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4.15 Améliorer l’efficience avec le système intégré d’assistance sociale de la Turquie

Les registres sociaux et leur interopérabilité avec d’autres systèmes d’information administratifs

Les registres sociaux peuvent obtenir des données issues d’autres systèmes d’information. En effet, les données peuvent être collectées d’autres systèmes administratifs pour préremplir les formulaires de demande ou compléter les informations autodéclarées fournies par les demandeurs. L’intégration à d’autres systèmes permet de vérifier les informations obtenues du client et s’assurer qu’elles correspondent aux informations contenues dans d’autres systèmes d’information administrative faisant foi (vérifications croisées externes). Enfin, les données issues de l’évaluation des besoins et des conditions de vie peuvent être fournies par le registre à d’autres programmes pour les aider à prendre des décisions en matière d’éligibilité et d’inscription. L’ISAS en Turquie constitue l’exemple patent d’un système qui a considérablement amélioré son efficience à l’aide d’une telle interopérabilité (encadré 4.15).

Avec la pénétration rapide des appareils mobiles et la couverture du réseau mobile, les applications mobiles sont utilisées pour l’accueil et l’enregistrement des demandes, les vérifications croisées, et la détermination de l’éligibilité. Dans certains pays, des applications logicielles front office peuvent être disponibles pour les travailleurs sociaux à leur bureau (ou sur des tablettes/appareils mobiles) ou pour les opérateurs de saisie de données qui devront entrer lesdites données dans le système. En dépit de la disponibilité de telles applications, les travailleurs sociaux peuvent toujours finir par utiliser des formulaires papier pour plus de rapidité et d’efficience lorsqu’ils sont en face à face avec des demandeurs dans leur bureau ou sur le terrain. Ils peuvent ensuite utiliser une application logicielle pour entrer les données durant les moments libres. De tels scénarios beaucoup plus probables qu’improbables montrent que ces logiciels doivent être développés en gardant à l’esprit les principes de conception centrés sur l’humain, de façon à ne pas placer une charge administrative inutile sur les clients ou les travailleurs sociaux.

Les informations données par les clients sont logées et gérées dans des systèmes de gestion de base de données. L’architecture de la gestion des données varie considérablement d’un pays à l’autre, et il n’en existe pas un modèle unique. Les systèmes d’information sont développés au fil du temps avec des technologies et approches de gestion de bases de

Encadré 4.15 Améliorer l’efficience avec le système intégré d’assistance sociale de la Turquie

En 2010, le Système intégré d’assistance sociale de Turquie (ISAS) a été lancé par la Direction générale de l’assistance sociale (GDSA), pour contribuer à remédier aux faiblesses suivantes identifiées dans le système d’assistance sociale de Turquie : (1) Une intégration limitée entre les fondations d’assistance sociale et de solidarité (SASF), qui signifiait que les ménages pouvaient postuler à des programmes similaires à plus d’un bureau et bénéficier ainsi de prestations très semblables, (2) des inefficiences administratives affectant tant les demandeurs que les bénéficiaires, (3) des temps de traitement prolongés, et (4) une mauvaise qualité de l’information.

L’ISAS tire parti de précédentes tentatives d’améliorer la situation. En 2005, l’introduction de guichets ou centres de services uniques a permis de transférer aux agents de première ligne la charge administrative des demandeurs, qui avaient la responsabilité d’apporter les documents justificatifs. En 2009, un Système d’information d’assistance sociale (SAIS) a automatisé le processus de collecte de données fondées sur le service web de divers systèmes d’information administratifs tels que Mernis (ID), la sécurité sociale et l’emploi. Ces précédents ont permis la création en 2010 du Système intégré d’assistance sociale (ISAS). L’ISAS relie les informations issues de 24 organisations publiques afin de faciliter la gestion de programmes de protection sociale, notamment en ce qui concerne les demandes, la détermination de l’éligibilité, les décisions d’inscription, les paiements, la gestion des opérations des bénéficiaires, la comptabilité automatisée et l’audit.

