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2.3 Cadre des systèmes de mise en œuvre — illustration à l’aide d’un exemple composite

2.3 CADRE DES SYSTÈMES DE MISE EN ŒUVRE —

ILLUSTRATION À L’AIDE D’UN EXEMPLE COMPOSITE

L’exemple hypothétique d’un programme de prestation d’aide en cas de chômage combinée à des exigences d’activation décrit dans cette section illustre le cadre des systèmes de mise en œuvre. Il regroupe les pratiques réelles de plusieurs systèmes de transfert monétaire et de services de protection sociale que nous avons observées dans différents pays. Cet exemple montre comment les différents éléments du cadre des systèmes de mise en œuvre s’associent pour fournir les bénéfices et les services à l’aide d’une vue complète de la chaîne de mise en œuvre. En outre, il expose l’utilité de la cartographie de la chaîne de mise en œuvre, de la cartographie des parcours, des indicateurs de performance et d’autres outils de diagnostic dans l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des systèmes de mise en œuvre, tant du point de vue des gestionnaires de programme que des clients. Enfin, il démontre le bien-fondé de bon nombre des principaux messages de ce Manuel de référence.

Planter le décor : le système de protection sociale de la République de Morlandia

Contexte : L’exemple a pour décor l’hypothétique République de Morlandia, pays dynamique à revenu intermédiaire et peuplé de 28 millions d’habitants. Morlandia a connu une forte croissance au cours de la dernière décennie grâce à une économie diversifiée basée sur les produits de la mer et l’agro-industrie, le tourisme durable, le textile, l’électronique, les énergies renouvelables, les services financiers et un secteur de l’industrie et des services technologiques, de petite taille, mais en croissance et qui a attiré d’importants investissements locaux et étrangers. L’économie est un mélange d’entreprises privées et de sociétés publiques. Bénéficiant d’un large accès à la mer, Morlandia a également développé des zones économiques exclusives (ZÉE) afin de promouvoir l’économie maritime. Cependant, le pays enregistre, en plus d’une forte croissance, les conséquences néfastes du changement climatique, en particulier dans les zones côtières. Il est également particulièrement vulnérable aux fortes tempêtes tropicales et aux inondations.

Gouvernement : La République de Morlandia est une démocratie constitutionnelle présidentielle unitaire découpée en 12 régions administratives. Le ministère de la Décentralisation supervise les autorités locales, les conseils municipaux et les cantons. Par rapport aux autres pays de la région, Morlandia a investi une part importante de son PIB dans les secteurs sociaux : 4,3 % dans l’éducation, 3,9 % dans la santé et 6 % dans la protection sociale (principalement pour les retraites et l’assurance sociale, mais aussi 1,3 % pour l’assistance sociale). Cependant, les programmes de protection sociale sont répartis entre plusieurs agences et bénéficieraient de la collaboration d’autres entités gouvernementales.

l Le ministère des Affaires sociales (MdAS) est responsable des programmes sociaux visant à secourir et à protéger les personnes pauvres ou vulnérables. Les principaux programmes mis en œuvre sont (1) le système d’allocation universelle pour les enfants (UCA), petite prestation accordée à tous les enfants de la naissance jusqu’à l’âge de 16 ans, à laquelle s’ajoute une allocation supplémentaire (UCA-PLUS) accordée aux enfants orphelins, aux enfants des familles pauvres ou sans emploi, aux enfants des rues et à d’autres catégories vulnérables, (2) le programme pour les familles dans le besoin (PFB), un transfert en espèces pour les ménages vivant dans un état de pauvreté chronique, (3) un système d’aide en cas de chômage (AcC) accordée sous condition de ressources aux adultes qui travaillaient, ne cotisaient pas à l’assurance chômage et viennent de perdre leur emploi et (4) de nombreux autres petits transferts et services sociaux adaptés à d’autres populations vulnérables spécifiques. Le MdAS gère les bureaux délocalisés des services sociaux (BSS) ainsi que l’UNISO, registre social informatisé qui permet l’enregistrement et la détermination de l’éligibilité des demandeurs à différents programmes sociaux, notamment l’allocation universelle pour les enfants (UCA et UCA-

PLUS), le programme pour les familles dans le besoin (PFB) et l’aide en cas de chômage (AcC). l Le Département du travail et de l’emploi (DTE) du ministère du Travail, de l’Industrie et de l’Économie

