BIKINI JANVIER FEVRIER MARS 2012

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JANVIER-FÉVRIER-MARS 2012 #5


À découvrir dans ce numéro... À découvrir dan C O C K TA I L S C H A U D S

A L C O O L ET S E XE

« LA BARRIÈRE

ANTI-FANS »

RADIOS LIBRES « L A M E T T R E A U F O N D  »

OVNI FREELANCE FOOT AMATEUR

« LE REMBOBINAGE EST ULTRA CHIANT »


TEASING

ns ce numéro... À découvrir dans ce numéro...

« ON SE MET BIEN, TRANQUILLE, CHEF »

DISQUES INVENDABLES « CELUI QUI A LOOSÉ »

GROUPES

U LT R A S ROU F L A Q UETTES

P I R AT E S D E S C A R A Ï B E S EN VERSION TECHNO


ÉDITO HIVER

Avant, l’hiver avait le mérite d’être chiant. Passée l’oasis festivalière des Trans Musicales, on était obligé d’attendre l’été. Cette chouette période où on se grille des chipos sur le barbeuc et le cul sur la plage. On y retrouvait alors l’ambiance des festivals et de son triple B : bière-binouze-bibine. Si la Route du Rock nous offre en février une édition hivernale depuis sept années, le mois de janvier s’avérait aussi mort que Facebook un jour d’été. Un constat désormais caduc puisque l’équipe d’Astropolis déboule en 2012 avec sa première session venue du froid. Des concerts en plus et un risque d’insolation en moins. Un hiver qui, comme chaque année, sera également animé par ce qui se passera cet été : rumeurs, premiers noms, ventes de billets, peur de la pénurie… Chaque annonce de programmation crée son lot de posts sur le Net, entre d’un côté les mecs ravis (« trop mortel !!! ») et de l’autre les gars qui gueulent (« cette année, j’vais à Dour !!! », bien qu’ils n’y aillent finalement jamais). De quoi s’occuper avant les beaux jours. En fait, l’hiver c’est pas si chiant. La rédaction

SOMMAIRE 6 à 17 WTF : rouflaquettes, genres musicaux ressuscités, alcool et sexe, biopic, spectacles comiques, ovni, cocktails d’hiver, musique de but, radios libres, drogue, tribute to, CD, DVD et VHS, festivals d’été, corbeille... 18 à 25 Génération no CDI 26 à 29 « Ici, c’est Saint-Gilles ! » 30 à 35 Sur le danceflop 36 à 47 RDV : 1995, Chris Esquerre, Elektronische Staubband, Jean-Claude Rozec, Mnemotechnic et Club Cheval 48 & 49 Vide ton sac... Le Disquaire 50 BIKINI recommande

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Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Benoît Tréhorel, Isabelle Jaffré, Jasmine Saunier / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Photographes : Justin Bihan, Agathe Monnot / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (Saint-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Matthieu Noël, iorgismatyassy.com, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2012.



WTF

QUEL GENRE PEUT RESSUSCITER ?

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« C’EST UN KUNDELICH »

ON LES CROYAIT MORTS. TELLE UNE ARMÉE DE ZOMBIES, CERTAINS STYLES MUSICAUX POURRAIENT BIEN REVENIR. PAS FORCÉMENT UNE BONNE NOUVELLE MAIS ON PRÉFÈRE VOUS PRÉVENIR.

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La troisième biennale d’art contemporain de Rennes se tiendra du 15 septembre au 9 décembre prochain dans les locaux de l’ancien siège de France Télécom. Le lieu est cohérent : un étrange bâtiment rétrofuturiste orné d’une soucoupe volante. 2012, nous voilà.

RAÏ

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PREMIER ALBUM

C’était l’une des sensations des Trans 2009. Depuis, les quatre garçons des Wankin’ Noodles ont pas mal tourné, fait des choses de leur côté (Juveniles, Wonderboy, Aujourd’hui Romain Baousson), avant de revenir prochainement avec leur premier album. Sortie calée le 24 mars, avec une date à La Citrouille à Saint-Brieuc.

MONDIAL

impro La compagnie brestoise Impro Infini organise du 25 février au 17 mars dans différentes villes de la région le Mondial d’Impro Subito. Le principe : des troupes se fightent sur un vrai-faux ring à coups d’improvisations théâtrales. 6

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1996 : Khaled sort Aïcha et marque le début de l’âge d’or du raï en France. Suivront plusieurs années de hits aux influences orientales et l’émergence de chanteurs comme Rachid Taha (Ya Rayah), Faudel (Tellement n’brick), Cheb Mami (« comme ça, vous m’avez trahi, comme ça ! »). 2011-2012 : Grand Corps Malade sort InchAllah où il mélange raï et slam. Quant à Faudel, il revient avec un nouvel album produit par Robert Goldman (Robert, pas Jean-Jacques). On rigole moins du coup. Idéal si vous aimez : le Sidi Brahim Probabilité d’un retour : 50 %

