Numero 10 Automne 2009

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Numéro 10 Automne 2009

ISSN 1958-7813


Tradicioun Association loi 1901 http://www.tradicioun.org/ Maison des associations 13430 Eyguières Directeur de la Publication Magali Blanc Rédacteur en Chef Eric Blanc

Sommaire Mollégès La Carreto Ramado 2009 à Mollégès Au coeur de la Charrette Maillanaise Tartarin et la Tarasque

Coordinatrice Patricia Escallier Rédacteurs Eric Blanc Caroline Serre Crédits photos Eric Blanc Pierre Madec Conception graphique Eric Blanc

21-06-2008

Arles La Pegoulado La Fête du Costume Le Discours de la Reine 05-07-2009

Salernes La Maison de la Céramique Architecturale à Salernes Mirèio Des Saintes à Maillane Li Festo Vierginenco 2009 12-07-2009

Tradicioun

Revue Trimestrielle Numéro 5 Eté 2008 ISSN 1958-7813 Prix de Vente 5€ Dépôt légal: A parution

Eyguières

Les journées à l’ancienne La Journée à l’ancienne d’Eyguières La journée hommage à Emile Bilhau

15-08-2009

Fourques Ouverture des Fêtes de la Madeleine La 36ème foire aux chevaux de Fourques Notre Dame de Grâce 06-09-2009

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Mirèio

Editorial

Canto une chato de Prouvènço... Extraordinaire héroïne dont l’histoire fête cette année son cent-cinquantenaire. Cent cinquante ans et pas une ride. Cette année, toutes les manifestations entre les Alpilles et la mer prennent pour thème la jeune infortunée. Elle est classique, moderne, jeune, réservée, enflammée, cantatrice à ses heures, blonde au teint pâle et mate aux cheveux de Jais, mais toujours belle, toujours extraordinaire, jamais insignifiante. Ce n’est pas vraiment cette épopée grecque parce qu’il manque un héros disent les spécialistes. Qu’importe ce héros, laissez nous donc cette chatouno dont j’ai redécouvert la vie et la mort cette année. Cette oeuvre est un diamant étincelant de milliers de facettes. Chaque interprétation donne une dimension différente au poème. J’ai relu Mirèio, l’ai vu interprétée aux Saintes, en Arles ou à Maillane, pour autant de découvertes... Quelle complexité dans ces personnages pourtant si simples. Mistral nous a fait là un bien beau cadeau, dans une bien belle langue.

Puissions nous en être dignes.

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Mollégès

La Carreto Ramado 2009

A chaque village sa fête... Chacune des charrettes de la fédération est unique, décorée par les membres de la confrérie locale. Des différences qui vont jusqu’au nombre de chevaux harnachés, le nombre de colliers sarrazins qui mèneront l’ensemble, ou le fait que la carreto courre ou non... Ainsi, à Mollégès la charrette court le samedi après midi, et défile le dimanche.

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Les premières heures du dimanche sont ainsi consacrées à la même chose que les dernières du samedi, la critique éclairée des courses de l’après midi. Le public est d’autant plus exigeant que connaisseur et analyse sans complaisance la vitesse et l’harmonie de la course des charretiers, la tension de la corde et l’entrée dans le virage, et sa sortie... Tout doit être parfait. Si la tension nerveuse n’est pas liée à la satisfaction du parterre, les charretiers sont concentrés : une vingtaine de chevaux lourds au galop doivent être tenus... Cela n’a rien d’une promenade bucolique. Mais les "jeunes" s’en sont bien sortis. Les spectateurs, plus nombreux chaque année, sont contents, et eux sont fiers. Le dimanche est plus calme, heureusement pour ceux qui se sont couchés "tard" ce matin. La procession qui amène la longue flèche jusque devant l’église pour une bénédiction se fait sereinement. Les charretiers sont ainsi partis de bonne heure le matin pour un petit déjeuner copieux au Mas des Prieurs de l’année, Mrs Vincent et Rhame. A part, les rognonais préparent les colliers, brides, martingales, caparaçons pour habiller les dix sarrazins que les Mollégeois ont demandé. Une préparation qui commence par une réparation improvisée, une des bride s’est cassée la veille... Celle de Mollégès...

Voila qui mérite qu’on fasse un effort dans l’urgence. Les chevaux viennent l’un après l’autre recevoir leur harnachement si bien décrit par Mistral dans ses Mémoires et récits. Les 50 autres sont habillés par leur charretier, chacun enfilant un collier provençal à son animal. La flèche à Mollégès est longue de 62 Chevaux du Davans au Limonié. Les prieurs mènent les premiers, alors que le Cavihié et le Limonié sont menés par les Fabre. Michel Fabre est un habitué de l’exercice. Il a toujours baigné dans cette fête. Une photo trône même dans son salon, le montrant menant un cordié, son frère debout sur le cheval. La photo aura 50 ans l’an prochain. Un demi siècle à cette tradition ? Et plus encore. Avant lui, son père, son grand père et jusqu’à son arrière grand-père Urbain German ont été prieurs de Saint Eloy. Urbain en 1860, lui en 1985 puis en 2006 plus d’un siècle d’histoires, un siècle et demi d’Histoire avec ses épisodes dramatiques parfois. La fête a toujours été respectée à Mollégès à l’exception des années de guerre, et de quelques années à l’approche de la seconde guerre mondiale. A l’approche des années 30, l’action française trouve une caisse de résonance dans le village de Mollégès qui comptera en conséquence de nombreux excommuniés. Loin d’arrêter les charretiers partis faire courir leur bête dans les villages alentours elle a toutefois empêché la Saint Eloy dans le village quelque temps... Le registre paroissial semble être repris en 1939 par les prieurs pour s’arrêter à cette année, vaincu par une guerre. Partie remise, il était dit que cette fête vivrait. Elle renaît de ses cendres en 1947 grâce a quelques passionnés dont le grand père de Michel, Léon Fabre qui en devient alors le président. La fête ne s’interrompra plus qu’une seule fois en 1967 lorsque le président de l’époque l’oncle Pierre Fabre décide de ne pas faire la fête en raison du décès d’Augustin German le grand père mater-

nel de michel. L’héritage pour cette famille de Mollégeois n’en est que plus fort. Une vraie tradition de famille, celle d’une confrérie forte de 80 membres aujourd’hui. Alors le charretier sourit. La fête a du succès. Toute la semaine, les aubades ou sérénades se sont bien passées, tous les membres du village sont contents. Ou presque... Cette année, les enfants ont vu la Charrette entrer dans l’école pour la dernière fois, au nom de la laïcité. Sans commenter une décision républicaine, il faudra prendre une position quant aux fêtes traditionnelles. Au siècle dernier, la Provence était catholique, et les fêtes étaient votives. A vouloir nier les saints, on niera tout l’héritage culturel lié. Mais il s’agit d’un autre débat... Pour l’heure, la charrette suit les arlésiennes, et le charretier est très loin derrière Magali Nouveau et Marion Pitras, demoiselles d’honneur de Caroline Serre la XXe Reine du Pays d’Arles. Magali et Marion accompagnent les dames des deux prieurs et ouvrent le cortège d’arlésiennes au son des galoubets. Mr le curé bénit l’attelage, les chevaux et charretiers, et regarde tout ce bon village profiter de cette journée de voto. Loin d’ici, à Marseille, une autre Saint Eloi a lieu. La cavalcade à Chateaugombert met en scène des chars décorés attelés à des flèches de 4 ânes, chevaux ou mulets. Signe du point commun de ces deux fêtes, les documents du XIXe Siècle de la Saint Eloy dans les Alpilles parlent d’un Capitaine et d’un lieutenant qu’on gardé les Saint Eloi en pays de Marseille, et ces derniers ont conservé également une Carreto Ramado qui fait partie des attelages présentés. Les Métiers liés au cheval étaient différents, la foi identique, la fête aussi réussie. Osco Sant Aloy...

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Maillane

Au coeur de la Charrette Maillanaise

Maiano... La charrette maillanaise courait déjà il y a un siècle et demi. Mistral en parle dans son ouvrage "Mémoires et récits".

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La Carreto Maianenco est constituée de branches d’ormeaux. La raison en est simple, cette essence ne produit rien et peut donc être coupée, et le terroir en était plein il y a de celà un siècle. Aujourd’hui les choses ont bien changé et il devient difficile de trouver de belles branches d’ormeau sur le territoire du village. Une maladie et des parasites ont lentement raison de ces arbres. Heureusement, il en reste un peu... Et heureusement, les novains n’ont pas ce problème de maladie. Ce sont donc deux équipes qui sont parties ici et sur Noves ce samedi matin pour couper les branchages nécessaires à la garniture de la charrette. Tronçonneuse à la main, Jo ébranche une paire d’arbres, que le reste de l’équipe attache sur le plateau du camion. Deux voyages plus tard le tas de branchages parait satisfaisant, il ne reste plus qu’à garnir le brancan après l’avoir soulevé histoire de pouvoir garnir aussi les roues. Les plus belles branches serviront de base à la garniture du plateau de la charrette, tandis que des branches plus fines seront utilisées pour garnir complètement les roues. De son coté, Charles compose ses bouquets. Des eventails construits patiemment pour achever de recouvrir la charrette. Il

première course à proprement parler. Les 18 chevaux sont harnachés et carapaçonnés au pied de l’oratoire et attelés au mas de Saint Eloi. Ils arrivent en ville au petit trot et au son des sabots sur le bitume et des grelots tintinnabulant. Le premier passage est fort, et rapide. Splendide dans la lumière du soir. Mais il est aussi un peu limite. La jument en cavihe a un coup de pompe, elle a du mal à tenir son rôle, ce qui rend le passage des virages hasardeux. Après son remplacement, le second passage sera plus fluide, plus rapide. Le soir, la daube traditionnelle réunit plus de 200 personnes. Deux cents personnes qui vont traverser le village pour une aubade au Saint à minuit et quelques minutes. La troupe s’en va ensuite vers le balèti pour entonner la farandole.

lui en faudra une vingtaine, même si quinze suffiront cette année. Les novais arrivent enfin avec des brassées d’ormeaux splendides. Mine de rien, ils sauvent la fête avec ces branches. Et le travail, mis en pause par l’espoir de voir arriver ces branchages, recommence. Chacun trouve sa place, trie, passe, pose ou attache. La bonne humeur est au rendez vous et tous oeuvrent vers un même but, la plus belle charrette possible. Il n’est pas 11h00 qu’elle est enfin terminée. Naguère, elle était garnie l’après midi, mais les maianen ont réalisé que le travail serait plus facile avant les gras doubles, la spécialité de Maillane. Les hommes se retrouvent plus de 80 à midi, après l’apéro pour un repas autour de ce mets. Pour l’heure, après le petit déjeuner, il est temps d’une petite course en ville avec une autre charrette et une dizaine de chevaux. Les charretiers vont faire le parcours en ville : La montée, les virages... Le saint sorti pour l’occasion les regarde passer pour la première fois de l’année. Tous attendent ensuite le soir, et la

Dimanche matin, le village s’éveille au son des cloches de l’église. Le président de la Confrérie de Saint Eloi rappelle que cette fête est avant tout celle de Saint Eloi. Son homélie pour rappeler la signification de ce jour particulier est saluée par le prêtre. La messe se termine par une autre spécificité de Maillane, la procession des bougies devant l’autel de Saint Eloi. La procession se met ensuite en place. La charrette, les officiels, les groupes et les fouetteurs font le tour de la ville en musique. Et vient alors le temps de la course. Un, puis deux passages à fond, avant les montées au milieu d’une foule compacte. Maiano a fait courir la Charrette. Maiano a rendu hommage a son saint Vive Sant Aloì.

