PAGES ROMANDES - Ces differences venues d'ailleurs

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No 2 avril 2008

Ces différences venues d’ailleurs...


Sommaire

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédagogie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Dossier: Ces différences venues d’ailleurs...

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2 Tribune libre Rencontre avec Amilcar Ciola

3 Editorial Marie-Paule Zufferey

4 La double différence, enjeux et réalités Interview de François Fleury 6 La surreprésentation des élèves migrants dans les structures de l’enseignement spécialisé Olivier Delévaux

8 Le bilan de compétences scolaires établi en langue d’origine Mary-Claude Wenker 10 Dépasser les critères culturels Françoise Pitteloud 11 L’accompagnement Mère-Enfant Olivier Delévaux et Stéphane Germanier 12 L’histoire d’Ali Isabelle Mathis 14 Cap «Costa Rica» ou le Rêve Eternel du retour Dominique Sauzet 16 Impact de la migration sur l’acceptation familiale du handicap de l’enfant Geneviève Piérart 18 Un espace où se former sur les questions de migration Marie-Paule Zufferey 19 Les troubles psychiques chez les personnes polyhandicapées Sara Heer 22 «Différent et Compétent en Bretagne» Journée d’étude ARPIH Marie-Paule Zufferey 23 L’année SGIPA, le cinquantenaire Marie-Paule Zufferey 24 Sélection Loïc Diacon


Tribune libre

Le vécu migratoire ou la métaphore de «l’entre deux» Rencontre avec Amilcar Ciola, psychiatre et psychothérapeute, Lausanne Marie-Paule Zufferey, rédactrice

«Entre les racines originaires à nourrir et à protéger, et les ailes du devenir à déployer, loin dans la terre de l’exil, se situe le destin à apprivoiser des familles migrantes, des couples mixtes, des familles adoptives et peut-être aussi de tout être humain, dans la mouvance et l’incertitude de l’existence». Ainsi commence la présentation d’un cours sur les migrations¹ donné par Amilcar Ciola² à l’Université de Lausanne. Venu lui-même d’ailleurs il y a des années, ce psychiatre aux allures de poète latino file volontiers la métaphore pour parler du vécu migratoire. Celle de l’individu «assis entre deux chaises» est sa préférée, non comme une illustration de l’inconfort, de l’ambivalence ou de l’ambiguïté liés à la situation, mais comme une chance de pouvoir appréhender deux mondes à la fois. La perception de cet «entre deux», Amilcar Ciola la situe à différents niveaux. Entre deux langues La langue ou les langues parlées avant la migration ne sont généralement pas celles du pays d’accueil et se révèlent inopérantes dans ce nouveau contexte. La relation à ce nouveau mode d’expression est accompagnée de sentiments ambivalents et difficiles à maîtriser. Il s’agira pour le migrant d’évoluer vers d’autres références langagières qui induisent l’adoption d’autres comportements que ceux de sa culture d’origine, avec

tout ce que cela comporte de conflits intérieurs potentiels. Cette langue qu’il va parler, plus ou moins bien, ne sera pourtant jamais la sienne. Entre deux temps Le vécu du temps présent est constamment accompagné par le cortège des émotions reliées au temps passé, ainsi que les doutes et les incertitudes concernant l’avenir. Des sentiments de joie et de souffrance, d’accomplissement et de perte, de soumission et de liberté s’entrecroisent et se déplacent du passé au présent et du présent au passé, en attendant l’avenir. Les trois temps de l’existence s’interpénètrent et deviennent indissociables à travers leur représentation par les grands-parents, les parents et les enfants; dans le processus de migration, au moins trois générations sont concernées… Entre l’aller et le retour Le migrant est émotionnellement toujours en voyage, dans un incessant va-etvient. D’une façon ou d’une autre, le projet de migration est lié au projet du retour. Le séjour, imaginé comme transitoire, est potentiellement définitif. Le projet de retour, considéré comme un mythe utile et nécessaire, constitue un puissant organisateur familial. Cette organisation se construit à travers le mélange, la combinaison, l’assemblage du définitif et du transitoire dans un espace temporel qui devient transitoirement

définitif ou définitivement transitoire.

droit, et le droit devient devoir.

Entre la gratification et la blessure La réussite dans le pays d’accueil peut être tour à tour gratification et blessure: le succès peut être vécu comme un échec et s’accompagner de sentiments d’insatisfaction, de révolte, et avoir des résonnances de revers. La famille d’origine glane certains échos de la réussite, quelquefois des bénéfices, mais elle ne les partage pas au quotidien. De plus, le migrant n’a pas réussi grâce à la reconnaissance et au soutien direct des siens.

Entre la malédiction et la bénédiction de l’argent gagné L’argent gagné est une source de fierté, la justification de l’effort, le gage de la loyauté, le pouvoir d’acquérir, la possibilité de partir et l’espoir de liberté. Il occasionne cependant une blessure narcissique provoquée par une multitude de sentiments d’étrangeté, d’injustice face à l’impossibilité de le gagner chez soi et l’obligation d’être ailleurs. «Maudit soit cet argent béni que je gagne» pourrait être la formulation littéraire de ces sentiments ambivalents en relation à l’argent. Amilcar Ciola appelle «unité combinatoire» le concept théorique qui sous-tend cette métaphore d’être «entre deux» de façon inventive et non handicapante. «Etre assis entre deux chaises est une bonne façon d’être assis», conclut le psychiatre, à condition de ne pas se laisser écarteler par des choix impossibles. La richesse de la situation dépend de la capacité de l’individu à prendre sa place et dans la société d’origine et dans la société d’accueil…

Entre l’échec et la réussite Au niveau individuel, les comportements d’échec (scolaire, social, professionnel) peuvent être compris comme des réussites au niveau des sentiments de loyauté et d’appartenance. Entre le droit et le devoir L’individu et/ou la famille migrant-e ont le droit de s’épanouir dans leur nouveau contexte. Parallèlement, ils ont le devoir de ne pas oublier la famille et le pays d’origine. Le fait de bien vivre la migration peut être considéré comme un devoir: c’est la justification de la dislocation de la famille. En revanche, le fait de penser et de prendre soin de la famille et du pays d’origine est constamment revendiqué comme un droit face à la société d’accueil. Pour toute chose, le devoir devient

Ce texte est écrit sur la base d’un article d’Amilcar Ciola, préface de l’ouvrage «Approche transculturelle des troubles de la communication» de Francine Rosenbaum ¹Migrations et interventions psychologiques, Unil, Lausanne ²Amilcar Ciola, est médecin spécialiste en psychiatrie, psychothérapeute et enseignant, collaborateur au CEF, au CERFASY, à l’Association Appartenances, enseignant à l’IMPER, président de l’Association suisse de thérapie familiale.


Quand la maladie fait prendre racine Tandis que les remous de la déclaration d’indépendance de son pays agitent les Balkans et la communauté internationale, Enver Asllanaj fait le point sur la situation de sa famille. Originaire du Kosovo, ce licencié en lettres albanaises arrive en Suisse en 1991 avec sa femme et sa fille âgée de 3 ans et demi. Il a 30 ans et l’espoir de pouvoir retourner très vite au pays. Quelques mois plus tard naît Ilir; l’enfant présente des problèmes de santé et l’on diagnostique bientôt la mucoviscidose. Les symptômes de la maladie ne sont pas inconnus des Asllanaj; le couple a en effet déjà perdu un bébé âgé de onze mois, sans qu’un nom ait jamais été mis sur les causes de son décès. Or, les similitudes entre les deux cas sont troublantes. Aujourd’hui, la famille compte trois adolescents. En 2007, elle obtient la nationalité suisse. Si les jeunes se sentent parfaitement intégrés dans leur communauté d’accueil, les parents eux, ont la nostalgie chevillée au cœur. «Notre rêve est de pouvoir continuer un bout de vie dans notre pays». Oui mais voilà... La maladie d’Ilir est venue dès le départ compliquer ce projet de retour. A la fin de la guerre, en 1999, bien des Kosovars sont placés devant cette alternative: rester ou repartir... «Rentrer, mais où?» se demande Enver Asslanaj... «Nous ne sommes plus les mêmes». S’ajoute à ce douloureux constat de déracinement, le fait de savoir qu’il ne sera pas possible, dans ce pays en pleine reconstruction, d’offrir à Ilir les traitements et les médicaments dont il a besoin pour vivre. Reste tout de même l’espoir qu’un jour, peut-être...

Edito

Différent et d’une autre culture Marie-Paule Zufferey, rédactrice

«Si on me demandait: qu’est-ce que la culture? Je répondrais sans hésiter: c’est le sens de l’autre. Qui, en fait, est antécédent à toute culture; lui sert de fondement, à la fois, et de visée». Cette réflexion de Georges Haldas me revient en mémoire au moment de poser le thème de la migration doublée de handicap. «Je m’explique, poursuit l’écrivain, le grain, au départ, n’est-il pas étranger à la terre où on le dépose, et qu’il féconde? Faisant de celle-ci une terre cultivée. De même, entre sens de l’autre et culture». Cette analogie, qui nous ramène à la terre, nous plonge également au cœur de la question soulevée dans ce dossier. Notre pays est-il cette «terre cultivée» où peuvent vivre et s’épanouir ces différences venues d’ailleurs? Notre objectif n’est pas d’analyser le système structurel suisse d’accueil des populations migrantes, mais bien de donner la parole aux personnes directement concernées par la problématique: celles chargées de l’accueil et celles qui vivent de l’intérieur ces situations de double différence... Du côté des professionnel-le-s, le message est clair. Si la connaissance des représentations du handicap dans les différentes cultures est nécessaire à l’exercice du métier d’accueil, il s’agit de ne pas céder au danger du culturalisme. Le parcours migratoire, analyse la chercheuse Geneviève Piérart, est plus intéressant à interroger que la seule origine des familles. Une conclusion qui vient faire écho à l’appel au dialogue lancé par François Fleury dans l’article d’introduction. Cet éloge de l’échange interculturel nous permet de rappeler (aux politiques qui nous lisent?) que la communication a un coût, en termes de temps, en nombre et en qualité d’outils mis à disposition de l’école et des institutions. Dans les vies des personnes migrantes

s’égrènent d’autres défis à relever. Il y a d’abord ce cortège d’«entre deux» qu’identifie Amilcar Ciola dans la tribune libre et auxquels il faut constamment faire face. Et puis il y a cette nostalgie, qui devient peu à peu constitutive d’une identité déjà fragilisée. La présence ou la survenue d’un handicap vient souvent ajouter du désarroi dans la vie de ces familles aux trajectoires déjà tissées d’incertitudes. Privées du soutien de la famille élargie, les personnes migrantes doivent faire face, plus que d’autres encore, à des questions d’ordre pratique. Alors survient quelquefois, selon Amilcar Ciola, cette troublante interrogation, sorte de pensée magique négative: «Et si j’étais resté chez moi...?» L’envie de retourner au pays reste souvent très présente au cœur des familles migrantes, même si le handicap d’un enfant ou son placement en institution vient empêcher la réalisation de ce projet. L’étude menée par Geneviève Piérart montre également que les conditions socio-économiques, ainsi que le statut juridique ont plus d’impact que les postures culturelles sur l’adaptation des familles au handicap d’un enfant. Elle en conclut que «même s’il n’est pas toujours possible d’agir sur les difficultés d’ordre structurel que rencontrent ces familles, les identifier peut aider à éviter la cristallisation sur les divergences de représentations». Nous vivons dans un monde où la migration est de plus en plus massive. Nous ne pourrons pas très longtemps faire l’économie du questionnement auquel nous renvoient ces familles venues d’ailleurs... Questionnement sur notre école et son mandat, sur le fonctionnement de nos institutions, sur notre perception du handicap et de la différence et pourquoi pas, sur notre sens de l’autre...


La double différence, enjeux et réalités François Fleury, ethno-thérapeute, Yverdon Interview réalisée par Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Face à la survenue d’un handicap, avant d’adopter les comportements dictés par sa culture, toute personne passe par une phase de questionnement intime. Ce vécu originel, partagé par tous les êtres humains est peut-être l’une des clés utiles à l’ouverture d’un dialogue avec les parents migrants d’enfants handicapés; de ce dialogue vrai dont François Fleury nous dit qu’il est la base indispensable de tout acte d’accompagnement.

On évoque souvent les différences qui existent entre les cultures, dans les manières d’appréhender le handicap. A l’inverse, y a-t-il certains comportements qui soient communs à tous les humains? Que ce soit ici ou ailleurs, naître dans la différence a toujours questionné l’humanité. Et quand je dis l’humanité, je devrais dire d’abord les parents, «responsables» d’avoir introduit dans le «vivant» cet être «pas comme les autres». Cela nous renvoie à la notion bien connue de la culpabilité des mères qui doivent assumer le fait que cette «erreur» a été produite à l’intérieur d’elles. Le questionnement originel se situe donc dans le «comment elles vont entreprendre leur relation à cet enfant né différent». A ce stade, on identifie généralement deux postures: le fatalisme (c’est Dieu qui l’a voulu, acceptation de ce qui est) et l’agressivité (pourquoi moi ?). On peut dire de ces réactions «premières» qu’elles sont universelles. Les interprétations diffèrent à partir de là, notamment dans la manière dont telle société se donne le droit d’intégrer le vivant dans son système. Cela veut dire que face à la différence, chaque société doit réintroduire des liens pour que ce vivant puisse vivre, sinon il va mourir… Y a-t-il des cultures qui ont opté pour le «laisser mourir»? Non, mais il y a eu quelques pratiques connues dans ce sens-là. Cela dit, généralement, les sociétés vont plutôt chercher les moyens d’intégrer l’étrangeté. Un exemple: accueillir des jumeaux en Afrique de l’Ouest pose le problème, non de la différence, mais de la ressemblance. Ces semblables, qui nous font reconnaître différents provoquent par leur similitude, une remise en question à la fois dynamique et dangereuse du vivant. D’où la mise en place d’une série de cérémonies ou de reconnaissances, sortes de rituels d’inclusion, au cours desquels on réintroduit ces enfants dans la société des hommes, à travers quelque chose qui s’apparente à une deuxième naissance. Il en va de même lorsqu’il s’agit de handicap. Quand un enfant naît différent dans la société des hommes, on

