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et de la prise de décision : Comté d’Allegheny, Pennsylvanie (États-Unis

Encadré 4.10 Utilisation de l’intégration des données et de l’analyse prédictive en support du dépistage et de la prise de décision : Comté d’Allegheny, Pennsylvanie (États-Unis)

Le Département des services sociaux (DSS) du comté d’Allegheny, en Pennsylvanie (États-Unis), expérimente activement différents moyens d’utiliser l’intégration de données et l’analyse prédictive pour développer un modèle de pratiques intégrées pour ses services sociaux. L’un des objectifs de cette approche est l’amélioration de la prise de décision dans l’évaluation et la prévention de la maltraitance des enfants.

Objectif. L’objectif est de développer un outil qui aiderait les travailleurs de l’aide sociale à l’enfance à décider s’il est opportun de mener une enquête plus approfondie lorsqu’un cas de maltraitance d’enfant leur est signalé. L’objectif est de compléter (et non de remplacer) l’évaluation clinique des travailleurs sociaux par un outil de notation qui intégrerait des données sur les personnes impliquées afin de refléter les tendances passées et d’estimer la probabilité que l’enfant puisse être à nouveau en danger.

Énoncé du problème. Avant le développement de l’outil de notation, les données historiques montrent une surestimation du risque pour 48 % des cas, avec le déclenchement injustifié d’une enquête plus approfondie (erreur d’inclusion) et qu’à l’inverse, des erreurs de sous-estimation pour 27 % des cas ont conduit par erreur à un classement sans suite (erreur d’exclusion). Cette situation résulte principalement du peu d’informations accessibles aux travailleurs sociaux de la protection de l’enfance, généralement limitées aux allégations spécifiques et aux détails de l’événement présumé de maltraitance. De plus, les informations sont par nature asymétriques (l’agresseur présumé étant incité à cacher son comportement) et de nombreux facteurs peuvent obscurcir l’évaluation de la situation. Les travailleurs sociaux pouvaient avoir accès à d’autres données disponibles dans les systèmes d’information interconnectés, mais ne disposaient d’aucun moyen automatique de prise en compte de ces informations.

Modélisation par analyse prédictive et inté-

gration des données. Une équipe de recherche en collaboration avec le DSS a développé un modèle d’analyse prédictive pour prédire la probabilité qu’un juge ordonne le retrait d’un enfant du domicile familial après signalement d’un cas de maltraitance à un centre d’accueil dédié a. Cette variable dépendante (probabilité d’un placement hors du domicile) concerne une décision extrême dans les cas de maltraitance d’enfant, et le modèle a cherché à identifier les facteurs de risque associés à un tel résultat. En utilisant des données administratives provenant de sources de données internes et externes déjà enregistrées «dans le système», ils ont identifié plus de 100 facteurs de prédiction d’un futur besoin d’orientation ou placement hors du domicile familial. Les données internes proviennent des différentes unités du DSS et concernent la vieillesse, la protection de l’enfance, le traitement des dépendances (drogues et alcool), l’intervention précoce, le soutien familial, le programme HeadStart (programme de développement de la petite enfance), l’assistance aux sansabri, les aides au logement, la santé mentale et la déficience intellectuelle. Les données externes proviennent d’autres systèmes d’information administratifs, en particulier le registre des naissances, les dossiers d’autopsie, les prestations publiques d’aide sociale, l’aide publique au logement, le programme d’aide à la santé (Medicaid), le système scolaire, les systèmes de probation des mineurs et d’incarcération du comté, le système judiciaire des adultes et des familles, les appels d’urgence au 911 et différentes sources du secteur privé propres à l’emploi et à l’industrie. L’équipe a développé, en conjuguant ces données à un modèle d’analyse prédictive, un score de dépistage noté de 1 à 20 selon lequel plus le score est élevé, plus la probabilité d’un futur événement est élevée (maltraitance d’enfant, placement hors domicile, réorientation). Elle a ensuite «noté» des milliers de rapports historiques de maltraitance d’enfants afin de déterminer si le modèle développé pouvait améliorer la prise de décision après évaluation des cas de maltraitance d’enfant, puis a retracé l’historique des retours ultérieurs pour mesurer le nombre de cas où le modèle s’avérait correct.