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Tarascon

Tartarin et la Tarasque Tarascon fêtait ses héros ce dimanche 28 Juin: Ses vrais héros qui ont libéré la ville en 1945, mais aussi ses héros de légende. Qui en Provence ne connaît l’histoire de la Tarasque... La Tarasque ce monstre d’une laideur désolante, plus gros qu’un boeuf, plus lourd qu’un cheval, plus long qu’un âne et à l’haleine fétide vivait dans un trou dans les marais le long du Rhône. La bête a terrorisé toute la population tuant et mangeant les passants animaux, hommes, femmes et même enfants durant des années. Même les chasseurs qui sont partis à sa recherche sont passés de vie à trépas. Lors arrive Marthe. Débarquée aux Saintes Maries de la Mer, Marthe passe et s’arrête à Tarascon. Recevant l’asile d’une famille dont le fils a été tué par le monstre, elle décide de s’en charger. Elle apprivoise la Tarasque et lui ceint le cou de sa ceinture. Elle la ramène ainsi au village où les habitants la tuent, vengeant tous ceux qui ont été mangés. La ville commémore depuis longtemps cette victoire sur la bête (lire encadré). La fête a bien changée, mais en a gardé l’esprit. Les chevaliers de la Tarasque sont toujours là, la bête montée sur des roues traverse la ville en courant, mais sa queue n’est plus l’arme qui cassait les jambes des spectateurs dans la course folle à travers la ville. La course suffit. La course et les sauts. Mr le Maire juché sur la bête saute avec elle trois fois, en l’honneur de Sainte Marthe. Le matin la Tarasque a donc débarqué, flanquée d’une autre légende locale. Le grand chasseur imaginé par Daudet a rejoint les fêtes tarasconnaises à la libération. Dans le roman, Tartarin 8 Tradicioun la Revue


et ses amis les chasseurs ont liquidé tout le gibier environnant. Pour ne pas perdre la main, il tirent aux casquettes après de pantagruéliques déjeuners dans la campagne. Ainsi Tartarin défile à la tête de son escouade de chasseurs tirant sur tout ce qui bouge et sur tous les chapeaux lancés à son intention, jusqu’à la Mairie où Mr le Maire lui dit tout son bonheur de le voir revenir vivant de ce voyage en Afrique. Le Corso 2009 se déroule en trois tableaux depuis la Tarasque des premières heures de la Chrétienté jusqu’aux fêtes de la libération en passant par la Tarasque de la Tradition Provençale. Les tarasconnais viennent en nombre regarder ce long ruban qui enserre la ville dans ses costumes et musiques. Ils viennent en famille, tôt et s’installent confortablement à l’ombre sur des chaises pliantes... Toute une organisation. Devant leurs yeux, la IVe légion et la Xe légion de César encadrent symboliquement Sainte Marthe ramenant la Tarasque. Suivent les Biges des attelages en Pays d’Arles. Fin du tableau sur la Tarasque à l’époque Paléochrétienne. La transition s’opère avec la Tarasque au temps de Mistral et Daudet. Difficile de citer tous les groupes invités par la ville dans ce grand défilé... Les gardians et amazones de la Confrérie et de la Nacioun, les frisons des attelages en pays d’Arles et ceux de Dubois, Mlle Caroline Serre XXe Reine d’Arles et ses demoiselles d’Honneur Laure, Elodie, Marion et Anais, Reneissenço... Difficile de n’oublier personne. Une page se tourne vers le dernier chapitre et les fêtes de la Tarasque à la Libération qui voient arriver un «Teur», Tartarin. Et encore un flot de participants... Un grand défilé rythmé par Le Condor, les tambours d’Orange, la Musique de la Légion Étrangère, La peña de Saint Etienne du Grès, La souco Tarascounenco, ou le réveil tarasconnais clôturant le cortège.

Selon Adolphe de Chesnel, la fête de la Tarasque date de 1474 Cette fête, qui prenait son nom de Tarascon, ville où on la célébrait, avait encore été fondée, dit-on, par le roi René. Elle fut, d’après ce que l’on ajoute, célébrée pour la première fois, le 14 août 1474, en présence de ce prince et de sa deuxième femme, Jeanne de Laval. Cette fête avait une grande célébrité et attirait beaucoup d’étrangers. Elle se reproduit fort rarement aujourd’hui. Elle avait lieu aux solennités de la Pentecôte, et les honneurs en étaient faits par des chevaliers pris dans les premières familles du pays, et qui tenaient table ouverte pour recevoir les visiteurs. Leur costume consistait en une culotte de serge rouge, un justaucorps de batiste avec manches plissées et ornées de dentelles, des bas de soie et des souliers blancs avec talons et houppes rouges,chapeau monté avec cocarde rouge, ruban de même couleur en guise de collier et un autre ruban en sautoir au bas duquel pendait une petite tarasque en argent. Le jour de la Pentecôte, ces chevaliers assistaient aux vêpres, mais en bourgeois, puis ils parcouraient la ville avec des tambours et des trompettes et distribuaient des cocardes rouges que les hommes portaient à la boutonnière et les femmes sur le sein. Le corps des mariniers du Rhône suivait les chevaliers et distribuait des cocardes bleues, attachées avec du chanvre, et venaient ensuite tous les corps de métiers, chacun au rang qui lui était assigné par le cérémonial. La même procession était répétée le lendemain à l’issue de la messe mais alors les chevaliers étaient en costume, et des hommes désignés à cet effet et habillés uniformément allaient, vers midi, chercher la tarasque pour la conduire hors de la porte Jarnègues La tarasque est la représentation d’un dragon monstrueux, dont le corps est un assemblage de cerceaux recouverts d’une toile peinte. Le dos est formé d’un énorme bouclier qui imite la carapace d’une tortue les pattes sont armées de griffes ; la queue est écailleuse et plusieurs fois recourbée ; la tête tient du taureau et du lion et une gueule béante laisse apercevoir plusieurs rangs de dents menaçantes. Cette monstrueuse figure était portée par une douzaine d’hommes au moyen de poignées qui saillent des deux côtés du corps, et un homme s’introduisait dans la cavité pour en faciliter les mouvements. Au moment ou la course allait commencer, l’un des chevaliers mettait le feu à des fusées qu’on avait introduites dans les narines de la tarasque. Cette machine était agitée en tous sens, comme si elle avait été animée par la fureur, et souvent des spectateurs, heurtés par elle, étaient renversés et meurtris, ce qui, du reste causait la risée et les huées publiques. Le nombre des courses était réglé, et lorsqu’elles étaient achevées, on portait la tarasque à l’église de Sainte-Marthe, où on lui faisait faire trois sauts en l’honneur de la sainte. Dans l’intervalle d’une course à l’autre, les chevaliers jouaient de la pique et les corporations exécutaient aussi leurs jeux

Une grande et belle fête à Tarascon ce dimanche... Numero 10 Automne 2009

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Arles

Les Fêtes d’Arles

La Pegoulado

Héritière des retraites des fêtes votives d’antan, elle n’est plus la soirée qui clôture la vote, la pegoulado est maintenant la soirée d’ouverture des fêtes d’Arles.

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ouvert par les Cigaloun Arlaten, et fermé par les Gardians qu’emmènent les porte étendard et la Reine d’Arles accompagnée de ses demoiselles d’honneur. A la suite des Cigaloun, le groupe du comité des fêtes, les filles du delta, le Roundelet du moulin, Camargo Souvajo, Raphèle, la Fanfare les Arlequins, Tradicioun, Le Ruban de Trinquetaille, l’Escolo d’Argenço, l’Escolo Mistralenco, la Musique de l’Isles sur la Sorgue, Reneissenço, l’Arlatenco et Soie et Velours d’Argence, l’Estello de l’Aveni, la Souco Tarascounenco, la Fanfare les Beaux Dimanches, le roudelet Arlaten, Entre Crau e Rose, Le Velout d’Arle, l’Estello Aubanenco, la Fanfare de Rognonas, li Courdarello, L’Atelier du Costume de Maillane, les Attelages en Pays d’Arles et les formations du Mexique et de Bielorussie composent ce long ruban qui découpe la ville. Elle est suivie par la Cocarde d’Argent, la fête du costume, l’hommage à la Reine et la cocarde d’Or, formant ainsi un programme aussi chargé que splendide de beauté, grâce, force et vitesse qui s’entremêlent dans l’enchaînement des manifestations proposées.

Chaque groupe est présenté au public venu en masse aux arènes. La présentation aussi sobre que fine est distillée par l’habitué des lieux Frédéric Soulier accompagné cette année par Elisabeth Ferriol IXe Reine d’Arles La reine de la Sainte Estelle qui tous deux insistent sur la qualité des Pour l’heure, la simplicité est de mise. C’est la pegoulado. costumes ou l’histoire des formations... Un petit mot pour Une simplicité de costume qui contraste avec le soin que souligner et mettre en valeur le travail de chacun. les différentes formations ont mis dans la confection de leurs costumes. Cette année est particulière avec le 150e Passées les présentations, les formations offrent au public anniversaire de la parution de Mirèio. Tous l’ont à l’esprit. quelques chorégraphies. Mirèio est bien là, dans chaque La thématique est plus ou moins imposée, et il faut recon- danse l’évocation de la magnanarelle est bien présente. Les naître que même si Festiv’Arles n’avait rien dit, le Chantre évocations les plus fortes de l’oeuvre sont mises en scène : de Maillane murmure à l’oreille de tous les participants les Vincent est touché par Ourrias, sauvé par Taven, Mirèio meurt dans les bras de son amoureux et ne se relève pas. vers de ce poème épique. - Mireille est elle venue ce soir ?... Chaque groupe a la sienne, les siennes... Toutes les jeunes Le livre se ferme. filles s’identifient à l’héroïne malheureuse de Maillane. Une Coupo Santo, une Farandole... Les costumes 1850 et contemporains suggèrent l’éternité et le modernisme de l’oeuvre. Mirèio a 150 ans, 100 ans, Et les pego s’éteignent. un jour. A bèn lèu... Une trentaine de groupes foule les Lices en direction des arènes, pego en main. Le cortège est traditionnellement

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Arles

Les Fêtes d’Arles

La Fête du Costume

En hommage à Mirèio... La fête du costume est la grand messe arlésienne qui a lieu le premier dimanche de Juillet en Arles. Ce jour là les groupes du pays Arlaten se retrouvent au théâtre antique pour présenter les costumes des deux derniers siècles en Arlésie. Beaucoup de costumes dits contemporains sont présents, mais pas seulement. Certains autres sont de purs bijoux, constitués pièce par pièce par de petites mains dont le talent n’a rien à envier à la haute couture. Des Costumes XVIIIe assemblés patiemment, des coiffes reconstituées... De petites merveilles, portées fièrement. De la Révolution aux vierginenco "1904" toutes les périodes sont ainsi représentées, et les "Oh" admiratifs ponctuent le passo Carrièro depuis la Mairie jusqu’au Théâtre antique. Et la fête du costume est aussi celle de sa reine, Caroline Serre et de ses demoiselles d’Honneur. En croupe des Gardians de la Confrérie et de la Nacioun Gardiano, Elles ferment ce défilé si long que l’Atelier de Maillane patiente déjà dans les jardins derrière le théâtre alors que les gardians attendent sur la place de la Mairie.

