PAGES ROMANDES - Spécial 50e

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Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée

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Spécial 50

No 5 décembre 2009


Impressum - Pages romandes

Sommaire

Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de L’Espérance, 1163 Etoy

Dossier : Spécial 50e

Conseil de fondation Président: Charles-Edouard Bagnoud

2 L’invité Carlos Kenedy

31 Autour de la Table ronde Marie-Paule Zufferey

3 L’édito Charles-Edouard Bagnoud

32 Entre euphorisation et misérablisme, le difficile équilibre Entretien avec Henri-Jacques Stiker

Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch

4 Au bal des clowns Yann Hulmann

Comité de rédaction Membres: Corinne Mellana Campiche, Marie-Christine UkeloMbolo Merga, Jean-Daniel Vautravers, Michel Bellego, Olivier Salamin, Valérie Schauder Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

6 L’intégration professionnelle vue par des employés en situation de handcap Nicole Hauck Bernard

Parution: 5 numéros par an Tirage minimal: 800 exemplaires Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre. Abonnement annuel - Tarifs CHF Suisse 45.– AVS, Etudiants 38.– Abonnement de soutien 70.– Etranger 35 euros Publicité et annonces - Tarifs CHF 1 page 800.– 1/2 page 500.– 1/4 page 250.– 1/8 page 125.– 1/16 page 50.– Tarifs spéciaux pour plusieurs parutions. Gratuit: les demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes. Délai d’insertion 2 semaines avant parution. Compte bancaire Banque Cantonale du Valais, 1951 Sion. En faveur de K0845.81.47 Pages Romandes Compte 19-81-6 Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordonnées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-François Deschamps 108, rue 1re Armée F - 68800 Thann Graphisme Claude Darbellay, www.saprim.ch Impression Imprimerie Saprim Crédits photographiques Mir’Arts -Image de couverture : Michel Jacobeus Singularités, Cédric Blanc, Gianluca Colla Yann Hulmann, Association Actifs, Solidarité-Handicap mental Michelle Pasquier, La Faranthèse, Creahm, Pascal Greppin, Henri-Jaques Stiker, Philippe Richard N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction. La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source. © Pages romandes

8 Solidarité-Handicap mental fête ses 50 ans Isabel Messer 10 Singularités Jean-Christophe Pastor 12 La Faranthèse Michelle Pasquier et M-G. Dessibourg 14 Compagnie Pixels Audrey Bestenheider et Florence Fagherazzi 16 Mir’Arts, le reflet de nos différences Verena Batschelet Asa - Handicap mental, Sion 20 Creahm, un lieu de création Laurence Cotting et Sylvie Jungo Genoud 22 Quand le sport joue la carte de l’intégration Cédric Blanc 24 Du Fair Play et du sport Monique Bassin 26 « J’aime la vie en général » Textes collectifs de l’atelier du 50e 28 « J’aime Pages romandes en général » Olivier Salamin 29 Zig Zag jubilatoire Sébastien Delage 30 Emulation…Emulsion Marie-Christine Ukelo

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Vie en famille et accueil en établissement spécialisé pour les personnes handicapées adultes Maurice Jecker-Parvex

36 Sélection Loïc Diacon


L’invité L’Egalité au quotidien « Oui, les chaises roulantes, au même titre que les vélos, sont tolérées dans nos bus »

Carlos Kenedy, Collaborateur au Bureau fédéral Egalité-Handicap (BFEH)

« Oui, les chaises roulantes, au même titre que les vélos sont tolérées dans nos bus». Cette réponse m’a été donnée en 1994 par les Transports Publics Lausannois ( TPL ). Maladroite, équivoque, elle m’a confronté pour la première fois à ma nouvelle condition de « personne handicapée » et à un sentiment  d’ (in)égalité. 15 ans plus tard, sur la base de mes expériences personnelles et professionnelles, je me fais les réflexions suivantes sur l’égalité. Egalité et intégration Pour qu’un processus d’intégration aboutisse, la volonté d’intégration doit être présente à la fois chez la partie qui intègre et chez celle qui sera intégrée. De mes premières années en tant que personne handicapée, j’ai le souvenir que l’effort d’intégration était avant tout demandé à la personne elle-même. Ainsi, c’était principalement à moi (à mon entourage) - et à quelques structures de soutien existantes - de me débrouiller pour trouver un logement accessible, pour bénéficier une fois, exceptionnellement, d’un bus sans marches ou encore pour justifier le besoin d’un soutien particulier pour suivre des cours. Un des effets du droit de l’égalité des personnes handicapées est d’apporter un regard complémentaire sur ce processus d’intégration. Il rappelle que la capacité d’une société à intégrer certaines catégories de sa population est variable et que selon les mesures prises elle tendra à les intégrer ou à les exclure. Aujourd’hui, l’existence de normes sur la construction sans obstacles et sur l’accessibilité des transports publics, ou encore la reconnaissance de besoins spécifiques pour des étudiants handicapés favorise sensiblement l’intégration des personnes handicapées. L’égalité des personnes handicapées comme une évidence difficile à cerner La modification de la constitution suisse, l’introduction de la LHand ou encore les débats sur la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ont permis de donner au thème de l’égalité des personnes handicapées une visibilité. Ainsi, on admet aujourd’hui assez facilement que ces dernières revendiquent comme n’importe quel autre citoyen un droit au logement, à la mobilité ou encore à la formation. Dans ce sens, le droit de l’égalité des personnes handicapées est aujourd’hui généralement reconnu, même si son 2

application, elle, ne va pas encore de soi dans tous les domaines. En même temps, le droit de l’égalité des personnes handicapées reste une réalité parfois difficile à cerner. Les raisons sont peut-être les suivantes : premièrement, les «personnes handicapées», sont un groupe hétérogène; les difficultés et les ressources sont différentes selon les individus, mais aussi selon que le trouble est physique, sensoriel, psychique ou mental. Deuxièmement, l’égalité est recherchée dans des domaines très différents : constructions, transports publics, formation ou encore prestations. Troisièmement, de cette diversité de domaines découle une diversité d’interlocuteurs - communaux, cantonaux, fédéraux, prestataires publics ou privés et d’horizons et de formations très différents. Enfin, l’égalité passe par l’élimination d’obstacles de nature différente : relationnel (en particulier avec des personnes psychiquement ou mentalement malades), physique (une pente trop pentue pour l’utilisateur d’une chaise roulante), technique (un site internet non accessible à la personne malvoyante), organisationnel (le cours que la personne dépendante de soins ne pourra pas suivre simplement parce qu’ayant lieu en résidentiel ou tôt le matin). De plus, ces derniers obstacles (organisationnels), sont par nature moins visibles, dilués dans des habitudes/logiques de travail et de pensée difficiles à remettre en cause; leur identification pose donc plus de difficultés et une attention plus particulière devrait leur être accordée. (Après-) demain ? Dans ces conditions, si le droit à l’égalité bénéficie d’une certaine visibilité, il semble qu’aujourd’hui cela s’observe avant tout au niveau de nos institutions politiques et administratives. Les impatients - dont je suis - regrettent qu’il ne soit pas encore plus présent ou prioritaire dans l’esprit des personnes handicapées elles-mêmes, des associations qui les défendent et chez le quidam. Pour qu’elles le deviennent, le travail d’information et de sensibilisation doit bien sûr continuer, particulièrement en multipliant les possibilités de rencontre entre personnes handicapées et non handicapées. De sorte que l’égalité soit mieux connue et comprise non seulement par nos autorités, mais surtout dans nos rapports au quotidien avec nos concitoyens. De sorte aussi que dans x années, la réponse donnée par les TPL puisse être évoquée comme une sympathique anecdote d’un autre temps.


Edito 50 ans de Pages romandes D’un passé de pionnier à un avenir à réinventer

Charles-Edouard Bagnoud, président du Conseil de fondation

A mots ouverts Marie-Paule Zufferey, rédactrice C’est l’ultime de la parole Que l’impuissance à dire Emily Dickinson

Elles sont la raison d’être de Pages romandes. C’est donc tout naturellement que les personnes avec une déficience intellectuelle occupent une place d’honneur au sein des manifestations organisées à l’occasion du 50e anniversaire de la revue… Dans ce numéro spécial, elles prennent la parole ; entrouvrent les portes de leur univers ; disent leur quotidien; donnent à contempler, à travers des œuvres picturales, leur vision des choses et du monde. Quel regard les personnes handicapées posent-elles sur notre société, son organisation, ses exigences, ses règles? De la place qui est la leur, comment comprennent-elles le concept d’intégration dont nous nous gargarisons si volontiers? Et finalement, n’aurions-nous pas quelque chose à apprendre de leur manière d’être au monde? Si ces questions vous paraissent légitimes ou fertiles, je vous invite à lire avec attention les témoignages de ces cahiers. Au-delà des mots, entre les lignes et dans les marges, vous y trouverez sans doute quelques ébauches de réponses, capables d’ouvrir d’autres perspectives à notre mode de vivre ensemble.

Considéré à l’aune de la région francophone de notre pays, le cinquantième anniversaire de Pages romandes représente à plus d’un titre, une aventure exceptionnelle : • Elle illustre merveilleusement bien l’esprit « pionnier » des initiateurs de cette revue, tous passionnés par la promotion et la défense des personnes vivant avec une déficience intellectuelle, à une époque où les moyens à disposition étaient très éloignés de ce qu’ils sont aujourd’hui. • Elle laisse ensuite la trace et le témoignage, à travers ce demi-siècle, de ce que furent l’évolution des concepts de prise en charge et d’accompagnement ainsi que les principales réflexions liées à ce domaine. • Elle fait encore office de lien privilégié entre spécialistes et profanes, jouant ainsi un rôle de vulgarisation de thèmes ou de visions parfois difficilement accessibles à un public non initié. • Elle apporte enfin, de par sa longévité et sa qualité, de la reconnaissance et du crédit à tout ce qui touche au monde du handicap mental et de la pédagogie spécialisée. Si ce passé nous rend fiers et nous permet de mesurer le chemin parcouru, l’avenir ne nous donne pas, pour autant, des gages de pérennité, notamment au niveau financier. Après de nombreuses sollicitations, tant vers le domaine privé (médecins, thérapeutes... ) que le domaine associatif (INSOS n’a malheureusement pas saisi l’opportunité de faire de notre revue son organe officiel), nous avons acquis la conviction que seules les institutions, principalement en contractant de nombreux abonnements, pour leurs équipes et leurs proches (Conseils de fondations, Comités d’associations,…) peuvent porter Pages romandes sur le long terme. Et si nous avons acquis cette conviction, c’est que nous croyons à l’intelligence des directions qui doivent être conscientes que la disparition de ce média serait une immense perte pour le monde du handicap mental en Suisse francophone. Cette disparition serait d’autant plus regrettable que certains projets liés à la recherche sur le handicap mental, notamment celui en réflexion au sein des grandes institutions vaudoises, pourraient bénéficier, avec Pages romandes, d’un organe de publication confirmé et reconnu. Les défis du futur sont donc posés. Pages romandes vient de franchir un cap très honorable qui ne doit pas constituer l’automne de sa vie mais qui, au contraire, doit lui permettre de réinventer son avenir.

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Au bal des clowns Clowns Ensemble, une démarche intégrative

Yann Hulmann, journaliste, Neuchâtel

«Bonjour les clowns!» Lyne-Claude, 43 ans, se dépêche, glisse le fil blanc derrière ses oreilles, ajuste son nez rouge et se lance dans un demi-tour: «Bonjour les clowns!» Debout, disposés en cercle dans la petite salle des Ateliers sylvagniens, huit clowns, avec pour seul accessoire un nez rouge, se saluent, s’enlacent, s’embrassent. C’est la seconde fois que cette petite troupe se retrouve à Savagnier, dans le Val-de-Ruz. Initiés par Eddy Blandenier, formateur en travail social, et Véronique Mooser, coordinatrice du projet, les ateliers Clowns Ensemble réunissent depuis septembre personnes handicapées et valides autour du clown qui sommeille en chacun de nous. «La première fois, j’avais quelques appréhensions», reconnaît la Chaux-de-Fonnière Mirjam, 46 ans. «Je ne savais pas comment le premier atelier avec les personnes handicapées allait se passer. Mais, finalement, cela a été tout de suite très naturel.» La rencontre n’a pas pour autant été improvisée. Dans le cadre d’une première phase, Eddy Blandenier et Véronique Mooser ont travaillé avec les personnes valides (lire ci-contre) afin de les préparer à tenir leur rôle d’animateurs dans les ateliers suivants. Pour un résultat assez bluffant. Oubliés, les a priori des animateurs, disparue la timidité des participants. Après deux séances, les inconnus d’hier se parlent déjà comme des amis de longue date. «Cela devrait être tous les jours comme ça», glisse Sandra, 49 ans, de Marin-Epagnier. «On est tous différents. C’est normal. Mais ensemble, on est bien.» Sur le parquet de bois clair, les huit animateurs* et participants* se sont lancés dans un ballet. Un échauffement tantôt rapide, tantôt lent et presque aérien. «Vous entendez? Ecoutez comme ça grince», chuchote Eddy Blandenier. Vêtu d’un veston rouge vif, au col bleu plus sobre, et affublé d’un chapeau jaune à brillants, il dirige pour ce soir la manœuvre. « C’est un passage extrêmement important », détaille le formateur. « Un travail de recentrage sur soi, 4

d’appropriation des lieux. Cela a un effet apaisant et permet de reconstituer le groupe, la confiance en soi, en l’autre.» Dans un coin de la petite salle, où l’on devine chapeaux étranges, étoffes de couleurs, et autres accessoires de spectacles, Pierre, 58 ans observe, silencieux. Au centre, les huit acteurs du jour, sans leur nez rouge, se répartissent une série de longues et fines tiges de bois. Deux par couple. «Du bout des doigts...», invite Eddy Blandenier, un bâton à la main. Très concentré sur ses gestes, Antoine, 45 ans, ne quitte pas du regard Colette, sa partenaire. Ils balancent de gauche à droite. Les bâtons s’élèvent au bout des index, un duo passe en dessous. Doucement, les bois ondulent, les couples se baladent. «On se retrouve dans l’expression corporelle et non verbale», note Véronique Mooser. «Si l’on ne partage pas l’instant avec l’autre, en étant conscient de lui mais aussi de soi, le bâton tombe.» L’échauffement se termine. «On se retourne et on enfile les nez sans se     regarder», reprend Eddy Blandenier. « Comment ça va les clowns ?» Avec ce petit rituel, le formateur joue sur la notion de clown collectif. « Cela permet que l’on fasse quelque chose tous ensemble. Que l’on n’ait pas l’impression d’être mis en scène et regardé par les autres. Cela permet d’évacuer les stéréotypes du clown qui fait des grimaces, se jette par terre. Que l’on ne les retrouve plus ensuite sur scène dans l’exercice d’improvisation.» « Cela fixe aussi des repères », ajoute Véronique Mooser. « Quand est-ce que l’on met son nez de clown? Lors des ateliers et pas à la maison par exemple ». «Maintenant dites-vous au revoir, les clowns», interrompt Eddy Blandenier. Avec Véronique Mooser, ils installent ce qui ressemble à une scène. On tire deux premiers paravents de bois aggloméré. Un troisième délimite l’arrière de la scène. Devant les chaises installées sur deux rangées, LyneClaude allonge sur le sol une corde jaune à

pois rouges. La séparation symbolique entre le public et la scène. « Vous allez passer par deux », explique Eddy Blandenier qui dispose deux minuscules tabourets sur la scène. «Vous allez vous choisir un chapeau et l’un des deux clowns va prendre un objet qu’il viendra présenter à l’autre.» Premiers volontaires, Grégoire, 34 ans, de Chézard-Saint-Martin et Elisabete, 39 ans, s’engagent derrière le décor. Elisabete en revient avec une casquette bouffante multicolore. Elle s’assied et attend. Grégoire réapparait enfin avec un minuscule chapeau noir et une cordelette orange fluo. «Des lunettes?» «Un papillon?» Va pour des lunettes-papillon. Les duos s’enchaînent. Grimaces, rires, devinettes et applaudissements se suivent. Pierre, qui s’était fait discret jusque-là, se lance. Une saynète sensible et touchante avec Véronique Mooser. «C’est magnifique!», félicite Sandra. «C’est vraiment ce dont j’avais besoin», confie, de son côté, Colette, 56 ans. «On ressort tout ce que l’on a de l’enfance. Il n’y a pas de jugement. Toute la joie est spontanée.» Une joie contagieuse qui se prolonge jusqu’au repas pris en commun après l’atelier. On y livre son sentiment sur la soirée et échange encore un moment. Les nez de clown ont disparu, la spontanéité du personnage pas encore tout à fait.