est presque obligé de faire les comptes avec cette agressivité, donc de produire un certain nombre de rituels qui permettent de le faire entrer dans le système. Les conditions dans lesquelles se déroule la naissance ont-elles une influence sur l’accueil d’un enfant avec un handicap? Avec les progrès de la médecine, notre société moderne a oublié cette plaie de l’humanité qu’a été, durant des siècles, la mortalité infantile. La surmédicalisation de la naissance fait qu’aujourd’hui, on évacue (au maximum) tout ce qui peut être dangereux pour le bébé à venir. Dans ces conditions, les enfants qui naissent différents, chez nous, sont d’emblée reconnus comme des «vivants» alors qu’autrefois, ils faisaient partie des «survivants», ce qui est encore le cas dans certains pays. Cet enfant né différent - mais capable de survivre par lui-même à sa fragilité - est dès lors perçu comme un être habité par une force venue d’ailleurs; ce qui inquiète le groupe d’accueil (famille, société). Face à cet événement, on identifie deux types de comportements: l’hyper acceptation ou la peur. Certaines cultures magnifient le côté «dangerosité» de ces êtres chargés d’étrangeté et porteurs d’une force qui les dépasse. Les réponses se cherchent alors (souvent) dans un commerce entre Dieu et les hommes. L’ampleur des mouvements migratoires actuels fait que le nombre de cultures en présence est toujours plus important. Comment travailler avec cette diversité d’approches? Le problème des familles dont nous parlons est provoqué par une double différence: appartenance à une autre culture et appartenance au monde du handicap. Le professionnel qui se trouve face à ces situations doit savoir que souvent, la première différence amplifie très sérieusement ce qui n’a pas été résolu dans la deuxième. Pour entreprendre un travail pertinent, il faut donc d’abord entrer en communication avec ces familles, questionner leur univers, leur culture, leur histoire, leur savoirfaire. Tenir compte des solutions inventées par


les parents étrangers d’un enfant handicapé, c’est reconnaître leur capacité à faire face à toute cette différence; et cela permet d’ouvrir un espace où échanger, plus en profondeur, sur le «comment ils résistent à cette colère originelle contre les dieux», question qui n’a peut-être encore jamais été abordée… Se pose alors le problème de la diversité des langues… Avec les enfants d’origine étrangère et avec leurs familles, il est impératif de travailler avec un-e interprète. Peu importe si l’un des membres de l’entourage a une certaine autonomie avec la langue du pays d’accueil. Pour pouvoir vraiment communiquer, il faut avoir recours à quelqu’un de formé, capable d’apporter une aide dans une sorte de médiation. L’interprète professionnel peut en effet valider un certain nombre de choses dites par la famille comme appartenant, non pas à ces personnes, mais à leur groupe d’origine. Cette interface est nécessaire pour questionner sans tabous traditions et rituels, mais aussi pour trouver des solutions en utilisant les ressources des réseaux professionnels et communautaires. Ceci appelle inévitablement la question des moyens financiers? Il s’agit d’une question d’organisation du système. Pour l’instant en effet, presque rien n’est prévu pour l’interprétariat dans nos institutions. Lorsqu’on aura compris que cela fait partie des outils nécessaires pour le travail avec les familles migrantes de personnes handicapées, ces postes seront prévus au budget et cela ne posera plus de problèmes. C’est un changement historique, mais finalement pas plus que l’arrivée des ordinateurs ou des chaises roulantes, sinon d’affirmer la nécessité d’une co-construction. Comme toujours, si l’on veut un travail de qualité, il s’agit de s’en donner les moyens. Ces différences à prendre en compte nous permettent en outre d’explorer nos limites institutionnelles. Un exemple: la séance de thérapie qui dure 45 minutes, sera peut-être à prévoir dans un temps d’une heure et demie, pour une rencontre avec une famille et un interprète… Y a-t-il des situations où le modèle culturel des familles migrantes est incompatible avec nos modes de prise en charge des personnes handicapées? Il y en a beaucoup! Mais souvent, nous proposons des solutions paresseuses à des problèmes complexes… Nous avons construit, depuis des années, des cadres institutionnels pour accueillir des enfants différents; ce sont nos «routines». Lorsque quelqu’un n’entre pas dans cet itinéraire, cela énerve la communauté des thérapeutes. Personne n’aime être «dérouté». Pourtant, il s’agirait justement de prendre en compte une autre différence… En cela, il vaudrait la peine d’aller chercher si cette différence nous amène dans ce qu’on pourrait appeler une pathologie du système ou s’il s’agit d’un malentendu qui ramène aux questions de l’interculturalité; est-ce qu’on a vraiment entendu ce que les gens voulaient nous dire, et est-ce qu’ils nous ont compris? Lorsqu’on travaille dans nos milieux professionnels, on a des raccourcis terribles, des raccourcis de cent ans d’expériences qui nous permettent d’aller exactement au point où on veut aller, sans trop de détours par l’écoute de l’autre. Or ces personnes venant d’ailleurs ont besoin d’être amenées à comprendre nos fonctionnements (comme nous avons besoin de comprendre les

leurs). L’institutionnalisation d’un enfant handicapé peut être vécue, dans certaines cultures, comme une compétition, un vol du rôle maternel ou éducatif. D’où, une fois encore, l’importance du dialogue… Nos propres représentations ne viennent-elles pas compliquer ces rencontres? Nous autres professionnels devons en effet lutter contre (au moins) deux types de représentations: - D’abord, les visions très construites (et très arrêtées) d’expertise dans notre société d’accueil moderne, notamment en ce qui concerne le bien-être et la santé (médecine allopathique, règles d’hygiène, etc.) et dont l’application voulue peut handicaper le travail de tous les jours (chacune des normes doit être questionnée, comme par exemple la nécessité d’autonomie dans le brossage régulier des dents). - Ensuite, les représentations culturelles dans les préjugés sur l’altérité. Parce qu’elle a viscéralement peur des autres, chaque société humaine s’est inventé des limites «territoriales»; ceux qui se trouvent au-delà de ces frontières sont des étrangers dont il faut se méfier. Or, la méfiance est l’un des moteur de la création de problèmes dans l’approche des relations avec l’autre. Comment éviter ces pièges? Il faut toujours travailler dans le réel, à partir de ce que font ou feraient les gens concernés (et non à partir de normes préétablies). S’il n’y a pas de résistances, cela se transforme… S’il y en a, il s’agira de les prendre en compte dans les processus d’accompagnement mis en place. Quant aux clichés dont nous sommes les héritiers, ils peuvent être utilisés, non en opposition, mais peut-être comme des ressources… J’en reviens à la nécessité de communiquer; communiquer vraiment, c’est-àdire avoir un langage, une culture, une volonté de recherche qui nous permette de ne pas nous enfermer dans nos petites cages de travail, avec les systèmes et les moyens socio-éducatifs à notre disposition, mais d’ouvrir un peu les portes… Les importants mouvements migratoires de ces dernières décennies ont-ils fait évoluer notre approche des différences culturelles? Nécessairement. Nous avons passé d’une appréhension de l’autre, qui était la peur, à une reconnaissance que l’autre existe. Cela dit, nous n’avons toujours pas décidé si nous voulions travailler et vivre ensemble ou pas… Si oui, nous devrons apprendre à co-construire. Que ce soit de la part des migrants ou de nous-mêmes, un effort énorme est à faire pour quitter certaines habitudes liées à l’effet migratoire, renoncer à ce que l’on a l’habitude de faire sans l’avoir déconstruit (exemple: on ne va plus chez un guérisseur dans l’attente de ce qui peut se passer ici ou pour éviter des idées de jugement...) A nous d’oser l’ouverture vers cette autre dimension de vivre et de penser (représentée, notamment par le recours à un guérisseur…) Quoi qu’il en soit, le questionnement auquel nous amènent les familles migrantes à propos du handicap nous renvoie à des questions fondamentales sur notre perception de la différence et des moyens mis en place dans nos propres cultures pour vivre au mieux avec elle…


La surreprésentation des élèves migrants dans les structures de l’enseignement spécialisé Olivier Delévaux, professeur HEP-Valais et HEP-Vaud

Difficile d’orienter avec pertinence des élèves qui ne parlent pas la langue de nos tests. Comment, dans certains cas de figure, situer l’origine de ce qui apparaît comme une limitation: culturelle, sociale, liée à une simple difficulté d’apprentissage ou à un handicap plus sévère? La réponse est loin d’être simple. Dans cet article à deux voix, ou à quatre mains, Olivier Delévaux interroge notre système scolaire et les valeurs qui le fondent, tandis que Mary-Claude Wenker propose quelques outils d’évaluation issus de pratiques enseignantes et mis en forme par un groupe de travail.

Le domaine de la pédagogie spécialisée est intimement lié à celui de la migration. Le principal lien, celui qui tout du moins apparaît avec le plus d’évidence et de persistance, est celui de la surreprésentation des élèves migrants dans les structures de l’enseignement spécialisé. Depuis des décennies, les statistiques scolaires rapportent régulièrement des chiffres éloquents concernant ce phénomène sans que de véritables solutions aient pu être trouvées.

Le problème de l’orientation

De manière plus large, dans l’enseignement en général, la question de l’hétérogénéité de la population scolaire est soulevée. Elle est liée à la présence, au sein de l’institution scolaire, d’élèves présentant des profils différents du point de vue de leur culture d’origine, de leur appartenance socio-culturelle, de leur progression plus ou moins aisée dans les apprentissages ou encore du fait d’être porteurs d’un handicap. Comme on le voit ici, l’hétérogénéité des classes n’est pas uniquement liée à la présence d’un pourcentage plus ou moins élevé d’élèves d’origine étrangère. Cette donnée est cependant à prendre tout particulièrement en compte lorsque ledit pourcentage explose dans les structures de l’enseignement spécialisé. Cet indicateur semble nous montrer l’existence d’un clivage entre les intentions affichées par un système scolaire faisant la promotion de mesures intégratives et défendant l’idée d’une école pour tous, et la réalité des faits, c’est-à-dire la sélection et l’orientation massive d’élèves d’origine étrangère vers les filières les moins valorisées du système de formation.

Interroger la fonction du système

Il paraît pertinent de s’interroger sur la fonction de ce système dans la perpétuation de valeurs de société et de considérer le rôle qu’il joue effectivement au niveau de la promotion de l’intégration des populations migrantes dans la société locale. L’école favorise-t-elle l’ascension sociale de ses usagers ou est-elle conservatrice comme l’affirme Pierre Bourdieu? Pour lui, «C’est sans doute par un effet d’inertie culturelle que l’on peut continuer à tenir le système scolaire pour un facteur de mobilité sociale, selon l’idéologie de «l’école libératrice», alors que tout tend à

montrer au contraire qu’il est un des facteurs les plus efficaces de conservation sociale en ce qu’il fournit l’apparence d’une légitimation aux inégalités sociales et qu’il donne sa sanction à l’héritage, au don social traité comme don naturel.» (Bourdieu 1966: 325)

La langue comme critère de réussite?

La langue scolaire n’est une langue maternelle que pour la proportion des élèves appartenant à la classe cultivée, et la maîtrise de cette langue constitue un critère de réussite déterminant. Cette idée est développée par l’étude de Thélot et Vallet (2000) portant sur l’analyse de la destinée scolaire selon l’origine sociale au cours du XXe siècle. Les auteurs mettent en évidence que «La destinée scolaire est fortement liée à l’origine sociale». Ce sont les enfants d’enseignants, puis les enfants de cadres supérieurs (y compris gros indépendants) qui sont le plus souvent diplômés de l’enseignement supérieur; à l’inverse, ce sont les enfants d’ouvriers non qualifiés (et agricoles) qui, le plus souvent, n’ont aucun diplôme.» (Thélot et Vallet 2000: 11). Les auteurs relèvent également que «le milieu culturel aurait davantage d’impact que le milieu social», précisant que «l’inégalité devant l’école s’exprime davantage comme une inégalité culturelle (via le diplôme de la mère ou celui des parents) que sous la forme d’une inégalité strictement sociale» et ils ajoutent qu’«il est vrai, par exemple, que la réussite scolaire des enfants d’enseignants, même peu fortunés, est plus forte que celle des enfants d’indépendants, même fortunés.» (Thélot et Vallet 2000: 13)

Une double discrimination?

Les familles migrantes et de milieu socio-culturel défavorisé sont peu au fait des exigences et de l’organisation des voies de formation à exigences élevées et cet état de fait joue un rôle dans la perception qu’elles ont de leur accessibilité pour leurs enfants. Cela a sans doute une incidence sur le pourcentage élevé d’élèves issus de la migration dans les structures de formation à exigences réduites. Nous savons que les difficultés d’accès aux filières de formation à exigences élevées se multiplient pour les enfants


des classes défavorisées, et, par extension, pour les enfants de familles migrantes appartenant à des classes défavorisées. On assiste même à une double discrimination. En d’autres termes, ces élèves, qui obtiennent généralement des résultats scolaires plus faibles que leurs camarades dont les familles partagent davantage la langue et la culture scolaires, devraient obtenir des résultats supérieurs à ceux de leurs camarades pour se voir proposer une orientation vers des filières à exigences élevées, et ce parce que les enseignants ont tendance à sous-estimer leurs résultats.

L’effet de «halo»

L’effet «Pygmalion»

Au-delà du phénomène de l’allophonie, ce constat, également fait par Kronig (2000) peut être élargi aux enfants de familles migrantes et aux enfants provenant de milieux socio-culturellement et socio-économiquement faibles. Il nous renvoie directement à l’effet «Pygmalion» décrit pour la première fois par Rosenthal et Jackobson en 1968 (Rosenthal et al. 1978). Cet effet fait référence aux attentes des enseignants quant à leurs élèves, lesquelles attentes pourraient exercer une influence sur les performances scolaires de ces derniers. On voit ici le lien qui peut se créer ensuite entre

lesdites performances et l’orientation scolaire des élèves concernés. Le phénomène de «prophétie autoréalisatrice» a été introduit par Robert Merton dès 1948. Il est défini comme «une définition tout d’abord erronée d’une situation qui suscite un nouveau comportement qui rend exacte cette conception initialement fausse» (Trouilloud et Sarrazin 2003: 90) Il a depuis été largement étudié dans le domaine scolaire, particulièrement dans le but de nuancer et de préciser le phénomène décrit par Rosenthal et Jackobson.

Un cercle vicieux

Les enseignants basent leurs attentes principalement sur des éléments considérés comme fiables, tels que les performances antérieures de leurs élèves, ainsi que dans une moindre mesure sur des facteurs moins fiables tels que l’origine ethnique. Nous pouvons craindre l’instauration inconsciente d’un cercle vicieux: les attentes moins élevées de l’enseignant étant perçues par les élèves en faisant l’objet, on peut s’attendre à ce que leur moti-

Robert Hofer

Il convient en effet de mentionner ici certains des mécanismes qui contribuent à ce phénomène, principalement sous l’angle de l’influence des enseignants sur les processus d’orientation. Comme le signale Moser, «Vu le temps que les élèves passent à l’école, ce sont encore les enseignants qui sont souvent le mieux à même d’orienter les études de ces derniers et de fournir les recommandations utiles aux

parents pour que ceux-ci choisissent la meilleure voie pour leurs enfants. Le risque existe, toutefois, que les enseignants sous-estiment les compétences potentielles des jeunes de familles d’immigrés parce que ceux-ci ne maîtrisent pas la langue d’enseignement. Ils ont tendance à généraliser au lieu de porter un jugement différencié, selon l’effet dit de halo». (Moser 2001: 112)


vation et leur estime de soi s’en ressentent, entraînant une baisse de la participation et des performances et justifiant donc le fait que la perception de l’enseignant s’avérait exacte et que ces mêmes élèves ne peuvent disposer de plus d’autonomie (puisqu’ils la gèrent mal) et se montrent moins «bons» que les autres de manière générale et donc qu’on ne peut en attendre davantage.

