PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

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No 5 décembre 2008

Spécial Neuchâtel

Les forces et les potentiels de la formation


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Conseil de Fondation Président : Charles-Edouard Bagnoud Rédactrice et directrice de revue Secrétariat, réception des annonces et abonnements Marie-Paule Zufferey Avenue Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre Tél. +41 (0)79 342 32 38 Fax +41 (0)27 456 37 75 E-mail: mpzu@netplus.ch www.pagesromandes.ch Comité de rédaction Membres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Salamin, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule Zufferey Responsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud Parution: 5 numéros par an Mi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre Tirage minimal: 800 exemplaires Abonnement annuel Suisse AVS, étudiants Abonnement de soutien Etranger

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Dossier: Spécial Neuchâtel

2 Tribune libre Jacques Laurent

3 Editorial Sébastien Delage 4 GPS et TGV; aller très vite sans savoir où Gilbert Fallet

7 L’apprentissage du social Jacques-André Maire, interview

9 Former les professionnels... Vincent Martinez, interview 10 Des formations en mutation... Jean-Jacques Combes 11 De la constante en politique... Rencontre avec Jean-Pierre Tritten 12 Quelle formation pour nos jeunes avec un handicap mental? Regards de parents, insieme Neuchâtel 13 Les droits à une formation pour tous Interview Pierre-Yves Blanc 15 L’intégration scolaire des enfants présentant des TED Rencontre avec Madeleine Ackermann 16 Les atouts d’une formation élémentaire Rencontre avec Jean Vuille 17 Un club pour la formation continue Simone Juillerat et Patrice Chaduc 18 Connaître l’autre, c’est se former à la vie Valérie Reuge et Olivier Maurer 19 L’art, un vecteur de l’affirmation de soi Julien Boisandan 20 Quand une vente d’allumettes allume l’intérêt... Rencontre avec E. Maire et M. Rondez 22 Clown Ensemble Rencontre avec Eddy Blandenier 23 La formation, un projet de société Alex Fischli

©Pages romandes

24 La formation des éducateurs, un élément-clé du credo Alfaset Genève: un Service de relève pour parents de personnes handicapées Anne-Michèle Stupf


Tribune libre

Le mot du chef de service Jacques Laurent, licencié en sciences de l’éducation, chef de service des établissements spécialisés du canton de Neuchâtel

des adultes en difficultés sociales. L’avènement du CFC a réhabilité la richesse de l’être, autrefois obligée de se doubler d’une capacité scolaire; c’est donc aussi un cadeau fait à celles et ceux que la vie des autres intéresse, sans souhaiter pour autant en faire une théorie. Ce message n’a pas pour but de condamner la formation et le perfectionnement professionnel auxquels je voue la plus grande attention. Mais il veut interpeller les sceptiques de l’élargissement des voies professionnelles du domaine social aux titres non-HES. Chacun, qu’il soit porteur d’un CFC, d’un diplôme ES ou du label HES, a, pour autant qu’une sélection soigneuse interroge sa capacité à prendre de la distance face à sa mission, des qualités humaines. Le domaine de l’éducation, à l’instar de l’enseignement d’ailleurs - et chacun l’a vécu - s’enrichit de ces métiers de l’inné, sans rien retrancher à l’importance de l’acquis. Le porteur d’un diplôme HES a appris beaucoup de choses? Grand bien lui fasse et confions à son futur directeur la responsabilité de lui proposer une tâche en conséquence. Le porteur d’un CFC n’en sait pas moins, il exercera simplement une autre fonction,

complémentaire, au même titre que l’entreprise à laquelle vous donnez à refaire la peinture de votre maison est dirigée par un patron, puis dispose de chefs d’équipes et heureusement aussi, d’artisans formés et si possible passionnés par le fait de peindre. «Je n’engagerai jamais de CFC!» m’assurait l’autre jour un directeur d’institution pour personnes en difficultés psychiques. Il avait peut-être raison, mais il avait tort d’en faire un principe. Un cahier des charges rédigé sans a priori peut en effet faire aboutir un responsable d’établissement à la conclusion que les tâches attendues ne correspondent pas au référentiel de compétences d’un porteur de CFC, au même titre qu’un physicien ou qu’un forgeron ne seraient pas appropriés à cette mission. Mais de grâce, ouvrons nos institutions, quand faire se peut, aux porteurs de CFC, diversifions notre approche des compétences à mettre en œuvre en faveur de nos pensionnaires. Et puis je me dois de pourfendre une autre fausse vérité. En qualité de chef de service, fonction soit dit en passant, simplement complémentaire à celles de directeur d’établissement, d’éducateur ou de veilleur, Tourisme neuchâtelois

En 1979, alors que je débutais dans le domaine de l’éducation spécialisée, je me souviens de mon admiration pour quelques collègues d’envergure. Certains d’entre eux, émergeant du lot des «sociaux», avaient un tel charisme que les adolescents délinquants dont j’avais à m’occuper les auraient suivis sans broncher jusqu’au bout de la Terre… Parmi ces éducateurs exceptionnels, il y avait Jean-Pierre, carrossier valaisan, dont l’engagement et le bon sens auront sans conteste permis à quelques gars, dont le casier judiciaire n’était pas franchement rose, de se reconstruire une vie passionnante. Jean-Pierre n’avait pas l’ombre d’un diplôme, à part celui de carrossier; il travaillait à une époque où la formation d’éducateur exigeait un plus vaste bagage scolaire qu’un CFC. Et pourtant! La profonde transformation du panorama de la formation dans le domaine social, avec sa nouvelle offre de trajectoires certificatives, est un cadeau pour les bénéficiaires de prestations de nos institutions sociales: elle permet à des «Jean-Pierre» de donner goût à la vie à des délinquants, dignité à des personnes en situation de handicap, ou courage à

j’entends parfois dire que ces nouveaux professionnels répondent à une logique d’économie. Qu’il soit dit ici et une fois pour toutes que cette assertion est fantaisiste. On se rappellera que le domaine social, comme celui de la santé ou celui des métiers de la forêt auparavant, a rejoint l’OFFT et s’est aligné sur un modèle général et pertinent, c’est tout. A propos de l’OFFT, juste deux petits coups de gueule quand même: il ne faut tout de même pas exagérer avec la multiplication des types de formation dans le domaine social; je viens de vanter le mérite d’un certain élargissement, mais il y a des limites! Et puis, maintenant que c’est fait, j’appelle de mes vœux un arrêt sur image: peaufinons ce qui existe, consolidons les contenus de formation, mais les incessants changements de plan d’étude, du nombre de semaines de stages ou des appellations finiront par lasser les plus engagés. Condamner une formation au prétexte qu’elle n’est pas à la hauteur de l’exigence d’un domaine professionnel tient d’une mauvaise appréciation de la situation; et se tromper dans l’appréciation d’une situation tient d’une mauvaise formation! Jacques Laurent recommande à tous une journée, voire une nuit mais c’est un peu cher, à l’Hôtel Palafitte, aussi beau que bon, pour faire bref.


La route du tour de Romandie Durant les premières années de l’existence de Pages romandes, la responsabilité de la rédaction du journal incombait tour à tour à chacun des cantons romands. A l’approche de la cinquantaine, la revue a souhaité remettre le concept de tournus en activité. Depuis trois ans, le dernier numéro de l’année est ainsi laissé à la disposition d’un canton, qui en fait un usage personnalisé. Après Genève (2006) et le Jura (2007), c’est aujourd’hui le tour de Neuchâtel. Sébastien Delage, éducateur spécialisé et membre neuchâtelois du comité de rédaction a accepté la responsabilité d’élaborer entièrement ce numéro. Nous l’en remercions. Il nous invite à un voyage au cœur de son canton, à travers la lorgnette de «la formation». Entre Doubs et Creuxdu-Van, entre les douceurs du bord du lac et les froidures de La Brévine, vous aurez tout le temps de ruminer les bonnes questions soulevées avec pertinence par les uns et les autres, à propos, notamment, des nouvelles formations des professionnels du social... L’itinéraire comprend également l’inventaire des offres de formation mises à la disposition des personnes avec un handicap, dans le canton de Neuchâtel... Bon voyage! La rédaction

Edito

Regards neuchâtelois sur les formations sociales Sébastien Delage, éducateur spécialisé, coordinateur de ce «Spécial Neuchâtel»

Voici donc un numéro «Spécial Neuchâtel», axé sur les forces et potentiels de la formation, tels que cuisinés à la sauce neuchâteloise. En ce quarantième anniversaire de la Fondation «Les Perce-Neige», il eût été trop simple de n’axer les reportages que sur un seul prestataire. Dans une volonté d’ouverture, pas nouvelle dans notre canton, j’ai souhaité que ce «Spécial Neuchâtel» soit représentatif de l’ensemble de nos forces cantonales qui, au quotidien et dans un effort remarquable, œuvrent pour une meilleure qualité de vie des personnes avec un handicap mental. Pardon à tous ceux qui n’auront pu y figurer: les contraintes matérielles font qu’une sélection a dû être opérée pour permettre à une diversité maximale d’interlocuteurs d’exprimer leurs valeurs ou de présenter leurs dispositifs. Ma gratitude va à toutes celles et ceux qui ont pris du temps pour me recevoir. Ces rencontres resteront gravées dans ma mémoire. Elles permettent de constater que le social neuchâtelois recèle des terreaux impressionnants de fertilité, et un foisonnement à la mesure des valeurs qui animent les acteurs sociaux de notre beau canton. Je vous souhaite une agréable lecture. Afin d’agrémenter l’itinéraire, chaque interlocuteur de cet opuscule vous suggère un voyage touristique particulier; une occasion pour vous de découvrir des coins et des recoins de notre canton. Certains sont mémorables, d’autres charmants ou grandioses... Faites honneur aux suggestions de balades qui vous sont faites, vous ne le regretterez pas! Pour ma part, je vous conseille de faire halte dans le village d’Auvernier et de flâner quelques instants dans ses petites ruelles...

La formation déclinée en sigles: CFC: certificat fédéral de capacité HES: Haute Ecole Spécialisée ASE: Assistant socio-éducatif ES: Educateur social de niveau Ecole supérieure OFFT: Office fédéral de la formation professionnelle et de technologie HARMOS: Accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire


GPS* et TGV* : aller très vite sans savoir où...

Réflexions sur le paysage de la formation dans le secteur socio-éducatif en hôpital psychiatrique Gilbert Fallet, directeur de l’Unité de réadaptation de l’Hôpital psychiatrique cantonal de Perreux, Neuchâtel

En mettant sur le marché les assistants socio-éducatifs, avonsnous suffisamment mesuré les conséquences qu’allait engendrer ce changement? En effet, depuis maintenant 3 mois, les institutions qui ont choisi de collaborer avec ces nouveaux professionnels découvrent les réalités quotidiennes de la superposition des fonctions. Certes, nous avons toujours connu la multiplication des métiers dans nos domaines. Personne n’a décrié cet état. Il était même salutaire. En période de difficulté de recrutement, le canton avait même créé une classification «CFC utile à la fonction» pour favoriser des embauches à des conditions salariales décentes. Dites-moi, en passant, s’il existe beaucoup de CFC inutiles à la fonction éducative dans le domaine qui nous concerne? En périodes d’ouvertures, nous avons accueilli avec intérêt divers professionnels de l’action sociale ayant des métiers que nous pourrions dire en marge du cadre éducatif: psychologues, enseignants, infirmiers… Les résultats de ces expériences ont été très souvent favorables et tout le petit monde du milieu a bénéficié de ces apports qualitatifs et quantitatifs. Aujourd’hui, les données sont différentes. Ce ne sont plus des notions de diversité et de provenance qui enrichissent la pratique, mais nous sommes confrontés à une superposition de métiers dans un champ d’action défini et de plus en plus restreint. Ceci est focalisé par une évolution de nos institutions à répondre à des missions et à des attributions qui ne cessent d’évoluer pour répondre à des besoins de compétences spécialisées aujourd’hui cantonales, demain régionales. Dès lors, dans cet environnement en mutation, les changements exogènes aux entreprises ont encore plus de résonance car ils

fragilisent d’autant l’édifice déjà déstabilisé. L’arrivée, depuis cet été, d’assistants socio-éducatifs certifiés est et sera un facteur supplémentaire à ces mutations. Certains diront que le déséquilibre est une source énergisante et qu’il est le moteur de l’évolution. Simplement, trop de déséquilibre a l’effet contraire et nos établissements cumulent ces évolutions au point de ne plus leur permettre d’intégrer ces mutations et d’apporter des réponses adaptatives, de qualité et pérennes. RPT1, LIPPI2, formations, regroupements… sont autant de défis qui, additionnés, produisent leur somme d’effets péjorants. Je m’attarderai ciaprès sur l’aspect de trois métiers de l’éducation qui concerne la majorité des collaborateurs qui contribuent au bon fonctionnement de nos institutions: les «ase», les «éduc.» et les «éduc. spé.»... CFC / ES / HES Chaque filière y va de son credo, de sa spécificité. Chacun s’accorde à définir son périmètre d’action, ses sphères de responsabilités et ses relations fonctionnelles, quand elles ne sont pas hiérarchiques. Actuellement trois métiers sont définis et répertoriés, reconnus et classés, déclarés et promus. Derrière cette offre, la possibilité pour un maximum de personnes d’embrasser une carrière dans le domaine éducatif sans frein à l’entrée en formation pour autant que la besace contienne le sésame qui en ouvre la porte. Les campagnes d’information sur ces filières sont vives et les résultats probants. Les centres de formation affichent complets, voire dédoublent les volées pour satisfaire la demande. Mais la demande de qui? Des futurs apprenants, c’est sûr; des employeurs potentiels, ça l’est peutêtre un peu moins, pour preuve les difficultés rencontrées par les centres

