Catalogue 18e biennale Aperçu

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18ème biennale

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Ai eurs

Biennale Internationale de l’Image 18ème édition - du 3 au 18 mai 2014


Dans le domaine de la culture, les associations prouvent au quotidien une extraordinaire efficacité. Moteur de croissance économique, facteur de cohérence de vie sociale , la culture dans les villes est symbole de bien-être individuel et collectif. L’investissement culturel a un fort effet de levier, ainsi pour les festivals, les études économiques démontrent qu’il y a entre 4 à 8 € de retombées pour 1 € investi par la collectivité. Le rôle de la culture est donc essentiel dans le développement économique et sa contribution à l’attractivité des territoires est importante. Dans le monde des arts, la photographie nous laisse parfois blasés parce que très (ou trop) vulgarisée. Mais depuis 1979, la Biennale, dans une formule originale, propose une autre vision artistique de la photographie en permettant à de jeunes créateurs d’exposer aux côtés d’artistes de renommée internationale. La 18ème édition de la Biennale Internationale de l’Image est riche de 70 expositions, que ce soit sur le site principal d’Alstom à Nancy ou dans les autres lieux d’expositions à travers la région. Artistes de renom et nouveaux talents proposent leur vision toute personnelle d’un certain « Ailleurs ». Un programme complet d’expositions mais également d’animations a été préparé, avec la présence d’intervenants de haut niveau pour animer une conférence et une projection. Tous les publics ont ainsi rendez-vous avec des photographes mais également avec des universitaires, des chercheurs, des philosophes, et des praticiens. Pour la quatrième fois, la Biennale rayonnera tout le long du sillon lorrain en présentant des expositions de Thionville (centre Jacques Brel) à Remiremont (Musée Charles Friry), en passant par Metz (l’Arsenal), Nancy (site Alstom), et Epinal (médiathèque) : une affirmation spectaculaire de sa volonté d’être un partenaire efficace de la vie culturelle de toute la région lorraine. La Biennale renouvellera aussi l’action pédagogique d’éducation à l’image à destination des élèves des écoles primaires de l’agglomération nancéienne. Je remercie la coordinatrice de la Biennale et l’équipe de bénévoles grâce auxquelles cette fête de l’image s’inscrit au cœur d’un réseau culturel et occupe une place reconnue et appréciée internationalement. Jean-Pierre PUTON Président de la Biennale Internationale de l’Image. La Biennale Internationale de l’Image existe grâce au concours de la Ville de Nancy, du Conseil Régional de Lorraine, du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle, de la Communauté Urbaine du Grand Nancy, et des partenaires privés.


Cette nouvelle édition de la Biennale Internationale de l’Image s’annonce prodigue et ouverte puisqu’elle permettra de découvrir soixante-dix expositions de photographes, accompagnées de nombreuses animations, à Nancy et dans d’autres lieux de Lorraine sur le thème « Ailleurs », thème qui se prête à de multiples variations. Cette manifestation, bien ancrée dans le paysage culturel - il s’agit déjà de la dixhuitième édition - met en valeur le travail d’artistes confirmés et de jeunes talents et accueille également des productions étrangères. L’organisation d’une biennale de l’image revêt une signification particulière dans une région comme la Lorraine, très attachée à l’image, à sa fabrication et à ses représentations. La tradition imagière s’est notamment perpétuée à Épinal, où le musée de l’Image, qui fêtait récemment ses dix ans, possède l’une des plus importantes collections d’images populaires imprimées, images souvent confrontées à des œuvres contemporaines. Autre institution culturelle lorraine, le Centre Pompidou-Metz présente actuellement une sélection d’images « d’aujourd’hui » à la faveur de l’exposition « Paparazzi ! Photographes, stars et artistes », qui explore le phénomène et l’esthétique de la photo paparazzi. Parmi les temps forts de cette biennale figure l’exposition réalisée par le Jeu de Paume avec le concours de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine. Elle donne l’occasion de rappeler tout l’intérêt des collaborations entre structures culturelles, gages d’une diffusion plus large de la culture. La mise à l’honneur d’un mode d’expression et de création qui se diversifie et emprunte de nouveaux supports suscitera à n’en pas douter l’adhésion du public le plus nombreux possible. Aurélie Filippetti Ministre de la Culture et de la Communication


