que les propos fassent sens pour le citoyen lambda, pour le professionnel en contact avec la personne déficiente intellectuelle, etc. Un constat: je suis bien incapable de dérouler un fil un tant soit peu construit entre les laboratoires et ma réalité de tous les jours, et pourtant, je profite des progrès de cette recherche et je m’en laisse imprégner. En effet, imperceptiblement, au fil du temps, et dans l’air du temps, le discours ambiant se laisse doucement teinter par quelques input, de ci de là, émergeant des «laboratoires». Le langage évolue, le questionnement se fait différent. Nous avons pour preuve l’évolution des représentions autour de la personne avec une déficience intellectuelle, et le cortège de modifications plus que significatives que ces représentations ont engendrées sur la pratique des professionnels, le vécu des familles et des personnes elles-mêmes. La recherche a, en quelque sorte, redonné à la personne handicapée son statut d’être humain à part entière. Décloisonner pour mieux se rencontrer... Dans ce sens, la revue Pages romandes, ne pourrait-t-elle pas renforcer cette démarche de décloisonnement qui ne vise pas uniquement à sortir les chercheurs de leurs laboratoires, mais également à inviter les non-chercheurs, les profes-

sionnels ou toute personne concernée par le handicap, à déplacer son regard, pour ne pas dire ses préjugés? Et pourquoi pas, à modifier quelques-unes de ces représentations? Décloisonner pour mieux se rencontrer. Rencontrer, c’est aller vers celui qui vient. Les laboratoires sont descendus dans la cité depuis longtemps. Peutêtre qu’en face de la recherche, nous pourrions faire un effort nous aussi. Et si nous écoutions ce que les personnes qui réalisent des recherches ont à nous dire, en fournissant un effort d’auto-valorisation? Et si nous étions capables de comprendre? Et si nous pouvions reconnaître que nos peurs ont tendance à grossir le trait quand il s’agit de percevoir le langage de la recherche (c’est compliqué!) ? Et si les professionnels ou futurs professionnels pouvaient se dire qu’ils ont les ressources pour décrire leur processus de «pensés» sous-jacents à l’action? Et si les futurs professionnels en formation considéraient que les travaux qu’ils ont à rédiger en fin de formation leur permettent de développer non seulement un esprit de recherche et une identité réflexive, mais participent également à une meilleure compréhension de la réalité des personnes en situation de handicap? Dès le prochain numéro, Pages Romandes met à disposition des chercheurs, des professionnels qui développent un questionnement pointu autour d’une thématique, et des étudiants terminant leur formation, une plate-forme leur permettant d’accéder à un public varié, et concerné par la déficience intellectuelle. La nouvelle rubrique INterFACE-recherche-intervention est à votre disposition. Faites-en bon usage! Contact : mpzu@netplus.ch


Sélection

La sélection de Pages romandes

Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Handicap mental, approche transdisciplinaire somatique, psychiatrique, psychopédagogique Claude-André Dessibourg Editions Masson-Elsevier, Paris, janvier 2009 Est-il besoin de présenter Claude-André Dessibourg aux lecteurs et lectrices de Pages romandes? Durant l’année 2006, ce neurologue, professeur titulaire à l’Institut de pédagogie curative de l’Université de Fribourg a fait partie des «rédacteurs» réguliers de cette revue, à travers une rubrique intitulée «Les cahiers d’un clinicien». Les vignettes cliniques présentées et analysées à cette occasion étaient déjà habitées par le credo de Claude-André Dessibourg, celui de la transdisciplinarité. Parce qu’il fait le pari de progrès toujours possibles en termes de qualité de vie, notamment pour les personnes en situation de handicap mental, cet homme de science mise sur la «capillarité» des savoirs... Pour une compréhension globale de la personne en situation de handicap, l’auteur propose un triple diagnosticaction: médical, psychiatrique et psychopédagogique. Il s’agit d’une mise à disposition multiaxiale des compétences qui n’ont qu’un seul but: la qualité de vie et la dignité des patients. La neurologie, grâce aux avancées de l’imagerie radiologique, de la génétique et des neurosciences, quitte un champ purement descriptif. La psychiatrie s’occupe de manière plus éclairée des personnes déficientes. La pédagogie développe des prises en charge spécifiques pour tel ou tel handicap. Mais c’est bien à l’interface de ces plaques tectoniques du savoir que se situent, ici et maintenant, les améliorations les plus concrètes: le meilleur moyen de fonctionner avec les outils mis à notre disposition réside dans l’amélioration de notre communication interprofessionnelle. Dans la deuxième partie de cet ouvrage, vingt-six situations cliniques sont présentées d’un point de vue diagnostique et thérapeutique. Elles montrent sans fard les limites des intervenants, les interrogations des pédagogues, les doutes d’équipes parfois trop cloisonnées. Suivant une approche transdisciplinaire, chaque cas est abordé selon un plan systématique: description, pistes, prises en charge neurologique, psychiatrique et psychopédagogique, sans jamais oublier l’indispensable synthèse taillée à la mesure de la personne. Médecins et psychologues, enseignants et éducateurs spécialisés, formateurs, personnels s’occupant d’enfants et d’adultes déficients, associations, parents concernés et infirmières y trouveront non seulement le reflet de leur quotidien mais aussi des pistes et des réflexions pour une action pragmatique.