de formations pour recenser des terrains de stages. En effet, et sans parler des éléments financiers en lien avec les rémunérations servies aux concernés, comment, concrètement, trouver les meilleures places, aux meilleurs moments dans les meilleurs endroits? Alors, osons la question: est-il possible de faire cohabiter dans le même environnement, 3 métiers aussi proches les uns des autres? Le domaine éducatif n’est pas le seul à adopter cette voie. Des infirmières aux mécaniciens automobiles en passant par les électriciens et bien d’autres, chaque corporation réactualise son plan de formation et ses métiers. Il y a une ou deux décennies, nous pouvions recenser le personnel qualifié: les diplômés, les certifiés et le personnel non qualifié: les aides. Depuis, est venue se greffer une nouvelle caste: l’auxiliaire (l’ancien CFC utile...), et ceci dans bon nombre de métiers. Cependant, le terme d’auxiliaire n’est pas très valorisant, difficile de s’en faire une représentation et compliqué à positionner dans des systèmes de classification des fonctions. Par contre, l’auxiliaire répondait à l’ensemble du cahier des charges du domaine: corvéable quand il le fallait, spécialiste lorsque le besoin se présentait et toujours au poste. On disait que, en son absence, la maison ne marchait que sur une jambe. Le temps a passé et les titres professionnels ont évolué. L’aide éducateur s’est vu ouvrir des possibilités de formation par l’émergence du métier d’assistant socio-éducatif, l’auxiliaire s’est inscrit dans des écoles supérieures et se dénomme depuis «éducateur social», quant à l’éducateur spécialisé, nous avons ajouté un HES dans son titre. Dès lors, comment s’y retrouver dans cette vaste jungle des métiers? RPT: réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons 2 LIPPI: Loi fédérale sur les institutions

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Tourisme neuchâtelois - La Vue des Alpes...

Agir autonome et agir encadré La réponse ne s’est pas fait attendre. Si tous sont censés agir, certains le feront de manière autonome et d’autres en étant encadrés. Voilà qui devrait mettre tout le monde d’accord et permettre de justifier les écarts de salaires importants entre ces deux groupes. Ceci, d’autant plus que cette manière de répartir les ressources est cartésienne, non ambiguë et claire pour un grand nombre des acteurs concernés. Elle permet de construire des descriptions de fonction et d’inclure des relations fonctionnelles et hiérarchiques, même si les chantres du moins de hiérarchie ont de la peine à s’en convaincre. Sans trop l’écrire, les HES seront les autonomes et les encadreurs et les ASE les encadrés… autonomes quand les circonstances l’imposeront, mais nous le verrons plus loin. Et les éducateurs sociaux, les ES, encadrés ou autonomes? Si nous pouvons nous accorder à reconnaître la différence entre les premiers nommés, les CFC et les HES, il est moins aisé de tenir cette théorie pour les ES. La pratique et la cohabitation m’incitent à proposer un nouveau vocable: l’agir indépendant. L’observation quotidienne au travers du «rôle» de propriétaire du processus d’accompagnement du bénéficiaire, avec toutes les réserves qui doivent être mises à cette affirmation, interroge bien cette difficulté à se positionner dans l’échelle des fonctions. Nous avons, aujourd’hui, trop de métiers dans un même champ de compétence et de là, de responsabilités. Le professionnel a besoin, pour se réaliser dans son travail, d’un espace d’autonomie en relation avec les acquis de sa formation reconnus par son titre professionnel. Les spécificités développées au travers de son expérience, de sa personnalité, de son

vécu, viendront enrichir, compléter, valoriser, mais pas remplacer le titre acquis. Alors vient se greffer la représentation du rôle, de la fonction. Cette représentation est modelée dans la formation, au sein des programmes et des savoirs enseignés. Au travers des écrits de l’OFFT et des représentations des professionnels, le rôle de l’assistant socio-éducatif ne semble pas poser trop de problèmes. Le temps donnera certainement raison au modèle. A l’opposé, la fonction HES entre dans la tourmente. Les questions de la pertinence de la formation, en lien avec les exigences du terrain, sont soulevées. Les réponses sont peu satisfaisantes. Par contre, un point sur lequel chacun semble s’accorder et qui renforce cette définition d’autonomie est la nécessité d’avoir, au sein des équipes socio-éducatives, un nombre limité de ces professionnels. Dès lors, ils peuvent être mobilisés dans leurs sphères de connaissances et de compétences, en complément aux assistants socio-éducatifs. Si cela s’arrêtait là, je pourrais conclure cet essai et dire que tout va bien dans le meilleur des mondes... Eh bien non, nous avons encore les éducateurs sociaux ES, les collègues que nous dénommions: «les agir indépendants». Où les positionner ou, autrement dit, où positionner les autres professionnels? Le GPS pourrait nous être d’une aide éventuelle! La semaine, le week-end et la nuit En résumé, les unités socio-éducative sde l’hôpital psychiatrique cantonal de Perreux offrent un lieu d’accueil et de vie à des personnes adultes ayant des troubles sévères du comportement associés à un handicap mental et/ou une maladie psychiatrique, dans des programmes de

réadaptation, de maintien des acquis et d’accompagnement à long terme. En termes d’organisation du travail, les unités sont pour la plupart subdivisées en groupes de 6 à 8 résidants. La charge de travail est évaluée au moyen de l’outil PLAISIR et les ressources en personnel d’accompagnement sont en moyenne de 0.95 EPT (équivalent plein temps) par résidant, cadres compris. En observant l’organisation du travail et la répartition des ressources, nous distinguons trois périodes distinctes: le week-end, la semaine et la nuit. Dans la première, tous les professionnels de l’action éducative se mobilisent, du CFC aux HES en passant par les ES. Chacun est, tour à tour, autonome, encadre et «s’encadre» et est indépendant. La rareté des ressources et les défis à relever conditionnent l’organisation et les responsabilités. Pas compliqué à comprendre, puisqu’il n’y a pas plus de deux personnes par groupe, en même temps… En semaine, les choses se compliquent car les activités, donc les ressources, sont plus nombreuses. Dès lors, il arrive constamment que les trois groupes professionnels soient représentés dans l’action et collaborent à l’activation des programmes. L’analyse rétrospective des interactions professionnelles difficiles, en lien avec le processus d’accompagnement des bénéficiaires, met en évidence quelques généralités: - la survenance des difficultés relationnelles entre personnes issues de groupes professionnels: • CFC et HES est rare; • CFC et ES est relevée; • ES et HES est courante; - l’arbitrage d’un cadre est nécessaire dans la majeure partie des situations; - en règle générale, des répliques de la situation sont relevées durant plusieurs jours dans les interactions difficiles ES-HES, malgré l’arbitrage.


Deux avertissements sont nécessaires: • Cette analyse n’a pas de caractère «scientifique», elle est l’émanation d’ambiance et de perception, soit transmise par des rapports d’incident, par des comptes rendus de séances, soit par des impressions, sentiments relevés «au passage» par les cadres présents ou appelés en soutien. • Le recul de l’observation est très faible (3 mois) et l’échantillon (12 situations) pas suffisamment étoffé pour tirer une règle. Pour conclure cette observation, le service de nuit ne semble pas touché par ces difficultés: trois personnes qui veillent seules dans leurs groupes. Un collaborateur est obligatoirement de formation éducative ou équivalente HES, un autre infirmier et le troisième expérimenté; en général, un aide éducateur. Qu’en dire et que conclure? Une règle de la dynamique de groupe est d’emblée mise en évidence: le rassemblement de plus de deux personnes génère des interactions croisées qui vont avoir des incidences dans cette dynamique. Une autre règle, cette fois de management: les tâches doivent être réparties de façon à ce que chaque groupe professionnel n’empiète pas sur le champ d’un autre groupe. Nous pourrions également citer une règle de gestion: toute différence de rémunération doit pouvoir se justifier par des différences significatives dans les tâches, responsabilités et pré-requis. En posant ces 3 paradigmes, nous avons une réponse à notre questionnement: il y a manifestement problème, et même plusieurs...

• Des différences significatives de rémunération existent entre les trois fonctions énumérées sans mettre suffisamment en avant des différences significatives dans les tâches, responsabilités et pré-requis. Cela est particulièrement visible entre la fonction ES et les deux autres fonctions. • Les descriptions de poste des fonctions concernées ne mettent pas suffisamment de différence entre chacune d’entre elles ou, tout au moins, entre la fonction ES et la fonction HES. • Le terrain d’action à Perreux n’est pas suffisamment grand pour permettre à chacune de ces fonctions d’y développer un rôle propre, une spécificité. • Les trois fonctions n’arrivent pas à développer, dans une dynamique de complémentarité, une plus-value spécifique à elle-même. • La porte est grande ouverte pour maximiser les interactions croisées et la triangulation, néfaste à l’harmonie qui devrait prévaloir à ce type de fonctionnement. Dès lors, constat à l’appui, quelles mesures serait-il judicieux de mettre en œuvre pour solutionner cette situation? Les plus anciens pourraient affirmer que ces évolutions dans les métiers et les titres qui leurs sont décernés sont à l’origine du problème et que supprimer tout cela serait la solution. Les optimistes demanderaient du temps au temps, que tout rentrerait dans l’ordre, l’humain ayant horreur du vide et de l’imprécision. Et entre les deux toutes les solutions, originales et inédites. Plus prosaïquement, problème soulevé, réponse à apporter: • ne faisons pas un TGV: Traitement à Grande Vitesse. • mettons-nous en mode GPS: Gestion Participative Simplifiée...

Et si nous lancions un pavé dans la mare? Il n’y a pas de place pour trois métiers éducatifs dans l’accompagnement des personnes atteintes durablement dans leur santé mentale. Privilégions deux axes déjà développés: l’agir encadré et l’agir autonome. Supprimons l’agir indépendant, supprimons la fonction d’éducateur social ES. Valorisons l’option de la fonction certifiée (CFC) au côté de la fonction diplômée (HES). Et allons plus loin: exigeons de nos éducateurs sociaux qu’ils assument un rôle autonome au même titre que nos éducateurs HES et qu’ils acquièrent cette équivalence au travers de leur cursus de formation, de formation en cours d’emploi ou de modules spécifiques. Les bons professionnels, au bon endroit, au bon moment... Aller très vite sans savoir où! Ce n’est pas la première fois que nous avons besoin d’expérimenter les choses pour être en mesure de s’en distancier et de prendre les bonnes décisions. Cela s’appelle le besoin d’appropriation. La science sociale n’est pas mathématique, elle est aussi empirique. Tout n’est pas gravé dans le marbre. Les acteurs du social y mettent aussi du cœur, car sans ça, comment pourraient-ils se ressourcer et apporter, jour après jour, l’énergie de vie dans les unités? Alors admettons que le modèle de cohabitation des trois métiers n’est pas optimal et que la réponse de la formation aux besoins de professionnels compétents doit encore être affinée. Utilisons la chaîne commencée pour y tisser une suite. Et, en finalité, donnons aux bénéficiaires tous les atouts pour qu’ils puissent se réaliser dans des projets de vie, accompagnés par les bons professionnels, au bon moment et au bon endroit.

Marie-Annick Blanchard

*TGV: Traitement à Grande Vitesse *GPS: Gestion Participative Simplifiée

Un lieu fétiche, pour inviter à la balade? Je conseille le môle nord de l’embouchure de la Thielle dans le lac de Neuchâtel par très fort vent d’ouest, météo grisâtre et pluie fine. Avec un peu d’imagination, c’est notre Pointe de Saint-Matthieu (extrême ouest de la Bretagne, au pied de l’Atlantique et en face des Amériques...).