(MTIE) supervise le Fonds d’assurance chômage (FAC) de Morlandia pour les travailleurs du secteur formel et délivre différents services relatifs à l’emploi, notamment d’informations, d’inscription, de conseil, d’insertion professionnelle, d’inspections des permis de travail et d’autres services en découlant. Le DTE gère les bureaux délocalisés des services pour l’emploi (BSE) ainsi que le système national d’emploi et d’assurance (SNEA) qui enregistre les données des contrats de travail et les cotisations mensuelles d’assurance chômage des employeurs et des employés. l L’Institut de sécurité sociale (ISS) est une agence semi-autonome placée sous la tutelle générale du

MTIE et gère les prestations de sécurité sociale pour les travailleurs du secteur formel qui sont à la retraite, ainsi qu’une petite allocation sociale pour les personnes pauvres, âgées ou en situation de handicap.

L’ISS exploite ses propres bureaux délocalisés (BISS).

Le système informatique des prestations de l’ISS est relié aux systèmes de l’administration fiscale (puisque les cotisations obligatoires de sécurité sociale sont perçues avec les impôts). l Le Bureau central de l’état civil (BCEC) gère l’état civil et le système d’identification des personnes.

Morlandia est l’un des rares pays de la région à disposer d’une large couverture de l’enregistrement de l’état civil et de l’identification. Les citoyens de

Morlandia étaient auparavant identifiés à l’aide d’une carte d’identité en papier, progressivement supprimée et remplacée par une nouvelle carte d’identité biométrique de la Morlandia (CIM) qui prouve l’identité des personnes et permet les transactions sécurisées et fiables des services électroniques. La CIM enregistre le nom, la photographie, le numéro d’identification, le logo «PA» pour les personnes âgées, un code-barres lisible par machine, la date de naissance, l’adresse résidentielle, quatre modèles d’empreintes digitales ainsi qu’un certificat numérique qui garantit que les données enregistrées dans la carte ne peuvent être lues qu’à travers l’autorité de certification CIM. l Les autres administrations parties prenantes dans la protection sociale sont (1) le ministère de l’Innovation et de la Technologie (MIT), activement impliqué dans la promotion de l’économie numérique en pleine croissance en Morlandia et à la tête d’un important programme de gouvernance en ligne (e-GOV) destiné à améliorer les prestations des services publics et apporter au public un plus grand confort. Le programme e-GOV a déjà déployé plusieurs projets de systèmes d’information dans tous les ministères de tutelle, encouragé les capacités d’interopérabilité entre les ministères et soutenu le développement de l’UNISO au sein du MdAS, (2) le ministère de la Santé (MdS) qui gère les subventions d’assurance maladie sous conditions de ressources, tandis que (3) le ministère de l’Éducation (MdE) gère le programme national des cantines scolaires, des bourses d’études (basées sur les besoins et le mérite) et les bons «JumpStart» qui aident les enfants des familles pauvres à participer aux programmes destinés à la petite enfance.

Deux scénarios d’évolution des systèmes de mise

en œuvre de protection sociale. Notre hypothétique exemple composite comprend deux scénarios articulés autour d’un point central : le scénario 1 se déroule «quelques années plus tôt» et le scénario 2 se déroule «quelques années plus tard». Il serait tentant de raconter l’histoire d’une mauvaise bureaucratie et de réformes qui ont amené des améliorations, mais ce n’est généralement pas le cas des systèmes de mise en œuvre. Au contraire, l’évolution des systèmes de mise en œuvre de la protection sociale est continue et souvent non linéaire : les erreurs, l’apprentissage, les corrections à mi-parcours, les ajustements, les inversions, etc., jouent généralement un rôle dans l’expansion et l’amélioration des systèmes. Nous plaçons donc nos deux scénarios à des instants d’un long parcours évolutif continu, et chaque scénario est vivant et évolue au gré des précédentes réformes, améliorations et défis qui doivent encore être relevés.

l Scénario 1, qui se déroule « quelques années plus tôt » : l’informatisation et la CIM ouvrent la voie à l’interopérabilité des systèmes d’information. Le programme e-GOV du MIT a beaucoup investi dans le développement de la CIM biométrique pour assurer l’identification et l’authentification de tous les citoyens de Morlandia. Ce développement a permis une amélioration majeure pour les services publics et privés et a contribué à relier plusieurs systèmes administratifs par l’interopérabilité des systèmes et l’utilisation par ces systèmes du numéro CIM unique.