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effectuent mérite qu’on le souligne... Sa gouaille et sa faconde sont une part importante du spectacle, presque "le dernier costume de chaque groupe". Traditionnellement les groupes précèdent les vierginenco, plus de 70 cette année, tout comme les années précédentes. Un signe fort de la vigueur de la tradition provençale, comme l’est aussi la présence du Président de région Michel Vauzelle, souvent présent pour les fêtes de sa ville.

Une grande et belle fête qui se termine par une présentation des différentes formations sur l’orchestra du Théâtre antique par le président du Comité des Fêtes Jean-Jacques Jonin. Visiblement le président prend du plaisir à cet exercice annuel. Il connaît tout le monde, insiste sur l’histoire des groupes, sur la présence au sein des formations de reines et demoiselles d’honneur, plaisante avec les présidents des groupes, embarrasse même certaines dames et demoiselles trop modeste pour admettre que le travail qu’elles

Les 70 jeunes filles qui ont pris le ruban aux Saintes en 2008 sont sur scène, attendant la reine, tandis que 80 jeunes filles en cravate habillent l’orchestra. 150 Mirèio attendent ainsi l’entrée en scène de la XXe Reine d’Arles. Ce premier dimanche de juillet démarre la seconde année de Règne de Caroline Serre. Ainsi cette année, Caroline reçoit des mains du Maire Hervé Schiavetti, la Chevalière mise à la disposition des Reines d’Arles par la famille Colcombet. La reine est heureuse, et fière de son titre et de la façon dont elle et ses demoiselles d’honneur ont honoré cette charge. Elles peuvent l’être, fortes de leurs 150 sorties, elles sont des ambassadrices remarquables, peu de villes peuvent s’enorgueillir de posséder une telle représentation. Osco Gento Reino...

Un dernier hommage a été offert au Président de la Confrérie des Gardians de Saint Georges Mr Hubert Yonnet. L’homme a fêté cette année le 150e anniversaire de sa manade et a surtout fait de la Camargue ce qu’elle est aujourd’hui à travers son oeuvre et la création du Parc Naturel Régional. L’hommage devait lui être rendu le jour de la course de Satin, mais le temps en avait décidé autrement, la pluie avait annulé la manifestation.

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Arles

Les Fêtes d’Arles

Le Discours de la Reine

Moussu lou Presidènt de Regioun, Moussu lou Souto-Prefèt, Moussu lou Conse, Moussu lou Presidènt dou coumitat di fèces e toutefois membre, Pople d’Arle, Cars ami, Fai adeja un an qu’emé mi sièis Damisello d’ounour me siéu presentado tout barbelanto d’esmai e de joio davans vous. Un an ! Mancarai pas de vous dire qu’aquesto proumiero annado fuguè pas di mai tranquilo.

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D’efèt, proumié devèn faire couneissènço emé nosti founcioun que se poudèn pas imagina avans que de li vièure. Pièi fau faire couneissènço emé vautre, presidènt d’assouciacioun, conse, eligi, ourganisaire que très an de tèms nous sou licitas pèr douna à vosti fèsto un èr de bragarié. Ma dicho, moudesto que moudesto, sara dounc un pichot bilans d’aquesto annado emplido d’emoucioun, de bonur e tambèn de tristesso. Es pèr aco que, d’en proumié, voudriéu dedica aquéu discours i persouno que se soun ennanado pèr li camp d’Alis, couneigudo o mens couneigudo : - Moussu Espelly, lou manadié, - Moussu Jalabert, baile-gardian, - l’Arderousso mantenèiris Dono Venture, - Moussu Dumont, bijoutié en Arle, - Noste ami e foutougrafe Fernand, - e un Paire Joël, que leissè sa chatouno bèn trop d’ouro. A vous, ami tant caro à nosti cor, sabèn que regnarès en pas sus nosti terro de tradicioun e que, d’eilamoundaut sus vosto estello, nous menarés sus la bono draio. Après tant de treboulèri, aven decida d’ounoura lou mai de counvidacioun poussible, fin d’oublida uno debuto un pau dificilo. E nous vaqui adeja au troufèu dis as à nous demanda mounte èro noste estiéu qu’avié passa tant lèu, tau l’estello que fuso. Nous falié pensa, tre la fin dou Saloun di Santounié, à l’annado Mirèio. Nautri dou regne vinten qu’an avian agué la bono fourtuno de festeja lou cènt cinquantenari anniversari de l’obro majo de noste grand pouèto Frederi Mistral. Mistral, que voulié « en glori, aussa Mirèio » e que voulié que fugue « caressado pèr nosto lengo mespresado », voulié canta « pèr li pastre e li gènt de mas », pèr que siegon fier tourna-mai de parla la lengo de soun païs. Alors, nautri, avèn-ti lou dre de mespresa aquelo obro, aquelo lengo que canto il auriho de touti, de Maiano à

Paris, de Paris i counfin de l’Europo e meme au Japoun ! Lou bèu jour de la candelouso de dous milo nou se durbiguè dounc l’annado Mirèio en Arle dins la bello salo de la coumuno. Uno salo coumoulo de mounde pèr bèn marca, se lou falié, l’afecioun e l’estacamen di provençau à n’aquelo « Mireieto », à n’aquelo lengo. Se conto pas touti li legèire e li recitaire di vers dou mèstre. Fugué l’oucasioun de descurbi uno nouvello especialita : lou ris mirèio que, n’en siéu seguro, vous n’en sias coungousta ! Fugué l’oucasioun tambèn de grand rescontre emé en particulié Dono Faure, sabreiris de riban pèr Moussu Vivier-Merle, lou teissèire. Gramaci Moussu de tèisse de velout, car avès pres counsciènci que sènso èli, uno arlatenco es pas-ti, pas-ta, pas-rèn ! Aqueli riban noù, saran li riban vièi de deman. E crese que vosto recoumpènso es de li vèire se mescla, superbe e sènso vergougno, i riban mai ancian de nosti rèire-grand. Gramaci tambèn de nous en agué pourgi très que soun vengu gounfla lou coufret di Rèino d’Arle. Poudèn pica di man davans lou bèu travai de Nicolo Niel que dessiné li moutiéu d’aquéli velout, coume un grand mèstre. Tène tambèn à gramacia li Rèire-Rèino que, aquèu jour d’aqui, èron emé nautre e que soun toujour presènto dins l’oumbro de l’anounimat. Es un grand soulas pèr iéu de li saupre proche, pode quista un regard quand me sènte un pau perdudo, car à vint an es pas toujour eisa de mena uno vido de chatouno « nourmalo » e tambèn uno vido d’ambassadriço dou païs d’Arle, d’èstre un moudèle pèr lis annado à veni. Emé la fogo de nosti vint an, mi damiselle d’ounour e iéu, amarian boulega li mountagno, mai, de-segur, aco se pou pas ! Fasèn nostis esperiènci de jouinesso, se fargan nosto per-

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sounalita e noste caractere. Tout aco pou mena à de counflit de generacioun, mai es-ti pas tambèn lou mai bèu moumen d’uno vido, quouro la chatouno, devèn femo, e se diferencio de sa maire o plus encaro, de sa grand ? E coume sian de la memo e grando famiho, siegués pas trop charpina pèr aquelo jouventuro, qu’a envejo de leissa lou negre e li triste coulour pèr de mai caudo, de mai vivo e de mai atrivanto ! Soun-ti pas subre bello aquéli vierginenco darrié iéu, image d’un passat remés à la modo dou siecle vint-unun, image de l’aveni. En vous regardant, en vous badant, Mistral aurié de segur dis : « Cante uno chato de Prouvenço dins lis amour de sa jouvenço… » Aquèlo jouvènço fougouso, amourouso de si racino, amourouso de soun païs que jamai perdegué ni sa fe, ni soun amo. Car sabèn que fau dou « passat counserva li grandi foundamento » car « lis aubre que van founs soun li que mounton aut ». Es pèr aco que vesèn que li manifestacioun provençalo prènon de mai en mai de crèisse e vole saluda touti li persouno qu’avèn rescountra, mi damisello d’ounour e iéu, tout de long de nosti cent cinquanto sourtido qu’avèn facho. Que ? Cènt cinquanto ! Aco es uno chifro deja visto ! Me ramente que l’an passa èro la chifro vint, moun porto-bonur e aquest an, sarié-ti la chifro cènt-cinquanto ? Certo, lis ai pas ! Mai, Mirèio, O ! Cènt-cinquanto an tambèn pèr la manado-ganaderia Yonnet. Vous bèn astrugan, Moussu Yonnet pèr tout lou bèu travai coumpli, pèr vous e avans vous, pèr vois avi ; osco e longo-mai ! Cènt-cinquanto, o quàsi, Mireieto, aqui davans iéu pèr rèndre oumage à la grando « Mirèio ». Chatouno, sias la relèvo de deman, sias la nouvello generacioun, sias la finiflour de nosto jouvenço, li rèino de demain ! Lou coustume que vestissés vuei, es l’eiritage de nosti grand. Sian touti un maioun, pichot certo, de la grand Cadeno que nous religo lis un is autre, que religo lou passat à l’aveni. Pèr faire avans, fau pas agué lou langui ! Aquèu coustume es pas un carcan que nous empecharié d’avança. Li que nous vèson soulamen, « entaioula, endentela, en capela, empestela, encigala pèr lou Passat », an pas coumprès ço qu’èro noste biais, nosto persounalita : Ounouran lou passat pèr miés aprehèndre li tèms avenidou ! Lou pantai de Mistral se sarié-ti, vuei, coumpli ? Soun mai de setanto chatouneto cade an i fèsto vierginenco di Santo, à proumetre de pourta e tambèn de trasmetre lou coustume d’Arle ! De Rèino, despièi Angelo Vernet en milo noù cènt trento, n’i’a agu vint, e es pas fini ! Uno rèino simboulico que regnarié sus uno terro vasto e bello, coume Mistral lou fai dire à Azalaïs, au cant tres de Mirèio : 16 Tradicioun la Revue


