Otro

Page 1



Une tentative de décloisonnement de l’espace en soit n’est pas nouvelle, de nombreux actes d’intervention dans l’espace publique ou simplement extérieur furent tentés et effectués depuis longtemps déjà. Des impressionnistes sortant peindre dehors avec leurs chevalets au XIXème siècle, au land art des années 1970, aux «boîtes-envalises» de Duchamp dans les années 1930-40, en passant par Filliou réalisant une exposition dans sa casquette et la proposant à la vue des passants dans les rues de Paris en 1962, l’art ne se limite plus à un musée ou une galerie. Ici le cadre, le support de l’exposition n’est pas une salle blanche, un white cube aux principes standards d’accrochage et de lumière. Ce n’est pas même un mur. Nous sommes dans un jardin, des herbes hautes, des acacias, une serre, des plantations de légumes, une profusion de feuilles, de brindilles, de branches, d’insectes et de gastéropodes, de détails et d’assemblages organiques et inorganiques qui composent ce tout. Mais il ne s’agira plus d’entretenir, de cultiver, de récolter. Il s’agira de donner forme, de créer, d’exercer, d’appuyer, mais de manière éphémère, peut-être transitoire, aléatoire, performative. Une énergie momentanée d’aujourd’hui, sûrement différente d’hier comme de demain, en renouvellement. Nous pourrions être dans une de ces zones autonomes temporaires décrites par Hakim Bey. Le lendemain, ce lieu n’existera plus, ou du moins autrement. Otro est donc autre chose qu’une exposition muséale, qu’un jardin vivrier, ou que l’observation d’un écosystème. Elle est aussi autre parce qu’elle a lieu pour la deuxième fois, et parce que l’autre c’est aussi et peut-être la (une) technologie, la nature, des croyances présentées ou représentées, une certaine idée de l’art, l’identité culturelle, soi. Antoine Perez



DĂŠbris 2010 Sylvain Knaebel


Sylvain Knaebel

Espace privé, espace ouvert, destiné à la récolte ou laissé en friche, recouvert d’herbes et de broussailles ou arboré par un bois que surplombent des arbres majestueux, ce « jardin » comme on le nomme est avant tout un espace naturel indéfinissable. Une lutte entre le retour à l’état sauvage et la tentative de domestication lui donne un charme énigmatique. C’est cette éphémerité ou plutôt cette mouvance perpétuelle de l’état de nature qui à influencé mes trois interventions, ébauches pour des projets de plus grande envergure.


Débris

Tout au long du parcours nous pouvons apercevoir de nombreux matériaux dûs à l’activité humaine, outils de jardinage, taules, etc… Parmi tous ces vestiges un élément reste en activité : la citerne à eau d’où plusieurs tuyaux partent dans diverses directions. L’un d’eux nous emmène à travers les sous-bois le long d’un chemin. Ma première intervention consiste à réaliser un jeu de miroirs avec la végétation sinueuse des lianes en y mélant des tuyaux de chambre à air le long des branches. Ces fausses lianes en prennent l’aspect tortueux et se dissimulent ainsi dans la flore environnante. Jouant sur la notion d’œuvre indicielle, le spectateur qui suit le chemin et le tuyau provenant de la citerne peut par son attention soit découvrir cet autre réseau de tuyauterie improbable soit totalement passer à côté sans l’apercevoir. Cette installation questionne sur la présence d’éléments artificiels dans la nature par imitation de celle-ci. En effet, si ces courbes noires arrivent à s’intégrer aux courbes naturelles des lianes, leur fonctionnalité n’en est que plus suspecte. La présence de l’arrivée d’eau longeant en ligne droite le chemin réaffirme cette contradiction, induisant l’idée que l’outil artificiel s’intègre à l’espace naturel par la perte de son utilité première.


Boucle Au centre d’une clairière, un arbre composé de deux grandes branches courbées se détache de l’ensemble de la végétation. J’entreprends alors d’accentuer sa courbure en la prolongeant à l’aide de lianes et ainsi d’esquisser une arabesque, motif propre à l’Art Nouveau dont l’une des sources principales d’inspiration était la nature. La tentative est de réimplanter au sein d’un espace naturel une forme ornementale inspirée par la nature ellemême. Essayant de lui imposer une regularité exagérée, la branche résiste et la forme reste imparfaite, dans un entre deux.