Où on va papa? Jean-Louis Fournier Editions Stock, août 2008, 150 p. Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi? J’avais honte? Peur qu’on me plaigne? Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c’était pour échapper à la question terrible: «Qu’est-ce qu ils font?» Aujourd’hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j’ai décidé de leur écrire un livre. Pour qu’on ne les oublie pas, qu’il ne reste pas d’eux seulement une photo sur une carte d’invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n’ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange. Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d’une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d’eux avec le sourire. Ils m’ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement. Grâce à eux, j’ai eu des avantages sur les parents d’enfants normaux. Je n’ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n’avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu’ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait: rien. Et surtout, pendant de nombreuses années, j’ai bénéficié d’une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j’ai pu rouler dans des grosses voitures américaines. Pascal, Frida Kahlo et les autres... ou quand la vulnérabilité devient force Charles Gardou Erès, Toulouse, janvier 2009, 224 p. A travers l’œuvre vie de Robert Schumann, Frida Kahlo, Blaise Pascal, Jean-Jacques Rousseau, Fedor Dostoïevski, Joë Bousquet, Helen Keller et Démosthène et bien d’autres figures souvent mythifiées, Charles Gardou donne à voir la place de la vulnérabilité dans toute vie et les ressorts nécessaires pour la surmonter. A l’heure où l’on exalte la facticité, où s’affiche la loi de la force avec indécence, l’auteur rappelle combien l’oubli des valeurs de la fragilité génère mépris et exclusion. A l’instar de Fragments sur le handicap et la vulnérabilité (érès, 2005), il montre que l’homme est d’autant plus fort qu’il se connaît et s’assume vulnérable. Il ouvre ainsi à une intelligence de la fragilité.

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Séminaires, colloques et formation

De la punition à la sanction éducative Philippe Beck Mercredi 18, jeudi 19 mars et mercredi 6 mai 2009 EESP, Lausanne Délai d’inscription: 17 février 2009 Renseignements et inscriptions: EESP - Vaud - Unité de formation continue Ch. des Abeilles 14 CH - 1010 Lausanne formation.continue@eesp.ch Tél. +41 21 651 03 10

Accompagnement socio-éducatif des personnes adultes ayant des déficiences intellectuelles et des personnes atteintes d’autisme Pilar Bianco Cette formation est le fruit d’une collaboration entre l’EESP et Autisme Suisse romande Lundi 25 et mardi 26 mai 2009 Délai d’inscription: 27 avril 2009 Renseignements et inscriptions: formation.continue@eesp.ch Tél. +41 21 651 03 10

Dimensions thérapeutiques dans les interventions de la vie quotidienne auprès d’enfants psychotiques Albert Deseneux Mercredi 13 mai 2009 Délai d’inscription : 10 avril 2009 Renseignements et inscription: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jacquet Tél. +41 26 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch

Autodétermination, du concept à la pratique Manon Masse et Jean-Louis Korpès Jeudi 2 et vendredi 3 avril 2009 Délai d’inscription: 27 février 2009 Renseignements et inscription: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jacquet Tél. +41 26 429 62 70 chantal.caillejaquet@hef-ts.ch

Formations proposées par Appartenances Entre école et élèves migrants: à la rencontre de l’autre? Spomenka Alvir et Mireille Délèze 12, 19 et 26 mars 2009

Maternité, paternité, interculturalité et migration

I. Eiriz 5, 6, 12 et 13 mai 2009 de 17 h15 à 20 h15

Génogrammes et enfants migrants

F. Fleury, M. Polena, I. Eiriz, E. Schnabel et N. Frenck 27, 28 et 29 avril 2009

Francine Rosenbaum 29 et 30 mai, 5 et 6 juin 2009 Vendredi: 17 h 30 - 20 h15 Samedi: 9 h 00 - 16 h 00

Approche psychocorporelle des traumatismes

Ces cours ont lieu de 17 h15 à 20 h15. Ils sont dispensés dans les locaux d’Appartenances, rue des Terreaux 10 CH - 1000 Lausanne Infos et inscriptions: +41 21 341 12 50

Une autre manière de faire M. Cserveny, V. Schmidt-Cuérel et E. Schnabel 4, 5 et 6 mai 2009

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Techniques participatives d’animation de groupes multiculturels


Donnons-nous la parole! RENCONTRES

PROFESSIONNELS, PARENTS ET PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP Dates et lieux des prochaines rencontres Canton

Dates

Horaires

Lieu

Animation

Valais

Ma 17.02.2009 18 h 00 à 20 h 00

Ecole primaire Martigny

Olivier Salamin

Jura

Jeu 19.02.2009 17 h 00 à 19 h 00

Rest. du Jura, Bassecourt

Jean-François Deschamps

Vaud

Me 25.02.2009 17 h 00 à 19 h 00

HEP-Vaud, Lausanne

Viviane Guerdan

Membres ASA-Handicap mental: gratuit / non membres: Fr. 10.-- par rencontre Renseignements, inscription et programme complet:

ASA-Handicap Mental www.asa-handicap-mental.ch - asa-handicap-mental@bluewin.ch - Tél. +41 27 322 67 55 Les comptes rendus des rencontres précédentes sont publiés sur le site www.asa-handicap-mental.ch (page d’accueil)

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