BIKINI JANVIER-FEVRIER-MARS 2015

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JANVIER-FÉVRIER-MARS 2015 #20



TEASING

À découvrir dans ce numéro... « D E S G L O U G L O U S D A N S L A B O U C H E  »

DRONES

TROLLS

JÄGERMEISTER

BEAUX-ARTS

DRINK PORN

« L E S M É T I E R S D E D E M A I N  » ONE-MAN-SHOW

DAME BLANCHE

GISCARD

T R AV E S T I

LUNETTES CONNECTÉES

«  J ’ A I V U L E FA N T Ô M E D E M O N P È R E  »


ÉDITO

L’HEURE DES COMPTES Imaginez que vous disposez de seulement trois jours pour gagner suffisamment d’argent pour vivre toute une année. Cela implique de faire les bons choix en amont, d’anticiper les imprévus potentiels, de bien s’entourer et, à l’issue de l’exercice, de rendre une copie parfaite. Ce “all-in”, les festivals le vivent à chaque édition. Un équilibre financier que ces événements doivent maîtriser pour que la balance ne penche pas du mauvais côté. Un jeu d’adresse qui, selon une récente étude du CNV (Centre national des variétés) sur 20 festivals bretons de 2008 à 2012, s’avère de plus en plus ardu. La cause ? Des frais d’organisation qui connaissent une hausse de 22 %, quand les recettes n’augmentent que de 18 %. Un déséquilibre que la plupart des festivals expliquent, entre autres, par l’envolée des cachets artistiques (+ 22 %). Alors que faire ? Autofinancés à 70 % et face à des aides de collectivités publiques qui reculent, ces événements ont su faire fructifier leurs recettes propres (billetterie, bar...) de manière conséquente (+ 27 %). Indéniablement, l’un des meilleurs leviers pour jouer la carte de l’autonomie budgétaire. Suffisant pour éviter ce serpent de mer que sont les partenariats privés ? Qu’ils soient bien pensés ou plus agressifs (comme avec le naming), ces échanges sont moins prisés en Bretagne qu’au plan national. Mais nul doute qu’ils apparaîtront à un moment comme une solution efficace. Principal risque avancé par les festivals : que cela se fasse au détriment de la programmation artistique. Mais auront-ils le choix ?

SOMMAIRE

La rédaction

6 à 13 WTF : artistes en couleurs, Jägermeister, clips, contes au théâtre, trolls, instruments volés, conférences en festival, corbeille... 14 à 23 « Mais c’est quoi ton job ? » 24 à 27 Jean-Michel Pas-de-Salle 28 à 31 Grand cru pour grande cuite 32 à 39 On a chassé le fantôme 40 à 47 RDV : Mourn, Douchka, Étienne Saglio, Cabadzi, le festival Longueur d’ondes, Fuzeta 48 & 49 Vide ton sac... Les beaux-arts 50 BIKINI recommande 4

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Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Brice Miclet / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Couverture : Swim Ink Corbis / Illustrations : Gwendoline Blosse / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Jean-Michel Baudry, Mickaël Le Cadre, Matthieu Noël, Étienne Cormier, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2015.



WTF

C’EST LES GROUPES EN COULEURS...

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URBAINES

PLUSIEURS ARTISTES ET CHANTEURS, AYANT OPTÉ POUR UN PATRONYME COLORÉ, SONT DE PASSAGE DANS LA RÉGION. UN AGENDA RECOMMANDÉ PAR BRUNO « QUADRICOLORE » VANDELLI.

DR

Originaires de Barbès, les quatre garçons de Scred Connexion seront le 28 février à l’Antipode de Rennes pour un concert organisé dans le cadre d’Urbaines 2015. La 1ère partie sera assurée par les locaux Micronologie, revenus dans le game ces dernières semaines avec la sortie de leur troisième album, Équations Verbales.

ARIEL PINK

DR

PATATE DE FORAIN

Film culte qui a donné à Truffaut l’envie de réaliser Les Quatre Cents Coups, Le Petit fugitif de Morris Engel conte l’histoire d’un gamin errant à la fête foraine de Coney Island. À découvrir au Théâtre de Poche à Hédé le 20 mars pour un ciné-concert joué par Éric Chenaux.

JEANNE SANS SERGE

femmes

Elle a été l’une des révélations des dernières Trans : Jeanne Added a hypnotisé son monde sur scène avec sa pop tout en tension contenue. Le 27 mars, elle sera à La Carène à Brest, en tête d’affiche du festival Les Femmes s’en mêlent. Au programme également de cette soirée, Robi. Sans Williams. 6

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Pop zinzin et clips bien chelou où il se travestit : Ariel Pink a été une des machines à hype de l’automne, depuis la sortie de l’addictif album Pom Pom, avec ses deux tubes Picture Me Gone et Put Your Number In My Phone. Le Californien ressemble au demi-frère un peu freak (complètement en fait) de l’autre déglingo de la scène indé ricaine actuelle, Mac DeMarco. Idéal si vous aimez ? Pablo Picasso (période rose bien sûr) Quand et où ? Le 27 février à La Route du Rock à Saint-Malo

ORANGE BLOSSOM

BLACK STROBE

Le projet électro-rock d’Arnaud Rebotini a accouché en octobre dernier d’un nouvel album, Godforsaken Roads. L’occasion pour ce gaillard au physique de rugbyman de confirmer son penchant pour le blues et la country, comme sur sa reprise tout en claviers de Folsom Prison Blues de Johnny Cash. Le résultat ? Une version sombre et futuriste qui nous donne envie de partir à cheval dans l’espace. Idéal si vous aimez ? Pierre Soulages Quand et où ? Le 30 janvier au Schmoul à Bain-de-Bretagne

Après dix ans de silence, Orange Blossom a sorti son troisième album, Under the Shade of Violets. De l’orange, du violet, les Nantais aiment faire eux-mêmes le mélange des couleurs (sur les muuuuurs de la cabane du pêcheur). Musicalement par contre, aucune référence à Cabrel mais de l’électro-rock teinté de world sudamérico-orientale. Frissons partout-partout à l’écoute du morceau Ya Sidi. Idéal si vous aimez ? Edvard Munch Quand et où ? Le 31 janvier au Schmoul à Bain-de-Bretagne, le 13 février à La Citrouille à Saint-Brieuc, le 14 février aux Hivernales de Jazz à Saint-Nolff


DR

JÄGERMEISTER : DEUTSCHE QUALITÄT

EN SHOT OU AVEC DE LA RED BULL, L’ALCOOL DE PLANTES DÉFONCE TOUT SUR SON PASSAGE. MAIS POURQUOI ? Very Bad Trip : quatre potes à Vegas trinquent à la Jägermeister et… ne se souviennent plus de rien jusqu’au lendemain. Une bonne illustration de l’intérêt premier de cet alcool né en Allemagne en 1934 : se chauffer en grimaçant. La marque cartonne de plus en plus en France, où elle s’est faite une place dans des festivals : Hellfest, Nördik Impakt… Mais aucun breton. Si certains comme les Trans y sont réfractaires (« ça ne correspond pas à notre image de promotion d’une fête raisonnée »), Panoramas n’est pas insensible à cet alcool amer, même s’il n’a pas encore cédé à ses avances. « La marque sait communiquer avec ses goodies pour les fans, constate l’orga. Et ça se marie bien avec le Red Bull. » C’est le fameux Jäger Bomb : un shot plongé dans 25 cl de boisson énergissante. « Ça a supplanté le Jack Daniel’s, fait remarquer Bruno du Mondo Bizarro à Rennes où la liqueur part bien. C’était connoté musique métal au début mais ça se démocratise. » Dernière raison de la hype Jäger : son logo inchangé depuis des décennies, sa bouteille verte et son étiquette old school, aisément identifiable. Même avec 3 grammes. 7


WTF

LES CLIPS, C’ÉTAIT MIEUX AVANT ? ANCIENNEMENT EN ROTATION LOURDE SUR M6, AUJOURD’HUI RELÉGUÉS SUR LA TNT ET YOUTUBE, LES CLIPS ONT DÛ S’ADAPTER À L’IMPORTANCE DU WEB ET AUX PORTEFEUILLES VIDES. AVEC DES CONSÉQUENCES CONTRASTÉES. « Le Net a permis la démocratisation des clips : ils sont accessibles à tous et faisables avec un simple reflex et de bonnes idées. » Christian Beuchet n’est pas atteint de nostalgite aiguë, pas plus que Mathieu Ezan, photographe de formation en passe de de The 1969 Club (photo), pointe faire des clips son activité principale. surtout le problème de l’exposi- « La créativité n’a pas disparu, il y tion médiatique désormais quasi a encore de belles choses à filmer », absente : « Sans émission spécialisée, explique l’auteur du clip de Dive, comment veux-tu t’y retrouver ? du groupe Fuzeta. « Pour eux, c’est Faudrait une rubrique “supers clips” une carte de visite intéressante et à sur YouTube car là c’est juste un peu de frais. C’est un support qui a robinet sans filtre. » retrouvé son côté DIY et sa liberté. » DR

Charly et Lulu présentant le dernier Ménélik au Hit Machine, Blur tournant en boucle sur MCM, des futurs stars du ciné se faisant les dents à la réal’ (Gondry, Fincher, Jonze) : l’âge d’or du clip, c’était les nineties. « Les maisons de disques mettaient les moyens, c’était pas rare d’avoir des budgets de 600 000 francs (près de 100  000 €, ndlr). Aujourd’hui, faut savoir se débrouiller avec 1 000 € », pointe le réalisateur Jo Pinto Maïa, ex-clippeur d’Alpha Blondy, Matmatah ou Zebda. Christian Beuchet, auteur du dernier clip

DR

NÉE SOUS GISCARD

À boire et à manger du côté des comiques invités par les salles de spectacles de la région : du daté (Chevallier et Laspalès), du plan cul (Bérengère Krief), du cul (Lafesse), de la virée de France 2 (Sophia Aram), du rance (les Vamps), du ventriloque (Jeff Panacloc)… Dans ce pot-pourri, on retient malgré tout Camille Chamoux (photo) avec son spectacle Née sous Giscard (le 19 mars au Carré Magique à Lannion) et le grinçant Antoine Schoumsky dont le one-man-show est déconseillé aux moins de 16 ans. C’est du brutal (le 28 mars à Dinan).

NOËL CONTINUE AVEC BIKINI Pour fêter 2015, on vous offre vos places en festival : HIP OPsession (Nantes), Les Embellies (Rennes), 360 degrés (Saint-Brieuc) et Les Hivernales du jazz (Vannes). Rendez-vous sur notre page Facebook ! 8

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Damiano

QUEL CONTE VOIR AU THÉÂTRE ?

ON SE SOUVIENT TOUS DE CES CLASSIQUES. ON PEUT DÉSORMAIS LES VOIR SUR SCÈNE DANS DES VERSIONS REVISITÉES. CENDRILLON Interprété par 27 danseurs de l’Opéra de Lyon, ce spectacle chorégraphique est un classique du ballet du 20e siècle. Créée il y a trente ans par Maguy Marin, cette pièce explore le conte de Charles Perrault, magnifié ici par une musique de Prokofiev. Quand et où ? Les 10 et 11 janvier au Théâtre de Lorient

LE PETIT CHAPERON ROUGE Un petit chaperon en jogging rouge qui, dans une forêt faite de néons, doit échapper à un loup en survet’ Adidas noir, le tout sous l’œil d’un DJ : c’est le pitch WTF de cette pièce de danse de la compagnie Divergences (photo). Quand et où ? Le 13 mars au Triangle à Rennes

HANSEL ET GRETEL Dans cette version imaginée par Métilde Weyergans et Samuel Hercule, Hansel et Gretel ne sont plus des enfants mais des personnes âgées qui vivent dans une petite ville. Tous deux sont hébergés dans la caravane de leur fils, jusqu’à ce que ce dernier décide de les abandonner dans la forêt… Putain de crise. Quand et où ? Le 20 mars au Théâtre de Lorient 9


WTF

« LES SEX PISTOLS JOUAIENT SUR DES INSTRUMENTS VOLÉS »

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TRAVELLING

Le festival Travelling, 26e du nom, fait escale cette année en Norvège. L’occasion de découvrir le cinéma local, assez largement méconnu, hormis le très bon Oslo, 31 août, qui sera d’ailleurs diffusé pour l’occasion et qui a inspiré l’affiche. Du 3 au 10 février à Rennes.