Tchernobyl-tomatoes

L’élément le plus visible de ce jardin reste la serre qui abrite le potager. Symbole d’un retour aux sources, d’une volonté de subvenir soi-même à ses besoins, la culture potagère est aussi une réponse à la suspicion générale vis-à-vis de la grande distribution alimentaire. L’installation Tchernobyl-tomatoes insinue un doute par un détournement humoristique. Devant cette culture préservée de pollutions apparentes, une multitude de légumes prennent des allures d’expériences de laboratoire issues d’un film de science fiction. Sommes- nous à l’abri de toute contamination ? La vérité est-elle ailleurs ?




Le Buffet Soupe de légumes, châtaignes grillées, pommes, noix, bière et vin chaud préparés et/ou chauffés sur une cuisinière à bois ont fait office de point de ralliement de l’événement. Des verres en bambous ont été construits, un système où chacun lave sa vaisselle installé, les ingrédients ont été donnés par des producteurs locaux.



Nid 2010 Antoine Laborde



Antoine Laborde

Les productions proposées pour cette exposition éphémère Otro prennent corps par rapport au lieu de production et d’exposition qu’est le jardin. Chaque pièce s’inspire et tire partie des différents espaces qu’offre le lieu, par les contraintes qui s’en dégagent, ainsi que par les matériaux préexistants. La vision de l’espace d’exposition se développe à partir de la conscience de la nécessité pour l’oeuvre d’occuper un site propre. Nous voyons donc d’abord l’espace et non pas l’oeuvre d’art.


1 corde d’alpiniste de 50 mètres verte 1 corde d’alpiniste de 50 mètres jaune 1 chapka grise

Nid

Comment exploiter un espace sans y pénétrer ? Cette installation s’étire et prend possession de l’espace du jardin avec deux cordes d’alpiniste accrochées à 4 arbres. Les cordes d’alpiniste se croisent perpendiculairement au dessus d’une clairière inaccessible constituée de ronces sauvages. Au croisement des cordes, se tenant à distance du spectateur, une forme ovoïde et poilue s’y suspend. La chapka, repliée sur elle même, a été installée de telle sorte que sa signification d’usage a disparu sous l’égide d’un titre et d’un point de vue nouveau, créant une nouvelle pensée pour cet objet en le plaçant en déplacement par rapport à sa fonction originelle.

La corde barre le chemin d’accès


Feu de bois 1 baril d’essence vide 2 écrins en bois 50 lianes 1 briquet jaune Posés sur un baril d’essence en guise de présentoir, sont disposés deux écrins en bois dans lesquels des lianes classées par gabarit sont prêtes à l’emploi. Un briquet mis à disposition permet au spectateur d’identifier la possibilité de fumer une liane, propulsant le regardeur en acteur.


Crash Test

1 chemin de fer 1 dispositif constitué d’une chambre à air et un tuyau métallique 1 parpaing pour maintenir le tuyau 1 chevalet et une toile de 40 x 90 cm 1 mixe de couleurs primaires

Ici, le but de la tentative était d’installer un dispositif sur les rails du chemin de fer afin que se produise une peinture sur toile au moment ou le train passe. La peinture fût éjectée parallèlement aux rails sur une distance de 10 mètres, ratant sa cible car la chambre à air a crevé sous la pression produite par le poids et la vitesse de la locomotive.


Les chutes

1 petit baril d’essence 1 performeur 4 pommiers

Apprendre à s’ennuyer. Je guette la chute d’une pomme en me postant stratégiquement à equidistance entre quatre pommiers... Une fois tombée, je me déplace rapidement pour récupérer la bonne pomme. Si quelqu’un a vu l’action, je la lui donne. Dans le cas contraire je pose la pomme sur la borne.


dĂŠfrichage archĂŠologique


Sculpture pour les arbres 2010 Charlotte Le Maire



Charlotte Le Maire

Sculpture

pour les arbres Hiver

les arbres ne croissent pas

ils ne se reproduisent pas Printemps c’est le temps de l’abondance l’arbre en profite pour se développer, croître, produire des fleurs et des feuilles Été l’arbre en profite pour se faire des réserves et stabiliser les nouveaux tissus Automne puis l’hiver arrive de nouveau et l’arbre entre en dormance Le cycle recommence