suite

Encadré 4.15 (suite)

Depuis son introduction, l’ISAS a eu un impact majeur sur l’exécution des programmes de protection sociale en Turquie. Il a permis à la Direction générale d’assistance sociale (GDSA) d’avancer avec une approche axée sur les ménages et de garantir l’harmonisation en matière de demande, de détermination de l’éligibilité, de paiements et de gestion des opérations des bénéficiaires. Par ailleurs, il a considérablement réduit le temps, le coût et les efforts d’administration des programmes de protection sociale, et a amélioré l’expérience client concernant l’interaction avec les agents de première ligne. Comme exemples d’efficiences réalisées grâce à l’ISAS, on peut notamment citer :

n Une meilleure efficience du processus d’accueil et d’enregistrement des demandes. Avant l’ISAS, tout le processus de demande à bénéficier d’un programme de protection sociale était entièrement sur papier. La demande pour un seul programme nécessitait au moins 17 documents papier différents, à collecter auprès des entités gouvernementales et organisations compétentes, y compris, mais sans s’y limiter, les informations et dossiers sur l’identification, la sécurité sociale (de trois institutions), l’emploi, les actifs, les véhicules, le registre foncier, les impôts, les frais de scolarité et les bourses, l’éducation et la santé.

Le processus de demande à lui seul prenait de 15 jours à un mois. Avec l’ISAS, le processus de demande est désormais de quelques minutes seulement. Les individus peuvent déposer une demande à la SASF de leur district sans aucun document valide, à l’exception de leur carte d’identité. L’ISAS crée alors un fichier du ménage et recueille les informations requises des bases de données interconnectées des collectivités territoriales pour chaque personne du ménage

en quelques secondes. Après une présélection initiale, les travailleurs sociaux effectuent une visite à domicile afin de compléter et vérifier les informations. n Moins de fragmentation entre les programmes et peu de personnel dédié. Avant l’ISAS, la protection sociale était fragmentée entre de nombreux programmes et institutions. Par exemple, les pensions de vieillesse et d’invalidité étaient gérées par plus de 250 membres du personnel de la

Direction générale des paiements non contributifs.

Le programme de pensions, initié en 1976 comprenait alors plus de 1,2 million de bénéficiaires actifs. Il était complètement sur papier, et il fallait en moyenne un an et demi pour qu’une personne soit éligible. Avec le lancement de l’ISAS et une révision majeure des lois et règlements, l’ancienne direction générale a été fermée, et le programme de pensions de vieillesse et d’invalidité transféré à la GDSA. Actuellement géré par un département composé de cinq à sept membres de personnel, le délai pour la demande et l’éligibilité au programme est réduit à moins d’un mois. n Autres réalisations. Avant l’ISAS, les collectivités territoriales étaient plus réticentes à partager les données avec les institutions et les ministères de tutelle. Avec l’ISAS, les collectivités concernées ont compris quels sont les avantages d’un tel partage : une meilleure efficience du ciblage, la réduction des coûts administratifs, une plus grande transparence dans la détermination de l’éligibilité et une utilisation plus efficace des fonds publics.

Une mise en œuvre des programmes plus efficiente a également permis à l’ISAS d’avoir un impact considérable, comme pour le suivi des conditions d’éligibilité des transferts monétaires conditionnels. Cet aspect est présenté au chapitre 8.

Source : Turquie, ministère de la Famille et des Politiques sociales 2018.

données différentes. Ils peuvent être détenus par plusieurs sections d’une organisation. Cette fragmentation a pour résultat une dispersion des données dans de nombreux matériels, logiciels, frontières organisationnelles et géographiques.