Vincent Lignier

LE BON COIN

Le photographe portraitiste Vincent Lignier a un book épais comme l’intégrale de Game of Thrones. Sur son tableau de chasse : Iggy Pop, Sofia Coppola, Spike Lee, The Hives, Tommy Lee Jones… Que du beau linge présenté lors d’une expo visible du 3 au 28 février au Triskell à Plœren dans le Morbihan.

LA BARRE DE FAIR

tubesque Le Fair Tour fait étape dans le 56 avec deux groupes dans ses bagages. Isaac Delusion, auteur avant l’été d’un premier album pop aux accents tropicaux. Et les Parisiens de Baden Baden dont le kif est de jouer des chansons mélancoliques. Deux styles, deux ambiances. Le 20 février à L’Échonova à St-Avé. 10

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L’histoire avait mal commencé, elle s’est heureusement bien terminée. Le 14 novembre dernier, à Ris Orangis, au lendemain de la quatrième date de sa tournée, la Rennaise Laetitia Shériff constate que son camion a été braqué. Butin dérobé : des guitares (dont une Fender Jazzmaster série L de 1964), un clavier et du matériel son. Émoi sur le Net où les messages de soutien affluent. Dix jours de mobilisation avant que tombe la bonne nouvelle : le 27 novembre, après que la police ait repéré le voleur (sur Le Bon Coin où il tentait de revendre son larcin), la quasi-totalité treize ans plus tard), BJM, Steve Vai, du matos est retrouvée et restituée. Dinosaur Jr ou encore Grizzly Bear (qui en 2006 écourtera sa tournée « ÇA NE SE REMPLACE PAS » européenne pour cette raison). « Un vol, c’est le genre de mésaven- La plupart de ces instruments ture qui peut miner un musicien et n’ont jamais été retrouvés. Sans le mettre au 36e sous-sol. Il y a une doute vendus sous le manteau et charge affective très forte, affirme mis à l’abri des regards par leurs le journaliste rock Pierre Mikaïloff. nouveaux propriétaires. « C’est Pour beaucoup d’artistes, un instru- comme une œuvre d’art volée, tu ne ment ne se remplace pas : tu vieillis peux la montrer à personne. Surtout avec, il prend la forme de tes doigts, quand il s’agit d’instruments rares il se bonifie avec le temps. » ou précieux, facilement identifiables Le cas Shériff est loin d’être isolé. donc, ajoute Pierre Mikaïloff pour Les vols ont toujours ponctué qui l’exemple le plus marrant reste l’histoire du rock. Les groupes les les Sex Pistols. Ils jouaient tous sur plus connus sont passés par là : les des instruments volés par Steve Jones, Stones (en 1971, Keith Richards le fondateur. Du matos qu’il avait se fait voler sa Fender Telecaster piqué à Rod Stewart et aux New lors de l’enregistrement de l’album York Dolls notamment. À l’époque, Exile on Main Street en France), ça devait être un des rares groupes Sonic Youth (dont deux guitares punk à avoir des guitares Gibson volées en 1999 seront retrouvées et des amplis Marshall. » J.M

DR

C’EST LA HANTISE DE TOUT MUSICIEN : SE FAIRE VOLER SES INSTRUMENTS. DES ROLLING STONES À LAETITIA SHÉRIFF, EN PASSANT PAR GRIZLLY BEAR, NOMBREUX SONT LES GROUPES À ÊTRE PASSÉS PAR LÀ. PETIT RÉCAP.


« LE COURS DE ROCK’N’ROLL VA COMMENCER » À QUOI SERVENT LES CONFÉRENCES EN FESTIVAL ? ET POURQUOI CERTAINS PROGRAMMATEURS SONT FANS DU CONCEPT QUAND D’AUTRES HÉSITENT ? RAMASSAGE DES COPIES À LA FIN DE L’ARTICLE. « PROCHE DU ONE-MAN-SHOW »

« Bien souvent les programmateurs ne savent pas trop quoi faire de moi… » Musicologue renommé et figure de la scène culturelle rennaise, Christophe Brault est aujourd’hui l’un des rares en France à vivre de ses conférences publiques de vulgarisation de la musique. « J’en fais autour de 80 par an mais la majorité se déroule en médiathèque », calcule-t-il. Les festivals ? Ils sont effectivement peu à proposer l’offre au public : dans le coin, les Trans, les Indisciplinées, la Route du Rock, parfois Art Rock… Que des festivals hors saison estivale. Pour les Vieilles Charrues par exemple, ce n’est « pas une priorité » pour son boss, Jérôme Tréhorel :

Pour sa dernière édition en date, la manifestation lorientaise a ainsi invité le journaliste Olivier Cachin pour parler des origines du hip-hop américain. Cet hiver comme à chaque édition, La Route du Rock fera appel à Christophe Brault pour une conférence thématique, consacrée cette année à la no wave. François Floret, son directeur, ajoute : « On a une frange du public boulimique de connaissances sur la musique, son histoire, des anecdotes. » Et contrairement à certaines idées reçues, ce n’est surtout pas chiant. « On est plus proche du one-manshow que du cours universitaire », assure Brault, qui ne porte ni collier de barbe ni veste en velours. R.D

Jean-Michel Baudry

« ÉDUQUER LE PUBLIC »

« Ne serait-ce que pour des raisons pratiques, ce serait compliqué à organiser en raison des nuisances sonores. » Thierry Houal, des Indisciplinées, complète : « L’été, les festivaliers sont là pour se défouler, ce n’est pas vraiment adapté. Avec notre festival automnal en indoor, on peut se le permettre en revanche. C’est aussi notre rôle d’éduquer le public. »

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WTF

COMMENT LES JOURNAUX GÈRENT-ILS LES TROLLS ? FIN 2014, LES INROCKS ET COURRIER INTERNATIONAL ONT CONSACRÉ LEUR COUV AUX HATERS SUR INTERNET. PARMI LES PRINCIPALES CIBLES DE CES DERNIERS : LES PAGES FACEBOOK DES MÉDIAS. LES CM DON’T LIKE THIS. une responsabilité à modérer. Nous ne souhaitons pas avoir sous notre marque des appels à la haine. » Ce qui est souvent le cas avec les sujets d’actu sensibles (décision de justice, immigration, etc.) qui génèrent le plus de commentaires borderline. « Quand je suis amené à supprimer trop de messages, comme pas trop lisser le fil de commentaires, dernièrement après un article sur car sinon il n’y a plus d’échanges : les jeunes partant au Jihad, j’enlève je laisse donc les prises de position entièrement le post de Facebook. parfois radicales car ça fait aussi Ça sert à rien et ça fout une sale partie du débat. » ambiance », poursuit le CM d’OF. Au Télégramme, Benjamin Brehon « COMME UN BISTROT » s’estime lui aussi comme le garant Même topo de la part d’Erwan d’une certaine convivialité. « FaceAlix, community manager (CM) à book, c’est comme un bistrot dont Ouest-France. « Même si légalement je suis le patron. Les gens parlent, nous ne sommes pas responsables s’enflamment, s’engueulent. Et, de des messages laissés par les utilisa- temps en temps, je suis obligé de teurs sur notre page Facebook (à montrer les dents et de virer ceux la différence du site Internet où le qui dépassent les limites. Ça permet journal est éditeur, ndlr), on ressent de recadrer tout le monde. »

CORBEILLE Bénabar Avant d’entamer sa tournée des Zénith en 2015, le chanteur a décidé de s’échauffer avec une série de cinq concerts de proximité dans des salles plus petites. Sur les cinq dates, quatre sont en Bretagne. Mais qu’est-ce qu’on a fait de mal ? À Brest, Quéven et Lannion 12

Christophe Alévêque Quand Sarko était au pouvoir, Alévêque était pas content et faisant semblant d’être indigné en essayant d’être drôle. Depuis qu’Hollande lui a succédé, il applique grosso merdo la même recette en changeant de cible. Vous aussi vous avez mal à votre France Inter ? À Uzel et Trébeurden

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Cela fait plus d’un an et demi que Benjamin Brehon s’est vu confier l’animation des différentes pages web du Télégramme. Le temps nécessaire pour aujourd’hui bien connaître les sujets qui suscitent le plus de réactions. Au premier rang des dossiers où ça part le plus en cacahuètes : la réunification de la Bretagne historique. « C’est un sujet où, très vite, les gens s’insultent dans tous les sens : collabos, Pétain et compagnie. Le point Godwin est vite atteint. C’est là où je suis obligé de supprimer le plus de commentaires sur Facebook. » Sa politique de modération ? La légalité et une politesse de rigueur. « Ma ligne blanche, c’est la loi. Il est évident que tout message raciste, qu’il nous arrive d’avoir parfois, je supprime. » Idem pour les insultes entre utilisateurs ou à l’égard du journal. « J’essaie malgré tout de ne

NOTRE ANTI-SÉLECTION DES SPECTACLES QUAND FRANCHISE ET MAUVAISE FOI NE FONT QU’UN Renan Luce Le chanteur morlaisien a pondu il y a quelques mois son troisième album qui, de l’avis de nombreux critiques, était plus décevant que le précédent, lui-même moins bon que le premier. On préfère pas vérifier mais on vous fait entièrement confiance. À Lamballe

Les Prêtres Lecture de l’Évangile selon Bikini : « Toi, le boys band le plus gênant de l’histoire de la musique, qui reprend des classiques de la chanson française sur des airs de chants d’église, connaîtras la damnation éternelle. Pour les siècles des siècles. » À Rennes



DOSSIER

« MAIS C’EST QUOI TON JOB ? » ILS EXERCENT UNE ACTIVITÉ QUI N’EXISTAIT PAS IL Y A QUELQUES ANNÉES. ENTRE OPPORTUNITÉS ET DIFFICULTÉS, ILS RACONTENT CE QUE CELA IMPLIQUE D’AVOIR UN MÉTIER « NOUVEAU ». 14

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Gwendoline Blosse

l y a les métiers que tout le monde connaît. Ceux qui passent les générations, les modes et les milieux. Ceux que nos parents exerçaient et ceux que l’on exerce. Et puis, il y a les autres. Des professsions nouvelles qu’aucun conseiller d’orientation ne nous a jamais proposées. Des activités, nées d’une évolution de la technologie, du marché, de la société ou tout simplement de nos envies, qui sont apparues ces dernières années et qui sont en passe de s’imposer. Pour leurs représentants, tout était à faire. Créer, développer, y croire, démarcher, convaincre. Quel que soit le secteur d’activité, quelle que soit la taille de leur structure, les mêmes questions se sont posées. Des questions que nous nous poserons. Alors que de nombreux experts estiment que près de deux tiers des métiers de 2030 n’existent pas encore, tout reste donc à inventer. Un rôle de pionnier qui attend les futurs entrants dans le monde du travail. Un statut de précurseur que les actuels nouveaux acteurs n’ont pas eu peur d’endosser. Alors, pourquoi pas vous ? 15


DOSSIER

« PAS DES PROPHÈTES MAIS DES PRAGMATIQUES » ce type de produit dans le monde, dont Google et ses Google Glass. La conception se fait à Rennes pour une distribution prévue à l’international, d’abord concentrée sur les professionnels, puis sur le grand public. Le coût ? 700 €. Je n’ai pas de doute : les lunettes connectées sont amenées à devenir un produit du quotidien mais le challenge technique reste grand. Il faut gagner en miniaturisation, en fiabilité, en autonomie… Nous avons déjà embauché une dizaine d’ingénieurs. Nous ne manquons pas de candidatures car de nombreux jeunes souhaitent se lancer dans l’aventure. Être à l’origine du lancement d’un nouvel objet potentiellement révolutionnaire. C’est passionnant de se mesurer à une société telle que Google, surtout que nos lunettes sont considérées par beaucoup comme les meilleures sorties jusqu’à présent. »

