BIKINI AVRIL-MAI 2022

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AVRIL-MAI 2022 #56



TEASING

À découvrir dans ce numéro... «UN MONDE À PART, À L’ÉCART DES RADARS»

A N T I - D I VA

GALLO R AD IO PIR ATE

«LE VÉGÉTAL EST NOTRE MEILLEUR ALLIÉ»

MONTAGNE

OUESSANT

PLOUCS

MUTINE

«LE FOOTBALL EST LE PLUS THÉÂTRAL DES SPORTS»


ÉDITO

TU SAIS QUE LA PRÉSIDENTIELLE N’A PAS ÉTÉ TOP QUAND... … tu t’es inscrit sur les listes électorales au dernier moment, juste par principe. … les questions de l’urgence climatique et des inégalités ont occupé une place plus qu’anecdotique (oui, nous sommes naïfs). … c’est désormais Cyril Hanouna qui interviewe les candidats (et ça choque personne). … l’ensemble des candidats d’extrême droite ont réuni, en moyenne, 30 % dans les sondages. … Y a pas encore eu de lipdub de campagne (« Tous ceux qui veulent changer le moooonde ! »). … les enjeux culturels ont été aux abonnés absents (d’ailleurs tu avais complétement zappé que l’actuelle ministre de la culture était Roselyne Bachelot). … Les Guignols de l’info te manquent (en infotainment politique, on n’a pas fait mieux depuis). … Pas de débats, peu de meetings, des candidats invisibilisés... y a-t-il eu une campagne ? … tu te refais en replay la masterclass de Poutou face à Fillon et Le Pen lors du débat télé de 2017. Juste pour le kiff. … même les 6 % de Hamon font aujourd’hui rêver les socialistes. … Seul Le journal de campagne de Pierre-Emmanuel Barré t’as permis de garder un lien quotidien avec la présidentielle. … tu sais toujours pas pour qui tu vas voter. La rédaction

SOMMAIRE 6 à 11 WTF : warm up, arbres en villes, sport et art, cirque contemporain... 12 à 21 La montagne, ça vous gagne 22 à 27 Les combattants de l’obscurité 28 à 33 Mutine, 40 ans toujours pirate 34 à 37 Le gallo au petit trot 38 à 47 RDV : Quinquis, Gargäntua, Algues Vertes, Tachycardie Ensemble, Le Cauchemar de Séville, Kalika, Zaho de Sagazan... 48 & 49 Jean Cras : un piano sur la mer 50 4

BIKINI recommande

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WTF

QUEL WARM-UP ALLER VOIR ?

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PERFECT NIGHT

EN GUISE D’ÉCHAUFFEMENT POUR FAIRE PATIENTER LEUR PUBLIC, DE PLUS EN PLUS DE FESTIVALS D’ÉTÉ ORGANISENT DES CONCERTS DANS LES SALLES DE LA RÉGION. TOP 3 DE CES SOIRÉES TEASING.

HELLFEST

ToMat

VROUM VROUM

Après deux années forcées au stand, le Rock’n Solex, plus ancien festival étudiant de France, remet les gaz. Avec, comme d’hab, une prog qui tabasse pas mal : Stand High Patrol, Héctor Oaks, Josman, Youv Dee, Gwendoline (photo)… Du 4 au 8 mai à Rennes.

DE A À Z

goncourt L’autrice Alice Zeniter (Goncourt des lycéens 2017 avec L’Art de perdre) se plaît en Bretagne, où elle réside et mène ses activités d’écrivaine et de metteuse en scène. Racontant la mécanique du récit, la pièce Je suis une fille sans histoire est à l’affiche de La Passerelle à Saint-Brieuc les 20 et 21 avril. 6

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Que reste-t-il de la transgression de Lou Reed ? Une décennie après la disparition de l’iconique chanteur new-yorkais, le chanteur Fred Nevché et le compositeur électro French 79 lui rendent hommage avec un album (paru l’an dernier) et une tournée de concerts. Le nom de ce projet : The Unreal Story of Lou Reed. Le 31 mai à L’Aire Libre à Saint-Jacques-de-la-Lande.

Le Hellfest a pris des proportions assez folles et il devient de plus en plus difficile de se rendre au grand raout métal de Clisson. Le festival a donc décidé de s’exporter avec une tournée “Hellfest Warm-Up” d’une vingtaine de dates, mettant cette année à l’honneur Tagada Jones et Crisix. C’est pas Metallica ni les Guns N’ Roses, mais y a quand même matière à bonne soirée. Quand ? Le 20 avril à L’Étage à Rennes et le 6 mai à La Carène à Brest

LABEL CHARRUES

MOTOCULTOR

Comme son grand frère du 44, le Motocultor organise aussi ses soirées de chauffe. La première a lieu le 7 mai à Séné et affiche un casting royal (Mars Red Sky, The Psychotic Monks, We Hate You Please Die...). La seconde s’appelle “Motocultor : Stayin’ Alive” et a lieu à la maison ou presque, dans la salle de L’Échonova. En tête d’affiche de la soirée : les Bordelais de Gorod et leur death métal bien vénère. Quand ? Le 21 mai à L’Échonova à Saint-Avé

Les Vieilles Charrues ont longtemps organisé un tremplin pour soutenir la scène locale, avant de changer de stratégie en remplaçant ce concours par la désignation de deux groupes du coin, invités à une tournée des salles avant de fouler la pelouse de Kerampuilh. Les heureux élus pour cette édition 2022 sont les Briochins de Dewaere avec leur noise rock et les Rennais de La Battue (photo) avec leur sunshine pop. Que du bon. Quand ? Le 21 avril à La Nouvelle Vague à Saint-Malo, le 22 avril à Hydrophone à Lorient, le 23 avril au Novomax à Quimper et le 29 avril à Bonjour Minuit à Saint-Brieuc



WTF

« EN VILLE, L’ESPÉRANCE DE VIE D’UN ARBRE N’EST QUE LE NÉO-FINISTÉRIEN DAVID HAPPE VIENT DE SIGNER « AU CHEVET DES ARBRES », UN OUVRAGE QUI S’INTERROGE SUR UN CONSTAT S’IMPOSE : LES ARBRES AFFICHENT UN BILAN DE SANTÉ PRÉOCCUPANT, CAUSÉ PAR DES CONDITIONS DE VIE DE SÉCHERESSE PLUS FRÉQUENTS. UNE SITUATION À CORRIGER AFIN DE RENDRE LES VILLES RÉSILIENTES FACE AU De plus en plus de municipalités, à l’image de Rennes et Brest, mettent en place des “chartes de l’arbre” avec notamment des objectifs chiffrés de plantation. Est-ce un dispositif efficace ou est-on plutôt dans le symbole ? Si l’objectif est uniquement chiffré, cela n’a strictement aucun intérêt. Planter 30 000 arbres d’ici 2026 (ce que prévoit la charte rennaise, ndlr), si c’est pour les implanter sur quatre ou cinq hectares en périphérie, là où il n’y a pas d’enjeux, ça ne sert pas à grand chose. En revanche, les répartir de manière équilibrée à l’échelle du territoire communal, l’impact est beaucoup plus positif, même si c’est bien sûr plus complexe à porter.

Pourquoi est-ce important d’avoir des arbres dans les villes ? Cela fait environ 500 ans que les arbres « hors forêt » ont commencé à peupler nos bords de routes et nos rues. Cela pouvait être à des fins utilitaires (construction, bois de chauffe) ainsi que pour des raisons esthétiques. Aujourd’hui, l’un des premiers objectifs est de rendre nos villes résilientes par rapport au changement climatique. Le végétal constitue le meilleur climatiseur naturel. En période de canicule, vous pouvez abaisser votre température corporelle de 6 à 10° en étant sous les frondaisons d’un arbre. Le second enjeu est, selon moi, la reconquête de la biodiversité en ville. Dans les Que pensez-vous des projets de régions où il y a des grandes cultures micro-forêt urbaine qu’on voit se agricoles, les refuges de biodiversité développer un peu partout ? ne se trouvent pas à la campagne, Je suis réservé là-dessus. Déjà, il faut mais plutôt dans les zones urbaines. rappeler qu’on ne construit pas une Voilà pourquoi il faut rendre les villes forêt, ça relève d’un processus naturel. plus perméables à la nature. Ce n’est pas qu’une somme d’arbres. Ce sont des relations entre les arbres, L’arbre urbain a-t-il un effet local le terrain et l’ensemble des organismes ou global sur le réchauffement clivivants qui vivent dans cette forêt. matique ? Le fait de parler de micro-forêt en Aujourd’hui, on estime le nombre disant “dans 15 ans, on aura autant d’arbres à 6 000 milliards sur la plade biodiversité que dans une vraie nète. Le poids des arbres urbains dans forêt” me choque car ça peut aussi la canopée mondiale est très modeste. avoir un effet pervers : aujourd’hui, Ce ne sont pas eux qui vont nous nous sommes dans une logique de sauver du réchauffement climatique. compensation des atteintes à la nature. Par contre, la population étant de Si vous détruisez deux hectares d’une plus en plus urbaine, si on veut que forêt de hêtres âgés de 200 ans, pour ces espaces restent encore vivables, ensuite planter quatre hectares de on n’a pas le choix, il faut des arbres micro-forêt, on n’est pas sur les mêmes en ville. Cela reste le meilleur allié équivalences écologiques. contre les îlots de chaleur. 8

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Comment se porte le végétal en ville ? Il est dans un état assez préoccupant. En moyenne, l’espérance de vie d’un arbre n’est que de 60 ans en ville. Ce qui est attristant quand on sait que la plupart des arbres peuvent être multiséculaires. Les arbres ont été très maltraités. On les a plantés dans des conditions souvent défavorables : dans des fosses individuelles, et non en tranchée continue, avec parfois seulement un ou deux mètres cubes de terre qu’on a recouvert de bitume. Pour s’alimenter en eau, c’est donc compliqué. À cela s’ajoutent des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents. Tout cela provoque des situations de stress hydrique. Cela affaiblit les arbres qui deviennent plus vulnérables. Je pense notamment aux érables qui sont attaqués par un champignon entraînant un dépérissement massif et rapide.


DE 60 ANS »

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LA PLACE DU VÉGÉTAL EN MILIEU URBAIN. DÉFAVORABLES ET DES ÉPISODES CHANGEMENT CLIMATIQUE.

Comment améliorer leur condition ? Il va falloir repenser la manière de faire. Par le passé, on a planté des arbres sans se projeter. Le meilleur exemple : les platanes. Des arbres qui peuvent faire 25 ou 30 mètres de haut et qu’on a installés dans des rues parfois très étroites. Du coup, on les massacre, on les taille pour les rendre plus adaptables à leur contexte. Il va falloir aussi revoir notre palette végétale, en utilisant des espèces locales et rustiques qui poussent dans des conditions défavorables, ainsi que des espèces d’autres régions du monde qui résistent aux chaleurs excessives et au stress hydrique. La seule condition : qu’elles ne soient pas frileuses durant nos hivers parfois très froids. Recueilli par Julien Marchand Au Chevet des arbres, aux Éditions Le Mot et le Reste 9


WTF

« ON OPPOSE LE SPORT ET L’ ART, À TORT » LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE BREST A INVITÉ LE STADE BRESTOIS ET LE BREST HANDBALL MÉTROPOLE COMME COMMISSAIRES DE SA NOUVELLE EXPO. DEUX MONDES RÉUNIS AUTOUR D’UN DÉNOMINATEUR COMMUN : LE CORPS. jeu (dont Yvon Le Roux, Marion Limal, Gaëlle Le Hir...), collaborant avec l’équipe du musée pour concevoir l’expo Corps Accords, proposant 44 œuvres du 17e siècle à aujourd’hui. Peintures, sculptures, arts graphiques (dont Bagarre de blousons noirs, de Fernand Daucho, faire rejoindre les mondes du sport photo)… « La thématique du corps et de l’art qu’on a tendance à oppo- s’est imposée car c’est à la fois une ser, à tort. » expression artistique incontournable S’il n’a pas été possible d’associer et l’outil de travail de ces sportifs qui les joueurs actuels des deux clubs en ont une vision très affirmée. » R.D concernés (« problème de calendrier »), d’anciens footballeurs Jusqu’au 22 mai au musée et handballeuses se sont prêtés au des beaux-arts de Brest Fernand Daucho. Coll. MBA Brest

Décloisonner. Voilà le leitmotiv de Sophie Lessard. Il y a deux ans déjà, la directrice du musée des beaux-arts de Brest avait fait des jardiniers de la Ville les commissaires d’une exposition temporaire participative et collective, baptisée D’art en arbres. Cette année, la responsabilité a été confiée aux deux plus gros clubs sportifs du coin, le Stade Brestois en foot et le Brest Handball Métropole. « Le musée appartient à tous et doit sortir de l’imaginaire élitiste auquel il est trop souvent associé, justifie-t-elle. Nous avons souhaité

Erwan Larzul

ROUFLAQUETTES

Les Douarnenistes de Komodor excellent avec leur hard rock 70’s psychédélique. Les quatre garçons aux cheveux longs ont sorti, fin 2021, Nasty Habits. Un premier album qu’ils défendent le 16 avril au Novomax à Quimper. Ils sont également présents le 14 mai à La Nouvelle Vague à Saint-Malo, cette fois-ci accompagnés de Moundrag, pour leur projet commun intitulé “Komodrag & The Mounodor”.