L’origine ethnique comme facteur d’orientation vers les structures spécialisées

Le bilan de compétences scolaires établi en langue d’origine: un outil au service de l’orientation scolaire des élèves allophones Mary-Claude Wenker, coordinatrice pour la scolarisation des enfants de migrants, DICS-SEnoF Fribourg

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Les résultats obtenus par Baumberger (Baumberger et al. 2007) étayent l’hypothèse de l’importance du milieu socio-culturel et de l’origine ethnique des élèves pour la perception qu’en ont les enseignants et pour les propositions de soutien ou d’orientation qui leur sont faites. Les auteurs de l’étude, réalisée dans le cadre du projet COMOF1 ont analysé la probabilité qu’un enfant suisse ou d’origine étrangère soit orienté vers une structure de l’enseignement spécialisé. Ils relèvent que dans tous les cantons latins (délimitation géographique de l’étude), sans exception, la probabilité d’être séparé est plus grande pour les élèves étrangers que pour les élèves suisses. Les études de cas proposées font apparaître que «Le pourcentage d’enseignants qui proposent des mesures pédagogiques favorisant le maintien en classe de l’élève suisse ayant des problèmes de comportement augmente fortement avec le taux d’étrangers dans le canton, alors que

le pourcentage d’enseignants favorisant les mesures de séparation de l’élève étranger diminuent faiblement. Ainsi, plus le taux d’étrangers dans le canton est grand, plus les enseignants proposent de maintenir en classe un élève suisse.» (Baumberger et al. 2007: 30) Concernant le rôle de l’origine sociale des élèves dans le type de mesures pédagogiques préconisées par les enseignants, les mêmes auteurs relèvent que «le pourcentage d’enseignants qui proposent des mesures permettant au fils d’ouvrier de rester en classe augmente nettement avec le taux d’étrangers dans le canton, alors que le pourcentage d’enseignants préconisant des mesures de séparation pour le fils de médecin diminue très faiblement. Ainsi, plus le taux d’étrangers dans le canton est grand, moins les enseignants discriminent socialement leurs élèves.» (Baumberger et al. 2007: 31) Quoi qu’il en soit, et avec des nuances liées aux différentes politiques scolaires ainsi qu’au taux d’élèves d’origine étrangère scolarisés, le type de mesures proposées varie en fonction de l’origine sociale et de l’origine ethnique des élèves. Il est à signaler cependant que les résultats ne permettent pas d’affirmer catégoriquement le type de discrimination existant au sein des systèmes scolaires observés. Plusieurs tendances sont mises en évidences, se contredisant parfois. Il semblerait que l’étude montre une discrimination plutôt indirecte. La tolérance générale semble augmenter là où il y a un fort taux

Lors d’une séance de travail réunissant différents professionnels de l’éducation spécialisée, les doléances fusent… Telle élève, originaire de l’Afrique de l’Ouest, a été placée, il y a quelques mois, dans une classe spéciale; aujourd’hui, ce placement est remis en question car le potentiel de développement de cette jeune fille ne répond pas aux critères habituels. Une autre situation est évoquée: Miguel, originaire du Portugal, a intégré une classe AI après avoir surnagé tant bien que mal pendant deux ans dans une classe régulière. Son déficit n’a été détecté que lorsqu’il avait acquis les compétences linguistiques lui permettant d’être évalué par un psychologue scolaire. Quelle perte de temps! Ces situations sont évoquées quelques semaines plus tard au sein d’un groupe d’enseignant-es de langue et de culture d’origine (ELCO). Certain-e-s (les Portugais-e-s, notamment) soulignent les difficultés rencontrées par les élèves arrivé-e-s récemment et proposent que des contacts soient établis avec les enseignant-e-s autochtones pour permettre «un regard croisé» sur des situations jugées difficiles ou ambiguës. Décision est prise de concevoir un outil permettant de mieux cerner les niveaux de compétences de ces enfants tout en mettant en évidence des problèmes particuliers (stress post-traumatiques par exemple) ou troubles (logopédiques, par exemple). Un groupe de travail interdisciplinaire est constitué. Il réunit des enseignant-e-s de langue et de culture d’origine (Italienne, Portugaise et Turc), une enseignante d’appui spécialisée dans la prise en charge des élèves issus de la migration, une enseignante spécialisée, des enseignantes représentant les différents cycles de l’école publique et la coordinatrice cantonale pour la scolarisation des enfants de migrants. Lors d’une première étape, une trame pour établir un bilan «général» est réalisée à l’image des examens menés par les maîtres de classe de développement itinérants lorsqu’un-e élève leur est signalé-e. Ce bilan comporte des exercices classiques de classements d’images et de reconstitution de figures complexes. Il permet également d’obtenir des indications quant au niveau de socialisation de l’élève ainsi que sur la façon dont il a vécu sa migration, parfois complexe, notamment lorsqu’il s’agit de regroupements familiaux tardifs.


Dans un second temps, les principaux objectifs de fin d’apprentissage en français et en mathématiques dans les cycles EE, 1-2P, 3-4P et 5-6P sont mis en évidence. Dans le domaine du français, ils sont «traduits» (verbalisés) de manière à pouvoir être vérifiés dans différentes langues. Ainsi, par exemple, parlera-t-on «des accords de base» plutôt que des accords en genre et en nombre, sachant que selon les langues, les accords peuvent obéir à d’autres règles (en turc, le nombre s’indique par suffixation). Quelques épreuves pour les petits degrés sont proposées; il s’agit essentiellement de tests s’appuyant sur la compréhension d’images qui sont traduits dans diverses langues. Une attention particulière est apportée à la connotation culturelle des items retenus. Ainsi les personnages portent-ils des prénoms courants dans les différentes cultures; de même que si dans un environnement «helvétique» l’enfant mangera volontiers des crêpes pour son repas, l’enfant asiatique mangera plus volontiers du riz! L’intention ici est de permettre à l’élève de ne pas se sentir trop déconnecté par les questions posées. Pour évaluer les compétences langagières des niveaux supérieurs (dès la 3P), les enseignant-e-s ELCO utilisent le matériel didactique en leur possession. Dans l’impossibilité d’évaluer systématiquement tous les élèves primo-arrivants, une procédure a été décidée. Les enseignant-e-s autochtones accueillant des élèves migrant-e-s sont invité-es à procéder à une telle évaluation lorsque les progrès de l’enfant laissent entrevoir des difficultés particulières (statu quo dans l’apprentissage de la langue d’accueil après quelques mois ou migration reconnue problématique, dans le domaine de l’asile notamment). Une demande est transmise à l’inspecteur/trice concerné-e, puis un contact est pris avec un-e enseignant-e ELCO. Les éléments à évaluer sont déterminés par les deux professionnel-le-s qui procèdent ensemble à l’examen n’excèdant en principe pas 60 à 90 minutes. Un rapport est rédigé, transmis à l’inspecteur/trice. En fonction des résultats, l’orientation scolaire est parfois réévaluée, tout comme un bilan psychologique peut être envisagé si possible avec l’assistance d’un interprète. Cet outil, relativement récent, commence à être plus largement utilisé et ses atouts sont désormais reconnus. Force est de constater que ces deux dernières années, les élèves évalués sont majoritairement originaires du Portugal et du Kosovo. Les enseignant-e-s autochtones apprécient de pouvoir collaborer avec leurs collègues migrants. L’entretien est aussi souvent l’occasion d’un échange sur les pratiques éducatives de part et d’autre. Une meilleure connaissance réciproque au service de l’enfant primo-arrivant.

d’élèves d’origine étrangère. Le niveau de tolérance, réciproquement de discrimination, est donc en lien avec le taux d’élèves de nationalité étrangère, mais également avec le niveau socio-culturel. Les résultats peuvent nous inciter au pessimisme et nous faire craindre l’existence de cercles vicieux auxquels certains élèves ont peu de chance d’échapper.

Transformer les cercles vicieux en «cercles vertueux»

Cependant, ce sont ces mêmes élèves qui présentent une plus grande sensibilité à des éléments stimulants comme des attentes élevées ou un climat socio-affectif propice aux apprentissages. Ces éléments nous laissent espérer qu’il existe des pistes permettant de transformer ces cercles vicieux en cercles vertueux. Par exemple, le rôle joué par le système de formation, analysé sous l’angle de l’adéquation et de la cohérence entre la politique affirmée d’une part et les moyens mis en œuvre d’autre part n’est pas souvent décrit. Ce sont ces pratiques ainsi que les ressources activées par les élèves qui réussissent leur parcours de formation qui comportent sans doute des pistes à explorer pour réduire les inégalités des élèves issus de la migration devant l’école.

Bibliographie: Baumberger, Bernard et al. (2007). «Intégration ou séparation des élèves étrangers: comparaison entre réalité et perceptions.» Pédagogie spécialisée, 3. Bourdieu, Pierre (1966). «L’école conservatrice: Les inégalités devant l’école et devant la culture.» Revue Française de Sociologie, 7(3): 325-347. Kronig, Winfried, Urs Haeberlin et Michael Eckhart (2000). Immigrantenkinder und schulische Selektion. Bern [etc.]: P. Haupt. Moser, Urs (2001). Préparés pour la vie? les compétences de base des jeunes: synthèse du rapport national PISA 2000. Neuchâtel: Office fédéral de la statistique. Rosenthal, Robert A. et al. (éd.) (1978). Pygmalion à l’école: l’attente du maître et le développement intellectuel des élèves. Paris: Casterman. Thélot, Claude et Louis-André Vallet (2000). «La réduction des inégalités sociales devant l’école depuis le début du siècle.» Economie et statistique, 334: 3-32. Trouilloud, David et Philippe Sarrazin (2003). «Les connaissances actuelles sur l’effet Pygmalion: processus, poids et modulateurs.» Revue Française de Pédagogie, 145: 89-119.

COMOF: «Comment maîtriser l’offre spécialisée en regard de l’augmentation des effectifs des élèves en difficulté dans les systèmes scolaires?» 1

CD Chers parents Ce support informatisé se compose de 17 documents destinés à faciliter la communication entre l’école et les familles migrantes. Certains documents sont modulaires: l’enseignant peut ainsi sélectionner les items dont il a besoin pour rédiger sa lettre de rentrée, un message de bienvenue ou encore la liste du matériel à acquérir pour la classe ou à emporter lors d’un camp. Tous peuvent être rédigés en français, en allemand ou en italien puis, sur un simple clic, être traduits et imprimés dans une langue de migration. Rédigés par une équipe d’enseignants de différents niveaux d’enseignement (primaire, cycle d’orientation et école professionnelle), ces supports ont été mis largement en consultation pour garantir une adéquation optimale aux besoins du terrain, dans les trois parties linguistiques de Suisse et au Luxembourg. Sous la direction de Claire Steinmann et Mary-Claude Wenker. Chers Parents, CD. Lausanne: éditions LEP, 2005


Dépasser les critères culturels

Le questionnement douloureux ne connaît pas de frontières

Françoise Pitteloud, enseignante spécialisée, Service éducatif itinérant, Lausanne

Sa pratique d’ enseignante spécialisée en service éducatif itinérant amène Françoise Pitteloud à entrer dans l’espace privé de familles en provenance d’origines et d’horizons socio-culturels très divers. Chacune de ses journées est ainsi faite de voyages dans la pluralité de ces familles, de leurs histoires de vie, de leurs univers. Toutes ont pourtant quelque chose en commun: vivre la souffrance et l’angoisse d’avoir un tout petit enfant présentant un handicap ou des difficultés de développement, et voir ainsi leur projet de vie terriblement malmené. Invitation à vivre une journée d’enseignante itinérante... Neuf heures. C’est une famille originaire du Kosovo qui m’ouvre la porte. Leur petite fille est polyhandicapée. Le père de famille a été emprisonné et maltraité avant son exil et ceci alors que sa femme attendait cet enfant. Pour eux, le handicap de leur enfant résulte clairement de ces maltraitances. Je leur donne en partie raison. Ce que je connais de la situation de leur pays sera la toile de fond de nos liens et de nos échanges autour de leur fillette et du projet de vie à reconstruire ici et avec elle. Onze heures. Je retrouve une famille africaine dont l’enfant présente un handicap important. Madame a de longs entretiens téléphoniques avec sa mère restée au pays, pour tenter de savoir si l’atteinte qui touche son fils résulte d’un mauvais sort jeté sur lui. Elle aimerait pouvoir l’emmener là-bas, le montrer à un guérisseur; mais l’argent manque pour un tel voyage. Que faire? Nous en parlons souvent tout en jouant et travaillant avec l’enfant. Madame choisit alors d’emmener son fils en pèlerinage à Lourdes et en revient apaisée. J’admire la façon dont cette maman a su trouver sa solution personnelle et l’intégrer dans les démarches médicales et pédagogiques qui lui sont proposées. 10

L’après-midi me conduit dans une jeune famille suisse dont la fillette est atteinte de trisomie 21. Les parents se questionnent et me questionnent sur «la culture» de ces enfants, sur leur «différence». Comment faut-il jouer, éduquer, parler à ce petit bout de femme venue un peu d’ailleurs? Vont-ils se comprendre, vont-ils pouvoir lui donner tout ce qu’ils souhaitent lui offrir? Et les autres, l’entourage, la garderie, la société, vont-ils accepter et surtout aimer cette enfant? Ou resteront-ils prisonniers de leurs représentations du handicap? Fin de journée en compagnie d’une famille originaire du Sri Lanka et d’un petit garçon présentant un retard de développement et de langage. Il y a tant d’hypothèses plausibles autour des troubles qu’il présente! Sur la famille pèse la mésalliance du père qui n’a pas épousé celle que sa famille lui destinait. Il y a aussi le chaos qui règne en permanence dans une famille qui peine à se recréer des repères, coupée de son environnement culturel et de sa famille élargie, la dépression larvée d’une maman trop isolée… Au pays, après une période d’espoir, la guerre a repris, plus sanglante que jamais…

Avant l’héritage culturel, le questionnement douloureux...