Bikini

Khaled Sarayeddine, cofondateur d’Optinvent, fabricant de lunettes connectées à Rennes. « Kayvan Mirza et moi avons fondé la start-up Optinvent en 2007. Nous sommes des anciens de Thomson qui ont saisi l’opportunité d’entreprendre lorsque la société a réduit sa production. On a proposé un spin-off (scission d’entreprise, ndlr) qui nous a permis de récupérer une partie des effectifs quittant Thomson. À l’époque, ce n’était même pas innovant, ça n’existait pas ! Nous ne sommes pas des prophètes mais des pragmatiques qui sont partis de ce constat : tenir un smartphone en main limite les faits et gestes. L’idée a donc été de concevoir l’équivalent d’une tablette à présenter devant les yeux mais tout en gardant la transparence du verre. C’est le principe de la réalité augmentée. Nous sommes l’une des cinq sociétés à produire

Bikini

« ATTENDRE LA PHASE DE MATURITÉ » premières e-cigarettes venaient de Chine et n’étaient pas à la hauteur. Mais le marché était là. Pendant trois ans, ça a été de la folie mais le pic est déjà passé depuis quelques mois. À Saint-Brieuc, il y a eu jusqu’à huit boutiques mais deux ont fermé. Ceux qui proposent de la mauvaise qualité ne survivront pas. C’est le problème : qui dit marché Nathalie Grenier de Monner, émergent dit opportunistes. vendeuse de cigarettes électroniques, Il va falloir attendre la phase de gérante de J Well à Saint-Brieuc. maturité pour arriver à une stabi« Avant d’en vendre, j’étais consom- lisation. Par exemple, je suis pour matrice. C’était il y a cinq ans, les une réglementation claire avec un 16

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étiquetage indiquant la provenance des produits. J’aime cette activité. Il n’y a pas besoin de formation, l’essentiel c’est de s’intéresser à ce marché et à ses tendances. Le vapotage n’est plus un effet de mode, si ça n’avait été que du buzz, il y aurait déjà une baisse de la consommation, or ça n’est pas le cas. Les ventes sont toujours là. C’est adapté à tous les types de fumeurs, voire aux non-fumeurs pour un usage récréatif. Nous sommes sur un produit qui est aujourd’hui entré dans les mœurs. »


Bikini

« TON MÉTIER, C’EST VRAIMENT UN MÉTIER ? »

Jeanne Dobriansky, facilitateur graphique et fondatrice d’Alliam à Rennes. « Quand je suis dans une soirée et qu’on me demande quel est mon boulot, il faut toujours que je prévois un temps d’explication. Facilitateur graphique : ça ne parle pas tout de suite aux gens. Même avec mes proches, ce n’est pas toujours évident. Ma grand-mère, je lui ai expliqué quarante fois ce que je fais, elle a toujours un peu de mal à comprendre. Pour autant, j’ai toujours eu le soutien de ma famille. Elle sait que je ne me suis pas lancée dans une profession sans savoir ce que je faisais. C’est plus le fait d’avoir créé ma boîte qui a pu les inquiéter au début. Se lancer en indépendant alors qu’avant je bossais au service com’ d’un grand groupe (La Poste) où j’aurais pu faire carrière, ça pouvait

surprendre. Mais il me manquait un petit supplément d’âme dans mon activité : je souhaitais mettre en pratique une communication nouvelle. Ce que la facilitation graphique et le mind mapping peuvent apporter. L’idée est de représenter visuellement une pensée, une argumentation, un échange. Plutôt qu’une retranscription linéaire, on privilégie le pouvoir de l’image pour mieux comprendre.

« Certains sont sceptiques » Imaginez le compte-rendu d’une conférence, d’une réunion ou d’un séminaire qui tiendrait en une fresque faite de mots-clés, de pictogrammes, de flèches et de schémas. Avec cet outil, on réussit à mettre du fun dans un cadre professionnel. Ça permet de s’approprier plus facilement l’information, ça s’ancre dans les mémoires.

Cet aspect ludique, c’est malheureusement ce qui peut parfois faire tiquer certaines personnes, comme si on ne pouvait pas associer jeu et entreprise. “Ton métier, gribouiller sur un mur, c’est vraiment un métier ?” : j’ai souvent été confrontée à cette réaction. Certains nouveaux clients que je démarche sont sceptiques, d’autres condescendants, la plupart ne connaissent pas. J’essaie alors de mettre en avant les effets bénéfiques d’un outil nouveau pour eux, afin qu’ils soient tentés de l’essayer. Certaines grosses entreprises font aujourd’hui régulièrement appel à des facilitateurs graphiques, c’est bon signe. Même si c’est encore considéré comme naissant, je pense que ce secteur va se développer. À court ou moyen terme, je ne peux que y voir de nouvelles opportunités. » 17


DOSSIER

« UNE SOCIÉTÉ QUI ÉVOLUE »

Bikini

Florent Letourneur, responsable diversité à Groupama à Rennes. « Quand j’ai intégré Groupama il y a quatre ans, j’arrivais en tant que responsable développement des ressources humaines (RH) et aussi en tant que responsable de la diversité. C’est un poste né de la création de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, fondée en 2005, ndlr). Ma mission est de m’assurer que l’axe RH soit un environnement non propice à la discrimination. Il s’agit de la question de la place des seniors, des travailleurs en situation de handicap, l’égalité homme/ femme et l’intégration de citoyens en situation sociale difficile. Il faut que chaque candidat soit au même niveau que les autres sur la ligne de départ.

Quand je suis arrivé, il devait certainement y avoir des gens qui pensaient que c’était une façon de se donner bonne conscience. Mais ce qui m’intéresse, ce sont les résultats : de 2010 à 2014, Groupama Loire-Bretagne est passée de 40 % de femmes cadres à 49 %, et de 1,9 % de travailleurs handicapés à 5 %. Auparavant, ce n’est pas qu’on excluait volontairement telle ou telle catégorie, mais on pouvait discriminer sans le savoir. Dans une société qui évolue, à l’image des seniors qui restent dans l’emploi alors qu’avant ils partaient en préretraite, il est devenu primordial pour une entreprise de ressembler au monde qui l’entoure. Nos clients sont multiples, nos collaborateurs doivent l’être aussi. La diversité n’est pas une mode, c’est une réalité. »

citoyennes qui fédèrent et changent durablement nos modes de vie sans qu’on s’en aperçoive en créant de Anne-Caroline Paucot, auteur du Dico des métiers nouvelles activités. Je prends de demain, paru aux Éditions Les Propulseurs. souvent l’image de l’immeuble dont on supprime escaliers et Comment est née Comment imaginer parties communes en disant cette idée de prospecter les métiers de demain ? aux habitants : désormais pour sur les métiers du futur ? Par la science-fiction ? Une étude américaine estime Beaucoup de ces métiers de aller dans votre appartement, que 60 % des collégiens demain sont là, sous nos yeux. il faudra passer par celui du d’aujourd’hui pratiqueront un Il suffit de les voir. Ce sont voisin et vice versa. Au début métier qui n’existe pas encore. les innovations d’aujourd’hui il y a des résistances, jusqu’à Il est indispensable d’essayer qui vont dessiner le monde de ce que finalement... de devancer les tendances pour demain. C’est un travail proche éviter que certains métiers du pointillisme en peinture : Y a-t-il des secteurs se trouvent sans formation, il faut prendre de la distance susceptibles d’être plus comme par exemple ça a été pour voir l’image apparaître. bouleversés que d’autres ? Dans la santé, les progrès le cas avec l’apparition des sont fulgurants. En 2004, codeurs informatiques sur le Exemple ? marché du travail. Si l’école L’économie collaborative le séquençage d’un génome 42 de Xavier Niel est née, c’est explose : covoiturage, humain coûtait plusieurs pour compenser un manque c o u c h s u r f i n g , a m a p … milliards, dix ans après des institutions. À la base, il s’agit d’initiatives seulement 700 €. Le métier

« LES MÉTIERS DE DEMAIN SONT SOUS NOS YEUX »

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de génothicien – le fait de décrypter le génome et ses dysfonctionnements – pourrait apparaître rapidement. Il n’y a pas de raison qu’il n’intéresse pas le monde des RH et des assurances par exemple… Assez flippant, non ? Heureusement, il y a de la place pour l’humain dans les métiers de demain : ce qui est du domaine de la réflexion, de l’intuition, de l’affect… J’ai au contraire une vision optimiste. Les nouvelles technologies peuvent permettre de supprimer les tâches les plus pénibles pour se concentrer sur des métiers plus “humains” : dans les services à la personne, l’accompagnement du vieillissement ou encore la créativité.


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David Pliquet, imprimeur 3D et directeur d’E-Mage-In 3D à Camaret-sur-Mer. « Quand on a créé l’entreprise en octobre 2013, ça a été un saut dans l’inconnu. On s’est lancé sans business plan, sans aucun démarchage préalable. Ayant travaillé dans l’industrie auparavant, je connaissais déjà le procédé de l’impression 3D. Cela fait vingt ans qu’on en parle, mais c’est seulement depuis le début des années 2010 que des imprimantes haut de gamme et des matériaux solides ont fait leur apparition. C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit que ça pouvait marcher.

La difficulté quand tu te lances sur un secteur nouveau, c’est que personne ne t’attend. La demande n’existait pas, il a fallu la créer. Au début, les gens étaient plutôt réticents. Pour beaucoup, et c’est encore le cas, l’impression 3D ce sont des imprimantes low cost que l’on peut construire en kit soi-même à la maison. Ce qui en sort n’a pas de résistante ni de finesse. Ce n’est pas le cas avec nos machines : elles coûtent plus de 100 000 € et peuvent produire des pièces mécaniques de qualité. Elles permettent de réaliser n’importe quel objet : pièces pour l’industrie, châssis dentaires pour

des prothésistes, modèles de bijoux de luxe pour des joailliers, figurines pour des maisons d’édition… Pour convaincre les clients, il a fallu leur expliquer ce que cette nouvelle technologie pouvait leur apporter. Ils avaient l’habitude de fonctionner d’une certaine façon, il fallait les rendre curieux d’une nouvelle. À partir d’une image numérique en trois dimensions (l’entreprise dispose d’un bureau d’études permettant la modélisation et la scannerisation 3D, ndlr), on réalise l’objet couche par couche, sans enlever ni détruire de la matière autour. En clair, l’objet fini est créé directement. Cela permet de produire des petites séries ou des prototypes plus rapidement, moins chers et sans déchet. Tout le contraire de l’usinage classique actuellement en place. Être dans une branche innovante, c’est aussi une façon d’aller à contre-courant d’un modèle économique et industriel parfois déconnant. »

Jennifer Bessière, professeur de zumba à Muzillac (56). « Quand j’ai commencé à enseigner la zumba en 2010, on était trois en France. Aujourd’hui, il y a 500 profs rien qu’en Bretagne ! Dans le milieu du fitness, c’est un développement exponentiel inédit et dont les limites ne sont pas encore atteintes, car c’est une activité qui correspond parfaitement aux attentes de notre temps : besoin de s’essouffler après le boulot sans se prendre la tête.