« Meten, dis, qu’à moun tour fugue la rèino, iéu ! E que Marsiho émé si velo, E la Cioutat, que ris em’elo, Emé Selon e sis amelo, Bèu-Caire emé soun Prat, tout aco fugue mieux ! Damiseleto e Bastidano, D’Arle, di Baus, de Barbentano, Diriéu, à moun palais landas coume d’aucèu ! Vole chausi li sèt plus bello, E pesaran dins l’archimbello, L’amour que troumpo o que barbèlo… Gaïamen, touti sèt, venès teni counsèu ! »

Prouvenço toujour respelira de si cèndre, tau lou fénis !!! Avans que d’acaba, ai envejo de vous dire la darriero estrofo de Mirèio, aquéli vers tant bèu que clavon l’obro e dounon d’espèr en tout. « O bèlli Santo, segnouresso, De la planuro d’amaresso, Claffissès, quand vous plais, de piès nosti fielat, Mai à la foulo pecadouiro Qu’à vosto porto se doulouiro, O blanqui flour de la sansouiro, S’ei de pas que ié fau, de pas emplissès-la ! »

Dounc, Vivo Mirèio ! Mistral, noste paire, noste mèstre, enficher nosti cor, que Vivo nosti tradicioun ! toun souveni nous empegne d’un envanc mestrejaire, fin E Vivo Arle e soun païs ! que prenguessian siuen de nosti racino ! Gramaci. Car Prouvenço, coume l’oulivié, rèn poù l’aclapa ! De la vièi souco toujours regrèio lou grèu nouvèu, simbole de la vido, simbole de l’aveni.

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Salernes

Terra Rossa La Maison de la Céramique Architecturale à Salernes

Les Carrelages de Salernes... Une pure splendeur. Terres cuites et céramiques abondent dans le village fort de sa vingtaine de fabriques dont bon nombre de centenaires. Salernes vit depuis plus de deux siècles au rythme des usines de fabrication des terre cuites. Situé dans une vallée dont l’argile est de première qualité, et arrosée par la Bresque recevant les eaux de la Braque et du Gaudran, le village avait tout pour se lancer dans cette aventure.

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Ainsi l’ère de la terre cuite ne pouvait que réussir. Et de fait, le village a compté jusqu’à une trentaine d’usines de carrelages, dans cet art implanté dès 1718 par un dénommé Brest qui y fabriquait déjà des malons. Il faut dire que le bassin étant propice, il y a toujours eu une activité liée à l’argile dans la vallée, comme en témoigne des vestiges néolythiques mis à jour dans les nombreuses grottes alentour. Enfants nous regardions la cheminée fumer et le ballet des camions allant et venant dans la cour de l’usine qui était en face de la maison... Une nuit même, revenant à la maison après une séance au cinéma du village "La Tomette", nous avions du courir en passant devant l’usine juste après le pont vert. Le chien nous avait entendu et s’était lancé à nos trousses. A sa voix, il était ET grand, ET mal embouché... Après on raconte aux gamins qu’il ne faut pas courir... Bref... Souvenir d’enfance. Les choses ont changé depuis. Le pont vert a été repeint en bleu, et la cheminée a cessé de fumer. Définitivement. La tristesse d’une usine vide, la fin d’un art. Mais il était dit que les choses ne pouvaient en rester là. Le bâtiment s’est réveillé un jour et a lentement repris une activité, différente. L’usine vient juste de rouvrir ses portes sous la forme de la Maison de la Céramique architecturale. Ainsi transformée en musée, elle est dédiée à la mémoire des hommes et des femmes qui ont produit des millions d’exem-

plaires de ce petit mallon hexagonal, la Tomette. La première salle du musée est consacré à l’histoire, la préhistoire plutôt, salernoise de la terre cuite, avant de lancer le visiteur dans la découverte de la fabrication de ce petit carreau que tout méridional connaît et reconnaît. Rien n’est en effet plus caractéristique que le tintement d’une tomette descellée, comme un de ces sons qui composent votre patrimoine culturel. La tomette, une merveille de petit malon hexagonal de 10cm de diamètre mérite amplement un musée. Derrière son apparente simplicité se cache une foule de métiers aux secrets bien gardés et un tour de main unique. Une tomette ne sort pas "comme ça" d’un four. L’argile doit être extraite, mélangée à différentes terres dégraissantes, puis filtrée. Ensuite elle doit être débarrassée de son eau par décantation, puis dans les pastières. Elle est ensuite entreposée durant plusieurs mois dans une cave humide la masse dans laquelle l’argile se fait peu à peu. De cette préparation préalable sort une argile qu’il faut encore modeler et couper. Tout ne fait que commencer et pourtant, sont déjà intervenus ceux qui ont extrait l’argile pour constituer le stock, le délayeur qui mélange les terres, et le pastonnier dont le rôle est de sortir l’argile encore trop remplie d’eau pour en faire des pastons qui sècheront au soleil. Le malonnier peut traiter l’argile stockée dans la Masse. Les étapes suivantes sont l’étirage, le cadre de découpe, l’engobage, le coupage, le cylindrage,

la coupe, le rabattage, et la planche. La terre est encore crue. Il y a déjà eu beaucoup de travail, et tout peut encore tourner court, obligeant à jeter la production. La cuisson est en effet l’étape décisive. A 1100 degrés dans un milieu clos, les réactions chimiques transforment l’argile à la rendre irrécupérable si la surveillance est en faute. Là encore, Il faut une quarantaine de jours pour sortir une fournée, entre la préparation du four et le défournement. Une fois défournés, il reste une étape de recettage, pour séparer les malons solidarisés par la cuisson et le calibrage. Le musée constitue un véritable parcours initiatique à la découverte de ce petit hexagone qu’on ne regarde plus de la même façon après cette découverte. Le trajet a été pensé par un homme de métier, l’agencement est tel qu’on se laisse aller à imaginer que l’usine s’est arrêtée hier et ne demande qu’à reprendre sa production demain. Une production impossible, on réalise à quel point les tomettes demandent de soins, de manipulations expertes, de gestes d’hier quand la tradition constituait la brique élémentaire de la formation. Les ouvriers pouvaient être fiers de ce qu’ils accomplissaient. Avant d’être une lumière sur la fabrication de la tomette, cette maison est un vibrant hommage à ces hommes et ces femmes qui ont pavé toutes nos maisons. A voir absolument.

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Les Saintes Maries

Mirèio, Des Saintes à Maillane

Aux Saintes Maries de la Mer, Mirèio par la troupe Nouvelle Energie de Graveson J’ai pleuré lorsque Mireille meurt, là, sur la place de l’église. Nous sommes aux Saintes Maries de la Mer, la veille de la Festo Vierginenco et Mireille vient à l’instant de pousser son dernier soupir, de prendre la barque avec les Saintes. La troupe "Nouvelle Energie" de Graveson a relevé le défi avec Brio. Ils viennent de donner une représentation extraordinaire de l’oeuvre de Frédéric Mistral. Quelques puristes auraient préféré qu’un soir aussi plein de symboles la pièce soit dite en lengo nostro, mais force est de constater que la puissance des vers du chantre de Maillane s’accordent tout aussi bien du franchimand. Le livret est de Mr Laurent Ayme, Décan de la Nacioun Gardiano. L’essentiel du poème est là. Les acteurs insufflent une vie extraordinaire dans ces personnages si haut en couleur. L’intransigeance de Maître Ramon, la foi de Taven, la rage d’Ourrias, la fougue de Vincent et l’irresistible envie de vivre de l’héroïne coulent de source dans les lèvres et le jeu de cette troupe qui revit cette tragédie sous nos yeux.

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Et pourtant, pourtant... Ce ne sont que des amateurs. Et c’est peut être leur drame. Ils ont donné le meilleur d’eux même là où bon nombre de professionnels auraient jeté l’éponge. Le site ne se prêtait en rien au jeu de cette pièce. Ils s’en sont excusés, comme si cela avait été leur faute. Braves acteurs... Que pouvaient ils faire de plus qu’ils n’ont fait. Ils ont joué Mirèio de Mistral dans le lieu le plus symbolique qui soit : la place de l’église des Saintes Maries de la Mer, le jour le plus symbolique qui soit, terminant la représentation à la première heure du jour où la ville reçoit les 61 héritières de l’infortunée pour le 150e anniversaire de la parution de l’oeuvre, et l’année du centenaire de la Nacioun Gardiano. Au milieu de ces symboles, "on" a laissé jouer une troupe en leur offrant comme auditoire des bancs d’école, en les privant de scène, de coulisses, et sans gradins. Loin de décevoir, les acteurs ont donné tout ce qu’il pouvait, ont fait fi des éclairages, et de l’absence de noir gâchant leur mise en scène, essayant tant bien que mal de sonoriser un espace impossible, face à un public dont ils savaient bien qu’il ne pourrait rien voir et n’entendrait

que difficilement. J’étais au premier rang. J’ai souri, ri, grondé et pleuré au fil des chants de la pièce. Pas loin de moi, les yeux brillants de la Reine d’Arles et de ses demoiselles d’honneur ont résonné des mêmes échos, leurs lèvres murmurant les vers avec les acteurs. Nous étions au premier rang, faisant partie des rares privilégiés qui ont pu assister à cette représentation dans de bonnes conditions. Nous avons réservé une standing ovation aux acteurs qui le méritaient mille fois. Bien des gens sont restés. Au 6e rang on n’y voyait rien et on n’entendait pas la moitié des répliques. Au huitième rang, les sourds étaient aussi aveugles. Ils sont partis, dépités... Les recevoir ainsi était une insulte. L’année est encore longue et je ne doute pas que l’affront soit levé, et qu’ils soient invités à jouer cette pièce dans de bonnes conditions, qu’ils puissent cueillir les fruits de leur travail. Osco la Nouvelle Energie de Graveson. Jouez nous Mirèio, une fois de plus.