Les représentations que se font ces familles de ce qui arrive à leur enfant sont évidemment très diverses. Parfois un diagnostic médical leur a été communiqué, mais dans de nombreuses situations, l’étiologie du handicap va rester inconnue. Les parents demeurent alors dans un questionnement douloureux. Avec ou sans diagnostic, les parents vont tenter d’inscrire ce qu’ils vivent avec leur enfant dans leur construction du monde et dans leur histoire unique, individuelle et transgénérationnelle. Avec le temps, une lecture de ces représentations à l’aide uniquement de critères «culturels» me paraît réductrice. Lorsque

la médecine doit avouer son impuissance face au handicap, des familles bien de «chez nous» vont parfois se lancer dans la recherche de thérapies alternatives ou de promesses de guérison paraissant bien peu rationnelles. D’autres familles, issues au contraire de régions peu développées en structures médicales, se montreront plus confiantes envers les traitements médicaux proposés.

Créer un contexte d’intérêt et de confort

Comprendre ce que les parents se racontent à propos d’un enfant qui «va mal» n’est jamais simple. Pour y parvenir il me faudra découvrir, par petites touches, leur histoire unique, mais aussi l’environnement social, économique et historique dans lequel elle s’inscrit. Il s’agira de créer un contexte d’intérêt et de confort dans lequel la personne, les familles puissent à la fois montrer leurs compétences et avoir envie de s’investir. Cela dépend également de ma capacité à m’engager dans chacune de ces histoires sans me cacher derrière ma fonction, à être attentive aux résonances qu’elle éveille en moi, à me mettre sincèrement «en jeu». Alors peut-être allons-nous pouvoir nous rencontrer et donner du sens à ce que nous allons entreprendre ensemble, autour de l’enfant.

Mettre en jeu les différences des uns et des autres

Et puisque le jeu, au sens de Winnicott, est l’outil privilégié de la prise en charge précoce spécialisée, c’est en l’apportant dans mon sac que je vais entrouvrir la porte de toutes ces histoires. L’espace ludique ainsi créé va susciter le plaisir d’une rencontre créative avec l’autre, dans une mise en jeu spontanée de ses «dissemblances» et de mes «différences».


Accompagnement Mère-Enfant Un concept valaisan qui fait ses preuves

Stéphane Germanier et Olivier Delévaux, responsables du projet

Depuis environ quatre ans, le Valais propose aux familles migrantes avec enfants une nouvelle forme d’aide. L’accompagnement «Mère-Enfant» dont il est question dans cet article est pourtant bien autre chose qu’un simple soutien scolaire; il vise également à faciliter l’intégration de ces mères venues d’ailleurs... Alors que les pères ont une ouverture sur notre société grâce à un réseau professionnel et les enfants grâce à un réseau scolaire, les migrantes sont souvent isolées. Elles sont fréquemment confinées à la maison et leur principale activité se résume aux tâches ménagères. La non-maîtrise du français les prétérite de manière très importante dans leur socialisation. Or, les mères assument souvent l’essentiel des tâches éducatives. C’est pourquoi il est important qu’elles apprennent la langue du lieu, afin de pouvoir d’une part, aider les enfants dans leurs devoirs scolaires et d’autre part, parvenir à établir des contacts avec l’école, avec pour conséquence un développement des relations sociales.

Un concept visant l’intégration

«L’accompagnement Mère-Enfant», cidessous AME, a pour but de faciliter l’intégration des familles migrantes confrontées aux exigences du système scolaire valaisan. Ce projet est proposé aux élèves migrants de l’école primaire qui se trouvent en difficultés scolaires et/ou en difficultés d’intégration. Certains parents ne maîtrisent pas suffisamment le français pour accompagner leurs enfants dans leurs tâches à domicile. Dans ce contexte, ils perdent le contrôle de la situation et il y a transfert du pouvoir à l’enfant. Ce projet vise à redonner sa place au parent, en l’aidant à s’investir dans le cursus scolaire de ses enfants et par ce biais, à le responsabiliser dans cet accompagnement tout au long de leur scolarité. Le parent s’engage à participer régulièrement aux séances d’accompagnement pendant toute la durée du projet.

L’accompagnateur-trice ne doit pas se substituer aux parents. Son rôle est de fournir l’outil, «le coup de pouce». En insistant sur la définition précise d’un cadre de travail et du rôle que doit jouer la maman (ou le parent responsable: le papa, par exemple, dans la situation d’une famille monoparentale), il est possible de lui fournir les outils organisationnels suffisants pour lui permettre de s’imposer dans ses interventions sans forcément comprendre le contenu des tâches à réaliser.

AME sous la loupe

Les séances d’AME ont lieu en dehors du domicile de l’enfant. Elles se déroulent dans l’établissement où l’enfant est scolarisé ou dans d’autres lieux susceptibles de les recevoir (foyers, centre SuissesImmigrés…). Elles mettent en présence l’enfant et sa mère d’une part, et l’accompagnateur-trice d’autre part. Lors de ces rencontres, trois objectifs sont visés: • la réalisation des tâches à domicile; • l’implication de la maman dans la scolarité de son enfant et par là-même le fait de réintégrer une fonction parentale et éducative forte; • l’incitation pour la maman à prendre part à des activités ou des offres de formation favorisant son intégration sociale (cours de français, de théâtre...). En général, la première partie de la séance est consacrée aux tâches à domicile. L’accompagnateur-trice travaille avec l’enfant: renforcement de certaines notions, explicitation de stratégies d’apprentissage, aide à l’organisation… La maman observe et est invitée à prendre une part de plus en plus active durant ce temps de rencontre. La deuxième partie peut ne concerner que les adultes et vise à offrir un espace de dialogue et d’ouverture entre la maman et l’accompagnateur-trice dans le but d’offrir un conseil, de proposer une démarche, d’échanger sur des sujets de vie courante. L’AME se déroule au rythme d’une rencontre de 45 à 60 minutes par semaine

sur la durée d’une année scolaire. C’est l’accompagnateur-trice qui, selon les besoins des familles, gère la durée de l’accompagnement. Le but est bien d’accompagner et non d’assister les familles. Lorsque l’accompagnateur-trice voit que la mère et l’enfant sont autonomes, il/elle laisse sa place à la mère qui reprend le rôle d’accompagnatrice.

Une organisation qui ne laisse rien au hasard Le projet AME est chapeauté et coordonné par le Centre Suisses-Immigrés de Sion. Le niveau exécutif (responsables régionaux et accompagnateur-trice-s) est assuré par un nombre considérable de bénévoles. A ce jour, on dénombre 3 responsables régionaux (Sion, Conthey-Vétroz-Ardon et Fully) et une trentaine d’accompagnateurs-trices. L’accompagnateur-trice est une personne bénévole, soucieuse de l’intégration des familles migrantes. Les enseignants sont aussi des acteurs du projet tout au long de l’année scolaire. Durant le temps de la prise en charge, les deux partenaires, accompagnateur-trice et enseignant, s’informent mutuellement de l’évolution de la situation et réfléchissent aux remédiations nécessaires. De plus, lors des rencontres parents-enseignants, les titulaires ou les parents ont la possibilité de faire appel à l’accompagnateur-trice qui peut remplir le rôle de médiateur.

Une aide, deux bénéficiaires...

Le but de ce projet est donc bien de valoriser la maman, de l’aider à retrouver sa place et son autorité dans le cadre familial, de l’inciter à sortir de chez elle, de favoriser son apprentissage du français et, petit à petit, de lui fournir les moyens de s’ouvrir au monde extérieur et de s’y intégrer. La prise en charge de l’enfant est surtout un prétexte pour mener une action plus ambitieuse auprès de la maman, mais il est certain que celui-ci en tire un grand bénéfice aussi. 11


L’histoire d’Ali Témoignage

Propos recueillis par Isabelle Mathis, directrice du CPHV, Lausanne

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«J’ai cru que tous les requérants devaient d’abord faire un stage à la vigne... Quel travail, quelle fatigue, quel terrain accidenté...»

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Il était une fois… Ali, qui est né le 1er avril 2000. Ce n’est pas une farce, mais un grand bonheur d’avoir un fils. Nous avions déjà Hala, notre fille, qui avait 11 mois. Nous habitions à Asmara en Erythrée. Pour des raisons politiques, nous avons décidé de partir. Au mois de septembre 2000, nous sommes arrivés à l’aéroport de Genève et avons demandé l’asile. Après 20 jours d’attente, notre transfert s’est fait à Saint-Léonard en Valais. C’est là que notre petite famille s’est installée et que moi, comme chef, suis allé faire les vendanges. Quel travail, quelle fatigue, quel terrain accidenté!… J’ai cru que tous les requérants devaient d’abord faire un stage à la vigne. Et comme mécanicien, je n’avais pas d’expérience. Le verdict Puis, nous avons dû faire vacciner Ali. C’est là que le docteur l’a contrôlé et nous a envoyés chez un ophtalmologue. Nous étions en souci, et l’ophtalmologue a pris rendez-vous à l’hôpital ophtalmique à Lausanne, où le verdict tombe, implacable: «Amaurose de Leber» (dégénérescence congénitale, cécité totale irréversible). Cette annonce est une catastrophe. C’est très dur pour nous, surtout pour mon épouse. Nous ne pouvons pas y croire! Dans cet état, ce questionnement, nous recevons la semaine suivante la visite de Madame Mathis

Ali - Photo CPHV

«Pour arranger un palabre, on n’apporte pas un couteau qui tranche, mais une aiguille qui coud…» C’est avec ce proverbe africain qu’Isabelle Mathis introduit son article construit autour de propos recueillis auprès du père d’Ali.

du Service éducatif itinérant, et ceci pendant 4 ans. Nous croyons que l’enfant va guérir, qu’il doit exister ici, ailleurs, en Amérique, une solution pour qu’Ali voie. Outre les difficultés de langue, de culture, de compréhension, nous avons dû déménager successivement à Sion, Ardon, Sierre et Martigny. De «N» à «C», en passant par «F»... Nous entendons bien qu’Ali aurait besoin de stabilité, d’un cadre pour se développer au mieux, mais nous n’arrivons pas à lui mettre des limites, ni à exiger certaines choses de lui. Nous naviguons avec les papiers de toutes sortes, de toutes couleurs. Notre permis est «N». Pour compliquer encore, une cataracte se déclenche et Ali doit être opéré à Lausanne. Quand Ali a l’âge d’entrer à l’école enfantine, une demande de transfert est faite pour habiter le canton de Vaud, proche du Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV). Nous obtenons le permis «F». Mais avant cela, je travaille à Martigny, dans l’hôtellerie. Grâce à la compréhension de mon employeur et de mes collègues, je peux amener mon fils deux fois par semaine à Lausanne.


Je n’y serais jamais parvenu sans l’aide précieuse de Sœur Marie-Rose, de Françoise, de Louise-Anne, d’Ursula et de tant d’autres, qui nous ont encouragés, aidés, soutenus, offert des cours de français, gardé les enfants, invités, aimés. La chance aussi d’avoir une communauté érythréenne, de renouer avec notre culture, notre musique, de nous enrichir de nos différences. De manger nos plats traditionnels, d’aller ensemble à la mosquée. Après avoir déménagé à Lausanne, à proximité du CPHV, Ali peut être externe et rentrer à la maison à midi. Il a beaucoup plus de chance d’être scolarisé ici que dans notre pays... Nous avons maintenant un autre garçon, Besher, qui a 5 mois. Malgré toutes les complications de statut, de déménagements, de soucis, d’incompréhension, de doutes, d’ennui du pays, nous sommes heureux d’être ici et de continuer notre route. En janvier 2008, nous avons reçu l’autorisation d’établissement «C». Et puis la vie continue... Actuellement, je suis en formation d’aide-monteur en électricité. Je suis très fier de mes enfants et d’avoir donné sa chance à Ali, qui sait lire et écrire en braille. Lorsque l’on doit affronter simultanément le changement de culture, de langue, de pays et le handicap de son enfant, c’est vraiment difficile. Le courage parfois nous manque. Cependant, nous avons toujours trouvé une oreille attentive, nous avons appris à mélanger, métisser nos pensées. Vous auriez aussi des difficultés à vous adapter en Erythrée, même s’il n’y a pas de vendanges, et que Saint-Léonard n’est pas Asmara.

Les «petites laines» de l’espoir... Encore un épisode que nous avons vécu: comme l’ophtalmologue n’avait pas de solution pour qu’Ali retrouve la vue, nous avons suivi un traitement en France, qui impliquait un régime et l’absorption de gélules d’huile de poisson. Nous avons suivi ce traitement, sans résultat, pendant un an et mis deux ans à le rembourser… Nous gardons beaucoup d’espoir dans la recherche sur la maladie de Leber, un gène a été isolé, et il se peut qu’Ali soit concerné. La semaine dernière, Ali est allé pour la première fois en camp de ski, à Ovronnaz. Toute une semaine sans lui, c’est long. Mais il est revenu bronzé, même chez nous on le voit, et heureux de son expérience. Il a grandi. Ce chemin nous est propre, nous vous le partageons simplement. Ali nous a permis de tisser des liens, de tricoter en rouge et blanc, couleurs du pays. En un mois, 30 ou 31 mailles, en 8 ans: 2920 mailles. Certaines sont à l’envers, d’autres coulées, d’autres mitées, la laine que nous partageons avec toutes les personnes du CPHV et d’ailleurs est de toutes les grandeurs, de toutes les épaisseurs. Les couleurs, c’est selon: • rouge comme nos joies • blanc comme la neige et tout cela avec un petit parfum rouge, vert, bleu, couleurs d’Erythrée. Alors, ne soyons pas frileux, il y a toujours, quelque part, une «petite laine». Propos partagés et recueillis par Isabelle Mathis, qui a eu le privilège de connaître et d’accompagner cette famille.