J’ai découvert ça lors d’un salon à Paris et j’ai tout de suite adoré, sentant aussi que ça pouvait exploser. Ce côté pionnier est assez excitant et m’a permis de passer le diplôme pour être une des quatre formatrices en la matière en France. C’est très réglementé car c’est une licence commerciale qui appartient à son fondateur Beto Perez, installé en Floride. Des conventions sont régulièrement organisées là-bas, c’est très impressionnant. J’étais à la dernière, on était 6 000 profs et un

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« UN DÉVELOPPEMENT EXPONENTIEL »

invité de prestige : Pitbull ! L’avenir ? Je suis optimiste, la zumba est ce qui cartonne le mieux dans un secteur, le fitness, qui est lui-même en pleine expansion. » 19


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« QUI DIT ACTIVITÉ NOUVELLE, DIT FREESTYLE »

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Julien Basset, pilote de drone civil et gérant de Fly HD à Concarneau. « Aujourd’hui, tout le monde parle des drones, mais il faut se souvenir qu’il y a trois ans, personne ne savait encore trop ce que c’était et des possibilités qu’ils offraient. Parmi les premières réactions que j’ai eues quand j’ai monté ma boîte en 2011 (spécialisée dans la production audiovisuelle par drone, ndlr), il y avait beaucoup d’interrogations. Mais à aucun moment je me suis dit que je faisais fausse route. Je n’ai pas eu peur d’investir car je voyais le potentiel, ça ne pouvait que se développer. En voyant les premiers essais, j’étais époustouflé. Les vidéos étaient fabuleuses, avec des vues tout à fait nouvelles, entre la caméra au sol et l’hélicoptère.

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Tout cela a fait que j’étais serein pour la suite des événements. Les premiers mois de prospection ont malgré tout été difficiles. Les mairies, conseils généraux et entreprises de tourisme que je pouvais démarcher me répondaient qu’elles n’avaient pas besoin de ce genre d’images. Sans doute parce qu’elles n’en avaient jamais vues.

des boîtes de prod’, quelques chaînes de télé (TF1, M6), des campings pour leur clip promo… Forcément, le marché explose aujourd’hui. Alors qu’en 2013, nous étions 150 entreprises homologuées en France, nous sommes aujourd’hui entre 700 et 1 000. Un écrémage se fera forcément. L’évolution de la législation en sera un des acteurs je pense. Celle-ci a déjà « La législation évolue » bougé d’ailleurs : depuis 2012, il Et puis, à partir de 2013, on a est obligatoire de disposer du brecommencé à voir dans les JT des vet théorique d’ULM (ultra-léger reportages réalisés avec des drones, motorisé, ndlr). Les prochaines notamment lors des inondations à réglementations permettront de Lourdes et à Redon. C’est là que valoriser les professionnels. C’est l’outil a commencé à être connu du une bonne chose car ça empêchera grand public. Et que mon entreprise à certains de faire n’importe quoi. a vraiment décollé : depuis, on tra- Qui dit activité nouvelle, dit freesvaille avec des collectivités locales, tyle : et c’était le cas au début. »


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L’INDUSTRIE SPATIALE Pour prédire les secteurs d’activité de demain, les films de SF excellent. Dans un univers où tout est possible, les scénaristes ont pu accomplir le rêve de leurs contemporains. En première ligne, l’industrie aéronautique et spatiale qui, dans Le Voyage dans la Lune de Méliès en 1902, a pu contempler le premier voyage lunaire. Une utopie jugée comme telle à l’époque qui deviendra réalité 67 ans plus tard.

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE Des machines connectées et intelligentes à notre service : si la robotique et la domotique font de plus en plus partie de nos vies, on a déjà pu voir à quoi cela pouvait ressembler dans de nombreux films. Stade ultime dont rêvent certainement les ingénieurs : l’ordinateur à intelligence artificielle comme dans 2001, L’Odyssée de l’espace, Sunshine ou encore Her.

LE BIG DATA Prévoir l’avenir grâce à l’ensemble des données présentes en ligne. Le big data est actuellement en plein boom. Tous les domaines s’y intéressent, comme les assurances qui, à l’image d’Axa cette année, souhaitent mieux conaître leurs clients. Sérieux, vous voulez vraiment que nos vies ressemblent à Minority Report (photo), Gattaca ou Matrix ? 21


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MARCHÉ DE L’EMPLOI : RIEN NE SE PERD, TOUT Des métiers qui deviennent obsolètes et disparaissent, d’autres qui apparaissent, se transforment ou se réinventent : le marché de l’emploi est en perpétuel mouvement, si bien que les institutions ont du mal à suivre. « On a effectivement des fois un temps de retard, reconnaît Stéphanie Laurette, de Pôle emploi Rennes, mais c’est aussi parfois un mal pour un bien d’avoir du recul et de ne pas céder aux effets de mode. C’est aux branches professionnelles d’anticiper, pas à nous. On est dans de la mise à jour. Quand par exemple le métier de community manager a pris de l’ampleur et qu’on a commencé à voir des demandeurs d’emploi s’y intéresser, on l’a alors entré dans la base de données ROME qui nous sert de référence. »

« Autodidactes » Créé en 1982, ce répertoire sert de catalogue des métiers pratiqués en France. Le fait d’animer des communautés sur le web pour le compte d’une société est ainsi nouvellement classé à l’onglet E1101. Parmi les métiers apparus dans la base lors de sa dernière mise à jour en octobre 2014, on trouve pet sitter (ou garde d’animaux de compagnie), vidéo-jockey, consultant en e-réputation ou encore architecte cloud. « Notre rôle est d’essayer d’anticiper au mieux les évolutions du marché du travail, poursuit Stéphanie Laurette. On est dans une mission d’accompa-

gnement. Si un demandeur d’emploi vient avec l’envie de travailler dans un métier émergeant, on doit être en mesure de le renseigner sur les formations disponibles et voir quels sont les débouchés. » Ces débouchés, justement, ils ne sont pas toujours si prometteurs qu’espérés. « On n’arrête pas de parler des community managers mais ils ne sont pas tellement plus de 500 aujourd’hui en France, car peu d’entreprises peuvent payer quelqu’un pour cette seule tâche. C’est un métier de niche, comme beaucoup de nouveaux métiers. Ils sont la partie immergée de l’iceberg, exposés médiatiquement surtout du fait qu’ils sont nouveaux », fait remarquer Fabrice Mazoir, chef de projet éditorial chez RegionsJob. D’après lui, il peut même s’agir d’emplois provisoires amenés à disparaître : « Le fait d’animer une com-

« Les entreprises ne s’intéressent plus au parcours de formation » 22

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munauté sur le web est aujourd’hui un métier en soi mais, dans quelques années, ce sera certainement une compétence de base, étant donné l’évolution vers une digitalisation toujours plus rapide de l’économie. Les besoins des entreprises évoluent sans cesse, ce qui laisse une plus grande chance aux autodidactes. D’ailleurs, de plus en plus d’entreprises ne s’intéressent plus vraiment au parcours de formation pour sélectionner les candidats. Elles préfèrent évaluer les compétences et le savoir-être, en complétant s’il le faut par de la formation continue en interne. »

« Adapte-toi ou meurs » En clair, la dévaluation des diplômes est prégnante. « De toute façon, note encore Fabrice Mazoir, il est prouvé qu’une personne va pratiquer, en moyenne, quatre à cinq métiers différents au cours de sa vie active, un chiffre en constante augmentation. Ce contexte génère un côté “adaptetoi ou meurs” assez inquiétant mais dont il faut prendre conscience. »


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SE TRANSFORME

Le monde pédagogique doit aussi s’adapter à cette nouvelle donne. Si de nouvelles offres de formation plus centrées vers l’opérationnel apparaissent, comme l’école 42 de Xavier Niel, l’éducation nationale et supérieure essaie de s’accrocher tant bien que mal, sans céder à l’emballement. Jean-Marie Filloque, vice-président de l’Université de Bretagne occidentale, confirme : « Il y a une analyse effectuée en amont avant chaque nouvelle ouverture de licence. Répond-elle à un besoin ? Y a-t-il un public pour s’y inscrire ? On ne va pas ouvrir une formation s’il n’y a aucun débouché derrière. Mais ce qu’on constate, c’est que les nouveaux métiers apparaissent souvent par des spécialisations qui n’arrivent qu’au niveau master : dans le numérique, la biotechnologie, la santé… C’est moins problématique car les formations de ce niveau, contrairement aux licences, sont sous l’entière responsabilité des professeurs. » Un écrin que les enseignants remplissent un peu comme ils veulent et dont ils peuvent adapter les contenus. Régis Delanoë 23


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JEAN-MICHEL PAS-DE-SALLE

POUR LES JEUNES HUMORISTES QUI SOUHAITENT PERCER, LA RÉGION N’EST PAS VRAIMENT LA TERRE PROMISE. LA FAUTE À UN MANQUE DE STRUCTURES. MAIS COMMENT FAIRE ALORS ? 24

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a dernière phrase de mon sketch, c’est “deux nuggets dans le cul”. Tu sauras du coup quand éteindre les lumières. » Quelques minutes avant son passage sur scène, Nicolas Fabié, 21 ans, peaufine les derniers réglages avec le technicien des lieux. Nous sommes au Bacchus, le seul café-théâtre rennais : bar au rez-de-chaussée et salle au sous-sol où une cinquantaine de spectateurs peuvent s’installer. C’est la troisième fois que le jeune homme se produit dans cet établissement. En cette soirée de novembre, cet étudiant en communication assure la première partie de l’humoriste Caroline G. « Je l’ai contactée par Facebook. Elle me laisse cinq à dix minutes pour attaquer la soirée, c’est cool », raconte celui qui, depuis quelques années, rêve de percer dans le milieu. « J’ai commencé par des vidéos sur Internet et par des rubriques sur Radio Campus Rennes. C’est après une émission que le duo Les Jumeaux, qui était invité, m’a proposé d’ouvrir son spectacle. Ma première expérience sur scène. » 25


Ce soir, face à une dizaine de curieux (moyenne d’âge 30-40 ans) installés sur des bancs en bois, Nicolas rode les blagues du premier one-manshow qu’il écrit actuellement. Avec son personnage de vrai-faux loser et deux-trois ressorts comiques bien maîtrisés, il parviendra à décrocher quelques rires de l’assemblée. « Réussir à tenir cinq minutes sur scène, pour commencer c’est déjà bien, jure Laurent Marcouyau, le patron du Bacchus. Je lui conseille de se filmer pour voir ce qui marche et ce qui ne va pas. Et écrire, toujours écrire. » À la tête de cet établissement depuis vingt ans, Laurent a accueilli un paquet de prétendants à l’humour. Certains ont réussi à s’imposer, à l’image de Fabrice Éboué, Arnaud Cosson ou Vérino, qui aujourd’hui squattent les planches parisiennes. Tous ont dû faire leurs gammes dans ce genre de “petits” lieux, à l’affluence parfois maigre. Des lieux rares, particulièrement en Bretagne. Dans une région réputée pour le dynamisme et la diversité de sa scène musicale, l’humour semble quant

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à lui avoir plus de difficultés. Si les mastodontes du secteur (Florence Foresti, Gad Elmaleh, Frank Dubosc, etc.) remplissent les doigts dans le nez les grands équipements bretons (Liberté, Arena, les différents parcs des expositions), cela s’avère plus compliqué pour les jeunes pousses qui souhaitent se produire dans la région.