L’apprentissage du social Entretien avec Jacques-André Maire Interview réalisée par Sébastien Delage

Chef du Service de la Formation Professionnelle et des Lycées neuchâtelois (SFPL), Jacques-André Maire organise l’ensemble de la formation post-obligatoire du canton de Neuchâtel. Il nous paraissait important de connaître son avis sur l’actualité et le devenir de la formation des collaborateurs dans le monde du social. Monsieur le Chef de service, vous venez d’accomplir une mutation importante ayant trait aux professions de la santé et du social. Comment s’est accompli ce changement? Suite à une modification de la Constitution fédérale, nous avions le devoir, dès 1999, d’intégrer les formations du social et de la santé, qui avaient une culture riche, au sein de la formation professionnelle «traditionnelle» de niveau CFC. Nous avons beaucoup dialogué avec les écoles et les institutions. Les formations du social et de la santé étaient «riches» pédagogiquement; nous avons donc souhaité amener un peu de cette richesse au reste de la formation professionnelle. En échange, la formation professionnelle «traditionnelle» amenait, elle, une systématique et des niveaux clairs, qui doivent amener à une répartition des responsabilités dans les institutions. Ainsi, vous vous occupez de la répartition des responsabilités dans les institutions? En aucun cas: c’est le travail de l’ORTRA1 cantonale de définir les rôles liés aux niveaux différenciés des formations. Comme SFPL, nous n’avons ni le pouvoir ni la compétence de nous suppléer aux employeurs. Nous ne souhaitons pas nous intéresser au cahier des charges des différentes fonctions professionnelles. Donc, transition heureuse? On sentait une résistance très forte des écoles de niveau ESTS (futures HES-bachelor), qui voulaient garder la compétence sur l’ensemble du système de formation, et disaient du CFC que ce serait une sous-formation. L’enjeu était de dire qu’il y aurait une sous-enchère au sein de la répartition des postes. Une fois qu’ont été dépassées les craintes de départ, le dialogue s’est bien instauré, tant avec les employeurs qu’avec les écoles. Nous avons désormais, par l’intermédiaire de l’ORTRA, un interlocuteur unique comme association professionnelle. Ses répondants et nous-mêmes sommes très heureusement complémentaires. On le dit souvent: les CFC dans le social, c’est de la sousenchère, une sorte de déqualification… Pour nous, la découverte a été que dans les institutions

sociales il y avait un nombre considérable de personnes qui travaillaient mais qui n’avaient pas de formation de base dans le social, et qui n’avaient pas, pour toutes sortes de raisons, la possibilité de faire une école HES-bachelor. Donc, il y avait un manque de formations spécifiques: le niveau CFC en particulier doit permettre de répondre à ce manque. Cela a été une porte ouverte dans les institutions. Même les directeurs d’institutions ont fini par entrer en matière, en indiquant un intérêt à offrir des formations spécifiques à toutes les personnes sans diplôme du social. Vous admettrez que devoir refaire tout un CFC à 40 ans, c’est un peu raide... Nous le savons bien: nous souhaitons donc offrir la possibilité à des personnes qui sont déjà en emploi et qui ont déjà des compétences de base d’accéder à la formation de niveau CFC, soit en se présentant directement aux examens (selon l’art. 32 de l’Ordonnance fédérale sur la formation professionnelle), soit par une validation des acquis. Pour toutes les personnes qui sont déjà en place dans les institutions depuis 5 ans au moins, cela va être très intéressant. Alors, pas de bachelor? Une fois que les HES ont vu que leur formation pouvait être complémentaire à celle des CFC, les résistances sont tombées: il y a de la place pour plusieurs niveaux de formation. Quels sont les liens avec les institutions? Les liens sont solides et très positifs, via l’ORTRA. Je m’en réjouis. Le SFPL n’a pas vocation à imposer aux entreprises quoi que ce soit: nous agissons toujours en concertation avec l’ORTRA. La suite du défi, c’est la validation des acquis. Que se passera-t-il ensuite? Nous avons fait un choix, dicté par le Conseil d’Etat, qui aimerait voir se développer encore les formations «dual» (l’apprenti a un employeur fixe, et suit parallèlement des cours professionnels). Les nouvelles formations CFC sont offertes exclusivement en dual: les institutions sociales étaient peu coutumières de la culture du CFC, et il a donc fallu tout implanter en très peu de temps. Le grand intérêt du dual, outre une excellente employabilité, c’est que l’employeur décide qui il engage. Si l’employeur reste maître de la situation d’engagement, c’est rassurant pour lui.


Les grandes institutions neuchâteloises ont les capacités d’accueil pour des CFC, et s’y sont préparées. Le problème, c’est de permettre l’accueil des apprentis aussi dans les petits établissements qui ont des structures légères, le nombre de places étant limité par la taille même de ces institutions.

pas suffisamment de places en dual, et la formation à la maturité professionnelle reste pour l’instant en école à plein temps. Dans le modèle de formation CFC en dual, les jeunes ont la possibilité de suivre les cours préparatoires à la maturité professionnelle. Nous devrons reprendre ce problème avec l’ORTRA: il y a un fort intérêt pour ce type de cursus, mais sans faire d’école à plein temps. Il faudra trouver un modèle réaliste, en collaboration avec les employeurs, un modèle où l’on pourrait dispenser des cours préparatoires à la matu, sans obérer le temps de travail: pour cela, il serait envisageable d’allonger la durée de formation à quatre ans.

Et donc? Eh bien, on voit apparaître un effet pervers: certaines crèches nous disent qu’elles n’ont plus de place pour un apprenti, mais qu’elles prendraient bien un stagiaire en stage d’attente. C’est une dérive: on risque de voir arriver des stagiaires pas formés, peu payés, et qui pourraient rester en rade ensuite. Nous restons donc très attentifs aux terrains professionnels, car c’est aussi notre mandat.

Et les écoles sociales de niveau ES? Dans le système de formation, ce niveau existe clairement, mais il y a eu un choix politique romand visant à promouvoir le niveau Bachelor, et en complément le niveau CFC. Les milieux professionnels devront dire s’ils souhaitent un niveau ES. L’école ARPIH a pu entrer dans ce créneau, puisqu’elle est privée. Dans certains secteurs, le niveau ES joue un rôle fondamental dans la préparation des cadres intermédiaires, et permet à des personnes avec un CFC d’accéder à un niveau supérieur, sans maturité. Il y a un public pour cela. Il n’y a aucun a priori négatif chez nous à l’encontre du niveau ES. Ce sera aux employeurs de nous faire la démonstration de l’adéquation de ce niveau. Si la démonstration est pertinente, et si une décision politique est prise dans ce sens nous pourrions ouvrir la formation ES social dans le canton de Neuchâtel. Nous demandons à répondre aux besoins: nous sommes un Service, au service des employeurs et des personnes désireuses de se former.

Quelles sont les valeurs que vous souhaitez défendre? Certaines valeurs sont imposées par la loi cantonale sur la formation professionnelle: nous devons offrir à chaque personne la possibilité d’accéder à une formation reconnue garante d’une bonne intégration professionnelle et sociale. Nous sommes aussi un Service, chargé de répondre aux besoins des employeurs, en mettant sur le marché du travail des personnes qui répondent à leurs besoins. Dans le cas des CFC dual, c’est un partenariat authentique, puisque l’entreprise formatrice n’est pas qu’un client qui va engager des gens à la sortie des formations, mais est aussi acteur de la formation. Nous déplorons par contre, dans les métiers en général, que moins de 20% des entreprises neuchâteloises soient formatrices. Des raisons historiques spécifiques et cantonales expliquent cela, ainsi que les incertitudes liées à la conjoncture économique. Nous avons à cœur de valoriser la formation professionnelle des jeunes en difficulté, puisque si une formation est achevée, elle permet une meilleure (ré)insertion et une meilleure exploitation du potentiel de chacun.

ORTRA: organisation du monde du travail. Pour des informations plus détaillées sur cet organisme, lire l’article qui suit. 1

Quelle serait pour vous, la formation «idéale», dans le social? Mon idéal, c’est une formation CFC dual incluant une maturité professionnelle durant la formation, en 4 ans. Ceci ouvrirait ensuite les portes des formations Bachelor en emploi et ferait des jeunes qui s’engageraient dans cette voie, des professionnels imbattables! Nous n’avons

J.-B. Vuille

On voit que de nombreuses institutions neuchâteloises offrent la formation CFC-ASE, alors que les finances sont serrées et que l’encadrement coûte forcément quelque chose. Comment expliquer ce paradoxe? On peut l’expliquer par la grande habitude qu’avaient les institutions sociales d’accueillir des stagiaires: il y avait déjà des personnes susceptibles de fournir de l’encadrement, et une haute tradition d’accueil de jeunes. Le terrain était bien préparé. L’encadrement des jeunes qui font une formation duale CFC est reconnu comme étant de haute qualité, puisque le souci d’encadrer les stagiaires est historiquement constant dans la santé et le social. Les institutions sociales sont également plus à même d’encadrer des jeunes entre 18 et 20 ans, puisque cela correspond à la formation de base d’éducateur des personnes qui vont les encadrer.

Jacques-André Maire vous recommande «chaudement» la visite du lac des Taillères...


Former les professionnels des institutions Entretien avec Vincent Martinez, président de l’ORTRA, Neuchâtel Interview de Sébastien Delage

Vincent Martinez, expliquez-nous ce qu’est l’ORTRA? L’ORTRA regroupe toutes les associations patronales et d’employés du social et de la santé, en lien avec toutes les formations de niveau secondaire II, jusqu’au niveau ES. L’ORTRA doit promouvoir la qualité et la mise en en place de formations utiles au système, en collaboration avec le Service de la formation professionnelle et des lycées et avec les écoles concernées. Quelle est la situation actuelle de la formation, de votre point de vue? C’est catastrophique, non pas sur la qualité, mais sur les liens entre les différentes formations: depuis que le niveau HES (bachelor) est arrivé, les gens s’y forment sans se poser de questions sur le lien avec la pratique. Le CFC d’Assistant socio-éducatif (ASE) pose une colle, puisque personne n’a encore réfléchi à ce que l’on pourra demander aux professionnels ayant un CFC-ASE. Doit encore arriver l’éducateur social niveau ES. Il faudra donc rapidement décider et de manière empirique qui fait quoi dans une institution. La réflexion n’a pas eu lieu, à ma connaissance... Le piège de la hiérarchisation est la principale peur des éducateurs… Il faut, pour éviter ce piège, cibler qui est plus performant selon les besoins des «clients», en partant des plans d’étude cadre et des ordonnances fédérales. Chacun doit pouvoir travailler dans son domaine de compétence propre. Le niveau CFC-ASE n’est-il pas un exemple de dumping de compétences vers le bas? Non: il faut un certain nombre de compétences pour encadrer les personnes handicapées. Actuellement,

HES ne répond plus aux besoins du quotidien: si on regarde les cours donnés, on constate que les matières «pratiques» ne sont plus traitées en HES. Selon vous, pourquoi la HES s’est-elle écartée de la «pratique»? Historiquement, on a posé d’abord le «toit» de la formation, avant les murs. Les éducateurs ont milité pour être HES. Il y a eu une fuite en avant quant au niveau de compétences théorique, et donc un «trou» quant aux besoins du terrain quotidien pur et dur. Donc, quand on est trop «intelligent», on ne peut pas faire de terrain pur et dur? Non, on peut voir des CFC-ASE plus «intelligents» que des personnes de niveau HES: l’intelligence, c’est l’application des théories, pas leur apprentissage par cœur. L’intelligence, c’est d’être bon dans le métier social et dans le relationnel. On ne sera pas meilleur éducateur en étant HES qu’en étant CFC. Le fond, c’est la relation à la personne. L’Etre doit primer sur le savoir académique. Derrière la mise en place du CFC, n’y a-t’il pas une volonté de faire des économies? Effectivement, à force de monter le niveau des compétences théoriques en HES, cela a créé une augmentation des masses salariales; je caricature: beaucoup d’experts, mais peu de praticiens. On en arrive à cette absurdité parce que des personnes avec du potentiel se sont vu refuser la formation d’éducateur, simplement parce qu’elles n’avaient pas de maturité académique. Le métier d’éducateur s’est ainsi coupé d’une bonne partie des gens qui avaient du bon sens et une expérience de vie.

Donc, aucune solution possible: les théoriciens d’un côté, les praticiens de l’autre ? Non, le «top», ce sera quelqu’un qui aura fait son CFC d’ASE, puis sa maturité, et qui pourra entrer en HES. Et les éducateurs ES? Le niveau ES m’interroge: il n’y a pas actuellement d’éducateur social de niveau ES sur le marché neuchâtelois. La complémentarité avec HES me paraît peu claire. L’ES prend un peu des compétences du HES, et un peu des compétences du CFC-ASE. Là, ce serait une solution miracle? Non, parce que ES ne couvre pas tout le spectre des compétences requises. Vous ne parlez jamais des MSP… La situation des MSP est stable: ils sont formés normalement au niveau ES, et doivent posséder un CFC avant de débuter leur formation. Il n’y a donc pas de «trou» dans les compétences. Le niveau HES a-t-il un sens pour eux aussi? Je ne sais pas… Et qu’en est-il dans le reste de la Romandie? Nous sommes aux prémisses des OrTra cantonales dans le domaine du social. Chacun cherche sa voie et à comprendre le système fédéral pour les formations niveau secondaire II et ES… Un grand chantier, et un bouleversement du monde du social.

Mon lieu fétiche dans le canton de Neuchâtel? J’aime le grand arbre au milieu du Valde-Ruz: c’est un grand peuplier blanc, près de la paisible bourgade d’Engollon..


Des formations sociales en mutation

Potentiels et actualité Tiré d’un entretien avec Jean-Pierre Tritten, adjoint de direction à l’Ecole Pierre-Coullery (EPC)

L’Ecole Pierre-Coullery (EPC), sise à La Chaux-de-Fonds, est représentative de l’évolution des formations sociales. Parler de l’actualité des formations sociales, c’est donc donner parole à un de ses représentants. La structure L’EPC est sise à La Chaux-de-Fonds. Elle forme des Educateurs de l’enfance de niveau ES, des assistants socioéducatifs (CFC-ASE), des assistants en soins et santé communautaires (CFC-ASSC), et délivre une attestation d’aide soignant-e. Pour les ASE et ASSC, la formation s’effectue en voie duale (l’apprenti est employé d’une institution). Une formation de maturité intégrée avec des bases d’ASE et d’ASSC est proposée en partenariat avec l’Ecole du Secteur Tertiaire (ESTER), sise elle aussi à La Chaux-de-Fonds.