Petite visite guidée du CPHV A vous tous, petites et grandes personnes, soucieuses de nos projets: Ouvrez la «boîte Surprises» du CPHV (Centre Pédagogique pour élèves en situation de Handicap Visuel), vous y trouverez: • 24 enfants suivis en Service Educatif Itinérant (SEI) de 0 à 6 ans • 31 élèves scolarisés dans les degrés enfantine, primaire et secondaire • 80 élèves intégrés et suivis en Service Pédagogique Itinérant (SPI) de 6 à 20 ans, dans les cantons de Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Valais. Une vraie école romande, ce qui n’est pas une sinécure, de plus avec internat et journée continue. Mais aussi des apprentissages spécifiques: locomotion, autonomie dans la vie journalière (AVJ), psychomotricité, ergothérapie, activités physiques adaptées, solfège et écriture abrégé braille, ainsi que des évaluations en basse vision, sans oublier la journée des frères et sœurs, l’après-midi «crêpes», le camp de ski, deux auditions musicales, un spectacle de Noël, une ludothèque. Visitez, il paraît que le CPHV est un Centre de ressources et de compétences reconnu. Tant mieux, c’est ce que nous apprécions… tisser des liens, informer. Nous les nouons et entremêlons au gré des priorités, en espérant être au service des enfants qui nous sont confiés. Nous essayons également d’être souples, de nous adapter à la vie complexe des familles, aux projet des jeunes, aux attentes et aux limites. Avec l’espoir secret mais tenace, que nos élèves armés de compétences vous toucheront au cœur, quelle que soit votre grandeur et que leur écho rebondira sur vous et se propagera au loin, fût-il dans les méandres de la finance. Avec le secret espoir, que vous viendrez chez nous, pour le plaisir de la découverte, du différent, de l’inconnu et que vous en sortirez émerveillés et heureux, parce que: Mission accomplie! Fondation Asile des Aveugles Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV) Av. de France 30 - CP 133, 1000 Lausanne 7 Tél. 021 626 87 50 - Fax 021 625 02 46 E-mail: cphv7@bluewin.ch 13


Cap «Costa Rica» ou le Rêve Eternel du Retour En quête de ses origines; réflexions autour de la démarche d’Aline Dominique Sauzet, éducateur, Fribourg

Qu’est-ce qui peut pousser une adolescente de 19 ans, née, abandonnée puis recueillie dans un orphelinat au CostaRica, finalement adoptée à l’âge de deux ans par une famille neuchâteloise, à désirer si fortement revoir son pays d’origine, et avec une conviction telle que ses éducateurs, non contents de soutenir son projet, finiront même par l’y accompagner? Que vient donc nous raconter cette étonnante histoire qui voit Aline et son frère Olivier retrouver presque par hasard les sages-femmes de la maternité de Nicoya où ils virent le jour quelque vingt ans plus tôt, et deviser avec elles en toute simplicité? Que dire de ces deux jeunes adultes, partis «suisses» de Suisse et revenus doubles nationaux de leur Costa-Rica natal, trois semaines plus tard? Comment un tel voyage a-t-il pu être préparé et réalisé dans le cadre d’un Centre de formation professionnelle et sociale que rien, a priori, ne destine à mener ce type de projet hors des frontières? Centre de Formation Professionnelle et Sociale du Château de Seedorf (CFPS) Situé à proximité de Fribourg, le CFPS du Château de Seedorf est une école professionnelle spécialisée destinée à quelque quatre-vingts apprenties généralement âgées de 16 à 22 ans, toutes domiciliées en Suisse romande. Empêchées par des difficultés d’apprentissage de suivre une formation professionnelle traditionnelle, elles sont au bénéfice de mesures de formation de l’Assurance-Invalidité. Animés par la pensée systémique, les professionnels du CFPS y construisent leur action quotidienne dans le cadre d’une vision globale et contextuelle de la personne.

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Et pourquoi, enfin, l’histoire de ce voyage effectué en 2000, continue-t-elle d’être sollicitée, citée et racontée dans différents contextes, la dernière demande en date étant celle de la rédaction de cet article? En posant ces quelques questions qui n’ont rien d’anodin, l’histoire du projet «Cap Costa-Rica» invite celles et ceux qui le veulent bien à un autre type de voyage. Intérieur celui-là. Il propose une exploration véritablement ontologique de notre condition humaine qui nous détermine comme des êtres limités bien que jamais finis (in-finis?...), à la fois uns mais aussi totalement composites. Dans cette exploration intime comme dans le voyage géographique, trois incontournables: la mise en mouvement, la traversée des frontières, le Rêve Eternel du Retour. D’abord, la mise en mouvement Aline et Olivier, parce que les circonstances de leur histoire avaient d’emblée semé quelques solides obstacles sur leur chemin, ont été amenés bien malgré eux à quitter leur situation première pour en trouver une autre, plus à même de leur permettre de vivre et de grandir. C’est ce que font ceux que l’on désigne sous le terme de «migrants», parce qu’à un moment de leur vie ils se mettent en mouvement, quittent une terre-patrie pour une terre-étrangère porteuse de plus de promesses ou de rêves, en tous cas de plus d’espoir. A cette aune-là, force nous est d’admettre que tous à notre tour nous le devenons, migrants, poussés par les nécessités puissantes de la vie. Quitter, partir, abandonner le connu rassurant pour un inconnu plein de dangers et de possibles est une exigence que nous rencontrons tôt ou tard, sous une forme ou une autre. Dès ce moment précis, bon gré mal gré, nous entrons de plain-pied dans la dimension complexe de notre identité d’humain, multicolore, composée, polyphonique. Devenus singuliers-pluriels, nous ne

sommes plus vraiment de là-bas, pas encore tout à fait d’ici, toujours un peu des deux à la fois. Mais nous devenons de fait, aussi et peut-être surtout, les familiers d’un troisième lieu: celui des frontières. La traversée des frontières, ou le lieu de l’entre-deux Dans les voyages de mon enfance, à l’époque où le mercantilisme galopant n’en avait pas encore fait des zones hors taxes, lorsque l’on passait d’un pays à l’autre, il y avait toujours entre les deux postes frontières, un «no man’s land». Le pays de personne. Un espace transitoire, sans identité et sans appartenance, inhabité et souvent désolé. Le migrant, pour l’avoir traversé, sait que ce lieu de solitude, situé entre ce qui n’est plus vraiment et ce qui n’est pas encore, est le reflet dans le monde d’un autre lieu qui, dans l’intime de son monde à lui, constituera le refuge secret pour quelques incertitudes tenaces, pour les questions sans réponses, et peut-être même pour les larmes de quelques regrets douloureux. Si tout se passe bien, cet espace étrange à l’intérieur de lui pourra devenir, avec le temps, le réceptacle d’un précieux terreau: celui dans lequel s’enracinera le courage d’aller de l’avant, de s’implanter à nouveau, de s’intégrer, de tisser un réseau, de se construire ainsi une nouvelle identité sociale. A cet effet, une condition lui sera pourtant nécessaire: que jamais il ne renonce totalement à son rêve de retour. Et voilà l’espoir qui prend ses quartiers dans ce lieu inattendu de l’entre-deux, celui de la transition, de la transformation. Au cœur de son expérience migratoire, le migrant comprend que le plus important ne réside pas seulement dans le départ ou dans la destination, mais également dans le franchissement de la frontière, lieu de tous les déséquilibres, de la traversée solitaire et parfois inquiétante de l’entre-deux.


protégeant de la perte, de l’écartèlement et de trop de tristesse, son rêve lui permet d’assembler à l’intérieur de lui le précieux patchwork de ses identités multiples, de ses appartenances passées et à venir, de ses folles aspirations. Parfois, il se peut même que le Rêve Eternel du Retour se réalise. Mais pas toujours. Parfois seulement.

Photo tirée du reportage «Cap Costa Rica»

Aline

Agée de deux ans lorsqu’elle traversait pour la première fois l’océan Atlantique, en route vers sa nouvelle vie, Aline ne le savait pas encore mais le passage de ce vaste no man’s land liquide s’inscrivait significativement et durablement au plus profond d’elle-même. Comment, sinon, expliquer la force de cet appel, la puissance de son rêve de retour, propre à soulever les montagnes de sa destinée? Le Rêve Eternel du Retour Revenir. La Terre promise est toujours ailleurs. Par définition. Sa promesse est un véritable moteur de vie. Pourvoyeuse d’espoir. Nourricière d’une infinie patience. Ainsi devient, pour celui qui l’a quittée, sa terre de naissance déjà lointaine: Nouvelle Terre Promise. Embrassant pleinement la complexité de son identité, sitôt parti, le migrant se met à rêver de son retour. Exactement comme il rêvait, avant, de son départ. Dans l’espace intime de son rêve, il peut aller et venir sur la Terre sans craindre que les choses ne se figent, que les portes ne se referment, que les promesses ne s’éteignent. En le

Tous les matins, à l’heure des tartines, son rêve arrivait en même temps qu’elle à la table et prenait toute la place. Comme un mantra récité des milliers de fois peut amener le méditant à l’expérience mystique, le rêve d’Aline, mille fois répété, a fini par prendre ses aises avec la réalité. Y croire avec elle fut le premier pas de ses éducateurs, qui ne savaient pas encore, à ce moment, la réelle puissance du Rêve Eternel du Retour. Construit avec sa famille, avec son réseau, avec l’institution dans laquelle Aline finissait sa formation, le projet de ce voyage ne fut jamais gagné d’avance, toujours empreint d’incertitudes, de questions et de remises en question. En particulier lorsque, pour les parents, il n’était plus possible d’accompagner leurs enfants au Costa-Rica et qu’ils souhaitèrent passer le relais aux éducateurs. En particulier aussi, lorsqu’aucun budget ne fut accordé pour cet accompagnement. En particulier enfin, lorsqu’il devint nécessaire de mettre la question du départ en perspective avec la santé du papa, subitement devenue précaire. De la vie vivante, rien que ça pour mettre à l’épreuve la force du rêve d’Aline! Pourtant, le voyage fut Traversé, l’Atlantique. Croisées, les traces de l’adoption. Officialisée, la double appartenance. Trouvés, la maternité de Nicoya, la forêt et les plages, les volcans et les tortues. Arpentée, la Terre de leur naissance. Mais aussi frôlée, la mort qui brutalement vint se rappeler aux mémoires, dans le crépuscule d’une longue journée de route. Histoire d’insister encore, avec force et une fois pour toutes: décidément notre identité est profondément celle de tous les migrants. Nous ne sommes et ne serons jamais que de passage. Sitôt revenue, embrassé ses parents et défait son sac, elle a dit qu’un jour elle

y retournerait. Forcément. Le rêve du retour est éternel, vous dis-je! Elle a disposé ses souvenirs dans son appartement, raconté une histoire, la sienne, installé son rêve précieux dans l’écrin vivant de son existence d’ici. Lorsqu’aujourd’hui on me pose la question de ce que ce voyage a changé pour Aline, et qu’elle n’est pas là pour le dire par elle-même, je n’ai pas tant de réponse autre à donner que: «Je crois que ça n’a rien changé. Cependant, tout est maintenant très différent pour elle». En effet, comme tout un chacun, Aline cherche toujours à joindre les deux bouts, espère garder son travail, se soucie de la santé de ses parents, s’illumine lorsqu’un amour pointe dans son horizon, se réjouit des petits riens de tous les jours, se coltine ses menus soucis et ses grands tracas. Cependant, je crois pouvoir dire qu’en réalisant une fois son Rêve Eternel du Retour, elle a réuni, en son for intérieur, deux parties d’elle-même qui ne cherchaient qu’à se rassurer: toutes les frontières peuvent être traversées, et retraversées encore. L’histoire d’Aline en est le témoignage vivant: nourrir imperturbablement son Rêve Eternel du Retour donne de la force assurément et finit bien, parfois, par ouvrir une brèche entre le monde intangible et fragile de l’espérance et la réalité partagée des humains.

Mémoire d’une expérience En plus d’avoir été un projet, puis une expérience vécue avec bonheur par les participant-e-s, «Cap Costa-Rica» est aussi un reportage audio-visuel déjà présenté à de nombreuses reprises dans le cadre de modules de formation pour travailleurs sociaux, d’associations de parents adoptifs et divers autres contextes associatifs ou institutionnels. Pour de plus amples renseignements sur ce document, vous pouvez contacter Dominique Sauzet: dsauzet@bluewin.ch 15


Impact de la migration

sur l’adaptation familiale au handicap de l’enfant

Geneviève Piérart, professeure, Haute Ecole Fribourgeoise de Travail social (HEF-TS), Fribourg

La recherche que vient de terminer Geneviève Piérart sur le thème «familles migrantes et handicap de l’enfant» vient à point nommé clore ce dossier. En arrivant à la conclusion que le parcours migratoire est plus intéressant à interroger que la seule origine des familles, la chercheuse de Fribourg paraphe scientifiquement une idée que l’on retrouve en clair ou en filigrane tout au long des articles de ce numéro, à travers les interventions de différents professionnels.

L’impact d’une incapacité chez un enfant de famille migrante soulève de nombreuses interrogations. La collaboration des professionnels du handicap avec ces familles implique de répondre à des besoins spécifiques et complexes tout en évitant de stigmatiser la «double différence». Afin d’apporter un éclairage à cette problématique, nous avons mené une recherche auprès de familles migrantes vivant en Suisse romande et ayant un enfant avec une incapacité avérée1. La recherche Deux tendances se dégagent des trop rares recherches portant sur cette thématique2: • la mise en évidence de facteurs d’exclusion socio-économique exerçant un impact négatif sur l’accès des familles aux ressources et aux services en lien avec le handicap; • l’existence de différences culturelles dans les représentations du handicap entraînant des difficultés de compréhension et, partant, de collaboration entre les familles et les professionnels. Notre recherche avait pour objectif d’observer dans quelle mesure ces résultats se vérifient dans le contexte suisse romand. Un groupe de cinquante familles y a participé, composé d’une moitié de familles suisses et d’une moitié de familles migrantes originaires d’Afrique, d’ex-Yougoslavie et du Portugal, dont au moins un enfant était en âge de scolarité obligatoire et fréquentait un établissement spécialisé (école, internat) au moment du recueil des données, en 2004. Nous avons centré notre approche sur le concept d’adaptation, qui offre un cadre théorique opérationnel tant dans le domaine du handicap (adaptation familiale à la survenue du handicap3) que dans celui des phénomènes migratoires (adaptation socio-culturelle4). Les indicateurs retenus portaient essentiellement sur les besoins et la satisfaction exprimés par les familles, les ressources qu’elles mobilisent (en particulier en termes de soutiens formels et informels), les difficultés qu’elles rencontrent et leurs représentations du handicap5. Ces indicateurs ont été observés dans le cadre des trajectoires familiales de migration tel-

