BIKINI SEPTEMBRE-OCTOBRE 2013

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SEPTEMBRE-OCTOBRE 2013 #13



TEASING

À découvrir dans ce numéro...


ÉDITO

retour à l’école ? L’école est souvent une période idéalisée dans la mémoire de chacun. On imagine les copains, les jeux dans la cour (la balle au prisonnier, la tomate et l’épervier dans notre top 3), les conneries à la cantine, les exposés qu’on pouvait faire sur les lions ou les pyramides, les premières copines au collège… Le bac et les exams étaient loin, la scolarité pas encore trop stressante et l’acné n’avait pas encore – totalement – envahi nos visages. Si ces souvenirs font figure de sentiment général, ils cachent pour autant des aspects moins glorieux. Car oui, l’école n’est ni un eldorado ni une cité perdue pour tout adulte. Tôle en maths, bouc-émissaire, râteaux, bastons dans la cour… À l’image de sa future vie professionnelle et amoureuse, chaque élève va apprendre au cours de sa scolarité que l’existence est aussi faite d’injustices, de désillusions, voire de crasses (« les enfants sont formidables »). Parmi vous, qui aimerait honnêtement retourner à l’école ? Pas contre l’idée de revivre une année de maternelle ou de primaire, on se dit qu’on éviterait quand même bien la case collège ou lycée. La grande section à vie. Les redoublants semblaient alors avoir tout compris. La rédaction

SOMMAIRE 6 à 15 WTF : noms de ville, jeudi soir, Jacquie et Michel, 11 septembre, tremplins, ados aux Trans Musicales, éponger, les festivals qui changent de nom, corbeille... 16 à 27 Copains d’avant 28 à 31 Le retour des nichons 32 & 33 Koh-Lantaf 34 à 39 J’ai passé un mois sans alcool 40 à 47 RDV : Fortune, Festival Photoreporter, Is Tropical, Von Pariahs, Petit Fantôme, Terreur Graphique 48 & 49 Vide ton sac... les teknivals 50 BIKINI recommande 4

septembre-octobre 2013 #13

Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Benoît Tréhorel, Simon Doniol / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Photographe : Justin Bihan / Photo de couverture : CNDP Musée national de l’Éducation / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (Saint-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Étienne Cormier, Mickaël Le Cadre, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2013.



WTF

QUELLE VILLE aller voir ?

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fight club

au moment de choisir un nom, certains groupes ont sorti l’atlas. des destinations avec ou sans rapport avec leur genre musical. trois localités, trois voyages, trois styles.

Naia Lassus

Et de deux pour le label d’Astropolis. Un an après la sortie de We Want to Rave On par Madben, les Brestois dégainent Let US Fight de leur nouveau poulain Oniris. Pour fêter ça, ils prennent d’assaut La Carène. Le 5 octobre à Brest.

ST lô

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BOUGE TON BOULE

On l’a vérifié au Bout du Monde avec l’explosive chanteuse argentine La Yegros : la cumbia digitale est un courant qui cartonne. Le Grand Soufflet a décidé de lui consacrer une nuit spéciale et fera jouer, de minuit à 6 h du mat, Lio Pirata, Captain Cumbia (photo) et DJ Panko. Le 12 octobre à Rennes.

ANNIVERSAIRE

espion à quoi ressemble un espion qui ne veut plus espionner ? Dans sa pièce Fin de Série, Denis Athimon imagine la fin de carrière d’un agent spécial désabusé. Un spectacle qui viendra clore une soirée particulière pour le Théâtre de Poche à Hédé qui fêtera ses 40 ans et deviendra le Théâtre Intercommunautaire de la Bretagne romantique. Le 12 octobre. 6

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Le département de la Manche semble inspirer les artistes, puisqu’après Granville, c’est la préfecture St Lô – écriture à l’anglaise – qui a été choisie par un groupe… lorientais pour nouer leur collaboration avec la chanteuse… new-yorkaise Hanifah Walidah (Brooklyn Funk Essentials). Musicalement, le groupe se définit comme « deepélectro-swing ». C’est groovy-baby. Si vous aimez voyager : en Vespa trafiquée Destination ? Brooklyn Quand et où ? Le 14 septembre à Coatelan, le 31 octobre à La Teufestival au Run ar Puñs

baden baden

santa cruz

Si ce groupe rennais, formé il y a plus de dix ans, a choisi comme nom une ville de Californie, ce n’est pas tout à fait un hasard. Ces représentants de l’americana, un style musical qui mélange folk, rock, blues et country, ont la tête tournée vers les grands espaces et les territoires à découvrir. De préférence sur le dos d’un vieux canasson. Elvis in Acapulco, leur cinquième album studio sorti cet été, en serait une parfaite bande son. Si vous aimez voyager : en diligence Destination ? Le Grand Canyon Quand et où ? Le 13 septembre à L’Ilophone à Ouesssant

Les Parisiens de Baden Baden (photo) n’ont jamais mis les pieds dans la ville allemande mais se disent fascinés par son évocation emplie de mystère et d’histoire. Station thermale et ancien siège des forces françaises après-Guerre, elle est entourée de la Forêt-Noire, cadre idéale à la pop contemplative et mélancolique jouée par le groupe depuis 2008. Si vous aimez voyager : à bicyclette Destination ? Le GR le plus proche Quand et où ? Le 10 octobre à l’Ubu


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la fac pense-t-elle au jeudi soir ?

sans surprise, le traditionnel jour de beuverie étudiante n’est pas pris en comptE. A-bu-sé. Toi, le jeune plein de bonnes résolutions en cette rentrée étudiante, tu le sais : tu auras beau te persuader que tu resteras sagement chez toi à mater Envoyé Spécial le jeudi soir, ça finira forcément par la tournée des bistrots à boire plus que de raison. Pourtant le lendemain, il faudra surmonter la gueule de bois, car des cours, tu en auras. Des TP même, voire des exams. Car les facs sont catégoriques : pas question pour elles de prendre en compte la beuverie d’avant weekend et d’aménager un planning en fonction. « Les emplois du temps répondent à d’autres principes de réalité : gestion des salles et disponibilité des enseignants », informe l’Université de Brest. « Si toutefois un événement de grande ampleur type soirée d’intégration nécessitait un éventuel aménagement de planning, le Doyen prend en compte la requête et essaie dans la mesure du possible d’alléger l’emploi du temps », nuance-t-on tout de même à l’Université Bretagne Sud. Moralité : à toi de choisir entre passer ta soirée devant France Télé ou gérer ton mal de crâne le lendemain matin. Et oui, la vie est injuste. 7


WTF

« et Merci qui ? merci jacquie et michel !  » C’est devenu une punchline incontournable en festival. Un slogan dont le succès vient d’une joyeuse corrélation entre Internet, porn culture et beauferie second degré. nos régions ont du talent. le X amateur. Un site, que Le Tag Parfait qualifie à juste titre de « porn de terroir (à l’opposé du porno chic de Dorcel, ndlr), franchouillard, semi-pro, semi-glauque », où chaque vidéo se ponctue d’un cocasse et ridicule « Et merci qui ? Merci Jacquie et Michel ! ». Détournée comme le fut le « Allô que le « po polo popopo po » des quoi », cette phrase a donc été White Stripes s’est imposé comme reprise par les festivaliers tel un chant de cuite officiel. Des pancartes nom de code. Si tu connais l’exet t-shirts sont même spécialement pression, je veux bien partager une confectionnés. canette avec toi devant ma tente À l’origine de ce slogan, un site Quechua. Convivialité, proximité, Internet français spécialisé dans rencontre : Merci Jacquie et Michel. DR

Vieilles Charrues, premier rang devant la scène Xavier Grall. Alors qu’une bande de trois ados patientent avant le set de Superpoze, un photographe leur demande gentiment de faire leur plus beau sourire. Clic-clac, c’est dans la boîte. « Merci Jacquie et Micheeeeel !!! », lui répondront en chœur ces jeunes filles visiblement ravies de cette photo souvenir. Un gimmick qui, depuis deux étés désormais, a investi les festivals, notamment les campings. Il est aujourd’hui l’une des punchlines les plus répandues, au même titre

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BIENVENUE EN KAdEBOSTANY

Pays imaginaire que ses créateurs situent en Europe, la République de Kadebostany a désigné comme ambassadeur sa fanfare nationale. Sa tournée diplomatique l’a notamment conduite en Turquie et en Grèce, deux pays où le morceau balkano-hip-hop Walking with a Ghost a bien marché cette année. À l’occasion de la sortie de Pop collection, son deuxième album signé sur le label suisse Mental Groove (Brodinski, Miss Kittin, Don Rimini...), Kadebostany continue son voyage officiel et passera par le Château de Suscinio dans le cadre de Rêverie Moderne (le 28 septembre) et par Briec pour les 10 ans de La Teufestival (le 2 novembre). 8

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PRéMONITIONs en chansons

dans la prog de L’ atlantique jazz festival, deux artistes ont une histoire avec le 11 septembre. flashback. the coup Dévoilée quelques jours après les attentats, la pochette du quatrième album du groupe de rap US The Coup reste l’une des plus belles polémiques post-11 septembre. On y voyait ses deux membres, Boots Riley et Pam, en train de faire sauter les tours jumelles avec un air goguenard (photo). Face à la controverse, le groupe certifiera avoir réalisé le visuel trois mois avant les événements. Un malheureux hasard qui n’en demeure pas moins son plus beau coup de pub à ce jour. Où et quand ? Le 18 octobre à Brest

SERGE TEYSSOT-GAY (EX-NOIR Désir) Quelques heures avant que le premier avion ne frappe le WTC, Noir Désir faisait son grand retour en France avec la sortie du très attendu Des Visages des Figures. Si Le Vent nous portera est choisi comme premier single, l’attention se portera vite sur Le Grand Incendie : « Y’a l’feu partout, emergency, Babylone, Paris s’écroulent, New York City / Hommage à l’art pompier. T’entends les sirènes, elles... Sortent la grande échelle ! » Coïncidence ? Oui. Où et quand ? Le 10 octobre à SaintMartin-des-Champs, le 12 à Lorient, le 13 à Châteaulin 9


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Y a-t-il trop de TREMPLINs ?

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WOUAP DOU BAP

Trois pour le prix d’un. Joli trio français à La Citrouille : Aline, Autour de Lucie et le Rennais Florian Mona. On ne peut que vous conseiller la pop fraîche et efficace des sous-estimés garçons d’Aline. Le 4 octobre à St-Brieuc.

Zimoun

hey, t’AS PAS UN TON-CAR ?