Camille Morand

Toilet Symphony Improvisation sonore solo voix, guitare, eau remaniÊ pour toilettes sèches diffusion en boucle


L’odyssée de la terre ou le menhir de l’espace 2010 Antoine Perez



L’odyssée de la terre ou le menhir de l’espace

Dans une pensée globalisante, une forme aussi radicale a quelque chose d’absolutiste, une présence exerçant sa domination sur l’être ou du moins sur l’interprétation. C’est un objet seul, un bloc qui pourrait amener à une pensée monolithique, unique. Mais il n’en est rien. Il repose en fait sur des bases communes, empruntant un langage universel, une forme géométrique simple. C’est un objet civilisationnel, qui tout comme celui de Stanley Kubrick dans son film «2001, l’odyssée de l’espace», témoigne d’une certaine forme d’intelligence dans sa création, ou en tout cas dans son existence propre, à la différence que celui-ci n’est pas lisse, parfait. Sa rigueur apparente est contredite par les matériaux de construction, terrestres: du torchis - un mélange de terre, paille, foin et eau - des matériaux locaux utilisés depuis les débuts de l’Humanité pour la construction d’abris, de monuments, de symboles.


Cette image de monolithe agit donc comme une porte babelienne, possible stèle funéraire, commémorative ou religieuse, elle ne se rattache à aucune culture ou société bien définie mais a cet aspect de mettre en relation pré et post humains dans un esprit à la fois naturel, policé et néanmoins très précis dans la forme. Finalement pas si éloigné du white cube que ça, ce «mud block» qu’on pourrait également rattacher dans l’art au land art ou à l’arte povera est en réalité détenteur d’évocations multiples. C’est le premier totem, le premier symbole, étrange, peu défini, un objet de pouvoir dans la mesure où on lui en prête. C’est aussi les fondations du premier mur, donc d’une frontière, d’une séparation, d’une identité. L’un et l’autre. Il est donc aussi politique, territorial. Il ne règne pas sur un désert, mais dans la végétation. Porteur de germes organiques dans sa composition même, il possède en lui ce potentiel du mouvant, du vivant. Il sera par conséquent évolutif, mutant de sa propre origine, se créant par la suite sa propre histoire.

L’odyssée de la terre ou le menhir de l’espace 2010 sculpture in situ. bois, terre, paille 4 x 1,20 x 0,50 m



La Construction De l’aide tantôt active, tantôt moins... Structure en palettes sur troncs d’acacias recouverte ensuite de torchis.


Case à palabres

La case à palabres (ou Toguna) est utilisée par le peuple Dogon au Mali. Sans mur et délibérément trop basse pour s’y tenir debout, elle contraint à s’asseoir pour discuter. Elle est l’équivalent dans d’autres cultures d’un parlement, d’une agora ou d’une table ronde. C’est un lieu d’échanges qui a pour fonction soit de régler les conflits personnels, comme par exemple un différent opposant deux voisins, soit de soumettre à la discussion des propositions concernant la communauté, dans le but de prendre des décisions à son sujet. Une peau de vache invite les visiteurs à venir s’installer dessous. Un cube blanc est suspendu dans la partie supérieure. Suggérant l’espace de pensée, blanc, c’est à dire vide de couleurs, et donc supposément neutre, il s’oppose avec sa forme minimaliste à la nature qui l’entoure, et fais écho par la même occasion au monolithe de terre installé plus loin.


Les outils mous latex (serfouette, binette, pelle), échelle 1 Ces formes, des outils de jardinier facilement identifiables, semblent des sortes de mues, des peaux se desséchant dans la serre, comme fatigués d’avoir trop travaillé.


OTRO Vernissage-Expo 16-10-2010 Sylvain KNAEBEL Antoine LABORDE Charlotte LE MAIRE Camille MORAND Antoine PEREZ

Merci à Saber pour la mise à disposition du lieu, tous les participants pour l’aide préparatoire ainsi que l’élaboration du repas.


Antoine Laborde Charlotte Lemaire Camille Morand Antoine Perez Sylvain Knaebel

vernissage samedi 16 octobre 2010

11h-...

Otro - exposition en plein air Gorges du Fier jardin à droite juste après le tunnel du train Pontverre, LOVAGNY

Otro------------------------------------


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.