VERS L’INFINÉ ET AU-DELÀ Après Crave, un premier album sorti en 2018, la musicienne Léonie Pernet revient avec son nouvel opus intitulé Le Cirque de Consolation sur le label InFiné. Un disque mêlant pop, électro et percussions qui confirme tout le bien qu’on pensait d’elle. Le 21 avril à La Carène à Brest et le 22 avril à L’Échonova à Saint-Avé. 10

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Vidéo H

NOUVELLES PISTES

MONTEZ LE CHAPITEAU ! TROIS ÉVÉNEMENTS CÉLÈBRENT LE CIRQUE CONTEMPORAIN. LOW COST PARADISE Si l’association rennaise Ay-Roop a mis son festival en sommeil, elle continue à explorer de nouvelles pistes circassiennes. Et pour fêter son emménagement dans le quartier de Cleunay, c’est une crémaillère XXL sous chapiteau qui se profile. Avec, en point d’orgue, le spectacle Low Cost Paradise, mêlant musique live, trapèze, jonglage et clownerie (photo). Quand ? Du 23 au 28 avril à Rennes

CIRQUE OU PRESQUE C’est dans l’écrin du Château des Pères, à Piré-Chancé, au sud-est de Rennes, que se tient la 9e édition du festival Cirque ou Presque. Autour des trois chapiteaux, s’enchaîneront spectacles, performances en plein air, concerts, déambulations... Quand ? Du 13 au 15 mai à Piré-Chancé

GARE AU GORILLE Avec cette 7e édition, le festival de cirque contemporain imaginé par Le Carré Magique à Lannion signe son retour cette année. Fâce au radôme de Pleumeur-Bodou, ce rendez-vous fête la création circassienne, « un art majeur, irréductible, à l’imagination sans limite ». Quand ? Du 26 au 29 mai à PleumeurBodou 11


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Le mont Saint-Michel

ini les grandes tablées d’enfants, les corbeilles de pain et les assiettes de saucisse-purée. Quarante ans après sa fermeture, le réfectoire de l’ancienne école du hameau de Quénéquen, dans la campagne de Scrignac, connaît une nouvelle vie inattendue. En ce vendredi soir, c’est un double concert qui s’apprête à faire résonner les murs. « La folk-trad du groupe Layland et le rap-punk du chanteur Pounz. Tu vas voir, c’est sympa, m’assure Elena en me faisant la visite des lieux. Derrière, tu as la grande cuisine collective. Ici à l’étage, se trouve une ancienne classe qu’on va retaper pour en faire un appartement. Tout à droite, on a un dortoir de 32 places. Et en attendant que les travaux se terminent, voici deux grandes pièces qu’on a réaménagées en deux logements pour chacun des couples. » La bâtisse est vétuste et mérite un sérieux coup de frais mais rien qui ne puisse entamer l’enthousiasme d’Elena, William, Laure et Étienne, respectivement en recherche d’emploi, étudiant, créatrice de bijoux et menuisier. Il y a encore trois ans, le centre-Finistère et les monts d’Arrée étaient pourtant totalement étrangers à ces quatre trentenaires. 13


« Nous venons de Genève en Suisse où on s’est tous rencontrés dans une coloc, retrace Elena. Et puis un jour, en faisant le tour de la Bretagne, nous sommes tombés par hasard devant cette maison inhabitée. On a flashé direct. C’était ce qu’on recherchait depuis longtemps : un grand lieu où il y ait la possibilité de vivre et de travailler (Laure y a notamment installé son atelier, ndlr). » Les quatre amis se renseignent donc auprès de la mairie, réunissent toutes leurs économies et réussissent à acquérir, en février 2019, le bien et son terrain de 5 000 m2 pour 45 000 €. « Une aubaine, reconnaît la bande qui, très vite, s’est attelée à mettre sur pied la salle de spectacles. Dès le départ, on avait envie de faire de l’ancienne école un endroit ouvert sur l’extérieur, qu’elle profite aux gens du coin qui auraient envie de s’y retrouver. C’était donc important qu’elle soit rapidement prête. » Baptisée le Kernozet (« un mot suisse qu’on a “bretonnisé” : le carnotzet désigne une petite cave aménagée pour boire entre amis. C’est un lieu réservé aux personnes de confiance »), la salle accueille désormais, en moyenne, un concert par mois. Comme en cette soirée qui réunira entre 150 et 200 personnes. « On est sur un réseau ultra local : des gens de Scrignac principalement, un peu des communes autour et quelques-uns qui ont fait le déplacement depuis Brest, éclaire Elena, ravie de participer au regain de vitalité qui insuffle le hameau de Quénéquen. Chaque vendredi, il y a un marché de producteurs qui

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s’installe sur la place. C’est aussi le jour où l’épicerie et le bar, tous les deux associatifs, sont ouverts. Ça a commencé au printemps 2020 et ça fonctionne plutôt bien. »

« Sensibilité environnementale »

Une dynamique qui n’est pas un cas à part dans les monts d’Arrée. Depuis plusieurs mois, ce territoire au cœur du Finistère semble connaître un nouvel élan sur le plan démographique, culturel, social… Ce qui était loin d’être une évidence pour cette terre à l’histoire contrastée, à l’image de ses paysages singuliers. Car sous ses sommets burinés (les plus hauts de Bretagne, avec un point culminant avoisinant les 385 mètres), ses éperons rocheux et ses crêtes écorchées, se dévoile une contrée que beaucoup ont longtemps jugé désolée, mourante, irrémédiablement marquée par la désertification des campagnes. Une zone qu’on passe, au mieux, lorsqu’on emprunte la départementale 785 qui relie Mor-

« Ils ont trouvé ici le cadre de vie qu’ils recherchaient » 14

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laix à Quimper et où on ne s’arrête pas. Pourquoi le ferait-on après tout, tant le coin semble désertique ? La densité de population compte parmi les plus faibles de Bretagne (moins de 20 habitants/km² pour la communauté de communes des monts d’Arrée qui regroupe 7 640 habitants sur treize communes, alors que la moyenne régionale avoisine les 120 habitants/km²), mais différents curseurs commencent à bouger avec, notamment, des municipalités qui ont réussi à inverser la tendance en enregistrant des hausses de leur population. Championne des chiffres récemment dévoilés par l’Insee, la commune de Saint-Rivoal. Entre 2014 et 2019, ce charmant petit village niché au pied du mont Saint-Michel a connu une hausse de 24 % de son nombre d’habitants, passant de 170 à 211. « Les résultats de ce recensement ne m’ont trop surpris car on voyait s’installer de nouvelles personnes depuis quelques années, commente Mickaël Toullec, le maire. Même s’il est difficile de faire des généralités et de dresser un profil type, disons que ce sont principalement des jeunes, âgés entre 25 et 40 ans, avec des revenus


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plutôt modestes, qui ont trouvé dans les monts d’Arrée le cadre qu’ils recherchaient. La plupart ont une sensibilité environnementale. Qu’ils aient un mode de vie décroissant ou plus classique, tous ont cette envie de vivre proche de la nature. »

« Ni agrume ni chocolat »

Pour l’édile, l’arrivée de ces nouveaux habitants s’explique principalement par « la création d’un lotissement qui a permis à des familles de venir s’installer », « l’école publique bilingue qui attire énormément, avec aujourd’hui deux classes ouvertes » et « l’installation de services de proximité, dont deux épiceries, qui permettent de trouver l’essentiel ». Des commerces auxquels s’ajoute désormais L’Auberge du Menez qui, depuis novembre dernier, a rouvert ses portes. À sa tête, deux jeunes chefs : Manuel Penas Galego et Josef Drigé, qui suscitent déjà beaucoup de curiosité. Les deux garçons, âgés de 34 et 27 ans, ne sont pourtant pas du coin. « Nous étions dans des établissements sur Brest avant. On avait depuis longtemps cette envie d’avoir notre propre restaurant, alors quand on a découvert cette opportunité ici à Saint-Rivoal on s’est dit que c’était l’occasion. » 15


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« Une vie en dehors des circuits de consommation » Une nouvelle localisation qui, selon eux, n’est pas anodine dans leur démarche. « S’installer dans les monts d’Arrée avait du sens dans le projet qu’on voulait défendre. Celui d’un établissement semi-gastronomique qui travaille uniquement avec des petits producteurs, artisanaux ou fermiers, installés dans un rayon de 50 kilomètres : viandes, légumes, produits laitiers... On trouve tout ce dont on a besoin. Forcément, on n’a ni truffe ni agrume ni chocolat, mais cela n’empêche pas de proposer une cuisine qui fait voyager. L’idée est de magnifier des produits simples mais d’exception… Tu peux faire des choses incroyables si tu viens les travailler avec différentes techniques : maturation, fermentation, fumaison, cuisson… » Parmi les trouvailles des chefs depuis leur installation à Saint-Rivoal : le

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lactosérum. « On a demandé aux fromagers du coin qui nous approvisionnent ce qu’ils faisaient du petit lait, ce liquide qui ressort du fromage lors de sa fabrication. Nous, on le récupère et on le fait réduire. C’est à la fois sucré, acide, salé… On s’en sert comme sauce ou comme liant », appâtent les deux chefs, qui, avec leur collègue Anthony qui officie en salle, se sont installés en coloc dans le bourg (un mode de logement, avant cantonné aux villes, qui se développe dans le coin : « on voit de plus en plus de groupes de jeunes qui louent ou achètent ensemble une même maison, souvent dans les hameaux », constate Mickaël Toullec). Une nouvelle vie, loin des villes, à laquelle l’équipe de l’Auberge du Menez s’est facilement acclimatée. « Hormis le fait qu’on voulait être à la campagne, on avait déjà eu l’occasion de faire quelques

fêtes et concerts ici, notamment à Saint-Cadou où ça bouge pas mal. » Un dépaysement également réussi pour Audrey Gema et Simon Leboeuf, passés de la banlieue nord de Paris à Scrignac (736 habitants). Installés comme maraîchers en agriculture biologique dans le hameau de Quefforc’h, ces deux trentenaires, parents de deux filles de 3 et 6 ans, symbolisent bien cette vague de néo-ruraux qui, en s’installant sur un tel territoire, ont voulu mettre en pratique leurs aspirations de vie. « Sur Paris, on naviguait pas mal dans le milieu punk. Les idées militantes qu’on entendait là-bas, on a pu les expérimenter ici. On a adopté une vie plus simple, plus autonome, en dehors des grands circuits de consommation… On s’est concentré sur l’essentiel, argumente le couple pour qui les prix plus abordables des terrains et des maisons dans les monts d’Arrée ont permis la concrétisation de leur projet. Ailleurs, ça aurait été compliqué de trouver quelque chose, on a démarré avec très peu. Y compris pour l’activité de maraîchage : une


famille d’agriculteurs de la commune nous a prêté un tracteur et une tonne à eau quand on s’est lancé. »