Ennio Bettinelli

Pierre-Coullery, une histoire et des valeurs Les valeurs que défend l’école PierreCoullery découlent de son histoire et de la fusion de trois écoles décidée par les autorités neuchâteloises, soit l’école de soins infirmiers (CESANE), l’école romande d’aides familiales et l’école neuchâteloise de puéricultrices-éducatrices. Cette dernière a vécu diverses évolutions: depuis 1984, l’école était une école de nurse. Cette

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formation a évolué vers une formation de puéricultrice-éducatrice. L’école est devenue progressivement une école dédiée au social; depuis 2003, l’EPC, forme des éducateurstrices de l’enfance, et depuis 2005, elle propose la formation d’assistant socio-éducatif. L’EPC travaille avec des enseignants qui viennent du terrain et qui ont vécu la réalité pratique de leur enseignement. L’école engage ponctuellement de nombreux intervenants extérieurs pour dispenser les matières théoriques, en veillant à ce que les intervenants extérieurs soient des professionnels actuellement en activité. Liens avec le social A Pierre-Coullery, historiquement, toutes les formations ont eu un ancrage centré sur la prise en charge des enfants à besoins spécifiques, couplé avec un temps de formation plus «terrain»: dans les crèches/garderies, les étudiants doivent prendre en charge parfois des enfants à besoins spécifiques. Les personnes formées à Pierre-Coullery ont pour compétence principale de prendre en charge un enfant dans sa globalité. Pour la prise en charge d’adultes, les étudiants font des stages en institution, où ils peuvent se confronter au monde du handicap. Des stages sont mis sur pied en partenariat avec les institutions. Le principe est de ne pas laisser l’étudiant en stage livré à lui-même: il bénéficie d’un accompagnement et d’une évaluation par l’enseignant de l’Ecole. Le poids de l’encadrement des stagiaires n’est donc pas laissé aux seules institutions. Le stagiaire a des obligations de formation durant son stage, et doit développer des projets dans l’institution. C’est l’institution qui décide des occupations

«pratiques» conférées au stagiaire durant son stage. Perspectives La révision du programme de formation des assistants socio-éducatifs dépend de l’ORTRA fédérale. Il y a actuellement, pour les assistants socio-éducatifs, un déficit important de formation dans le domaine du handicap, déficit qui est une préoccupation pour les autorités de révision des programmes. Chaque année, le niveau de formation des ASE évolue: en mettant sur pied des cours «pointus» dans le domaine du handicap mental, le risque existe que le CFC d’ASE «glisse» vers un niveau plus «ES», avec une spirale vers plus de compétence théorique, le risque peut être de décrocher des besoins du terrain, ou de ne plus correspondre au niveau initial des apprentis. Pour les éducateurs de l’Enfance, l’arrivée d’HARMOS (système d’harmonisation des standards scolaires en Suisse) et de la RPT pourrait donner des débouchés dans le travail parascolaire: l’introduction de l’horairebloc pour l’enseignement primaire va nécessiter l’ouverture de nombreux foyers d’accueil parascolaires, qui auront besoin de nombreuses personnes qualifiées pour l’encadrement des enfants. A terme, des enfants à besoins particuliers seront intégrés dans les structures scolaires «classiques», selon une des conséquences de la RPT. Des moyens particuliers devront être implantés dans les structures scolaires pour favoriser cette intégration: au carrefour de la pédagogie et de l’intégration, il serait logique que des éducateurs de l’enfance puissent appuyer les enseignants.

Le petit coin fétiche du canton de Neuchâtel de Jean-Pierre Tritten? Le Doubs.


De l’importance de la constance dans le charisme politique

Jean-Jacques Combes, directeur général de la Fondation Les Perce-Neige

Courant 2006, la CDIP (Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique, regroupant les chefs de département de ce dicastère de tous les cantons suisses) mettait en consultation un document de référence important: «L’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée». Au terme de cette consultation, courant 2007, le document était remanié par la CDIP, pour être ensuite envoyé aux cantons pour ratification. Ce document d’une importance capitale, se propose de définir la conception de la pédagogie spécialisée et son insertion dans le système éducatif suisse. Naturellement, il analyse les relations avec la RPT, mais définit également des liens avec le concordat sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (Harmos), d’ailleurs massivement refusé par la population lucernoise très récemment. Du statut d’assuré à celui d’élève de l’école publique En substance, la révolution proposée par ce concordat, consiste à faire évoluer les mineurs en situation de handicap, du statut d’assuré à celui d’élève de l’école publique. Le changement est de taille, puisqu’il oblige les autorités publiques à assurer les moyens permettant de respecter les constitutions cantonales, par la scolarisation de tous les élèves en situation de handicap, en offrant à

ces mineurs les moyens leur permettant de compenser leur handicap. Autre repositionnement, lors de sa première intégration scolaire, l’élève est prioritairement intégré dans une classe «ordinaire». En fonction de l’évaluation individuelle de la situation de chaque élève en situation de handicap, des moyens seront alloués pour faciliter cette intégration, par le soutien non seulement de l’élève en situation de handicap, mais également de l’enseignant en charge de ladite classe et de ses autres élèves «ordinaires».

Une question peut en cacher quelques autres... La question qui se pose maintenant est la suivante. Harmos étant considéré comme un projet prioritaire si l’on en croit les discours de nos élus, de quelle façon sera soutenu le projet d’accord intercantonal en matière de pédagogie spécialisée dans un contexte aussi évolutif? Les directeurs d’écoles ordinaires et leurs enseignants avaleront-ils facilement la pilule Harmos? Seront-ils prêts à travailler simultanément sur la mise en œuvre des recommandations de l’accord intercantonal en matière de pédagogie spécialisée? A moins que les représentants de l’école publique aient acquis de nouvelles souplesses de fonctionnement et une capacité à accompagner rapidement des changements d’une telle envergure, gageons que les responsables politiques émettront des priorités pour faciliter l’adhésion des acteurs de l’école publique. Devinez lesquelles!

Entre objectifs et moyens La pédagogie spécialisée devient donc partie intégrante de la scolarité obligatoire. L’intérêt consiste à apporter les prestations spécialisées au sein même des structures scolaires ordinaires. Magnifique moyen de passer la vitesse supérieure dans le domaine de l’intégration des personnes mineures en situation de handicap. L’enjeu financier est relativisé par la fermeture partielle des classes gérées par les écoles spécialisées et le transfert des compétences humaines vers les écoles ordinaires. A ce niveau, le coût de l’opération peut facilement être relativisé. Mais le travail d’évolution culturelle, de formation spécifique des enseignants de l’école ordinaire pour réaliser avec succès ces intégrations, est d’une envergure et d’une importance capitale. Les directions des écoles, en admettant qu’elles soient elles-mêmes acquises à la cause de l’intégration que défend l’accord intercantonal, auront fort à faire pour amener leurs équipes d’enseignants (enfantine, primaire et secondaire) à percevoir l’intérêt des propositions du concordat et à réaliser les effort subséquents.

J.-J.Combes apprécie la Pointe-du-Grain, près de Bevaix, en plein littoral sauvage...

RPT: Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons 1

R. Jeanmaire

Le monde institutionnel suisse n’a pas fini de découvrir les effets de la RPT1. Au fur et à mesure de l’avancement des travaux de mise en œuvre, de plus en plus de questions se posent, nouvelles ou récurrentes. Dans cet article, Jean-Jacques Combes fait le point sur la question.

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Quelle formation pour des jeunes avec un handicap mental? Regards de parents Delphine Vaucher, insieme Neuchâtel

Lorsque notre enfant atteint la fin de la scolarité, de nombreuses questions se posent: • Quelles possibilités de formation et d’activité professionnelle existet-il pour nos jeunes avec handicap mental? • Qui sont les partenaires que nous pouvons interpeller pour définir un projet de formation et d’activité professionnelle ou occupationnelle? • Que pouvons-nous attendre de l’AI? La seule voie proposée est une formation interne pour entrer dans un des ateliers des institutions existant dans le canton. Le recours à des employeurs privés n’est que rarement évoqué. Pourtant, il existe des personnes disposées à former et engager une personne en situation de handicap. Ces employeurs privés potentiels doivent pouvoir bénéficier du même soutien des organismes comme l’AI ou l’État, que les institutions. De même, la personne en situation de handicap doit pouvoir compter sur un accompagnement personnalisé et individualisé, pour que son projet de vie avec des privés puisse se réaliser.

tendons pour nos jeunes une évaluation permettant de mettre en avant leurs compétences humaines et leurs centres d’intérêts, dans une approche globale comme la CIF (classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé) qui voit le handicap du point de vue systémique et met en évidence que le handicap ne peut pas se voir uniquement à partir de l’individu, mais qu’il est intimement lié aux facteurs environnementaux et sociaux. Nous attendons que l’orientation soit faite par rapport à la personne, à ses compétences, à ses propres intérêts, à l’appui que peuvent lui apporter sa famille et son réseau social. La formation proposée serait plus en phase avec les possibilités réelles de la personne et moins «formatée» pour entrer dans les critères des ateliers existants. Il nous semble donc nécessaire de reconsidérer la formation des personnes susceptibles d’évaluer et d’accompagner nos jeunes adultes handicapés au moment de leur entrée dans la vie active, afin de les sensibiliser aux aspects que nous venons d’évoquer. L’Office de l’orientation scolaire et professionnelle (OROSP) pourrait jouer ce rôle «d’orientation» pour les personnes en situation de handicap comme elle le fait pour les personnes valides, mais cela nécessiterait là aussi un travail important de formation des professionnels. L’OROSP pourrait aussi intervenir dans les institutions en fin de scolarité comme elle le fait à l’école publique.

Changer les critères d’évaluation À la fin de la scolarité, nous avons constaté que les outils d’évaluation utilisés sont trop souvent d’ordre: «il ne sait pas faire ceci, il ne sait pas faire cela, il ne peut donc que faire ceci...». Plutôt qu’une évaluation selon des critères soustractifs, nous at-

Consolider les acquis par une formation scolaire en parallèle Un autre aspect de la formation nous interpelle: de nombreux parents regrettent qu’une formation scolaire en parallèle avec l’activité professionnelle ne soit pas systématiquement prodiguée à chaque personne en situation

Insieme Neuchâtel, l’association neuchâteloise de parents de personnes mentalement handicapées, œuvre depuis 50 ans pour la défense et la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap. Le domaine de la formation scolaire et professionnelle n’échappe pas à notre vigilance et à nos questionnements.

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de handicap. La personne handicapée perd rapidement ses connaissances lorsque celles-ci ne sont pas exercées. C’est pourquoi, il nous paraît extrêmement important que la consolidation des acquis entre dans chaque projet de vie. Déjà durant le temps de la scolarité obligatoire, les élèves fréquentant les classes spécialisées du canton ne reçoivent que peu d’heures de formation dite scolaire. Dès 15 ans, l’accent est mis sur l’apprentissage d’une autonomie fonctionnelle (utilisation des bus, faire les courses...). Des éléments importants, mais qui ne doivent pas exclure l’autonomie en termes de consolidation de l’apprentissage de la lecture et du calcul, ou des notions de culture générale…

Un potentiel humain à prendre en compte... Les centres d’intérêt et le potentiel humain de la personne handicapée mentale ne sont encore que trop peu mis en avant à chaque étape de la vie: scolarité, formation, activité professionnelle, activités occupationnelles, activités de loisirs, hébergement. Il existe des outils pour améliorer ces approches, par exemple, le processus de production de handicap (PPH) conçu par M. Fougeyrollas et ses collaborateurs. Ce concept définit le handicap comme une situation qui correspond à la réduction des habitudes de vie. Une situation de handicap résulte de l’interaction entre les facteurs personnels (les caractéristiques personnelles) et les facteurs environnementaux. Nous encourageons les professionnels entourant nos jeunes à les utiliser. Associant les familles autour de la personne en situation de handicap, ils permettront l’émergeance de projets de vie innovants et créatifs.


Vous avez bien dit «intégration»? Nous abordons ici l’un des problèmes récurrents de l’intégration. Comment, par exemple, justifier à un jeune employé dans un Atelier protégé que son salaire mensuel (dont il a la fiche sous les yeux) ne se monte qu’à 300 ou 350 francs alors qu’il a travaillé à 80%? Il faudrait au moins que l’apport de la rente AI y soit inscrit afin de pondérer le salaire mensuel annoté. Un engagement au sein d’une entreprise privée pourrait alors, à défaut d’augmenter son salaire, au moins valoriser le travail de la personne handicapée et, du même coup, lui donner le sentiment d’être intégrée aux travailleurs, c’est-à-dire à la vie normale. Dans le même ordre d’idées, et bien qu’il existe déjà une offre remarquable et attrayante de formation continue pour les personnes handicapées mentales mise sur pied par Antenne Handicap, il serait pourtant souhaitable que celles qui le désirent puissent être intégrées dans des cours du style «Ecole Club Migros», afin de côtoyer, là aussi, des personnes dites normales et ne pas se sentir exclues du circuit ordinaire... insieme-ne

Les rédactrices de cet article conseillent au lecteur de Pages Romandes trois lieux d’exception: le vieux Bourg du Landeron, la source de la Serrières (à l’est de Neuchâtel), ou l’ancien manège de La Chaux-de-Fonds.