Après Robert Henke l’an passé, c’est l’artiste Zimoun qui sera en résidence au festival Maintenant. Le Suisse dressera ses dispositifs sonores et visuels, construits en carton. Des installations aux rythmes mécaniques à découvrir aux Champs Libres et au Musée des beaux-arts. à Rennes du 15 au 20 octobre.

PIERS PRECIEUX

blues-folk Une décennie que Piers Faccini roule sa bosse, enchaînant quelques lumineux albums de blues-folk aux influences ricaines (Woody Guthrie) et africaines (Ali Farka Touré). Black Rose, 1er extrait de son prochain album à paraître en septembre, évoque l’étoile filante Nick Drake, et c’est beau. Le 9 novembre au festival Sons d’Automne à Quessoy. 10

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« Tremplin : nm. Ce qui donne un élan pour atteindre un objectif. » Au festival Les Indisciplinées, on est raccord avec la définition du Larousse. La mise à disposition d’une grande scène pour le meilleur des groupes locaux du moment, c’est lui donner l’occasion de changer de braquet. « C’est une belle étape », estime Thierry Houal, le programmateur du rendez-vous lorientais qui, pour son édition 2013, relance son tremplin après une année de mise en sommeil. Le dispositif Tournée des Trans participe d’une même volonté : l’accompagnement artistique de groupes locaux. Nicolas Lebon, responsable référent, précise toutefois la – grosse – nuance avec un tremplin classique : « On ne fait pas une soirée avec un applaudimètre pour sélectionner les groupes, ça marche plus au coup de cœur de l’équipe. »

« foire à la saucisse » Si la majorité des festivals bretons possède un tremplin ou un outil spécifique de mise en avant de la scène locale, d’autres ont choisi de ne mettre en place aucun concours de ce genre. C’est notamment le cas à La Route du Rock, au Bout du Monde ou à Panoramas. « On préfère programmer des artistes locaux en les considérant comme faisant partie intégrante de notre affiche », justifie Joran Le Corre, programmateur à Panoramas. C’est aussi une manière de se démarquer dans

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palmarès, concours, prix… Si beaucoup de festivals et de médias cherchent à promouvoir l’émergence de groupes locaux, d’autres sont plus sceptiques quant à la pertinence de ces dispositifs.

le monde des festivals où l’organisation d’un tremplin peut devenir un réflexe plus qu’une démarche toujours réfléchie. « Ça n’a de valeur que s’il permet d’accélérer l’émergence et la professionnalisation des groupes », pointe Joran. La crainte de la surenchère est grande aussi avec les prix organisés par la presse, les associations et les partenaires extérieurs : L’ampli Ouest-France, Partis pour un Tour, Label Mozaïc, inRocks Lab… À tel point que Le Mensuel de Rennes préfère laisser tomber cette année l’organisation de son “Palmarès”. « Le vote du public virait à la foire à la saucisse, explique le chef de rédaction Nicolas Legendre. Certains avaient carrément inventé un logiciel pour gonfler le score de leurs favoris ! » Moralité : les vainqueurs de ce type de concours ne sont pas toujours les plus talentueux mais les plus malins. R.D



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ADOS programmés AUX TRANS : la routeen L’ affiche des Trans Musicales 2013 sera dévoilée à la mi-septembre. Quelques noms sont déjà sortis, dont celui de The Skins, un groupe en pleine puberté. Une tendance du festival . La preuve par trois.

C’est qui ? Ivan et Ada, frère et sœur, avaient 13 et 11 ans lors de leur passage aux Trans en 2007. Venu de New York, ce duo de rock garage venait de sortir Bang Bang Boom Cake, son premier album sur lequel avaient participé Russell Simins de Blues Explosion et Karen O des Yeah Yeah Yeah’s. Pas dégueu. Signe particulier. Dans une interview à 20 Minutes, les deux minots avaient jugé la vie de rock star « plutôt ennuyeuse ». Ce qu’ils sont devenus ? Un second album, Skeletons, sorti en 2009. Pas de signe de vie depuis.

C’est qui ? Après avoir appris le violon et le violoncelle, Eléonore et Enguérand se mettent à bidouiller des sons sur l’ordi offert par les darons à Noël. Le duo électro-clash Carbon Airways naît dans la foulée. Signe particulier. Les deux zozos, âgés de 14 et 15 ans au moment de leur venue à Rennes en 2011, ont failli ne pas avoir l’autorisation de jouer aux Trans, la préfecture estimant que le concert pouvait affecter leur scolarité. Avant de finalement donner son feu vert. Ce qu’ils sont devenus ? Cinq EP au compteur et des dates régulières.

CORBEILLE CocoRosie Déjà dix ans que les frangines américaines Bianca et Sierra sévissent avec leur style néo-folk qui leur a valu d’être qualifiées de « cousines de Björk » par Les Inrocks. On les voit surtout comme les génitrices des Brigitte, et c’est pas un compliment. À Saint-Malo 12

Lilly Wood & The Prick, C2C... Overdose : nf, quantité excessive d’une sensation, d’un sentiment, difficilement supportable. À Rennes, Vannes et Brest

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THE SKINS

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CARBON AIRWAYS

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TINY MASTERS OF TODAY

C’est qui ? Parmi les premiers noms déjà confirmés des Trans 2013 : The Skins. Deux sœurs, un frère et deux potes, âgés de 13 à 19 ans, qui donnent dans le rock pêchu et multi-influencé (punk, soul, blues). Ces ados de Brooklyn ont déjà assuré les premières parties de The Heavy lors de sa tournée européenne cette année. Signe particulier. Le batteur ressemble pas mal à Stevie (le black en fauteuil) dans Malcolm. Ce qu’ils vont devenir ? Leur premier album Show Me Some Skin est sur le point de débouler.

Notre anti-sélection des spectacles Quand franchise et mauvaise foi ne font qu’un

sportive avec son accent fleuri du sud-ouest (le mec est pourtant né à Paris) et quelques mots clés du style “pignoler”, “bouzin”, “mastic”… La formule transposée en one-man-show fait vraiVincent Moscato ment craindre le pire. Pas Sur RMC, tous les soirs un hasard si le Times l’a de la semaine, l’ancien élu parmi les dix rugbyjoueur de rugby anime men les plus effrayants. une émission d’actu À Pacé et Plédran

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Circus Alors qu’on pensait s’en être définitivement débarrassé, Calogero a eu la malice de revenir sous un autre nom, Circus, son nouveau projet sous la forme d’un groupe. Bien joué mais tu nous auras pas comme ça. À St-Brieuc et Plougastel La rédaction


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manger, c’est vraiment tricher ?

éponger limite-t-il la gueule de bois ou avaler un kebab en pleine soirée est-il inutile ? réponse. Le monde de la chouille est binaire. D’un côté, ceux qui mangent. De l’autre, ceux qui se contentent de l’assiette de chips. On s’est tous retrouvé dans l’un et l’autre de ces deux camps, sans qu’on se souvienne vraiment lequel était le meilleur. À l’approche du retour imminent des soirées étudiantes, Jean-Yves Le Goff, médecin nutritionniste, nous rafraîchit la mémoire. « Il faut toujours boire sur un ventre plein. Le fait de manger en buvant protège la montée d’alcoolémie. Cela ralentit le passage de l’alcool dans le sang : on perd moins vite les pédales. » McDo, kebab ou plat de pâtes : qu’importe la collation pourvu qu’on ait l’assiette. Si la nourriture freine l’augmentation de l’alcoolémie, elle ne la limite pas pour autant. Et, chose importante, vous aurez beau vous empiffrer de tout ce que vous voulez, rien n’accélère l’élimination de l’alcool. Seul effet bénéfique : un repas permet de lutter contre la déshydratation et l’hypoglycémie causées par la cuite. Cela permet ainsi de “mieux vivre” sa gueule de bois. C’est toujours ça de pris. 13


WTF

LES festivals qui changent de nom : une bonne idée ?

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BLAIR WITCH

Spécialisé dans le court métrage fantastique et flippant, le festival Court Métrange fête cette année sa 10e édition. Un anniversaire mérité pour ce rendez-vous au succès grandissant (1 300 films en pré-sélection). Les meilleurs seront à découvrir du 17 au 20 octobre au TNB à Rennes.

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L’ ami du petit déjeuner

Repéré cet été au Bout du Monde, le délicat rappeur-slammeur Gaël Faye, membre du groupe Milk Coffee & Sugar, continue sa route en Bretagne. Il sera le 25 octobre à La Citrouille à l’occasion de la 15e édition de Cité Rap pour défendre son premier album solo Pili Pili sur un croissant au beurre. à Saint-Brieuc.

C’EST POUR QUI LES PLACES ?

festivals

En cette rentrée, Bikini vous offre des billets pour Les Indisciplinées, La Teufestival et Nördik Impakt. Pour tenter votre chance, rendezvous sur notre Facebook où les jeux seront lancés ce mois-ci. Bonne chance à tous ! 14

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Electroni[K] s’appelle désormais Maintenant. Et oui, il va falloir s’y faire. Au-delà de l’envie de se détacher de l’étiquette “musiques électroniques” qui collait à l’événement, Gaétan Naël, le président de l’asso, voit en ce changement « une manière de créer une différence entre les activités à l’année (qui portent la mention Electroni[K], ndlr) et le temps fort que constitue le festival ». Une nouvelle appellation, « axée sur la notion d’instantanéité» qui constitue également une « manière de se réinterroger sur ce qu’on fait Reste une question : est-ce une opéet ce qu’on veut faire ». ration risquée ? Pour Cyril Gaillard, patron de Bénéfik, une agence de « EN FAIRE UNE VALEUR AJOUTée » com’ spécialisée dans la création Cette réflexion autour du projet, de marques, le principal danger le festival Les Bar’baries à Rennes reste une déperdition des festivase l’était aussi posée en s’appelant, liers. « Tout public est allergique après sept éditions, Les Embellies. et réticent au changement. Cela « Le festival ne se tenait plus n’est pas très culturel mais prenez exclusivement dans les bars. Musi- l’exemple du Dakar ou de Pékin calement, on connaissait aussi une Express. Ces marques étaient telévolution : plus pop-folk, moins lement fortes qu’ils n’ont pas voulu chanson. Le changement de nom les tuer, alors que les noms n’ont a permis de marquer le virage », plus rien à voir avec le contenu. » explique Stéphanie Cadeau. Que faire donc ? « Transformer le Des exemples qui ne sont pas des changement en valeur ajoutée. Dire cas à part. À Rennes, Concerts d’été qu’il s’agit d’un nouveau souffle. s’appelle désormais Grand Air, Les Dans tous les cas, il faut expliquer au Estivales du Rire sont devenues le public que le festival existe toujours Dinard Comedy Club, Les Euroc- mais sous un autre nom. » À l’inskéennes avaient à l’origine pour tar des Embellies qui pendant deux nom Le Ballon... À l’étranger, les éditions avaient inscrit “ex-festival changements sont souvient liés à Les Bar’baries” sur l’affiche, le visuel des questions de sponsoring : The de Maintenant portera également Carling Weekend, Pepsi Sziget, etc. la mention “Electroni[K]”. J.M

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Pour sa treizième édition, le festival Electroni[K] va connaître une évolution pas banale : un nouveau nom. Le rendez-vous rennais n’est pas un cas isolé. Raisons, risques et avantages : on fait le point.