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Arles Le théâtre du chêne noir donne Mirèio de Mistral dans un cadre hors du temps, la cour de l'archevêché. La scène est moderne, dépouillée, composée d'un rideau noir, et les acteurs ne sont que deux. Sous la direction de Gérard Gélas, Alice Belaïdi est Mireille, courtisée par Damien Rémy. Entre les mains de ces deux acteurs, le poème de Mistral prend toute sa dimension. Damien est tour à tour Vincent, Amboise, Ramon, Taven et ... Mistral. Il se fait narrateur pour chanter la vie à la jeune fille. Le poète a aimé Mireille. Comme un père, comme un amant, comme un poète aime sa muse. Dans cette mise en scène si dénudée tout tourne autour des mots de Frédéric, rien n'existe plus que le texte. Damien le chante, le crie, le pleure. Dans sa bouche les vers du maitre sont le syrinx qui conduit la belle vers sa funeste destinée. Elle, envoutée par la plume de Mistral est riante, vivante, mystique, blessée avant de mourir. Extraordinaire prestation de ces acteurs qui deux heures durant vont prêter leur souffle au poète. Il aurait été fier d'eux, le maître. Le narrateur aime Mireille, il respecte Taven, il jalouse les prétendants et semble sourire lorsque la jeune fille les éconduit. il comprend la rage d'un père et la blessure d'un autre, il regrette le départ de la belle. Le poète raconte une histoire qui s'est produite mille fois depuis la nuit des temps. Inexorable, inéluctable, la colombe est mise en cage, elle en meurt. Le festival Me dison Prouvènço a confié la représentation de Mireio dans ce cadre mythique pour son festenau à trois personnes qui ont donné plus encore qu'on aurait osé imaginer. Ils ont disparu de scène au lever du rideau pour ne plus être que le prolongement d'une plume d'oie et du papier que noircissait le chantre de Maillane. Ils réapparaissent enfin, deux heures plus tard pour être salués d'une standing ovation amplement méritée. Le festival est fier d'avoir accueilli le théâtre du chêne noir.

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Maillane Mirèio de l’écriture à l’opéra par Jo Laugier et Frédéric Barbantan En 1863, Mistral reçoit une lettre de Charles Gounod lui demandant la permission de tirer un opéra en quatre actes de Mirèio sur un libretto de Michel Carrré. Frédéric lui répond en l’invitant pour le mois d’Avril 1863. Le 10 septembre dernier, le Mas du Juge fait un bond dans le temps. Nous sommes en Avril 1863, et Charles Gounod arrive au mas pour présenter son projet. Charles et Frédéri conversent, Mistral explique toute la beauté et la finesse de Mirèio, Gounod lui montre ce qu’il a réalisé. Sous nos yeux les scènes s’enchainent comme une séance de travail entre ces deux hommes. Le résultat est extraordinaire. Les acteurs sont doubles, ceux du théatre et ceux de l’opéra. La lecture des scènes de Mirèio précède les temps forts de Mireille. Le spectacle, oscillant Magie de l’éphémère, au théatre tout n’existe que le temps entre théatre et opéra forme un ensemble unique, si natu- d’une fleur d’hibiscus, des mois de préparation pour un rel que l’on croirait assister à une chronique. jour à la lumière. Un jour splendide... J’ai vu en un soir unique Mirèio de Mistral et Mireille de Gounod, les deux oeuvres si bien enchevêtrées qu’on ne sait plus où finit l’une et où commence l’autre. Mirèio donnée en Provençal par quatre lecteurs dont la performance derrière les pupitres vaut celle des acteurs sous les spots. Jo et Frédéric n’auraient pas conçu la Mireille de Mistral autrement qu’en lengo nostro. Une fois de plus, ils ont raison.

Cela s’est certainement passé ainsi entre les deux hommes, comment en aurait il pu être autrement. La réalisation de Jo Laugier et la mise en scène de Frédéric Barbantan sont exemplaires. Plus de soixante dix personnes ont participé à la création de ce spectacle. L’ensemble fini, les deux hommes respirent. Point n’est besoin de les interroger sur le spectacle, leurs yeux parlent pour eux. Ils sont heureux et fiers d’avoir de tels amis, se donnant si entièrement pour la réussite de ce spectacle. Le seul regret touchera celles et ceux, nombreux, qui n’ont pas eu de billet. Il y avait 500 places, les organisateurs auraient doubler et même tripler les dates. Le spectacle a été joué à guichets fermés. L’office du tourisme qui gérait la billetterie a demandé qu’on retire son numéro de téléphone des annonces tant les coups de fil étaient nombreux la semaine précédant le spectacle.

L’ensemble est salué comme il se doit par une salve d’applaudissements. Au premier rang, Jaque Mouttet, Capoulié du Félibrige, Caroline Serre XXe Reine d’Arles et ses demoiselles d’honneur Marion Pitras et Elodie Bretagne initient la Standing Ovation, comme on dit en provençal. Monumentale soirée au mas du Juge. Je le dirai certainement dans quelques années : J’y étais.

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Les Saintes Maries

Li Festo Vierginenco 2009 Cette année, la nacioun gardiano a 100 ans cette année. Encore disent certains... Encore. Le coumitat vierginen a été en effet fondé en juin 1904 sous l’impulsion entre autres de Fanfonne Guillierme et Folco de Baroncelli. Ce coumitat vierginen constitue la fondation de ce que le marquis a appelé la Nacioun Gardiano en 1909, élargissant son action aux gardians. C’est cette nacioun gardiano qui est centenaire. Que de chemin a été parcouru depuis la première fête instituée par Frédéric Mistral. Elles n’étaient que 28 le 17 Mai 1903 au Muséon Arlaten, et 350 l’année suivante réunis devant 20000 personnes au théâtre antique. Exception faite de la guerre, rien n’a eu raison de cette cérémonie de la prise de ruban. De nos jours les filles sont modernes, n’ont rien de commun avec leurs arrières grand-mères, mais cette année encore, elles sont 61 à prendre le ruban aux Saintes Maries de la Mer. Cette cérémonie marque pour elle le passage de l’enfance à l’age adulte. Elles entrent chatouno et sortent chato. Une règle tacite, non écrite, veut qu’elles ne portent pas le ruban avant ce passage. Nombreuses sont celles qui respectent cet interdiction muette. Marre de cette cravate disent elles... Mais sans transgression, et toute la beauté et la force de ce jour est là : un siècle d’usages, de tradition. Immuablement, leur journée commence par une messe, suivie par une bénédiction dans les arènes après la bénédiction di biòu et dis ego. Puis les gardians vont se livrer à leurs jeux après avoir déposé une gerbe à la statue de Mireille. Et enfin, les chatouno recevront 24 Tradicioun la Revue


leur diplôme des mains du capitaine de la Nacioun. Cette année, Mr le maire y ajoute un exemplaire de Mirèio qui ne les quittera plus assurément. Elles seront aidées au long de la journée, de leur vie de leur marraine choisie pour les guider dans leur choix, leur voie. Et à partir d’aujourd’hui elles porteront le ruban. Ce sont des chato de Prouvènço. Elles sont 61 en 2009, les voici :

Impétrante Anaïs AGOSTINI Marina ARAMBURU Alice AUPHAN Charlotte AUZILHON Gaëlle BALCELLS Samantha BARTHELEMY Anaïs BERNARD Elisa BONJEAN Isabelle BOURDIN Ophélie BOURNIER Fanny CARTOUX Emma CHERBIT Mélodine CHICO Justine COMBE Laura COMPANY Manon COSTANTINO Mathilde COSTES Auréline CUNY Fanny DELORT Myléna DEMARS Séverine DIDIER Annelyse DODELER Cécilia DUCLAUX Léna FELINE Léa FOUSSADIER Anaïs GARCIA Margaux GIBELIN Maryline GONDE Emma HAOND Gwladys IMBEMBO Carla JULLIAND Marine KERLEAU Elodie LAVILLE Naïs LESBROS Manon Lhoret Fleur LUPORINI Marion MAILLET Lugdivine MANNONI Anaïs MARIOTTE Jessica MARQUES Marion MAUGASC Claudie MOIRE Sandie NAPOLEONI Justine NICOLAS Sabrina NICOLAU Anaïs OLIVA Maguelon OLIVARES Audrey ORTEGA Marine PALMIERI Juliette POZZETTO Claire QUITTARD Sarah RIEU Marie RICHARD-GASIER Isabelle ROQUELAURE Christine SOMBARDIER Julie TAUZIAS Fanny TRESSE Mélanie TRONC Clémence TURQUAY Camille VIAU Rébecca XUEREB

Ville Saint-Andiol Beaucaire Bellegarde Nîmes Fos sur Mer Boulbon Salin de Giraud Arles Arles Arles Rognonas Arles Saint Etienne du Gres Lunel-Viel Arles Arles Restinclières Marguerittes Beaucaire Arles Arles Mouriès Cabannes Les Saintes Maries de la Mer Rognonas Saint Gilles Aigues Mortes Mouriès Beauvoisin Graveson Le Grau du Roi Saint Rémy de Provence Saint Rémy de Provence Mollégès Sernhac Fontvieille Vers Pont du Gard Tarascon Arles Fourques Tarascon Tarascon Istres Rognonas Beaucaire Saint Gilles Lunel Viel Beaucaire Eyragues Paluds de Noves Beaucaire Rognonas Redessan Fontvieille Les Saintes Maries de la Mer Boulbon Fourques Sernhac Gallargues le Montueux Cabannes Arles

Marraine Marielle ORCIERRE Blandine CHINAL Simone NAGEL Cathy NAUD Mireille GOY Elisabeth COSTES Colette SADARGUES Lisa GUERRI Angélique DALL’OPPIO Elise CASTELLI Stéphanie NICOLAS Charlotte DEPLANCKE Patricia PLA Aude VARLET Martine THOMAS Simone NAGEL Audrey CALMET Danièle PREDON Julie LUJAN Elodie BRETAGNE Yveline LAGARDE Anaïs DESCONS Karine FOUQUE Aude RAYNAUD Coralie ARMONICO Catherine RAYNAL Chantal AGNEL Christelle Orial Annie ASTIER Karine STOUFS Isabelle JULLIAND Maud KERLEAU Charline RABATTU Mireille MARCHAT Mélane SALLE Cécile CAPITANI Solange MONTY Elodie LAORDEN Sophie JARREAULT Marie-Louise ROUSSET Karine POPOVITCH Magalie BOURGUES Marisol SANCHEZ Odile GROS Sandra PINA VALLVERDU Cécile LAFAYE Maguelon GRANCHI Elodie FLORES Nadine GOLFETTO Ornella VIAL Gisèle MALFETTES Lucile POLI Mireille RIBES Magali ROCHE Marguerite AUBANEL Clothilde HEBRARD Sophie DISSET Estelle POLETTI Cathy TURQUAY Pauline ROCARPIN Stéphanie ROUX

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Les journées à l’ancienne

Partout, l’été est festif... En terre de bouvino, ces fêtes ont un accent particulier, une tonalité donnée par le son des sabots des chevaux sur le bitûme, le bout d’une corne qui dépasse... Le Cailar, puis Saliers la semaine dernière et Eyguières cette semaine ont donc fêté leur Saint Patron. Chacune de ces fêtes est unique, la fête du village. Elles sont un événement important dans la vie de la ville, un moyen de rassembler jeunes et moins jeunes. Il n’y a qu’à voir à quel point les ’djeunz’ d’aujourd’hui parlent de leur fête pour s’en convaincre. Ils se déplacent facilement, sautant de l’une à l’autre en s’invitant dans les fêtes des villages alentour semaine après semaine. Pourtant, pour chacun, la fête de leur village est au dessus. Un lieu dans lequel ils se reconnaissent, ils invitent, sont à la maison, et c’est la fête. Les votes ont des programmes différents d’un endroit