Clowns participants  Personnes en situation de handicap : Pierre, Antoine, Elisabete, Lyne-Claude, Sandra. Clowns animateurs : Grégoire, Mirjam, Colette, Marie-Hélène.


Pilote, le projet Clowns Ensemble ambitionne de mettre sur pied une troupe de clowns composée de personnes valides et de personnes en situation de handicap. Une démarche qui vise à ouvrir le monde du handicap mental sur l’extérieur, sur le « monde valide ». « C’est à l’occasion d’une rencontre avec des éducateurs dans le Midi de la France que j’ai découvert pour la première fois une troupe de clowns composée de personnes handicapées», raconte Eddy Blandenier. «Cette expérience a eu beaucoup d’impact. Je me suis rendu compte de la proximité qui existe entre les personnes en situation de handicap mental et le clown. Pas dans le sens du spectacle ou celui de la comédie. Mais dans ce qu’elles ont de tellement spontané. Ce lien direct entre les dimensions psychologique et corporelle, par exemple. « Attention, le clown n’est pas un but en soi, mais un moyen pour créer une relation et de partager des moments de création par ce mode d’expression », précise Eddy Blandenier. « Ce n’est donc pas la technique qui prime, mais davantage l’approche sensible et spontanée du clown. » Des liens entre les différences

Sept journées complètes, réparties de septembre 2008 à juin de cette année, auront été nécessaires à la formation des anima-

peine qu’une personne en situation de handicap mental à garder le silence lors des exercices de communication non verbale.» Les personnes intéressées par la démarche de Clowns Ensemble, qui associe expression, création et animation intégrative, peuvent prendre contact avec l’association ARC en JEU aux adresses suivantes : veronique.mooser@ne.ch arc.en.jeu@bluewin.ch Eddy Blandenier Rue du Four 5 2065 Savagnier 032 853 43 66 032 724 06 41

Photos : Yann Hulmann

Une école de vie

teurs de Clowns Ensemble. Une trentaine de personnes, partagés en deux groupes, ont participé aux réunions mises sur pied aux Ateliers sylvagniens, à Savagnier ( NE ) par Eddy Blandenier et Véronique Mooser. Au final, vingt d’entre elles ont choisi de poursuivre l’aventure. «Nous avons eu beaucoup de désistements naturels, explique Eddy Blandenier. C’est immanquable lorsque l’on doit fixer des dates pour un nombre important de participants. Les gens sont pris par d’autres activités, théâtre, sports...» Quant au déroulement de cette première phase : « Certaines personnes se demandaient au départ ce qu’elles faisaient là. Elles n’étaient plus forcément sûres d’elles. C’est normal», souligne Eddy Blandenier. «Nous avons travaillé de la même manière que nous le faisons aujourd’hui avec les personnes handicapées. C’est pour ça que les animateurs sont assez à l’aise avec les participants. Ils sont directement dans l’action. Le travail est souvent plus facile avec les personnes handicapées qu’avec les personnes valides. Mon expérience de formateur m’a montré qu’une personne valide a souvent plus de

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L’intégration professionnelle vue par des employés en situation de handicap Témoignages recueillis par Nicole Hauck Bernard, association ACTIFS

Trois adultes vivant avec une déficience intellectuelle ont joué le jeu des questions / réponses sur leur vie professionnelle en intégration dans des entreprises genevoises. Trois personnes qui ont en commun le désir et la volonté de se sentir intégrés dans notre société; volonté qui les a encouragé à pousser la porte de Project*. Trois parcours qui bénéficient d’un placement, d’un accompagnement et d’un suivi professionnels personnalisé. «Les hommes construisent trop de murs, et pas assez de « ponts », relevait Isaac Newton. La démarche de Project, tend justement à faire un pied de nez à cette affirmation, en tendant des passerelles entre le monde du handicap et celui du travail; deux mondes que l’on pourrait croire très éloignés l’un de l’autre, mais qui ne le sont parfois que d’un souffle, celui de la détermination d’ouvrir la porte à l’autre, quelle que soit sa différence. * En mai 2009, l’association Project a fusionné avec l’AFCAHP. Ces deux entités genevoises, existantes depuis respectivement 1985 et 1995 et ainsi regroupées forment dorénavant l’association ACTIFS.

Décrivez-nous votre histoire professionnelle I.L.  J’ai commencé à travailler d’abord sans l’aide de Project. J’ai fait plusieurs stages dont un chez un vétérinaire comme assistante, puis deux autres à Clair-Bois, au secrétariat et à la cafétéria. Ça fait plus de 10 ans que je travaille dans la petite enfance, avec des expériences dans différents lieux. T.M. J’ai travaillé à Genève, au CIP ( Centre d’Intégration Professionnelle ) au début, mais j’ai aussi été serveuse à Pro, qui est une entreprise sociale, pendant environ 1 an ½. Depuis que je suis arrivée à Project, en 2006, je travaille dans la même entreprise en tant qu’aide de bureau. S.M.  J’étais pendant 10 ans chez un traiteur qui a dû fermer son magasin. Après, pendant un mois, j’ai fait un stage chez un boucher. Maintenant, je suis en stage chez un boulanger et j’espère pouvoir rester dans ce nouveau travail. Toutes ces expériences, je les ai faites avec le soutien de Project.

Pourquoi avoir choisi le métier que vous pratiquez? Née en : 1981 Assistante de vie en garderie en emploi à 50% Dans ce domaine depuis 1998 A Project depuis 1998

Les buts d’ACTIFS sont :

-promouvoir la formation continue et l’intégration professionnelle; -rechercher des solutions qui favorisent la valorisation des rôles sociaux; pour des personnes vivant avec des limites de capacités intellectuelles. Plus d’infos sont disponibles sur le site : www.actifs-ge.ch

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Isabelle Loth :  Dans ma famille, on est tous dans le milieu de la petite enfance ou dans l’enseignement. D’entendre parler mes sœurs et ma mère, ça m’a donné envie de faire comme elles. Quand j’en ai parlé à Project, on m’a proposé un stage et j’ai tout de suite adoré. C’est devenu une évidence que je voulais faire ce travail.

T.M. J’aimais bien travailler comme serveuse, mais j’ai eu des soucis d’allergie qui m’ont obligée à changer de métier. C’est une voisine qui m’a parlé de Project, et c’est un peu par hasard, parce que j’ai fait des cours de secrétariat, que Project m’a proposé un stage dans un bureau. J’ai tout de suite aimé les tâches et l’ambiance. En plus, c’est un métier que je peux faire malgré mes soucis d’allergie. S.M. Parce que j’aime beaucoup cuisiner, et manger aussi.

Avez-vous rencontré des difficultés dans l’apprentissage de votre métier? I.L. J’ai eu beaucoup de mal à éplucher les pommes que je devais préparer pour le goûter. J’ai passé beaucoup de temps, avec Project d’abord, pour acquérir les bons gestes, mais aussi seule ensuite, à m’entraîner. Maintenant, je sais le faire, mais c’est quelque chose que je dois faire régulièrement pour ne pas oublier. T.M. Comme j’étais très timide au début, c’était difficile de parler au téléphone, je parlais tout doucement. S.M. La seule chose difficile pour moi, ça a été de réussir à fermer un croissant au jambon. Mais une fois que j’y suis arrivé, je suis devenu responsable de la préparation des différentes pièces de pâtisseries.

Comment s’est passée votre formation? I.L. Mes collègues m’ont toujours donné des conseils sur comment me comporter dans les différentes situations que je rencontre avec les enfants. En plus, il y a les visites régulières de Project, ainsi que les cours théorique sur la petite enfance qui sont donnés depuis quelques années dans les


bureaux de Project. Parallèlement à tout ça, je viens d’obtenir une attestation fédérale en tant qu’employée en intendance qui me permet d’être à l’aise avec les tâches techniques comme les nettoyages et la préparation des goûters. T.M. Quand il y a des nouvelles tâches, mes collègues m’expliquent et je leur pose des questions si besoin. Et je viens de commencer une formation pour obtenir une attestation fédérale professionnelle comme employée de bureau. Né en : 1962 Aide de cuisine en stage à 50% Dans ce domaine depuis 1998 A Project depuis 1998

Stephen Mann :  Depuis que je suis en stage dans la boulangerie, je demande beaucoup à mes collègues si ce que je fais est juste. Ma conseillère de Project, vient régulièrement et discute avec mes chefs pour s’assurer que tout va bien. Même si je pratique toujours le même métier, travailler chez un traiteur ou pour un boulanger, ce n’est pas pareil. Il y a des choses que je sais faire et d’autres que je dois apprendre.

Vous est-il déjà arrivé de vous remettre en questions, d’avoir des envies de changement? I.L. C’est vrai que ça fait 9 ans que je travaille avec des enfants… Ça m’est arrivé d’avoir des envies de changements, mais je n’ai jamais remis en question le fait de travailler dans la petite enfance. Quand je travaillais en crèche, je trouvais le travail plus stressant, j’avais moins l’impression d’être utile. Par contre, depuis que je suis dans un jardin d’enfants, je me sens mieux dans mon travail, il y a moins d’horaire à respecter et cela me convient mieux. T.M. Depuis que je travaille dans un bureau, je n’ai pas encore eu l’envie de changer. Pour l’instant, je suis bien là-bas et j’aime les tâches qu’on me confie. S.M. Au début, le métier que je rêvais de faire, c’était travailler avec les chevaux, en tant que palefrenier, mais depuis que j’ai fait ma formation en cuisine, je n’ai plus jamais

eu envie de changer de métier.

Quelles sont les principales différences que vous avez constatées, entre des expériences professionnelles en milieu protégé et une activité intégrée en entreprise ? Qu’est-ce qui vous convient le mieux ? I.L. Je préfère nettement maintenant. Je n’aimais pas avoir tout le temps quelqu’un derrière moi, ce qui a été le cas quand j’étais en poste protégé. J’apprécie de travailler avec des enfants et d’avoir des collègues « normales ». Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être là où je dois être, je ne voudrais être nulle part ailleurs. T.M. C’est tellement différent que c’est impossible de dire lequel je préfère. Etre serveuse, c’est plus physique, alors que de travailler dans un bureau, on est souvent assis. S.M. Pour moi, travailler de manière intégrée, ça veut dire que je suis un professionnel et que je maîtrise mon métier. J’ai dû l’apprendre, alors qu’on n’a pas forcément besoin d’être formé pour travailler dans un atelier protégé. J’ai travaillé dans un atelier protégé il y a très longtemps. J’aimais bien, mais au bout de quelques années, j’en avais assez, j’avais envie d’être comme les gens normaux. C’est à ce moment que j’ai fait une formation élémentaire d’aide de cuisine à l’Auberge des Montagnards, et c’est à la fin de cette formation que Project est arrivé, pour faire avec moi un vrai projet professionnel.

Pourriez-vous nous relater une anecdote professionnelle qui vous a marqué - e ? I.L. C’est pas tout à fait lié au travail, mais il y a quelques mois, j’ai croisé par hasard une fille d’une dizaine d’années avec sa mère et elles m’ont reconnue car je travaillais dans la crèche où cette fille allait ! Ça ma fait rudement bizarre et super plaisir en même temps. T.M. On passe tout le temps des bons moments et ça m’est difficile de choisir entre toutes. Dans l’ensemble, je travaille dans une ambiance joyeuse et tous mes collègues sont très chouettes.

ou la qualité de mon service et je dois dire que ça m’arrive souvent.

Comment vous imaginez-vous dans 10 ans? I.L. Je ne connais pas la réponse. J’espère faire la même chose, idéalement là où je travaille aujourd’hui, avec les mêmes collègues mais ça, je sais que ça ne sera pas possible, une des mes collègue part en retraite dans quelques années. T.M. Pour l’instant, je suis bien où je suis, et on verra pour le reste. Je voudrais déjà finir ma formation et pourquoi pas me lancer dans un CFC. Dans l’idéal, j’aimerais bien aussi me passer de ma rente AI, mais pour le moment, je ne pourrais pas faire sans elle. S.M. Difficile de répondre. J’imagine que, comme aujourd’hui, on ne reste pas toujours dans la même entreprise, je découvrirai encore une nouvelle place de travail, à Genève, ou ailleurs peut-être. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Peut-être que je serai intéressé par un autre type de métier que la cuisine, pourquoi pas avec des animaux, ou des enfants ? Pour le moment, je suis chez le boulanger, et je préfère voir les choses au jour le jour.

Et la retraite, vous y pensez ? I.L.

Je ne pense pas aussi loin dans le futur. Née en : 1987 Aide de bureau en emploi à 90% Dans ce domaine depuis 2006 A Project depuis 2006

Tania Mautone :  Je rêve de passer ma retraite à Hawaï, mais c’est encore très loin… je n’ai que 22 ans. Il me faut attendre encore 43 ans ! S.M. C’est dans une vingtaine d’années. Peut-être que j’aurai envie de continuer de travailler, même après la retraite, et peut-être que j’aurai envie d’arrêter tout pour bien en profiter.

S.M. J’apprécie particulièrement quand les clients me remercient pour mon travail 7


Solidarité -Handicap mental fête ses 50 ans Flash-back sur 17 ans de débats avec les personnes mentalement handicapées.

Réflexions tirées des archives de Solidarité-Handicap mental : différents orateurs entre 1992 et 2009

Isabel Messer

Cette année, Solidarité Handicap mental fête aussi, très discrètement, son 50e anniversaire, puisque les sections romandes de l’ASA suisse ont vu le jour en même temps qu’est né leur journal Pages romandes.