DOSSIER

copains d’avant

CANTINE, VOYAGE scolaire, récré, entrée au collège... qu’on ait été une tête ou un cancre, les souvenirs d’école marquent. retour en classe. 16

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DOSSIER

« les humiliations restent une valeur

évélé en 2006 par Entre les Murs, François Bégaudeau a sorti cette année Deux Singes ou ma vie politique. Un roman autobiographique où il revient notamment sur son enfance et son adolescence. Alors, c’était cool l’école ? Replonger dans son enfance, c’est un exercice compliqué ? L’écrivain Régis Jauffret a une expression que je trouve juste : l’enfance est un souvenir d’enfance. Quand on a 20, 30 ou 40 ans, l’enfance n’est jamais que le souvenir qu’on en a. Souvent une reconstruction rétrospective qui en dit plus sur celui qui est en train de se souvenir que sur l’enfant qu’il a été.

Comme quoi ? ça a souvent à voir avec l’occupation concrète de la journée. Je suis incapable de dire ce que je faisais le soir au collège par exemple. Quand j’avais onze ans, j’étais en sixième, je me souviens de mes proches, du type d’élève que j’étais, des conneries que je pouvais faire. Mais, entre C’est dur de se souvenir en détail 20 h et minuit, aucun souvenir. Sans de ses premières années ? doute parce que c’était la routine. Il y aurait l’explication psychologique L’ordinaire d’une vie part avec la qu’on connaît bien : on aurait du mémoire. mal à se souvenir de choses qu’on aurait refoulées. Mais je pense qu’il Pourquoi les souvenirs d’école et y a aussi une explication plus tech- d’enfance marquent autant ? nique : il y a des choses dont on ne Les choses restent vives parce qu’elles se souvient pas, tout simplement. ont été les premières fois : première

« Le CM1 reste pour moi la plus belle année de ma vie » 18

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fois à l’étranger, première amoureuse, etc. Quand on a 20 ans, on a déjà accumulé tellement de choses qu’on est moins poreux. Le cerveau a déjà structuré certains éléments : les idées politiques, les goûts littéraires... L’intelligence devient un filtre. L’enfance fait-elle partie des souvenirs les plus importants ? Quand un écrivain se penche sur un fragment de son passé, c’est l’époque la plus représentée. L’adolescence également, notamment depuis dixvingt ans. Les années 18-25 ans sont en revanche peu racontées, alors que c’est le début de l’indépendance. Les années fac, Dieu sait pourtant si c’est passionnant. Quels sont les souvenirs incontournables de l’école ? Les humiliations, ça reste une valeur


sûre des souvenirs d’école » « Le collège, le moment où les emmerdes arrivent... » une période où je m’intéressais à la politique. Ma passion politique a été à son pic d’intensité entre 15 et 18 ans, au moment où j’avais une vie hormonale intense mais en permanence frustrée.

C. Hélie Gallimard

C’est vrai que ça parle peu de filles dans le bouquin… à cet âge, j’ai eu très peu de copines. Ma courbe d’intensité politique croise assez bien ma courbe de satisfaction amoureuse. De la même façon que Freud dit que l’art est une sublimation d’une pulsion sûre, un truc que tout le monde a sexuelle, je pense que l’exercice de la en tête. Tant qu’il y aura des jeunes, politique et le militantisme sont une il y aura de la dégueulasserie. sublimation du sexe. Ça compense Les enfants sont un mélange très les frustrations. Mais si on m’avait particulier, capable à la fois d’une dit « demain y a la révolution mais grande bonté – comme soigner tu ne sors pas avec une fille un petit oiseau – et d’une grande avant dix ans » ou « demain tu vas cruauté. Je n’y ai pas échappé et j’y coucher avec une fille mais pas de ai pris part, je le reconnais. Je me révolution avant 100 ans », j’aurais souviens avoir fait chier une fille tout de suite signé pour la fille. en CE2, pendant six mois, pour la simple raison qu’elle était moche. Du CP jusqu’en prépa, tu étais preOn ne peut rien au fascisme de la mier de la classe. T’aimais l’école ? jeunesse : t’es moche, je te fais chier. À partir du collège, je l’ai détesY a qu’à voir des enfants évoluer, tée. Son seul avantage, c’est qu’on on comprend beaucoup mieux ce y rencontre des gens, on s’y fait qu’est un état totalitaire. des copains, on voit des filles, on découvre de nouvelles choses. Le Côté souvenirs au collège, il y a les problème, c’est que dans une journée relations amoureuses... de sept heures, tu as trois récrés de Les relations filles-garçons, c’est ce dix minutes. Une demi-heure où tu qui travaille tout le monde à l’ado- t’amuses à peu près et, le reste du lescence. Me concernant, c’était temps, tu te fais globalement chier.

L’école primaire, c’est quand même plutôt cool. C’est plus au collège que ça peut devenir la merde… C’est ce que beaucoup de gens disent. Le primaire c’est encore sympa, c’est varié, on bouge, c’est pas encore humiliant. Le CM1 reste pour moi la plus belle année de ma vie : bonheur total, plénitude… Et puis, en sixième, y a un truc qui nous pète à la gueule. Le passage au collège est souvent vécu comme le moment où les emmerdes arrivent et où on commence à ne pas aimer l’école. Ce qu’il faudrait faire ? Garder la structure souple et fluide du primaire où on débute quelque chose quand on a fini ce qu’on faisait avant, opter pour un emploi du temps moins serré, avoir moins de matières… Quand on devient adulte, l’enfance est vraiment finie ? Je crois que l’âge adulte n’existe pas. Si l’enfance est un souvenir d’enfance, je pense que l’adulte est une fable d’adultes. à tout âge, on a tous les âges. à 40 ans, le CM2, ça continue. On ne devient adulte qu’au moment où on se joue la comédie de l’adulte. Sartre appelle ça la mauvaise foi, ce moment où les gens choisissent d’endosser les habits sociaux. C’est triste car, du coup, ils s’interdisent certaines choses. Comme les conneries qu’ils faisaient au collège. Recueilli par Julien Marchand 19


DOSSIER

PELLES dans la cour : les trois règles Eh le collégien, c’est à toi que je m’adresse. Oui, toi qui as piqué le magazine à ta grande sœur. On a décidé de t’aider. Ce qui va suivre sera ton guide de survie pour continuer à embrasser Jessica dans la cour sans risquer de te taper des heures de colle ou un mot dans le carnet. On a questionné des chefs d’établissement pour voir comment manœuvrer. Car si les embrassades ne sont officiellement pas admises au sein du collège, tu dois savoir qu’il y a moyen de moyenner. Pour contrer tout débordement, les règlements intérieurs ont opté pour des énoncés très larges. Au chapitre “comportement”, ils précisent majoritairement que « tout élève se doit d’adopter une tenue correcte dans tous les lieux de l’établissement ». En gros, tu fais pas le cake, t’es poli, t’emmerdes personne et tu fais profil bas. Pour les comportements amoureux, c’est pareil. « Ce qui prime, c’est le respect d’autrui et la liberté de chacun, déclare Jean-Jacques Hillion, proviseur du collège-lycée de L’Harteloire à Brest. Deux élèves qui se tiennent par la main, si ce n’est pas ostentatoire ou dans le but de jouer au cador, on va dire que c’est toléré. » Les baisers en revanche, c’est niet. S’il affirme lui aussi jouer la carte de la tolérance pour les élèves main dans la main, Jean-Luc Alasseur, principal adjoint au collège Léonard de Vinci à Saint-Brieuc, est catégorique pour ceux qui voudraient passer le cap au-dessus : « Les démonstrations amoureuses n’ont pas lieu d’être dans un établissement scolaire. » 20

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RèGLE n° 1 : MODéRé TU SERAS

RèGLE n° 2 : DISCRET TU deviendras RèGLE n° 3 : LES PARENTS TU éviteras Rassure-toi, embrasser sa gow reste parfaitement jouable. Seul conseil : évite de faire ça en plein milieu de la cour. « Un élève qui bécote une fille à la dérobade, ça ne dérange personne, estime même Jean-Jacques Hillion. La plupart des élèves ne le font d’ailleurs pas à la vue du personnel. Et si jamais j’en surprends un, je lui tape discrètement sur l’épaule et lui fais un premier avertissement verbal. » Jean-Luc Alasseur poursuit : « Cela fait partie de la vie et participe aussi à la vie d’un établissement, mais il faut penser aux plus jeunes. Les plus grands du collège ne doivent pas imposer leur baiser à la vue des sixièmes. » Le lieu idéal donc ? Derrière le self.