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les qu’elles ont été restituées par les familles elles-mêmes6. Différences et points communs entre familles suisses et migrantes L’inclusion des familles suisses dans notre analyse a permis de démontrer qu’il n’y a pas de lien direct entre le niveau socio-économique de la famille et l’intensité des soutiens qu’elle reçoit. La manière dont la famille évalue les soutiens reçus exerce un impact plus important sur la mobilisation de nouveaux soutiens que l’équilibre entre les contraintes et les ressources (matérielles, humaines) du système familial. Cette perception des soutiens est surtout influencée par la possibilité, pour les parents, de comprendre le handicap de leur enfant et d’évaluer ses besoins. Cette possibilité dépend à la fois des caractéristiques de l’incapacité (clarté du diagnostic et du pronostic évolutif ), de l’âge de l’enfant et des ressources disponibles (accessibilité des services et des informations). L’équilibre entre contraintes et ressources et l’évaluation positive des soutiens reçus sont deux conditions qui favorisent l’adaptation familiale au handicap, que ce soit chez les familles suisses ou chez les familles migrantes. La situation des familles migrantes reste cependant spécifique en regard de celle des familles suisses. Les familles migrantes de notre échantillon vivent en moyenne dans des conditions socioéconomiques moins favorables que les familles suisses; elles expriment davantage de besoins et d’insatisfaction concernant l’accès à l’information, l’adaptation de l’habitat aux besoins de l’enfant, l’organisation de la vie quotidienne. Les problématiques de santé s’observent plus fréquemment chez elles que chez les familles suisses. Cependant, de grandes différences s’observent parmi les familles migrantes. Nous avons donc isolé la variable socio-économique afin de mettre en évidence les autres facteurs agissant sur l’adaptation familiale. Deux facteurs en lien avec la migration sont apparus comme exerçant un impact important sur le processus adaptatif: • l’articulation entre trajectoire de migration et survenue du handicap. Celle-ci correspond,


dans notre recherche, au moment où l’incapacité est décelée (pendant la grossesse, à la naissance, lors d’un diagnostic plus tardif ou suite à un accident); • le degré de réalisation du projet migratoire. Celui-ci est caractérisé par la continuité lorsque la famille réalise le projet qu’elle avait élaboré (qu’il s’agisse d’installation en Suisse ou de retour dans le pays d’origine) et par la rupture lorsque ce projet ne peut être mis en œuvre. Il est possible de distinguer trois moments-clés, que nous allons développer par la suite, de l’articulation entre trajectoire migratoire et survenue du handicap: • Le handicap survient après la migration (il s’agit de la situation la plus fréquente); • Le handicap survient avant la migration; • Le handicap survient en même temps que la migration. Articulation entre migration et survenue du handicap Dans le premier moment-clé, la survenue du handicap a lieu quand la famille est déjà installée en Suisse depuis un certain temps. Deux cas de figure se produisent: • La trajectoire migratoire est caractérisée par la rupture, la survenue du handicap modifiant le projet familial (renoncement au retour ou à un projet professionnel en Suisse). Les parents montrent une certaine ambivalence par rapport aux représentations du handicap: ils se distancient du discours des professionnels concernant l’annonce du handicap et l’avenir de l’enfant mais sont en accord avec eux sur son accompagnement actuel. La collaboration entre parents et intervenants est plutôt fonctionnelle, c’est-à-dire centrée sur les tâches quotidiennes d’accompagnement de l’enfant. Ces parents mobilisent de nombreux soutiens mais perçoivent ceuxci de manière ambivalente (l’aide est utile mais pas forcément appropriée ni suffisante). C’est la situation la plus fréquemment observée dans notre échantillon. • La trajectoire migratoire est caractérisée par la continuité, la survenue du handicap ne remettant pas en cause le projet migratoire. Les familles se caractérisent par un partage des représentations avec les professionnels et un niveau important de partenariat. La situation de ces familles est celle qui se rapproche le plus de celle des familles suisses.

Dans le second cas, l’incapacité de l’enfant est décelée avant le départ. On trouve également deux situations: • Les parents décident d’émigrer pour offrir de meilleures opportunités d’accompagnement à leur enfant. Une partie de ces familles peuvent accomplir leur projet et s’installer en Suisse (continuité). Les parents partagent les représentations des professionnels concernant l’incapacité (étiologie, diagnostic, projet) et sont donc caractérisés par un niveau élevé de partenariat que l’on observe dans leur mobilisation active des soutiens et dans l’appréciation positive des soutiens reçus. D’autres familles voient leur droit de séjourner en Suisse menacé: les parents partagent aussi les représentations des professionnels et mobilisent des soutiens, mais leur partenariat est limité par l’incertitude pesant sur le statut juridique de la famille. • Les parents décident d’émigrer pour des motifs indépendants du handicap. Ces familles présentent les mêmes caractéristiques que celles dont l’enfant est né après la migration: lorsque le projet migratoire est marqué par la continuité, on retrouve un partage des représentations avec les professionnels, un partenariat et une mobilisation des soutiens. Les parents dont le projet est marqué par la rupture montrent de l’ambivalence dans leurs représentations et leur appréciation des soutiens et collaborent avec les intervenants de façon plutôt fonctionnelle.

risées par la difficulté à donner un sens au handicap et à se projeter dans l’avenir au sujet de l’enfant. Ils présentent une faible mobilisation des soutiens formels mais ceux qu’ils reçoivent sont évalués positivement. Comme les autres parents caractérisés par l’ambivalence, ils perçoivent également leur réseau en termes de dépendance et de rejet mais cette perception les incite plutôt à réduire leur mobilisation des soutiens.

Enfin, quand l’annonce du handicap survient en même temps que la migration, elle coïncide avec la phase de stress acculturatif 7suivant l’arrivée des parents en Suisse, que l’enfant soit né avant la migration (avec une incapacité qui n’avait pas été détectée) ou juste après. Là aussi, les familles se différencient entre elles selon que leur trajectoire migratoire se caractérise par la rupture ou la continuité: • Dans les trajectoires marquées par la rupture, les parents refusent d’adhérer à des étiquettes diagnostiques telles que «handicap», «retard», «autisme». Ils montrent une faible mobilisation des soutiens formels, qui sont évalués négativement. Par contre, la mobilisation des soutiens informels est forte, en particulier au sein de la communauté d’origine, ce qui peut renforcer l’ancrage culturel des représentations du handicap. • Dans les trajectoires marquées par la continuité, les parents expriment des représentations ambivalentes, caracté-

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Interroger les parcours migratoires L’impact de la migration sur la situation familiale est donc essentiellement d’ordre structurel (conditions socio-économiques, statut juridique) plutôt que culturel (l’origine des familles n’étant pas déterminante dans les différences observées). Un groupe de familles apparaît comme fortement fragilisé dans ce processus adaptatif: celui dans lequel la survenue du handicap coïncide chronologiquement avec l’arrivée en Suisse. Les professionnels ont donc avantage à connaître les parcours migratoires plutôt que de se centrer sur l’origine des familles. Même s’il n’est pas toujours possible d’agir sur les difficultés d’ordre structurel que rencontrent ces familles, identifier ces difficultés peut aider à éviter la cristallisation sur les divergences de représentations.

Piérart, G. (2008), Familles migrantes et handicap de l’enfant, Thèse de doctorat présentée devant la Faculté des Lettres de l’Université de Fribourg, inédit. 2 Harry, B. (2002), Trends and Issues in Serving Culturally Diverse Families of Children with Disabilities, The Journal of Special Education, 36, 3, 131-138. 3 Lambert, J.-L. & Lambert-Boite, F. (1993), Éducation familiale et handicap mental, Fribourg, Éditions universitaires. 4 Berry, J.W. (2005), Acculturation: Living Successfully in Two Cultures, International Journal of Intercultural Relations, 29, 697-712. 5 Chamba, R., Ahmad, W., Hirst, M., Lawton, D. & Beresford, L. (2002), On the Edge. Minority Ethnic Families Caring for a Severely Disabled Child, London, The Policy Press; Dunst, C., Trivette, C. & Deal, A. (1995), Enabling and Empowering Families. Principles and Guidelines for Practice, Cambridge, Brooklin Books. 6 Vatz Laaroussi, M. (2001), Le familial au cœur de l’immigration: les stratégies de citoyenneté des familles immigrantes au Québec et en France, Paris, L’Harmattan. 7 Berry (ibid.) décrit le stress acculturatif comme la manifestation de problèmes de santé mentale (confusion, dépression, angoisse, etc.), de marginalité, d’aliénation et de difficultés identitaires, consécutifs à une migration.

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Un espace où se former sur les questions de migration Un secteur de formation, d’information et de recherche d’Appartenances, à Lausanne Marie-Paule Zufferey, rédactrice

C’est dans les locaux d’Appartenances, au numéro 10 de la rue des Terreaux, à Lausanne que prend fin notre voyage au cœur de l’interculturalité. Cette association vaudoise, créée en 1992 pour être un pont entre sociétés migrantes et société d’accueil, offre une variété d’espaces aménagés dans le but de favoriser les rencontres interculturelles. L’un des postulats d’Appartenances est que «la migration est presque toujours une crise et qu’elle est très souvent vécue comme une souffrance». Dans le but de répondre le plus pertinemment possible aux divers besoins des migrant-e-s, l’Association s’est organisée en secteurs: • Les espaces sociaux, avec un Centre Femmes et un Espace Hommes permettent aux migrant-e-s de nouer et/ou renouer des contacts, de suivre des formations ou de demander des conseils; • Le centre de consultations thérapeutiques apporte une aide psychologique à des enfants, des adolescents ou des adultes en difficulté, sous forme individuelle, en famille, en couple ou en groupe; • Un service d’interprétariat forme des interprètes professionnels et les met à disposition d’autres institutions; • Le secteur formation, information et recherche propose des formations sur les questions liées à la migration.

Les formations d’Appartenances En plus des formations figurant dans l’encadré ci-dessous (pour les mois à venir), Appartenances propose chaque année ses deux cours-phare: • Approche des migrant-e-s: concepts et méthodologies; • Autour des traumatismes. Le premier module, qui offre une formation de base sur une large palette de questions liées à la migration est réparti en 17 séances de 3 heures, tous les mercredis (17H15). Le prochain cycle démarre en automne 2008, à Lausanne. Une négociation est entamée pour proposer ce cours également à Genève. En marge de l’offre déjà riche et variée de son catalogue de formation, l’Association entre aussi en matière sur des demandes ponctuelles. Répondant à l’appel d’institutions et autres professionnels, elle organise des activités à la carte, généralement réparties sur trois soirées et dont les thèmes sont adaptés aux besoins des praticiens. Migration et handicap Parce que la demande se fait pressante sur ce sujet depuis quelque temps déjà, Appartenances a mis à l’étude la programmation d’un module spécifique «migration et handicap».

Nos pratiques à l’épreuve d’une théorie des deuils collectifs 21, 22, 23 avril 2008, 17H15-20H15 Intervenant: Jean Claude Métraux

Techniques participatives d’animation de groupes multiculturels 20, 21, 27, 28 mai 2008, 17H15-20H15 Intervenante: Isabel Eíriz

Identité, altérité, pluralité: anthropologie de la santé et de la migration 26 mai et 2 juin 2008, 18H-21H Intervenant: Ilario Rossi

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Pour Isabel Eiriz, responsable du secteur «formation», ces demandes sont réjouissantes en ce qu’elles montrent la volonté des professionnels de perfectionner leurs pratiques. «A nous de les mettre en garde contre les risques du culturalisme». car, ajoute-t-elle «si l’on ne peut ignorer l’impact de la migration sur l’approche du handicap - qui peut, par exemple, être perçu comme un obstacle au projet de vie - la blessure narcissique, elle, reste la même pour tous». C’est donc autour de situations concrètes, amenées par les praticiens eux-mêmes que les intervenants de l’association vont articuler leur cours, prenant en compte, notamment: histoires de familles projets de vie et croyances héritées par rapport au handicap. Appartenances est donc cet espace où l’on peut se former à l’interculture, mais c’est aussi un lieu où vivre sa différence, quelle qu’elle soit. Dans les espaces sociaux de l’association, les personnes handicapées sont les bienvenues, qu’il s’agisse d’adultes en recherche de lien social ou d’enfants. Un accueil «enfants» est en effet prévu en fonction de sa capacité, pour les enfants en âge préscolaire des mamans suivant des cours au Centre Femmes, qu’ils vivent ou non avec un handicap... Les formations délivrées par Appartenances sont toutes certifiées EDUQUA.

Génogrammes et enfants migrants

Dates: 3, 4 et 5 juin 2008, 17H15-20H15 Intervenante: Francine Rosenbaum

Comment travailler avec un-e interprète communautaire?

11 et 12 juin 2008, 17H15-20H15 Intervenant-e-s: Isabelle Fierro-Mühlemann, Mirella Batalli, Pascal Moret Les cours ont lieu à la rue desTerreaux 10, Lausanne (Appartenances) Informations complémentaires: tél. +41 21 341 12 50 e-mail: c.contino@appartenances.ch Site internet www.appartenances.ch


Les troubles psychiques chez les personnes polyhandicapées Sara Heer, licenciée en philosophie, pédagogue spécialisée, Association Cerebral Suisse

Les personnes polyhandicapées peuvent souffrir des mêmes troubles psychiques que chacun d’entre nous. Mais il est souvent difficile de poser un diagnostic clair, notamment en raison de l’absence ou de la limitation du langage. Pour établir un diagnostic complet, explique Sara Heer, il faut considérer, non seulement le comportement, mais aussi les ressources, l’entourage et la situation de vie de la personne. C’est l’approche qu’elle développe dans cet article.

La santé psychique réside en la faculté de l’être humain de gérer les tensions psychiques de manière sensée, autant pour la personne que pour son entourage. Cependant, lorsque ces tensions, touchant autant l’âme que la pensée, deviennent si intenses qu’elles portent atteinte au raisonnement, aux ressentis et aux actions, nous pouvons parler de troubles psychiques. Les personnes handicapées mentales et/ou polyhandicapées sont trois à quatre fois plus souvent atteintes de troubles psychiques que les personnes non handicapées. Si la personne présente un handicap mental grave, le taux des troubles psychiques est encore plus élevé. Ces personnes nécessitent des offres de soutien spécialement adaptées à leurs besoins. Un trouble psychique a des répercussions sur le développement de la personne et influence considérablement sa qualité de vie. Si une personne souffre de troubles psychiques durant une longue période, elle manque ou retarde des étapes importantes de son développement. Gérer des troubles du comportement et des troubles psychiques représente aussi une lourde charge pour les proches et les assistant-e-s professionnel-le-s. Comment gérer une situation dans laquelle une personne se frappe durant des heures? Comment entrer en contact avec une personne qui se terre dans une chambre sombre, se balance d’avant en arrière et semble perdue dans un autre monde? Diagnostic des troubles psychiques Les personnes polyhandicapées peuvent souffrir des mêmes troubles psychiques que chacun d’entre nous. Un trouble psychique est présent lorsque le comportement et/ou l’état de santé d’une personne sont modifiés. Les formes d’expression peuvent être très variées: tristesse, retrait social, refus d’entrer en contact avec autrui, automutilation ou agressivité vis-à-vis des autres, grande agitation ou manque de concentration. Cependant, le diagnostic se fonde toujours sur les valeurs et les expériences personnelles, mais dépend également de la situation concrète. La question se pose aussi de savoir si le com-

portement s’inscrit dans une phase précise de développement. Il est normal qu’un enfant de deux ans entre en crise d’opposition ou qu’un-e adolescent-e se démarque de ses parents. Les enfants présentant un trouble grave du développement cognitif vivent parfois ces phases plus tard, en raison d’un développement ralenti. Une modification du comportement de la personne peut aussi découler d’un changement dans les conditions de vie comme, par exemple, le placement dans une autre institution ou le décès d’un proche. Chez les personnes dont l’expression verbale est limitée, les troubles du comportement peuvent représenter une forme de communication. Ainsi, un comportement d’automutilation peut être l’expression de douleurs physiques ou d’une insatisfaction. Il faut aussi tenir compte du fait que les personnes avec infirmité motrice cérébrale de plus de trente ans souffrent bien souvent de limites physiques s’ajoutant aux troubles déjà présents: par exemple, un besoin accru de sommeil doit dans ce cas être distingué d’un état dépressif. Il n’est souvent pas possible de poser un diagnostic clair. Ceci est surtout le cas lorsque la personne ne dispose pas du langage ou qu’elle ne peut s’exprimer que de manière limitée. Nous sommes dépendants de nos observations et celles-ci ne permettent pas toujours un diagnostic précis. Un diagnostic complet doit donc considérer non seulement la description du comportement mais aussi les ressources, l’entourage et la situation de vie de la personne. L’origine du développement troubles psychiques

des

La connaissance des causes possibles du développement d’un trouble psychique peut aider à surmonter cette affection ou à prévenir une nouvelle maladie. Il existe de nombreuses thèses explicatives concernant l’origine de troubles psychiques chez les personnes polyhandicapées. On estimait autrefois que la lésion cérébrale était également responsable des troubles du comportement. Aujourd’hui, on reconnaît que d’autres facteurs, et souvent des facteurs encore inconnus, interviennent. 19


En règle générale, différents facteurs agissant sur une longue durée sont responsables du développement de troubles psychiques. Ces facteurs sont en corrélation et s’influencent réciproquement. Souvent, les causes des troubles psychiques chez une personne polyhandicapée ne peuvent être que supposées. En considérant les facteurs de risque, il est important de se rappeler que ceux-ci sont toujours vécus de manière individuelle. Alors qu’une personne va en développer des troubles psychiques, une autre peut les gérer sous une forme positive. La description suivante des facteurs de risque possibles met l’accent sur les facteurs aggravants auxquels les personnes polyhandicapées sont exposées, en comparaison avec les personnes non handicapées. L’énumération suivante ne se veut pas exhaustive.