Des revendications « On ne parle pas de nous normalement, on parle de nous comme si on était des gosses.» Sur le plan psychologique, on nous a toujours pris pour des gamins ! On a le droit de dire ce qu’on pense. Il faudrait que les professionnels se mettent à notre place… Depuis le temps qu’ils font des cours… ils n’ont rien compris ! On ne doit pas nous traiter comme des vieux chiffons ! La société doit apprendre à vivre avec nous, comme nous avons appris à vivre avec eux ! Mais quand tu n’as pas d’argent, tu n’existes pas ! Est-ce qu’on est un adulte, quand on a 50 centimes en poche ? »

A l’époque, nous étions la section vaudoise de l’ASA et il y aurait nombre de précurseurs, de visionnaires et de militants auxquels nous pourrions rendre hommage. Nous sommes heureux que l’anniversaire de Pages romandes nous donne l’occasion de mettre en lumière l’un de nos combats les plus chers : donner la parole aux personnes mentalement handicapées ou en situation de déficience intellectuelle, pour mesurer le chemin parcouru ! Les extraits que nous avons choisis sont un florilège des réflexions, analyses ou coups de gueule exprimés par nos collègues handicapés, lors de congrès, cours, conférence que nous avons organisés ou auxquels nous étions invités. Depuis 17 ans, des dizaines de personnes ont exprimé publiquement leurs rêves, leurs revendications et leur façon de voir le monde et la vie. Sans conteste, ces précurseurs nous ont permis de changer radicalement notre manière de considérer le handicap. Ensemble, nous ressentons une certaine fierté d’avoir été les pionniers de cette autodétermination.

- Lorsque nous osons prendre la parole, nous prenons un risque. J’ai témoigné dans un congrès sur mes conditions de travail en atelier protégé. Mon chef n’est pas venu, il ne s’est même jamais intéressé à ce que je faisais. Mais nous avons publié les actes du congrès et quelqu’un lui a photocopié mon texte, alors que je ne disais pas où je travaillais. Après, j’ai véritablement été harcelé. L’autre jour, je lui ai dit: «toi tu as un syndicat pour te défendre, nous devons aussi avoir une association pour nous défendre», mais il n’accepte pas. - Je propose qu’on puisse dire aussi aux professionnels ce qui va et ce qui ne va pas, pas seulement aux personnes handicapées. - Il y a toujours des lois pour tout le monde, on est bien d’accord, mais il y a une chose qui est restée injuste, c’est qu’on ne se prend pas le droit de se marier. Parce que deux rentes AI individuelles, c’est déjà difficile, mais une rente de couple, on ne vit plus ! Ce n’est pas normal ça. On voudrait se marier comme tout le monde.

- Je veux pouvoir voter ! Il y a quelque temps, j’ai signé une initiative pour demander plus - Depuis 20 ans, je crie ça: les éducateurs, de garderies. Je suis fière d’avoir signé, parce ils ne donnent pas de confiance, ils ont tou- que ma signature est valable. En fait, je veux jours peur, ils sont comme les parents qui être comme tout le monde. ont peur que leur enfant ait un précipice… Mais une fois, qu’ils tombent un coup, les jeunes handicapés, ils vont se relever ! Moi j’ai reçu plusieurs fois des tuiles sur la tête et ça m’a réveillé, ça m’a fait avancer. - Ce qui m’énerve le plus c’est ce que j’appelle le système «psychologique», ils ne voient que ça. C’est comme si on était des malades. On nous regarde, on nous écoute, mais on n‘a jamais de répondant. C’est comme si ce

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qu’on dit était du vent, il n’y a rien en face, on est dans quelque chose d’abstrait. Alors vient la distance, et ensuite la méfiance.


Conversation : - Qu’est-ce que grandir? Avoir toujours plus d’âge? Toujours plus d’années? Moi je ne me sens pas vieillir. Quand j’étais enfant, je ne me sentais pas grandir non plus. - Pourquoi tu parles de ça? On est vivant, on n’est pas mort ! Il ne faut pas parler de ça… toi, à 50 ans, tu diras que tu es vieille? - Pourquoi cacher la réalité? - C’est normal, on vieillit, puis on meurt.

Des rêves « Nous les handicapés, on veut vivre comme tout le monde, même si on ne peut pas faire ce que tout le monde fait ! » « Moi pour l’instant j’ai mon papa qui est encore là et je me sens encore l’enfant de mes parents. Mais une fois aussi, nous serons parents.» « Vers 20 ans, j’ai voulu quitter la maison. J’avais envie de rencontrer d’autres personnes, de vivre ma vie. Ça ne veut pas dire : « ne plus voir ses parents », j’avais simplement envie de vivre ailleurs.» « Aujourd’hui, j’ai 50 ans et je pense à mon avenir… J’ aimerais apprendre encore plus. Pour moi l’avenir est encore devant moi, j’ai beaucoup de projets de voyages, par exemple.» « J’aimerais que les professionnels aiment leur travail et que les personnes handicapées aient leur mot à dire sur leur engagement… » « Je souhaite qu’on améliore la formation et la sélection des professionnels.»

A bâtons rompus… «Appartements protégés», «ateliers protégés», mais qu’est-ce que l’on protège à la fin…? Personnellement je trouve qu’il y a trop de barrières architecturales de l’esprit ! Quand on est handicapé et qu’on doit convaincre et répéter les mêmes choses, cela use non seulement notre corps, mais aussi notre énergie mentale. On finit par douter de soi-même à force d’entendre que ce n’est pas vrai et que seul le savoir des personnes valides compte. Lorsqu’on a des difficultés d’apprentissage, on a moins le droit de prendre des décisions. On ne guérit jamais du manque de confiance, ça reste une blessure. Nous devons apprendre à faire le pas, pas toujours attendre. Ce n’est pas l’autodétermination qui va venir vers nous, c’est à nous d’y aller…

Photos : Solidarité - Handicap mental 9


Singularités Une présence médiatique des personnes en situation de handicap

Jean-Christophe Pastor, chef de projet Atelier « Ex&Co », formation et production vidéo, Clair Bois Lancy, Genève

Peut-on, en intégrant la parole des personnes handicapées dans le quotidien médiatique, transformer le regard du grand public? Y aurait-il même une utilité sociale réelle à ce que les personnes handicapées publient leurs points de vue? Ce sont là les enjeux que se sont fixés les acteurs de l’émission «Singularités», une fois par mois sur Léman Bleu télévision à Genève en « donnant la parole à ceux qui n’ont pas les mots… » 43 émissions ont été ainsi réalisées et diffusées à ce jour. Toutes parlent de thématiques liées au handicap, vues « de l’intérieur ». Cette initiative est conduite par la Fondation Clair Bois, de Genève qui a mis sur pied « Ex&Co », un service de formation et de production vidéo. Ce service accueille des personnes au bénéfice soit d’une rente AI, soit d’une mesure de réadaptation. Sept personnes constituent l’équipe fixe alors que six autres sont en formation «d’assistant vidéo polyvalent». Une équipe d’encadrement bénéficiant de doubles, voire de triples formations dans le domaine de l’audiovisuel, de la formation d’adultes et de l’éducation spécialisée se sont mis «en partenariat» avec les personnes en situation de handicap mental, psychique et ou physique. Le «pitch»? Que chacun se sente utile d’abord, mais aussi contribuer à changer les représentations sur le handicap. Tenter, contre vents et marées de produire un discours «par», et non pas un discours «sur». Les extraits de témoignages ci-contre ont été produits par trois membres de l’équipe (l’intégralité se trouve sur le DVD attenant). Leur parcours nous renseigne sur leurs ressentis, sur le sens qu’ils attribuent à leur expérience et leur travail. Ils ont écrit les textes qui suivent. Merci à eux de s’être livrés de la sorte. Moteur... ça tourne... action ! 10

Frédéric Kessler Je m’appelle Frédéric Kessler. Je suis né le 10 janvier 1971 à Mulhouse en Alsace. J’ai 38 ans. Je suis Infirme Moteur Cérébral.(...) Moi, Frédéric Kessler, j’ai réalisé mon premier film sur ma maman, qui n’est malheureusement plus de ce monde. C’est un film sur la vie de ma maman qui ne m’a pas vu grandir et évoluer. Et si elle était encore de ce monde, elle aurait aimé me voir présenter les émissions de «Singularités». L’émission «Singularités» qui m’a le plus touché, a été l’émission sur Alison Lapper, car nous sommes allés faire un reportage à Londres, parce qu’il y avait la statue d’Alison Lapper sur Trafalgar Square et nous avons demandé aux gens ce qu’ils pensaient de la statue. Alison Lapper est venue à Genève une semaine et c’est à cette occasion que j’ai eu la chance de pouvoir l’interviewer (...) (…) J’ai ressenti beaucoup d’émotions et de joies et j’étais complètement excité, joyeux et fier de moi. J’ai gardé un excellent souvenir de la joie et de la fierté après cette émission. (…) Alison m’a appris que c’était une femme qui se bat chaque jour corps et âme pour défendre sa cause.(…) « Singularités » fait oublier mon handicap lorsque je suis sur un plateau. (…) Dès qu’on commence l’enregistrement, je me sens plus tendu et dès que l’on dit moteur je me sens plus détendu. «Singularités» m’apporte de la joie et ça me fait chaud dans mon corps. Dès que je présente l’émission, je ne me sens plus en situation de handicap pendant le temps d’une émission. J’ai l’impression, de devenir une personne tout à fait normale. Toutes les émissions que j’ai présentées me touchent. Pourquoi elles me touchent, parce que nous parlons des singularités des personnes en situation de handicap. (...) Tous les sujets que les invités amènent sur notre plateau, sont toujours très poignants. Une des émissions de Singularités, qui m’a le plus

touché a été l’émission que nous avons tournée dans un dojo à Genève. Nous avions reçu un invité pas comme les autres, car Julien Conti est une personne malvoyante. Il nous a expliqué le combat qu’il mène chaque jour. J’ai appris qu’il travaille à l’Etat de Genève. L’Etat de Genève a engagé Julien et lui a offert une place de travail et ils ont dû adapter son travail malgré sa singularité, car Julien ne voit pas. J’ai beaucoup aimé cette émission car Julien a un parcours hors norme. Il faut savoir qu’il prend des cours d’arts martiaux mais même avec sa cécité, il peut apprendre à se défendre et à dépasser ses limites. Je trouve que Julien Conti m’a impressionné, même avec sa singularité, il peut faire autant de choses. (...)

Julien Lomazzi Je m’appelle, Julien Lomazzi. J’ai 27 ans. Je suis né le 23 mars 1982 à Lausanne. Ma singularité est que j’ai eu des problèmes de respiration à la naissance, ce qui fait que ça s’est transformé en troubles cognitifs. Et aussi des problèmes génétiques.(...) Tout d’abord quand on m’a fait connaître Ex&Co, je savais que le projet serait de monter une émission sur le handicap. Quand je suis arrivé, je fis la connaissance des premières personnes avec qui nous allions à la fois construire Ex&Co et l’émission «Singularités». A Ex&Co, j’ai appris à toucher les appareils multimédias et de télévision. Mais ce qui m’a intéressé le plus, c’est de construire l’émission « Singularités »(...) Ce que j’aime faire aussi à Ex&Co, c’est que j’adore préparer «l’agenda» de «Singularités», faire partie du comité de rédaction, et d’aller voir les futurs invités. Notre émission a pour but de faire changer le regard des gens sur les personnes en situation de handicap. C’est pourquoi nous avons décidé qu’elle serait réalisée et faite par des personnes en situation de handicap


ce travail, outre l’aspect technique, est la confiance que les responsables de ce studio m’accordent. (…) C’est salutaire pour ma propre estime personnelle. (...) Je participe activement à la création des émissions. (...) Au comité de rédaction, nous sommes quasiment autonomes (avec un minimum de supervision). Ces émissions ont différentes rubriques, ce qui nous permet de nous exprimer autrement. Un espace m’a été offert. Je réalise une rubrique de A à Z, autant en décidant du format que du contenu. Elle s’appelle «Mots pour Maux». J’y laisse libre cours à ma créativité. «Singularités» nous offre, à nous qui avons un handicap, la possibilité de nous exprimer autant sur des sujet variés qui nous touchent personnellement que d’autres plus généraux qui peuvent concerner toute personnes «ordinaires». C’est aussi une sorte de «pot-pourri», où chacun de nous grâce à notre chemin et notre sensibilité particulière amène un degré de réflexion différent, ce qui nous permet d’embrasser des thématiques de tous horizons avec des points de vue multiples.

le plus possible.(…) L’émission «Le Sport Une Autre Vie» m’a vraiment marqué. Pour préparer cette émission, je me suis documenté sur Internet. J’ai eu ainsi des idées de questions que j’ai posées en improvisant lors du plateau. J’ai surpris notre équipe en amenant des informations que les autres n’avaient pas. J’aime vraiment être au contact avec les gens, pour moi c’est capital.(...) L’émission apporte une richesse en donnant la parole aux personnes en situation de handicap. Ce que «Singularités» m’a apporté, c’est de pouvoir avoir de nouveaux amis dans le domaine du handicap. Mais il faut dire que les gens ont encore beaucoup d’a priori sur les personnes en situation de handicap. La télévision a tendance à ne pas montrer que les personnes en situation de handicap peuvent avoir des choses en plus, ou un talent. «Singularités», pour moi, a changé la donne car les gens viennent vers moi et viennent me demander quand est-ce que «Singularités» sera diffusée? J’ai beaucoup de plaisir à pouvoir répondre aux gens. Même qu’en ville, les gens s’arrêtent parfois pour me féliciter et dire combien ils trouvent que «Singularités» est une émission qui a de l’importance vis-à -vis du grand public.(...) Sachez une

chose, c’est que nous les personnes en situation de handicap, nous sommes tout à fait comme vous. Nous aussi, nous réalisons chaque jour nos rêves les plus fous. (…) Il est vrai que si je n’avais pas pu accéder à ce rêve de rentrer, dans le monde du multimédia et télévisé, j’aurais continué à espérer.