De nombreux types de modèles architecturaux sont possibles pour gérer les données et améliorer les performances du système.

l Pour certains pays, le registre social exploite un système de gestion autonome de base de données, sans liens vers les autres systèmes administratifs des organismes publics ou des niveaux d’administration. Il est programmé pour répondre aux demandes d’ordinateurs clients connectés à un serveur de base de données. Les registres sociaux autonomes dépendent en grande partie des informations fournies personnellement par les clients, lesquelles proviennent de séries d’enquêtes de recensement en masse ou de formulaires d’accueil et d’enregistrement des demandes. l Dans les pays où le registre social fait partie intégrante d’une architecture de gestion des systèmes d’information des institutions de l’ensemble du gouvernement, il peut utiliser soit un modèle centralisé, soit un modèle virtuel/fédéré. Dans un modèle centralisé, les données sont issues d’autres systèmes, répliquées et stockées localement. Un modèle fédéré ou virtuel permet un échange de données avec d’autres systèmes qui stockent des données dans des systèmes de gestion de bases de données ou modèles de stockage incompatibles, lesquels pourraient avoir été développés à des moments différents par différentes entités. Une base de données fédérée ou virtuelle est connectée à plusieurs sources comme s’il s’agissait d’une seule entité. Ces bases de données sont connectées par un réseau d’ordinateurs et on peut par conséquent y accéder comme s’ils provenaient d’une seule base de données. Le but est de pouvoir afficher les données et d’y accéder d’une façon unifiée sans avoir besoin de les copier ou de les dupliquer dans plusieurs bases de données ou encore de combiner manuellement les résultats issus de nombreuses requêtes.

L’interopérabilité des systèmes est nécessaire pour permettre aux registres sociaux de communiquer avec d’autres systèmes administratifs. Les normes techniques, les normes de données et les normes de processus doivent être fixées pour garantir l’interopérabilité. Le client doit être identifié sans équivoque dans les systèmes pour permettre la liaison entre les données. Le document d’identification joue aussi un rôle clé par une identification précise du client au moment de son enregistrement. Les exemples de types de systèmes administratifs auxquels les registres sociaux se connectent sont entre autres : les plateformes d’identification fondamentales (essentielles pour l’identification et l’interopérabilité), les registres civils pour les informations de naissance et de décès, les systèmes fiscaux, les registres de logement et de propriété, ainsi que les systèmes relatifs aux cotisations sociales, aux prestations de retraite, à l’assurance maladie, à l’éducation, et à la gestion de véhicules.

Les protocoles peuvent régler les problèmes de conflits de données entre le registre social et les autres systèmes d’information. Dans certains pays, l’application logicielle affiche des signaux d’alarme ou des messages d’alerte signalant une nécessité de vérification, de mise à jour ou de rectification, qui font alors l’objet d’une vérification croisée orale auprès des clients lorsqu’ils entrent en contact avec le travailleur social, les équipes mobiles, le centre de service ou autre personnel de première ligne. Le Pakistan, par exemple, a piloté cette approche. Dans d’autres pays comme le Chili, il existe des protocoles pour les mises à jour et la rectification de données. Le point de données ayant l’horodatage le plus récent prévaut; il est alors recoupé oralement par le client au point d’accueil et d’enregistrement des demandes, ou lorsqu’il entre en contact avec le personnel de première ligne. En Turquie, le système alerte les gestionnaires de programmes en cas de conflits de données à l’aide d’une liste de tâches avec points d’action.

Les registres sociaux peuvent interopérer avec les systèmes de gestion des opérations des bénéficiaires pour fournir des données sur les demandeurs/enregistrés potentiellement éligibles afin de déterminer ultérieurement leur éligibilité à un programme spécifique (voir aussi le chapitre 5). Au Malawi, le Programme de transfert en espèces social (PTMS) et le Programme des travaux publics (PWP) accèdent aux données du registre social (dénommé UBR) sur les ménages, et à leurs scores PMT, afin de créer des listes de bénéficiaires potentiels, qui sont par la suite validées lors de réunions