Restrictions fonctionnelles • Les lésions cérébrales peuvent rendre plus vulnérable. Un enfant atteint d’une lésion cérébrale assimile différemment son environnement et possède souvent moins de possibilités pour gérer une situation difficile. • Le développement de la communication peut être entravé. La découverte de l’environnement est également influencée par le polyhandicap. • Les atteintes corporelles peuvent plus fréquemment engendrer un mal-être. • En cas de difficultés à percevoir et à traiter de manière adaptée les informations de l’environnement, le sentiment de se sentir dépassé peut vite s’installer. • De nombreuses personnes polyhandicapées souffrent d’épilepsie. On sait que les personnes souffrant d’épilepsie développent plus souvent des troubles psychiques que les personnes non-épileptiques.

Relation parents-enfants • La naissance d’un enfant handicapé plonge souvent les parents dans le chagrin et l’insécurité. Ceci peut influencer la construction d’une relation avec lui. De plus, l’enfant handicapé réagit très différemment de son frère ou de sa sœur non handicapé aux tentatives de contact des parents. • Le besoin d’aide de l’enfant fait que les interactions sont la plupart du temps dirigées par la personne référente. Un enfant ou un adulte polyhandicapé a moins 20

de possibilités que d’autres pour exercer une influence sur son entourage.

Expériences sociales et événements de la vie • La construction des relations avec des personnes du même âge ou d’une relation de couple est souvent plus compliquée. • Des événements comme la séparation d’avec une personne référente ou des périodes de transition faisant partie intégrante de la vie sont plus difficiles à comprendre et à gérer. • De plus, ces personnes sont confrontées à des événements propres à la situation de handicap tels que des hospitalisations fréquentes, l’entrée en institution et les séparations d’avec des personnes référentes au sein d’un foyer. • La prise en charge des adultes polyhandicapés doit s’adapter au stade de développement de ces derniers, tout en les prenant au sérieux en tant que personne adulte. Eviter la sous - ou la surestimation est une tâche exigeante pour l’entourage. • Le partenariat entre les parents et les professionnels ne fonctionne pas toujours de manière optimale. Si la collaboration ne fonctionne pas bien et si les parents visent d’autres objectifs pour leur enfant que ceux proposés par les professionnels, l’enfant ou l’adulte se retrouve pris entre les deux fronts. La personne handicapée ne souhaite décevoir personne ou se sent déstabilisée par les tensions entre les parents et les professionnels. • Pour les personnes en institution, l’autodétermination est souvent limitée. Ceci peut aussi provoquer des troubles du comportement. Les offres de mesures de soutien Quand les parents ou les spécialistes observent un changement de comportement de l’enfant, de l’adolescent-e ou de l’adulte polyhandicapé, il est judicieux de réagir au plus tôt afin de limiter les conséquences à long terme. Lors d’un entretien commun entre les parents, les personnes référentes, les enseignant-e-s, les thérapeutes et autres professionnels concernés, il y a échange d’observations, analyse des origines possibles et discussion sur la marche à suivre et les objectifs visés. La personne adulte concernée doit, si possible, être impliquée au maximum, sans toutefois lui en demander trop. Selon la situation, la participation d’une personne extérieure, telle qu’un conseiller ou une

conseillère, peut se révéler utile. A cette occasion, les différentes mesures d’aide destinées aussi bien à la personne concernée qu’à l’entourage seront abordées. Un examen médical est également conseillé afin d’exclure une maladie d’ordre physique. Il faut se rappeler que la guérison n’est pas planifiable. Le temps nécessaire à surmonter une crise est très individuel. Parfois, des événements imprévus déclenchent un changement. L’objectif est toujours l’évolution de la personne ainsi que l’amélioration de son état de santé psychique, et pas uniquement la réduction des troubles du comportement.

Les mesures de soutien pour les personnes polyhandicapées • informations relatives au handicap et aux troubles psychiques; • adaptation et aménagement de l’environnement; • accompagnement au quotidien (éducatif et pédagogique spécialisés); • mesures pédago-thérapeutiques comme par ex.: la balnéothérapie, l’approche Snoezelen, la stimulation basale; • psychothérapie lorsque l’état de santé ne s’améliore pas sur une longue période (il faut penser à s’informer avant pour savoir si les conditions nécessaires à une thérapie peuvent être remplies à long terme: financement, accompagnement, etc.); • accompagnement thérapeutique (accompagnement à long terme par un-e psychothérapeute); • examen psychiatrique et mise en place de la médication (le réexamen régulier du traitement médicamenteux est très important).

Les mesures l’entourage

de

soutien

pour

Les offres pour les personnes accompagnatrices/enseignantes • formation continue; • supervision et intervision; • conseils spécialisés et études de cas. Les mesures de soutien pour les familles • informations concernant la situation de handicap et les troubles psychiques; • services de dépannage; • groupes d’entraide; • groupes et séminaires pour les frères et sœurs; • conseils; • services pastoraux


Robert Hofer

Lorsque l’on vit avec une personne polyhandicapée, certaines situations demandent une réaction immédiate afin de protéger la personne concernée ou soimême. Ces mesures d’interventions de crise peuvent être des modifications de la structure journalière, un changement de milieu, du personnel en renfort, une médication d’urgence ou un time out. Lors d’un danger massif pouvant toucher les personnes impliquées, un transfert en milieu psychiatrique ou dans un groupe spécial d’interventions de crise peut se révéler nécessaire. La collaboration entre les différent-e-s professionnel-le-s est d’une importance décisive afin d’assurer une bonne prise en charge. Prévention Une importance toute particulière est accordée à la prévention des troubles psychiques. Il existe différentes possibilités de prévention, le renforcement de l’estime de soi et des compétences sociales étant au centre des préoccupations, mais aussi le soutien de la famille et de bonnes conditions de vie au sein des institutions contribuent à la prévention. Parfois, les troubles psychiques surviennent sans raison fondée et ne peuvent pas toujours être évités, quelle que soit la qualité de la prise en charge. A cela s’ajoutent les nombreux événements de la vie qui, malgré toute l’aide mise en

place, peuvent engendrer des blessures psychiques.

Les mesures de soutien pour renforcer l’estime de soi et les compétences sociales • mesures pédago-thérapeutiques, qui stimulent la personne concernée dans tous ses domaines de développement et qui prennent en compte l’importance de la relation entre les personnes; • mesures de soutien dans le domaine de la communication, consistant aussi à informer la personne handicapée en cas de modifications, etc. ou à la questionner sur ses perspectives d’avenir (planification de l’avenir); • favoriser les contacts sociaux avec les pairs; • renforcer l’estime de soi et le développement des compétences sociales dans le cadre scolaire et par la formation des adultes. Le soutien de la famille permet de décharger les parents, ce qui, indirectement, influence aussi le bien-être de l’enfant. Ces mesures de soutien peuvent être les services de dépannage, les informations relatives au handicap, les échanges dans les groupes d’entraide ainsi que les mesures de soutien pour les frères et sœurs. Un contact régulier des parents avec les différentes institutions permet de se concerter

sur les buts et les méthodes car les conflits au niveau de la collaboration peuvent avoir un impact négatif sur le bien-être de la personne concernée. Aujourd’hui, les institutions tentent de tenir compte de l’autodétermination et laissent place aux besoins individuels. La prise de décisions personnelles contribue pour beaucoup à une bonne qualité de vie. Une bonne formation continue, entre autres sur le thème de la santé psychique, et la supervision des personnes accompagnantes s’avèrent également décisives. Notices bibliographiques Heer, S. (2005): «Wie geht es dir?» – «Ich auch» Menschen mit schweren kognitiven Entwicklungsbeeinträchtigungen und psychischen Störungen. Luzern: SZH. Association Cerebral Suisse 2006: Les troubles psychiques chez les personnes polyhandicapées. Brochure n° 6. Soleure: Association Cerebral Suisse (à commander auprès de l’Association Cerebral Suisse, www.association-cerebral.ch, tél. +41 32 622 22 21). Sara Herr, lic. phil. pédagogue spécialisée Association Cerebral Suisse Zuchwilerstrasse 43 Case Postale 810 www.association-cerebral.ch sara.heer@association-cerebral.ch

Traduction: Rosmarie Koller, Arbon 21


«Différent et Compétent» en Bretagne Un dispositif présenté à la Journée d’étude de l’ARPIH1 Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Les maîtres socio-professionnels (MSP) et autres travailleurs sociaux romands avaient le choix entre le 4 et le 5 février 2007 pour assister à la présentation du dispositif «Différent et Compétent», par son coordonnateur Pierrot Amoureux. Organisé par l’ARPIH, ce séminaire dédoublé a eu son comptant de succès, puisqu’il a fait par deux fois le plein à l’Institut agricole de Grangeneuve, Fribourg. Survol d’une journée bien remplie. «Il ne s’agit pas d’un modèle, mais d’une expérience», déclare Pierrot Amoureux, en préambule à son exposé sur le dispositif «Différent et Compétent» (DC). Ambassadeur passionné et passionnant du projet qu’il pilote depuis 2003, ce menuisier-architecte-éducateur au parcours d’autodidacte entend bien nous faire partager son enthousiasme pour cette réalisation qu’il présente comme une formidable «aventure humaine et professionnelle».

Pour la petite histoire Cela se passe dans les années 2000, en Bretagne. Un groupe de directeurs d’Etablissements de Service et d’Aide par le Travail (ESAT) constate que «le développement d’activités à caractère économique en ESAT a atteint un niveau de compétitivité satisfaisant, sans que soit reconnue la qualification professionnelle ni les compétences des ouvriers et ouvrières handicapé-e-s qui y participent». S’ensuit un questionnement fourni sur le «comment reconnaître et valoriser ce savoir-faire né de l’expérience professionnelle». C’est à partir de cette réflexion que va s’élaborer le projet «Différent et Compétent». Au cœur du dispositif L’objectif du concept est donc de reconnaître les compétences et les acquis professionnels des travailleurs et travailleuses handicapé-e-s. A priori, rien de révolutionnaire, du moins dans la formulation. Pour comprendre l’ambition et l’originalité du projet, il faut interroger l’ampleur et le succès du mouvement (sur 47 ESAT, 800 22

personnes handicapées ont déjà obtenu des attestations), les répercussions sur la culture institutionnelle, ainsi que l’officialité qui entoure ces reconnaissances.

Importance de l’officialité L’attestation délivrée à la personne handicapée peut porter sur des gestes professionnels très simples. Descriptive, elle ne reprend que ce qui a été validé par un jury de professionnels et de partenaires sociaux. Un livret, signé par les formateurs, ainsi que par un inspecteur de l’Education nationale est remis au lauréat lors d’une cérémonie très officielle, dans un amphithéâtre, avec photos, discours et appel au micro... «Un effet transformant pour les personnes concernées», assure Pierrot Amoureux. Une culture institutionnelle bousculée La mise en place de ce dispositif nécessite un certain nombre de redéfinitions: adoption d’une éthique commune, ajustement des structures aux concepts d’organisation apprenante et d’éducabilité, ouverture des établissements vers l’extérieur... Passer de la posture de l’incapacité à celle du potentiel n’est pas sans conséquences sur la culture d’une institution: au moniteur de dynamiser son implication au-delà du clivage tout économique ou tout pédagogique; à la personne handicapée de s’approprier son projet individualisé; à l’institution de permettre les respirations nécessaires à l’évolution vers ces changements programmés. Parcours et mouvement sont deux mots qui pourraient illustrer le dispositif «Différent et Compétent». Le parcours est commun, mais l’avancement sur le chemin se fait selon une temporalité propre à chacun. Respecter le rythme individuel, cela signifie, pour un moniteur, être capable de séquencer le geste professionnel le plus élémentaire, de le décortiquer, de l’analyser avec la personne accompagnée, puis de le reconstruire jusqu’à la conceptualisation. «Partir du principe que toute personne est capable d’apprendre, mais aussi de construire des schémas qui vont lui permettre d’ap-

prendre; travailler constamment entre le comprendre et l’agir, c’est cela respecter le concept de l’éducabilité», explique Pierrot Amoureux. C’est ainsi qu’il sera possible d’accompagner l’apprenant vers son propre niveau de compétence. De cette compétence qui est faite non seulement de savoirs, de savoir-être, de savoir-faire, mais aussi de savoir-devenir...