« Une précarité dominée »

Photos : Bikini

Une réflexion que partagent leurs voisins (et amis) de l’ancienne école de Quénéquen. « À la campagne, le lien social est différent. Et dans les monts d’Arrée, je trouve ce réseau d’entraide particulièrement fort. Il y a un échange de savoir, de compétences, du troc à grande échelle… », éclaire Elena. « On a toujours été un peu en galère financièrement mais, ici, c’est quelque chose qu’on supporte mieux. En ce sens, je trouve qu’on a réussi à dominer notre précarité », ajoute William qui parle d’une « esthétique de vie » propre au territoire. Une solidarité qui s’opère également au Cloître-Saint-Thégonnec (658 habitants) où est née, en 2018, “l’école alternative des monts d’Arrée”. Une structure portée par l’association Les Utopistes en action (rassemblant une trentaine de bénévoles) qui accompagne des migrants et tente de faciliter leur

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intégration. En témoigne l’imposante fresque sur le pignon d’une maison en plein dans le bourg : deux mains, une noire et une blanche, qui se serrent, entourées du message “Kengred etre ar poblou” (solidarité entre les peuples, en breton). Au milieu des autres façades grises et tristounes, la peinture pète à fond. Si la maison où est hébergée la douzaine de réfugiés se situe toujours au Cloître-Saint-Thégonnec, l’école a quant à elle déménagé de huit kilomètres, à Pleyber-Christ. C’est là que nous retrouvons Florence de Calan, une des bénévoles présente depuis le début de l’aventure. À 61 ans, cette ancienne enseignante de lycée vient deux fois par semaine donner un coup de main, animée par l’envie de « garantir l’éducation pour tous ». Les élèves ont entre 16 et 38 ans, et viennent de Syrie, Afghanistan, Cameroun… Du lundi au jeudi, ils y suivent des cours de français, anglais, informatique… Le vendredi est quant à lui consacré aux rendez-

vous médicaux et administratifs. « Notre mission, c’est de tout faire pour favoriser leur insertion. Pour ceux qui sont en âge d’être scolarisés, l’objectif est qu’ils puissent intégrer un lycée. Et pour les autres, qu’ils maîtrisent suffisamment le français pour trouver un boulot et être autonomes. Sachant qu’il y a tous les niveaux : certains sont analphabètes alors que d’autres ont un master… » Ce matin, ils sont répartis en petits groupes. Dans la classe menée par Nathalie, prof bénévole le mercredi et ouvrière agricole les autres jours, Zabiullah, Philippe et Mohamed (photo) apprennent la conjugaison des verbes être et avoir au présent de l’indicatif. Au tableau, des phrases à trous qu’il faut compléter. S’il bute encore sur certains mots, Philippe, un Camerounais de 36 ans, viendra à bout de ses lignes d’exercice. « Je n’ai jamais été scolarisé. Avant d’être à l’école alternative des monts d’Arrée, je ne savais ni lire ni écrire. Après deux années ici, j’arrive à com-

« Si t’es bien informé, t’es en concert tous les week-ends » 18

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prendre un texte. Pour l’écriture, c’est en cours… » S’il est passé par Rennes et Quimper avant d’atterrir au Cloître-Saint-Thégonnec, Philippe ne se voit pas retourner en ville. « Dans un petit village, tu n’es pas accepté le premier jour. Mais à force de dire bonjour, de discuter et d’aller vers les autres, tu te fais des connaissances. Habiter ailleurs ? Non, je me sens à l’aise ici. La vie est plus tranquille, confesse celui qui, à l’avenir, aimerait bien travailler dans l’agriculture. J’adore les animaux, la nature, être dehors dans les champs… Être paysagiste me plairait aussi. »

« Anarchiste »

À moins de dix kilomètres de là, sur la commune de Plounéour-Ménez, David Bazin a, lui, déjà réussi sa reconversion professionnelle. Si de sa boutique il peut presque apercevoir l’antenne de Roc’h Trédudon (l’émetteur télé que des indépendantistes bretons ont fait sauter le 14 février 1974. Chouette cadeau de SaintValentin), le garçon a plutôt les yeux rivés sur ses bacs à vinyles. C’est dans une ancienne stationservice qu’il s’est installé comme disquaire le 3 mars 2020. « Quelques


Photos : Bikini

jours avant le premier confinement, j’ai eu du nez… », sourit ce quinquagénaire qui, après plusieurs années à bosser au service nettoyage d’une usine agroalimentaire (« pas une super expérience, ça use physiquement et moralement »), a réussi à faire de sa passion son métier. « Depuis que je suis ado, je suis branché musique. Ma première claque, c’était The Cure. Puis, j’ai exploré le rock des années 70, 60…, rembobine David qui a alors commencé à collectionner les vinyles. Je suis monté jusqu’à 3 500 disques 33 tours. J’ai injecté une partie quand j’ai ouvert la boutique. Pour les nouveautés, je travaille en direct avec les labels et distributeurs. Ici, on trouve en moyenne 2 000 références, à l’image de mes goûts éclectiques : rock indé, post-punk, noise, expérimental… » Un catalogue à l’esthétique affirmée (« l’autre jour, on m’a demandé si j’avais le dernier Orelsan. Je sais que j’en vendrais mais ça ne m’intéresse pas ») qui colle bien avec l’état d’esprit du garçon. « Je suis pas anarchiste mais pas loin. J’ai un rapport au travail assez compliqué. Voilà pourquoi j’aime bien être disquaire, car je fais ce que je veux dans ma boutique, et pourquoi je me sens bien dans les monts d’Arrée. C’est vrai que c’est un territoire assez écolo, 19


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ancré à gauche… Plus largement, je dirais que les gens sont moins dupes politiquement, moins passifs… » Un esprit d’indépendance que l’on retrouve également chez les acteurs culturels. « Ici, les événements se passent souvent de façon informelle. Il faut faire partie des réseaux pour avoir l’info », éclaire David. Des salles de concerts alternatives, pour ne pas dire underground, à l’image notamment du Taf (ex-Ouch) à Locmaria-Berrien. « Il y a aussi pas mal de soirées et des festivals semi-privés, dans des hangars ou dans des champs. Le tout plus ou moins légal. Si t’es bien informé, t’as moyen de voir des concerts tous les week-ends ici », indique la rappeuse Jomei, installée à Plonévez-du-Faou et habituée du Kernozet à Scrignac. Un cadre champêtre, au milieu des poules en liberté, dans lequel la jeune femme de 23 ans prépare son prochain album qu’elle espère pour 2022 ou 2023.

Plus officiel, le festival Aux Portes de l’Enfer prépare actuellement son retour à Brasparts (1 028 habitants). À la fin des années 1990, ce rendezvous faisait partie des places fortes de la musique dans le Finistère. À la ferme de Gwernandour, sur une scène bricolée dans une étable, se sont succédés les gros noms de l’époque face à 2 800 spectateurs : The Pogues, Louise Attaque (parmi ses premières dates en BZH), Jimmy Cliff, Zebda (alors porté par le tube Tomber la Chemise)… Sans oublier le concert événement : Manu Chao pour l’unique concert breton de sa tournée 2003. « Un sacré héritage, reconnaît Mikaël Pennec qui souhaite relancer la machine, toujours à Brasparts. On a eu des propositions pour le faire ailleurs, mais ça n’aurait pas eu de sens. L’idée est de s’inscrire dans cette histoire et, bien sûr, de faire vivre le territoire. » Si le festival réfléchit à une première soirée pour se roder cet

« Le laboratoire de

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la Bretagne de demain »

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été, il se projette déjà sur 2023 : une édition sur deux jours « avec une jauge entre 2 000 et 3 000 personnes ».

« L’enjeu du logement »

Si les monts d’Arrée apparaissent en pleine bourre, des problématiques subsistent. « Le désert médical, l’absence d’industries, les enjeux liés à la mobilité avec une dépendance à la voiture, la question du foncier…, liste Jean-François Dumonteil, le maire de La Feuillée, également président de la communauté de communes, qui consacre la majeure partie de son action à la question du logement. Car actuellement c’est très compliqué, voire impossible, de trouver une maison en location ou à l’achat. Ou alors en très mauvais état. Les biens partent vite : en deux ans, ce sont une quarantaine de maisons qui ont été vendues sur la commune. » En attendant « que les bailleurs sociaux se rapprochent davantage » de son territoire, l’élu tente de palier ce manque, tant bien que mal. « La mairie fait valoir son droit de préemption pour racheter des bâtiments dans le bourg afin de les réhabiliter. On envisage notamment de retaper quatre maisons vacantes pour y proposer des appartements. » Des chantiers qu’a également entrepris Mickaël Toullec à Saint-Rivoal, en rénovant deux propriétés dans le bourg. « On est aussi en train de travailler sur l’acquisition d’une parcelle pour y faire un éco-lotissement. Car si la vie dans les monts d’Arrée présente des contraintes, la demande reste très importante. » Un peu comme sur les îles finalement avec qui les monts d’Arrée partagent, étonnamment, de nombreux points communs : aux problématiques de logement et de transport, s’ajoutent


une géographie singulière, un climat (avec des records de précipitation et de nébulosité), un état d’esprit… Une insularité intérieure qui ne laisse pas insensible les regards extérieurs. Que ce soit les écrivains (Georges Le Querrec avec Pour Cibles et Claire Léost avec Le Passage de l’été y ont planté l’intrigue de leur dernier roman, tous les deux primés) ou encore les photographes, à l’image de Stéphane Lavoué dont l’expo Les Enchanteurs a cartonné l’an passé aux Champs Libres à Rennes. « Pour cette série photo, il voulait se plonger dans le territoire de l’Ankou, en montrant des habitants atypiques, des personnages, des gueules… Son projet me parlait, alors je l’ai aidé pour faciliter les rencontres, situe Marion Gwenn, comédienne, artiste touche-à-tout et visage connue des monts d’Arrée. Ses photos sont saisissantes, sombres, ténébreuses, mais cela retranscrit bien l’ambiance qu’il peut y avoir ici certains jours d’hiver. » « C’est un monde à part, à l’écart des radars, tout n’y est pas balisé ou voué au tourisme de masse, poursuit le journaliste et auteur Nicolas Legendre qui, pour son ouvrage L’Himalaya breton sorti en 2020, a lui aussi exploré cette contrée. Si on écarte les considérations économiques, les gens viennent y chercher un environnement préservé, pas défiguré par l’agriculture productiviste, qui n’est pas constellé de ronds-points et de zones commerciales. » Presque un paradis perdu, affirme-t-il. « C’est un reliquat d’une Bretagne que je n’ai pas connue et que je fantasme. Avec ces nouveaux et différents modes de vies qui cohabitent, c’est aujourd’hui un lieu des possibles. D’un point de vue utopique, je vois les monts d’Arrée en laboratoire de ce que pourrait être la Bretagne de demain. » Julien Marchand 21


Wizzy Gang

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LA LUMIÈRE NUIT. C’EST LE CONSTAT FAIT PAR DES ACTIVISTES, DES UNIVERSITAIRES ET DES ÉLUS QUI S’INQUIÈTENT DES CONSÉQUENCES DE LA POLLUTION LUMINEUSE. UNE SOLUTION S’IMPOSE : ÉTEINDRE. PARCE QUE C’EST PAS VERSAILLES ICI. uand la pratique a eu ses premiers adeptes il y a une vingtaine d’années, ils se faisaient appeler « yamakasis ». Le terme a même eu droit à sa déclinaison en film, avec Luc Besson à la production. « Mais ça fait un peu ringard maintenant », alors ces ninjas du bitume et des barres d’immeubles préfèrent dire qu’ils pratiquent le parkour. « C’est une sorte de gymnastique avec le mobilier urbain », décrit Mathieu 22

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Brulard, membre du Wizzy Gang à Rennes. « On est une bande de potes, vingtenaires, sept pratiquants réguliers », présente l’acrobate en chef. Fort de ses quasi 40 000 abonnés sur Instagram, le gang a lâché les études pour faire métier de leurs acrobaties. « Comme des sportifs, on tente de percer. » Ils ont investi dans un van et partent à l’aventure. Espagne, Portugal, Italie… Les influenceurs sautent des barres d’immeubles, des ponts et des échafaudages (photo).