Résultats. Ils ont constaté que leur modèle prédisait avec précision et dans une large mesure les futurs placements hors domicile. Plus précisément, 1 % des enfants pour lesquels le score prédictif était 1 (risque faible) et 50 % des enfants dont le score prédictif était 20 (risque le plus élevé) avaient été placés hors du domicile dans les deux ans suivant le signalement. La validation externe a montré que par rapport à un

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Encadré 4.10 (suite)

enfant dont le score prédictif était 1, un enfant dont le score atteignait 20 était 21 fois plus susceptible d’avoir une blessure auto-infligée, 17 fois plus susceptible d’être agressé physiquement et 1,4 fois plus susceptible d’être hospitalisé pour une chute accidentelle.

Changements intervenus ultérieurement dans les processus opérationnels, politiques et de prise

de décision. Cet outil a entraîné la modification des politiques et des processus opérationnels. Tout d’abord, le comté a développé une interface de première ligne qui permet, entre autres, aux travailleurs sociaux «d’appuyer sur un bouton» pour calculer le score de dépistage familial, calcul qui a été également intégré dans les processus opérationnels standard. Dans une deuxième étape, et face au scepticisme des travailleurs sociaux, l’accent a porté sur certains changements culturels pour les encourager à réellement utiliser l’outil, notamment en soulignant qu’il ne remplaçait pas leur évaluation clinique, mais leur donnait simplement des informations supplémentaires utiles à leur évaluation. Par la suite, le comté a adopté des mesures qui obligeaient les travailleurs sociaux à utiliser l’outil de dépistage et à calculer le score de dépistage familial pour tous les cas signalés de maltraitance d’enfants. Enfin, le comté a adopté une mesure exigeant que tous les cas signalés de maltraitance d’enfants dont le score de dépistage atteignait 20 donnent lieu à une enquête supplémentaire. Voir Eubanks (2018) pour une critique de l’utilisation de tels modèles prédictifs.

Source : Dalton 2018. a. Les membres de l’équipe de recherche étaient : Rhema Vaithianathan, Université de technologie d’Auckland; Emily PutnamHornstein, Université de Californie du Sud; Irène de Haan, Université d’Auckland; Marianne Bitler, Université de Californie à Irvine; Tim Maloney, Université de technologie d’Auckland et Nan Jiang, Université de technologie d’Auckland. L’équipe incluait également des experts en éthique, dont Tim Dare, Université d’Auckland et Eileen Gambrill, Université de Californie à Berkeley, ainsi que les évaluateurs : Hornby-Zellar Associates (pour évaluer les aspects du processus) et l’Université de Stanford (pour évaluer les impacts).

L’exemple d’une telle approche consiste à dépister les individus exposés à des risques sociaux dans le cadre d’un profil d’employabilité de demandeurs d’emploi. Pour illustrer ce défi, la figure 4.5 représente à la fois l’employabilité et la complexité des risques sociaux. Les conseillers à l’emploi dressent généralement le profil des demandeurs d’emploi et des chômeurs afin de déterminer leur degré d’employabilité, en se concentrant sur les groupes 1 et 2 de la figure 4.5. Mais un tel profilage pourrait ignorer les barrières sociales qui peuvent affecter la capacité à l’emploi. Certaines personnes peuvent être relativement aptes au travail, et désireuses de travailler, mais se heurtent à des barrières sociales qui pourraient être levées par d’autres interventions que les actions des services de l’emploi et les programmes actifs du marché du travail (PAMT) (groupe 3 de la figure 4.5). Les personnes devant surmonter de tels obstacles sont par exemple les travailleurs handicapés qui peuvent facilement exercer certains des emplois proposés à condition qu’ils puissent accéder à des installations et services adaptés (chiens d’aveugle, applications de transcription pour les aveugles et les sourds, etc.) et les parents célibataires avec de jeunes enfants qui peuvent travailler à condition de disposer de services adaptés de garde d’enfants. Certains demandeurs d’emploi peuvent être confrontés à des risques sociaux complexes et ne pas être immédiatement employables (groupe 4 de la figure 4.5). Si le profilage et les évaluations d’employabilité ne tiennent pas compte de ces facteurs de risque social, incorporer ces personnes dans les services standard pour l’emploi et les PAMT ne serait ni efficace ni efficient.

Les évaluations communes de facteurs spécifiques peuvent être également partagées entre les programmes, par exemple, lors de l’évaluation des besoins et des conditions de vie, quand différents programmes demandent les mêmes informations lors de l’accueil et l’enregistrement. Cette situation est courante pour l’évaluation du statut socio-économique des personnes, statut qui peut être exigé par de nombreux programmes tels que les pensions sociales sous condition de ressources pour les personnes âgées pauvres ou en situation de handicap, les prestations et ensembles de