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à l’autre, Plus "bouvine" ou plus "tradition" ou encore mélant habilement les deux, mais une constance peut être dégagée dans ces terres de cornus. Il existe une journée que tous plébiscitent : la Journée à l’Ancienne, une journée à part, ou plutôt une spécialité Camarguaise. Antan, la fête s’organisaient autour des taureaux. Tous se retrouvaient dans un pré pour marquer les jeunes anoubles après un bon déjeûner, et on ramenait les taureaux en ville pour une course dans un plan de charrettes, ou on la faisait sur place... Un esprit à part animait ces journées, cette pause faite entre deux travaux des champs, après la fin d’une moisson et le début d’une autre. L’homme moderne finit par oublier le rythme de la terre, pressée dans sa vie moderne. Pourtant disposant de bien plus de loisirs que ses aïeux, il n’a plus le temps de rien. Mon grand-père emmenait mon père pécher à 8kilomètres de la maison après une journée de travail harassante, ensemble ils chassaient dans de gigantesques espaces qui composent aujourd’hui le tarmac de l’aéroport international de Marseille Marignane. Et il y avait du gibier... Une fois, mon père a tiré un coup de fusil dans un vol de grives comme vous ne sauriez l’imaginer... Il en tombait, il en tombait... Tiens d’ailleurs si vous passez dans le coin, mettez un casque, il en tombe encore. Des histoires... Des histoires de vieux, d’un temps que les moins de 20 ans... Ces journées à l’ancienne sont un pèlerinage sur les pas de la mémoire de ces jours passés. On met la casquette du grand père, on enfile son gilet, le fichu de la grand mère sur les épaules de cette mère de famille porte à jamais la tâche de sang que le grand père avait fait en enserrant sa belle le soir du bal en 19... Et tous se retrouvent dans un pré, pour un déjeuner. Il est improvisé par chacun au Cailar, chez Ludivine à Saliers, offert par la mairie à Eyguières.

A Eyguières, la manade Agu offre une ferrade. Trois anoubles, choisis soigneusement sont lancés tour à tour pour que les minots puissent avoir leur premier frisson. Il sont pas gros ces biòu, mais ils sont à la dimension des agantaìres. Agés d’une dizaine d’années, ils attendent nombreux et en groupe compact le petits veaux qui arrivent à fond... Leurs yeux pétillent, comme ceux de leurs parents à une encablure de là. Dans tous les cas le déjeûner est le départ de l’abrivado qui emmène les biòu à travers les rues de la ville. L’abrivado part du clos de tri et prend les chemins de traverse jusqu’aux arènes. Le Cailar a réussi l’exploit de faire interdire les engins à moteurs, quads en tête (quelle bonne idée). Le vacarme qui a réveillé Alexandre Dumas il y a plus d’un siècle de cela [1] n’était à l’époque dû qu’aux chevaux et taureaux, pas au vroom vroom de ces machins avançant deux mètres devant les chevaux. Les choses ont bien changé. Quoiqu’on en dise, les attrapaìres respectent les chevaux et taureaux aujourd’hui plus qu’hier, et les fêtes sont moins teintées d’accidents. Trop de règles ?... Peut être mais trop de monde surtout pour laisser faire n’importe quoi. Si au début du siècle l’échappée d’un taureau l’envoyait dans un champ, aujourd’hui celle ci finit sur une route fréquentée ou dans le jardin d’une villa, au pied des Alpilles.... Signe également de changement, les clefs sont souvent remises au charme de ces dames, donnant à ces parcours une touche féminine qui lui faisait défaut au début du siècle précédent. Et la fête de continuer... Apero monumental à Saliers, vin d’honneur à Eyguières, Festival d’Abrivado ou Course de Ligue, ou à l’Avenir selon les lieux, et le programme des jours autour de cette journée dite à l’ancienne. Quel que soit le programme de la Vote, l’esprit est le même, la fête de famille, en famille. Trois fêtes réussies, et finies...

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Eyguières

La Journée à l’ancienne

Le club taurin l’avait promis, grand beau pour ce 15 Août à Eyguières. Il faut dire qu’il était difficile de faire pire que l’an dernier, avec cette température automnale et ce mistral digne des ’Aurasso’ d’hiver. Pas de crainte donc pour ce 15 Août 2009, la météo annonçait un petit 37°C, que fort heureusement une petite brise a empêché d’atteindre.

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Mais au petit matin, la veste n’était pas de rigueur aux arènes pour le départ en charrette ou en calèche vers le pré du déjeuner offert par la municipalité. Un petit déjeuner pantagruelique a été servie, et Pantagruel devait être présent, tant les Eyguiérens ont su faire honneur à ce buffet. "On dirait qu’il y a moins de monde que l’an dernier..." La petite phrase est devenu un leitmotiv cette année tant nous l’avons entendu partout et pour toutes les manifestations. Moins de monde ?... Peut être... Difficile de savoir tant aucune des dites manifestations ne tient de billetterie, la matinée, la fête est offerte... En fait peut être. Une chose est sure en tous cas, on n’avait jamais vu autant de minots venus participer à la ferrade offerte par la Manade Agu. Le signe est fort, les gens se sont déplacés en famille pour une fête familiale. De là vient peut être cette sensation de "moins de monde". Il y a moins d’inconnus, moins de touristes venus observer les autochtones, tout le monde connaît tout le monde. La fête trouve sa convivialité de fête de village, et retrouve son âme. Les locaux initient les amis

venus pour l’occasion au marquage, à la bouvine. Et l’abrivado part à l’heure... Dans un esprit bon enfant, mais malheureusement au son des Quads, les cavaliers emmaillent et vont aux arènes, se confrontant le long du parcours aux agantaire qui ont saisi l’importance de leur participation. Tout ce beau monde fait un tour dans le village et se retrouve aux arènes pour un vin d’honneur. La suite... C’est un repas organisé sur le bitume de la route, façon village gaulois. Cent cinquante repas ont été réservés, donc, on ferme la route d’accès au village et on sert les plateaux sous les frondaisons des platanes, caressés par la brise qui se lève enfin. La journée à l’ancienne retrouve les valeurs de nos aieux. Tous ensemble au pré pour le déjeuner, pour le repas de midi, la course aux arènes l’après midi et la bandido du soir... Une fête tout simplement.

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Saint Gilles

La journée hommage à Emile Bilhau

La journée à l’ancienne. Les fêtes de la voto de Saint Gilles ont eu lieu le week end dernier. Premier point d’orgue de la fête, l’inauguration de la Maison des Pèlerins Marcel Avignon a eu lieu le samedi soir, après la procession en l’honneur du Saint et la messe en l’abbatiale. Le même jour avait commencé fort avec une gase splendide. Mais un autre point fort est prévue dans les festivités 2009. Sous la houlette de Ludivine, le défilé du dimanche innove cette année. La journée à l’ancienne débute par un traditionnel petit déjeuner pantagruélique à la manade, d’où partira l’abrivado des prés. Loin de là, en ville, les groupes et attelages se préparent à défiler en ville. Ludivine a organisé un bel hommage. A son appel ont répondu présents : les Attelages de petite Camargue, et les Attelages en Pays d’Arles, l’étoile de l’Avenir, compagnons de longue date, la souleiado Margarido, le Velout pescalune, les filles du delta, les Cigaloun Arlaten, le Ruban de Trinquetaille, Regards d’antan, costumes et Traditions, Anais Marquis demoiselle d’honneur de la Reine d’Arles et les familles Bilhau et Chagoleau. Ainsi Costumes et vieux métiers en liaison avec le foin et la vigne traversent la ville à la rencontre de l’abrivado qui les rejoint à l’entrée de la ville. Tous retraversent la foule jusqu’aux Arènes Emile Bilhau, lieu rêvé pour un hommage...

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L’hommage de Ludivine Clavel à Emile Bilhau C’est le 19 mars 1904 qu’Emile est né à Générac. Il a passé sa vie entre Beauvoisin, Générac, Saint Gilles et surtout dans son domaine d’Estagel. En 1925, il acquiert son premier cheval Camargue qu’il appelle Sultan. Mr Bilhau avec le sens et l’amour des bête commence avec un troupeau de bédigues, puis en 1940 et sur les conseils de René Barbut, achète les bêtes de la manade Trouchaud. René Barbut devient ainsi le Bayle de la jeune Manade Bilhau. Des Isclo à l’Auricet, la manade agrandit ses pâturages vers les marais d’Espeyran à Saint Gilles. La vie d’Emile fut bien remplie, la vigne, les brebis et même les biòu, rien ne l’effraie dans le travail. En 1953, la grande course de Bilhau se confirme, et en 1954 la manade va au sacre avec sa complète composée par Janot, Poète, Canetier, Rousty, Sultan et Garri. Cette année là, pour la première et seule fois, le Biòu d’Or est attribué pour toute la course, Emile est très heureux. La course camarguaise ne doit pas faire oublier que l’on doit à Emile d’autres jeux comme le saut de Cheval à cheval et le taureau piscine. Avec son imagination débordante, Emile a été un homme qui a su moderniser les animations camarguaises pour intéresser les touristes à nos traditions, ce qui n’est pas le plus simple. Si aujourd’hui on voit un public fourni aux taureaux piscine, les camarguais ne doivent pas oublier qu’il en est à l’origine. En 1957, Louis Chagnoleau, mon grand père succède à René Barbut. Après les vignes d’Estagel, Louis s’occupera des biòu. Plus qu’un Bayle,

Louis est un ami. C’est en ami qu’il demande à Emile et à Paulette, sa femme, d’être les parrain et marraine du dernier de ses 5 enfants, André-Paul Chagnoleau, mon père, un homme parmi les plus passionnés. Par sa passion et son travail, cet homme deviendra manadier, accomplissant ainsi le rêve de la vie de Louis, son père. D’autres gens de bouvine passeront par la manade Bilhau, comme Robert Terrasse dit "Vovo" et d’autres encore. Emile eut 4 enfants avec Paulette. Marie José, Jean-Marie, Henri et Daniel, le dernier parti trop jeune...De ces enfants sont nés 4 petits enfants : Frédéric, Stéphanie, Magali et Coralie et encore trois arrière petits enfants : Folco, Matéo et Naïs présents ce dimanche filé. matin ici même et tous passionnés Je voudrais également remerpar les biòu. cier la municipalité, Mr le Maire Olivier Lapierre, et Mr Patrick Agniel J’ai eu l’immense chance de connaître qui m’a laissé carte blanche pour l’orcet homme dont je garde un souvenir ganisation du défilé. puissant. Emile était un homme pour Grand Merci à tous et que vivent nos lequel les traditions étaient des plus traditions. importantes, et je suis fière de lui rendre ici cet hommage. Enfin pour achever mon discours, et Je voudrais remercier à présent toute la avant de chanter la coupo, je voudrais famille Bihau, les manadiers qui sont vous lire un poème d’Emile qui parle venus fêter un ami, les groupes, les at- de chevaux, ceux qui nous attroupent telages, et tous les participants du dé- ici et sont nos meilleurs amis. Chivau Chivau, vous ai donna un mouceu de ma vido Dè ségur lou millour, d’un temps qu’es esvali En ieu, aves bouta moun amo avès fa espeli La fè de moun païs, que sera maï poulido Poulido, o mi chivau, sias esta lou flambeu De ma jouinesso en flour, soungé a moun passa M’avès mena i bious, manadié sies esta Aves changea ma vido, et ansin es lou beu M’aves douna la Joïo d’estre un bon cavalier Dins ma sello gardiano, aï viseu dè mouments De glori, d’Estrambord, o mi beu paramens M’aves appris lou mena dou mestié Quand quittaraï lou mounde de la terre Béleu, vous aurai touti a moun cousta Mi chivau, mis amis, lou dise nas esta La glori de ma vido, ce qué en ieu espere. Numero 10 Automne 2009

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Beaucaire

Ouverture des Fêtes de la Madeleine

Le défilé d’ouverture des estivales de Beaucaire a réuni ce 21 juillet plus de 900 participants dans un grand défilé parti du Casino pour rejoindre les arènes. Là, Patrice Blanc a su imaginer un spectacle en hommage à l’oeuvre magistrale de Frédéric Mistral : Mirèio.