Christophe Schimpf Je m’appelle Christophe, 33 ans. Une décompensation psychique m’a conduit à «Belle Idée» (Hôpital psychiatrique) il y a environ 9 ans. J’ai dû arrêter une formation d’infirmier que je suivais alors.(... ) J’ai bénéficié peu après d’une rente AI. (...) Ex&Co offre aux personnes en situation de handicap une formation d’assistant vidéo polyvalent de trois ans; le but étant de réinsérer les apprenants dans le monde du travail. Ex&Co propose aussi des postes de travail protégés pour des personnes possédant aussi une rente AI. Pour ma part, j’occupe un poste de travail protégé. Rapidement, je me suis intégré à l’équipe et j’ai progressé, développant de nouvelles compétences dans l’audiovisuel et le multimédia. Ce qui me motive dans

C’est une fenêtre que je crois unique en tout cas en Suisse et sûrement en Europe où ces thèmes sont abordés de l’intérieur, par nous qui parfois sommes hors circuit ou mis à l’écart. (...) J’ai eu la chance de pouvoir co-présenter une émission que nous avons nommée « les épines de la conscience », où nous avions invité Mme Guidet. Mme Guidet nous a présenté son livre, témoignage de sa singularité, à savoir qu’elle est bipolaire. Cette émission nous a permis de dé-stigmatiser une maladie psychique. C’est important pour moi d’en avoir parlé car, souvent, ces troubles obscurs de par l’inconnu ou le mystère qui règnent autour, peuvent faire peur ou peuvent être incompris par tout un chacun. (…) Nous avons aussi réalisé une émission «travailler pour exister», je crois que c’était d’ailleurs notre toute première émission. Et, je m’y retrouve dans ce titre. Ce travail me tient à cœur. Ce travail me permet de me réaliser, de m’exprimer, d’avoir une place dans cette société, enfin: d’exister. Crédit photographique : Atelier  Ex&Co

En 3e de couverture, vous trouverez un DVD présentant les émissions de «Singularités» ayant été diffusées depuis 2004. 11


La Faranthèse 25 ans de parole donnée aux personnes avec un handicap

Marie-Gabrielle Dessibourg, La Farandole, Fribourg

Le journal la Faranthèse a été publié la première fois en 1984. Cette publication, qui paraît deux fois par année est entièrement réalisée par tous les usagers de la Farandole, avec l’appui de certains collaborateurs. La Faranthèse représente un instrument unique de participation et d’expression des usagers cheminant « De la conception à la réalisation ». Des sujets tels que Les coulisses du marché de Noël, les Jeux olympiques de Pékin, Fribourg en 2057, témoignent de l’attachement des auteurs aux évènements de portée locale ou internationale. Au travers de « La Famille », « Les Filles et les Garçons », « Le Travail », les personnes s’expriment dans des domaines plus intimes, liés à leur vécu quotidien. La Faranthèse invite également des personnalités reconnues, qui ne font pas partie

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de notre « milieu », à s’exprimer au travers de ses pages par des éditoriaux, des interviews ou des articles de fond. Si vous souhaitez obtenir la publication de Faranthèse adressez-vous à notre secrétariat : La Farandole Structures résidentielles Rue de la Neuveville 1-6 CH – 1700 Fribourg 026 460 32 00 farandole@fara.ch Boutique La Farandole Rue de Lausanne 57 CH – 1700 Fribourg

La Faranthèse et moi Michelle Pasquier, résidente, La Farandole, Fribourg En 1971 j’ai commencé à travailler dans un atelier de la Farandole qui se trouvait au Schoenberg. Je venais toute seule en bus depuis la maison. Maintenant tous les ateliers sont au quartier du Jura sauf un atelier qui est en Basse-Ville. Il y a beaucoup d’ateliers : bougie, tissage, menuiserie, poterie, offset,alimentaire, rempaillage, soustraitance, entretien technique et aussi deux ateliers occupationnels. Au début, j’ai choisi de travailler à l’atelier de tissage. Je faisais aussi du rempaillage pour les chaises et aussi des paniers en rotin. J’ai aussi travaillé à l’atelier alimentaire, je cuisinais des confitures et des biscuits. J’aimais bien y travailler mais c’était un peu pénible de rester debout. Alors j’ai changé d’atelier et j’ai été à l’atelier Indigo. J’aime bien mes collègues de travail. Je fais des objets en papier mâché, des lapins de Pâques, des plateaux, des boules de Noël et des œufs de Pâques. Tous les produits fabriqués sont vendus au marché de Noël à la Farandole ou dans la boutique. J’aime bien le marché de Noël, car je vois beaucoup de monde que je connais et il y a une bonne ambiance. En 2005, je suis venue habiter à la Farandole dans le groupe 1. Je me plais bien, j’ai une jolie chambre et je m’entends bien avec mes colocataires. Ça fait 3 ans que je suis à la retraite mais je


continue à travailler à l’atelier Indigo un jour par semaine parce que j’aime bien ce travail et ça m’occupe. Les autres jours libres, je vais à l’atelier appartement de jour. Je fais des puzzles, des dessins à l’aquarelle, des jeux de cartes, je fais un peu de gymnastique et j’écoute aussi de la musique. Lors d’un anniversaire, je confectionne un gâteau. Je vais manger tous les mercredis seule dans un restaurant en Basse-Ville. J’aime bien aller dans ce restaurant manger toute seule. Je me suis aussi inscrite à un cours de chant. De temps en temps j’allais jouer aux cartes avec les dames du quartier et je rencontrais d’autres personnes et j’aimais bien ça. J’écris aussi des articles dans le journal Faranthèse, parfois je fais aussi des dessins. Le Faranthèse c’est un journal écrit par les personnes handicapées de la Farandole, il y a chaque fois un thème différent. Il y a 2 tirages par année une fois en été avant les vacances et une fois avant les vacances de Noêl. Les gens peuvent s’abonner. Je suis très contente d’être à la retraite et de tout de que je peux faire dans mon temps libre. J’aime aussi être dans ma chambre, je joue de l’harmonium et j’aime bien ça, je suis heureuse. Je vais me promener tous les jours en Basse-Ville et prendre parfois le Funiculaire pour aller en ville. J’aime bien l’hiver et voir la neige mais comme j’ai peur de glisser je mets des crampons. Je vais parfois me promener seule et parfois accompagnée de l’éducatrice et nous allons boire un verre.

Dessin de Michelle Pasquier 13


Compagnie Pixels

Audrey Bestenheider et Florence Fagherazzi Crédits photographiques Gianluca Colla 2009

La compagnie Pixels c’est... une rencontre entre Audrey Bestenheider, animatrice et conteuse

et Florence Fagherazzi, danseuse et chorégraphe. Ensemble, elles décident de créer une compagnie de danse contemporaine composée de danseurs handicapés et de danseurs valides. En 2009, après deux années de travail et de partage dans le cadre de l’association Asa-Valais, Pixels prend enfin son envol... Les 12 danseurs ont présenté leur première création au festival Arthemo 2009.

Petites  conversations  entre  danseurs

- Notre regard fait le lien. - C’est du mouvement et c’est beau. - Nos premières rencontres allaient dans tous les sens. Avec le temps, nous nous sommes apprivoisés. Nos regards sont devenus confiants. Yan : J’aime danser avec Céline.

Pixels, c’est aussi le coup de cœur du pho-

Céline : Quand Yan danse, il se transforme. Sur une scène, il se métamorphose, il s’implique, c’est spécial, magique. Geographic,        Images       Collection, J’étais rassurée d’être sur scène avec Blockbuster, etc), qui accompagne les lui, on se sentait seuls au monde, danseurs dans chacun de leurs mouvedans une bulle. tographe italien Gianluca Colla (National

ments  pour      cheminer  ensemble vers une future exposition. « Sur un fil c’est... quand dans un jeu sensible, la danse permet la rencontre entre des personnes différentes. Un peu de timidité, d’inquiétude, des interrogations   parsèment le chemin de la découverte. Ensemble, les nœuds se défont. En équilibre sur un fil, la fragilité de l’instant... » Audrey Bestenheider

Yan sourit et caresse la joue de Céline. - J’ai appris à connaître Fabienne plus intimement, on a partagé plein de choses, surtout la vie. - La danse c’est tip top. - Pas de mots. La Compagnie Pixels se produira le samedi 19 décembre 2009 au Centre RLC à Sion à 20h. Entrée libre. Personnes de contact : Asa-Valais, Sion 027 322 17 67 www.asavalais.ch Florence Fagherazzi 079 784 61 10 florencefagherazzi@hotmail.com Audrey Bestenheider 079 228 05 85 abraconte@bluewin.ch

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Mir’Arts, le reflet de nos différences L’art et le handicap mental Verena Batschelet, ASA - Handicap mental, Sion

Mirarts est un projet visant la publication et la valorisation des œuvres artistiques créées par des personnes avec un handicap mental de Suisse romande. L’expression et la création projettent sur le monde du handicap une autre lumière, un éclairage dynamique et participatif à la vie citoyenne qui n’est pas assez connu du grand public. Une confrontation intensifiée avec un public plus large est à même de favoriser l’amélioration de l’image et de la cause du handicap en dehors des milieux concernés. Fortes de ce constat et persuadées que les talents artistiques et l’imagination sont remarquables chez certaines personnes vivant avec un handicap mental, plusieurs institutions – Les Maisons des Chavannes, L’Espérance, la Fovahm, rejointes plus tard par la Fondation Clair Bois – ont réfléchi à des moyens permettant de faire connaître et de valoriser ces créations et leurs auteurs auprès d’un large public. Ainsi est né Mir’Arts – le reflet de nos différences… dont la réalisation a été confiée à ASA-Handicap mental. Il est vrai qu’en Suisse romande on n’entend guère parler d’artistes avec un handicap mental et les occasions pour le public de se confronter à leurs œuvres sont plutôt rares. A part le Festival Arthemo (Art et Handicap Mental) qui a lieu tous les deux 16

ans à Morges et dont les objectifs vont dans le même sens, peu de manifestations ou événements s’adressent au grand public. Une vaste enquête menée auprès de nombreux ateliers créatifs de Suisse romande a révélé un réservoir foisonnant d’œuvres originales et touchantes. Les pages qui suivent présentent quelques-unes de ces réalisations ; elles ne représentent évidemment qu’une infime partie des trésors révélés par la phase de prospection. La prochaine étape est celle de la publication. Les œuvres récoltées et leurs auteurs feront l’objet d’une publication collective sous forme de catalogue qui sera présenté officiellement d’ici quelques semaines. En assurant une large diffusion d’un maximum d’œuvres et d’artistes, ce projet participe à l’intégration de ces derniers au monde artistique et culturel de Suisse romande, une place qui leur revient de droit… Mir’Arts est un projet évolutif qui accueille en tout temps de nouvelles œuvres et de nouveaux artistes, de même qu’il étudie avec intérêt toute proposition permettant de valoriser et de publier les œuvres et leurs auteurs. Pour tous renseignements : ASA-Handicap mental 027 322 67 55 asa-handicap-mental@bluewin.ch

www.asa-handicap-mental.ch

PRÉSENTATION DES ARTISTES Christian Raboud, Martigny

Doté d’un magnifique trait de crayon, d’une sensibilité à fleur de peau, c’est avant tout grâce à la peinture, aquarelle, acryl et craies grasses, que Christian Raboud peut donner la pleine mesure de son talent de coloriste. En effet, ses compositions abstraites sont structurées d’arabesques fragiles et sensibles qu’il rehausse parfois soit à la mine de plomb, soit aux crayons de couleur. Ses œuvres dégagent une impression d’harmonie, par la musicalité des tons et la chaleur et la plénitude du message. « Les idées je vais les chercher dans moi, dans ma tête », dit-il et chaque fois, c’est différent, chaque œuvre est personnelle et originale. Mais c’est avant tout dans sa relation au monde qu’il puise son inspiration si féconde. Christian s’abandonne à la peinture comme il marche dans la montagne, dans le flot des impressions qui font rage autour de lui, il devient lui-même le glacier en train de fondre, il se précipite hors de lui comme un torrent joyeux. Atelier artistique de la FOVAHM Grand-Rue, 1890 St-Maurice/VS Christian Bidaud, 024 485 10 50 christian.bidaud@fovahm.ch

Nicolas Racine, Servion

Nicolas dessine et peint à l’atelier, mais aussi à tous les moments libres dans sa classe. C’est un coloriste génial. Ses productions sont toujours pleines de vie et très joyeuses. Il prend beaucoup de plaisir à réaliser des dessins qui expriment certainement son désir d’être reconnu alors qu’il ne peut pas encore parler. Fondation Renée Delafontaine Les Semailles, 1052 Le Mont-sur-Lausanne Jacques Lambelet, 021 651 34 60, jacques.lambelet@bluewin.ch

Aïda Passos, Genève

Aïda, jeune artiste polyhandicapée, dessine les silhouettes féminines, avec comme modèles les femmes qui l’entourent. Elle apprend à reconnaître les différentes parties du corps humain, en particulier les caractéristiques du corps féminin, pour ensuite les transposer dans ses tableaux. Cette jeune femme a vite défini son style artistique qu’elle travaille


tout en expérimentant différents matériaux. Aïda participe aussi régulièrement à l’activité vidéo. Elle a décidé de réaliser un film sur elle en tant que femme. Après une période de recherche elle a exprimé le désir de filmer toutes les choses qu’elle fait de manière autonome, pour les montrer aux autres et à sa maman. A travers ce film elle souhaite s’affirmer en tant que femme adulte. Foyer Clair Bois Pinchat Chemin Henri-Baumgartner 5, 1234 Vessy Olga Kamienik, 022 827 89 50 olga.kamienik@clairbois.ch

Fabrice Dewarrat, Belmont

Fabrice n’ose pas tellement s’affirmer, mais il est bien là, avec ses désirs et ses envies. A l’atelier, les productions sont à son image… le trait léger, couleurs pastel, et finalement un dessin ou une peinture qui lui ressemble. Fondation Renée Delafontaine Les Semailles, 1052 Le Mont-sur-Lausanne Jacques Lambelet, 021 651 34 60 jacques.lambelet@bluewin.ch

Sergio Gazzola, Mies

Il faut mettre le tablier pour ne pas salir son pull, il faut s’essuyer les mains, nettoyer ses pinceaux, ranger… et pourquoi tout cela quand on n’a qu’une envie : voir les couleurs s’étaler sur la toile ? Sergio oublie le monde qui l’entoure. Les couleurs vives remplacent les mots qu’il n’arrive pas à prononcer correctement. Il vit souvent des frustrations parce qu’il n’est pas compris. Donc, il peint. Ses tableaux gais parlent et ce langage spontané montre l’âme d’un artiste. Un artiste qui écoute son intuition, qui peint pour son plaisir, un artiste libre et authentique. Atelier l’Oiseau Bleu, La Corolle, Communauté de l’Arche, Chemin d’Ecogia 24, 1290 Versoix Ivana Krepelka, 022 304 11 91 ivana.krepelka@arche-corolle.ch oiseaubleu@arche-corolle.ch

Michel Jacobeus, Lausanne

Michel est une personne très active dans sa créativité, il produit énormément de dessins (au crayon de couleur ou à la craie grasse) et aquarelles. Il les crée chez lui ou à l’atelier Art-Vif. Ses sujets de prédilection sont les animaux, et surtout les biches, les chouettes, les aigles et autres oiseaux dont il connaît tous les noms. Après que le dessin est terminé (si on l’encourage) Michel le décrit de manière touchante et poétique : « Deux canards siffleurs qui se promènent dans l’eau »; « Le martin pêcheur et le martinet causent ensemble »; « Un requin tigre et une tortue crocodile ensemble dans un aquarium, ils sont bien ensemble, ils sont amoureux tous les deux ». Les thèmes de tomber en amour et de la relation particulière qui unit une mère à son petit sont récurrents.