Pour faciliter ces efforts, le gouvernement de

Morlandia a adopté une législation régissant l’utilisation et la protection des données personnelles, mis en place des protocoles normalisés pour le partage des données et investit davantage dans la sécurité. Le projet d’interopérabilité est en cours de déploiement dans toutes les agences. Après quelques problèmes initiaux dus à des enregistrements en double, des données incohérentes entre les agences et des données incomplètes et de mauvaise qualité dans plusieurs systèmes, la plupart des enregistrements des travailleurs du secteur formel sont désormais partagés par le MTIE, l’ISS et l’administration fiscale ainsi qu’avec d’autres ministères et départements. Plus récemment, le MIT a travaillé avec le MdAS, notamment en soutenant le développement et le fonctionnement du registre social du MdAS (UNISO) et le système de gestion des opérations des bénéficiaires (SGOB). La création du registre UNISO a été une étape importante dans l’harmonisation des critères de ressources applicables à toutes les prestations sociales.

Bien qu’UNISO prenne en charge les informations au niveau des ménages, il offre également une certaine interopérabilité au niveau individuel avec d’autres systèmes. Malheureusement, la plupart de ces améliorations d’interopérabilité ont été purement administratives, et de nombreuses fonctions de première ligne des BSE, BSS et BISS locaux ne sont toujours pas interconnectées. l Scénario 2, qui se déroule « quelques années plus tard », après le scénario 1 : les systèmes continuent de s’améliorer, y compris les systèmes de première ligne. Des améliorations significatives ont été apportées aux systèmes de Morlandia. À l’échelle du gouvernement, le MIT a poussé pour une rapide informatisation de tous les paiements G2P de protection sociale, a étendu son projet d’interopérabilité à d’autres agences et a développé une application interactive de services en ligne baptisée

«MyMorlandia.gov». Le MdAS a également continué à améliorer les systèmes, en particulier à travers différentes réformes à effet rapide, la simplification des processus et d’autres améliorations. Dans le cadre de la stratégie gouvernementale de politique sociale

« Morlandia Cares », le MdAS a également conclu des accords avec plusieurs ministères pour leur permettre d’utiliser UNISO et leur faciliter ainsi l’accès à d’autres prestations sous condition de ressources (telles que les subventions à l’assurance maladie du MdS, le programme «Jump Start » du MdE et le tarif énergétique à caractère social). Le déploiement de ces réformes ne s’est pas déroulé sans problèmes et des défis subsistent, mais l’efficacité et l’efficience des programmes de protection sociale se sont améliorées sur bien des points.

Les clientes : Anaïs et Naomi. Nos scénarios mettent en scène deux mères qui travaillent, Anaïs et Naomi. Leurs parcours sont très différents, mais toutes deux travaillent dur et parviennent à s’en sortir chaque mois grâce à leurs revenus auxquels s’ajoutent les petites allocations familiales pour leurs enfants qui vivent avec elles. La mère d’Anaïs, en situation de handicap, vit également avec elle et reçoit une petite pension d’invalidité de l’ISS. Pour des raisons indépendantes de leur volonté, toutes les deux perdent leur emploi, ce qui porte un coup dur à la situation économique de leurs familles. Suivons leur parcours alors qu’elles naviguent dans le processus de recherche de prestations et de services sociaux qui pourront les aider à s’en sortir après ces revers, d’abord Anaïs dans le scénario 1, puis Naomi dans le scénario 2.

Scénario 1 : Le parcours d’Anaïs, quelques années plus tôt

Dans le scénario 1, qui se déroule il y a plusieurs années, nous rencontrons Anaïs, une mère célibataire qui vit avec sa mère âgée et ses deux enfants qui fréquentent tous deux l’école primaire. Leur maison est une petite maison en béton avec plomberie extérieure, construite dans les années 1970 et qui appartient à la mère d’Anaïs, veuve par suite du décès prématuré de son mari dans un accident. La mère d’Anaïs a été blessée dans l’accident et perçoit depuis une petite pension d’invalidité et de veuvage de l’ISS. Anaïs a abandonné l’école avant d’avoir terminé ses études secondaires afin de pouvoir aider sa famille. Elle travaille dans l’une des pêcheries artisanales de la zone économique exclusive (ZÉE). Cette pêcherie est une petite entreprise dirigée par des femmes et qui fournit des fruits de mer frais à la station écotouristique voisine et promeut une pêche durable qui n’érode pas les récifs coralliens autour de leur ville côtière. La semaine dernière, une violente tempête