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Le plein. Celui dont rêve tous les organisateurs, tapissant et composant le décor de l’amphithéâtre.

Mirèio... Au mas des Micocouliers, une jeune fille de bonne famille s’amourache d’un jeune vannier de Vallabrègues. Mais richesse et pauvreté s’accordent mal ensemble. Mèstre Ramon interdit cet amour, et la jeune fille s’élance dans la Crau vers les Saintes Maries de la Mer. Le soleil de Camargue a raison de sa santé, et la belle meurt d’insolation en y arrivant... Quel mauvais résumé. Comment parler de Mireille et Vincent sans évoquer l’univers dans lequel ils évoluaient, la vie au Mas, la vie d’un vannier, d’un gardian de Camargue, l’imaginaire lié à la vieille Masco des Baux... Il faudrait... Il faudrait 900 participants pour décrire tout cela, se replonger le temps d’un soir dans la bibliothèque du Chantre de Maillane, à l’endroit même où il s’est installé pour rimailler. De là, il ne reste plus qu’à redécouvrir la vie de ceux vers qui le poème est tourné. Car cantan que pèr vautre, o pastre e gènt di mas ! Les tableaux s’enchaînent le long du défilé, commençant par l’univers de la belle magnanarelle et du lent fleuve de la vie dans un mas, au gré des travaux des champs. Vient ensuite l’univers de son amoureux, le vannier et son monde d’osier et de sagne. Puis,

Ourrias son meurtrier passe fier sur son cheval au milieu di biòu e dis ego. Il précède Taven et les fées, la barque dans laquelle il périra. Tout termine avec Mirèio seule sur un char, accablée de chaleur. Les passants adorent, adhèrent à l’oeuvre. En préambule, les facteurs du Roundelet di moulin avaient distribué des programmes afin de permettre à chacun de se remémorer le fil de l’histoire. De petits sourires en regards tristes, on croirait que les spectateurs connaissent tous l’oeuvre par coeur, comme si elle faisait partie de leur Histoire. Ils se regardent complices, discutent de l’influence de Taven sur le destin funeste des amoureux, ou la mort d’Ourrias dans cette barque qui est engloutie par le fleuve. Et le long fil du défilé trace Beaucaire entre Casino et arènes. Sainte Marie Madeleine est déjà arrivée que Caroline et ses demoiselles d’honneur sont encore au casino. Elles ont pris place dans un grand bateau blanc, le bateau de l’amour et de la sagesse. Mirèio est morte, son idée embarque dans un grand voilier blanc vers d’autres horizons. Tout n’était qu’un rêve. Une invitation au voyage, le défilé laisse derrière lui un sillage de monde qui afflue sur les gradins des arènes. Cette année encore tous ne pourront pénétrer dans l’enceinte par manque de place.

Il est maintenant temps de reprendre le fil du livre dont les pages viennent de tourner sur les rives du canal et le rêve recommence. L’atelier du costume, li gènt di mas se mettent en place, l’univers de Camille - Mirèio. Ce soir Mirèio sera tour à tour Camille, Chloé, Julia et Amandine. Toutes incarnent la même idée de l’amoureuse éternelle à l’instar de Laure, Juliette ou Carmen. Face à elle Floriant et Matthieu incarneront Vincent. Et dansent les chevaux, et défilent les hommes. Ourrias meurt une fois de plus, une fois de plus Vincent ressuscite entre les mains de Taven. Une fois de plus L’amour de Mirèio est plus fort que sa vie. Est elle vraiment morte ? En tous cas, le bateau l’attend devant les arènes. Le troubadour a fini son histoire. Il est plus qu’un narrateur, il a une dimension de précepteur. Patrice sourit, le public l’a suivi dans son histoire, dans son monde. Le public a aimé, rit, pleuré. Il a surtout croisé Mistral un soir de juillet à Beaucaire. Il venait sans doute à la Foire...

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Fourques

La 36ème foire aux chevaux

Le grand défilé de la foire aux chevaux 2009 a animé le rues de Fourques ce dimanche. Depuis 36 ans, le club taurin organise une grande fête faisant la part belle aux attelages. Longtemps fondée sur un thème unique, la fête s’est ouverte à différentes histoires. Cette année, le défilé est ouvert par une Cobla, et un groupe de danse sardane. La souco tarascounenco entraîne à sa suite les attelages des officiels parmi lesquels Mr le Maire accompagné de Caroline Serre XXe Reine du pays d’Arles, suivies dans une autre calèche d’Anais Marquis et Laure Novelli, deux de ses demoiselles d’honneur.

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La première vague d’attelages laisse la place aux cavaliers : les porte enseignes et demoiselles. Une introduction applaudie pour accueillir le premier thème : l’auberge de Peyrebelle. Ils sont tous là : la diligence faisant halte, les voyageurs, l’aubergiste et sa femme, l’employé modèle estourbissant les voyageurs, le prêtre, et la dernière victime... Il ne manque guère que le singe... Remplacé par un chien, qui tient le rôle sans complexe. Le thème suivant est celui de Mirèio mis en scène par l’arlatenco. Comment la demoiselle aurait elle pu être absente d’une telle présentation... Une fois de plus Ourrias trucide Vincent, que ressuscite Taven, et une fois de plus la belle meurt. On ne s’en lasse pas. A la suite de l’Arlatenco, hommage est rendu aux Saintes Marie-Jacobé, Marie-Salomé et Sara. Les roulottes des gitans suivent les Saintes Jacobé et Salomé dans leur Barque et Sara sur son piédestal. Conduisant une de ces deux roulottes, le père André sourit... Le prêtre polonais a quitté la veille son ministère de Fourques pour celui d’Aramon, et a laissé les fourcaten orphelins. La messe en provençal dite par Père André était extraordinaire. Un homme comme on en fait peu, un homme de Dieu... Vient ensuite l’escolo d’Argenço et sa petite histoire de Fourques. Les ha-

bitants de Fourques sont appelés les "mange escargots"... La légende veut que ce surnom vienne de Bellegarde. Au temps des diligences, les Bellegardais attendent celle venant de Fourques. Pendant ce temps, à Fourques, la fête bat son plein. Les habitants, pauvres, ont préparé quelques mourguettes, et ont convié le cocher qui a quelque peu taquiné la bouteille. Lorsque la diligence arrivent, les voyageurs s’inquiètent de ce retard auprès du cocher. Celui ci, pour ne pas avouer son pénéqué, leur raconte que les fourcaten ont fait bombance avec les escargots, à tel point qu’ils ont rempli les rues avec les coquilles.

Il a fallu attendre qu’ils déblayent la route pour que la diligence puisse passer... Les bellegardais y ont cru et dirent ensuite partout :"N’attendez pas la diligence un jour de fête à Fourques car ces ’Mange Escargots’ la coince avec leurs coquilles". Une jolie histoire. Il reste trois tableaux... Des métiers d’antan, avec le coton et la soie, puis une fête de fin d’année à l’école. L’école d’avant, à l’époque où on distribuait des prix d’excellence... Impressionnant de se rendre compte ainsi que l’on a été dans cette école d’avant. Elle avait toutefois ses bons cotés, qu’un minot monte cueillir en haut du mât de Cocagne... Et tout cela finit dans la bonne humeur gauloise d’un petit village d’irréductibles et de leurs ennemis romains... Un grand défilé a rempli les rues du village pour la joie de tous petits et grands, dont un bon nombre s’est retrouvé sous les serres dans le pré pour le traditionnel taureau à la broche. Les taureaux devrais je dire, les 7 bêtes ayant été mises à cuire la veille au soir pour nourrir les 2000 personnes venues prendre le repas. Si vous vous décidez l’an prochain, pensez qu’en juin de cette année les inscriptions étaient closes pour le taureau.

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Maillane

Notre Dame de Grâce

Le Choléra au XIXe Siècle La grande faucheuse a eu deux sbires très actifs en France aux XVIII et XIXe siècles. Les marseillais gardent un souvenir cuisant de l’entrée dans leur port de la flûte hollandaise "Le grand Saint Antoine" qui leur a amené la peste en 1720. L’épidémie s’est propagée à partir de la ville à la Provence. Elle finit par être éradiquée. Et la population de respirer. Par pour longtemps malheureusement. Partie d’orient comme sa soeur, le choléra ne devait pas tarder à faire son apparition.