Michel ne cesse d’être étonné et émerveillé du pouvoir de l’imagination, car en dessin on peut créer ce que l’on veut, sans limite aucune. Ses désirs et ses envies deviennent « formes » sur le papier. Michel s’inspire parfois des balades qu’il a trouvées belles! Groupe Ithaque, Atelier Art Vif, Maison des Chavannes Chemin de Rovéréaz 18, 1012 Lausanne Véronique Keatley, 078 659 70 64, veronique.keatley@eben-hezer.ch

Jean-Claude Rohrbach, St-Prex

Jean-Claude aime surtout dessiner à partir de contes, il travaille au crayon de couleur avec beaucoup de détails.. Ses peintures sont principalement des tamponnages de couleurs aquarellées choisies au gré des saisons… Fondation Perceval, Atelier Arc-en-Ciel Route de Lussy 45, 1162 St-Prex Jasmin Chidiac, 021 823 11 79 jasmin.chidiac@perceval.ch

Valérie Bori, Martigny

Valérie peint surtout des portraits à l’acryl, sur bois ou sur toile, à partir de modèles ou en suivant son inspiration. A la suite d’un accident cérébral, elle a d’abord œuvré à l’atelier Valais de Cœur à Sierre, où elle a réalisé des affiches. Elle exerce son art maintenant dans un atelier Cré’Art à Martigny. Ayant encore de mal à s’exprimer oralement, la peinture est pour elle une passion et un moyen d’expression. Service des Tutelles, CP 29, 1906 Charrat Sandra Roduit, 027 722 75 30 / 079 280 74 30 servicedestutelles@hotmail.com

Maria-Pia Bloch, Lausanne

Les images, symboles utilisés, représentent justement les événements de sa vie, ses valeurs, ses pensées et émotions du moment. Art Vif, Maison des Chavannes, Chemin de Rovéréaz 35 bis, 1012 Lausanne Griupe Hélios, Véronique Bruttin, 078 659 70 64

Valentin Julliard, Aigle

Valentin a beaucoup d’imagination et travaille surtout en communion avec la nature ; des jardins japonais, des arrangements floraux qu’il expose et vend sur des marchés de la région. Il dessine des personnages de bandes dessinées, des mangas en traits rapides et nerveux. Au Centre de loisirs d’Aigle, il a réalisé une fresque sur un des murs, et dans son atelier à Lausanne, il travaille la terre, inspiré par l’Egypte ou par les éléments eu, terre, feu et vent… Dominique Julliard, 079 568 38 06 17


Mir’Arts, le reflet de nos différences

Valérie Bori

Maria Pia Bloch 18

Fabrice Dewarrat

Aïda Passos

Michel Jacobeus


Jean-Claude Rohrbach

Christian Raboud

Nicolas Racine

Sergio Gazzola

Valentin Juillard 19


Mir’Arts, le reflet de nos différences Creahm, un lieu de création Sylvie Jungo Genoud, Creahm, Fribourg

L’association Creahm a été créée en 1998, afin de permettre à des personnes handicapées de développer leur talent artistique. Dans ce but, elle met à disposition un local où ces personnes viennent peindre un jour, deux jours et pour l’une d’entre elles trois jours par semaine. Deux animatrices, artistes-peintres ellesmêmes, encadrent et soutiennent leur cheminement personnel. Des expositions sont organisées régulièrement, afin que tous puissent montrer leur travail ainsi mis en valeur, en groupe, individuellement et parfois avec d’autres artistes non issus de l’atelier Creahm. Peindre à l’atelier Creahm n’est pas une simple occupation, il s’agit bien d’un travail, mené sérieusement et consciencieusement par chacun des participants. Dans ce contexte, nous mettons en avant le résultat, la qualité des œuvres et non le handicap des personnes. Un comité bénévole de 10 personnes soutient le fonctionnement de l’atelier en y apportant des forces et des compétences très diverses. Côté finances, le budget annuel comprend la location de l’atelier, le matériel et les salaires. Chaque année, il s’agit d’un défi à relever, car le Creahm ne reçoit pas de subventions. Il est heureusement soutenu par la Loterie Romande, par des dons et sponsors ainsi que par les cotisations des membres. Creahm aimerait pour l’avenir trouver une base de financement stable, qui permette de travailler sans le souci du lendemain. Nous espérons, après avoir fêté les 10 ans, pouvoir continuer encore longtemps. Les artistes le méritent bien!

Crédits photographiques : Creahm 20

- Le yéti dans sa caisse qui mange des gens - Le ramoneur, c’est Guido 26

Cailloux, échelle, bêtes

Emilie Frosio sait toujours précisément ce

Pascal Vonlanthen a dernièrement posé

qu’elle va peindre ou dessiner en franchissant la porte de l’atelier. Tranquillement, elle compose sa palette; du noir pour commencer. C’est ce qu’elle utilise pour ébaucher ses fragments d’histoires fantastiques, de contes, de fictions cinématographiques ou fantaisistes qui tournent en riant dans sa tête. Viennent ensuite les couleurs, fortes et audacieuses, qui renforcent le trait noir délicatement tracé. Ses sujets sont mis à plat, clairement délimités et soigneusement colorés; l’artiste nous offre des œuvres franches et sans tralala. Une peinture d’Emilie Frosio, c’est toujours une petite scène, dont elle est la première spectatrice ravie. Beaucoup de drôlerie, de fraîcheur, et de fausse candeur, car attention! Heidi est à deux pas d’une machine à couper la gorge, le yéti est prêt à vous manger tout cru et Sid - devenu récemment célèbre couve des œufs de dinosaures. Et Emilie qui ricane, en terminant par dessiner quelques lettres sur ses créatures, telles des formules magiques abracadabrantes. Emilie Frosio vit à La-Chaux-de-Fonds où elle est née en 1987. Elle fréquente le Creahm une fois par semaine depuis 2005.

ses crayons de couleurs et ses pastels à l’huile pour se lancer dans la poussière noire du fusain. De cette matière si volatile, il crée de puissants dessins. Dessins d’ailleurs autant imposants, par leur contraste et leur vivacité, que modestes et poétiques. L’artiste s’inspire en effet tout bonnement de ce qui entoure sa vie pour composer ses formes: des bêtes de la ferme, des outils, une échelle, une balayette, des cailloux, une fleur, ou d’autres engins. Mais finalement, le lac peut aussi être le caillou, la bête une baignoire et l’échelle une table… Sous la main vigoureuse de Pascal, les choses se transforment, se métamorphosent sans cesse, s’effacent et renaissent à moitié, autrement. Petit à petit, elles s’échappent de la pesanteur et s’envolent de la figuration. Le fusain lui permet justement cette grande liberté de l’éphémère ainsi qu’une gestuelle souple et légère. La force de Pascal Vonlanthen est de nous faire voir des fumées de couleurs qui s’évaporent de la noirceur de son fusain. Il est né à Rossens en 1957 et est présent à Creahm depuis sa mise sur pied, à raison de deux jours par semaine.


Les yeux d’aujourd’hui, regards de demain Laurence Cotting, Creahm, Fribourg

Montagnes sous la neige

Iason Scyboz aime les grands espaces. Tels

d’apaisantes expirations, ses paysages nous emmènent dans un macrocosme de couleurs que seule la nature habite. Montagnes, soleil, nuages, arbres se déclinent à l’infini dans les petites touches rythmées de sa peinture. Parfois, quelques oiseaux viennent taquiner les nuages. En silence, absorbé et très inspiré, Iason mélange, brasse et pétrit sa pâte de peinture avec délice avant de la déposer sur la toile. La sensualité de la matière, les camaïeus de tons chauds pour la plupart, les formes arrondies, apportent une merveilleuse douceur ouatée à ses étendues, loin d’être vides. Le paysage devient en fin de compte prétexte à un jeu réjouissant de matière et de couleurs. Jeu que Iason Scyboz a de la peine à abandonner, revenant encore et encore pointiller son œuvre avec son pinceau. Iason Scyboz, né en 1989, fréquente l’atelier depuis un an et demi. Il vit à Bulle.

Rochers en Amérique

AGENDA 23 septembre au 19 janvier 2010 Exposition V. Bovet, B. Grandgirard, L. Periès, G. Piller, E. Schafer Tous les jours 10h-20h HUG -Hôpital de Bellerive 1245 Collonges-Bellerive, 27 novembre au 6 février 2010 Exposition «Switzerland with love» Elmar Schafer et artistes de l’atelier Madmusée Parc d’Avroy 4000 Liège 5 juin au 4 juillet 2010 Exposition collective Galerie La Schürra 1723 Pierrafortscha

Ce projet consiste à organiser la recontre d’enfants avec les artistes de Creahm. L’objectif est de permettre à des jeunes (de dix ans environ) de se familiariser avec des œuvres d’art en les invitant à fréquenter leur lieu de création et leurs auteurs. Une première expérience avait eu lieu en 2007 pour la réalisation d’une centaine de drapeaux installés à Fribourg et demandait à être répétée sur un plan plus artistique et social. Le vaste espace que nous loue la paroisse de Villars-sur-Glâne permettant une circulation aisée même avec l’installation de places de travail supplémentaires, ce projet va pouvoir se réaliser. Par quelques heures passées ensemble et une approche concrète de l’art, nous voudrions aiguiser le regard des jeunes visiteurs et favoriser un abord du handicap, mental et physique, sans peur ni a priori. Grâce à leur tolérance et à leur curiosité, les enfants apprécieront à sa juste valeur une forme d’art que certains appellent différencié, proche de l’art brut, mais que l’on peut aussi nommer « art ». De plus, ce qui est très important à nos yeux, ils comprendront que les handicaps peuvent passer à l’arrière plan en laissant la place à une autre particularité : le talent artistique. Le lieu lui-même est important, dédié à la création. A l’atelier règne une atmosphère dynamique qui donne envie de mettre la main à la pâte, de «faire aussi». Regarder. Pour amorcer cette expérience d’apprentissage humaine et artistique, les enfants observeront des œuvres qu’ils décriront, copieront ou dont ils s’inspireront pour leur futur travail. Ensuite, ils feront connaissance avec leurs auteurs et pourront les questionner sur leurs intentions et les techniques utilisées. Ils travailleront à leurs côtés, comme des collègues, éventuellement sur le même thème. Le partage du domaine de la création entraînera des contacts verbaux ou non. Après quelques rencontres, le regard des enfants aura gagné en acuité et en sensibilité. Notre vœu est qu’ils gardent en grandissant cette reconnaissance du talent artistique de l’autre, et qu’ils transmettent cette approche admirative et respectueuse de l’art en général et de l’art de personnes apparemment différentes. 21


Plusport, Sport-Up et Gymnaestrada

Ou quand le sport joue la carte de l’intégration Trois questions à Cédric Blanc, secrétaire général de la Fondation Sport-Up

La Fondation Sport-Up

Comment vous est venue l’idée de créer la Fondation Sport-Up ?

Sport-Up est un organisme qui souhaite : -développer les activités physiques et sportives réunissant des enfants avec et sans handicap en collaboration avec les instances concernées; -véhiculer les valeurs de la jeunesse par la rencontre de l’autre; - soutenir tous projets visant la participation des enfants en situation de handicap dans le sport scolaire, associatif et familial ; - informer et relayer l’information aux personnes concernées; - collaborer avec d’autres organismes engagés dans le handicap ou le sport.

L’idée de cette nouvelle fondation est née dans l’organisation d’un premier camp sportif destiné à des enfants et adolescents en situation de handicap et sans handicap particulier. Le succès de cet événement en 2006 a suscité l’envie d’aller plus loin et de découvrir quels sont les besoins réels des familles, des parents et de leurs enfants. Nous avons ensuite organisé une Table ronde qui a débouché sur la création d’une commission de travail chargée de concrétiser les ressources nécessaires aux besoins constatés. Ce nouvel organisme constitue une plateforme et un relais pour des partenariats plus forts entre les instances existantes.

Ses objectifs - promouvoir des activités physiques et sportives pour des enfants, adolescents et personnes en situation de handicap; - faciliter l’accès à la pratique sportive chez les jeunes en situation de handicap; - agir en faveur de toutes activités physiques et sportives réunissant des enfants ou des adolescents avec ou sans handicap dans un but d’intégration et de santé; - renforcer l’information et encourager des partenariats dans les milieux concernés : écoles, institutions, associations sportives, associations de parents, milieux thérapeutiques, familles; - soutenir des organisations qui visent les mêmes buts que la Fondation.

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Pourquoi un nouvel organisme ? La Fondation Sport-Up dynamise le développement des activités physiques et sportives pour les enfants en situation de handicap. Son rayon d’action sur le territoire national permet de soutenir et de créer de nouvelles prestations dans toutes les régions de Suisse. Toutes les activités mixtes réunissant des enfants avec et sans handicaps constitueront le label de cette nouvelle fondation. Aujourd’hui, notre société parle beaucoup d’intégration des personnes en situation de handicap. Les actions liées à ce processus complexe sont par contre peu souvent médiatisées. En ayant choisi de faire du sport, les personnes avec un handicap ou non sont disponibles pour vivre et partager leur passion avec les enfants qui répondent très souvent présents à ce type de sollicitation. Par leur spontanéité et leur soif de découverte, les enfants sont le moteur de l’intégration. Les activités physiques et sportives constituent un outil essentiel dans ce processus et permettent de véhiculer des valeurs de société, souvent associées à l’image positive du sport dans notre jeunesse.

Aucun organisme n’assure à ce jour le leadership de telles prestations. Notre vœu de partenariat avec les organismes existants est fort et nous soutenons tout projet similaire émanant de ceux-ci. Parlez-nous du lancement « Objectif Gymnaestrada 2011 » La Suisse compte de nombreuses sociétés de gymnastique et organise d’importantes manifestations de tous niveaux. Dans ce contexte, la Fondation souhaite, en collaboration avec Plusport Sport Handicap Suisse, permettre à des gymnastes valides de pratiquer leur sport favori avec des jeunes en situation de handicap à l’occasion de la prochaine Gymnaestrada du 10 au 16 juillet 2011 à Lausanne. L’occasion de se produire en Suisse, devant son public est unique, d’autant que la délégation helvétique n’a jamais présenté de production avec des gymnastes en situation de handicap. Le sport intégré mérite d’être promu et montré afin de favoriser le développement d’actions intégratives dans nos sociétés sportives. La gymnastique joue un rôle important dans ce processus. C’est également un message de tolérance et de respect que nous voulons apporter par, et à travers, notre jeunesse. Le respect des différences et la reconnaissance de la valeur de chacun pour l’autre sont les éléments forts de notre projet de lancement. Contactez-nous info@sportup.ch Jusqu’au 31. 12. 2009 Cédric Blanc, rte du Simplon 24 1852 Roche 079 693 64 71 Dès le 01.01. 2010 Fondation Sport-Up Maison du Sport Talgutzentrum 27, 3063 Ittigen CCP 10-194592-4 031 359 73 69


Qu’est-ce que la Gymnaestrada ?

«La Gymnaestrada Mondiale est la manifestation de sport de masse la plus importante au monde» Juan Antonio Samaranch, Président d’honneur à vie du CIO La Gymnaestrada est la manifestation mondiale officielle de la Fédération Internationale de Gymnastique (FIG) pour la Gymnastique pour Tous, discipline « sport de loisirs ».

Lausanne 2011, MEET THE MAGIC ! Tel sera le slogan de cet événement dont l’ambition sera d’allier respect, amitié et partage, valeurs qui ont prévalu dans toutes les précédentes éditions. Des couleurs, de la magie et de l’émotion, voilà ce que nous désirons vous offrir. Venez tous à Lausanne du 10 au 16 juillet 2011 !

Pourquoi t’es-tu inscrit au projet Gymnaestrada 2011 ? Matthieu - Pour pouvoir dépasser mes limites et être mieux dans mon corps et réussir quelque chose. Salomé - Pour aider les « handicapés » et pour me faire des amis. Yoan - Parce que c’est une bonne occasion de faire des connaissances et que ça montre qu’on peut faire du sport tous ensemble, avec ou sans handicap(s). Gregg - Parce que c’est une mégaoccasion ! Je veux me faire des muscles. Lucie - Parce que j’aime danser et l’expression corporelle. Qu’est-ce que t’apporte le groupe Gymnaestrada ? Matthieu - Du courage. Malik - Des amis, de l’apprentissage et du fun. Lucie - Ça me fait du bien de bouger un peu et ça me plaît d’être avec les autres.

Crédits photographiques : Cédric Blanc

Durant 7 jours, des gymnastes, de tous âges et de tous horizons, hommes, femmes, personnes handicapées, se rencontrent pour partager leur passion et leur talent dans tous les domaines de la Gymnastique pour Tous. Cet événement, non compétitif, a lieu tous les 4 ans sur le territoire de l’une des Fédérations affiliées à la FIG et attire plus de 20’000 participants du monde entier. Outre le fait que l’événement ne propose ni concours, ni médaille, la Gymnaestrada possède une autre particularité inhabituelle pour un événement sportif : chaque gymnaste couvre ses propres dépenses. Ses buts sont notamment de : • Favoriser l’expansion de la Gymnastique pour Tous à travers le monde. •Présenter les dernières découvertes et le développement de la Gymnastique pour Tous. • Susciter la joie et l’émerveillement envers

le mouvement et éveiller l’intérêt pour sa propre activité. • Regrouper les gymnastes de tous les pays pour contribuer à la compréhension et l’échange entre les différentes nations. Cette manifestation est à part. De nombreux gymnastes y participent plus d’une fois dans leur vie. Elle est une occasion unique de découvrir des productions de qualité et d’une grande originalité, de continuer sa formation, mais surtout de créer des liens, de vivre une expérience extraordinaire où la solidarité, le partage, le sport pour le mouvement et le bien-être, l’amitié, constituent les valeurs centrales.

