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Un café transformé en résidence d’artistes

Le musicien Marc Aymon a transformé un ancien café de village en résidence artistique atypique. Un lieu encore secret, dévoilé au public pour la première fois ici.

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Texte: Patricia Lunghi Photos : Nicolas Sedlatchek

Le coffret Humains de Marc Aymon inclut l’enregistrement sur différents supports et un livre de photos. marcaymon.com

Situé dans un village paisible au bord d’une rivière au cœur du Valais, le Café des Alpes est devenu une sorte de laboratoire pluridisciplinaire qui accueille des artistes de passage. L’aventure est née à l’issue d’une série de concerts qui a entraîné le musicien sur les routes du monde entier. C’est à son retour en Suisse que germe l’idée de ce lieu. Épuisé, Marc Aymon se repose alors chez le designer Xavier Aymon (aucun lien de parenté entre eux) qui a conçu une partie des luminaires présentés sur scène. C’est au cours de leurs échanges que le chanteur réalise qu’il a envie d’un endroit où il pourrait se poser mais aussi accueillir des artistes; un lieu fonctionnant sur la base de valeurs différentes. Le designer lui présente l’architecte genevois Thomas Bregman du bureau B29 qui accepte à son tour de relever le défi. Grâce à la collaboration avec Thomas Bregman, et Xavier Aymon pour l’éclairage et la domotique, l’ancien café de village s’est construit une nouvelle vie.

Le sous-sol a été peint en bleu klein, couleur de référence de Marc Aymon.

«À l’âge de 16 ans, j’ai pris une guitare dans les mains et ce fut comme une nouvelle naissance. Je n’étais plus le mec bizarre et silencieux de l’école, j’étais devenu le chanteur et j’ai pu sortir avec la plus belle fille de l’école. Soudain, j’existais.»

RETROUVER L’ESPRIT DES DÉBUTS

Avec un rythme d’environ cinq fois par an, des artistes suisses ou internationaux sont invités pour deux semaines de résidence et reçoivent une petite bourse. «J’aime l’idée que des choses naissent ici, que le lieu devient partie prenante du processus créatif d’un futur projet, annonce Marc Aymon. Il n’y a pas de concours ni de casting, c’est moi qui appelle les artistes, designers ou photographes dont j’apprécie le travail. Je les invite ici en leur proposant de revenir à leurs débuts quand ils travaillaient dans leur cuisine. Cela peut être comme une forme de reset pour des artistes qui ont besoin de faire une pause, un espace-temps de liberté totale où on ne leur demande rien. C’est là que les surprises arrivent.»

UN LIEU INSPIRANT

Le seuil à peine franchi, l’ancien café s’ouvre sur une pièce où trône une grande table qui fait office de table de repas ou d’espace de travail. En traversant le rez-de-chaussée, on débouche sur une cuisine décontractée donnant accès au jardin. Élément central de la résidence, conçu comme une œuvre à part entière par Thomas Bregman, le sculptural escalier bleu Klein créé ex novo dessert le sous-sol et l’étage. Ce dernier accueille une chambre à coucher et un salon convivial, entre musée et cabinet de curiosités, dont la bibliothèque regorge de livres d’art, céramiques, jouets, photos et vinyles qui se mêlent à la collection de guitares de Marc Aymon. Œuvre très appréciée par le musicien valaisan, une grande croix de l’artiste Valentin Carron, résident de la première heure, fait face à la jolie terrasse avec vue sur les montagnes. Et pour finir en beauté, au sous-sol, un espace à part, sous une grande voûte enveloppée de bleu électrique, une grotte à tout faire: studio de répétition ou d’enregistrement, salle de spectacles ou home cinéma.

UN ESPACE EN ÉVOLUTION PERMANENTE

Invité pour une résidence, le designer François Chambard s’est immédiatement intéressé au projet, il a apporté des luminaires qu’il a réalisés lui-même et des pièces de mobilier prêtées pour quatre ans. Présente avant même le début des travaux, la jeune plasticienne Virginie Rebetez a transcrit la mémoire des lieux, les traces du passé en photos. Son livre Archives de poussière dévoile une galerie de gens disparus, des sortes de portraits par l’absence à travers des photos d’objets leur ayant appartenu, comme une vieille pipe de grand-père. Autre talent, le musicien lausannois François Vé y a créé un abécédaire philosophique du langage des oiseaux. Parfois des œuvres sont déposées temporairement, d’autres restent grâce à la bienveillance, notamment, de la galeriste Odile Salvadore dont les pièces de mobilier vintage habillent l’espace et avec laquelle Marc a noué une grande amitié. «Ce lieu démocratique, sans hiérarchie, appartient à tous ceux qui y sont passés, il se construit au fur et à mesure», conclut Marc Aymon.