Mais ce qui les a fait connaître, c’est le clip de leur première session d’extinction des enseignes lumineuses en 2020. « On était tombé sur le Net sur un mec qui expliquait comment, avec une perche, il s’en prenait aux éclairages des commerces. Comme on est un peu militants, on a voulu l’imiter. Mais pas avec une perche ! En sautant et en grimpant pour dénicher les boîtiers qui permettent d’éteindre les vitrines depuis l’extérieur. On a pris ça comme un entraînement. »


Avec 600 000 vues, la vidéo de leur action cartonne et les Rennais ont même droit à un reportage dans les rues de la capitale bretonne diffusé dans l’émission Quotidien de Yann Barthès. Méga classe. « Depuis, on continue régulièrement de pratiquer ce "light off", même si à Rennes de moins en moins d’enseignes restent allumées toute la nuit. Faut croire que nos efforts ont payé ! » Le terrain de jeu de Mathieu et ses copains de parkour reste néanmoins quasi infini, la France comptant 3,5 millions d’enseignes lumineuses, dont une large part reste allumée toute la nuit. Les couche-tard et lève-tôt peuvent aisément le constater.

« Une centaine d’étoiles maximum »

En plus des enseignes commerciales, ce sont 11 millions de lampadaires qui sont aussi recensés sur le territoire, un chiffre en hausse de 30 % sur les dix dernières années. En y ajoutant les éclairages des maisons et des immeubles, la pollution lumineuse n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. « Des clichés de la NASA révèlent une progression spectaculaire de la luminosité planétaire. En France, c’est une hausse de 89 % des points lumineux qui a été observée ces 25 dernières années. Concrètement, 80 % de la population mondiale vit dans des secteurs éclairés, dont 99 % en Europe », développe Alexandre Crochu, chargé de mission au parc naturel régional du golfe du Morbihan. En novembre dernier, l’Office français de la biodiversité (OFB) publiait une carte détaillant cette pollution lumineuse, avec un Hexagone constellé de taches jaunes au niveau des métropoles, comme autant de zones où la nuit noire a pratiquement disparu. La région n’échappe pas au phénomène, seules quelques poches d’obscurité font de la résistance dans le centre-Bretagne. « Par exemple à Rennes, il est possible d’observer une centaine d’étoiles au maximum par temps clair. Sur 23


9 000 étoiles observables en théorie, ça fait quand même peu… » Bruno Mauguin et Priscilla Abraham sont les responsables du planétarium rennais des Champs Libres. En passionnés du ciel, ils s’agacent de cette dégradation de leurs conditions de travail. « Historiquement, les astronomes sont les premiers lanceurs d’alerte en matière de pollution lumineuse, font-ils remarquer. C’est comme un brouillard permanent qui n’a fait que s’intensifier. Une pollution concomitante au développement de l’urbanisme. Il a fallu progressivement quitter les villes pour installer l’équipement dans les déserts et sur les montagnes. Maintenant, le phénomène est tel qu’on envoie des observatoires dans l’espace… » Les alertes de la communauté des astronomes depuis près d’un siècle n’ont pas eu les effets escomptés. C’est bien dommage, le ciel étoilé pouvant être considéré comme un bien commun que l’Organisation des nations unies réfléchit à classer au patrimoine mondial de l’humanité. C’est inquiétant surtout car la pollution lumineuse a des effets néfastes directs sur la biodiversité, fait remarquer Alexandre Crochu : « Les insectes sont les espèces les plus attirées par la lumière, transformant les lampadaires en buffets à volonté de nourriture pour ceux qui les chassent, comme les oiseaux par exemple. Mais ces derniers voient aussi leurs déplacements fortement perturbés par la lumière artificielle qui brouille leur vue nocturne. Pour les oiseaux, les étoiles agissent comme des bornes GPS. »

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28 % des vertébrés et 74 % des invertébrés sont tout ou en partie nocturnes. La lumière artificielle qui a déboulé depuis une centaine d’année perturbe le fragile équilibre naturel de cet écosystème. Spécialiste des chauves-souris au sein du Groupe Mammalogique Breton (GMB, une association régionale d’étude et de protection des mammifères sauvages), Josselin Boireau s’alarme, lui, des ravages de la lumière sur ces volatiles qui ont eux aussi un besoin impératif d’obscurité pour s’épanouir. « Un lampadaire stérilise aussi bien qu’un pesticide, compare-t-il. Ça agit comme un répulsif. Pour des raisons esthétiques, certaines communes décident même d’éclairer leurs églises. C’est une catastrophe pour les chiroptères qui ont un besoin vital de ces lieux dont ils se servent comme habitat. » La flore aussi est tout autant impactée, signale Géraldine Gabillet de l’URCPIE du pays de Morlaix (Union

« Un lampadaire stérilise

aussi bien qu’un pesticide » 24

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régionale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement) : « L’obscurité conditionne le développement des plantes. Les processus affectés par la lumière sont notamment la germination, la croissance, la floraison et le développement des fruits. »

« Vieillissement et tumeurs »

Même l’humain n’est pas épargné, poursuit l’activiste morlaisienne : « La pollution lumineuse est suspectée d’altérer le système hormonal et la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil, ce qui accélère le vieillissement et le développement de tumeurs. » Une récente étude de France Nature Environnement jugeait que les dérèglements hormonaux liés à la lumière artificielle favoriseraient le diabète, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, l’anxiété et le stress. « Mais la pollution lumineuse manque encore de données fiables car elle n’est que très récemment prise en compte. Par défaut d’expertises, elle n’est que rarement considérée comme une priorité, contrairement aux problématiques de pollutions agricoles ou de transport par exemple », indique


Victor Bayard. Cet ingénieur d’étude est l’un des rares universitaires français à s’être penché sur la question. Avec sa consœur Edna Gonzàlez, ils sont à la tête d’une chaire de recherche nouvellement créée à l’Université de Bretagne Occidentale à Brest depuis septembre dernier, baptisée “Noz Breizh”. « Le but de nos travaux est de bâtir un socle de documentation sur l’éclairage urbain, pour faire en sorte que les politiques publiques en la matière évoluent. » Les villes de Brest et de Lorient se sont déjà montrées intéressées par leurs travaux. D’autres collectivités un peu partout en Bretagne se mettent enfin à prendre conscience du problème. À Hennebont dans le Morbihan, le conseil municipal a récemment voté l’extinction des 2 800 lampadaires de la commune de minuit à 6 h (« alors que le centre-ville était jusqu’alors éclairé toute la nuit », indique l’adjoint à la transition écologique Julian Pondaven). À Saint-Avé, « 90 % des 2 615 points lumineux ont été passés en mode non-permanent, avec réduction des plages de fonctionnement grâce à des programmateurs ou horloges astronomiques », signale Karen Capitaine, du service urbanisme de cette commune du pays vannetais. 25


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Autre bonne élève, la localité de Melesse expérimente actuellement une extinction dès 20 h 30. En été, certaines petites communes ont même décidé de carrément se passer d’éclairage. « C’est l’un des acquis du confinement, se réjouit Géraldine Gabillet de l’URCPIE. Des élus se sont dit que ça ne servait à rien d’éclairer alors que les gens étaient cloîtrés chez eux. Et comme ça n’a semblé gêner personne, ils ont poursuivi dans cette voie », prenant pour exemple la commune de Guimaëc où elle réside. Idem chez Josselin Boireau à Saint-Thégonnec, pour qui « l’argument budgétaire compte plus que l’environnemental ». La preuve : à Saint-Avé, l’extinction totale mise en place de mars à août 2020 « a permis une économie de 14 192 € par rapport à l’année précédente ». « L’éclairage public représente jusqu’à 40 % des factures des petites communes, indique Gaëlle Namont du service patrimoine naturel à la Région. Elles peuvent agir en actionnant deux leviers : en réduisant la plage horaire des éclairages ou en optant pour des équipements mieux adaptés, avec des détecteurs de présence par exemple. » Rennes Métropole vient ainsi de voter un vaste plan de remplacement de 10 000 lampadaires sur l’agglo, pour supprimer les éclairages au sodium, plus nocifs, les éclairages de type “boule” qui renvoient une partie de la lumière vers le ciel, et équiper le parc de nouveaux appareils plus économes. « 27 millions d’euros sont engagés. Objectif : une baisse de 40 % de la consommation d’énergie », explique Philippe Thé26

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bault, vice-président en charge de la voirie. Celui qui est par ailleurs maire de Saint-Gilles dénombre « 18 communes, sur les 43 que compte Rennes Métropole, qui pratiquent déjà l’extinction estivale, sans aucune hausse de la délinquance signalée ».

« Une partie de Mölkky »

Le contre-argument sécuritaire serait, aux dires de tous les interlocuteurs interrogés, à battre en brèche. « On s’est renseigné auprès des forces de l’ordre qui nous ont indiqué que quatre cambriolages sur cinq sont commis de jour et qu’il n’y a pas de corrélation entre obscurité et agression. À partir de là… », rassure aussi Julian Pondaven à Hennebont. « Il peut y avoir un sentiment d’insécurité quand il fait noir mais ça relève justement d’un sentiment, pas d’une réalité, assure Josselin Boireau. C’est un réflexe millénaire, La nuit fait peur

mais elle n’est pas un ennemi. » Même si Victor Bayard reconnaît « une pratique genrée de la ville nocturne. Nos études révèlent que ce sont les femmes les plus réticentes à l’extinction, par crainte d’être plus vulnérables. Dans certaines rues sensibles, à proximité des écoles où à des carrefours dangereux pour les piétons, bien sûr que l’éclairage a son importance. L’idée est de le cantonner au nécessaire ». Si de plus en plus de collectivités s’activent (avec le label “villes et villages étoilés”, récompensant les communes vertueuses ; sur 364 communes concernées, 17 sont bretonnes), la pollution lumineuse continue néanmoins d’augmenter de 5 à 6 % par an en moyenne. « Peut-être faudraitil faire évoluer le cadre législatif », suggère Gaëlle Namont, alors que la principale loi en la matière est un arrêté ministériel du 25 janvier 2013, interdisant théoriquement tout éclairage entre 1 h et 6 h. « Dans les faits, il y a peu de contrôles et aucune brigade n’est spécialisée dans ce type de répression, reconnaît la chargée de mission à la Région. Mais avant de

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« Il n’y a pas de corrélation entre agression et obscurité »


penser à sévir, il faut déjà faire preuve de pédagogie. » C’est ce qui a été entrepris à La Chapelledes-Fougeretz, près de Rennes, où l’une des plus grosses serres à tomates de Bretagne a réduit son éclairage nocturne depuis deux ans, suite aux protestations de la population et à la médiatisation de cette nuisance. « La lumière artificielle qui éclaire les plantes pour que les tomates poussent la nuit provoquait un halo qui a été calculé comme étant quarante fois plus puissant que celui de Rennes ! C’est bien simple : à un réveillon, on a pu se faire une partie de Mölkky dehors comme en plein jour », témoigne un riverain, Éric Lebrument. « Heureusement, des déflecteurs ont été installés depuis 2020, ce qui fait que la lumière ne jaillit plus de partout comme avant, poursuit un autre riverain, Jérémy Delobel. Force est de constater qu’il y a du mieux. Preuve en est que c’est une pollution réversible… Depuis, les merles se taisent quand le soleil tombe. » Et son voisin a cessé de jouer aux quilles au milieu de la nuit.