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Du Fair Play et du sport

Monique Bassin, association Fair Play, Lausanne

Charly : re drôle Je préfère êt star ! qu’être une

Audrey: C’était super !

Vive le sport ! Voilà ce que pensent les membres de l’équipe de Fair Play chaque jeudi, dès leur réveil. Les parents le confirment: l’entraînement hebdomadaire du jeudi soir rythme la vie de leur enfant. Le sport leur donne un repère dans les jours de la semaine, à la fois sportif et social: le jeudi, c’est le tennis de table!

Filipe : Je joue a ussi sports: ba à d’autres sk natation etball, …

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Fabrice est médaillé d’or. Attention à son revers et à son coup droit…

Guy : ... J’ai fait la star

Julien : Je fais aussi de l’athléti sme et de la course: j’ai pa rticipé aux 4 km de Lausanne .

Nicole: J’aime le spo qu’il faut rt parce se concen trer .

Ali : Je voudrais faire toujours plus de sport…

Yannick : J’aime le sport dans l’eau parce qu’on ne sent pas la transpiration.

Crédits photographiques : Philippe Richard

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50 Echos du 50e

De l’atelier au spectacle

Ils sont venus des 6 cantons romands.

Ils se sont rencontrés pour la première fois

à 10h, ce jeudi pluvieux d’ octobre 2009, à l’Institution de l’Espérance, à Etoy. Ils et elles, ce sont : Michel, Marie-Antoinette et Pascal (les animateurs); Fabienne, Emilien, Stéphane, Marie-Pierre, ClaudeAlain, Virginie, Isabelle, Alain, Sandrine, Konrad, Jean-Luc, Sophie, Valérie, Patricia, Marina, Michel, Pierre-André, Lucie et Julien (les participant-e-s). Ensemble, ils ont vécu une journée d’échanges, de rencontres et de travail… A 17h30, ce même jour, ils nous ont offert un spectacle hors du temps. Un moment de grâce fait de mots, de couleurs, de rythmes, de gestes, et de musique… En toute simplicité.

Les textes reproduits dans ces deux pages sont issus de l’atelier animé par Michel Boutet, Marie-Antoinette Gorret et Pascal Romailler. Ces mots ont été mis en scène et en musique pour constituer le spectacle qui a introduit la partie officielle du 50e anniversaire de Pages romandes.

Les photos du 50e sont de Pascal Greppin

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J’aime bien la vie en général

j’aime la danse j’aime conduire les gros camions j’aime la batterie, les poissons d’avril j’aime bien la vie en général j’aime le jaune, le rose, le violet, le noir j’aime la peinture j’aime bien la vie en général j’aime le théâtre, l’histoire du corbeau noir ça fait pas peur, ça fait pas rire non plus j’aime le cirque, j’aime les acrobates, les clowns, les panthères roses j’aime le hockey je suis fan de l’équipe de Chaux-de-Fonds, ils ont perdu, samedi prochain, ils vont gagner j’aime bien la vie en général j’aime nager dans l’eau j’aime jouer de l’orgue, faire du théâtre j’aime Alain Morisod j’aime bien la vie en général j’aime le rock, Johnny Hallyday et c’est tout j’aime tout, pourvu que ce soit de la musique j’aime bien l’aviron je suis monitrice en club pour les adultes et les jeunes avec les jeunes c’est pas facile j’aime bien mes enfants j’aime bien la vie en général j’aime bien mon chat, il s’appelle Enzo j’aimerais bien être à sa place j’aime bien la mer, j’aime bien la voile je suis allé en Bretagne à La Rochelle j’aime bien la vie j’aime bien la vie j’aime bien la vie... en général j’aime pas travailler j’aime pas l’armée j’aime pas quand les gens ne disent pas bonjour j’aime pas la violence j’aime pas la salade verte j’aime pas le concombre j’aime pas être bloqué dans l’ascenseur j’aime pas la foudre qui a mis le feu à mon chalet j’aime pas la bêtise, les gens qui pensent trop court


e 0

Partie officielle, remise du prix Médias et soirée festive

qui jugent sans savoir, ont des jugements précoces j’aime pas la mort parce que j’ai perdu mon père, mon grand-père et mon parrain j’aime pas au travail se faire enguirlander sans arrêt j’aime pas la guerre je peux pas supporter la nervosité même chez moi c’est pas évident de se calmer, ce qui me calme c’est direct avec le petit chat, il te regarde avec les petits yeux c’est comme si il te souriait… j’aime pas manger des animaux j’aime pas les fourmis rouges qui piquent, j’aime pas le racisme, les néo-nazis, les tags, les croix gammées j’ai envie de les enlever j’aime pas la musique fort j’aime pas les pitbulls, les rotweillers, les molosses j’aime pas les araignées les grosses mouches comme ça j’aime pas le poulet et le racisme j’aime pas les poulets racistes j’aime pas que mes parents me prennent pour un incapable mais j’aime bien la vie en général... j’ai dormi dans mon lit j’ai dormi n’importe où j’ai dormi... j’ai dormi dans un bateau j’ai dormi à la belle étoile sur une plage à Palma de Majorque j’ai dormi... j’ai dormi dans un parking j’ai dormi dans des cabanes j’ai dormi au cachot chez les flics j’ai dormi... j’ai dormi dans mon lit j’ai dormi la nuit, le matin j’ai fait la sieste j’ai dormi dans la voiture à papa, sur un canapé sous les arbres j’ai dormi... j’ai dormi à la cave sous le tonneau sous la tente et je n’ai pas ronflé j’ai dormi j’ai essayé de dormir dans un camping souterrain je veux dire un cimetière, j’avais trop peur, j’avais froid malgré les feux-follets j’ai dormi…

Déroulée en deux temps, la partie officielle est introduite par Charles-Edouard Bagnoud, président de la Fondation Pages romandes. Il rend hommage à la longévité de Pages romandes et à toutes celles et ceux qui ont fait vivre le journal durant un demi-siècle, avant de lancer un appel aux institutions qui sont les seules à même de lui assurer un avenir… La deuxième partie est consacrée à la remise du prix Médias de la Fondation Eben-Hézer. Daniel Grivel, vice-président de la Fondation Eben-Hézer rappelle les fondements de ce prix qui en est à sa troisième édition et dont le but est de récompenser une réalisation journalistique susceptible de faire tomber les tabous vis-à-vis du handicap mental. Cette année, le prix est attribué à un journaliste de 25 ans, Mathieu Signorell, pour un article paru le 31 mai 2008 dans le Courrier et intitulé « Handicap : le difficile accès au plaisir des corps ». Eliane Ballif, présidente du jury, fait l’éloge du lauréat avant de lui remettre un prix de Fr. 5000.— La fête se poursuit autour d’un apéritif dînatoire joyeusement animé par le Band d’Eben-Hézer.

Si je pouvais changer quelque chose Si je pouvais changer quelque chose Je m’arrangerais Pour que les gens ne se détruisent plus Avec les drogues et l’alcool J’apprendrais aux jeunes A respecter les sièges et les abribus Je changerais tous les méchants en grenouilles Non ! En citrouilles Sinon on ne pourrait plus dormir Je ferais un monde où il n’y aurait que de l’amour Et beaucoup d’amitié aussi On transformerait les tanks en carrosses Et on arrêterait la fonte des glaciers Les gens se moqueraient plus de nous… 27


Echos du 50e J’aime Pages romandes, en général 1 Olivier Salamin, membre du comité de rédaction, Valais

Ma fille adore de petits livres qui font grincer des dents ses grands-parents, et pour cause. Ecrits par Leslie Bedos & Philippe Poirier et dessinée par Franck Fortuna, ils mettent en scène des enfants qui aiment et qui n’aiment pas… : Extraits choisis de « J’aime, j’aime pas Papy et Mamie » Collection dirigée par Christine Bravo chez Michel Lafon Jeunesse. « J’aime Papy quand on écrit notre nom en faisant pipi sur un mur. Comme c’est interdit la police arrive et on va en prison. Alors on s’évade et on recommence sur un autre mur. » « J’aime pas Papy quand il m’amène à la pêche et qu’il s’endort au bord de l’eau. Si un jour il y a une baleine qui se pointe, je l’attraperai tout seul. » « J’aime Mamie quand elle a la tremblote parce qu’avec tout les popcorns qu’elle renverse au cinéma ça me fait une demi-part en plus. » « J’aime pas Mamie quand elle traverse la rue parce que la voiture s’arrête pour la laisser passer. Du coup, ça pollue encore plus et moi ça me fait tousser. » J’aime, j’aime pas Prenons nos responsabilités dans cette fête qui a condensé bien des années de collaboration avec la Revue : - J’aime pas Jean-Daniel Vautravers ( membre du comité de rédaction jusqu’en 2007 ) quand, à la sortie d’un numéro il en fait une critique qui vous fait le trouver bien moins intéressant que ce que vous pensiez de prime abord. - J’aime Jean-Daniel Vautravers quand il conduit le comité de rédaction à titrer son numéro : « Le cannabis s’arrête-t-il aux portes des institutions ? ». - J’aime les institutions quand elles permettent d’accompagner en leurs murs les personnes qui en ont le plus besoin. 28

- Je n’aime pas les institutions quand elles font leur petit secret et qu’elles se replient dans leur coquille à relire et à relire encore les productions de leurs collaborateurs. - J’aime parler valaisan : où qu’elle est Ukelo ? ( J’aime Marie-Christine, quand elle est là ). - J’aime pas Charles-Edouard Bagnoud quand il dit avec le conseil de Fondation que sa revue n’est pas prête à tenir un blog et à produire des pages électroniques. - J’aime Charles-Edouard Bagnoud quand il commémore un événement et rend hommage aux forces qui ont fait de la revue ce qu’elle est ( J’aime Marie-Paule Zufferey, en général ). J’aime rire de tout, en général… Au moment où Pages romandes fête ses 50 ans, Vigousse, le petit satirique romand édite ses premiers numéros. Comme promis, il y en aura pour tout le monde… www.vigousse.ch - J’aime les rencontres de Pages romandes... Celle avec Henri-Jacques Stiker nous a fait lui avouer que nous en avions un peu marre des experts du handicap et que nous trouvions au contraire que des personnes « hors champ » ( J’aime Jean-François Deschamps, en général ) pouvaient nous apporter des idées nouvelles… J’aime les propositions de Stiker ; celle-là devrait coller au mur de Pages romandes : « Ce que nous savons aujourd’hui du handicap mental peut faire progresser la société de demain ! » Et, je vous le donne en mille, cette idée pourrait bien occuper les 50 prochaines années de la revue… 1

Titre inspiré de la chanson improvisée par le groupe de Michel Boutet, Marie-Antoinette Gorret et Pascal Romailler avant la partie officielle des festivités…


Echos du 50e Zig Zag jubilatoire

La journée du 50e de Pages romandes vue par… Sébastien Delage, membre du comité de rédaction, Neuchâtel

Le 50e anniversaire de Pages Romandes a été le lieu de bien des rencontres, déclarations, questionnements. Dans ce foisonnement, et dans ces instants qui furent ceux d’une authentique Agora, j’aimerais rendre hommage à quelques paroles dites, saisies au bond, qui apporteront mon éclairage sur cette journée de jubilé. Tout d’abord, de la part des personnes handicapées mentales, quelques mots butinés, extasiés ou anxieux. «C’est cool, c’est gratuit ici!» lance un Guillaume convaincu et aux anges devant les tables d’apéritif… «J’aime bien la vie en général: j’ai dormi sur une plage à Majorque», scande Alexandre

durant un atelier d’expression. Et Margareth de lui répondre: « J’aime pas la foudre qui a mis le feu à mon chalet». Didier, lui, poursuit lentement, avec application: «J’aime pas la mort, parce que j’ai perdu mon père, mon grand-père, et mon parrain», puis « J’aime pas au travail se faire engueuler ». «J’aime pas les poulets et le racisme, j’aime pas les poulets racistes», affirme Aline. «Ah, ça fait du bien la peinture, ça me détend: j’ai le trac pour ce soir», avertit Antoinette. «Si je pouvais changer quelque chose, je changerais tous les méchants en grenouille, non, en citrouille», profère Eric avec espoir. «Qu’est-ce que tu aimes, Marie-Pierre?», demande l’un des animateurs. «JE T’AIME», lui répond tout de go Marie-Pierre. Quant à Sandra, elle «aime les petits poussins». Ce matin encore, ces 20 personnes handicapées mentales ne se connaissaient pas. Elles ont produit en une journée un spectacle mémorable. «Elles ont fait preuve d’une solidarité extraordinaire», confiait en fin de journée Michel Boutet, auteur et interprète, animateur de l’atelier d’expression mis en place pour les personnes handicapées à l’occasion du 50e anniversaire de Pages romandes. Les invités de la Table ronde, sur un ton plus grave, n’ont pas été en reste de bons mots. HenriJacques Stiker, philosophe, historien et anthropologue, fait ce constat impitoyable : « Nous arrivons très difficilement à mettre les personnes avec un handicap mental à hauteur d’homme. Ou nous les exaltons, ou nous les méprisons. Le handicap n’est

que la pointe de ce que nous sommes tous. Il y a mon côté handicapé, votre côté handicapé. Nous avons tous un côté handicapé.» Journaliste et animateur de Zig Zag Café, (ancienne émission de la TSR qui accordait aux heures de grande écoute une place importante aux personnes vivant avec un handicap), Jean-Philippe Rapp cite Erhard Loretan, parlant d’Alexandre Jollien: «Son Everest est plus haut que le mien». Et si cette journée avait été un chant, le refrain de Rapp aurait pu être celui-ci: «Alexandre Jollien doit être là parce qu’il a quelque chose à dire, pas à cause de son handicap.» Les auteurs de Singularités apportent quant à eux leur expérience dans le milieu médiatique; leur slogan résume bien l’objectif de l’atelier de Clair Bois Lancy : « Donner la parole à des gens qui n’ont pas forcément les mots». Voici donc quelques paroles glanées. C’est leur sens le plus profond qui m’a porté en cette belle journée. Le bon mot qui résume tout revient finalement à Justine : « J’aime pas les gens qui pensent trop court, qui jugent sans savoir ». Nous devons poursuivre la route aux côtés de ceux que nous accompagnons. Devaldès écrivait: «Le secret du bonheur, c’est de le vouloir vraiment». Les personnes avec un handicap mental nous montrent chaque jour qu’on peut vouloir ce bonheur… Puisse le 50e anniversaire de Pages Romandes apporter à chacun son lot de questionnements. C’est ce que j’ai envie de retenir de cette journée, en me rappelant les propos de Benjamin Disraeli : « Etre conscient que l’on est ignorant est un grand pas vers le savoir ».