Si jamais la discrétion n’est pas ton fort, il va falloir se tenir. Car, après les avertissements oraux, écrits et les possibles heures de retenue, si tu n’as toujours pas compris le message, c’est tes darons qui risquent de débarquer dans le bureau de l’administation. ça serait ballot, et surtout pas très malin. « On a déjà convoqué des parents pour des comportements amoureux abusifs et/ou répétés, fait savoir le proviseur de la cité scolaire de L’Harteloire. Et là souvent, ils tombent de haut car ils n’imaginent pas leur enfant faire ça. » Des convocations qui calment les ardeurs des collégiens : « 99 fois sur 100, on n’a pas de récidive. »


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Avouez-le, vous aviez les miquettes quand l’infirmière scolaire venait à l’école pour nous ausculter, hein ? Que va-t-elle nous faire ? C’est vrai qu’elle nous touche le zboub ? Et les boules ? Qu’elle vérifie si on est vierge ? La peur de la visite médicale a toujours existé. Et s’avère encore bien vivace. Mais bordel, c’est normal qu’on ait tous les chocottes ou quoi ? Pour Jean-Bruno Renard, sociologue spécialiste des légendes urbaines, cette « légende scolaire » n’a rien d’étonnant. « Une rumeur émerge quand des individus perçoivent un événement important et ambigu. La visite médicale en est un : important car rare mais incontournable dans la scolarité ; ambigu car la nudité – même si on reste en slip – va créer une confusion et générer des fantasmes. » L’enfance constituerait aussi un excellent terreau pour ce type de rumeur : « Les enfants et les ados étant très pudiques, cela engendre énormément de craintes : peur de devoir se mettre nu et qu’une chose de l’intime soit découverte et rendue publique. » Une légende scolaire qui – et c’est un signe de sa force – peut parfois troubler notre mémoire. Qui se souvient précisément de ce que nous faisait l’infirmière ? « Certains souvenirs peuvent être déformés par des rumeurs. De faux souvenirs sont alors reconstruits. » 21


DOSSIER

« mon voyage scolaire en 4e, comme si Liberté, égalité, fraternité ? Bullshit partout, justice nulle part. Le gamin français qui naît dans une famille bourge ne part pas dans la vie avec les mêmes facilités qu’un péquenot de campagne ou qu’un blédard de banlieue. L’école étant une invention plutôt cool au final, la petite Constance, le petit Kévin et le petit Rachid auront tout de même des souvenirs similaires issus de leur scolarité, qu’elle se fasse dans un bahut fauché ou une institution friquée. Les voyages scolaires en font partie. Tout le monde est égal devant les interminables voyages en car avec potes et profs accompagnateurs. Égal devant les opportunités que ça représente de se retrouver loin des parents à boire ses premiers bocks, fumer ses premières clopes et rouler ses premiers patins. Égal devant les haricots sauce tomate des p’tits déj’ outre-Manche et les sandwichs jamon y queso hispaniques. Égal devant la visite du Futuroscope, le faux maillot du Barça acheté au pied du Camp Nou ou la boule à neige Colisée ramenée en souvenir de Rome. « Peu importe l’établissement scolaire ou les finances des parents, chaque élève en France part au moins une fois en sortie avec sa classe au cours de sa scolarité, affirme Éric Bitton, coordinateur de voyages scolaires. Le règlement éducatif national ne l’impose pas mais c’est devenu une institution. » Avec,

d’après les statistiques de L’Office, (l’organisme agréé regroupant une quarantaine d’organisateurs de séjours linguistiques), une moyenne de quatre nuits par voyage et un coût tournant autour des 300 euros par tête tout compris.

« La bouffe, c’était léger le midi » « Dans l’ordre des pays, on retrouve l’Angleterre, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, Malte et les États-Unis, poursuit Éric Bitton. Deux critères sont pris en compte pour qu’un établissement autorise et finance pour partie un voyage : la pertinence du projet pédagogique et son coût. » Idéalement, le mieux est qu’il y ait transversalité autour

« On n’a jamais trop su qui était notre famille d’accueil » 22

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d’un voyage, qu’il serve les intérêts du prof de langue, d’histoire-géo, d’arts plastiques, etc. Sauf qu’en vérité, ce n’est pas les diverses excursions et les musées visités que les élèves retiennent de cette première sortie initiatique loin de leurs “vieux”. « Je me rends compte aujourd’hui que mes souvenirs concernent plus les conneries autour, reconnaît ainsi Arnaud, aujourd’hui âgé de 27 ans. Par exemple, d’emblée le premier truc qui me vient du voyage en Angleterre en 3e, c’est le soir quand on entendait les parents de la famille qui nous hébergeaient en train de baiser. » Car la norme pour un séjour à l’étranger, c’est de loger en famille d’accueil. « Ces familles le font pour l’argent mais elles sont soumises à un cahier des charges strict, fait remarquer Éric Bitton. Leur logement ne doit pas se transformer en dortoir,


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c’était hier »

c’est cadré et on signale peu d’abus. » Soit les règlements sont devenus plus stricts depuis une dizaine d’années, soit Thomas, jeune trentenaire, n’a pas eu de bol. Car avec deux copains de classe, il s’était retrouvé à pieuter dans une maison disons… particulière. « C’était en 4e dans la banlieue de Londres. On n’a jamais trop bien su qui était exactement notre famille d’accueil car ça changeait tous les jours. Un soir, une grosse fête a été organisée, les Anglais de notre âge ont voulu nous embrouiller, on nous a enfermés dans la chambre avec la bouffe. En parlant bouffe d’ailleurs, c’était léger. Le midi, on s’arrangeait pour piquer des chips à des copains mieux lotis que nous. Reste que ça fait des souvenirs inoubliables. La preuve : je viens de fêter mes 30 ans et je m’en souviens comme si c’était hier. » Régis Delanoë 23


DOSSIER

CNDP / Musée National de l’Éducation

L’époque où y avait du vin à la cantine

On a tous souvenir des bouteilles de vin sur la table des profs. Posés au centre à intervalles réguliers avec les corbeilles de pain, les litrons de rouge restaient un objet de fantasmes pour nous, écoliers, qui devions nous contenter de pichets d’eau chlorée ou de pamplemousse pressé au-dessus du verre les jours de “pomelos” en entrée. Si la consommation d’alcool dans un restaurant scolaire reste toujours possible pour les enseignants, le vin a quant lui déserté le menu des enfants. Car oui, le pinard, le cidre et la bière n’ont pas toujours été bannis de la table des gamins. Si le principe d’une cantine scolaire est apparu en France à la fin du 19e siècle (c’est Lannion en 1844 qui a été la première ville française à mettre en place cette offre), le service a mis du temps à s’installer et à se généraliser, notamment en Bretagne. « À la campagne et dans les écoles de hameaux, les enfants apportaient leur propre gamelle le 24

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midi. Ils avaient du pain, un reste de viande ou du lard. Et comme boisson, c’était du cidre. À cette époque, les enfants passaient directement du lait au cidre », explique Katell Lecoq, du Musée de l’école rurale en Bretagne, à Trégarvan, dans le Finistère.

« Le vin joue son rôle » Avec le développement des cantines, la question du régime alimentaire des écoliers est apparue au début du 20e siècle, mais l’alcool n’était clairement pas la priorité. En 1909, pour une conférence du Laboratoire d’hygiène scolaire, le docteur JeanCharles Roux préfère en effet s’attaquer à « l’abus de viande, d’œuf et de pain » plutôt qu’au vin car « le vin est un aliment et joue son rôle dans la ration alimentaire ». Et de préciser : « Il ne s’agit pas naturellement d’alcooliser les enfants, mais l’usage d’un vin peu riche en alcool (le plus souvent coupé à l’eau, ndlr) peut être conservé. »

Puis vinrent les médecins hygiénistes et les mouvements anti-alcooliques. En juillet 1922, un arrêté modifie le règlement scolaire modèle des écoles maternelles (oui oui, maternelles) et interdit l’apport de boisson fermentée ou alcoolisée. Un premier pas avant une réglementation étendue. En 1956, le comité d’hygiène scolaire et universitaire du Ministère de l’Éducation nationale adopte des mesures visant à prévenir tout alcoolisme chez les plus jeunes. Ainsi, dans une cantine, il est interdit de servir toute boisson alcoolisée à un élève jusqu’à ses 14 ans. À partir de 15 ans, les seules boissons de table autorisées doivent titrer moins de 3 degrés d’alcool, « sous forme de vin coupé d’eau, de bière légère ou de cidre léger ». Des mesures qui à l’époque ont ouvert le débat de « l’eau rougie », certains médecins se déclarant hostiles au coupage à l’eau. Aujourd’hui, la question ne se pose plus puisque toute offre d’alcool à un mineur est interdite. J.M


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Les éditions Bayard sont à la presse jeunesse ce qu’est Dorcel pour le divertissement adulte : un incontournable. De Popi, le livre en carton pour tout petits, à Phosphore, le mag des ados pour gérer ses éruptions d’acné, en passant par Astrapi et Okapi, personne n’échappe à cette saga présente dans toutes les bibliothèques et CDI. Parmi ces publications, le mensuel J’aime lire se positionne à un moment stratégique de l’enfance, au niveau du CP/CE. « L’idée est d’amener vers la lecture en autonomie, avec un roman d’environ 15 000 signes à chaque numéro », explique Sophie Beauvieux, secrétaire générale du mag. Sauf que soyons honnête, pas grandmonde n’a vraiment lu à fond ces fameuses grandes histoires. Le souvenir que garde chaque adulte quand il se souvient de J’aime lire, c’est la BD de fin : Tom-Tom et Nana (photo). Un must de drôlerie pipi-caca mettant en scène un gamin déguisé en Charly, sa frangine un peu potelée et les parents Dubouchon, tenancier du resto À la bonne Fourchette (À la bonne Franquette aurait été plus approprié pour caractériser son atmosphère à la cool). « Le succès de cette série est unique, puisqu’elle a accompagné le magazine de sa sortie en 1977 jusque l’an dernier, où nous l’avons remplacée par d’autres BD plus en phase avec les canons du moment. » Tant pis pour les gamins d’aujourd’hui. 25


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Ferris Bueller, les ados du Breakfast Club, Tom Sawyer, Antoine Doinel dans Les 400 Coups, Les Sous-Doués... Dans la plupart des films, les jeunes héros sont plus occupés à sécher les cours et à faire les cons qu’à préparer leur exam. Mais pourquoi ce désamour pour l’école au cinéma ? « Vous aimeriez y retourner, vous ? Moi non ! » Pour Daniel Serceau, professeur à la Sorbonne et auteur de L’école en crise au cinéma, c’est clair : si les personnages tentent de faire l’école buissonnière, c’est que personne n’aime se taper sept heures de cours assis sur une chaise. D’ailleurs, la majorité des films qui parlent d’école sont des comédies ou des navets. Ce n’est pas un hasard. « Ce qui marche, c’est le comique, la dérision. Pour le réalisateur comme pour le spectateur, c’est une sorte de vengeance vis-à-vis de l’école. C’est un lieu de répression alors que l’enfance, c’est la liberté. Du coup, 26

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avec ses lunettes et sa tronche de cake, n’est pas une tête à Poudlard. Eh ouais. Les séries fonctionnent sur le même modèle. Soda sur M6 marcherait sans doute beaucoup moins bien avec, comme premier rôle, un binoclard intello. Idem pour la série américaine Community qui suit un groupe d’étudiants losers dans une fac pourrie. Même en remontant « Personne ne l’aime » plus loin, dans les années 80 et 90, Le spécialiste voit quand même la liste des séries avec héros qui n’en quelques exceptions aux nanars : foutent pas une est longue : Hartley « Le documentaire Être et avoir ou cœur à vif, Parker Lewis ne perd Entre les murs, Palme d’or à Cannes jamais, Sauvés par le gong, Tom en 2008. » Reste que les cancres Sawyer qui « aime l’école surtout et les buses en maths ont plus de quand elle est loin », etc. chances de jouer les premiers rôles. Une des rares exceptions à cette « Un héros premier de la classe, il règle : Malcolm, un gamin surdoué n’y a rien à raconter : il fait tout dans une famille de tocards. La série bien ! Il fait partie de l’histoire, mais a quand même duré sept saisons. pour se moquer. Personne ne l’aime. Mais loin d’être un fayot, ce premier Tandis qu’avec un clown, vous avez de la classe là n’était pas le dernier de l’action, des réactions et donc à filer des pains. un scénario. » Harry Potter, même Isabelle Jaffré on se retrouve avec beaucoup de caricatures. » Daniel Serceau nuance tout de même : « Il existe quelques bons films. Comme Le Maître d’école avec Coluche, L’Argent de poche de Truffaut. Mais, il est vrai que le sujet n’intéresse pas vraiment les grands cinéastes. » On attend toujours effectivement un Spielberg ou un Tarantino sur l’école.