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Régis Delanoë

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C’EST L’UNE DES RADIOS LES PLUS ATYPIQUES DE BRETAGNE. NÉE À BREST EN 1982, FRÉQUENCE MUTINE A SU CONSERVER SON ESPRIT ROCK ET JOYEUSEMENT FOUTRAQUE. UNE STATION DONT LES DÉFAUTS FONT LE CHARME, À L’IMAGE DE SA VILLE. uelle heure il est ? Oulah… 12 h 55… » C’est avec 25 minutes de retard que Cédric Fautrel et Anaëlle Abasq prennent l’antenne sur Fréquence Mutine. En ce mardi du mois de février, notre interview a – légèrement – débordé mais pas de quoi tracasser les deux animateurs du “Gomina Radio Show”, l’émission phare de la station brestoise. « C’est ça l’esprit Mutine », se marre Cédric (alias Gomina) en allumant sa bécane et en lançant le générique de ce programme dont il tient la barre depuis maintenant 18 ans. « Cette quotidienne, c’est un agenda culturel qui fonctionne à l’instinct et aux coups de cœur. Un rendez-vous un peu bordélique aussi », présente le quadragénaire avant de jouer à pleine balle Tarantula de Gus Englehorn, un musicien d’indie rock un peu perché. Et c’est vrai qu’il est bon ce morceau. Pendant plus d’une heure, s’entremêleront découvertes musicales, annonces de concerts dans les salles du coin et focus sur la scène locale émergente. Soit finalement un bon résumé de l’ADN de ce média qui fête ses 40 ans cette année. « Mutine a toujours été 28

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une radio de passionnés, faite par des passionnés et qui s’adresse, avant tout, à des passionnés », pose Gomina au moment de retracer cette histoire qui commence aux débuts des eighties. En novembre 1981, quelques mois après son élection comme président, François Mitterrand prend la décision de libérer les ondes de la bande FM, jusqu’alors soumises à un monopole d’État. Auparavant pirates, les radios deviennent « libres » et peuvent désormais se faire une place officielle sur les transistors. Dans l’effervescence de cette libéralisation, de nouvelles stations fleurissent dans tout le pays (2 000 radios sont recensées l’année qui suit le vote de la loi), y compris en Bretagne qui n’échappe pas au phénomène. Des vents porteurs qui poussent des habitants de Kérangoff, sur la rive droite de Brest, à se lancer eux-aussi dans le bain. « À l’origine, l’idée est de faire une radio associative de quartier, qui donne la parole aux Brestois. Ce sont des membres du comité d’animation qui portent le projet avec l’objectif de proposer, dans un premier temps, au moins une heure de direct par jour », rembobine Romuald Gervez, président de Mutine entre 1998 et 2016, qui siège

toujours au conseil d’administration. Avec son architecture atypique (à michemin entre la soucoupe volante et l’essoreuse à salade), le centre social de Kérangoff fait alors office de QG, au cœur de ce quartier « ultra populaire » de l’ouest brestois. « À l’époque, c’était le quartier des rockies, situe Gomina. T’avais des gens branchés par le rock’n’roll et le rockabilly qui


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se retrouvaient dans un bar juste à côté qui s’appelait Le Caboulot. Le genre d’endroit où tu pouvais voir débouler Vince Taylor (rockeur britannique, auteur du morceau Brand New Cadillac, par la suite repris par les Clash, ndlr) pour se prendre une cuite. » C’est dans ce décor et cette ambiance que Mutine émet pour la première fois le 22 février 1982. Des débuts bricolés, pour ne pas dire à l’arrache. « Quand tu démarres une radio, forcément t’as pas d’argent et t’y connais pas grand chose. Les mecs avaient réussi à récupérer l’ancien émetteur de Radio Plogoff qui avait servi lors de la mobilisation contre le projet de centrale nucléaire. Ça fonctionnait bien, super même, jusqu’au jour où ils ont reçu des coups de téléphone de gens qui appelaient de… Paris. L’émetteur était puissant et les mecs l’avaient mis à fond. Ils se sont faits retoqués direct. » D’abord baptisée Radio Kérango, la station prend rapidement le nom de Fréquence Mutine. « Cela caractérisait

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bien l’état d’esprit de la radio et son envie de mutinerie. Ça a toujours été son credo : être différente des autres, faire écouter des musiques qu’on n’entendait pas ailleurs, assumer une liberté de parole… Je garde notamment un souvenir des émissions “Valium”, “Fest-noz dans le cimetière”, “Anal paradise” ou encore ”Les libellules adultères”, développe Romuald qui, depuis près de trente ans, pilote l’émission “Backstage” dédiée à la new wave. Ado, j’écoutais pas mal la radio anglaise sur les petites ondes. J’avais l’impression de découvrir des groupes avant tout le monde et je trouvais ça fantastique. Ça m’a donné envie de faire pareil. » Un profil que partage la plupart de la quarantaine d’animateurs bénévoles qui font vivre la station. « Tous veulent transmettre et partager les choses qui leur plaisent. Nous ne sommes pas dans une recherche d’audimat, cela leur laisse donc la liberté de diffuser des choses différentes, parfois à la marge. C’est ce qui en fait une radio curieuse », se félicitent Gomina et Anaëlle, les deux salariés de Mutine, pour qui la principale mission de la radio reste « la défense des activistes de tout poil ». Un milieu culturel brestois dont ils se sentent à la fois observateurs et acteurs. « On essaie de l’accompagner au plus près et d’évoluer avec lui. En tant que média local, on participe forcément à son dynamisme. » Une scène qu’ils estiment méconnue. « Les gens qui ne sont pas de Brest ont toujours tendance à dire qu’il ne s’y passe rien, alors qu’il y a une richesse culturelle insoupçonnée. Ici, t’es en dehors des

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circuits de tournée des gros groupes. Du coup, on a une programmation alternative et indépendante. Avec des affiches souvent hyper pointues », juge Gomina.

« Cabossée »

En poste depuis une année à Mutine, Anaëlle confirme. « Pour faire le tour de la scène locale, ça prend du temps. Il y a un vivier assez incroyable d’artistes et de collectifs. En tant que journaliste, j’essaie de coller au mieux à la réalité musicale brestoise, et actuellement ce sont les milieux hip-hop et électro qui sont en plein boom. » Quid du rock ? « Il y a quelques bons groupes, mais ça vivote un peu malheureusement. Ça reste un petit microcosme. Il manque une ou deux locomotives pour porter cette scène et donner envie à d’autres de se lancer. Parfois, tu vois émerger un groupe prometteur qui sort un bon premier album et puis, sans savoir pourquoi,

« La liberté de diffuser

des choses différentes » 30

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le second reste dans les cartons », regrette Gomina qui pointe le côté « beautiful losers » de la ville. Une marque de fabrique qu’on pourrait également coller à Mutine ? Les deux salariés acquiescent. « Ce qui fait le charme de Brest, c’est qu’elle est cabossée. En ça, on trouve qu’on est à l’image de notre ville. On ne sait pas vraiment se mettre en valeur, mais le faudrait-il ? On n’en sait rien. » Une réflexion que partage Yannick Martin, programmateur de la salle de La Carène. « La radio a toujours su garder cette image très brestoise, sans chichi. Il y a un côté pirate et détaché des modes que la ville cultive à fond aussi. Dans un monde de la musique où tout est de plus en plus formaté, ce genre de radio fait du bien, explique celui qui, de 1991 à 2000, y a été animateur. J’avais une émission hebdomadaire plutôt rock indé qui a fini en post-rock expérimental. Mutine a contribué à mon apprentissage musical, en m’ouvrant les yeux sur des esthétiques que je ne connaissais pas. » Une radio à laquelle il reste fidèle (« je l’écoute toujours en voiture »), à l’affût des nouveautés locales. « Parmi les jeunes


Mélanie Le Goff

artistes brestois que j’ai découverts à l’antenne : Peter Love et Toallita. Ils étaient invités pour parler de leur parcours, de leurs influences… Depuis, je les suis attentivement. » La Carène accompagne même désormais Peter Love sur sa préparation scénique et, inch’allah, ses futurs concerts. Une radio par laquelle sont passés de nombreux autres acteurs culturels brestois. À l’image de Yann Belin, disquaire et boss de L’Oreille KC (« De 1990 à 1996, j’ai co-animé l’émision “Elegia”, dédiée au post-punk. Ça m’a forgé musicalement. Ça représente mes plus belles années de jeunesse »), ainsi que l’auteur et musicien Arnaud Le Gouëfflec qui y a développé son goût du bizarre. Le garçon se souvient encore parfaitement de sa découverte de la station. « C’était en 1991, je venais d’arriver à Brest. Un jour, en tournant la molette de ma radio, je tombe sur une émission de death metal. Je n’avais jamais entendu de musique aussi violente, mais l’animateur était tellement passionné que je suis resté scotché, confesse celui qui passera aussi derrière le micro. J’y parlais de rock des années 60-70, avant de m’ouvrir à des choses plus expérimentales pour des portraits et des chroniques. » Des 31


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« diatribes radiophoniques » comme il les qualifie qui, selon lui, ont constitué un point de départ à l’écriture de son ouvrage Underground, sorti l’an passé, consacré aux artistes marginaux et autres rockeurs maudits.

« Ne pas être calculateur »

Quatre décennies de jolies histoires pour Mutine mais aussi des moments de galère et d’événements tragiques. Comme le décès soudain de Rémy Talec en novembre 2020, une des voix fortes de la radio où il officiait comme journaliste depuis vingt ans. « Un mec ultra cultivé, curieux de tout. Il était plutôt branché musiques sombres mais il allait sur toutes les formes d’art », raconte Gomina. « C’était LE monsieur culture underground de Brest », ajoute Yann Belin qui a participé à l’édition d’un vinyle hommage l’an passé. Un malheur qui s’est inscrit dans une situation compliquée pour la radio. Il y a encore quelques semaines,

Mutine a cru devoir mettre la clé sous la porte. La faute à une subvention, le FSER (fonds de soutien à l’expression radiophonique), qui a été refusée dans un premier temps, avant d’être finalement accordée. « Elle est primordiale à notre fonctionnement puisqu’elle représente deux tiers de notre budget, éclaire Gomina. Pour débloquer la situation, nous avons

donc dû activer nos réseaux politiques et institutionnels. C’est là qu’on s’est rendu compte que la radio était importante à leurs yeux. » Plus de peur que de mal, mais une belle frayeur qui met en lumière la fragilité économique d’un tel modèle (lire ci-dessous). « Toutes les radios associatives sont dépendantes de cette subvention. Surtout qu’on a 0 %

« UN TRAVAIL NÉCESSAIRE DE PROSPECTION MUSICALE »

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Xavier Le Boursicaud, directeur de la Ferarock

Fréquence Mutine fait partie du réseau Ferarock (la fédération des radios associatives de musiques actuelles). Sa situation est-elle représentative des 24 autres stations adhérentes (dont Canal B à Rennes et Radio Activ’ à Saint-Brieuc) ? Quand on n’est pas une radio publique, il existe deux modèles de fonctionnement : soit 32

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le modèle commercial avec un financement quasiment lié à 100 % à la publicité. Soit le modèle associatif qui entraîne une fragilité économique. C’est pour cette raison que l’État a créé le FSER, un fonds de soutien pour les stations qui remplissent des missions de communication de proximité et pour qui la publicité représente moins de 20 % de leur budget. Sans cela, nos radios ne pourraient pas fonctionner. La frayeur que s’est faite Mutine ne montre-t-elle

pas les limites de ce modèle ? Être une radio associative, c’est un choix militant. Il y a moins de contrainte d’audience, donc plus de liberté. Cette non pression économique permet de faire de la découverte et de la prospection musicale, en diffusant des morceaux différents, non calibrés, qu’on entend nulle part ailleurs. Un travail nécessaire : chaque semaine ce sont 60 000 titres qui sont mis en ligne sur Spotify. Pour rendre visible cette diversité au plus grand nombre, il faut des médias comme les nôtres.