Des appuis théoriques classiques Si les plus grands classiques sont convoqués dans le champ théorique du dispositif DC - tels Vygotski, Brunner, Doise et Mugnuy ou encore Bandura (pour ne citer qu’eux) - Piaget reste pour P. Amoureux, la référence incontournable. Il faudrait encore évoquer les méthodes et les outils, les types d’activités, les enjeux, les pratiques et les expérimentations, autant de volets commentés abondamment par P. Amoureux lors de son exposé et qui ne trouveraient pas place dans ce bref compte rendu2. Je me contenterai donc de relayer cette citation de Gœthe qui paraphe et résume à merveille l’idée fondatrice du dispositif «Différent et Compétent»: «Traitez les gens comme s’ils étaient ce qu’ils pourraient être, et vous les aiderez à devenir ce qu’ils sont capables d’être». «Différent et Compétent» en Suisse? A la question de savoir si un tel dispositif est applicable dans le contexte social suisse, les acteurs en présence étaient partagés, l’une des difficultés évoquées étant l’obtention de la reconnaissance de la part des patrons. Si le temps a manqué pour répondre avec pertinence à cette question de la faisabilité, un certain nombre de potentialités facilitatrices ont cependant pu être identifiées: un réseau institutionnel déjà existant (Insos), un relais via la formation des professionnels (ARPIH) et une pratique qui peut déjà commencer avec les acteurs sociaux présents à la journée d’étude... Car, conclut Pierrot Amoureux: «nul besoin d’être parfait pour débuter.. Il y a loin de la pollinisation à la germination...» Centre romand de formation sociale et de perfectionnement Pour plus d’informations: www.arpih-edu.ch

1 2


2008, l’année SGIPA

Le cinquantenaire d’une institution genevoise Marie-Paule Zufferey, rédactrice

C’est en 1958 que voit le jour la «Société genevoise pour l’intégration professionnelle d’adolescents et d’adultes», communément désignée par l’acronyme SGIPA1. Au commencement... A cette époque, l’AI n’existait pas encore et le paysage social n’était pas généreux en structures de prise en charge pour les personnes fragilisées. C’est dans ce contexte que des parents d’enfants handicapés, dont Raymond Uldry, décident de créer une structure pour les adolescents qu’un déficit scolaire massif empêche d’entreprendre un apprentissage2. Dans la foulée, le même groupe fonde l’association de parents de personnes mentalement handicapées (APMH) et le village d’Aigues-Vertes. La 1re structure de préapprentissage est ouverte à la rue de l’Aubépine; y viennent les élèves libérés de la scolarité obligatoire, pour parfaire leurs connaissances et s’orienter professionnellement2. Puis l’association crée un atelier protégé, destiné aux personnes handicapées mentales. La SGIPA est née, avec ce qui fait, aujourd’hui encore, sa spécificité: soutien scolaire et orientation d’une part et accompagnement dans un projet professionnel, d’autre part. La mission se poursuit... En 2006, le secteur «préapprentissage» est repris par le Département de l’instruction publique. Aujourd’hui, la SGIPA gère 3 secteurs d’activités: - Formation, avec 2 écoles: • Le Centre Educatif de Formation initiale (CEFI); • le Centre d’Intégration socio-professionnelle (CISP). - Travail, avec 15 ateliers: • 14 ateliers protégés de production; • 1 unité de production adaptée (UPA) pour personnes handicapées mentales en diminution de capacités. - Hébergement: • 8 foyers de vie communautaire, pour personnes handicapées mentales; • 1 service d’accompagnement à domicile (SdA).

A contre-courant... L’ensemble de ces activités est réparti dans 23 endroits différents du canton de Genève. Pour l’actuel directeur de la SGIPA, Angelo Pronini, cet éclatement géographique des lieux est un héritage qui a ses avantages et ses inconvénients. S’il favorise une meilleure intégration des personnes handicapées dans le tissu social, il rend plus difficile la culture d’un certain «esprit de maison». «Par ailleurs, ajoute-t-il, nous sommes à contre-courant de la tendance actuelle qui est aux regroupements... Cela dit, si l’organisation de nos structures est discutable sur le plan du tout-économique, elle n’est, pour l’heure, pas encore trop discutée...» Il faut dire que la SGIPA favorise l’intégration professionnelle et sociale de quelque 380 bénéficiaires... Le travail, facteur d’épanouissement Si le travail est réaffirmé comme un facteur important dans le processus d’intégration, il n’est pas la seule valeur qui fonde la SGIPA. Le souci du bien-être de chacun-e, le maintien de l’autonomie, le respect des différences et le droit à une vie privée sont autant de facteurs pris en compte dans le développement des

programmes. Ainsi, la Fondation étudie actuellement la possibilité de créer un deuxième foyer destiné à accueillir les personnes vieillissantes, le premier étant déjà complet et cette population étant en constante augmentation. En projet d’étude également l’élaboration de certificats de travail et autres portfolio, qui permettraient de reconnaître officiellement les savoir-faire acquis par les travailleurs et travailleuses à travers les formations de la SGIPA. Une longue année de fête Pendant son demi-siècle d’existence, la SGIPA a œuvré dans la discrétion. Aujourd’hui, elle veut se faire connaître. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de son 50e anniversaire, les dirigeants de la Fondation ont décidé de programmer dix rendez-vous répartis sur l’année 2008: les trois prochains sont annoncés dans l’encadré ci-dessous. La suite au prochain numéro: quand la SGIPA se met au sport... L’association, créée en 1958 est devenue une fondation en 1998 2 «Chronique du 50e», Fondation SGIPA, Genève 3 «Les ateliers protégés», Secteur Travail et Emploi, Fondation SGIPA, Genève 1

Les rendez-vous du 50e Samedi 24 mai 2008: un Atelier protégé aux SIG

Présentation et visite de l’Atelier protégé exploité par la SGIPA Lieu: Station d’Epuration des Eaux (STEP) d’Aïre

Jeudi 19 juin 2008: Fête du CEFI et du CISP

Remise officielle des attestations de fin d’école en présence des élèves, de leurs parents et des partenaires officiels CEFI: exposition de travaux, production musicale et démonstration de voltige réalisés par les élèves. CISP: exposition de photos sur les activités et moments forts de l’école. Lieu: Au CEFI, route de Veyrier, Carouge et au CISP, à Conches

Samedi 13 septembre 2008: Manifestation publique du 50e

Rencontre avec le public et présentation de la SGIPA, de ses activités et de son apport à la communauté. Apéritif officiel Animation et petite restauration durant la journée. Lieu: Parc des Bastions, Genève, dès 11 heures 23


Sélection Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de Travail Social (IES), Genève

Comprendre et pratiquer le toucher relationnel Evelyne Corjou Paris: Interéditions, 2007 -223 p. Collection Techniques de développement personnel

Toucher n’est pas un acte anodin. Il véhicule un langage infra-verbal qui nous permet de communiquer et de tisser des liens relationnels indispensables avec autrui. Toutefois, dans certaines circonstances, le toucher relationnel doit être normé. En effet, qu’il soit caresse, baiser, massage ou simple contact, le toucher possède une intimité qui parfois peut leurrer le patient. Ce livre nous fait découvrir comment le toucher relationnel assiste celui qui est dans la souffrance, tant physique que morale. Il nous explique comment agir avec tact, afin de mieux soutenir celui qui est dans le désarroi. Cet ouvrage, étoffé de nombreux cas concrets, permet d’aborder le toucher dans toutes ses dimensions : psychologiques, sociologiques, thérapeutiques, éthiques, philosophiques et religieuses. Handicap, un challenge au quotidien, suivi du Guide du mieux vivre ensemble Cesarina Moresi et Philippe Barraqué Bernex: Editions Jouvence, 2007 – 190 p.

Nous avons beaucoup à apprendre de la personne handicapée qui a su se forger une philosophie de vie et développer ce talent de vivre normalement «autrement». Même si nous sommes tous différents, certains êtres le sont plus que d’autres au regard de la norme établie par le plus grand nombre. Cesarina est handicapée physique, Philippe est valide: là commence la différence. Leurs chemins de vie se sont pourtant croisés et, des années de vie commune plus tard, ils témoignent de leur parcours, qui n’est pas émaillé d’exploits extraordinaires, mais de petites batailles gagnées sur le quotidien. Ce livre apporte le message d’un couple qui, à travers sa propre expérience, s’implique à faire évoluer les mentalités. Tous les thèmes de la vie y sont évoqués avec amour et compréhension, à la fois au niveau de la quête de sens et de la vie quotidienne, parfois la plus ordinaire. Avocate, Cesarina Moresi est diplômée en droit des affaires et travaille dans un cabinet américain à Paris. Son vécu du handicap, elle a souhaité le transmettre en menant des actions de sensibilisation au sein d’associations pour améliorer le quotidien de la personne handicapée. Chercheur, universitaire, Philippe Barraqué milite depuis de nombreuses années, notamment auprès des élus locaux et des médias, pour l’intégration des personnes handicapées dans notre société. 24

L’accompagnement psychologique et spirituel: guide de la relation d’aide Jacques Poujol Paris: Empreintes temps présent, 2007 – 436 p. Collection Relation d’aide

Aider les autres ne s’improvise pas! Pour cette mission complexe et délicate, la bonne volonté ne saurait remplacer de solides compétences. Dans cet ouvrage, l’auteur expose de manière approfondie les divers aspects théoriques et pratiques de la relation d’aide. L’analyse transactionnelle, la PNL, la thérapie cognitive et comportementale et d’autres outils thérapeutiques sont autant de repères conceptuels et pratiques utiles face aux situations de dépression, d’angoisse, de culpabilité, d’abus sexuels, d’addictions, de harcèlement moral, de violence conjugale, de troubles alimentaires, etc. Ce livre s’adresse à tous ceux qui, dans leur vie personnelle ou professionnelle, sont sollicités pour accompagner ces situations de détresse. L’auteur est pasteur, psychothérapeute, conseiller conjugal et familial. La malvoyance chez l’adulte: la comprendre, la vivre mieux Coordonné par Caroline Kovarski Paris:Vuibert, 2007 - 399 p.

Fatalité subie, la malvoyance est aujourd’hui une déficience à laquelle peuvent être apportées certaines aides. Si la survenue de la maladie ne peut être évitée, une rééducation spécifique, des aides techniques et humaines, des outils optiques adaptés, des prises en charge appropriées sont autant de propositions qui peuvent désormais aider la personne malvoyante à utiliser le meilleur de son potentiel visuel. Toutes ces informations sont ici regroupées, synthétisées, clarifiées pour répondre aux besoins et questions des personnes malvoyantes, de leur entourage et des professionnels de la santé. Motivée par l’ambition du projet, l’équipe de spécialistes internationaux qui a rédigé cet ouvrage a souhaité transmettre toutes ses connaissances et savoir-faire pour donner à la personne malvoyante la possibilité de vivre au mieux avec elle-même, et aux autres acteurs de saisir le handicap que la malvoyance représente. L’ouvrage est imprimé en gros caractères.


ASA-HANDICAP MENTAL PROPOSE DES RENCONTRES PERIODIQUES ENTRE PROFESSIONNELS, PARENTS ET PERSONNES HANDICAPEES dès mai 2008 dans les cantons de Genève, Vaud et Valais sur le thème:

«Le dialogue: Professionnels – Parents - Personnes en situation de handicap»

But des rencontres

- Réunir les professionnels, les parents et les personnes en situation de handicap autour d’une préoccupation partagée; - Favoriser les échanges par une confrontation des points de vue, le partage des difficultés rencontrées et des expériences vécues; - S’informer et se former mutuellement afin d’améliorer le partenariat et tendre vers une action commune et coordonnée.

Participation

gratuite!

Participez et faites participer! Renseignements et inscriptions: www.asa-handicap-mental.ch - asa-handicap-mental@bluewin.ch - Tél. +41 27 322 67 55

Art et Handicap mental

ARTHEMO

5e Festival Arthemo du 11 au 13 septembre 2009 Morges/VD Avis aux artistes!

Proposez dès à présent vos spectacles, vos concerts, vos œuvres artistiques ou participez au concours de dessins pour l’affiche du Festival Arthemo 2009

www.arthemo.ch

Délai d’inscription: 30 juin 2008 Renseignements et bulletins de participation: ASA-Handicap Mental Rue des Casernes 36 - CP 4016 - CH 1950 Sion 4 Tél. +41 27 322 67 55 – Fax +41 27 322 67 65 asa-handicap-mental@bluewin.ch www.asa-handicap-mental.ch


Le rêve des petites valises Théâtre de l’Esquisse

Théâtre de l’Esquisse Une création en reprise

Le rêve des petites valises

Dans une zone frontière incertaine, un homme cherche à (s’)expliquer sa situation face à un douanier incrédule. Mais comment expliquer « ce qu’on fait là », pourquoi et comment « on en est arrivé là » ? Avec leurs petites valises énigmatiques, des passeurs fugaces ou ludiques déploient l’écho de ces interrogations dans une chorégraphie multiple où se conjuguent légendes, souvenirs et rencontres : l’espace d’une vie (…) « … Avec quantités de petits riens, la lenteur des mots rares et des rituels qui prennent le temps de s’installer sans jamais fixer le sens, le Théâtre de l’Esquisse produit un extraordinaire espacetemps sans hiérarchie. Intensité de l’instant, échos poétiques, chorégraphies de l’invisible, présences graves ou légères, farce et drame, tout cela laisse le spectateur rassasié de troubles, ému comme rarement. (…) » Michèle Pralong

Le Théâtre de l'Esquisse

« (…) Ce Rêve des petites valises est le miroir lumineux de ses interprètes. Et le nôtre, tant les comédiens ont l’art de rendre désirable leur terra incognita. (…) »

Le projet du Théâtre de l'Esquisse se développe depuis 1984 (année de son premier spectacle public, Mirages) à partir d'ateliers de théâtre et de danse proposés régulièrement à des personnes handicapées mentales par l'association Autrement-Aujourd'hui. Dès ses premières productions, il a pu inscrire sa démarche singulière dans les réseaux professionnels du théâtre indépendant : coproductions avec le Festival de la Bâtie, avec le Théâtre Saint-Gervais, puis avec ForuMeyrin où a été créé « Le rêve des petites valises » en 2005. Plusieurs de ses spectacles ont été régulièrement tournés en Suisse et en France.

A. Demidoff, Le Temps

Am Stram Gram Le Théâtre Mercredi 28 à 20h30, jeudi 29 à 19h00 et vendredi 30 à 20h30 // mai 2008 Location : Am Stram Gram Le Théâtre Tél 022 735 79 24 - www.amstramgram.ch

Coproduction : Théâtre ForuMeyrin / Théâtre de l’Esquisse - Autrement-Aujourd’hui, association. Soutiens : Ville de Genève - Département des affaires culturelles ; Département de l’instruction publique de l’Etat de Genève (Service des Affaires Culturelles) ; Sociétés de la Loterie Romande du Canton de Genève et du Canton de Vaud ; CORODIS ; Fondation Hans Wilsdorf ; Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture.

Le credas a le plaisir de vous annoncer ses prochaines Rencontres qui auront lieu le 6 juin 2008 Animée par Madame Christiane Robert-Tissot, cette journée d’étude intitulée

Pas toujours un simple jeu d’enfants L’enfant en situation de handicap à la rencontre de ses pairs aura lieu à la HEP-VD, à Lausanne Renseignements et inscriptions sur le site www.credas.ch ou au +41 79 258 03 84


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