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pourquoi le ciné aime les cancres ?


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PAPIER

le retour des nichons

les femen, nabilla, le CLIP DE « BLURRED LINES », orties, angelina jolie... sur le plan culturel, politique ET médiatique, les seins squattent de plus en plus l’actualité. Mais qu’est-ce que c’est que ce binz ? e n’est pas que la chose nous travaille particulièrement (ni plus ni moins que vous quoi) mais, depuis quelques mois, il est devenu difficile de passer à côté. Pas une semaine sans qu’il fasse les titres. Pas plus de deux-trois jours sans qu’on le mentionne, qu’on l’évoque, qu’on le montre. Le sein est aujourd’hui l’un des sujets d’actu les plus récurrents. Et réussit le joli coup de s’inscrire 28

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comme dénominateur commun de domaines diamétralement opposés. Musique (le clip Blurred Lines de Robin Thicke, les deux nanas hiphop-trash d’Orties, la pochette de Fantasy des Rennais de Juveniles, la vidéo Lover’s Cave d’Is Tropical réalisée par le photographe Richard Kern), féminisme (les Femen, les SlutWalks, les seins nus autorisés dans les rues new-yorkaises), people (la mastectomie d’Angelina Jolie, la starification de Nabilla et de

son 95 double D )… Des représentations, allant du superficiel au grave, qui soulèvent une question : mais comment le nibard a-t-il fait pour s’imposer à la fois chez les intellos et cultureux qu’auprès du public de NRJ 12 ? Pour Christophe Colera, sociologue et auteur de l’ouvrage La Nudité, pratiques et significations, l’exposition du sein a connu une évolution dans l’espace public. « Si la démonstration de la poitrine


féminine n’a jamais été une chose anodine, nous sommes actuellement dans la période où les seins sont le plus mis en scène. Cela ne veut pas dire qu’ils sont plus visibles qu’avant – sur les plages par exemple, on voyait beaucoup plus de femmes topless il y a 20 ans qu’aujourd’hui – mais ils sont devenus des objets de revendications et d’affirmation de soi. » Des revendications multiples pour un sein aux fonctions multiples. « À travers l’Histoire, la signification principale attribuée aux seins change d’une époque à l’autre : sacré au temps ancien, érotique pendant la Renaissance, domestique en Hollande au 17e siècle, politique pendant la Révolution française, psychologique au temps de Freud… », retrace Marilyn Yalom, historienne et universitaire féministe.

Un sein désexualisé Ces différentes fonctions sont toujours d’actualité. Et leur importance varie selon le contexte. « Tout est une question de regard et de public, estime Caroline Pochon, co-auteure du Culte des Seins en 2010. Montrer sa poitrine dans la rue, à la plage ou à la télévision, ce n’est pas la même chose. » « Le même geste peut avoir différentes significations, parfois contradictoires, poursuit Christophe Colera. À New York, le sein nu est désormais désexualisé, alors que dans le même temps les Femen utilisent son pouvoir sexuel pour protester. Cela dépend en fait du sein que l’on veut mettre en valeur : le sexuel, le maternel, le politique… » Avec ses tétons fièrement dressés sur le pavé, le “sextremisme” des Femen, s’il s’avère efficace médiatiquement, n’est cependant pas une arme nouvelle. « Découvrir sa poitrine pour produire un effet politique a des racines très longues. Aux Etats-Unis, par exemple, 29


en 1858, l’esclave Sojourner Truth a découvert la sienne pour parler de son passé quand elle était obligée de nourrir des bébés blancs, éclaire Marilyn Yalom. Le mode d’action des Femen et son efficacité ne m’étonnent donc pas. Bien sûr le sein nu n’a plus l’aspect choquant qu’il avait autrefois, on voit tant d’images à la télévision. Mais en acte de contestation, cela attire toujours l’attention. »

« Don de la femme » Excellent outil pour défendre des idéaux, le nichon n’en reste pas moins un objet érotisé, « un symbole du don de la femme ». Au-delà de sa représentation dans le porno, il a toujours eu sa place dans la culture contemporaine. Films, clips, publicités, émissions de télé

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et égéries pop à gros lolos, à l’instar de Nabilla devenue en 2013 star de la France TNT. À une époque où le spectateur est noyé d’images, le sein fait figure de valeur sûre. Il attire et marque les esprits tout en flirtant avec la censure, élément indispensable au sacro-saint buzz. Vous croyez vraiment que Blurred Lines aurait autant cartonné avec un clip sans gonzesses se baladant à oil-pé ? Un élément qu’avait compris il y a vingt ans la ville de Binic. Lors du changement de nom des Côtesdu-Nord en Côtes d’Armor, la cité balnéaire avait réussi un joli coup en choisissant un décolleté comme affiche officielle. « L’idée, c’était de détourner le visuel du Département, explique Érick Prunier, directeur de l’office de tourisme de Binic

« Les femmes ont réussi à se réapproprier leurs seins » 30

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et instigateur de cette campagne. C’était un moyen de se faire remarquer et de faire parler de la ville. Dans la communication institutionnelle locale, c’était jugé comme surprenant et osé à l’époque. Aujourd’hui, Binic est toujours identifié grâce à ce visuel. »

« On touche au sacré » Forts de toutes ces représentations et fonctions, les boobs peuvent-ils être considérés comme l’attribut le plus puissant ? « Oui, affirme sans hésitation le sociologue Christophe Colera. Les deux marqueurs qui ont le plus de pouvoir sur le regard sont les fesses et les seins. Tous deux ont une fonction érotique mais, grâce à sa qualité maternelle, les seins ont plus de noblesse. On touche presque au sacré. Tout cela participe à la valorisation et à la fétichisation du sein. Il n’y a qu’à voir l’émoi suscité par la mastectomie d’Angelina Jolie en mai dernier. »


Si pour l’auteure du Culte des Seins les fesses restent également un bon moyen d’expression (« il y a cette tradition populaire, surtout chez les hommes, de montrer son cul en geste de rébellion et de désapprobation »), les seins occupent une place particulière car exclusifs aux femmes. Nabilla, les Femen et Angelina Jolie, même combat ? Presque, du moins toutes ensemble. Car, selon Caroline Pochon, un sein « fort et mutiple » mettrait en lumière une société où la condition de la femme pencherait vers le positif, à la différence d’un environnement machiste où la poitrine serait cachée ou réduite à peu de représentations. « Aujourd’hui, le sein appartient de plus en plus aux femmes, confirme également Christophe Colera. Elles ont réussi à se le réapproprier et à décider elles-mêmes de sa démonstration. C’est plutôt bon signe quant à la question des égalités hommes-femmes. » Julien Marchand 31


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koh-Lantaf

passer une journée à faire des jeux à la con avec votre boss et vos collègues, ça vous botte ? pour renforcer l’esprit d’équipe, les séminaires d’entreprise se multiplient. à mi-chemin entre the office et une chasse au trésor. eur matinée avait été pénible. La faute à un client pointilleux qu’il avait fallu contenter en s’échinant les yeux devant les ordis de la boîte. Rien de plus que l’ordinaire pour la petite équipe d’ID Interactive, une agence web basée à Vannes et dirigée par le patron Éric Doyen. « C’est passionnant mais prenant comme activité, reconnaît-il. Heureusement, on se débrouille bien, notre progression est satisfaisante. » Alors, pour féliciter ses salariés et les inciter à faire encore mieux, le boss 32

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a décidé de leur payer une aprèsmidi “team building” en plein air. Nous sommes fin juin et rendez-vous avait été donné en début d’aprèsmidi devant l’île de Berder, dans le golfe du Morbihan. La matinée chiante est loin derrière, ce qui les attend pour les trois prochaines heures est du genre bien plus fun : une chasse au trésor. C’est l’agence morbihannaise Open Eyes, spécialisée dans le tourisme d’entreprise, qui a été sollicitée pour organiser l’animation. Au programme : un tour de l’île en

équipes, brassard rouge ou noir à l’avant-bras, avec des jeux d’adresse et de réflexion permettant de collecter les indices nécessaires à la recherche d’un trésor. L’atmosphère est à la détente, même si on sent que le patron Éric, dans l’équipe des rouges, n’est pas du genre à lâcher l’affaire lorsqu’il s’agit de récupérer des arceaux ou de tirer à la sarbacane. « J’te marave ! », lâche-t-il d’un ton un peu sadique lors d’un petit un contre un avec Jean-Marc, un de ses employés. « C’est vrai, j’ai pas


« La réussite d’un séminaire en extérieur est difficilement quantifiable, tempère Nicolas Le Maréchal, de l’agence concurrente Ypiade, mais ça a l’intérêt d’offrir des souvenirs communs entre collègues qu’on peut évoquer autour de la machine à café. » L’idée serait donc de sortir les salariés de leur lieu de travail, de briser pour un temps le système hiérarchique et de créer un esprit de groupe. « C’est intéressant de mélanger les services, de montrer aux commerciaux qu’ils ne peuvent pas gagner sans les personnes du stock ou de l’administration », ajoute Nicolas Le Maréchal.