tropicale a balayé leur commune et les petites entreprises de pêche, y compris celles de la ZÉE, ont été durement touchées, leurs équipements et leurs bateaux de pêche endommagés. La petite entreprise pour laquelle Anaïs travaille fait partie des entreprises les plus touchées et a dû fermer. Les responsables sont désolés de devoir licencier le personnel et ont assuré les employés qu’ils reconstruiront. En attendant, Anaïs doit maintenant faire face à la perte de son emploi. Elle n’a pas droit à l’assurance chômage, car elle n’a travaillé que quelques années dans l’entreprise qui, de toute façon, n’était pas obligée de participer au régime d’assurance chômage en tant que petite entreprise. Anaïs est anéantie par la perte de son emploi et s’inquiète de savoir comment sa famille va s’en sortir sans ses revenus, avec seulement la pension d’invalidité de sa mère et les allocations familiales de ses enfants. Elle entend à la radio un message du MdAS annonçant aux personnes concernées qu’elles peuvent demander des prestations chômage à leur BSS local. Toutefois, des amis d’Anaïs racontent d’affreuses histoires sur les difficultés qu’ils ont dû surmonter avant d’obtenir ces prestations et ils affirment que si cela va mieux maintenant, elle ne devrait toutefois pas s’attendre à obtenir beaucoup d’aide. Anaïs se demande si, dans sa situation, elle pourra obtenir des prestations et des services de chômage.

Cartographie de la chaîne de mise en œuvre avec UNISO, interopérabilité des systèmes et paiement manuel des prestations

Afin de clarifier les rôles des parties prenantes et faciliter leur coordination, les processus « métier » de tous les programmes du MdAS ont été cartographiés à l’aide d’un schéma de la chaîne de mise en œuvre (voir encadré 2.2.). La figure 2.7 montre le schéma pour les prestations d’aide en cas de chômage dans le scénario 1. Bien que l’aide en cas de chômage soit gérée par le MdAS et mise en œuvre par les BSS, les clients interagissent également avec les BSE du MTIE par deux fois : premièrement, ils doivent s’inscrire dans les BSE en tant que personnes sans emploi et obtenir une attestation certifiée attestant qu’ils sont chômeurs non assurés (CSA) et deuxièmement, ils doivent faire contrôler dans les BSE leur activité de recherche d’emploi, exigence conditionnant les prestations d’aide en cas de chômage (AcC). Bien que le MdAS et le DTE aient établi des capacités d’interopérabilité entre leurs systèmes centraux, ces réformes n’ont pas atteint leurs bureaux locaux qui ne disposent donc pas de connexion automatique et où de nombreuses fonctions restent manuelles. Par conséquent, les principaux acteurs représentés sur la figure 2.7 sont : le MdAS (ligne du haut), les BSS (qui relèvent du MdAS, deuxième ligne), les BSE (qui relèvent du DTE, troisième ligne) et les clients (ligne du bas). La figure 2.7-1 ci-dessous trace les étapes de base du scénario 1, en bleu pour les processus d’accueil, d’enregistrement et d’évaluation des besoins et des conditions de vie et en rouge pour les processus d’inscription.

l Enregistrement au BSE. Quand une personne se retrouve sans emploi et souhaite bénéficier des prestations d’AcC, elle doit tout d’abord se rendre au BSE pour s’enregistrer comme personne sans emploi et obtenir l’attestation certifiée de «chômeur non assuré » (CSA), comme indiqué à l’étape 1 de la figure 2.7. La personne sans emploi doit montrer sa

CIM et présenter un document prouvant son dernier emploi et la lettre de licenciement. L’agent du BSE chargé des inscriptions examine les documents du client et vérifie son historique d’emploi et de cotisations dans le fichier SNEA. Si le client n’est pas éligible à l’assurance chômage, le BSE émet alors l’attestation de CSA (étape 2 de la figure 2.7). l Premier contact avec le BSS. La personne sans emploi se rend ensuite au BSS pour récupérer le formulaire de demande d’AcC (étape 3 de la figure 2.7). Le BSS fournit le formulaire de demande, une liste des documents requis et différentes informations sur le processus de demande, telles qu’un aperçu du processus, les prochaines étapes et les droits et responsabilités du client, y compris les exigences de recherche d’emploi (étape 4 de la figure 2.7). l Dossier de demande d’AcC. La personne sans emploi remplit la demande, rassemble les documents requis et retourne au BSS pour soumettre le dossier de demande d’AcC (étape 5 de la figure 2.7).

Bien que l’entité demandant l’aide en cas de chômage, dont la délivrance est soumise à des conditions de ressources, soit un individu, des informations sont également requises à propos de son ménage. Les exigences en matière d’information