Les droits à une formation pour tous

La scolarisation des enfants polyhandicapés Pierre-Yves Blanc, responsable du Centre pédagogique «Les Perce-Neige»

L’enjeu de la formation, c’est aussi accueillir et scolariser les enfants polyhandicapés. Sébastien Delage a interviewé à ce sujet Pierre-Yves Blanc, responsable du Centre pédagogique «Les Perce-Neige», à La Chaux-de-Fonds. Pierre-Yves Blanc, vous gérez la scolarisation des enfants polyhandicapés à l’interne du centre pédagogique: leur place n’est-elle pas plutôt dans une école publique? Nous aurions à cœur de jouer le jeu de l’intégration et d’intégrer une classe d’enfants polyhandicapés au sein d’une école publique. Une demande a été faite à la Direction des écoles primaires, mais nous nous heurtons à des problèmes de locaux: une classe d’enfants polyhandicapés requiert des locaux «hors classe» pour des soins réguliers (orthophonie, physio…) et une cantine scolaire. Si ces locaux n’existent pas dans le lieu de scolarisation même, c’est l’option taxi, et nous n’arrêterions pas de faire voyager les enfants. Donc, la scolarisation se fait au Centre pédagogique même, dans une jolie maison de maître de 1903 qui fait office de bâtiment scolaire. Que pouvez-vous nous dire de ces espaces? Au fil du temps, ces locaux nous posent problème: nous sommes sur 4 étages, avec des seuils à chaque porte, à nous occuper d’enfants polyhandicapés ayant très peu de mobilité. Il n’y a que peu d’endroits où une physiothérapeute peut faire des exercices de marche avec les enfants. En hiver et par temps de pluie, la récréation des classes se prend dans le couloir; c’est exigu, puisque nous n’avons pas de couvert pour aérer les enfants par mauvais temps. Il y a seulement un WC par étage, complètement inadapté aux besoins des enfants polyhandicapés. Vous imaginez la file d’attente? Par ailleurs, nos salles de classe ne permettent pas d’isoler un enfant qui serait en crise. Cela dit, s’ils étaient un lieu d’habitation, et pas une école, ces locaux auraient un sacré cachet!

Quelle structure pourrait permettre la préparation à l’intégration d’enfants polyhandicapés dans un collège? Il faudrait présenter la situation, expliquer les tenants et aboutissants d’un tel projet aux parents, aux enseignants, aux élèves, créer un groupe de travail conjoint de parents d’élèves valides et de parents d’élèves avec un polyhandicap. Quand on explique, on permet aussi d’éviter l’effet de stigmatisation. Et je pense que les élèves valides sont prêts à faire preuve d’ouverture d’esprit. Pour éviter les soucis «techniques», on pourrait aussi viser à intégrer des classes d’enfants valides au sein d’autres institutions sociales partenaires: le problème des lieux de thérapie ne se poserait ainsi pas, et l’intégration pourrait être fort belle. Quels sont les horaires de la prise en charge? Nous prenons en charge les élèves de 08H15 à 15H45 ici, incluant le repas de midi. C’est du non-stop. Les jeunes élèves polyhandicapés commencent à temps partiel chez nous, mais ils devraient pouvoir, au fur et à mesure qu’ils grandissent, voir leur temps de scolarité grandir aussi. Or cela demanderait d’ouvrir deux classes supplémentaires. Cela fait deux ans que nous ne pouvons pas offrir de temps de classe supplémentaire à ces élèves qui en auraient bien besoin. Cela est gênant pour les familles des enfants, et pour les éducatrices-enseignantes qui doivent répondre à des demandes absolument légitimes, mais qu’elles ne peuvent pas satisfaire. La Constitution suisse, en son art. 62, institue un droit à un enseignement de base suffisant pour tous les enfants. Rassurezmoi: tous les enfants polyhandicapés du canton de Neuchâtel ont bien accès à une scolarité? Non. Pas encore. Nous avons des situations d’enfants qui sont sans scolarité, ou qu’on envoie à l’autre bout du canton avec presque 1 heure 30 de transports par jour...

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Je peux citer le cas très précis d’une fillette qui n’est scolarisée qu’une demi-journée par semaine. L’augmentation de la prise en charge est la demande la plus récurrente des familles. Il y a une fatigue importante chez les parents. Et si c’est l’enseignant qui se déplace à la maison? Faisable, mais il faudrait avoir un personnel plus important. Et puis, par scolarisation, on entend aussi intégration et stimulation des enfants entre eux. Un enfant seul chez lui n’est de loin pas autant stimulé que s’il est entouré de camarades. Et c’est essentiel à son développement. Dans notre structure scolaire, les enfants polyhandicapés rencontrent d’autres enfants avec d’autres situations de handicap, quotidiennement, hors des moments «scolaires». Ce sont des moments de bonheur, pour des enfants lourdement handicapés. Les enfants grandissent aussi quand ils changent de lieu, fût-ce pour quelques heures.

Pourquoi parler «d’éducateurs-enseignants»? Nous faisons le grand écart, avec la population d’enfants accueillis. Nous recevons des élèves sans polyhandicap qui peuvent ensuite faire une formation professionnelle dans des centres AI comme Le Repuis ou Seedorf. Certains d’entre eux ont pu suivre l’Unité de formation du CERAS. A l’autre extrême de notre population,

Tourisme neuchâtelois

On sent une relation émotionnelle forte entre les familles et les éducatrices-enseignantes… Oui, la charge requiert des professionnels formés. Une formation purement HEP serait inutile, puisque nous ne sommes pas dans des apprentissages purement intellectuels. Nos

éducatrices-enseignantes sont dans des enseignements d’ordre sensoriel, ou dans des gestes proches de la physiothérapie: si on n’entretient pas les articulations de ces jeunes enfants polyhandicapés, on sait qu’elles vont se rigidifier et se bloquer complètement. Il faudra alors trois personnes pour les habiller…

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nous avons des jeunes adultes qui iront plus tard à l’Espace Perce-Neige de Fleurier1, ou qui retourneront à la maison, sans pouvoir avoir d’activité professionnelle. Ce qui lie l’ensemble de notre prise en charge, c’est la pédagogie systémique CAM, c’est un pont qui existe avec l’ensemble des collaborateurs, que l’on s’occupe d’enfants polyhandicapés ou d’enfants avec un handicap léger ou moyen… L’Espace Fleurier est géré par le secteur des Foyers Occupationnels de la Fondation «Les Perce-Neige». Ci-dessus, photo de l’Espace Fleurier, construit spécialement pour accueillir des personnes polyhandicapées. Un article a été publié sur cette structure dans un dossier de Pages romandes intitulé «Architecture, angles et perspectives» et paru en avril 2007. Photo Pages romandes. 1

A deux pas du Centre Perce-Neige de la Chaux-de-Fonds, si vous levez les yeux, vous apercevrez les contreforts de la Villa turque du Corbusier. C’est le lieu fétiche de Pierre-Yves Blanc.


1 L’intégration scolaire des enfants présentant des TED Article tiré d’un entretien avec Madeleine Ackermann, responsable du Centre pédago-thérapeutique (CPT)

Le dispositif neuchâtelois de prise en charge de la scolarité spécialisée est basé sur la complémentarité de plusieurs sites. Le CPT de Cressier (NE) est spécialisé dans la prise en charge d’enfants présentant des TED1, autisme, syndrome d’Asperger, troubles psychiques ou troubles apparentés, associés ou non à un retard intellectuel. Il est placé sous la houlette du secteur «Enfance et Adolescence» de la Fondation «Les Perce-Neige». Les fondements théoriques du CPT Le CPT a choisi de rester dans des fondements théoriques «larges», sans céder à une chapelle ou à une autre. Si le débat académique est nourri entre les partisans des thèses comportementalistes, interactionistes, systémiques ou cognitivo-comportementalistes, la philosophie du CPT est de répondre le mieux possible aux besoins spécifiques individuels, et aux particularités de chaque enfant. Le potentiel de l’enfant doit être pris en considération, tout en veillant à ne pas créer des effets contre-productifs, notamment en fixant la barre trop haut. L’aptitude à faire des apprentissages (scolaires et éducatifs…) n’est pas nécessairement liée au niveau intellectuel de l’enfant. En outre, la part du retard chez ceux qui sont atteints de TED n’est pas toujours évidente à déterminer. Au CPT, les équipes thérapeutiques et d’enseignement spécialisé travaillent en partenariat: historiquement, ces deux secteurs d’expertise ont toujours travaillé en étroite collaboration. Formations et collaborations Certains enseignants du CPT ont une formation d’école normale, puis un cursus de formation en enseignement spécialisé. D’autres enseignants ont été formés en pédagogie curative, division clinique avec une formation

complémentaire ou division enseignement spécialisé. Dans la culture du CPT, chacun est tenu de faire des formations continues. Certaines formations sont données à l’interne mais organisées par le Service médico-psychologique (SMP) et quelques intervenants externes. D’autres sont suivie sà l’extérieur. Les thérapeutes, les enseignants et le médecin-psychiatre collaborent constamment. Une infrastructure (colloques sous forme d’intervision, de debriefing, colloques généraux à thèmes…) facilite une prise en charge concertée et cohérente. La collaboration entre les équipes d’obédience médicale et les équipes d’obédience éducative est favorable. Intégration d’élèves à besoins spécifiques dans des classes régulières Vingt élèves sont partiellement intégrés dans des classes régulières de la région; 12 sont scolarisés exclusivement à l’interne du CPT. Des enseignantes apportent un soutien pédagogique spécialisé (SPS) à 11 des 20 élèves intégrés dans les classes régulières. Des intégrations peuvent être interrompues lorsque celles-ci, en dépit du soutien, n’apportent rien à l’élève, voire constituent davantage une souffrance qu’une aide. Ce dernier doit, le cas échéant, revenir à plein temps au CPT. L’expérience de l’intégration est en général positive. Pour une majorité d’élèves, l’intégration dans le domaine scolaire ne pose en soi pas de grandes difficultés. Ce sont plutôt des situations de troubles du comportement importants qui vont provoquer la mise à l’écart et péjorer la relation avec les élèves sans handicap: pour ces enfants-là, l’intégration n’est pas complètement opérationnelle. L’intégration en classe régulière, ou l’éventuelle réintégration en CPT, fait l’objet de concertations et d’évaluations

régulières de la part des enseignants, en collaboration avec les parents. Pour ce qui concerne les familles des autres enfants, de nombreux enseignants du cycle régulier veillent à les informer des problématiques des élèves à besoins spécifiques accueillis. Ceci, avec ou sans la participation d’enseignants spécialisés. Les enseignants du SPS jouent fréquemment un rôle de «coach» à l’égard des titulaires de la classe et d’intermédiaire entre l’élève concerné et les élèves des classes régulières. Classes spécialisées intégrées dans des collèges Deux classes complètes du CPT sont intégrées dans des collèges primaires. Il s’agit d’un dispositif qui montre de belles réussites; les enseignants et les élèves des collèges d’accueil ont parfaitement joué le jeu de l’intégration. Si quelques problèmes périodiques subsistent dans la cour de récréation, ils sont mineurs et n’enlèvent rien au succès de l’intégration de classes d’enfants handicapés au milieu de classes d’enfants valides. Les classes intégrées sont en belle harmonie avec les classes régulières: tous font la gymnastique et la piscine ensemble, participent à des camps, mènent des activités associatives et sociales communes… La mixité dans les écoles a un fort effet normalisant pour tous. Dans cet exemple réussi, formation et intégration font plus que rimer: ce sont les deux piliers de valeurs humanistes qu’ont à cœur de défendre tous les partenaires de cette belle aventure. Troubles (TED) 1

envahissants

du

comportement

Madeleine Ackermann conseille au lecteur d’aller s’égayer du Côté de Tête-deRan. L’atmosphère est montagnarde et offre, ma foi, le spectacle d’un Jura sauvage à couper le souffle.

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Les atouts d’une formation élémentaire

L’unité de formation AI du Centre de Malvilliers (CPM) Sébastien Delage, sur la base d’un entretien avec Jean Vuille, directeur adjoint du CPM de Malvilliers

Cette structure est axée sur la formation professionnelle dans des entreprises existantes, et non pas sur un système d’ateliers protégés. Elle est située dans le cadre d’Evologia à Cernier. Des partenariats pour une formation professionnelle en entreprise existent avec plusieurs employeurs du canton. L’appellation «Unité de formation AI» est spécifique au canton de Neuchâtel. Dans les autres cantons romands, on parle plutôt de «CFPS» (Centre de Formation Professionnelle Spécialisée). Seul le nom change: la mission d’un CFPS est identique à celle de l’Unité de formation AI du Centre pédagogique de Malvilliers. Un petit foyer d’apprentis, appelé «La Colline», complète le dispositif de l’UFAI; les jeunes hébergés à La Colline font une formation dans la région et vivent dans le foyer d’accueil. Une éducatrice prodigue un encadrement pour les gestes du quotidien. Malvilliers étant situé à bonne distance des transports publics, un système de transport existe donc pour amener et rechercher les jeunes du foyer d’accueil. Parcours des jeunes Les jeunes sont adressés par l’Office AI du canton. L’AI finance une année de formation professionnelle, durant laquelle la mise en situation dans des stages va permettre d’aiguiller le jeune vers un CFC ou vers une attestation de formation élémentaire. Un premier stage à l’UFAI permet d’évaluer

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«La finalité éthique de l’éducation est l’autonomie et l’intégration (dans cet ordre!) des personnes en situation d’apprendre; une telle finalité ne peut pas être sacrifiée à des impératifs économiques ou administratifs qui s’imposeraient comme seule vérité.» Denis Müller

si la personne est apte à entrer dans la formation ou si elle doit être orientée par exemple vers une structure d’ateliers protégés. Un jeune sans motivation, ou dans l’impossibilité d’entrer dans un schéma de formation ne pourra pas satisfaire les critères d’entrée à l’UFAI. La non-inclusion est du côté du jeune. Un handicap physique peut ne pas être compatible avec certaines des mesures professionnelles proposées par l’UFAI.