Lyon et Nantes. Bordeaux, Lille et Strasbourg commencent aussi à voir des petites scènes éclore. « En dehors des villes qui ont une vraie culture du café-théâtre, c’est très difficile de proposer des spectacles, ajoute Jean-Marie Le Menn, ex-patron des Tontons Voyageurs à Rennes qui a passé presque vingt ans à programmer des humoristes dans ses différents cafés et restos. Mais je n’ai La culture du café-théâtre jamais gagné d’argent avec l’humour Xavier Lebreton, fondateur du seul. Je le vois plutôt comme une Dinard Comedy Festival, dont la locomotive pour mes autres activités, 18e édition aura lieu du 19 avril au le restaurant notamment. » Même 2 mai 2015, l’assure : « J’ai connu topo au Bacchus où c’est la partie plein d’humoristes qui me disaient bar qui permet avant tout de faire qu’ils tournaient partout, mais peu tourner la machine. en Bretagne. » En France, les princi- À la différence des musiciens et des paux spots se situent plutôt à Paris, groupes émergents, il n’existe pas non plus de structures d’accompagnement et de développement pour ceux qui voudraient se perfectionner dans le one-man. Pour créer une émulation et donner l’habitude au

« Et puis, vous avez vu nos

gueules à nous les Bretons ? » 26

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« À Paris, je joue trois soirs par semaine. Et j’en vis »

public d’aller découvrir les talents de demain, c’est donc pas gagné. « Tout ça, c’est culturel. En Bretagne, c’est d’abord les salles de concerts, avance le Finistérien Pierre-Emmanuel Barré, habitué du Point Virgule à Paris et chroniqueur depuis deux ans à La Nouvelle Édition de Canal Plus. Et puis, vous avez vu nos gueules à nous les Bretons ? Pas étonnant qu’on préfère plutôt danser dans la pénombre… »

Exil parisien À l’instar de celui qui essaie de pécho Ophélie Meunier chaque midi, une seule solution pour tous les aspirants comiques : “monter” à la capitale. Ce qu’a fait la Briochine Marine Baousson en 2007. Repérée par ses deux one-woman-shows Une fille au beurre salé et Marine Baousson fait crépiter…, la jeune femme de 28 ans a réussi à se faire une place et assure même désormais les premières

parties de Bérengère Krief sur sa tournée 2014-2015. « Paris était l’étape obligatoire. Aujourd’hui, je joue en moyenne trois soirs par semaine et j’arrive à en vivre. Avec d’autres humoristes bretons, on a même le projet de lancer un collectif qui pourrait s’appeler le Menhir Comedy Club. Mais rien de fait pour le moment. » Un parcours dont rêverait Nicolas Fabié, lui qui n’exclut pas à l’avenir de frapper aux portes des scènes parisiennes. Interrogée sur les raisons de son exil parisien, Marine Baousson regrette elle aussi les manques bretons. « Vu qu’il n’y a presque pas de cafés-théâtres, tu te retrouves très vite à jouer dans des espaces culturels communaux ou dans des salles des fêtes. Mais, même pour remplir ce type de lieux, il te faut une notoriété suffisante. » Dans ce tableau pas très folichon, reste les festivals (Les Feux de l’Humour à Plougastel-Daoulas, Théâtre pour Rire à Matignon, Dinard Comedy Festival…) qui réussissent à attirer des spectateurs sur une programmation mêlant découvertes et artistes confirmés. Ainsi que les compagnies de théâtre d’impro qui peuvent apparaître comme des viviers potentiels de futurs humoristes. Une case par laquelle est passé le Rennais David Maslo. « L’impro n’a rien à voir avec le one-man-show, qui est réglé à la virgule près. Mais ça t’apprend à gérer les imprévus sur scène. »

Malgré son statut amateur (il bosse en milieu hospitalier en journée), il est déjà l’auteur de plusieurs spectacles, compte un paquet de dates sur son CV et peut se targuer d’un passage à l’émission On n’demande qu’à en rire sur France 2. « Si on souhaite rester amateur, il y a tout de même la possibilité de se produire sur Rennes et aux alentours, estime-t-il. Dans les restos qui font quelques soirées humour par exemple. Et puis à Nantes où il y a pas mal de scènes ouvertes. »

Les youtubers sur scène S’il jette un regard froid sur l’émission de la 2, le boss du Bacchus reconnaît cependant l’importance du cachet “Vu à la télé” pour remplir une salle. En attendant le tampon “Vu sur Internet” ? Pour Marine Baousson, c’est déjà le cas : « Aujourd’hui, Norman fait La Cigale pendant un mois, avant d’enchaîner avec L’Olympia. Sans le Net, il ne serait pas là. » Des youtubeurs qui, comme le Breton Julfou (du collectif Golden Moustache), sont de plus en plus nombreux à être programmés dans les festivals. Comme ce fut le cas à Dinard. « On avait invité Julfou alors qu’il avait seulement 17 ans, se souvient Xavier Lebreton. Sur notre prochaine édition, on compte d’ailleurs programmer davantage d’humoristes repérés sur le Net. »

Brice Miclet et Julien Marchand 27


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GRAND CRU POUR GRANDE CUITE

NON, TOUS LES JEUNES NE BOIVENT PAS QUE DE L’ALCOOL BAS DE GAMME. DE TEMPS EN TEMPS, CERTAINS D’ENTRE EUX METTENT LA VODKA LIDL DE CÔTÉ POUR DE BONNES BOUTEILLES BIEN CLASSE. APRÈS LE FOOD PORN, PLACE AU DRINK PORN ? n appart’ étudiant à Auray, vendredi soir vers 19 h. Ding, dong ! Sébastien Le Bihan, 22 ans, reçoit chez lui en gilet de costume sur lequel est épinglé une broche dorée en forme de grappe de raisin. « Bienvenue ! Vous êtes le premier, entrez. » Dans sa cuisine, des cadavres de bouteilles soigneusement alignées en haut des meubles. Que des grands crus, dont un Château Pétrus coté 2000 €. « Souvenir d’un emploi 28

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de commis en restaurant gastronomique à Londres. » Sébastien y a atterri un peu par hasard, après l’obtention de son bac, alors qu’il voulait s’immerger outre-Manche avant de se lancer dans des études d’aéronautique. Une passion est née là-bas, pas pour la langue de Shakespeare mais pour les vignerons et leur production. « C’est de l’ordre de la vocation », reconnaît le jeune homme en présentant sa bibliothèque : guide des vins, histoire du vin, BD sur le vin…

Ça virerait à l’obsession. La bouteille de Pétrus, comme ses copines exposées avec elle, sont des souvenirs récupérés à l’époque rosbif. « Avec mes revenus d’étudiant, je n’ai pas les moyens de me constituer de cave. Pas encore. » De retour en France, Sébastien a lâché l’aéronautique pour s’inscrire au BTS Hôtellerie-Restauration du CFA de Vannes. Si tout roule, le diplôme est dans la poche au printemps. Et après ? « Acquérir de l’expérience dans une région de


vin m’irait bien, le Bordelais peutêtre. J’aimerais faire carrière dans l’œnotourisme. » Ding, dong ! Les autres invités arrivent. Ils sont cinq, entre 20 et 25 ans. Élise, Élodie, Pierre, Morgan et Jeanne sont des amis, ou des amis d’amis de l’hôte du soir qui les a conviés à une soirée dégustation, activité qu’il souhaite développer en parallèle de ses études. Là, c’est un entraînement, une répétition générale. Son petit salon a été aménagé pour accueillir le cercle des goûteurs testeurs, avec crachoir au milieu de la table basse, une légion de verres, charcuterie, fromage et quatre bouteilles. Le cours est bien amené, vivant, didactique. Ça discute astringences, tanins, goût pain d’épices et rondeur du fruit. Le Muscadet nouveau cède sa place au Pacherenc du Vic-Bilh, puis au Tessellae et au Château La Passonne. On se met bien. Sébastien joue son rôle de prof à merveille, la soirée s’étire et l’auditoire reconnaît que le monde merveilleux du vin a autrement plus de gueule que le traditionnel pack de blondes, la Smirnoff et le whisky-coc’.

Glouglous dans la bouche Si cela leur arrive malgré tout de s’arsouiller au tord-boyaux ou à la pinte d’happy hour, Sébastien et ses amis prennent donc aussi le parti, pour certaines de leurs soirées, de privilégier la qualité à la quantité. « C’est cool d’apprendre cette façon d’apprécier le vin, de tenir son verre. Après, on ne va pas pour autant s’arrêter de boire des bières dans les bars ! Les deux approches ne sont pas incompatibles. » Une philosophie également adoptée à l’école de commerce de Rennes, où le club œnologique Apogée est l’un des plus populaires. « Sur une promo de 430 étudiants, 150 ont postulé pour devenir membre. Il a fallu passer par 29


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un casting », explique Raphaël, son président. Le club œno existe depuis plus de vingt ans et compte entre vingt et trente cartés en fonction des années. « On essaie d’organiser un événement par mois. Ça va de la session dégustation classique au sein de l’école au week-end de visite, comme récemment dans le Val de Loire. » Les participants y ont fait des glouglous dans la bouche avec une gorgée de bon nectar, très loin des soirées d’inté (auxquelles ils participent « volontiers » par ailleurs) façon open bar, mètre de Ricard et galette complète sur le trottoir.

encore le SPIT de Sciences Po Paris (concours de dégustation). Tous ces étudiants ne tarissent pas d’éloges sur les bénéfices de cet apprentissage précoce à la consommation classe d’alcool. « Dans nos carrières, on sera sûrement exposé à participer à des repas d’affaires, c’est pas mal de s’y connaître un peu », explique Antoine, trésorier d’Apogée, qui a profité de cette activité pour « Le bien boire » « monter un business plan sur la « Apogée a bonne réputation filière viticole ». auprès de la direction de l’ESC, Le plus assidu des membres du fayotte Raphaël. Le bien boire est club se nomme Thomas. Il projette revendiqué. Nos dégustations, c’est d’en faire son métier. « C’est un trois verres de 4 centilitres max par secteur d’avenir, assure-t-il. Mon personne. » souhait serait de travailler dans le Les assos de ce type sont légion commerce international de vin, parmi les grandes écoles, avec même chez un gros négociant français quelques rendez-vous nationaux, ou à l’étranger. » comme le Rallye des Vin’4 Heures Il doit d’ailleurs partir effectuer de la Business School de Bordeaux un semestre de Master au Chili, (une compétition quiz et rapidité pays émergent en la matière. Il dans les vignobles du coin), ou travaille aussi sur un projet d’ap-

« Au maximum, trois verres

de 4 centilitres par personne » 30

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pli smartphone d’aide à l’achat de bouteilles. « J’ai mûri ça en première année, quand j’ai fait un stage chez les établissements Nicolas. J’y ai approfondi les premières connaissances acquises en famille, où la bonne bouteille est un incontournable du repas. » Luimême s’est déjà constitué un début de cave, avec en pièces maîtresses deux exemplaires d’un Pauillac 1993, « l’année de ma naissance, cadeau des parents ».

« Moins austère » Si les jeunes fans de bons pinards restent minoritaires face à l’armée des buveurs de bière, leur nombre tend à augmenter, constate Stéphane Foucher, caviste à Rennes depuis une bonne décennie. « Les filles notamment sont très demandeuses. Pas forcément du cher mais du facile à boire : fruité, pas trop tannique. Le petit blanc type Tariquet ou le Tarani rouge par exemple. Autour de 5 €, on a de bonnes bouteilles. » Ophélie Neiman, auteur du blog Miss GlouGlou sur LeMonde.fr, en arrive aux mêmes observations :


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« Les trois quarts des achats, c’est pour consommer le soir même. Par faute de place et manque de patience, la tendance n’est plus à avoir sa cave chez soi. En moyenne, un foyer a quatre à cinq bouteilles en stock, pas plus. » Le rouquin n’est plus là pour accompagner tous les repas mais plutôt pour marquer le coup. Résultat : de 140 litres consommés en moyenne par habitant en France en 1960, on est tombé à 60 litres un demi-siècle plus tard. Constat confirmé par Florence Corre, organisatrice du Salon des vignerons indépendants (qui fera étape en janvier à Rennes) : « La façon de boire a changé, les vins aussi avec du prêt à consommer moins austère. La profession a modernisé les étiquettes et le vocabulaire pour désacraliser et rajeunir le produit. Le ballon rempli de mauvais Côtes-du-Rhône au comptoir, c’est fini. Le vin est devenu un alcool de partage qui ouvre à la discussion. Les jeunes sont dans une approche décomplexée et curieuse du vin, qu’ils boivent moins mais mieux. »

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e décor a tout de la parfaite carte postale du chasseur de fantômes. Le jour qui décline, les feuilles qui s’agitent dans les arbres et, face à moi, un château du 18e siècle aujourd’hui à l’abandon. Nous sommes à Mauves-sur-Loire, au nord-est de Nantes. C’est là qu’Astrid, Joëlle, Karl, Kévin, Nicolas et Nolwenn m’ont donné rendezvous pour passer la soirée. Tous sont membres du collectif brestois AEPS (Association d’enquêteurs du paranormal et du surnaturel), une asso créée en 2013 et qui, une fois par mois, mène l’enquête dans un lieu qu’elle suppose hanté. « Le château d’aujourd’hui, c’est un endroit où on a 99 % de chance d’avoir des manifestations paranormales. Le bâtiment a un passé chargé : il a été reconverti en hôpital

au début du 20e siècle, puis en sanatorium où on soignait les tuberculeux. Il y a aussi une ancienne morgue au fond du parc. Il peut s’y passer des choses ce soir », m’avertit Astrid, 38 ans et présidente d’AEPS.