Quels sont les autres leviers économiques ? L’éducation aux médias, par l’organisation d’ateliers auprès de différents publics, constitue une part importante du budget de certaines radios. Avec, parfois, des salariés uniquement dédiés à ça au sein des structures. Il y a aussi l’organisation d’événements, comme peut le faire Radio Béton à Tours avec le festival “Aucard de Tours”. Mais il faut arriver à une certaine taille pour que cela soit viable économiquement.


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de publicité à l’antenne, rappellent les deux salariés de Mutine pour qui le contexte Covid n’a évidemment pas aidé. À cause de la pandémie, on a dû annuler l’an passé notre foire aux disques (qui rapporte environ 10 % du budget de la radio, ndlr). Tout cela nous avait conduit à lancer une campagne de dons qui, il faut le dire, a trouvé écho chez les personnes âgées. L’émission d’accordéon “Balapapa” est leur rendez-vous du dimanche matin, elles ne voulaient pas qu’elle disparaisse. » Des coups de pouce ponctuels, en attendant des solutions plus pérennes ? Après quarante ans d’activité, Mutine sait qu’elle est « à la fin d’un cycle et au début d’un nouveau », à une époque où les habitudes de consommation radiophoniques évoluent (via le podcast notamment) et où les sources de financement sont amenées à se diversifier. « On doit davantage se positionner sur de la production de contenus et des projets subventionnés. Pour nous faire évoluer et monter en gamme », estime Romuald. « Cela peut aussi se traduire par des prestations d’éducation aux médias et des appels à projets », poursuit Anaëlle, 24 ans, qui incarne ce nouveau souffle. Un changement de braquet compatible avec l’ADN rock et – c’est un compliment – un peu branleur de Mutine ? Gardien du temple, Gomina se montre rassurant. « Se renouveler et se rajeunir n’empêche pas de garder son âme. On peut rester punk dans l’esprit tout en évoluant avec le temps et avec la ville. L’important est de rester authentique, de ne pas être calculateur, avec les qualités et les défauts que ça peut entraîner. On gardera alors cette fraîcheur que la radio a toujours eue. »

Julien Marchand

Foire aux disques de Mutine : le 17 avril à La Carène à Brest 33


DOSSIER

LE GALLO AU PETIT TROT

LE GALLO EST UNE LANGUE EN SOUFFRANCE. SI LES BRETONNANTS SE MOBILISENT AVEC SUCCÈS DEPUIS DES DÉCENNIES, LES GALLÉSANTS PEINENT MÊME À DÉFENDRE LA LÉGITIMITÉ DE LEUR COMBAT. UN CONSTAT IRRÉVERSIBLE ?

Bikini

a partait d’une bonne intention. Un cas concret de politique volontariste des pouvoirs publics. Le 4 janvier, la région Bretagne lançait un appel à projet baptisé “Productions musicales chantées en langue gallèse”. Objectif : accompagner de nouveaux projets d’œuvres artistiques interprétées en gallo, « avec jusqu’à 2 000 € de soutien financier », ajoute Kaourintine Hulaud, conseillère régionale déléguée à la langue gallèse. Pas le jackpot, mais de quoi a priori tout de même intéresser artistes et musiciens en devenir. Pourtant à la mi-mars, dix semaines après le lancement de l’appel à projet et à un mois et demi de sa clôture le 30 avril, le chargé de mission du dispositif Michaël Genevée n’avait encore reçu aucune demande. Pas un seul dossier complété. « Il ne faut pas baisser les bras pour autant, positive Kaourintine Hulaud. La Région a clairement élaboré une politique linguistique depuis 2003. C’est notre rôle de soutenir les deux langues de Bretagne : le breton ET le gallo. » « Un des gros problèmes du gallo, c’est qu’il n’est pas rattaché à un territoire identifié. La Gallésie, en soi ça n’existe pas. Il faudrait plu34

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tôt parler de la Haute-Bretagne, qui correspond à l’Ille-et-Vilaine et à une partie des départements limitrophes. La langue bretonne, par sa terminologie même, est mieux identifiée. Au point que certains finissent par croire que c’est la langue historique de toute la Bretagne, alors qu’elle ne l’est que de l’ouest de la région », pose Jerom Bouthier, coordinateur de l’Institut du Gallo, structure créée en 2017 et qui se veut « l’acteur référent d’une politique linguistique en faveur du gallo ». « C’est la légitimité même du gallo en tant que langue qui est encore parfois trop souvent remise en cause », constate même le sociolinguiste Philippe Blanchet. Le chercheur rattaché à l’université Rennes 2 est pourtant formel : « Le gallo est une langue, aucun doute là-dessus. Elle est d’origine latine et a divergé du français depuis l’époque gallo-romaine. Ce n’est pas de l’ancien français, encore moins du mauvais français. Elle fait partie pleinement de la famille des langues d’oïl caractéristiques de la moitié nord de la France », au même titre que le Poitevin, le Picard, le Normand ou le Lorrain. « C’est une langue dotée de sa syntaxe, de sa grammaire et de sa conjugaison », ajoute Jerom Bouthier. « Si elle partage certaines similitudes avec le français, ça n’en reste pas moins une langue », insiste Kaourintine Hulaud, pour qui « on imagine mal les Catalans se voir reprocher de parler du mauvais espagnol ». En 2018, la Région publiait une vaste enquête sociolinguistique sur les langues de la Bretagne, avec plus de 8 000 personnes sondées. Il en résultait que le gallo possédait 191 000 locuteurs (à comparer avec les 207 000 locuteurs bretons déclarés). « C’est plus que ce qu’on pensait, commente Philippe Blanchet. Cela représente encore environ 10 % de la population de la Haute-Bretagne, en 35


majorité des hommes, de milieu rural, avec une moyenne d’âge légèrement supérieure à 60 ans (70 ans pour les bretonnants, ndlr). » Si les résultats de cette étude se sont avérés plus encourageants que prévu pour les défenseurs du gallo, le sociolinguiste rennais tempère l’enthousiasme : « Les néo-locuteurs sont très peu nombreux et le renouvellement quasi inexistant. On arrive à la dernière génération de locuteurs de naissance. Si rien n’est fait pour inverser la tendance, la langue risque de s’éteindre. » Manu Bouthillier est une voix qui compte en Haute-Bretagne. Pour cette enseignante, conteuse et chanteuse du groupe Ramajes, le gallo a subi – et subit encore – une « double dévalorisation », coincé qu’il est entre le français et le breton. « Lorsqu’on parle notre langue, on se fait parfois encore répéter qu’on parle un mauvais français Et en plus, aux yeux de certains, on n’est pas des vrais Bretons parce qu’on ne parle pas breton. On est deux fois nuls. » Avec ses festoùnoz, son renouveau celtique initié depuis les années 70 et son réseau de militants important et structuré, le milieu bretonnant fait figure de voisin aussi admiré que jalousé. « Il ne faut pas se tromper d’ennemi, analyse Philippe Blanchet. Ce qui menace le gallo, c’est le rouleau compresseur centraliste du français. Mais force est de constater que la langue bretonne capte davantage l’attention, l’énergie et les moyens. En linguistique, on appelle cela une diglossie. » Soit l’établissement d’une hiérarchie de langues sur un même territoire. « Il n’y a pas de rivalité à avoir, mais il

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DOSSIER

faut être particulièrement vigilant vis-à-vis du gallo qui se trouve encore plus fragilisé que le breton », concède Paul Molac, député du Morbihan mobilisé pour la défense des langues régionales.

« Marketing territorial »

Leader du groupe de punk Trouz An Noz, Nicolas Montfort chante alternativement en français, breton et gallo. « La démarche militante est encore plus forte avec le gallo qu’avec le breton car on sent que c’est encore parfois considéré comme une langue de ploucs, constate-t-il. Or c’est une langue légitime, plutôt cool à chanter en plus ! Très imagée, fournie en expressions. » « C’est clair que chanter gallo est un pied-de-nez à l’Histoire, revendique Gurvan Molac, chanteur du Beat Bouet Trio, groupe qui mélange rap et ragga, très présent en fest-noz. C’est très "roots" comme langue. Non seulement ça m’intéresse de la défendre mais elle colle totalement à

« Considérée comme

une langue de ploucs » 36

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notre style musical. Ça se rapproche de l’argot jamaïcain. » Le 15 mars, le Premier ministre Jean Castex était en visite à Rennes pour y signer la convention pour la transmission des langues de Bretagne. « Un carnet de route pour les cinq prochaines années en matière notamment d’enseignement et de communication pour faire progresser le nombre de locuteurs des deux langues », explique Bertran Obrée, responsable de Chubri, institut de transmission de la langue gallo. Mais pour ce linguiste et chanteur, la politique linguistique actuelle de la Région est discriminante. « J’en veux pour preuve que la nouvelle convention impose une signalétique bilingue en français et en breton des panneaux et bâtiments publics, avec le gallo en option. Sur le territoire de Haute-Bretagne où le gallo est la langue historique, c’est un nonsens. » Ce à quoi Manu Bouthillier conclut que « le breton a gagné la bataille du marketing territorial ». Même si une trentaine de communes ont décidé la mise en place de panneaux trilingues, parmi lesquelles Fougères, Lamballe ou plus récemment Saint-Brieuc.


Guillaume Ayer

« Le combat doit passer par ces symboles forts mais le plus important reste le volet éducatif, estime Jerom Bouthier. Pour faire vivre une langue, il faut un bain linguistique. » L’association Cllâssiers propose une méthode baptisée “15 minutes de galo châqe jou” pour promouvoir l’enseignement du gallo en primaire, avec actuellement 27 écoles concernés. Un chiffre réduit à 6 collèges et 2 lycées proposant une formation en gallo dans l’enseignement secondaire. Et à l’université Rennes 2, les cours de gallo attirent une dizaine d’étudiants seulement, tous niveaux confondus… « C’est inquiétant mais pas irréversible, assure Philippe Blanchet. Il ne faut pas baisser les bras, même s’il est clair qu’on ne réussira pas à mettre en place en quelques années un équivalent de Diwan pour le gallo. Depuis la dernière rentrée, on a des professeurs qui se forment pour enseigner à leur tour. Mais ce volet formation doit être alimenté par une attente sociale, sinon c’est artificiel. » Pour cela, Bertran Obrée a sa stratégie : « Il faut surfer sur la remise en question actuelle de la mondialisation et de la globalisation. Parler local, c’est comme manger local : c’est l’avenir. » Régis Delanoë 37


Richard Dumas

RDV

LA MUSICIENNE ET CHANTEUSE QUINQUIS SORT « SEIM », UN TROISIÈME ALBUM EMPREINT DE SON HISTOIRE : UN HÉRITAGE LINGUISTIQUE PLEINEMENT REVENDIQUÉ ET UNE NOUVELLE VIE OUESSANTINE. UN RETOUR À L’ESSENTIEL. uessant est un monde à part. En apparence fermée, l’île ouvre ses bras à tous ses naufragés volontaires. Parmi eux, Émilie Quinquis. La chanteuse, qui a grandi au Folgoët, dans le pays du Léon, s’est posée sur ce caillou au large du Finistère en 2013. Seim, son troisième album, est une affirmation de cette nouvelle vie insulaire et de la langue bretonne comme matière première dans sa création Car au fil de sa discographie, le breton, parlé par sa mère et ses grands-parents, s’est fait une place de plus en plus grande dans 38