" Métro, poésie d’un non lieu "

Domenico ARONICA

« La metropolitana » ou « Le métro » - étrange incertitude du genre - est sans doute un non lieu. Un de ces non lieux que les hommes de notre temps habitent durant quelques minutes, d’autres durant des heures, d’autres encore pour toujours, jour et nuit. Le métro est peut-être l’épitomé des non lieux, certainement le plus familier, mais ce n’est pas un hasard si Marc Augé, le grand théoricien des non-lieux, lui confère une place essentielle dans sa réflexion. Le métro - Augé préfère, tout comme Aronica, le terme français, au masculin - est un des non-lieux originels de l’imaginaire moderne car c’est le lieu de la mémoire collective et personnelle. En effet, les stations de métro forment un réseau qui, en surface, correspond à l’Histoire, aux Places où de grands évènements tragiques, funestes se sont produits. Un réseau qui, en interne, en dessine également les entrailles - métaphore à la fois organique et souterraine - et sollicite la mémoire individuelle. Dans le métro, on est obligé de penser à soi, on s’abandonne au souvenir. Bercés par le rythme amniotique des wagons, portés par les lumières crépusculaires, quel frisson nous saisit lorsque, même pour un instant, les lumières s’éteignent ! Nous sommes comme en suspens, coeur arrêté, souffle coupé. Là où le souvenir règne, là où on a le temps du repli sur soi-même, il y a la poésie. C’est pour cela que je considère que les photos de Aronica Domenico sont des haïkus de la vie moderne, de brefs poèmes qui forment un chansonnier multiculturel. Berlin, Paris, Milan : métropoles, villes-mères qui portent en leur sein tant d’histoires, tant de visages. Villes qui laissent circuler dans leur propre organisme, des flux rapides, des lumières aveuglantes, des corps en mouvement dont la main de Aronica (et pas seulement l’oeil) arrache toute consistance. Photos floues, parce que ces corps bougent, parce que les arrière-plans bougent, parce que les lumières bougent. Poésie de l’instabilité, du non-lieu, du non-regard, voilà la poésie d’Aronica. Michele Cometa

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© Domenico Aronica, “Métro”- tirages argentiques 30x45 cm Metro, Poetry of a non-place “La metropolitan“ or « le métro » - a strange uncertainty of the genre - is a non-place. One of those non-places where the men of our time live, some for a few minutes, some for many hours, some others for ever, night and day. Maybe the metro is the epitome of the non-places, certainly it is the most familiar, but it is no wonder that Marc Augé, the great theorist of the non-places, gives it a crucial place in his reflections. The metro is one of the original non-places in the modern imagination because it is the place of memory, both collective and personal. In fact, the metro stations form a network that on the city’s surface corresponds to history, to monuments and squares where important, tragic and mournful events took place. It is a network which internally also outlines the bowels of the city – a metaphor both organic and subterranean – and which stimulates the individual memory. In the metro we are made to think of ourselves, we give in to memories of the past, lulled by the amniotic rhythm of the carriages, encouraged by the twilight of the lights – What a shiver we feel when the lights go out, even briefly. We are suspended in time, heartstopped, breath halted. Where there is memory, where there is time for self-withdrawal, there is poetry. This why I consider the photos of Aronica as the haiku of modern life, brief lyrics that inspired to form a multi-cultural songbook.