Scolarité Les jeunes qui s’engagent dans une formation élémentaire vont suivre une formation scolaire au Centre professionnel des métiers et du bâtiment à Colombier, et une formation technique au sein de l’UFAI. La prise en charge offre un cursus amenant à trois possibilités d’attestation: une attestation «maison» autorisant une fonction auxiliaire dans un domaine professionnel, une attestation pratique en deux ans et la possibilité de faire un CFC. La formation professionnelle est en pleine mutation. Les noms des attestations et de l’appellation des métiers se modifient régulièrement depuis quelques années.

Premier aiguillage, premiers intérêts L’UFAI tient compte de l’intérêt personnel des jeunes et de leur potentiel. Un premier stage est proposé au jardin de l’UFAI, ou au Service des parcs et promenades de la ville de Neuchâtel, avec des MSP titulaires d’une formation d’horticulteur. Puis, en fonction des motivations, l’UFAI va tenter de trouver un partenariat pour autoriser le jeune à entrer dans un cycle de formation professionnelle adapté. Partenariats Des partenariats existent avec des cuisines de collectivité, avec d’autres institutions neuchâteloises (Sombaille Jeunesse, CPTD Dombresson notamment). Les partenariats avec le secteur privé sont plutôt développés par l’UFAI du CERAS (La Chaux-deFonds). Ce sont les possibilités et les demandes des jeunes confiés à l’unité de formation qui vont déterminer les partenariats, en tenant compte également de la situation géographique spécifique à chaque jeune.

Francis Garnier

Aborder la formation sous son angle neuchâtelois requiert de penser aux jeunes qui ne sont pas en situation d’avoir une scolarité «usuelle». La mission de l’Unité de formation AI du Centre pédagogique de Malvilliers (CPM) est de mettre en place une formation adaptée à ces jeunes.

Quand on lui demande quel lieu de Neuchâtel serait extrêmement beau à faire connaître, Jean Vuille recommande avec chaleur le Pré-Louiset.


Un club pour formation continue des personnes handicapées

Simone Juillerat et Patrice Chaduc, responsables du Club

Parler de formation, c’est aussi soulever un coin du voile sur les formations continues proposées aux personnes en situation de handicap. Dans le canton de Neuchâtel, le «Club de formation continue» offre ses bons offices. Ce club de formation continue pour adultes handicapés existe depuis bientôt vingt ans à Neuchâtel. Les cours qu’il propose sont présentés dans une brochure qui est envoyée aux étudiants à la fin du mois d’août. Pour cette année 2008-2009, pas moins de 38 cours sont au programme, principalement à Neuchâtel et à La Chauxde-Fonds. L’un des objectifs du CFC réside dans l’intégration des cours dans des structures de formation ouvertes à tous par exemple au CIFOM1 ou au CPLN2. En effet, il est important pour notre association de favoriser la place des personnes handicapées et nous pensons que suivre un cours au milieu d’autres étudiants donne, aux étudiants du CFC, la possibilité de se percevoir et d’être perçus de manière positive et de vivre des expériences normalisées et valorisées dans la société. Si nous demeurons fidèles à ce principe de base, il a cependant évolué grâce aux remarques des participants. Actuellement, nous recherchons en plus des lieux spécifiques à la matière enseignée. C’est ainsi que nous occupons des salles comme: l’atelier Toutencarton, l’atelier des musiques du monde pour les percussions, l’Université de Neuchâtel et le Latenium pour le cours d’archéologie, des fitness comme le Mouve ou encore le club d’informatique de Neuchâtel. Lorsqu’il est possible d’adapter la matière enseignée à un groupe très hétérogène, nos cours peuvent être ouverts à des personnes valides. C’est le cas pour la cuisine et la couture, par exemple, qu’il nous arrive d’orga-

«... Il est acquis que les personnes valides travaillant dans les institutions bénéficient - cela fait partie de leur contrat - de temps ainsi que d’une prise en charge financière de leur formation continue. Qu’en est-il des personnes handicapées pour ces mêmes institutions? Se voient-elles proposer cette même reconnaissance, cette même prise en charge?» niser avec l’Université populaire. Cela permet la rencontre de deux populations poursuivant un but commun où chacun peut trouver sa place et profiter pleinement de l’enseignement dispensé. Chaque fois que cela a été réalisé, chacun en a tiré un bilan satisfaisant. Le nombre de participants varie de cinq à douze personnes ceci afin de permettre un enseignement adapté à chaque personne. Nous sommes très attentifs à ce que les étudiants puissent exprimer leurs idées et leurs envies par rapport à leur cours, et nous demandons aux enseignants de pratiquer systématiquement une évaluation pour permettre une organisation optimisée des séances suivantes. En ce qui concerne l’enseignement, il est dispensé par des personnes qualifiées et nous privilégions l’engagement de professionnels de la matière enseignée. C’est ainsi que le cours de danse est donné par une danseuse, dans une salle de danse, que la pâtisserie est donnée par un pâtissier dans les salles d’apprentissage de pâtisserie-confiserie du CPLN. Nous ne faisons pas appel à des professionnels de l’éducation spécialisée. Cette position semble étrange, elle apporte cependant une nuance de taille. Elle permet aux personnes handicapées de se présenter et d’être vues prioritairement en fonction de leurs compétences et de leurs capacités pour la matière qui est enseignée. Pour son vingtième anniversaire, le club de formation continue a jugé opportun de proposer des cours gratuits en relation avec la citoyenneté

des personnes handicapées tant il nous semble que le chemin à parcourir jusqu’à la reconnaissance réelle des droits de ces personnes reste lointain. Ces cours sont ou seront dispensés avec la participation d’hommes et de femmes politiques du canton de Neuchâtel, d’associations de défense de personnes et de représentants de services publics. Voilà pourquoi nous aimerions terminer cet article en posant cette question légitime: il est acquis, et ce numéro de Pages Romandes y fait référence, que les personnes valides travaillant dans les institutions bénéficient - et cela fait partie de leur contrat - de temps ainsi que d’une prise en charge financière de leur formation continue. Qu’en est-il des personnes handicapées pour ces mêmes institutions? Se voient-elles proposer cette même reconnaissance, cette même prise en charge? CIFOM: Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises 2 CPLN: Centre professionnel du littoral neuchâtelois 1

Les renseignements concernant le Club de formation continue peuvent être obtenus en appelant le 0 3 2 9 1 4 1 0 1 0

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Connaître l’autre, c’est se former à la vie Partage d’une expérience Rencontre avec Valérie Reuge et Olivier Maurer

Cet article a été écrit par Sébastien Delage, à partir de l’expérience conjointe de Valérie Reuge, éducatrice au secteur de l’hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige», et d’Olivier Maurer, responsable au secteur des ateliers de cette même institution. «Quand existent de belles énergies, la formation permet de connaître l’autre, et permet d’apprendre à apprendre.» C’est de ce constat qu’est née l’envie de créer un projet commun, qui relierait des enfants valides d’une classe d’école primaire de Fontaines (NE) et des adultes atteints d’un handicap mental. Le projet a été mené à bien en mars 2008.

Le temps de créer ensemble Après ce premier «mélange des genres», trois séances furent organisées autour du peintre Albeiro Sarria. Il s’agissait de créer, tous ensemble, enfants valides et ouvriers handicapés, une œuvre picturale. Trois après-midi auront été nécessaires à cet effet. Une œuvre, totalement inédite, a ainsi été produite. Elle a été présentée à un des groupes de travail de Forum Handicap, groupe de travail qui a pour but de mettre en avant des activités visant

Benoît à la Guillaume

Le temps de la rencontre Dans un premier temps, sous la houlette de Valérie Reuge, quatre jeunes adultes ouvriers en situation de handicap mental ont pu se rendre dans une classe d’école primaire de la région neuchâteloise. Ils ont pu y rencontrer un peintre professionnel, Monsieur Albeiro Sarria, et partager une activité musicale avec une classe d’enfants valides. Intense et inédit

premier moment de mixité: n’ayant jamais rencontré de personnes en situation de handicap mental, les enfants ont avoué quelque appréhension. Peur de la violence, peur des cris, peur des gestes brusques… La musique a permis de briser la glace et d’apprendre à connaître l’Autre dans sa différence… et dans ce qui rassemble. Après un premier contact réjouissant, on s’est promis de se revoir... Les enfants ont «lu» le handicap avec leurs yeux: pour l’un d’entre eux, se fouler une cheville, c’était autant un handicap que vivre avec une trisomie.

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à faire connaître au grand public le monde du handicap mental. L’œuvre, ainsi née du mélange des genres et de l’ouverture à l’Autre, a été sélectionnée avec d’autres projets. Elle a servi pour présenter le programme d’une manifestation cantonale neuchâteloise, et a donc fait le tour de la Romandie. Le temps d’apprendre à apprendre Mais ce n’est pas tout: la rencontre entre les usagers des Perce-Neige et la classe d’école primaire fut tellement motivante que tous ont voulu la prolonger. A l’invitation du secteur des ateliers de la Fondation «Les Perce-Neige», les enfants de l’école ont donc pu rejoindre les lieux de travail en atelier protégé des ouvriers durant une matinée bien instructive, où chacun a pu apprendre à apprendre. La boulangerie, les fagots, les K-lumets, la laine et la feutrine n’auront désormais plus de secrets pour nos écoliers, et les ouvriers handicapés ont été fiers de présenter leur métier et leurs responsabilités professionnelles. Cette rencontre s’est achevée autour d’un dîner partagé à la cafétéria, ou encore une belle fois, enfants valides et adultes avec un handicap mental ont pu connaître l’Autre et partager un peu de sa vie. L’œuvre, constitutrice d’un trait d’union, est désormais exposée dans un cabinet médical neuchâtelois. Elle y trône comme la très vibrante preuve que la formation, c’est aussi apprendre à connaître l’autre.

Les lieux fétiches? Valérie Reuge avoue adorer le Creux-du-Van. Olivier Maurer a un penchant pour le site (global) de La Chaux-de-Fonds, pour la chaleur de ses habitants.


L’art comme vecteur d’affirmation de soi Un projet collectif ambitieux Julien Boisadan, éducateur, Fondation «Les Perce-Neige»

L’idée germait depuis quelques années déjà, au sein du secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige», de préparer puis présenter des spectacles, à l’interne ou dans des événements extérieurs, tels que le festival ARTHEMO. Avec le soutien des responsables, nous développons cette année un projet de formation artistique mêlant musique, théâtre et peinture, par le biais de deux ateliers se déroulant sur toute l’année. Le premier atelier de créativité permet la construction d’un spectacle théâtromusical sur la base de contes joués en ombre chinoise, appuyés par une voix off et un entourage musical en direct. Le deuxième atelier destine sa production picturale à des expositions diverses ou en appoint au spectacle décrit plus haut. Les deux ateliers sont destinés à des personnes vivant une situation de handicap mental. Notre démarche doit permettre aux participants d’acquérir de nouvelles compétences tout en conservant et développant ce qu’ils savent déjà, et de s’exposer à l’Autre dans une volonté d’ouverture et d’intégration. De la construction individuelle de l’édifice, naît ainsi un nouvel objet d’art, et une communication indispensable à l’ensemble. Dans les deux ateliers, le travail d’équipe prime. Nous souhaitons valoriser les différents acteurs, musiciens ou peintres, en mettant en avant des acquis et compétences, au sein d’un projet commun, donnant aux résidants une

véritable place dans le spectacle ou l’exposition. L’important, c’est de donner les moyens aux personnes avec un handicap mental de s’approprier un projet et d’en faire l’instrument de leur fierté. Nous ne voulons pas mettre en place un spectacle «spécialisé» mais une présentation ayant des prétentions artistiques légitimes. Nous souhaitons constituer un groupe hétérogène permettant aux différents individus d’apporter leurs talents au reste de la troupe en vue de constituer une présentation la plus complète possible des potentiels. Déceler, développer et utiliser les compétences individuelles permet de garder intact le plaisir de tous. La mise en scène du spectacle impliquera un certain nombre de contraintes et de difficultés, tant au niveau de la mémorisation que de la communication pour des personnes mentalement handicapées. Multiplier ces obstacles en voulant intégrer en plus de nouvelles pratiques artistiques encore difficiles à exécuter pour certains, ne ferait que rendre l’investissement trop important, et diminuerait le plaisir de créer ensemble. Or, c’est le plaisir qui doit motiver chacun. Le scénario et la mise en scène seront des points centraux du projet de spectacle, notre optique étant de mettre en valeur les différentes compétences des participants. Il faut pouvoir écrire un scénario qui tienne compte de toutes les contraintes, puis parvenir, tout en restant dans ce cadre, à une histoire cohérente. L’activité picturale répond également à l’exigence de valorisation, d’intégration et d’accomplissement de soi: sur une fresque d’abord créée par la personne handicapée, l’animateur entre

Un petit coin enchanteur de notre canton? Julien Boisadan, sans hésiter, conseille de visiter l’embouchure de l’Areuse.

en dialogue avec elle pour parvenir, finalement, à une image en lien avec le thème proposé. Nous souhaitons parvenir à un résultat compréhensible par tous en intervenant le moins possible sur la toile, afin que chaque œuvre soit unique et constituée de l’expressivité propre à celui qui l’a peinte. Comme quoi, l’art peut être un gros vecteur d’affirmation de soi, et peut autoriser, si l’on s’y forme, bien des accomplissements!