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ses textes et dans l’entièreté de sa démarche artistique. Jusqu’à en devenir un élément central pour celle qui se considère comme Bretonne « jusqu’au bout des ongles, faite de granit ». Une acceptation de sa culture et de ses racines qui lui a permis de faire sa mue. Son nom de famille s’est sobrement imposé comme son nom de scène pour ce nouveau projet en lieu et place de Tiny Feet, qui signait ses deux premiers albums. « Il était trop lié à mes débuts dans la musique, à cette époque où j’étais seule sur scène, où je lançais des boucles avec mes pédales. Je me sentais

maladroite, en déséquilibre. J’ai un peu dépassé tout cela. J’ai réussi à me reconnecter à moi-même. » Un retour à l’essentiel et au substantiel qu’Émilie opère donc avec Seim (“la sève” en breton). Un disque intérieur, qui touche à la complainte. On croirait parfois entendre les gwerz bretonnes : des chants et des récits souvent tragiques que Denez Prigent, pour ne citer que lui, a su remettre sur le devant de la scène. Si Quinquis ne s’inspire pas directement de son œuvre, elle est comme lui profondément hantée par les drames qui rythment la vie bretonne depuis


des siècles. Et celle d’Ouessant, où elle vit aux côtés de son musicien de mari, un certain Yann Tiersen. « J’ai pris conscience d’où j’habitais, de ce que cela impliquait. Il y a une forme de dangerosité liée aux éléments, à la nature. L’été dernier, l’île a été secouée par la noyade d’un enfant. Cela s’inscrit dans une histoire plus globale : Ouessant est un endroit qui a été géré par les femmes parce que les hommes partaient longtemps en mer et, parfois, n’en revenaient pas. » Des ingrédients qui ont donc donné naissance à Seim. Mais un autre architecte a grandement contribué à son élaboration : Gareth Jones, producteur phare de la new wave, ayant notamment travaillé sur les premiers albums de Depeche Mode. « J’ai écrit ce disque sur la route, pendant les tournées de Yann, puis à Ouessant pendant les confinements. Gareth, que je connaissais déjà, se demandait ce qu’il avait fait dans sa carrière, mais surtout ce qu’il n’avait pas fait. Au début, il souhaitait juste jouer des synthés sur un morceau. Puis deux. Puis trois. Puis tous. » Sa patte sonore est indéniable et confère à Seim un aspect rétro sans pour autant le plonger dans une nostalgie eighties. Un objet sonore singulier qui a permis à Émilie de conjuguer son insatiable attrait pour l’électronique et les fondamentaux d’une vie entourée par la mer. « Cela peut paraître paradoxal mais travailler avec un ordinateur et des machines permet d’exprimer mon rapport à la nature. Toute cette musique n’existe que parce qu’on fait vibrer de l’air, comme avec des instruments acoustiques. Les formes d’ondes, c’est quelque chose de très concret. » Brice Miclet Seim, sortie le 20 mai 39


RDV

MONSTRUEUX MÉLANGER CHANSON FRANÇAISE ET TECHNO HARDCORE, C’EST LA PROMESSE DE GARGÄNTUA. UN DRÔLE DE DUO INSPIRÉ PAR LA DUALITÉ DE L’ŒUVRE DE FRANÇOIS RABELAIS. SI SI.

Valentin Lefauvre

De François Rabelais à la techno, il n’y a qu’un pas. Ou presque. « Quand on était tous les deux au lycée, deux choses nous ont rapprochés : la drum and bass et l’étude de Gargantua. Un texte qui nous a marqués : d’un côté, c’est une farce vulgaire et violente comme un épisode de South Park et, de l’autre, on y trouve de grandes idées et des valeurs d’humanisme… » Une dualité qui caractérise le projet de Gargäntua, composé de J4n D4rk et de God3froy, deux Orléanais de 28 ans. « Une techno dansante décérébrée sur laquelle on chante nos réflexions : sur les inégalités, le

plaisir, la vacuité de l’existence… » Une démarche à la croisée de Sexy Sushi/Rebeka Warrior et de Salut C’est Cool. Comme eux, les deux garçons font désormais partie du catalogue du tourneur morlaisien Wart. Avec un printemps et un été qui s’annoncent bien chargés. « Presque une quarantaine de dates, dont un max de festivals. » Gargantuesque. J.M Le 15 avril à Panoramas à Morlaix Le 20 mai aux 3 Éléphants à Laval Le 5 juin à Art Rock à Saint-Brieuc Le 17 juillet aux Charrues à Carhaix Le 23 juillet à Art Sonic à Briouze

Révélée en 2020 avec Soft & Tender, hit tout en douceur (comme son nom l’indique) figurant sur son EP paru l’an dernier, November Ultra passe cette année à la vitesse supérieure : une signature chez une major (Universal), un premier album à paraître le 8 avril (Bedroom Walls) et une jolie tournée de concerts (qui fera notamment étape au Printemps de Bourges et à Rock en Seine). En Bretagne, la chanteuse lo-fi hispanofrançaise, qui rappelle la Feist du début, est à la prog’ du festival Mythos à Rennes (le 2 avril) et d’Art Rock à Saint-Brieuc (le 4 juin). Un bien bel écrin pour sa bedroom pop apaisante et classieuse. 40

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Pauline Darley

POP DE CHAMBRE


Pierre Van Hove - Éditions Delcourt

MNEMOTECHNIC ET POING PORTENT SUR SCÈNE LA BD CHOC D’INÈS LÉRAUD. « Un cri d’alerte qu’on intensifie avec notre musique. » Publiée en 2019, l’enquête de la journaliste Inès Léraud, illustrée par Pierre Van Hove, a créé un électro-choc, mettant en exergue le lien plus que ténu entre la prolifération des algues vertes sur les plages bretonnes et l’agriculture intensive. Une bande dessinée à laquelle le trio rock noise finistérien Mnemotechnic et le musicien électronique Poing (l’un des avatars du Brestois François Joncour) se sont attaqués pour un BD-concert. « Un thème qui me touche. Je suis petitfils d’agriculteurs, je passais toutes mes vacances à la ferme. J’ai pu observer l’évolution des pratiques et l’industrialisation des élevages. Les algues vertes sont une conséquence très concrète de ce productivisme », développe Arnaud Kermarrec, chanteur et guitariste de Mnemotechnic, à l’initiative du projet. S’appuyant sur une sélection d’images tirées de la BD, les musiciens amplifient sur scène ce constat clinique. « Avec un son qui tend vers le krautrock pour créer des longueurs, des ambiances intenses… Un genre qui se prête bien au récit. Une forme nouvelle qui permet d’apporter une charge émotionnelle forte. » J.M Le 6 mai à Hydrophone à Lorient Le 15 juillet à Chauffer dans la Noirceur à Montmartin-sur-Mer 41


RDV

ÉPIDÉMIE DE POULS BATTEUR HYPERACTIF, JEAN-BAPTISTE GEOFFROY EST LE CHEF D’UN ORCHESTRE À GÉOMÉTRIE VARIABLE. LE NOM DU PROJET : TACHYCARDIE ENSEMBLE. PALPITANT, FORCÉMENT. Moitié du duo tourangeau de math rock Pneu, Jean-Baptiste Geoffroy est aussi l’une des têtes pensantes de La Colonie de Vacances, super groupe complété par Marvin, Papier Tigre et Electric Electric aux performances live en quadriphonie devenues culte. Le batteur la joue encore collectif avec un autre projet parallèle qu’il peaufine depuis 2016 : Tachycardie Ensemble. « À la base, c’est une réunion de potes musiciens pour proposer une musique toujours pas mal expérimentale mais avec des ins-

truments plus classiques, clarinette, trombone, violon… L’aboutissement d’un vieux fantasme orchestral. On a composé un album (Probables, sorti en 2019 sur son label Un-je-ne-saisquoi, ndlr) qui sert de pièce pour le live, conçu comme une expérience collective », présente JB. L’expérience collective en question – et c’est là toute l’originalité de Tachycardie Ensemble – se conçoit en invitant des musiciens locaux à se joindre au line-up original. « On est six permanents et on demande aux organisateurs des festivals où on

joue de faire venir des gens du coin avec leur instrument de prédilection : accordéon, contrebasse, marimba, saxo, flûte traversière… » La douzaine de musiciens au total sur scène propose ainsi une recréation musicale forcément différente d’une fois sur l’autre et quasi improvisée. « On file les partitions un peu en amont et, idéalement, on se voit le matin du concert pour

Caroline Ablain

SEND NUDES

« Pourquoi, quand et comment la nudité a-t-elle un sens sur scène ? » Dans son spectacle Je rentre dans le droit chemin, Sylvain Riéjo s’interroge sur la création artistique et la nécessité de s’y dévoiler, dans tous les sens du terme. Une pièce sur fond d’autodérision, entre fausse conférence et chorégraphie. Le 28 avril au Triangle à Rennes.

CARAMBA Ô joie, Los Bitchos revient dans nos contrées. Le génial girl band londonien qui avait fait sensation lors des Trans Musicales en 2019 a enfin sorti en février son premier album au titre engageant : Let’s the festivities begin!. Au menu, un rock garage psyché instrumental qui lorgne vers les sonorités latino-orientales. Le 6 mai à l’Ubu à Rennes. 42

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Julien Sénélas

une seule et unique répétition. On l’a déjà fait six ou sept fois et c’est franchement jouissif car on est vraiment dans un projet de réunion musicale hétéroclite où différents milieux se croisent : des musiciens du conservatoire avec de l’underground, du jazz ou du baloche. » R.D Le 7 mai au festival Les Embellies à Rennes

L’HYMNE DE NOS CAMPAGNES L’ancêtre du broyeur à végétaux s’appelle le hâche-paille. C’est aussi le nom d’un trio qui a vu le jour dans le Finistère en 2020, avec guitare, basse, batterie. Une mécanique minimaliste au service d’un son roc(k)ailleux et brut, psyché et électro. Un premier album, Cynodrome, est sorti en janvier. Le 7 avril à Bonjour Minuit à Saint-Brieuc et le 30 avril à La Carène à Brest.

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DRÔLES D’OISEAUX

Passés par le conservatoire de Rennes, les cinq musiciens d’Agla and the Crows poursuivent leur envol avec leur rock sophistiqué aux influences diverses : prog rock, funk, afro... Un projet musical qui s’articule autour de l’histoire d’Agla, un personnage mystérieux et insaisissable. Des aventures à découvrir le 17 avril au Don Jigi Fest à Vitré. 43


RDV

ANDALOOSE Le football est un sport qui se joue à 11 contre 11 et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne. Cet adage vaut surtout jusqu’aux années 80. Avant que Zidane puis Mbappé accrochent deux étoiles au maillot tricolore, les Bleus ont longtemps fait figure de losers magnifiques. C’était l’époque de Platini et de sa bande, avec en point d’orgue la demi-finale perdue aux tirs au but face à la RFA lors de la Coupe du monde 1982. Une rencontre épique en forme de tragédie (l’attentat du portier alle-

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« LE CAUCHEMAR DE SÉVILLE » RÉCONCILIE FOOTBALL ET THÉÂTRE, À DÉFAUT DE RABIBOCHER SCHUMACHER ET BATTISTON. mand Harald Schumacher sur Patrick Battiston), que le metteur en scène Massimo Furlan a voulu transposer en objet théâtral. « L’idée, c’est de faire jouer onze comédiens non professionnels, plus les remplaçants, sur un terrain de foot. Des gars, des filles, des footeux ou pas du tout… Ils reproduisent le plus fidèlement possible les déplacements et attitudes des vrais joueurs, présente-t-il. Le football est le plus théâtral des sports. Et la taille du terrain laisse

libre cours à une chorégraphie qui a des similitudes avec la danse. » Une performance sans adversaire ni ballon, mais avec un duo de commentateurs que les spectateurs entendront grâce à de petits transistors. Déprogrammé des Tombées de la Nuit deux années de suite, Le Cauchemar de Séville (c’est dans la ville andalouse que le match eut lieu) va enfin avoir droit à sa représentation. R.D Le 17 mai au Roazhon Park à Rennes

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IN FRENCH

Échappé des Slow Sliders, Victor Gobbé poursuit sa quête en solo avec son projet Lesneu (car originaire de Lesneven). Après deux premiers albums chantés en anglais (dont l’excellent Bonheur ou Tristesse sorti en 2019), c’est désormais en français que le Finistérien s’épanouit sur son nouveau disque, Ce qui ne vient jamais vraiment, dévoilé début mars sur le label Music from the Masses. Des textes mélancoliques et flamboyants (écrits depuis sa chambre d’ado dans la maison familiale) qui prennent toute leur dimension sur une indie-pop planante, dansante, haletante. 44