Chanter du Ben l’Oncle Soul trop envie de perdre », concède-t-il, mi-plaisantin, mi-sérieux, alors que toute la bande se dirige vers la dernière épreuve. Qu’il se rassure, lui et les rouges sont plus rapides à décoder les indices et à trouver le “trésor”, un petit coffre enfoui sous le sable et contenant des caramels au beurre salé. Tout le monde est content, la sortie se poursuivra en soirée par un bowling et un resto. « L’important c’est de s’amuser entre collègues, que l’ambiance entre eux soit bonne », explique le boss, pochon de caramels en main, satisfait de son butin et de son après-midi. Un autre qui a le sourire, c’est Alexandre Jacobée, le responsable d’Open Eyes, en charge cette aprèsmidi-là de l’animation sur l’île. « Même avec seulement une demijournée d’activité, une dynamique de groupe se met en place, assuret-il. C’est scientifiquement prouvé, ça permet d’améliorer la cohésion d’une équipe. »

« C’est souvent pour le patron que ce genre d’animation est le plus dur à accepter, observe Pierre Cauvin, sociologue spécialiste de la question. Se retrouver rabaissé au niveau de ses employés et devoir assumer l’échec d’un défi, c’est pas facile. » Reste que le secteur du tourisme d’entreprise se porte « plutôt bien ces temps-ci », avec une bonne demidouzaine d’agences spécialisées rien qu’en Bretagne. Le panel des activités est large mais tend à s’inspirer de certains jeux télé à succès : Fort Boyard, Koh-Lanta… Alexandre Jacobée : « Pour se démarquer, on essaie aussi de proposer des choses originales, en lien avec la région, comme de la sculpture sur sable, de la construction de bateaux en carton ou un défi d’élévation de menhir. » De l’élévation de menhir putain, fantastique ! Ingénieur dans un grand groupe énergétique, David a aussi été confronté à des activités surprenantes. « En mars dernier, on s’est retrouvé à Paris entre cadres de la boîte, avec

dans les mains des magazines, une paire de ciseaux et de la colle. T’as l’impression de replonger en maternelle, c’est très bizarre. Le but était de réaliser une fresque où on devait représenter les différents services de l’entreprise, pour ensuite travailler sur l’image qu’on avait d’eux. » Bien WTF quoi. Une autre fois, il a dû monter une chorale avec ses collègues de boulot. L’idée – un tantinet foireuse – étant bien sûr de démontrer l’intérêt du collectif dans la réussite d’un projet. « Je retiens surtout mon directeur d’unité chantant du Ben l’Oncle Soul, fallait se retenir de rire ! » Les professionnels de l’animation d’entreprise préconisent l’organisation d’un séminaire par an minimum. « C’est à la carte, précise Blaise Manet, de l’agence Au Gré du Vent dans le Morbihan. Le rythme naturel c’est une demi-journée de réunion et une demi-journée d’activité ludique, sur une durée pouvant aller de un à quatre jours. La tendance est quand même à la réduction des coûts, crise oblige. Le 4 étoiles est remplacé par le village-vacances et les activités coûteuses type karting n’ont plus trop la cote. » Mais l’essentiel est ailleurs : faire prendre l’air aux salariés et leur offrir la possibilité de s’évader des tracas du quotidien professionnel. « Un ingénieur m’avait dit une fois : le jour où les entreprises traiteront les hommes aussi bien que les machines, on fera de grands progrès, pointe Pierre Cauvin. Il avait raison : les machines, elles, ont droit à une maintenance régulière. Qu’en est-il de la maintenance de la “matière humaine” ? C’est à ça que doivent servir les séminaires. » Régis Delanoë 33


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j’ai passé un mois sans alcool

cela ne m’était pas arrivé depuis mes 17 ans. Pendant quatre semaines, j’ai dit adieu aux apéros et aux repas arrosés. j’ai découvert un monde sans gueule de bois, fait de coca zéro et de carafes d’eau à volonté. ranchement, une semaine, ça m’aurait pas dérangé, c’est gérable sans problème. Un mois par contre… » Cette idée d’article a été une patate chaude à Bikini. Qui est prêt à se lancer ? Qui va tenir le défi ? Qui va se faire chier en soirées ? On était début juin et, même si la météo n’était pas encore géniale, les premières terrasses avaient déjà réussi à nous narguer. Pas contre l’idée de me mettre à la diète avant les vacances, je m’engageais dans l’aventure. « Faut quand même se rendre compte que ça t’emmène quasi jusqu’aux Charrues. Si tu réussis, je dis chapeau. Mais putain, un mois… ! », m’avertissait Régis dont on pouvait lire l’inquiétude dans les yeux. Le top départ était fixé le 13 juin. Adieu binouze, pinard, et tapanel supérieur. Devant moi, quatre semaines de Coca Zéro,

Volvic Citron et Schweppes agrumes « Je me suis arrêtée de boire depuis prêtes à me tendre les bras. un mois, mais j’ai les symptômes suivants : bout des doigts insensible semaine 1 : la découverte et jambes qui me font mal comme si Afin de mettre toutes les chances elles étaient en bois », explique une de mon côté, je décide de faire le certaine Mythye ; « Depuis que j’ai tri dans mon frigo : pas la moindre arrêté, je suis encore plus nerveux goutte d’alcool ne doit être au frais. qu’avant et attrape des coups de Je vire donc les trois Leffe et les nerf, des coups de crise d’angoisse, deux Heineken qui traînaient et je deviens parano », ajoute quant à les range derrière mes conserves lui un dénommé Bextors . Bordel, d’haricots verts. La meilleure planque dans quoi je me suis embarqué. puisque je n’en mange jamais. Je J’attaque dans le vif du sujet par me rends compte que depuis mes un restaurant avec mes parents. À 17 ans, je n’ai pas souvenir d’avoir cet instant, je dois être l’un des tout passé un mois – ne serait-ce qu’une premiers adultes à tester la pizza semaine – sans un verre de bière ou sans rosé. « T’en prends pas ?, de vin. Si je me dis que ça doit être s’interroge ma mère alors que j’ai quand même jouable, j’ai encore du à peine entamé ma calzone. Y’a un mal à me projeter dans les jours et truc qui va pas ? T’as un souci ? semaines à venir. T’es malade ? » Un rapide tour sur le forum de On touche là au cœur du sujet : Doctissimo ne va pas forcément ne pas boire serait signe de prome rassurer. Morceaux choisis : blèmes. « Quelqu’un qui ne boit 35


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pas est souvent considéré comme un atypique, observe Pierre Veissière, psychologue et auteur de l’ouvrage Kit de secours pour alcoolique. Pour beaucoup, cela veut dire qu’on a soit une propension à boire, soit qu’on a eu une liaison dangereuse avec l’alcool. C’est suspicieux. » Si en ces premiers jours la bière quasi quotidienne dont j’avais l’habitude devant Tout le Sport n’est pas la plus compliquée à gérer, c’est plus à l’apéro et à table que ça manque. Je me mets même à compter les potentiels verres que je loupe : celui de blanc de l’autre jour, les deux de rouge de ce midi... Ça va être long.

semaine 2 : le non alcool social Le premier week-end a été éprouvant. Motif : un barbecue. Combien d’entre vous ont déjà passé un barbeuc à l’eau ? Pas des masses j’imagine, les merguez étant surtout le meilleur alibi pour acheter un cubi sans gêne. « Il est difficile de ne pas boire en faisant la fête. L’alcool est lié au bien vivre. Sans oublier le rituel autour du repas », ajoute Pierre Veissière pour qui le risque peut être de s’écarter de « la vie du groupe ». Et de subir ses pires

vannes, le « ah bon t’es enceinte ? » arrivant en tête. À ce stade, je m’interroge sur la pertinence de ce sevrage. Nutritionniste à Saint-Brieuc, Jean-Yves Le Goff se montre d’abord plutôt rassurant sur ma consommation en temps normal. Pour le médecin, l’équivalent d’un verre par jour et une petite cuite de temps en temps, « ce n’est pas extravagant ». En revanche, il n’apparaît pas méga fan de ce régime sec. « Pour une personne qui n’a pas de problème avec la boisson, je déconseille l’abstinence totale et prône plutôt une consommation raisonnée. Comme pour toute restriction cognitive, le risque est de craquer et d’avoir par la suite une consommation anormalement audessus de ses habitudes. » Le genre de connerie dont je serais capable

« Quelqu’un qui ne boit pas d’alcool, c’est suspicieux » 36

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tant le saucisson m’apparaît tout de suite moins fun sans un mojito.

semaine 3 : LA FAUSSE BONNE IDée ? La moitié de ma diète a été faite. Coïncidence ou pas, j’ai perdu plus de deux kilos. « Ce n’est pas l’alcool qui fait le plus grossir, mais tout ce qu’il y a à côté : chips, cacahouètes… vous avez aussi réduit ça j’imagine ? » poursuit le doc. Affirmatif. Ma non consommation a-t-elle d’autres bienfaits sur mon organisme ? « Pour quelqu’un qui boit quotidiennement plus de trois verres par jour, oui, cela fait du bien d’arrêter. Notamment au niveau du foie, ça va le détoxiquer un peu. Mais pour vous, cela ne change pas grand-chose. Au contraire, un verre de vin par jour, c’est même plutôt conseillé pour prévenir les accidents cardio-vasculaires. »

semaine 4 : liberté vs libération Je tiens le bon bout. Faut dire que je ne prends aucun risque : zéro bar,


Bikini

zéro concert, zéro rayon liche de supermarché… J’evite tout lieu de tentation et, à moins de fabriquer mon propre alcool, il y a peu de chance que je me retrouve nez à nez avec une Guinness. Une stratégie payante. Au bout d’un mois, les mots “demi”, “Zubrówka”, “pichet de Corbières” et surtout “gueule de bois” ne font plus partie de mon vocabulaire. Je vis même plutôt bien ma sobriété. Enfin, je crois. Au dernier jour de mon expérience, je vais chercher les trois Leffe cachées (oh des haricots !) pour les mettre au frais en prévision du lendemain. J’ai presque hâte. « Si vous y pensez, c’est que vous avez sûrement – et comme beaucoup de monde – un petit attrait pour l’alcool, m’indique Pierre Veissière à quelques heures de mon premier décapsulage. Mais un régime comme le vôtre est intéressant, car il permet de se situer vis-à-vis de la boisson. Le fait de le réussir prouve une certaine liberté et indépendance. » Julien Marchand 37


GONZO

Didier Nourrisson, historien des addictions et auteur cette année de l’ouvrage Crus et Cuites : histoire du buveur.