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Echos du 50e Emulation… Emulsion…

Les manifestations du 50e sous la loupe de… Marie-Christine Ukelo, membre du comité de rédaction, Fribourg

En repensant à la journée du 50e de Pages Romandes, un mot me vient à l’esprit: émulation. J’ai pourtant un peu de peine à le penser dans toute sa limpidité, tant il se confond avec le mot émulsion. Emulsion: mélange homogène de deux substances liquides non miscibles ( qui ne se mélange normalement pas ); l’émulation étant un sentiment généreux qui excite à égaler, à surpasser quelqu’un ou une situation¹. Le retour au fondamental de la définition me bouscule. En effet, mettre le focus sur une telle journée, à partir d’un phénomène physique force au décentrage, et permet de mettre en lumière quelques phénomènes. Le programme alléchant de cette journée d’anniversaire laissait entendre des opportunités de rencontres diverses, «inter». En ce sens, la fête du 8 octobre a répondu à nos attentes: la Romandie s’est rencontrée, après tout, grâce aux personnes en situation de handicap, à travers les professionnels, les parents, les personnes concernées par la question du handicap, en général (j’ai appris à aimer cette formule durant cette journée), les artistes, le politique… Un microcosme de la société, en somme… La performance présentée par les personnes en situation de handicap a fait la démonstration d’une forme d’émulsion: des personnes qui ne se rencontrent pas dans leur quotidien, qui ne se connaissent pas et qui, en fin de journée, nous livrent quelque chose émanant de cette rencontre. Peut-on cependant dire qu’il s’agissait, pour reprendre notre formule chimique, de substances/mondes qui a priori ne se mélangent pas? De la rencontre de quels mondes devrions-nous parler ici ? Celle du monde des artistes et des personnes en situation de handicap? Plus simplement, celles des différentes personnes en présence? La démonstration n’est plus à faire que ces mondes-là sont effectivement miscibles, 30

que de ces territoires-là, pour autant qu’on les définisse ainsi, peuvent émaner de nouveaux espaces, ceux de la création. D’autres diraient que la création permet la construction d’un nouvel espace où les deux mondes peuvent se rencontrer. Seulement, ces définitions de territoires mettent d’emblée en évidence les limites de l’exercice qui a eu lieu tout au long de cette journée. A quelques exceptions près, nous sommes toujours dans la nécessité de devoir définir les personnes pour lesquelles nous œuvrons en vue de faire entendre leur voix, à partir de leur situation de handicap. Alors que les autres mondes en présence ont été désignés à partir de ce qu’ils font dans le monde: penseurs, journalistes, professionnels de l’éducation sociale…. D’un côté, la désignation par le déficit, la difficulté; de l’autre, par les ressources. D’emblée la mesure de l’écart à combler dans cette rencontre est donnée. La Table ronde autour de la thématique du handicap dans les médias a été intéressante non seulement par rapport à ce qui a pu se dire et se voir, mais aussi par ce qui n’a pas forcément été dit, et qui s’est donné à voir. Un exemple : il a fallu une vingtaine de minutes avant que l’animateur du jour passe la parole aux journalistes en situation de handicap… Alors que les trois experts en présence avaient l’opportunité de parler «sur» ( les enjeux du handicap ) et « de » ( leur travail ), les personnes possédant cette double expertise ( celle d’être porteuses de handicap et celle d’être en activité dans le journalisme ) ont pu s’exprimer sur la fin et sur une pratique spécifique, celle de l’émission qu’ils ont misw en œuvre ( Singularités )². L’on peut poser l’hypothèse qu’ils auraient pu avoir des choses à dire sur les différents sujets abordés durant la discussion, tels que la désignation de leur particularisme par les médias par exemple. Autre exemple, au comité de Pages

Romandes, nous n’avons pas de personne en situation de déficience intellectuelle… Ces deux exemples ne sont là ni pour blâmer, ni pour faire de l’auto-flagellation, mais bien pour prendre la mesure du chemin qu’il nous reste à parcourir pour sortir de la logique d’une intégration à sens unique, ou encore de l’inclusion. Tisser des ponts entre des espaces un peu figés dans leurs habitudes et difficulté d’être au monde, donner des outils à chacun-e pour se décentrer de sa condition tant de professionnel, parent, journaliste, politique, que de personne ordinaire et / ou en situation de handicap est un pari à formuler. Des passerelles existent déjà. Des « espaces – temps » particuliers sont créés afin que la cohabitation de nos « singularités » soit possible. L’exercice démontre cependant à quel point il est difficile de créer un monde commun³, tant l’écart à enjamber nous fragilise les uns et les autres. Le forum de Tignousa4 organisé par Itinéraire santé Anniviers et Pages romandes le 17 octobre 2009 arrivera-t-il à faire bouger les lignes de quelques millimètres?

¹www.wikipedia.org ² Collaboration www.clairbois.ch www.lemanbleu.ch Tiré de l’ouvrage de Charles Gardou « Le handicap par ceux qui le vivent » (voir Sélection, page 36) 3

Le Forum de Tignousa a pour thématique «Valeurs du handicap : le pari de la rencontre» et pour perspective une sensibilisation de la communauté à l’intégration. 4


Echos du 50e La place du handicap dans les médias Autour de la Table ronde Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Animée par Stéphane Gabioud, journaliste RSR, la Table ronde du 50e réunissait 6 personnalités venues d’horizons très différents : Henri-Jacques Stiker, philosophe historien et anthropologue, auteur de divers ouvrages, notamment sur la représentation du handicap dans la société. Directeur de recherches à l’Université de Paris VII, il est aussi rédacteur en chef de la revue ALTER; Michel Boutet, Québec, directeur de la revue CNRIS, nouveau magazine scientifique et professionnel dédié aux domaines de la déficience intellectuelle et des troubles envahissants du développement; Jean-Philippe Rapp, ancien journaliste à la Télévision suisse romande; il a notamment produit et animé l’émission bien connue Zig Zag Café, qui donnait naturellement leur place aux personnes avec un handicap; Julien Lomazzi et Frédéric Kessler, de l’atelier Ex&Co, Clair Bois Lancy à Genève, membres de l’équipe qui produit les émissions Singularités sur Léman Bleu; Jean-Christophe Pastor, responsable de l’atelier Ex&Co, formation et production vidéo. Cela s’est dit autour de la Table ronde Jean-Philippe Rapp a d’abord tenu à rendre hommage à Roger de Diesbach, qui devait être des nôtres en ce jour anniversaire, mais qui nous a quittés le 21 septembre 2009, à l’âge de 65 ans : « Il va nous manquer, certes, mais il va nous inspirer dans notre réflexion, j’en suis sûr… » Pourquoi donner la parole aux personnes handicapées ? demande Stéphane Gabioud pour lancer le débat... « Les personnes handicapées ne forment pas une catégorie… » répond Jean-Philippe Rapp.« Il ne s’agit pas d’inviter quelqu’un

sur un plateau en raison de son handicap, mais parce qu’il a quelque chose à dire.» Pour Henri-Jacques Stiker, c’est l’équilibre qui est difficile à trouver : ne faire de la personne avec un handicap ni un être particulièrement exaltant, ni un personnage misérable; mais situer la rencontre à hauteur d’homme. « Le pas à franchir, c’est d’inviter les personnes avec un handicap à s’exprimer dans des émissions ou des articles de presse qui parlent de sujets de société les plus divers… Or ces situations-là sont encore beaucoup trop rares. » Julien Lomazzi et Frédéric Kessler présentent la démarche d’Ex&Co. L’atelier de Genève produit les émissions Singularités qui sont diffusées mensuellement sur la télévision genevoise « Léman Bleu ». Ils nous proposent de visionner l’une de leurs 43 productions : « Généralement nous abordons plutôt des thèmes liés au handicap ». Pourquoi ne traiter que des sujets en rapport avec le handicap ? s’interroge alors Stéphane Gabioud… « Parce que nous sommes encore dans une phase militante… argumente Jean-Christophe Pastor. Nous avons la chance d’avoir une tribune; nous en profitons pour montrer au grand public que nous existons… » Les émissions Singularités sont vues par quelque 80’000 à 100’000 téléspectateurs. « Dans la rue, on nous reconnaît » se réjouit Frédéric Kessler. « On nous demande quand aura lieu la prochaine émission », confirme Julien Lomazzi. Le sujet de l’émission qu’Ex&Co nous propose de visionner est une enquête sur le microcrédit. Jean-Philippe Rapp trouve qu’il s’agit là d’un bon choix rédactionnel, le sujet étant ouvert sur un problème de société. Pour lui, la réalisation est bonne et les ques-

tions pertinentes. Il souhaiterait cependant que ce type d’émissions ait sa place dans les programmes de la TSR, une télévision de service public… Jean-Philippe Rapp nous propose de visionner une séquence de l’une de ses émissions Zig Zag Café : « Ce n’est pas la plus extraordinaire, commente le journaliste, mais elle illustre la possibilité d’intégrer des personnes avec un handicap dans un sujet de société particulièrement actuel : les problèmes liés au monde du travail. Au fond, il s’agit de parler normalement dans une émission normale : la formulation des questions posées aux personnes avec un handicap n’est pas différente de celles adressées aux autres invités de l’émission ». Le phénomène de la désinstitutionnalisation intervenu au Québec depuis quelques années déjà a-t-il une influence sur la présence dans les médias des questions liées au handicap ? « Pas vraiment », répond Michel Boutet. « Le traitement d’un sujet lié au handicap dans la presse québecoise est encore lié à un événement exceptionnel. Il est rare qu’une personne avec un handicap soit invitée spontanément dans le cadre d’une émission courante. Les structures spécialisées – ainsi que les associations de parents – en sont toujours à faire la promotion du handicap auprès des journalistes et des médias… Notre but, avec notre nouvelle revue, est d’infiltrer la société… » Infiltrer la société; redonner aux personnes avec un handicap la place qui leur revient de droit au sein de toute population… Voilà déjà tout un programme dont l’objectif ultime est parfaitement résumée par la devise d’Ex&Co : « Donner la parole à ceux qui n’ont pas les mots »… 31


Entre euphorisation et misérabilisme, le difficile équilibre Entretien avec Henri-Jacques Stiker Comité de rédaction de Pages romandes

Philosophe, historien, anthropologue et directeur de recherches au laboratoire « Identités, cultures, territoires » de l’Université Paris VII, Denis Diderot, HenriJacques Stiker est aussi président de ALTER, société pour l’histoire du handicap mental. Il était l’une des personnalités présentes à Etoy lors des manifestations  liées au 50e   anniversaire de Pages romandes. Durant cette journée du 8 octobre 2009, il a participé à l’émission Médialogues ( RSR, 9h30 ), été l’un des intervenants de la Table ronde animée par Stéphane Gabioud ( Institution de l’Espérance, 15h30 ) et accordé un entretien aux membres du comité de Pages romandes… Lors de l’émission « Médialogues » ( Radio suisse romande ), à laquelle vous avez participé ce matin, vous avez parlé de la fin de l’euphorisation du handicap qui a

suivi une certaine forme de misérabilisme. Pouvez-vous développer cette idée ? Nous pouvons rattacher cette idée à quelque chose de beaucoup plus fondamental : face à l’infirmité, face à la déficience, nous ne sommes pas à l’aise. Personne n’est à l’aise; ni un groupe social, ni des parents, ni des individus. La société va donc toujours balancer entre une représentation trop valorisante ou au contraire dévalorisante. Nous avons du mal à nous dire qu’il s’agit d’une réalité humaine parmi d’autres, qu’il ne faut ni exalter, ni rejeter. D’où le problème de représentation dans les médias : pour faire admettre que les personnes handicapées pouvaient vivre avec les autres, la société a progressivement tenté de gommer le handicap au profit d’une moralisation. En réaction, il a fallu montrer les réalités fortes, comme des corps difformes et nus… Pensez-vous que cette approche contribue à une amélioration des représentations ? Vouloir tout dévoiler, c’est aussi une façon de rejeter, de ne pas tenir compte de la personne elle-même. Nous sommes toujours ambivalents, jusque dans nos représentations mentales qui reflètent les deux faces d’une même problématique : gommer, cacher ou au contraire trop montrer, c’est toujours stigmatiser. Le juste milieu pour que les personnes handicapées soient traitées comme tout un chacun devrait tendre à parler de la réalité, mais sans la porter aux nues. Désigner l’Autre dans sa différence ne conduit-il pas à ne voir plus que sa différence ? Pendant longtemps, nous nous sommes servis de mots défectifs, signifiant le manque. Aujourd’hui, nous sommes dans la tendance inverse, par exemple en parlant de personnes « autrement capables », expression que par ailleurs je ne récuse pas. Nous balançons, nous devenons bipolaires, et à nouveau, nous gommons une limite. Dans le fond, notre psyché individuelle pose question, car nous sommes des êtres ambigus…

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En qualité de directeur de revue scientifique, êtesvous aussi dans cette ambivalence ?

Ce serait un renversement intéressant, un nouveau point d’ancrage ?

Faut-il isoler, dans la revue et la recherche, le handicap d’autres questions connexes ? Faut-il accentuer la spécificité, ou au contraire mettre en lumière ce qu’il y a de commun ? Même au niveau d’une revue scientifique, c’est un vrai débat. Nous rédigeons une revue spécialisée, alors que l’idéal serait que le handicap soit présent dans toutes les revues scientifiques. Ethnologie française vient de faire un numéro sur le handicap, mais de tels dossiers sont rares ! Notre revue participe au débat : si nous ne le faisons pas, qui le fera ?

Dans les médias, il faudrait pouvoir inviter les personnes handicapées à venir discuter les problèmes de la société : « Qu’avez-vous à nous dire de votre place ? » Nous pourrions examiner les critères de la participation. Devons-nous donner la parole à des personnes parce qu’elles sont handicapées ? Le propos a quelque chose de provoquant, mais il s’agit d’une réalité. Le handicap ne devrait en aucun cas mettre à l’abri de la critique… Nous n’avons pas l’habitude de la présence de personnes handicapées dans les médias, alors que cette présence pourrait amener un regard nouveau sur le monde; il ne s’agit pas de prendre toute la place, mais de désenclaver le handicap… Dans le contexte français, les institutions devraient commencer à le comprendre, en mettant à disposition des espaces communs qui permettent les rencontres; les personnes handicapées pourraient ainsi mettre leur richesse au service de la société civile.