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" Epecuen, la ville engloutie “

Santiago BENITEZ

ARAUJO

Dimanche 10 novembre 1985. Le barrage de la station balnéaire d’Epecuen cède. En quelques heures, les 1500 habitants doivent faire leurs valises. Objets de valeur, la vaisselle, quelques photos… Une vie empaquetée en un instant. Les rues sont englouties, les maisons ensevelies, les hôtels submergés, le cimetière noyé, les souvenirs avalés par cette vague insolente et toute puissante. A certains endroits, l’eau atteint 10 mètres. La ville tout entière disparaît et repose au fond du lac. 28 ans après, l’eau a baissé. L’eau thermale, naturellement chaude et salée, a littéralement dévoré la cité. Vision apocalyptique, décor de guerre ou paysage lunaire ? Les branches semblent danser, les arbres nus paraissent flotter, le sol couvert de sel illumine les ruines et désoriente le visiteur. Au milieu des décombres des voitures oxydées, une balançoire rouillée, une baignoire solitaire. Des objets si banals qui sont devenus des trésors. Et dans cette ville fantôme, Pablo Novak, 83 ans, l’irréductible, le seul habitant qui n’est jamais parti et qui vient lire le journal tous les jours accompagné de son chien. Epecuen, un endroit hors du temps, un spectacle déroutant et désolant, un ailleurs plein d’une mélancolie captivante où la nature a tout simplement repris ses droits.

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Sunday, November 10th, 1985. The Epecuen sea resort dam bursts. In a few hours, 1500 inhabitants have to pack their suitcases. Valuables, dishes, a few photos … Hundreds of lives impacted in an instant. Streets are inundated, houses buried, hotels submerged, cemetery flooded. All memories swallowed up by this devastating and powerful wave. In certain places, up to 10 meters of water covered the area. The entire city disappears and lies at the bottom of the lake. 28 years later, the level of the water has dropped. The thermal water, naturally hot and salty, has literally devoured the city. Is it an apocalyptic vision? A combat zone? A lunar landscape? Branches seem to dance, naked trees appear to float, the ground covered with salt illuminates the ruins and disorients the visitor. In the middle of the rubble are decaying cars, a rusty swing, a solitary bathtub. Objects so commonplace that have become treasures. And in this ghost town, Pablo Novak, 83 years old, the resolute, hardliner, the only inhabitant who never left and who comes to read his newspaper every day accompanied by his dog. Epecuen, a timeless place, a puzzling and distressing show, an “ elsewhere” full of a fascinating melancholy where nature has simply regained its rights.

© Santiago Benitez Araujo, “Epecuien, la ville engloutie” - tirages numériques 30x40 cm

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" Demi tour vers le Noord "

BENLOY

© Benloy, “Bruyère” Tirage argentique 40x50 cm Là où le ciel s’assombrit,
là où l’abandon bave sur le rouge des briques ses reflets bleu acier... Je délace mes mocassins de cuir marron et je marche...
Je guette la sensation, l’éphémère clarté, l’infime battement...
là, sous la paume de mon pied nu, dans mon pays en creux... Je suis la trace de mes empreintes laissées... et je sens les égratignures boursoufflées titiller mes orteils recroquevillés. Ces brisures de mon monde, j’ai voulu les reprendre à mes yeux d’enfant
parce que ce sont elles qui ont bercé mes premières années, qui ont imprimé en moi leurs dessins délavés aux contours flous... qui m’ont donné l’élan de les quitter... et de les retrouver si beaux... Je compte mes enjambées, je trace des sillons...
je me glisse dans mes pas fantômes comme dans un moule déchaussé, je marche tout bas...`

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© Benloy,” La baraque” Tirage argentique 40x50 cm

© Benloy, “La drache” Tirage argentique 40x50 cm

Back turn to the “ NOORD” Where the sky darkens,
where abandonment spills its steel blue reflections over the red bricks…. I unlace my brown leather moccasins and I walk ... watching for the feeling, for the ephemeral glimmer of light, the tiny beat ... there, under the sole of my bare foot, in my country hollow ... I follow the track left by my footprints ...
and I feel the puffy scratches tickle my curled toes. Those cracks of the world I wanted to take them back to what they were in my child’s eyes because they were the ones that had rocked my early years,
that had printed in me their faded drawings with blurred outlines ... Those cracks that gave to me the impetus to leave them ...
and meet them again, later, so beautiful... I count my strides; I open up furrows ...
I slip into my ghostly steps like in a barefoot mold ... I walk like whispering...

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