Champs électromagnétiques À ses côtés, dans la pièce principale au rez-de-chaussée, Nicolas, Kévin et Karl installent le QG : ordinateurs, caméras, micros, détecteurs de mouvements et tout un tas de trucs à diodes clignotantes... Certains objets ressemblent vraiment à ceux de Bill Murray et sa bande dans S.O.S Fantômes. « Ça nous arrive d’en acheter sur des sites spécialisés de “ghost hunting” mais, la plupart du temps, c’est plus du matos qu’on détourne, explique Karl. Comme le lecteur de champs électromagnétiques, un appareil

« Trois semaines après son décès, j’ai vu mon père » 34

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dont se servent les électriciens, ou la caméra Kinect de la Xbox qui permet de filmer en infrarouge et en 3D. » En plus de ce dispositif high-tech, des poupées et jouets sont également sortis des sacs et disposés sur une table. « Des leurres si jamais des entités d’enfants souhaitent se manifester. Quand elles ne répondent pas à nos appels, ça peut les faire venir… » Dans l’équipe d’AEPS, deux profils d’enquêteur se distinguent vite. D’un côté, les geeks, biberonnés à Paranormal Activity et au Projet Blair Witch, à la quête d’un enregistrement ou d’une photo d’un spectre. De l’autre, « les sensibles », comme ils se définissent eux-mêmes, qui affirment avoir le pouvoir de ressentir et de communiquer avec les défunts. C’est le cas de Joëlle, 60 ans. Sa première expérience remonte à ses 19 ans. « Avec trois copines, on avait fait du spiritisme, une petite table avait décollé dans la pièce… » Depuis, elle raconte entrer régulièrement en contact avec les esprits.


« Ils s’adressent à moi car ils savent que j’ai des capacités médiumniques accrues. Un peu comme Whoopi Goldberg dans Ghost. Vous l’avez vu ? Il y a beaucoup de choses vraies dans ce film. » Pour Joëlle, les âmes avec qui elle communique sont le plus souvent celles de personnes mortes brutalement et qui n’auraient pas eu le temps de finir certaines choses dans le monde des vivants. Des esprits qui se manifestent de différentes façons. « Ils peuvent me parler, me toucher, me faire ressentir du froid ou alors apparaître devant moi. » Joëlle aurait même vu le fantôme de son père trois semaines après son décès. « Il n’était pas aussi dense qu’un être humain de chair et d’os mais je le distinguais très bien. Il s’est adressé à moi une dernière fois, avant de partir en paix dans l’au-delà. » Wow. Lorsque l’ensemble du matériel et le groupe électrogène sont installés, la nuit est entièrement tombée. Il est 22 h et les premières expéditions s’apprêtent à commencer dans l’en-

« Tu viens avec nous faire un tour dans la morgue ? » ceinte du château. Alors que Karl et Nico s’aventurent au sous-sol dans le noir complet, uniquement équipés de leur caméra infrarouge, Astrid et Nolwenn décident d’explorer l’ancienne morgue. « Tu viens avec nous faire un tour ? », me demandentelles. Par peur de passer pour un mec qui a les chocottes, je dis oui.

tour de la bâtisse avant de repartir ». Après dix bonnes minutes de silence et sans la moindre apparition, on regagne finalement le QG où Kévin, 32 ans, scrute les images envoyées en temps réel par les caméras. « Ça m’éclate d’analyser les vidéos et les bandes-son, même si c’est pour montrer qu’il n’y a rien de paranormal, affirme ce grand gaillard. « Un ensemble d’anormalités » Quand certains croient voir un Lampes de poche, appareils photos fantôme, il s’agit le plus souvent et enregistreurs audio à la main, on d’un flash sur un grain de poussière s’avance vers le bâtiment situé à l’ex- ou de condensation sur l’objectif. térieur. « Est-ce qu’il y a quelqu’un ? Même si je crois aux phénomènes Manifestez-vous, venez nous par- surnaturels, j’essaie de rester le plus ler », répète Astrid. Au bout de la objectif. » cinquième fois, un craquement se Une démarche qui rapproche Kévin fait entendre. Sûrement les arbres, et ses acolytes de la plupart des un oiseau ou un renard aux alen- équipes qui se sont développées tours. Nos chasseuses de fantômes ces dernières années : EuroGhost, penchent plutôt pour « un signe, Recherches Investigations Paracomme si quelque chose avait fait le normales, The Believers… Toutes 35


nées dans le sillage de l’émission américaine Ghost Hunters, dont elles ont repris les principaux codes. « Pour faire une bonne enquête, il faut d’abord éliminer toutes les explications rationnelles avant de s’attaquer aux raisons paranormales. Comme pour une enquête policière, il faut un faisceau de preuves, un ensemble d’anormalités pour prouver que l’on a affaire à un esprit », rappelle de son côté Erick Fearson, un Normand de 46 ans, chasseur de fantômes depuis plus de 25 ans. Sa méthode ? « L’utilisation de matériel scientifique, d’instruments non conventionnels comme le pendule, l’interrogation de témoins grâce à des techniques de mentaliste et mon ressenti », détaille-t-il. S’il intervient sur demande des propriétaires qui imaginent leur habitation hantée, il affirme en revanche ne pas être payé. « Seuls les frais de route et d’hébergement me sont remboursés. Je demande juste aux gens le droit d’utiliser leurs histoires pour mes livres et conférences. » Parmi ses principaux faits d’armes, il

LES CHÂTEAUX HANTÉS BRETONS LA RÉGION REGORGE DE LIEUX PRÉTENDUMENT PEUPLÉS D’ESPRITS ET DE SPECTRES. VOICI LE PODIUM DES FORTERESSES GHOST-FRIENDLY. 36

Julien Boisard

DOSSIER

se souvient particulièrement de cette nuit de 2010, dans la Manche, au château de Martinvast, un monument du 16e siècle devenu par la suite un hôtel. « C’était une nuit de pleine lune. Il était 2 h 30, je n’arrivais pas à m’endormir quand je me suis mis à entendre des bruits de pas dans la chambre. Et là, devant la fenêtre dont je n’avais pas tiré les rideaux, le fantôme d’un homme habillé en noir ! Au moment où j’ai allumé la lumière, il a disparu. »

Face à ces ghostbusters qui jureraient sur la tête de leur mère avoir vu un esprit, Henri Broch, directeur du très sérieux laboratoire de zététique (soit l’étude rationnelle des phénomènes dits paranormaux) de l’Université de Nice, se montre plus sceptique. « Le problème des chasseurs de fantômes, c’est qu’ils mettent la charrue avant les bœufs. Ils partent du postulat qu’un lieu est forcément hanté et vont ensuite chercher des phénomènes qu’ils prendront pour

COMBOURG

TRÉCESSON

LARGOËT

Le château, situé entre Rennes et Saint-Malo, serait habité par un spectre. « Un certain comte de Combourg à jambe de bois mort depuis trois siècles », comme l’affirme dans ses mémoires l’écrivain Chateaubriand qui a passé son enfance en ces lieux. Il s’agirait de MaloAuguste de Coëtquen, ancien seigneur qui aurait perdu sa jambe lors de la bataille de Malpaquet.

Plusieurs histoires entourent ce château morbihannais à quelques encablures de la forêt de Brocéliande. La plus célèbre est celle de la dame blanche, fantôme d’une jeune fiancée enterrée vivante par ses propres frères au 18e. Depuis, elle apparaîtrait sur les toits de la bâtisse les soirs de pleine lune. On raconte aussi que le spectre d’un curé sans tête rôderait dans les prairies environnantes.

Également appelée les tours d’Elven, la forteresse de Largoët, à proximité de Vannes, s’animerait chaque nuit des fantômes des anciens hôtes qui festoieraient dans le donjon. Le spectre d’un estropié à l’œil gauche pendant se cacherait également dans les douves de ce monument du 15e siècle où fut retenu Henri Tudor, futur Henri VII d’Angleterre.

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Bikini

preuves. C’est l’inverse de la pensée scientifique, insiste-t-il. Une variation de température dans une cave n’a rien de surprenant par exemple, cela s’explique par la circulation de l’air. Idem pour une tâche de chaleur captée par une caméra thermique : il suffit qu’un participant se soit appuyé sur un mur et ça fausse complétement la mesure. » Pas le genre de discours à faire douter nos chasseurs de spectres. « Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir si on y croit ou pas puisque les fantômes sont une certitude. Les apparitions sont aussi vieilles que l’humanité. Un phénomène qui apparaît sur l’ensemble de la planète et qui touche toutes les cultures, rétorque Erick Fearson pour qui la vie après la mort ne touche pas que les humains. Il existe des bateaux, des trains et des avions fantômes. Cela s’appelle des hantises résiduelles. Ça concerne aussi les bêtes. » Ce que confirme Joëlle d’AEPS. « Bien sûr que les esprits d’animaux existent. Depuis quelques mois, j’ai un petit chien qui me suit partout. » Wouaf. Julien Marchand 37


DOSSIER

DR

À LA RECHERCHE DE LA DAME BLANCHE

C’est une histoire qui, plus de trente ans après, est encore parfaitement connue des habitants de PlougastelDaoulas. Une légende urbaine qui a traversé les décennies et dont les détails ressortent aussitôt qu’on l’évoque. Retour en arrière. Nous sommes en janvier 1981. Après avoir reçu plus d’une douzaine de témoignages, la gendarmerie de Plougastel décide de lancer officiellement une enquête. « Une histoire de fou », avouent les forces de l’ordre dans Le Télégramme le 10 janvier 1981. Cette histoire, c’est celle de la dame blanche du pont Albert-Louppe, l’ancien pont qui reliait Plougastel à Brest. Sa première apparition se serait produite avec un dentiste du sud-Finistère : apercevant une auto-stoppeuse habillée en blanc sur le bord de la chaussée, il s’arrêta, ouvrit la portière et la fit monter à ses côtés. « Glacée comme une morte », elle demanda au chauffeur de la déposer à hauteur du pont et lui dit : « C’est ici que je me suis tuée il y a trois ans. » Avant de disparaître subitement. 38

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Très vite dans la ville, une rumeur se propage : il s’agirait du fantôme d’une restauratrice de Plougastel décédée au volant de sa voiture quelques années plus tôt. Un bruit qui, selon la même édition du Télégramme, gagnera également Brest où il est « colporté dans les commerces et les établissements scolaires ». Les plus fervents soutiennent la thèse de la revenante et avancent même qu’elle se manifestera désormais à chaque nouvelle pleine lune. Les plus sceptiques imaginent plutôt « un être détraqué qui passerait ses nuits à jouer au spectre ».

Des carabins ? « Je ne pense pas qu’il y avait des gens qui y croyaient vraiment, mais tout le monde en parlait, ça faisait causer dans les cafés », se souvient aujourd’hui Marie-Joseph Quintin, native de Plougastel-Daoulas et auteur de nombreux ouvrages sur la commune. Une rumeur qui selon Gérard Autret, 66 ans et actuel propriétaire du restaurant

La Belle époque, était bien fondée. « La femme de l’ancien restaurateur s’est effectivement tuée à l’entrée du pont Albert-Louppe. C’était le 5 juillet 1977, explique-t-il en fouillant dans ses actes notariés. De mémoire, il y a eu une collision avec une remorque de tracteur. » De là à croire à la dame blanche ? « Bien sûr que non, je reste persuadé que ça reste des conneries d’étudiants et de carabins... » « Y a des gamins de Keraliou (un lieu-dit à proximité du pont, ndlr) qui se déguisaient aussi pour rigoler, j’en connais quelques-uns qui le faisaient », ajoute un ancien commerçant du centre-ville. Depuis les années 80, la dame blanche ne serait pas réapparue. « Nous n’avons pas reçu de nouveaux témoignages à ce sujet », indique-t-on à la gendarmerie pour qui le mystère plane toujours en revanche. De quoi enterrer définitivement cette légende ? Pour tous ceux qui veulent en avoir le cœur net, la prochaine nuit de pleine lune est programmée le 4 février.