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Le choléra est une dû à une bactérie. Cette dernière n’est pas naturellement pathogène. En effet, le vibrion cholérique ne produit la toxine cholérique, responsable des diarrhées mortelles, que lors de sa propre infection par un virus, le bactériophage CTX. Lorsque cela se produit, le résultat est sans appel. Et cela s’est produit à de multiples reprises dans notre histoire. Liée aux transports humains plus ou moins développés, ces épidémies sont souvent restées localisées, mais ont quelquefois touché la planète. On dénombre ainsi 7 pandémies entre le début du XIXe siècle et aujourd’hui. Deux de ces pandémies ont cruellement touché la France, la deuxième pandémie (1829-1837) et la troisième pandémie dans sa deuxième vague(1849-1860). Il en est résulté deux vagues de mortalité qui ont profondément endeuillé la France de 1832 et 1854. Le choléra tue... A quelle taux et à quelle vitesse est plus difficile à savoir. Les tableaux de statistiques écrits pour décrire l’impact du choléra indique selon les départements des morbidités sensiblement différentes de 5.24% (Moselle Avril 1854) à 23.5% (Seine Avril 1854) et de 6.42%(Seine Novembre 1854) à 42% (Ariège Novembre 1854). La surmortalité générale, elle, oscille entre 1 et 4% de la population. Un impact somme toute faible... Pour autant que l’on puisse faire confiance à ces chiffres. Une morbidité de 42% est en effet un chiffre fort. Il signifie que presque la moitié des gens contaminés sont morts. Est ce là vraiment le fait d’une souche particulièrement pathogène, ou plutôt une mauvaise caractérisation des malades probablement atteints... Dans bien des cas, le choléra reste non diagnostiqué en raison de la difficulté de classement comme tel de diarrhée adynamiques sans crampes et sans vomissement ou la diarrhée avec algidité stade ultime de la maladie. Combien ont guéri de cette maladie sans avoir été classés malades, et à l’inverse combien sont morts du choléra hors la présence d’un médecin vérificateur de décès... Peu importe finalement. Le choléra a tué, et terrorisé la France à deux reprises par son action sauvage. En

1832, la maladie arrive par l’Angleterre, des cas sont diagnostiqués sur le littoral de la Manche dès 1831. Une épidémie qui ne descendra pas sous la Loire.

et commence son œuvre. Après les enfants du premier jour, meurent le 14 Août Jean Joseph Berrut 78 ans, Marie Honorate Martin 60 ans, MAthieu Imbert 62 ans, Thérèse Terras 24 ans, Barbe Rose 24 ans, et Antoine Martin 15 ans. Dix morts en deux jours, beaucoup pour un village dans lequel tout le monde se connaît. Et le carnage continue, deux décès le 16, et 4 le 17 août. Personne ne sait vraiment rien du choléra. en ce temps, la bataille entre la plèbe et les savants fait rage pour savoir si la cause de la maladie est la contagion [4], ou une intervention extérieure météo ou influence des airs... Toujours est il, que dès le début de l’épidémie le village se vide au profit des campagnes alentours.

En revanche, une analyse de la surmortalité mensuelle par département en 1854 laisse apparaitre deux principaux foyers d’infection au printemps 1854, pour un mal signalé au Havre à l’automne de l’année précédente. Ce vibrion résiste au temps. Si l’épidémie de 1832 est centrée sur le printemps, celle de 1854 est plus marquée sur les mois d’Août et septembre. Une épidémie plus longue et surtout plus étendue, touchant toute la partie est du Pays. Si l’eau est un des vecteurs de la maladie, elle ne saurait être considérée seule. L’homme et sa tentative désespérée d’échapper au mal ne sont Cette fuite ne jugule pas complètement le flux des cercueils. On enterre pas exempts de responsabilité. le jour même les 4 morts du 19 aout, Maillane, Août 1854 Nous sommes en Août 1854, à les 5 morts du 21. Mais il ne reste Maillane, un petit village de 1500 plus grand monde à tuer. Ce même âmes qui vit paisiblement. Certaine- 21 aout 1854, il reste en tout et pour ment quelque part, Frédéric Mistral tout 110 personnes en ville. Les autres écrit son poème épique Mirèio. Le sont morts ou ont fui. L’école a été 13 Août, quatre personnes décèdent fermée dès le 18 Août. Ainsi écrivait : Pierre Rousset 5 ans, Honoré Bayol Mr Martin, l’instituteur à son inspec7 ans, Marie Joséphine Agathe Mis- teur d’académie (lire l’encadré) tral 2 ans et demi et Pierre Bonjean 56 ans. Le choléra est arrivé au village Monsieur l’inspecteur, Conformément à votre honorée lettre , du 16 courant, mon école est fermée depuis le vendredi 18 août. Avant d’avoir reçu votre réponse, Monsieur le curé et Monsieur le Délégué, m’avaient l’un et l’autre fortement engagée à fermer mont école et à donner vacances à mes élèves. Je leur avais répondu que je vous avais écrit en conséquence, et que j’étais prêt à exécuter les ordres que tous ensemble vous me feriez l’honneur de me prescrire. Quoique je sois toujours resté dans le pays, je n’ai guère tenu compte des nouveaux cas arrivés, je ne suis pourtant pas indifférent à la calamité générale : la nuit du 18 au 19, j’ai veillé deux colériques, dont l’un, la mère, mourut à quatre heures du matin ; l’autre, jeune homme de vingt sept ans, vit encore A la commune, j’ai vu le chiffre des cas à cinquante quatre et celui des décès à dix-huit, ce qui fait près de huit cas par jour et seulement trois décès. La nuit dernière, il n’y a eu ni cas ni décès ; mais on dit que la population agglomérée est réduite à cent-dix. Agréez Monsieur l’inspecteur, la nouvelle assurance... Martin

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Le 24 Août, on dénombre encore 7 décès et deux de plus le 26. Le 28 août au matin, l’instituteur converse avec Louis Mistral. "Et si nous demandions une procession à Mr le curé ?" Sitôt dit sitôt fait... Mr le curé est d’accord, mais doit demander la permission à son supérieur. Pourtant devant l’urgence provoquée par la trentaine de cas avérés en ville dont huit graves, décision est prise de demander la permission après la procession à Notre Dame de Grâce. Notre Dame de Grâce. La madonne Maianenco est une petite statue de bois d’une vierge assise tenant l’enfant Jésus [5]. Elle est presque entièrement recouverte d’une étoffe précieuse qui ne laisse apparaitre que sa tête et celle de son chérubin. Longtemps adorée dans la chapelle de la Sainte Vierge, elle fut déplacée vers l’autel des Ames du purgatoire avant d’être démodée et rangée dans un grenier. Elle n’y resta pas longtemps, rappelée par les maianen qui désiraient l’implorer pour qu’elle mette fin à un hiver particulièrement rigoureux. Elle ressortit de son grenier. Elle fut ensuite transférée dans une des classes de l’école des petites sœurs des pauvres. Elle est dans la deuxième classe avec ses deux ou trois robes défraichies le 25 Avril 1854. Ce jour là, les maillanais, contrits par une sècheresse tenace, profitent de la visite de l’archevêque d’Aix, pour demander son retour dans l’église. Notre Dame de Grâce sort donc de sa prison pour une dizaine de jours, à l’occasion de la neuvaine entamée. Elle retrouve sa classe ensuite. Jusqu’au 28 Août 1854. La cloche sonne de nouveau. Elle s’était tu après les premiers décès, ne parvenant plus à sonner le glas de tous ces morts. A son appel, six ou sept femmes accourent, quatre hommes également. Tous rejoignent le clergé qui se met en route depuis l’église pour aller chercher la vierge captive de l’école. D’autres encore se joignant au cortège, ce sont 25 personnes qui arrivent à l’école et portent en procession Notre Dame de Grâce vêtue d’une robe violette, en 38 Tradicioun la Revue

racle opère. Dans un élan de confiance, le prêtre entonne le Magnificat et fait sonner les cloches à toute volée, ce qui a pour effet de ramener au village tous ceux qui en était partis. Malgré ce retour prématuré dans une atmosphère toujours aussi délétère, personne ne contracte plus la maladie. Ailleurs, le choléra décroit lentement, à Maillane, il cesse aussi brutalement Sur la place, personne ne sait si le mi- qu’il avait commencé. chantant le miserere. Arrivée sur la place publique, elle est accueillie par une soixantaine de personnes. Le miracle opère dès la procession : Marthe Gauthier, Martoun de Martello, que le docteur voyait morte avant le lendemain, ouvre les yeux en entendant les cloches , demandant ce que l’on sonne... Elle est guérie.


tènt inutile et abandouna. En un virad’iue sentigueriam quaucarèn, de mai-que-mai nous courre pèr lou cadabre e à parti doù moument mounte la Santo Vierge passé davans nosti porto, coumprengueriam qu’eriam sauva. Lou siam esta e vuei, rendènt gràci à Mario de noste miraculous garimen, siam urous, après dès-e-nòu an de vido, de Depuis cette date, Maillane se souvient. Chaque année, n’en poudé veni rèndre temougnage. les maillanais organisent une procession les 28 et 29 Août. A l’origine, la châsse était portée par les miraculés, et seu- Ansin es, e pèr n’en manteni de-longo l’atestacioun soules portaient le velet celles qui avaient été guéries de cette lenno et vertadiero, signam de cor et d’amo lou presènt maladie, charge et privilèges transmis à leur descendance. estrument que n’en fara fe aro et longo-mai. Basto li MaiaLa procession en l’honneur de Notre Dame de Grâce nen jamai oublidon aquelo gràci et de-long n’en celèbron commence par un deuil et se termine en fête, comme la memòri emé touto la recouneissènço et la devoucioun degrudo à-n-un tau benfa. passe une épidémie. Le choléra est passé, Notre Dame de Grâce a vaincu. Une lettre de l’instituteur Mr Martin à son inspecteur nous apprend que le premier décès date du 13 Août, et le dernier du 28 et qu’il y a eu 45 décès comprenant trois enfants.

“En noum de la Santo Trinita, Paire, Fiéu e Sant Esperit, Leoun Daillan, J.Lillamand en noum tamben de Nosto Damo de Gràci. Amen. De-mai i’a sèt crous que soun e represènton sèt signaturo En touti aquéli , presènt et endevenidou , que veiran Nous Autre, temouin souto signa, fasen fe que li crous aquest escri, nous-autre souto)signa atestam, assugeram pousado sous l’ate precedent, soun et representoun : la e afourtissèm qu’en l’an de gràci 1854 e lou 28 doù mes Iere, la signaturo de Mariano Gervais, fumo d’Artaud, d’avoust, lou colera que devastavo Maiano nous a ié aganta dicho Mariano de Bau ; la 2° Margarido Julian ; la 3° e qu’eriam a l’article de la mort. Abandouna di medecin, Marto Daillan, fumo de Julian et maire de MArgarido coundana per eli, sènso pous, sénso forço, la fàci deja en- ; la 4°, Dominico Julian, paire de MArgarido e l’ome de negrido, lis iue treble, lis estremita di mèmbre enregoui- Marto Daillan ; la 5° Marto Gautier vèuso Riquèu dicho do, i’èro avis en tòuti que n’aviam plus qu’à bada e mouri. Maroun de MArtello ; la 6°, Isabeu Richardo, fumo de Eriam dins li tressusour de l’angòni, quand li campano à Danis Bouissoun ; la 7° aquelo de Madeloun Varo, et acò brand et lou cant doù Miserere que s’ousissié souto nôsti l’atestem et l’affourtissem. fenèstro, abas, dins la carriero nous aprenguèron que Nosto Cesar Charles Damo de Gràci passavo pèr Maiano et qu’uno doulènto A. Daillan proucessioun se D. Daillan fasié pèr invouca V. Lieutaud l’ajudo suprèmo F. Mistral. d’aquelo Bono Vist per la legalisation di signaturo eici dessus : Lou Mairo Maire, que res de Maiano Laville n’a jamai en van prega, tout autre Maiano lou 4 de Setèmbre 1873.” remèdi uman es-

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Tradicioun http://www.tradicioun.org


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