Tourisme neuchâtelois

La formation artistique est pleinement compatible avec le handicap mental; en témoigne le projet collectif développé cette année au sein du secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige».

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Quand une vente d’allumettes allume l’intérêt Rencontre avec Eric Maire et Marielle Rondez

Eric Maire est enseignant à l’école primaire des Ponts-de-Martel (NE), et Marielle Rondez est monitrice au secteur des Ateliers de la Fondation «Les Perce-Neige». Cet article est le fruit de leur entretien avec Sébastien Delage.

Moment de découverte et d’échange dans les ateliers des Perce-Neige pour les enfants des Ponts-de-Martel...

C’est l’histoire d’une rencontre et d’une étincelle de curiosité. Depuis quelques années, l’école primaire des Ponts-de-Martel (NE) vend des allumettes au bénéfice des Perce-Neige. De fil en aiguille, les élèves ont donc manifesté un intérêt légitime à au moins savoir ce qui se cache derrière la situation des personnes vivant avec un handicap mental.

Décloisonner deux mondes Il fallait motiver les élèves: difficile de vendre quoi que ce soit, quand on ne sait pas bien à qui va l’argent ou quand il est quasiment impossible de se faire une image du système complexe d’une institution sociale, et de ses usagers. Et puis, comment sensibiliser, ouvrir les espaces de connaissance? L’école primaire et le monde du handicap mental se connaissent si peu… Il fallait donc décloisonner deux mondes, et s’ouvrir à l’Autre. Et c’est dans ce mouvement d’ouverture que des liens extra-

ordinaires ont été tissés entre les élèves et les ouvriers en situation de handicap. Ces liens ont été étroits et restent encore d’actualité aujourd’hui, et il faudrait peu pour rallumer la flamme de la rencontre.

Parler du handicap en vérité et en simplicité Dans un premier temps, l’enseignant Eric Maire a demandé à une maman d’élève, Marielle Rondez, elle-même monitrice au secteur des Ateliers des Perce-Neige, de venir en classe parler du handicap. Pour structurer cette rencontre, les enfants avaient préparé des questions, et il leur avait été demandé de dessiner leur vision du handicap: de tous les dessins, il ressortait que les enfants voyaient les personnes handicapées comme des personnes tristes, seules, et enfermées. Et les questions des enfants? Une foultitude de choses simples, poignantes, et extrêmement directes: «estce qu’aux Perce-Neige, on fête Noël?», «les handicapés se droguent-ils?», «ont-ils le même sang que nous?», «peuvent-ils travailler?», «est-ce que vous les laissez sortir?». Et il ne s’agit ici que d’un terrible petit florilège… Visionnant ensuite un film de présentation du Secteur des Ateliers des Perce-Neige, les enfants ont été estomaqués de voir que, oui, les personnes en situation de handicap peuvent être heureuses, qu’elles peuvent travailler, qu’elles savent être autonomes… qu’elles ont une vie!

Eric Maire

Magie de la rencontre...

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Ce moment de découverte a complètement bouleversé la classe, et a levé un vent d’enthousiasme réel. Il ne fallait donc pas en rester là... Ainsi, un compte rendu de ce moment de présentation a été fait à la Direction du secteur des ateliers, et à la Direction générale de la Fondation. Une visite des ateliers a ainsi pu s’organiser à la rentrée scolaire suivante: les élèves ont été dispatchés sur 13 (!) ateliers protégés de la Fondation, dans l’optique de pouvoir


Regarder autrement la personne avec un handicap Dans les lettres de remerciement que les enfants ont ensuite fait parvenir aux ateliers, on peut lire des choses très touchantes, signes que «quelque chose» était né. Le regard des enfants a complètement changé après l’expérience. Les enfants sont désormais persuadés que les personnes avec un handicap sont des humains à part entière, des hommes et des femmes de chair et de sang qui ont besoin d’affection et peuvent en donner, des anciens enfants qui sont devenu si adultes, qui ont un travail valorisé, et qui sont fiers d’en parler. Il suffit parfois de peu de choses, comme la magie d’une rencontre pour faire évoluer les mentalités. Par cet exemple simple, concret, né de la volonté d’ouverture et de l’envie de comprendre l’autre, on perçoit mieux que beaucoup d’énergie pourra encore être investie avec succès pour faire

connaître le monde du handicap, qui mérite d’être présenté et de s’ouvrir au monde civil. Particulièrement émouvantes, les questions des enfants sont immensément représentatives de ce que sait la société civile du handicap mental. Il est à parier que les questions des adultes ne doivent, parfois, pas être bien loin de celles des enfants. Les travailleurs sociaux vivent dans un monde un peu parallèle, que chaque décloisonnement, chaque occasion d’ouverture, chaque possibilité de porter et présenter nos valeurs va contribuer à rendre plus en insertion.

Eric Maire

travailler avec les personnes handicapées. Les enfants se sont mis pour un matin à la place des ouvriers. Ils ont été profondément étonnés des responsabilités conférées aux personnes avec un handicap. Des personnes en situation de handicap «calmes»? Les enfants s’attendaient plutôt à une marée de cris, à des gestes violents et bizarres... Or rien de tout ça ne s’est produit; juste la sérénité et la joie, pour les usagers, heureux de pouvoir montrer et valoriser leur travail et leurs responsabilités. Si parfois, les gestes ont dû se substituer aux mots, ce n’était pas grave: durant la matinée qu’a duré l’échange, c’était seulement le langage du cœur qui parlait. L’enseignant avoue avoir été touché par un accueil magnifique: les enfants ont réagi très positivement, même si un peu de crainte, au début, a vite fait place à la toute-beauté de cette expérience. Et les moniteurs ont été enchantés de pouvoir, eux aussi, partager un peu de leur compétence.

Le p’tit coin fétiche de Marielle Rondez et Eric Maire? Sans hésitation, coup double, unanimité parfaite: les marais des Ponts-de-Martel, surtout en automne.

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«Clown Ensemble»

Un autre forme d’apprentissage Tiré d’un entretien avec Eddy Blandenier, responsable à l’Association neuchâteloise des services bénévoles

L’histoire En matière d’animation, le secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige» souhaite ouvrir et désenclaver les animations proposées à ses usagers. Il s’agissait, à l’origine, de permettre d’augmenter le réseau des personnes avec un handicap mental hébergées par l’institution, puisqu’on sait bien que le réseau des personnes vivant en institution dépend de leurs conditions de vie, et va s’étiolant quand augmente l’âge des bénéficiaires. Les sources

Les étapes La première étape a permis de rencontrer, via un appel d’offres, 45 personnes valides qui ont envie d’entamer un travail de formation lié au Clown. Ce travail de formation, et cette motivation à s’ouvrir à l’Autre permettront de créer une troupe de personnes valides, qui seront ensuite appelées à entrer en contact avec les personnes ayant un handicap mental et vivant en institution. La deuxième étape est celle qui permet à Véronique Mooser de «préparer le terrain» de l’intérieur de l’institution, par une planification, une présentation et des exigences en adéquation avec le milieu du handicap mental. La troisième étape sera celle qui verra une activité se déployer, en collaboration avec l’association insieme et l’association Arc-en-Jeu, dès l’automne 2009. Cette activité, dont les contours

seront dessinés au fur et à mesure de l’avancement du projet, permettra à des personnes valides, grâce au projet «Clown Ensemble», de rencontrer des personnes avec un handicap mental. On peut bien croire que le vecteur retenu – les clowns – saura plaire. Ce «chemin vers la relation» est porteur de bien des espoirs: grâce aux 45 volontaires de «Clown Ensemble», de belles rencontres auront certainement lieu et, qui sait, des liens nouveaux pourront se tisser, qui permettront une optimisation de l’intégration des personnes avec un handicap mental.

Jean-Bernard Vuille

L’opération «Clown en Route» existe dans le Midi de la France; il s’agit d’une animation clownesque mêlant des personnes avec un handicap mental et des personnes valides. Eddy Blandenier a un solide bagage de clown relationnel et de formateur en travail social. Cette formation et cette habitude lui ont permis de mettre en

place une collaboration avec Véronique Mooser, animatrice au secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige», collaboration qui devra déboucher sur une activité menée par des clowns valides auprès de personnes avec un handicap mental, via les institutions sociales ou via les associations de parents.

Eddy Blandenier

Le canton de Neuchâtel compte quelques perles en matière de formation des personnes avec un handicap mental. L’opération «Clown Ensemble» est un bel exemple de cette vivacité.

E. Blandenier évoque la beauté de la Ferme du Grand-Cachot-de-Vent, située dans la vallée de la Brévine; il vous en recommande la visite…

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La formation, un projet de société

Alex Fischli, directeur du secteur «Foyers occupationnels de la Fondation «Les Perce-Neige»

Les peurs, les difficultés quotidiennes, l’inconnu, la différence et l’égoïsme engendrent l’indifférence, le refus des autres, ou même, le rejet. Notre société civile est riche de ses différences, mais malheureusement, elle n’arrive pas toujours à les conjuguer pour les rendre complémentaires. Dans ce contexte, la personne handicapée qui a besoin d’un accompagnement important pour tous les actes de sa vie quotidienne doit pouvoir compter sur des personnes qualifiées, motivées, disponibles et surtout, particulièrement bien formées. En effet, nous pensons que la qualité de nos prestations institutionnelles dépend presque exclusivement des compétences personnelles et professionnelles de tous les intervenants. Les formations actuelles dans les écoles spécialisées, HES ou ES, sont certainement excellentes et nous les soutenons. Toutefois, nous estimons qu’elles ne suffisent largement pas aux qualifications que nous demandons à notre personnel éducatif. Pourquoi? Depuis l’arrivée en 2005, de la tornade HES, nous observons avec inquiétude les conséquences des tensions qui existent entre les politiques et les administratifs qui sont obsédés par l’application du processus de Bologne et les lieux de formation

Tourisme neuchâtelois

Ce dossier «Spécial Neuchâtel a débuté par de multiples questionnements sur les options actuelles des formations socio-éducatives. Après avoir traversé les offres de formation destinées aux personnes handicapées, il se poursuit sur une dernière mise en perspective .

qui s’efforcent d’offrir des formations professionnelles de qualité. Si le principe du rapprochement école-terrain fait partie de tous les discours depuis trois ans, il nous semble remarquer, au contraire, que l’écart s’amplifie. En lisant les intentions de la HES, nous découvrons le paradoxe d’un texte qui parle à la fois, du «concept de formation pratique» qui se veut proche de la réalité institutionnelle et d’une formation qui met l’accent sur des acquisitions, certes indispensables, mais qui ne visent pas à former la fine fleur des professionnels de terrain dont nous avons besoin. De son côté, l’ARPIH offre depuis 1984, des formations qui semblent plus se rapprocher des besoins du terrain. Cette formation a connu un développement impressionnant, mais manque encore à notre avis, d’une ambition de recherche et de développement personnel (supervision). Si nous reconnaissons la qualité des formations des Hautes Ecoles spécialisées et de l’ARPIH en tant que formation généraliste, nous avons l’impression qu’elles ne remplissent pas certaines exigences. En effet, si le monde académique vit un bouleversement, nous devons aussi prendre conscience que le monde institutionnel vivra ces prochaines années une profonde mutation. Un réel progrès sera réalisé lorsque les lieux de formation s’inscriront durablement dans les projets des institutions et que les institutions accepteront de s’inscrire dans un projet global de société. De même, le travailleur social ne deviendra le spécialiste de son domaine de pratique, que si, au cours de son expérience professionnelle relativement importante, il accepte de poursuivre sa démarche de formation et devient un acteur qui s’inscrit totalement dans ce projet de société.