DR

Si t’as grandi dans les années 90, cette émission de TF1 sur les phénomènes paranormaux t’a sans doute empêché de t’endormir certains soirs. Flashback.

LA MAISON QUI SAIGNE Il s’agit du tout premier épisode. C’était le 8 juillet 1992 et les téléspectateurs découvraient une histoire bien bien ouf en Picardie. Celle d’une maison possédée qui saignait, littéralement. Des traces de sang apparaissaient sans raison sur les murs, le sol, les lits… Avant que les habitants décident de se barrer.

LES YEUX DES TABLEAUX Pierre et Carmen Tisserand sont propriétaires d’un petit hôtel. Tout se passe bien jusqu’au jour où des esprits commencent à se manifester : lampes qui s’allument toutes seules, bruits inexpliqués et, plus scary, des tableaux dont les yeux bougent (photo). Conseil : si votre gosse est pénible un jour, vengez-vous en lui montrant cet épisode.

LES POMMES VOLANTES Alors qu’ils vivaient paisiblement dans leur maison normande, deux retraités vont être victimes d’un poltergeist. La nuit, des pas se font entendre au grenier et des meubles se déplacent. Point d’orgue : des pommes qui volent et traversent les murs. Une histoire qui inspira Sexy Sushi pour un de ses titres. 39


RDV

NO SPAIN NO GAIN NOM DU GROUPE : MOURN. PROVENANCE : BARCELONE. SIGNE PARTICULIER : MEMBRES À PEINE SORTIS DE L’ADOLESCENCE. SUR LE CV : LES ÉLOGES DE PITCHFORK ET UNE SIGNATURE CHEZ LE PRESTIGIEUX LABEL CAPTURED TRACKS. OKLM. 18 ans normalement, tu en es encore à écrire sur ta trousse les noms de tes groupes préférés. Dans le meilleur des cas, à jouer avec tes potes pour la fête de fin d’année de ton bahut dans la salle de DS devant tes profs et le dirlo. C’est le max à envisager quand on est à peine sorti de l’adolescence, qu’on a de l’acné plein la gueule et qu’on dort encore dans sa chambre d’enfant au milieu des posters de Muse et de Lionel Messi. Autant dire que Carla Pérez Vas et Jazz Rodríguez Bueno sont des ovnis : alors qu’elles ont à peine atteint la majorité, le groupe qu’elles ont fondé, Mourn, a déjà fait son 40

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entrée dans le grand monde du rock indé, via un article élogieux sur Pitchfork, une signature chez Captured Tracks (Mac DeMarco, Thee Oh Sees, Wild Nothing…) et une étiquette “découverte” dans la programmation de La Route du Rock Hiver. « Tout ça est un peu fou et inattendu, ont-elles reconnu lorsqu’on les a interrogées en décembre. Signer sur ce label notamment, c’est une opportunité dingue qu’on n’a clairement pas envie de gâcher. » Ce qui a tapé dans l’œil des hipsters ricains, c’est bien sûr l’insolente précocité de ces deux jeunes filles, qui ont fait appel à la petite sœur de Jazz, Leia, 15 ans seulement (!), et un

ami à elle, Antonio, pour compléter le groupe, désormais constitué de quatre personnes. Un premier album, enregistré à l’arrache mais déjà bien abouti, a servi de carte de visite, avec quelques morceaux épiques, dans une veine PJ Harvey/ Sonic Youth/Pixies : Silver Gold ou encore Otitis. « On aime un paquet de groupes d’inspiration nineties », précisent Carla et Jazz, qui citent d’autres références : « Sunny Day, Real Estate, Archers of Loaf mais aussi d’autres trucs plus vieux comme les Clash, les Ramones ou The Band… » Et la scène espagnole alors ? « Il y a pas mal de bons groupes et de lieux pour jouer, notamment


Robert Redfield

chez nous à Barcelone. Le public rock est nombreux et enthousiaste. Après, le gouvernement espagnol a tendance à s’en foutre pas mal de la culture et ne soutient que très peu ses artistes… » L’année 2015 va être l’occasion de sortir du pays. Deux premières dates sont déjà programmées ces prochaines semaines hors des frontières : aux Pays-Bas d’abord, puis à Saint-Malo pour La Route du Rock en février. Une grande première dont elles comptent bien profiter. « Ce qui nous arrive est hyper excitant », avouent les deux copines qui continuent, comme les deux autres, de mener leurs études en parallèle. « Pour l’instant on se débrouille : cours la semaine, répétitions et concerts le week-end, interviews et ce genre de choses le soir. » Après leur concert le samedi à La Route du Rock, il faudra vite rentrer : il y a école lundi ! Régis Delanoë Le 28 février à La Route du Rock à Saint-Malo 41


RDV

« LA FAMILLE RED BULL » LE DJ RENNAIS DOUCHKA, 23 ANS, REVIENT DE TOKYO OÙ IL FAISAIT PARTIE DE LA PROMO 2014 DE LA RED BULL MUSIC ACADEMY. UNE SORTE DE VILLA MÉDICIS 2.0 OÙ ÉTAIENT RÉUNIS 60 JEUNES ARTISTES DE LA PLANÈTE. ALORS, BIEN OU BIEN ? Pourquoi t’as postulé à la Red Bull Music Academy (RBMA) ? C’était la deuxième fois que je déposais ma candidature et cette année j’ai eu la chance de faire partie des lauréats. Ce qui m’intéressait avant tout, c’était les rencontres que la RBMA pouvait m’offrir. Ce qui est bien, c’est que ce n’est pas un projet uniquement ouvert à ceux qui font de la musique électronique. Il y avait aussi des chanteurs, des pianistes… J’ai notamment bossé avec Parachute Pulse, une jeune chanteuse londonienne, qui est venue poser sa voix sur un de mes morceaux. Moi qui ai plutôt l’habitude de travailler avec des a cappella chopés sur le Net, c’était quand même plus sexy de pouvoir le faire en direct, dans des studios avec du matériel de fou. 42

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Concrètement, à quoi ont ressemblé ces deux semaines à Tokyo ? D’un côté, j’avais des conférences et cours théoriques. De l’autre, des workshops et du travail en studio. Pendant deux jours, j’ai notamment eu Just Blaze rien que pour moi. Un mec qui a produit pour Jay-Z et qui se retrouve face à toi pour te montrer ses techniques pour faire sonner ton morceau mille fois mieux.

Nina Kraviz, Hudson Mohawke ou Silva. Ça ne veut pas dire que tout est tracé, mais la sélection est tellement dure (60 lauréats pour 6 000 candidats) qu’on te prend peut-être plus au sérieux.

Ce qui t’a poussé à te consacrer à 100 % à la musique aujourd’hui ? J’ai décidé d’arrêter mes études ouais. J’avais prévu d’enchaîner sur un master aux beaux-arts de Être estampillé Red Bull, à quoi Rennes, mais Red Bull et mon envie ça sert ? de faire du studio sont passés par là. À mon retour, j’ai eu une proposi- Pour 2015, je bosse sur des remix, tion de management, ainsi que de quelques dates et la préparation beaux plateaux, comme le Pitchfork d’un nouvel EP. festival. Et puis tu rentres dans une Recueilli par espèce de famille qui est celle de la Julien Marchand RBMA, où sont passés des artistes de renommée internationale comme Le 23 janvier au festival Astropolis à Brest


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LES SPECTACLES DE MAGIE, CE N’EST PAS QUE SYLVAIN MIROUF. LA PREUVE AVEC ÉTIENNE SAGLIO. Étienne Saglio a une manie : donner vie à des objets sans intérêt. Fil de fer, vieilles cordes, bouts de papier, tuyaux… Depuis son premier spectacle Le Soir des monstres en 2009, il cultive un rapport particulier avec les matériaux « pauvres » dont il aime décupler le potentiel imaginaire. Que ce soit dans Le Silence du monde (une sorte de cabinet de curiosités constitué de nuages sous cloche et de danseurs en papier) ou dans Les Limbes (sa toute dernière création où il raconte à l’aide d’une simple bâche en plastique son voyage vers le royaume des morts), il multiplie les illusions avec un minimum d’artifices et réinvente « une magie sans magicien ». À la différence de la prestidigitation des shows télé, Étienne Saglio aime laisser le spectateur libre de ses interprétations et de ses choix. « La magie est un genre qui génère de la frustration et de l’énervement, il y a un conflit entre le public et le magicien. Je préfère qu’il y ait une opposition interne au spectateur. Qu’il ait envie d’y croire ou de comprendre comment ça marche, l’important est de le laisser maître de l’expérience. » Jusqu’au 1er mars à La Fabrique des songes aux Champs Libres à Rennes Les Limbes : du 19 au 21 janvier au théâtre de Cornouaille à Quimper 43


RDV

SAGES POÈTES DE LA RUE

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AUTEURS D’UN NOUVEL ALBUM SORTI À L’AUTOMNE, LES NANTAIS DE CABADZI POURSUIVENT DANS LEUR VEINE HIP-HOP ARTISANALE ET ENGAGÉE. UNE POSTURE REVENDIQUÉE PAR CE GROUPE POUR QUI LA MUSIQUE EST PLUS QU’UN DIVERTISSEMENT.

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ALLIAGE

SAC À DOS

En 2009, Lulu et Vikto, deux amis membres d’une compagnie de cirque contemporain, décident de fonder un groupe. « On est des gros fans de hip-hop indé, le label Anticon, Buck 65, ce genre… L’idée de base c’était d’aller dans cette veine sans recourir aux samplers de cordes ou de cuivres mais d’en avoir pour de vrai. C’est là qu’on a rencontré Camille et Jo, des musiciens issus du baroque. Cabadzi est né de cet alliage. C’est encore aujourd’hui ce qui fait son ADN. »

Depuis les débuts du groupe il y a un peu plus de cinq ans, Cabadzi a beaucoup tourné. « Environ 140 dates rien que pour défendre le précédent album », calcule Lulu. Des concerts dans toute la France mais aussi bien au-delà. « L’Europe de l’Est, les pays Baltes, la Colombie par deux fois… Les textes en français pourraient constituer un frein mais en fait non : parmi ceux qui ici apprécient la musique anglosaxonne, combien maîtrisent le sens des paroles ? Une minorité. »

INSTINCT

MILITANT

Vite repéré par de gros festivals comme Le Printemps de Bourges et les Francos, Cabadzi a récemment pris un virage plus rock avec le dernier album Des angles et des épines, sorti en septembre dernier. « C’est vrai que le style a un peu évolué mais rien n’est jamais calculé. Là il se trouve qu’on est dans une phase plus rock aussi parce qu’on en écoute plus. Mais ça ne veut pas dire qu’on va s’y cantonner. Peut-être que le prochain album sera plus électro ? Ou au contraire radicalement acoustique ? »

Les textes sont empreints de militantisme (de gauche, hein) revendiquée. « Je ne prétends pas changer le monde ni même les avis des personnes qui vont nous écouter mais j’ai besoin d’aller au-delà du divertissement. Il y a, je pense, une forme de chronique cinématographique dans ce que j’écris, avec un fond politique, social, philosophique mais jamais moraliste. » R.D Le 30 janvier au 6par4 à Laval Le 14 février à La Carène à Brest


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POUR ANNE-CLAIRE LAINÉ, DU FESTIVAL LONGUEUR D’ONDES, LA RADIO N’EST PAS MORTE. REALLY ? Comment se porte la radio ? C’est un média qui va bien et qui s’adapte aux nouvelles formes de diffusion : tablettes, smartphones… La radio bénéficie d’une meilleure cote de sympathie que la télé. Pourquoi ? Il y a un côté mystérieux dans la voix qui relève de l’émotionnel. C’est aussi un rituel qui se transmet de génération en génération. Il passe les modes. Est-elle en danger à l’heure du web ? Je vois plus le Net comme un atout que comme un rival. Il permet le développement d’une multitude de webradios animées avec passion par des bénévoles. Cela libère la parole. Quels efforts sont entrepris ? Des pistes de réflexion sont menées, avec par exemple l’accompagnement du son par l’image en proposant de filmer les studios. Ce n’est pas sans soulever quelques critiques… Est-ce encore de la radio ? La question se pose. En tout cas, je ne m’inquiète pas pour son avenir. Info continue ou documentaires, émissions généralistes ou pointues, publique ou privée... À chacun sa place et sa légitimité. Du 27 janvier au 1er février à Brest 45


RDV

EN ORBITE C’EST L’UN DES GROUPES DE LA RÉGION DONT ON A LE PLUS PARLÉ FIN 2014. DES STUDIOS DE MAPL AUX TRANS, FUZETA A RÉUSSI SON DÉCOLLAGE. EN ATTENDANT, ESPÈRE-T-IL, SE FAIRE UNE PLACE SUR LES PROG DE 2015.