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Valentin Fabre

ANTI-DIVA

TRASH ET COLORÉ, LE PREMIER EP DE KALIKA SE DÉGUSTE EN PLEINE TRONCHE. « C’est choquant d’entendre une femme chanter une chanson intitulée Chaudasse ? C’est encore plus choquant de se prendre ce mot dans la gueule tous les jours. » Le message de Kalika est clair : avec ses paroles crues, sa musique frontale qu’elle qualifie de « poptrash », l’artiste de 23 ans se place à la frontière de la chanson française, de l’électronique distordue et du punk. Elle manie habilement le concept de diva pour mieux le tordre, renouveler l’image de la chanteuse et affirmer un empowerment féminin et féministe. Elle invoque, en vrac, Nina Hagen, Billie Eilish ou Lady Gaga, toujours désireuse d’affronter le patriarcat et de créer des espaces de sororité dans l’industrie musicale. Révélée en 2017 à la Nouvelle Star, elle s’est associée au guitariste Balthazar Picard pour ses premiers morceaux en 2019, principalement des reprises de hits tels que Cry Me A River de Justin Timberlake. « Ce sont plutôt des adaptations. Adapter ces titres en français me permet de retravailler le texte à ma façon, librement. » Son premier EP, Latcho Drom, conte des histoires d’amour complexes. Qui lui ont visiblement donné envie de tout casser. B.M Le 8 avril à Mythos à Rennes Le 15 avril à Panoramas à Morlaix Le 20 mai aux 3 Éléphants à Laval Le 4 juin aux Petites Folies à Lampaul-Plouarzel Le 5 juin à Art Rock à Saint-Brieuc 45


RDV

SURDOUÉE l y a déjà ce blaze, mystérieux, digne d’un personnage de roman d’amour et d’aventure : Zaho de Sagazan. Il y a aussi l’héritage familial, pas banal : le papa, Olivier de Sagazan, est un sculpteur et performeur de solide réputation, aux œuvres inquiétantes évoquant l’univers de Francis Bacon. « J’ai grandi dans une maison décorée de sculptures bizarres. Forcément, ça conditionne… Avec ma sœur, nous avons été beaucoup encouragées à la pratique artistique. La danse d’abord, toutes les deux, avant que je ne m’intéresse au piano que nous avions chez nous. À 14 ans, je voulais faire comme mon idole Tom Odell. Et c’est vite devenu obsessionnel : cinq heures de musique par jour, tous les jours. » Il y a l’itinéraire de surdouée, surtout, qui interpelle. Zaho de Sagazan est une comète. Son tout premier concert, elle le donne à l’Olympia – oui, oui – en première partie d’Hervé en octobre dernier. Le second, toujours à Paris, cette fois au Trianon en première partie de Mansfield.TYA. Dans la foulée, il y a aussi eu le Stereolux à Nantes, salle qui constitue un aboutissement dans une carrière normale. Mais rien n’est vraiment normal avec la Nazairienne propulsée tout de suite 46

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Zoé Cavaro

AVEC UNE POIGNÉE DE CONCERTS ET UN SEUL MORCEAU PUBLIÉ, ZAHO DE SAGAZAN JOUIT DÉJÀ D’UNE SOLIDE RÉPUTATION DE NOUVELLE PÉPITE ÉLECTRO-POP. UNE SENSATION À CLASSER ENTRE MANSFIELD.TYA, STROMAE ET… JACQUES BREL.

sur le devant de la scène, avec déjà une grosse vingtaine de dates calées en 2022, sans album à défendre (un seul morceau, La Déraison, est sorti, en attendant un EP et un album prévus en fin d’année). En sport, on appelle ça être surclassé. L’apanage des futures stars. « C’est fou-fou ce qui m’arrive », reconnaît la jeune vingtenaire, passée du piano à la chanson « pour faire comme Barbara et Jacques Brel ». Seulement accompagnée à la batterie de Tom Geffray, un copain de longue date, elle s’est orientée vers un son électro-pop minimaliste

pour habiller ses compos chantées en français de son impressionnante voix grave. « Des thématiques un peu sombres, alors que je suis une fille plutôt joyeuse à la base, même si un peu stressée je crois. J’ai une trentaine de minutes de set. J’explore, j’explore… J’adore ça. De base, je n’ai pas une grosse culture musicale alors je continue d’apprendre. Je m’imprègne de tout : Janis Joplin, Gesaffelstein, Koudlam, Stromae… Je suis encore une newbie. » R.D Le 17 avril à Panoramas à Morlaix Le 30 juillet aux Escales à St-Nazaire



FOCUS

UN PIANO SUR LA MER L’ORCHESTRE NATIONAL DE BRETAGNE MET À L’HONNEUR UN PERSONNAGE FASCINANT ET POURTANT LARGEMENT OUBLIÉ AUJOURD’HUI : LE BRESTOIS JEAN CRAS, QUI FUT À LA FOIS MARIN, COMPOSITEUR ET INVENTEUR DE GÉNIE. TROIS VIES EN UNE, CE QUI CAUSA SA MORT PRÉMATURÉE.

POLYVALENCE EXTRÊME La vie en mer n’est pas toujours palpitante. Pour tromper l’ennui, les marins se sont souvent adonnés à d’autres occupations comme la peinture, la sculpture, le bricolage ou la musique. Jean Cras (1879-1932) fait néanmoins figure d’exception car il fut l’un des rares à exceller dans les deux carrières de marin et de compositeur. Prédestiné à monter sur un bateau (son père était médecin-chef de la Marine), le Brestois finira contreamiral, avec accroché au veston deux médailles de héros de la Grande Guerre. « Mais c’était aussi un musicien prodige dont l’œuvre fut jouée de son vivant à l’opéra Garnier, ainsi qu’un scientifique de génie, inventeur d’une règle de navigation qui porte son nom (la règle Cras à double rapporteur), d’un métronome, d’un système de recyclage d’eau et même de l’ancêtre du radar moderne », précise son biographe Paul-André Bempéchat.

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UN SIMPLE HAMAC Depuis ses débuts à l’école navale et jusqu’à son dernier poste de major général du port militaire de Brest, Jean Cras parvint à mener de front toutes ses activités « au point d’en mourir précocement à l’âge de 53 ans, épuisé de mener plusieurs vies en une », signale Paul-André Bempéchat. Initié à la musique dès l’enfance par ses parents (« il écrit ses premiers airs à 6 ans et compose sa première pièce à 13 ans »), Jean

Cras savait jouer du violon, de l’alto et de la harpe, mais c’est en piano qu’il excellait. « Il travaillait ses partitions en mer grâce à un piano installé dans sa cabine. D’abord un piano droit, pour lequel il sacrifia sa couchette, dormant dans un simple hamac pour lui faire de la place, puis un piano demi-queue lorsqu’il fut promu capitaine de vaisseau. » Sur le croiseur Lamotte-Piquet à partir de 1926, puis sur le cuirassé Provence (photo).


ENTRE DEBUSSY ET RAVEL C’est à bord du cuirassé Provence que Jean Cras écrit ses compositions les plus estimées. En 1927 tout d’abord, la suite pour orchestre Journal de bord, « à l’inspiration maritime très affirmée, décrit Marc Feldman, directeur général de l’Orchestre national de Bretagne (ONB). C’est une composition qui s’écoute comme un voyage nocturne en mer, depuis la nuit tombante jusqu’au lever du soleil ». Le spectacle de l’océan ou encore le roulis du bateau nourrissent l’imaginaire du compositeur. Cras révèle son penchant pour la musique post-romantique et impressionniste. Un style qui le situe entre Claude Debussy et Maurice Ravel (deux contemporains du Brestois) et qu’il confirme en 1928 avec son quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle. « Une pure merveille, très sophistiquée », admire Paul-André Bempéchat.

UNE RARE MISE EN LUMIÈRE Estimé de son vivant, le répertoire de Jean Cras est assez largement tombé dans l’oubli aujourd’hui. « Tout comme Jean Cras lui-même, dont il ne reste comme trace qu’une stèle, cours Dajot à Brest », déplore Paul-André Bempéchat. Avec Journal de bord, l’ONB s’attaque à une œuvre singulière et rare. Pour une immersion un siècle en arrière, le concert sera accompagné de photographies historiques prêtées spécialement pour l’occasion par le musée Albert-Kahn de Boulogne-Billancourt. Au cours de cette même soirée, une création du compositeur japonais Daï Fujikura sur le thème de l’océan et de la nature sera également jouée.

Régis Delanoë Journal de bord, aux Alizés : le 28 avril au Couvent des Jacobins à Rennes 49


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AGENDA

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Alice Moitié

RECOMMANDE

PHOENIX

DOOINIT

JACQUES

SAINT-MALO ROCK CITY

Le 3 juin À Art Rock à Saint-Brieuc

Du 31 mars au 10 avril À Rennes

Le 2 avril à Mythos à Rennes Le 16 avril à Hydrophone à Lorient

Les 13 et 14 mai À La Nouvelle Vague à Saint-Malo

C’est devenu un rendez-vous incontournable. Pour sa 8e édition, le festival malouin continue de mettre en avant le meilleur de la scène rock. Avec des valeurs sûres comme Structures et Cannibale, et des espoirs de la scène régionale : Amablanc, Capricörn, Combattants (photo)…

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V. Maier, C.of Maloof col.

OVNI capillaire et musical, Jacques vient de sortir son premier album, L’importance du vide. Après plusieurs EP d’électro bricolée samplant les bruits du quotidien (porte qui claquent, verres qui s’entrechoquent…), le garçon confirme son virage pop. À l’image de l’entêtant morceau, loufoque et naïf, Pourquoi c’est comme ça ?.

Simon Gosselin

Pointu et exigent : l’incontournable festival de hip-hop rennais Dooinit organise sa 13e édition dans différents lieux (Antipode, Le Triangle, Ubu, Jardin Moderne…). Avec, comme d’hab, une programmation soyeuse : CJ Fly (photo), Jamie 3:26, Makala... Sans oublier le battle de danse Show Me What You Got.

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Attention événement. Phoenix est de retour sur scène et c’est au festival Art Rock que le groupe réserve sa première date. Ambassadeurs de la french touch, désormais stars planétaires, les quatre Versaillais exportent depuis plus de 20 ans leurs classieux tubes pop-rock : If I ever feel better, Lisztomania, 1901…

REYNZ

ROBINS...

LUCIE ANTUNES

VIVIAN MAIER

Le 6 mai À Bonjour Minuit à Saint-Brieuc

Du 26 au 28 avirl au Th. de Lorient Les 3 et 4 mai à La Passerelle à Saint-Brieuc

Les 19 et 20 mai à la Carène à Brest Le 21 mai au Novomax à Quimper

Jusqu’au 29 mai au musée de Pont-Aven et au musée des beaux-arts de Quimper

Pour fêter la sortie de son nouvel EP baptisté Pluie volume 2, Reynz s’est offert un clip bien coolos. Pour la vidéo du morceau 292, le rappeur brestois a investi le stade Francis Le Blé, en compagnie des ultras. Un hommage de plus à sa ville de cœur.

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avril-mai 2022 #56

... Expérience Sherwood ! Face aux injustices actuelles, qui sont nos Robins des bois d’aujourd’hui ? Le collectif Le Grand Cerf Bleu pose la question d’un prince des voleurs moderne, interrogeant le public sur son rapport à la transgression.

Sergeï, c’est le titre du dernier album de la percussionniste hyperactive Lucie Antunes. Sergeï Ensemble, c’est le nom de l’ambitieux projet de transposition live à sept musiciens de cette œuvre foisonnante, signée de l’une des artistes les plus intéressantes du moment.

Photographe anonyme à New York puis Chicago, Vivian Maier n’a vu son incroyable corpus n’être révélé que peu de temps avant sa mort en 2009. Ses photos, de rue principalement, racontent l’Amérique de la seconde moitié du 20e siècle.




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