Musée international de l’horlogerie de La Chaux-de-Fonds

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La formation des éducateurs: un élément-clé du credo d’Alfaset Sébastien Delage, éducateur spécialisé, Neuchâtel

Alfaset est une fondation neuchâteloise offrant à des personnes handicapées des places de travail en atelier protégé et des prestations d’hébergement en foyer. Un concept vivifiant de formation caractérise la formation pratique des professionnels du social, telle qu’elle est proposée à Alfaset, ici présentée dans le champ de compétences spécifiques de ses foyers. Les possibilités de formation Alfaset forme tous les niveaux de travailleurs sociaux: HES en stage ou en cours d’emploi, ES en emploi, CFCASE en formation duale. A l’engagement d’un éducateur auxiliaire, la direction d’Alfaset pose l’exigence qu’une formation sociale soit menée à bien. La direction envoie également ses employés en formation de Praticien-Formateur. Les moyens L’institution désigne un PF certifié et dégage du temps pour le travail EF-

PF. A l’éducateur en formation, sont offerts tous les moyens prévus pour les autres membres de l’équipe. Une analyse est prévue dans les colloques des équipes, des journées de travail sont mises sur pied pour l’équipe entière, ainsi qu’un accès à la bibliothèque institutionnelle, des entretiens annuels d’évaluation de fonction, ainsi que l’exercice au quotidien des tâches telles que prévues dans le descriptif de fonction des éducateur d’Alfaset. Ressources et partenariats L’institution propose une réunion régulière entre le PF et l’éducateur en formation, une diminution des tâches de l’EF, la possibilité d’interroger des personnes ressources (conseiller pédagogique, répondant, médecin psychiatre vacataire, etc…), l’accessibilité aux dossiers des employés handicapés, et la participation active aux divers colloques, la constitution d’un rapport pédagogique initial et de suivi, et une analyse de fonctionnement.

Spécificités d’Alfaset L’analyse institutionnelle est un des piliers d’Alfaset. L’institution se veut également spécifique dans la formation des Praticiens-Formateurs, des Mentors ES, et des Formateurs en Entreprise liée au CFC-ASE. Tous les trois mois, le groupe PF se réunit pour faire un point sur les formations, pour rendre cohérente la formation avec l’expérience des éducateurs en formation. Le conseiller pédagogique relie les décisions prises au niveau de la direction de l’institution avec le groupe des Praticiens-Formateurs.

Nos remerciements à MM. J-P. Cattin, directeur du secteur pédagogique et des foyers d’accueil, et Philippe Boisadan, chef de Service du département des Foyers neuchâtelois d’Alfaset, pour leurs aimables informations.

Séminaires, colloques et formations Autodétermination - Du concept à la pratique. Cours d’approfondisssement Manon Masse et Jean-Louis Korpès Jeudi 29 et vendredi 30 janvier 2009 Formation continue HEF-TS, Givisiez Délai d’inscription: 22 décembre 2008

Manon Masse Analyses de pratique (HEF-TS, Givisiez) Jeudis 12 février, 5 et 26 mars 2009 Délai d’inscription: 10 janvier 2009

Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet Tél. +41 26 429 62 70 - chantal.caillejacquet@hef-ts.ch

Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet Tél. +41 26 429 62 70 - chantal.caillejacquet@hef-ts.ch

Double diagnostic: déficience intellectuelle et maladie psychique Description et prise en charge Gabi Pierre Chami Mercredis 11 et 18 février 2009 Formation continue HEF-TS, Givisiez Délai d’inscription: 9 janvier 2009 Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.ch Contact: Chantal Caille Jaquet Tél. +41 26 429 62 70 - chantal.caillejacquet@hef-ts.ch

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Dilemmes rencontrés lors de la mise en œuvre de projets dans le travail socio-éducatif

Formation pratique en autisme Hilde de Clercq, Théo Peeters et Marc Serruys Cours organisé par Autisme Suisse romande Lieu: EPI, route d’Hermance 63, 1245 Collonge-Bellerive Dates: 26, 27, 28 29 et 30 janvier 2009 Renseignements et inscriptions: Autisme Suisse romande, av. de Rumine 2, Lausanne Tél. +41 21 341 93 21 - secretariat@autisme.ch


Pension "La Forêt" Vercorin - Valais

ASA-Valais

Au coeur des Alpes valaisannes une pension pour personnes vivant avec un handicap

Association valaisanne d'aide aux personnes handicapées mentales

Chalet de 20 lits au centre de la station de Vercorin Tél. +41 27 455 08 44 - Fax +41 27 455 10 13 - www.pensionlaforet.ch - info@pensionlaforet.ch

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Envoyer à Revue Pages romandes Marie-Paule Zufferey, rédactrice Av. Général-Guisan 19 CH - 3960 Sierre


D’un lac à l’autre: échos de Genève Le Service de relève pour parents de personnes handicapées Anne-Michèle Stupf, secrétaire générale, insieme, Genève Depuis de nombreuses années, alors que d’autres cantons romands étaient déjà dotés d’un tel service pour les mineurs, des parents et des associations réclamaient l’ouverture d’un service de relève à Genève mais jusqu’ici sans succès. Il aura fallu l’obstination d’une maman qui sans relâche a sollicité les associations Cerebral-Genève, insiemeGenève et Pro Infirmis pour qu’enfin un projet puisse voir le jour le 1er septembre 2008. Un service de relève de parents prend tout son sens, lorsque tout un chacun arrive à comprendre la double particularité qui caractérise les parents qui ont un enfant handicapé, à savoir: - Ils sont en quelque sorte des parents «à vie», car leur enfant continuera à avoir besoin d’un accompagnement rapproché bien au-delà de «l’âge de raison»; - Ils doivent souvent faire face à un certain isolement important, car il est difficile d’organiser sa vie sociale, pratiquer une activité de loisirs régulière, etc. sans pouvoir bénéficier d’une garde spécialisée pour son enfant handicapé. D’emblée, il est apparu essentiel pour les acteurs de ce projet de répondre aux besoins des familles également passé la majorité de leur enfant. En effet, un certain nombre de parents maintenant âgés ont également besoin d’un soutien ponctuel pour pouvoir continuer à accueillir leur fils/ fille le temps d’une journée ou d’un week-end. Une enquête a été menée en 2007 auprès des 700 membres de nos associations respectives et a montré le besoin réel de relève pour au moins 65 familles établies à Genève. Aujourd’hui, la mise en commun de nos ressources et de nos compétences

a permis la création de ce Service de relève, qui a pour but de soulager les familles s’occupant à domicile d’une personne vivant avec un handicap mental ou physique. Ce Service doit favoriser l’intégration des personnes handicapées, enfants et adultes, et leur maintien à domicile à un prix accessible à toutes les bourses. Le Service a engagé une coordinatrice chargée de rencontrer les familles, les personnes handicapées et les futurs intervenants, afin d’évaluer les besoins et les compétences de chacun avant de les mettre en contact. Le Service engage des intervenants qui ont une expérience avec la population concernée (moniteurs de séjours de vacances ou de week-end de loisirs organisés par les associations Cerebral ou insieme à Genève par exemple) et qui sont disponibles pour assurer des heures de relève durant une année au minimum. Une formation et des réunions de bilan en groupe sont mises en place par le Service et obligatoires pour tous les nouveaux intervenants. En fonction des besoins particuliers et personnels de ceux-ci, des entretiens individuels de régulation sont aussi proposés. Le Service de relève genevois des parents de personnes handicapées est un projet-pilote qui, durant la période de lancement (2008-2010), fonctionnera uniquement grâce à des fonds privés, notamment avec le soutien de la Fondation les Corbillettes. Grâce aux aides financières reçues, le service peut donc proposer à 65 familles environ 200 heures de relève par année au tarif de CHF 15.-/heure ou de CHF 75.-/nuit. De cette manière, seul le 60% de la rémunération brute de l’intervenant est à la charge des bénéficiaires,le 40% restant étant financé par le Service de relève.

Après 2 mois de fonctionnement, les besoins exprimés par certaines familles dépassent déjà les limites fixées par le Service (notamment au niveau du nombre d’heures de relève autorisé). De plus, des besoins pressants ont été clairement mis à jour dans le domaine du handicap psychique soit de la part de parents vivant avec une personne touchée par une maladie psychiatrique soit par des associations actives dans ce domaine. Le Service de relève ne peut malheureusement pas répondre à ces demandes en raison d’une part des types d’accompagnement souhaité mais également des compétences des intervenants dont dispose le Service. La phase pilote du Service pourra donc également être mise à profit pour encourager les autres associations qui souhaiteraient bénéficier d’un service de relève à effectuer une enquête auprès de leurs membres pour dégager les besoins réels et le type de prestations attendues. Par ailleurs, les 3 organismes, Cerebral, insieme et Pro Infirmis impliqués dans ce projet à Genève comptent sur les autorités cantonales et fédérales pour assurer la pérennité de cette prestation qui vient compléter le dispositif genevois de prise en charge des personnes handicapées. Virginie Gorgerat, coordinatrice p.a. insieme, rue de la Gabelle, 7 CH - 1227 Carouge Tél. 022 343 17 20 (lundi, mardi, jeudi) www.servicerelevegeneve.ch


Pension "La Forêt" Vercorin - Valais

ASA-Valais

Au coeur des Alpes valaisannes une pension pour personnes vivant avec un handicap

Association valaisanne d'aide aux personnes handicapées mentales

Chalet de 20 lits au centre de la station de Vercorin Tél. +41 27 455 08 44 - Fax +41 27 455 10 13 - www.pensionlaforet.ch - info@pensionlaforet.ch

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D’un lac à l’autre: échos de Genève Le Service de relève pour parents de personnes handicapées Anne-Michèle Stupf, secrétaire générale, insieme, Genève Depuis de nombreuses années, alors que d’autres cantons romands étaient déjà dotés d’un tel service pour les mineurs, des parents et des associations réclamaient l’ouverture d’un service de relève à Genève mais jusqu’ici sans succès. Il aura fallu l’obstination d’une maman qui sans relâche a sollicité les associations Cerebral-Genève, insiemeGenève et Pro Infirmis pour qu’enfin un projet puisse voir le jour le 1er septembre 2008. Un service de relève de parents prend tout son sens, lorsque tout un chacun arrive à comprendre la double particularité qui caractérise les parents qui ont un enfant handicapé, à savoir: - Ils sont en quelque sorte des parents «à vie», car leur enfant continuera à avoir besoin d’un accompagnement rapproché bien au-delà de «l’âge de raison»; - Ils doivent souvent faire face à un certain isolement important, car il est difficile d’organiser sa vie sociale, pratiquer une activité de loisirs régulière, etc. sans pouvoir bénéficier d’une garde spécialisée pour son enfant handicapé. D’emblée, il est apparu essentiel pour les acteurs de ce projet de répondre aux besoins des familles également passé la majorité de leur enfant. En effet, un certain nombre de parents maintenant âgés ont également besoin d’un soutien ponctuel pour pouvoir continuer à accueillir leur fils/ fille le temps d’une journée ou d’un week-end. Une enquête a été menée en 2007 auprès des 700 membres de nos associations respectives et a montré le besoin réel de relève pour au moins 65 familles établies à Genève. Aujourd’hui, la mise en commun de nos ressources et de nos compétences

a permis la création de ce Service de relève, qui a pour but de soulager les familles s’occupant à domicile d’une personne vivant avec un handicap mental ou physique. Ce Service doit favoriser l’intégration des personnes handicapées, enfants et adultes, et leur maintien à domicile à un prix accessible à toutes les bourses. Le Service a engagé une coordinatrice chargée de rencontrer les familles, les personnes handicapées et les futurs intervenants, afin d’évaluer les besoins et les compétences de chacun avant de les mettre en contact. Le Service engage des intervenants qui ont une expérience avec la population concernée (moniteurs de séjours de vacances ou de week-end de loisirs organisés par les associations Cerebral ou insieme à Genève par exemple) et qui sont disponibles pour assurer des heures de relève durant une année au minimum. Une formation et des réunions de bilan en groupe sont mises en place par le Service et obligatoires pour tous les nouveaux intervenants. En fonction des besoins particuliers et personnels de ceux-ci, des entretiens individuels de régulation sont aussi proposés. Le Service de relève genevois des parents de personnes handicapées est un projet-pilote qui, durant la période de lancement (2008-2010), fonctionnera uniquement grâce à des fonds privés, notamment avec le soutien de la Fondation les Corbillettes. Grâce aux aides financières reçues, le service peut donc proposer à 65 familles environ 200 heures de relève par année au tarif de CHF 15.-/heure ou de CHF 75.-/nuit. De cette manière, seul le 60% de la rémunération brute de l’intervenant est à la charge des bénéficiaires,le 40% restant étant financé par le Service de relève.

Après 2 mois de fonctionnement, les besoins exprimés par certaines familles dépassent déjà les limites fixées par le Service (notamment au niveau du nombre d’heures de relève autorisé). De plus, des besoins pressants ont été clairement mis à jour dans le domaine du handicap psychique soit de la part de parents vivant avec une personne touchée par une maladie psychiatrique soit par des associations actives dans ce domaine. Le Service de relève ne peut malheureusement pas répondre à ces demandes en raison d’une part des types d’accompagnement souhaité mais également des compétences des intervenants dont dispose le Service. La phase pilote du Service pourra donc également être mise à profit pour encourager les autres associations qui souhaiteraient bénéficier d’un service de relève à effectuer une enquête auprès de leurs membres pour dégager les besoins réels et le type de prestations attendues. Par ailleurs, les 3 organismes, Cerebral, insieme et Pro Infirmis impliqués dans ce projet à Genève comptent sur les autorités cantonales et fédérales pour assurer la pérennité de cette prestation qui vient compléter le dispositif genevois de prise en charge des personnes handicapées. Virginie Gorgerat, coordinatrice p.a. insieme, rue de la Gabelle, 7 CH - 1227 Carouge Tél. 022 343 17 20 (lundi, mardi, jeudi) www.servicerelevegeneve.ch


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