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bords de la Vilaine, notre grandmère, notre père parti refaire sa vie au Portugal (d’où le nom du groupe, Fuzeta étant un village au sud du pays, ndlr)... C’est comme ça qu’on est arrivé à faire une pop assez nostalgique et mélancolique », poursuit Dorian qui, avec ses compères, a patiné les contours du projet dans les studios de MAPL à Lorient. Avant que leur nom ne fuse aux oreilles de Jean-Louis Brossard des Trans Musicales où ils étaient

programmés en décembre dernier. « Une date qui nous a permis d’être contactés par quelques tourneurs. Une bonne chose pour la suite. » Objectif : poursuivre leur chemin vers la professionnalisation. « On pense que c’est jouable, mais la question est plus de savoir le temps que ça va prendre. On l’espère en tout cas. » J.M Le 30 janvier à La Carène à Brest Sortie de l’EP Dive le 18 avril

Richard Dumas

estival des Indisciplinées, Lorient, samedi 8 novembre 2014. Devant une salle plutôt bien remplie (pour l’heure de l’apéro), les quatre gars de Fuzeta rentrent sur scène pour ouvrir la soirée. Face à eux, les copains, la famille et tout un tas de curieux voulant en savoir plus sur ces régionaux de l’étape dont les initiés murmurent le plus grand bien. Ce soir, c’est leur premier “vrai” concert. Un test grandeur nature après plus d’un an de travail dans l’ombre. « L’attente était longue mais on souhaitait être prêt avant de sortir du bois. On ne voulait pas débarquer en mode chien fou enchaînant les bars après avoir composé deux ou trois titres seulement », justifie aujourd’hui Dorian, 25 ans, guitariste et chanteur du groupe. Un groupe qu’il a fondé avec ses deux frères, Pierre et Charles, bientôt rejoints par Jérémy, un ami proche. Tous sont originaires de La Roche-Bernard dans le Morbihan. Le point de départ de Fuzeta. « À la différence de mon précédent groupe (Purple Moutain, ndlr) où on pensait d’abord à la forme plutôt qu’au fond, on souhaitait ici réfléchir avant tout à ce qu’on voulait raconter. Notre histoire en l’occurrence : notre enfance sur les


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VTS

VIDE TON SAC LES BEAUX-ARTS ENVIE DE VOIR DES TOILES DE MAÎTRE SANS ÊTRE OBLIGÉ DE BOUGER JUSQU’À PARIS ? LES MUSÉES BRETONS COMPTENT EUX AUSSI DES GRANDS NOMS DE LA PEINTURE DANS LEURS COLLECTIONS. SÉLECTION (NON EXHAUSTIVE) EN COMPAGNIE DES CONSERVATEURS.

DEUX TÊTES DE BRETONNES PAUL GAUGUIN, 1894 MUSÉE DE PONT-AVEN Incontournable du musée de Pont-Aven, ce pastel de Gauguin est modeste par la taille (30 x 42 cm) mais grand par la valeur : un appel au mécénat a permis de le racheter 482 624 € lors d’une vente en 2003. Son nom serait trompeur, d’après Estelle Guille des Buttes, conservatrice : « S’il représente bien une Bretonne, située à droite, le personnage de gauche a des traits tahitiens, l’autre terre d’adoption de Gauguin. » Le peintre n’a jamais révélé l’identité de ces deux jeunes femmes. Il n’a en revanche pas fait mystère du destinataire de cette œuvre, signant d’une rare dédicace « à l’ami Maufra », soit Maxime Maufra, impressionniste de renommée modeste qui mourut en 1918, quinze ans après son aîné. 48

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Considérée comme la pièce maîtresse du musée rennais, Le Nouveau-né représente Marie tenant son enfant Jésus, accompagnée de Sainte-Anne, la grand-mère du Christ. « Il s’agit d’un sujet traité dans de nombreuses peintures mais ce qui est intéressant ici, c’est l’absence d’attributs de divinité : seul le miracle de la naissance est exposé. Nous sommes sur une peinture silencieuse, très méditative, les personnages semblent suspendus dans le temps », éclaire Guillaume Kazerouni, l’un des conservateurs. Une toile qui a longtemps été enveloppée d’un épais mystère. Saisi au moment de la Révolution, ce tableau non signé a d’abord été attribué au peintre hollandais Schalken. C’est seulement en 1915 que Georges de La Tour en fut reconnu comme l’auteur.

Musée de Pont-Aven

Jean-Manuel Salingue – musée des beaux-arts de Rennes

LE NOUVEAU-NÉ GEORGES DE LA TOUR, VERS 1648 MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE RENNES


LE CHRIST SUR LA CROIX EUGÈNE DELACROIX, 1835 MUSÉE DE LA COHUE À VANNES

Collection du musée des beaux-arts de Brest

Musée de la Cohue

Chef de file de l’école romantique, Delacroix avait un style « quasi cinématographique » selon Marie-Françoise Le Saux, conservatrice au musée vannetais. Son interprétation de la crucifixion est un drame qui se noue sous nos yeux. « On peut presque entendre le ciel tonner, Jésus souffrir et le peuple gémir. » Considéré comme une « abomination » à sa sortie en 1835 (« montrer le Christ dans sa fragilité, c’était monstrueux pour l’époque »), le tableau est refourgué à Vannes où il est très peu apprécié des paroissiens. « Il est finalement sauvé à l’occasion d’une rétrospective organisée à la mort de Delacroix. Une première restauration est alors effectuée. » D’autres suivront, et les Vannetais découvrent enfin qu’ils ont un chef d’œuvre en leur possession.

JUDITH TENANT LA TÊTE D’HOLOPHERNE LE GUERCHIN, 1651 MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE BREST

Jean-Manuel Salingue – musée des beaux-arts de Rennes

Tirée d’un épisode de l’Ancien Testament, cette toile du peintre italien Le Guerchin raconte comment Judith, une jeune juive de la cité de Béthulie, a réussi à mettre en déroute l’armée du roi Nabuchodonosor qui assiégeait sa ville. Courtisée par le général Holopherne qui menait l’attaque, la jeune femme profita de ses charmes, de l’alcool et de la nuit pour lui trancher la gorge et le décapiter. « Judith s’inscrit comme une représentante de la galerie des femmes fortes. Ce tableau montre une puissance expressive

particulièrement marquée, éclaire Pascal Aumasson, conservateur au musée des beaux-arts de Brest où trône l’œuvre. Entre 1651, date à laquelle Le Guerchin l’a vendue à un pharmacien de Bologne et son acquisition en 1969 par le musée de Brest à un antiquaire, nous ne connaissons malheureusement rien de son parcours. »

LA CHASSE AU TIGRE PIERRE PAUL RUBENS, ENTRE 1615 ET 1617 MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE RENNES Ce tableau fait partie d’un ensemble de quatre toiles de chasse exotique : La Chasse à l’hippopotame et au crocodile, La Chasse au lion, La Chasse au sanglier et, présente au musée des beaux-arts de Rennes depuis 1811, La Chasse au tigre. Pour réaliser cet ouvrage, Rubens va s’inspirer de La Bataille d’Anghiari de Léonard de Vinci. « La composition est semblable, avec cet enchevêtrement d’animaux et de personnages. Quelque chose de très compact, avec beaucoup de mouvements et de couleurs. Un étalage d’art où Rubens montre sa virtuosité, détaille le conservateur rennais. Pour autant, cette densité ne crée pas un sentiment d’étouffement. L’ensemble est harmonieux car maîtrisé ».

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RECOMMANDE

CHAPELIER FOU

VAUDOU GAME

FESTIVAL 360 DEGRÉS

LE KRUMP

Ça fait déjà quelques temps qu’il bourlingue, Louis Warinsky aka Chapelier Fou qui, avec son troisième album Deltas sorti à l’automne, confirme le bien qu’on pensait de lui. Son électro exigeante et anachronique sera de passage à Rennes et St-Avé où L’Échonova fêtera son 5e anniversaire.

OK, l’expression “mettre le dawa” est ringarde mais c’est bien la plus appropriée pour qualifier l’état du hall 8 au Parc Expo vers minuit le dernier soir des Trans en décembre. Un sacré dawa provoqué par le fiévreux groupe Vaudou Game, de retour à Rennes en mars. Grosse nouba !

Ce rendez-vous fait figure d’ovni dans la prog de La Passerelle. Pour sa 7e édition, ce festival poursuit sa découverte d’artistes pluridisciplinaires. Parmi les invités : les zigotos de Lisbeth Gruwez avec leur pièce Ah/Ha (photo), le duo Berlin et ses 30 récits étranges (mais vrais) ou encore Kévin Jean et sa 36e chambre…

Née dans les années 90 dans les quartiers de Los Angeles, cette danse se caractérise par un enchaînement de mouvements rapides, saccadés, tribaux et rageurs. En clair, ça envoie. Pour le temps fort hip-hop du Triangle, le spectacle Krump’n’ Break Release verra se confronter krumpers et breakers, pour une battle toute en transe.

À La Passerelle à Saint-Brieuc Du 25 au 27 mars

Au Triangle à Rennes Le 26 février

Richard Schroder

DR

Rain dog productions

À L’Ubu à Rennes Le 21 mars

Rico Forhan

Aux Embellies à Rennes le 5 mars À L’Échonova à St-Avé le 28 mars

MANSFIELD.TYA

THE DANDY WARHOLS

ALEXANDRE ASTIER

FEU! CHATTERTON

Pour fêter les dix ans de la sortie de leur premier album June (qui sera réédité en vinyle), les deux Nantaises Julia Lanoë et Carla Pallone reprennent la route et remontent sur scène où elles reprendront les titres de ce disque en version lo-fi. C’est bon ça.

Depuis le docu Dig!, où ils passent c’est vrai un peu pour des cons, les Dandy Warhols ont morflé. C’est injuste car c’est oublier qu’ils ont pondu un chef d’œuvre intemporel, l’album 13 Tales from Urban Bohemia, un must have pour tout mélomane.

Après son spectacle sur JeanSébastien Bach, le cerveau de Kaamelott (<3) s’attaque à la question extraterrestre dans L’Exoconférence. Et tout y passe : Roswell, les voyages interstellaires, les crânes de Nazca, les crop circles, le mythe soucoupique… Intelligent, subtil et drôle.

Découverts aux Bars en Trans en 2013, ces Parisiens ont fait du chemin depuis. Un EP convaincant, des concerts attendus et divers prix qui ont fait monter la mayonnaise sur cette formation. À coup sûr, un groupe qui squattera les festivals cet été. En attendant, allez les voir avant les autres.

Aux Embellies à Rennes Du 5 au 8 mars

50

À La Carène à Brest Le 25 mars

janvier-février-mars 2015 #20

Au Quartz à Brest Le 29, 30 et 31 janvier

Au Run ar Puñs à Châteaulin Le 7 février




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