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«  le peuple sobre n’a jamais existé  »

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Y a-t-il eu au cours de l’Histoire des civilisations qui ne buvaient pas ? Non. Le peuple entièrement sobre, ça n’a jamais existé. Chaque peuple a eu besoin de psychotropes, qu’ils se fument ou qu’ils se boivent. Que l’on remonte à la plus haute Antiquité, en égypte, en Gaule ou en Mésopotamie, sur chaque continent, les peuples ont toujours fabriqué des produits alcoolisés. Y compris la civilisation arabe. Il y a cependant eu des époques où l’abstinence et la modération étaient préconisées, non ? Platon, dans son livre Le Banquet en 380 avant J-C, prônait déjà des recommandations : abstinence pour les moins de 18 ans, modération pour les hommes après leur service militaire et tolérance totale pour les plus de 40 ans. Ces consignes en fonction de l’âge ne sont pas sans résonance avec notre époque.

Comment étaient-ils perçus ? Comme des asociaux, des originaux. Presque comme des traîtres à la nation dans un pays viticole comme la France.

à quand remonte les premières traces de consommation d’alcool ? L’Homme s’est mis très tôt à fabriquer son propre alcool. En Mésopotamie, on trouve des traces dès le 5e millénaire avant J-C. Même chose en égypte où on a retrouvé sur Et en France ? des tablettes d’argile le nombre de Au cours du 18e et du 19e siècle, barriques de bière que les pharaons on a vu arriver les buveurs d’eau. commandaient. Les égyptiens fabriDes abstinents totaux qui voulaient quaient une bière d’orge réputée. montrer l’exemple. C’étaient des médecins hygiénistes qui dénon- Le plus gros buveur de l’Histoire, çaient les dangers de l’alcoolisation, c’était qui ? aussi bien celle de spiritueux que de Alexandre le Grand serait mort boissons dites hygiéniques, comme d’overdose alcoolique. Il buvait en le vin ou la bière. Ces buveurs d’eau très grosse quantité. Cela ne l’a pas étaient très minoritaires dans une empêché de conquérir le monde de société qui buvait de manière régu- son époque. Mais il est vrai qu’il est lière et quotidienne. mort très jeune, à 32 ans. 38

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Pourquoi a-t-on toujours bu ? Feydeau avait une bonne formule : l’Homme est le seul animal qui boit même quand il n’a pas soif. Les Hommes en ont toujours eu besoin pour deux raisons : créer du lien entre eux et établir une liaison avec les dieux. Le Français d’aujourd’hui picolet-il plus qu’un Gaulois ? Beaucoup plus ! Aujourd’hui, en France, on est sur une base de douze litres d’alcool pur par an et par habitant, ça représente l’équivalent de 120 litres de vin environ. En comparaison, un Gaulois buvait seulement quatre litres de vin par an. Dans l’imaginaire collectif, on voit pourtant l’Antiquité et le Moyen Âge comme des époques où l’on buvait énormément. La littérature a abondé dans ce sens et l’image est restée. Il y avait certes des beuveries, mais elles étaient très ponctuelles dans l’année.


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dans l’ère du rock cristaline

Keith Richards (photo), la bouteille de Jack Daniel’s, les Pogues, les orgies d’après-concert, Pete Doherty… Le folklore rock ’n’ roll est fait d’excès, dont celui de l’alcool. Un cliché qui nous vient tout de suite à l’esprit lorsqu’on imagine la vie de rock star. Mais est-il toujours avéré ? « Vous avez déjà essayé de prendre un rendez-vous avec un musicien à 10 h du matin ? Il y a neuf chances sur dix qu’il soit frais comme un gardon, garantit le journaliste rock Pierre Mikaïloff. Le métier, parce qu’il est déjà suffisamment compliqué en lui-même aujourd’hui, est devenu super clean. Les mecs doivent assurer s’ils veulent rester au top. » L’histoire de la musique est marquée par le destin d’artistes à grande descente (les Kinks, Miossec, John Lee Hooker, Gainsbourg, Renaud…) qui ont construit la tradition “sex, drugs and rock ’n’ roll”. Une image qui reste, même à une époque où la Cristaline semble donc être devenue majoritaire. « Le problème, poursuit Pierre Mikaïloff, c’est qu’un chanteur qui revendique une sobriété ou une modération vis-à-vis des drogues ou de l’alcool, ce n’est pas très sexy. Un magazine ne va pas faire une double-page sur la vie d’un artiste qui mange bio, fait du vélo et amène ses enfants à l’école. ça ne ferait pas vraiment rêver. » 39


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nouveaux riches

après un premier album qui les a conduits jusqu’en angleterre, les garçons de fortune s’apprêtent à sortir cet automne « Blackboard ». un disque qui devrait encore pas mal faire tourner ces morlaisiens d’origine. n avait laissé les gars de Fortune à Bully. Un morceau, sorti en 2007, propulsé tube sur les radios françaises et musique de pub sur les télés anglaises. Un titre qui leur avait permis de séduire les Rosbifs chez qui ils ont autant joué qu’en France. Une chanson qui leur avait ouvert les scènes des principaux festivals, des Charrues à Rock en Seine, en passant par le réputé Great Escape à Brighton. On les retrouve aujourd’hui à la terrasse d’un café dans le 10e arrondissement de Paris. Nous sommes à deux pas du studio où ils peaufinent leur second album. « Le disque est déjà fini depuis quelques temps en fait, mais la sortie ayant été décalée, on en profite pour recaler 3-4 morceaux et ajouter un nouveau », informe Lionel Pierres, leader, voix et guitariste de la bande. Trois ans après Staring at the Ice Melt, leur premier (bon) album, 40

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Blackboard sortira donc le mois prochain. Un disque sur lequel figure Turn Around, morceau dévoilé au printemps dernier sur le Net. Un avant-goût moins électro, mais plus pop que leurs précédentes productions. « Ça reste quand même électro, mais disons qu’on a cherché des sons plus naturels, à la différence du premier album où ils étaient plus compressés », nuance l’ancien membre d’Abstrackt Keal Agram qui recherche toujours « les titres simples mais pas simplistes, les morceaux pas trop chargés où, en trois sons, tu es dedans ». Des morceaux que Lionel, Pierre, Vincent et Hervé sont partis enregistrer en Italie (« on ne voulait pas faire l’album à Paris, on voulait prendre l’air »), à Rome, aux Forum Studios. « C’est le studio d’Ennio Morricone. On n’est pas ses plus gros fans, mais c’était cool de pouvoir utiliser certains de ses instruments : métallophone, vibraphone… »

« Ce disque, poursuit Lionel, on l’a aussi plus conçu comme un groupe. Staring at the Ice Melt, je l’avais réalisé à 50 % tout seul. Là, on a voulu faire les morceaux ensemble, comme un “vrai” groupe. » Après une première date en avril à la salle parisienne de la Boule Noire qui a permis d’officialiser son retour imminent, le quatuor prépare désormais la sortie de l’album. Avant une tournée qui devrait suivre dans la foulée et que les garçons espèrent aussi française qu’anglo-saxonne, comme le fut la précédente. « Tu as moins de confort que dans les salles françaises mais c’est super formateur de jouer en Angleterre. » En attendant une programmation chez les amis morlaisiens de Panoramas en guise de grand retour ? « Peut-être, on verra, mais ça ne serait pas étonnant. » Julien Marchand Sortie le 14 octobre Le 2 novembre à Coatelan à Plougonven


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Photos : Pierre-Alain GrĂŠgoire


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« la photo n’a jamais été aussi populaire »

RéDACTEUR EN CHEF ADJOINT DU PRESTIGIEUX BRITISH JOURNAL OF PHOTOGRAPHY, OLIVIER LAURENT FAIT PARTIE DU JURY de la seconde édition du FESTIVAL PHOTOREPORTER. on en profite pour parler du métier avec lui. vec la crise de la presse, le photojournalisme est-il lui aussi un secteur en difficulté ? C’est un secteur qu’on dit en crise depuis 40 ans ! Beaucoup de gens dans le métier disent que l’âge d’or date du Vietnam, alors… Mais aujourd’hui la difficulté découle de la révolution numérique des dernières années. On est plus dans une crise de la presse que dans une crise du photojournalisme.

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C’est-à-dire ? Il y a de moins en moins de budget consacré aux photos. Elles ont perdu de la valeur aux yeux de ceux qui dirigent les journaux et magazines. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de photographes sur le marché et la photo n’a jamais été aussi populaire. Le paradoxe ne fait qu’accroître la situation de précarité d’un grand nombre dans la profession. Par exemple, 80 % des photographes présents actuellement en Syrie sont allés sur place en indépendant, avec les risques que ça implique au niveau de leur sécurité et la crainte de ne pas pouvoir vendre leurs photos. 42

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N’y a-t-il pas quand même matière à se montrer optimiste ? Je constate l’émergence d’une nouvelle génération talentueuse, qui débarque avec des sujets originaux et des angles nouveaux. Et puis la photo est en passe de devenir le langage universel du 21e siècle. La culture visuelle du public tend à se développer. Une bonne photo est plus appréciée à sa juste valeur aujourd’hui qu’il y a quelques années. Avec un matériel désormais accessible au plus grand nombre, les pros de la photo ne craignent-ils pas une plus grande concurrence ? Beaucoup en ont peur. Moi je ne suis pas inquiet, car là où l’amateur a la chance d’être au bon endroit au bon moment, le pro peut aller partout dans le monde et a les “clés” pour rendre compte d’une situation donnée. C’est un journaliste. L’avenir du photojournalisme est là selon moi : dans les sujets de fond plus que dans les breaking news. Recueilli par Régis Delanoë Festival Photoreporter, du 19 octobre au 11 novembre à Saint-Brieuc


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« on préfère les guitares »

le trio anglais is tropical a sorti son second album. interview entre deux portes. Après le clip de The Greeks qui avait bien cartonné en 2011, vous avez remis ça avec les vidéos de Dancing Anymore et de Lover’s Cave... Les clips qui se basent littéralement sur les paroles peuvent être ennuyeux. Le but c’est de capter l’attention. On laisse donc carte blanche aux réalisateurs qui travaillent avec nous. C’est une super occasion de bosser avec des gens créatifs (le clip de Dancing Anymore a été réalisé par le collectif français Megaforce qui avait déjà produit celui de The Greeks, ndlr). Je pense que nous avons maintenant la réputation d’être un groupe aux clips assez fous. N’y a-t-il pas le risque que le clip soit plus connu que la musique ? Si, totalement. Avec The Greeks, nous avons eu plus de réactions sur la vidéo que sur la chanson... I’m Leaving, votre second album, est plus pop, moins électro que le précédent, Native To. Pourquoi ? Sans doute parce qu’on préfère jouer avec des guitares qu’avec des claviers. Sur I’m Leaving, on a quand même beaucoup de synthés. Mais ils nous paraissent meilleurs : plus organiques. Le 25 septembre à L’Ubu à Rennes Le 9 novembre aux Indisciplinées 43