Ne s’agit-il pas de discrimination… Nous sommes sur le fil du rasoir. Nous sommes partagés entre la spécificité, qui permet une reconnaissance légitime des individus et la question de l’espace commun. C’est quelque chose qui est à construire, dans des moments où inévitablement nous balançons de l’un à l’autre… Est-ce une constatation qui oriente le choix de vos publications ? Oui – et j’insiste beaucoup là-dessus – les institutions doivent être capables de faire vivre ensemble les différences. Nous rejoignons les courants de recherche actuels qui disent que le handicap découle du milieu, et donc que l’espace commun doit s’adapter aux particularismes sans les « manger ». Dans la Troisième République française, il y avait des canons très stricts : on formatait de bons citoyens patriotes à être de bons républicains. L’école de la Troisième République ayant éclaté, on s’est trouvé devant le problème d’intégrer la différence – et le handicap est pris dans cette problématique. Comment articuler le droit commun et le droit des personnes handicapées ? La réponse à cette question pourrait servir à d’autres champs. Ainsi, les recherches du handicap apporteraient un nouvel éclairage à d’autres problèmes de société…

En somme, plutôt que d’être des défenseurs du droit, les associations pourraient en être les promoteurs… Le modèle du processus de production du handicap ( PPH ) pourrait très bien être appliqué à d’autres domaines de façon transversale. Comme il s’agit d’un instrument qui permet de comprendre le fonctionnement sociétal, il pourrait tout aussi bien servir à d’autres interlocuteurs qui pourraient bénéficier de ce transfert. J’ai l’intention de travailler sur cette thématique dans un prochain ouvrage. Jusqu’à ce jour, le mouvement avait lieu de la société VERS le handicap, sans se demander jamais ce que les personnes handicapées pouvaient amener à la société…

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Inter Face Vie en famille et accueil en établissement spécialisé pour les personnes handicapées adultes Quelles articulations, quelles complémentarités possibles, aujourd’hui et à l’avenir ? Maurice Jecker-Parvex, professeur-chercheur HEF-TS, Givisiez, avec la coopération de Jean-Louis Korpès

La recherche intitulée « Vivre en famillepour les personnes vieillissantes ayant un handicap mental : quelles réalités ? Quelles spécificités ? Quel avenir ? » et annoncée dans le numéro 3, juin 2007 de la revue Pages Romandes s’est terminée en juillet de cette année. Comme l’évaluation du rapport scientifique par les instances qui ont subventionné la recherche ( Fondation Leenaards, Lausanne - fonds stratégique HES-SO, Delémont, par l’intermédiaire du RECSS ) est encore en cours et que les résultats de la recherche n’ont pas encore été communiqués aux différents partenaires et personnes ayant contribué au recueil de données, nous nous limiterons à exprimer une première réflexion à l’attention des professionnels travaillant dans le secteur de l’accompagnement d’adultes handicapés. La recherche visait à étudier une problématique sociale encore peu explorée en Suisse romande, celle de personnes adultes ayant un handicap mental, âgées de 35 à 64 ans, vivant chez leurs parents. La recherche s’est effectuée dans trois cantons romands : Fribourg, Genève et Vaud. Elle a été menée en partenariat par une équipe de recherche constituée de représentants de insieme Vaud et de la HEF-TS de Givisiez. Elle avait pour but de mieux connaître la population des personnes handicapées mentales, en particulier leurs trajectoires de vie, leurs lieux de vie et leurs caractéristiques spécifiques. D’autre part, et en se centrant sur les personnes ne vivant pas en milieu institutionnel, elle a tenté de mettre en lumière la genèse de la cohabitation, les conditions de vie de ces personnes et de leurs proches assumant un rôle d’aidants naturels, de repérer les signes et conséquences de l’avancée en âge, de recueillir les besoins des personnes 34

habitant ensemble et leur vision de l’avenir ( lieu d’habitation ). Des données chiffrées ont été obtenues par l’intermédiaires des Offices cantonaux AI et à partir des réponses à un questionnaire diffusé auprès des bénéficiaires de prestations de l’AI. Des données qualitatives ont été recueillies au moyen d’entretiens individuels avec des familles concernées. Diversité des modes de vie en famille En nous appuyant sur les données collectées et en fonction d’un cadre d’analyse tiré de l’ouvrage de Nancy Breitenbach1, notre échantillon a été réparti en trois groupes : les personnes vivant « à plein temps » ensemble, les personnes vivant « à mi-temps » ensemble ( la personne handicapée ayant une activité en dehors du milieu familial tout ou partie de la semaine ) et celles vivant dans un lieu distinct mais bénéficiant d’un accompagnement « à distance » de la part de leur parents ou de leur famille. Si les familles interviewées nous ont livré des témoignages poignants, elles ont exprimé une certaine méfiance envers les institutions et les professionnels du champ socio-éducatif. Pour quelques-unes, l’avenir est flou et elles n’ont pas pris de dispositions en cas de décès ou d’impossibilité de continuer à assurer le maintien à domicile. Pour plusieurs familles, l’institution est considérée comme l’ultime solution ou celle qu’elles devront accepter par dépit. La première dimension pouvant intéresser les professionnels des établissements spécialisés, que nous aimerions relever, est que la vie à domicile avec les parents âgés est une réalité actuelle pour de nombreuses personnes adultes. S’il est difficile de donner un chiffre précis, le nombre de personnes adultes vivant avec les parents se trouve dans une fourchette se situant entre 15% et 30%

des adultes handicapés mentaux, soit entre 300 et 600 personnes environ pour les trois cantons. Ces personnes vieillissent, leur espérance de vie est en augmentation, et leur nombre s’accroît car elles font partie des premières générations du baby boom ( nées après la 2e guerre mondiale ). Nous avons fait le constat d’une étonnante diversité des modes de « vie en famille ». Un nombre important d’adultes habitent avec les deux, ou l’un des deux parents. D’autres vivent dans un habitat distinct et bénéficient d’un accompagnement à distance de leur famille. Plusieurs adultes cohabitent avec un autre membre de la famille, un frère ou une sœur. Certaines vivent en couple, avec une personne non handicapée. Des raisons qui amènent les familles à choisir cette forme d’hébergement Les témoignages recueillis mettent en lumière que diverses conditions se retrouvent à l’origine de la cohabitation et de son maintien. Si l’on a pu penser que ce mode d’hébergement tenait surtout à l’absence d’autres solutions pour les familles, en particulier au manque de places en institution spécialisée, les analyses montrent que ce ne sont pas les seules et qu’elles sont passablement diversifiées. Une grande majorité des familles estiment même ne pas avoir fait de choix, la vie en commun s’étant instaurée et ayant perdurée sans véritable décision. En échangeant avec les familles, nous avons pu mesurer combien, même s’il n’y a pas eu vraiment de choix délibéré, ce mode de vie leur est apparu comme celui qui correspondait le mieux à leurs attentes et aux besoins de leur fils ou de leur fille en situation de handicap. Des circonstances particulières semblent


ecaF retnI setluda seépacidnah sennosrep sel ruop ésilaicéps tnemessilbaté ne lieucca te ellimaf ne eiV ? rineva’l à te iuh’druojua ,selbissop sétiratnemélpmoc selleuq ,snoitalucitra selleuQ sèproK siuoL-naeJ ed noitarépooc al ceva ,zeisiviG ,ST-FEH ruehcrehc-ruesseforp ,xevraP-rekceJ eciruaM

aussi avoir favorisé la cohabitation. Il s’agit de conditions environnementales au niveau de la configuration familiale (disponibilité d’un membre de la famille, souvent la mère et/ou une sœur) et également aussi de ses valeurs familiales et culturelles, de l’habitat et des conditions socio-économiques. Mais dans plusieurs familles, nous avons appris que la personne avait toujours vécu en famille et que pour certaines, une tentative de placement en institution avait été faite sans succès, soit lorsque la personne était enfant, à l’adolescence ou au début de sa vie d’adulte.

devront aussi recevoir, et certainement dans des situations d’urgence, des personnes qui n’auront quasiment jamais vécu en dehors de leur famille. Si certaines seront encore prêtes à vivre de la manière la plus autonome et la plus indépendante possible, d’autres seront en situation de grande dépendance.

Si l’on a pu également penser longtemps que ces personnes décèderaient avant leurs parents ou auraient besoin d’une prise en charge spécialisée en raison de l’aggravation de leur dépendance liée à leur vieillissement ou à celle de leurs parents, la réalité montre qu’elles profitent d’une augmentation de l’espérance de vie comme les autres personnes et qu’elles vivent plus longtemps en bonne santé et autonomes. Ce phénomène contribue aussi au maintien à domicile. Ce mode d’hébergement a vraisemblablement de beaux jours devant lui. D’autant plus qu’il est renforcé par des politiques sociales accordant une priorité à la vie autonome, à l’autodétermination, à l’encouragement à demander des prestations fournies à domicile.

- le développement de centres de jour - le développement de l’accueil temporaire et des solutions de répit - l’accompagnement à domicile ( aides à domicile, services de soutiens itinérants, prestations ambulatoires... ) - la diversification des aménagements des temps et modalités de travail en atelier occupationnel ou de production - la création de petites unités dans les quartiers des villes - les espaces d’informations et d’écoute pour les familles à la recherche d’infos - la préparation des professionnels (formations et perfectionnements sur l’accompagnement dans la vieillesse, etc.).

Etablissements spécialisés et maintien à domicile, quelle complémentarité pour demain ? Cet état de fait nous amène à relever les aspects suivants : Les établissements spécialisés doivent s’attendre à devoir accueillir, au cours des 10 prochaines années, des personnes qui auront anticipé le placement et se seront donné les moyens de se préparer, tant au sein de la famille que du milieu institutionnel. Mais ils

Dès lors, les établissements pourraient encore étoffer leurs offres de prestations dans sept domaines, pour contribuer au maintien à domicile, mais également faciliter les transitions:

Ces offres existent déjà mais elles gagneraient à être encore mieux connues des familles d’une part, mais également, d’autre part, à être développées afin de correspondre davantage à la diversité des attentes et des besoins des personnes, des parents et familles. Il semble que le travail effectué par les MSP est fondamental et également un axe primordial dans l’établissement d’une relation de confiance entre la famille et le monde institutionnel. Si des familles interviewées ont évoqué une méfiance face aux secteurs

éducatifs, elles ont régulièrement relevé leur satisfaction quant à la collaboration instaurée avec le monde des ateliers et de l’occupation. En conclusion, il nous paraît essentiel de relever le point suivant. Si l’on ne veut pas que le choix de vivre ensemble et en famille soit fait par dépit, il est souhaitable que les divers acteurs concernés travaillent ensemble. Certains facteurs de changements, comme la Loi fédérale Handicap, la nouvelle RPT, les projets FAsis AI (budgets d’assistance et mise à disposition de moyens pour le maintien à domicile), le développement des conceptions du handicap de la CIF (OMS) et du PPH ... montrent qu’un nouvel avenir se dessine pour les personnes handicapées adultes et leurs familles. Ils indiquent également quels pourraient être les points de convergence sur lesquels les différents projets, mais aussi les acteurs, pourraient se retrouver. Plus largement, sur un plan social, la coordination des projets, entre établissements spécialisés (homes, foyers...) privés et parapublics, autorités socio-sanitaires cantonales, associations de parents et de personnes handicapées, organismes para-publics (AI, Pro Inf.) mérite d’être soutenue et augmentée. Ces suggestions relèvent certes des analyses et réflexions menées par l’équipe de recherche, mais elles reflètent les souhaits de nombreuses familles et personnes handicapées rencontrées en cours de recherche.

Breitenbach Nancy : Une saison de plus. Handicap mental et vieillissement. Paris, Desclée de Brouwer, 1999 1

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Sélection

Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de travail social, Genève

Le handicap par ceux qui le vivent Sous la direction de Charles Gardou Editions érès, coll. Reliance, 248 p, isbn 978-2 -7492 -1087-2

La parole est ici exclusivement donnée à des femmes et des hommes en situation de handicap. Experts, au sens premier du terme, ils «éprouvent», ils savent par expérience les résonances d’une déficience motrice, physique, auditive, visuelle, intellectuelle ou psychique. Quelle est leur réalité existentielle? En quoi leur condition spécifique influe-t-elle sur leur place, leur statut et leurs rôles? Quelles stratégies adaptatives mettent-ils en œuvre? Quelles sont leurs manières spécifiques d’habiter l’espace et de vivre le temps? Quelle image se font-ils du monde? Comment conçoivent-ils les normes et les valeurs, l’égalité et la liberté? C’est autour de ces interrogations et bien d’autres encore que Charles Gardou a conçu et réalisé ce projet éditorial avec eux. Leurs propos préviennent contre la pensée toute faite et rappellent une évidence qui fait nécessité: une part essentielle du savoir se trouve auprès de ceux qui vivent cette réalité humaine. Ces pages, qui procèdent d’une anthropologie du très proche, nous conduisent des nuances de la singularité aux couleurs de l’universel: l’Homme est né pour la liberté. C’est vrai pour tous les êtres humains et ceux qui vivent le handicap au quotidien n’y font pas exception.

Frères et sœurs, une place pour chacun : vie de famille et handicap

Publié par Déclic, Lyon  Handicap international, 2009, 121 p. Le métier de parent se complique sérieusement lorsqu’un enfant est handicapé. Et les questions se bousculent : Comment prendre soin d’un enfant handicapé sans négliger ses frères et sœurs ? Seront-ils solidaires dans 20 ans ? Est-ce que j’y peux quelque chose ? Et celui que le handicap a épargné, a-t-il vraiment le beau rôle ? Déclic a interrogé des professionnels et recueilli des dizaines de témoignages de parents, de frères et sœurs valides et handicapés sur le thème de la fratrie. Une somme d’expériences et de conseils qui vous aidera à inventer votre façon de vivre le handicap en famille. Créé en 1993 par Handicap International, le magazine Déclic s’adresse à tous les parents d’enfants et d’adolescents handicapés.

Femme, création, handicap

Charles Gardou, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, consacre ses travaux à la diversité, à la vulnérabilité et à Forum du 11 déleurs multiples expressions, en particulier aux situations de cembre 2007 à la handicap. Il a créé et dirige les Collections Connaissances Cité des sciences et de la diversité et Reliance aux éditions érès. Il est notamde l’industrie de La ment l’auteur de « Fragments sur le handicap et la vulnéraVillette ( Paris ). bilité » et de « Pascal, Frida Kahlo et les autres… ou quand Coordonné par Maudy Piot; publ. Asla vulnérabilité devient force ». sociation Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir. Paris : L’Harmattan, Ont collaboré à ce projet autour de lui : Vincent Assante, Jean-Marc Bardeau-Garneret, Evgen 2009, 169 p. Bavcar, Elise Boivin, Julia Boivin, Hamou Bouakkaz, Marie-Sophie Chaumont, Florence Chomarat, Raphaëlle L’association Femmes pour le Dire, Dessertine, Perrine Dutreil, Marie Feuillatre, Frédéric Femmes pour Agir organise régulièFlaschner, Vincent Fries, Hugo Horiot, Laurent Lejard, rement des forums nationaux dont le Jean-Marc Maillet-Contoz, Marcel Nuss, Jean-Chris- dénominateur commun est la volonté tophe Parisot, Maudy Piot, Elisa Rojas, Philippe Streiff, de dire et de montrer que les femmes handicapées sont des citoyennes à part Dominique Venet. 36

entière, dans tous les domaines de la vie en société. En 2007, nous avons voulu consacrer une grande manifestation à la création féminine, et permettre aux femmes différentes de faire éclater leurs dons artistiques, pour inviter tous et chacun à un regard nouveau sur leurs œuvres, en sortant des ghettos et des idées reçues. Femmes avant tout, autrement capables de créer de la beauté, de l’étonnement, de l’émerveillement. C’est à une visite de cet univers que vous convie ce livre en allant de ruches en ruches, de textes en musiques, de couleurs en sons, pour votre plus grand plaisir, nous l’espérons.

La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation

Revue trimestrielle sur la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers, La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation a pour vocation de promouvoir l’information, la recherche et l’innovation dans le domaine des adaptations scolaires et de la scolarisation des élèves en situation de handicap ou de difficulté. Elle constitue un organe de médiation pour favoriser la communication et la compréhension entre les acteurs et professionnels de terrain, les responsables institutionnels et les chercheurs. Derniers numéros parus : • n° 41 Comment faire ? Le défi de l’analyse de pratiques • n° 42 Médiation, enseignement-apprentissage • n° 43 Des aides techniques pour l’accessibilité à l’école • n° 45 Auxiliaire de vie scolaire, un nouveau métier ? • n° 46 École maternelle et accueil de la diversité www.laboutique.inshea.fr


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d’aide aux personnes handicapées mentales

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