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win à max

les nantais de von pariahs s’apprêtent à vivre un automne chargé : sortie de l’album ce mois-ci et trois mois de tournée à fond les ballons. de quoi imposer leur rock dont la cote ne finit pas de grimper. a langue yaourt, vous connaissez ? Cette façon qu’ont les chanteurs du coin de s’essayer à l’anglais. Sauf que si t’as séché les cours de Madame Duchamp au collège, t’as tendance à écorcher les paroles, rendant le morceau bien lolesque. Ce détail gênant, les Von Pariahs ne l’ont pas. Et pour cause, Sam le chanteur est originaire de Jersey. « C’est un avantage pour l’accent et aussi pour les expressions, reconnaît Théo, guitariste de la bande. Sam a ce qu’on appelle un anglais de grand-mère. Pas scolaire quoi. » Théo, Sam, Marc-Antoine, Hugo, Romain et Guillaume se connaissent depuis une dizaine d’années, quand ils vivaient du côté de Fontenay-le-Comte en Vendée. « On s’est rencontré au centre aéré vers 13-14 ans, ça a tout de suite 44

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bien pris entre nous. » À tel point qu’au sortir de l’adolescence, ils font ce que toute bande de potes rêve de faire : fonder un groupe. « On s’est d’abord appelé Fat Pandas, puis après quelques temps on a décidé de changer en Von Pariahs. » Un nom qui claque, sans qu’on sache trop le fixer sur une carte. « C’est pas plus mal, fait remarquer Théo, car si on habite aujourd’hui du côté de Nantes, on ne se revendique pas spécialement d’un territoire. » Musicalement non plus, l’affiliation à une scène n’est pas le trip des gaziers. « Un mélange de mélodies rock, punk, brutes et franches, qui rencontre la puissance des années 80, de la cold wave à la no wave en passant par le shoegaze : c’est Gang Of Four qui se mixe avec Jesus And Mary Chain, Joy Division et

Talking Heads », présente le dossier de presse accompagnant l’album Hidden Tensions, dont la sortie est calée au 30 septembre. Honnêtement, on n’aurait pas trouvé mieux pour qualifier le rock prolo et épique des « VP ». Enregistré au studio Black Box avec Dave Odlum (qui a notamment collaboré avec The Kills et Anna Calvi), l’album a été mixé par le Suédois Stefan Bränström. « Sa conception a mis du temps mais ce n’est pas du maniérisme. On sait où on veut aller. » Il semble en tout cas taillé pour cartonner, si ça veut bien sourire. Trois mois de tournée en France accompagnent la sortie de l’album, avant pourquoi pas de viser l’international. R.D Le 7 septembre à St-Brice-en-Coglès Le 21 novembre à L’Ubu à Rennes


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la menace petit fantome

PIERRE LOUSTAUNAU, DU GROUPE FRANçOIS & the altas moutain, s’offre une échapée en solo. Avec la sortie de l’album Stave, le projet Petit Fantôme s’est réveillé pour de bon au printemps. « L’enregistrement s’est fait à la fin de la dernière tournée de François & The Atlas Mountain. Je suis rentré chez moi et me suis mis à explorer des pistes sonores, sans but précis. » Stave voit alors le jour et déboule gratos sur le Net. « Je trouvais que ça faisait plus mixtape que vrai album. J’aurais trouvé ça gênant de le mettre en vente. » Petit Fantôme évoque la pop rêveuse et les bidouillages de Jason Lytle du groupe Grandaddy. L’intéressé confirme. « Tout le rock indé américain des nineties, je revendique : Pavement, Dinosaur Jr… La pop française aussi : L’Affaire Louis Trio, Les Innocents, Balavoine… Véronique Sanson, par exemple, allait quand même enregistrer aux États-Unis dans les années 70. Ses albums puent la classe. » Des artistes qu’il a découverts gamin avec son père. « Ado, j’étais dans le rejet, parce que c’est la honte d’écouter du Balavoine. Aujourd’hui, j’ai fait la paix avec ça. Par contre le renouveau actuel, La Femme, Lescop, ce genre, j’accroche moyen. Le seul truc que je kiffe : Moodoïd. » Le 7 novembre à L’Ubu à Rennes 45


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poseur de bombes

Le dessinateur Terreur Graphique jouit d’une cote grandissante dans le petit milieu de la BD, avec son style trash d’inspiration ricaine et seventies. Son arme : l’humour de destruction massive. e Terreur Graphique, on a commencé par découvrir son blog, joyeux bordel de projets qui partent dans tous les sens. Du jouissif avec quelques thèmes récurrents : l’humour un peu gore, la musique, le cul, l’actu détournée… Puis, on a lu son dernier bouquin en date, Make my day, punk !, compilant le meilleur d’un exercice entrepris l’an dernier et qui consistait à réaliser un dessin par jour, en fonction de l’humeur de l’instant et de ce qu’il avait lu ou entendu ici où là. « Un vrai exercice de style, expliquet-il. Tous les matins je me levais et je faisais mon dessin consciencieusement. Sur une année entière tout n’est pas bon évidemment… » Mais le best-of est en tout cas bien marrant, certainement ce qu’on a le plus aimé niveau BD en 2013. Largement de quoi donner envie de contacter ce drôle d’auteur au drôle de nom d’artiste. Frédéric Lassagne, 36 ans depuis peu, vient tout juste de s’installer à Tours après avoir vécu à Nantes puis Toulouse. « De ce que je m’en 46

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souviens, j’ai toujours aimé dessiner pour exprimer mes sentiments, mon ressenti des choses. Mais je suis pas fou, j’ai commencé par avoir un vrai travail de graphiste dans une agence, avant de le plaquer en 2009 et de me lancer à temps plein dans l’aventure BD. » Une démarche réfléchie, s’estimant suffisamment armé pour être en mesure de percer dans un milieu ultra compétitif et pas mal précaire. « Il faut trois choses, et pour moi dans cet ordre de priorité : 1/ beaucoup de travail ; 2/ de la chance pour rencontrer les bonnes personnes au bon moment et se constituer un réseau ; 3/ un minimum de talent. Je vais même rajouter une quatrième chose : de l’abnégation pour s’obstiner à dessiner ce qu’on a envie et pas forcément ce que les gens veulent lire spontanément. » Son style trash – sur le fond comme sur la forme – est effectivement exigeant et sans concession. Concrètement, on est plus ici dans ce qu’on pourrait appeler de la BD alternative, qui peine à trouver sa place dans les bacs des librairies. « Et encore,

mes premiers bouquins étaient plus hardcore, je me suis adouci, constatet-il. Au fil des années, le style évolue forcément. » Les influences également. Alors qu’il s’inspirait au départ fortement des Américains (« Crumb, Ware, Clowes… », citet-il spontanément), Terreur Graphique a redécouvert les œuvres des maîtres français de l’humour dans les années 70 et 80. « Pétillon, Vuillemin... tout ce qui se faisait dans les magazines de type Charlie Mensuel et L’écho des Savanes. » Pas question pour autant d’être nostalgique. « L’époque actuelle est pas mal aussi, même si elle est plus complexe. Internet ouvre un champ de liberté plus vaste mais on sent qu’à côté le marché de l’édition classique arrive en bout de course… Moi perso je reste très attaché à la presse. Ma première collaboration avec Fluide Glacial, ça a été le plus beau jour de ma vie ! » Régis Delanoë Du 25 au 27 octobre au festival Quai des Bulles à St-Malo


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Illustrations : Terreur Graphique


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rêverie moderne

FORTRESS

la lucha libre

jeff mills

Arts numériques, musiques actuelles et patrimoine s’associent autour d’un nouvel événement. Imaginée par L’Échonova, cette “Rêverie Moderne” s’invite au Château de Suscinio. À découvrir, entre autres, la SphèrAléas (photo), une installation tridimensionnelle visuelle, sonore et interactive.

Un nouveau rendez-vous s’installe dans le calendrier de la rentrée. Aux manettes, l’équipe d’Astropolis. Si le printemps a la Spring à Kériolet, l’automne pourra désormais compter sur Fortress, une soirée qui investit le Fort de Penfeld. Au programme : Dusty Kid, DJ Rolando, Au Revoir Simone (photo), Âme…

Le festival du Grand Soufflet a eu la bonne idée d’inviter une bande de catcheurs mexicains pour une démo. La Lucha Libre, c’est le nom de cette discipline de ouf, est une institution pratiquée avec les fameux masques bien flippants et des dégaines improbables. Vas-y Pedro, brise-lui les reins !

Le pionnier de l’électro Jeff Mills vient de composer un album intitulé Where Light Ends, spécialement conçu pour être joué avec un ensemble symphonique. Et c’est l’Orchestre de Bretagne qui va l’accompagner pour cette première création mondiale. Représentations à La Passerelle et au TNB. Méga classe.

Suicidal Tendencies Le mythique groupe ricain a sorti son 10e album et tout y est génialement kitsch, de la pochette aux morceaux de punk trash virant par moments au heavy metal croquignolesque. La bande du cinglé Mike Muir promet d’offrir de sacrés pogos en concert. À La Carène et L’Échonova Les 17 et 18 octobre

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À Rennes Le 12 octobre

À Saint-Brieuc et Rennes Les 18 et 19 octobre

CHRISTOPHE

Film Britannique

Outre les bonnes choses hype programmées cette année aux Indisciplinées (AlunaGeorge, Fauve, Is Tropical), on retient aussi la présence de ce bon vieux Christophe, toujours aussi perché, toujours aussi bon. Son étrange voix fragile clôturera le festival au Grand Théâtre.

Présidé par Éric Cantona cette année, le festival de Dinard présente 25 films en avantpremière. Pour cette nouvelle édition, un genre revient en force : le teen-movie. Parmi les réalisations projetées, on vous conseille How I Live Now de Kevin McDonald avec Saoirse Ronan (photo).

Aux Indisciplinées à Lorient Le 10 novembre

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À Dinard Du 2 au 6 octobre

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À Guilers Le 21 septembre

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À Sarzeau Du 27 au 29 septembre

L’Ilophone Le dernier festival de l’été est aussi le plus cool : il se déroule sur l’île d’Ouessant, avec une bonne petite prog’ pas prétentieuse – Wampas Concrete Knives (photo), Geoffrey Oryema… –, un site de rêve et tout le monde à pied. Du coup même les flics sont détendus. Yé ! À Ouessant Du 13 au 15 septembre




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