ROCK CELTIQUE

SKA FESTIF

Il fut un temps que les moins de 20 ans ignorent : celui où porter un t-shirt floqué d’un korrigan drogué était à la mode. C’était le temps béni des colonies d’artistes qui lâchaient leur trois-feuilles, le temps d’un concert, pour souffler dans une trompette des airs qui font tiguidap. Tantôt vénère contre la société, tantôt alcoolo-rigolo, le genre a accouché de groupes dont on ne gardait que le début du patronyme, histoire de pas s’emmerder : Sinsé, Spook, Marcel… Sans oublier La Ruda (photo) qui vient d’annoncer sa dernière tournée. Idéal si vous aimez : la kro éventée Probabilité d’un retour : 25 %

Quand on était au collège, les groupes de rock de la région avaient la manie de rajouter une bombarde, une flûte irlandaise ou un refrain trad’ dans leurs morceaux. Matmatah, en tête, a tracé le sillon à des groupes comme Merzhin ou Armens. Au point mort aujourd’hui dans le rock, l’étiquette celtique essaie toujours de se greffer au hip-hop avec les Raggalendo qui ont sorti, dernièrement, leur troisième album Du Reuz dans l’bourg. On n’est plus au collège mais c’est toujours aussi moche. Idéal si vous aimez : un coup de cid’ Probabilité d’un retour : 25 %


QUI PORTE ENCORE DES PATTES ? JAMAIS VRAIMENT À LA MODE, JAMAIS COMPLÈTEMENT HAS-BEEN, ELLES FONT LA LIAISON ENTRE LES CHEVEUX ET LE VISAGE. LE RENOUVEAU DU ROCKABILLY ET DE L’ESTHÉTIQUE 50’S MARQUERA-T-IL LEUR RETOUR ? Interrogé sur le sujet, le sociologue de la mode Pascal Monfort est bien emmerdé. « Franchement, ça n’a rien d’une mode », contrairement au come-back flagrant de la moustache. Elles n’ont pourtant jamais totalement disparu, ces pattes de barbe, aussi appelées favoris, constituées d’un mélange plus ou moins fourni de cheveux et de débuts de poils de barbe. À moins que ce ne soit l’inverse. À bien y réfléchir, notre observateur du fashion trouve quelques personnalités habillées en rouflaquettes : « T’as Gaspard, le grand de Justice, Lemmy de Motörhead aussi. » Ajoutons à la

liste le rugbyman Maxime Médard, l’icône du foot’n’roll George Best et le super-héros Wolverine.

ARISTO PUIS ALTERNATIF La signification de cet accessoire capillaire est difficile à définir. Autrefois signe distinctif de l’aristocratie (Louis-Philippe, Jules Ferry…), les pattes ont été progressivement récupérées par l’univers rock et alternatif. Taillées au cordeau par Elvis Presley, elles sont devenues un symbole de rebelle attitude et de virilité avec les hippies, puis dans un autre genre avec les mouvements ska et skin. Le retour du rockabilly ces temps-ci pourrait leur offrir une

Agathe Monnot

PAS UNE MODE

nouvelle jeunesse, en même temps que la banane. « Mais est-ce que ça plait vraiment aux filles ?, s’interroge Pascal Monfort. Ce sont quand même elles les juges dans cette histoire. » On a suivi son conseil et questionné une dizaine de membres de la gente féminine de notre entourage. Verdict le plus courant ? « Yeurk ! » Message reçu. R.D

Bertrand Vinsu

CARBON AIRWAYS DE RETOUR

Ça a été le feuilleton des dernières Trans. Viendront ? Viendront pas ? Autorisés par la préfecture du Jura quelques jours avant leur date à Rennes, Eléonore et Enguérand ont plus qu’assuré leur live. Le jeune duo électro (15 et 14 ans) revient en Bretagne. Les deux frère et sœur seront le 25 février à L’Échonova pour la 5e édition de la soirée Constellation.

TRAVELLING À BRUXELLES Après le Mexique en 2011, le festival de cinoche de l’agglomération de Rennes se penche sur la capitale belge du 7 au 14 février. Parmi les réalisateurs invités : Bouli Lanners (Les Géants) et Jaco Van Dormael (Mr Nobody). L’occasion aussi de descendre quelques mousses pour fêter la fin de 541 jours sans gouvernement. 7


WTF

SUR QUEL CHANTEUR BRETON FAIRE UN BIOPIC ? APRÈS PIAF, GAINSBOURG ET JOHNNY CASH, C’EST UN BIOPIC SUR CLAUDE FRANÇOIS QUI VA SORTIR AU CINÉ DANS QUELQUES SEMAINES. L’OCCASION DE SE DEMANDER QUI DANS LA RÉGION POURRAIT SE RETROUVER À L’ÉCRAN. ALAN STIVELL

Synopsis ? Un anti-héros aux textes désabusés qui rencontre le succès. « Le mec qui en a bavé et qui récolte les honneurs : le schéma narratif classique de la plupart des biopics », selon Rémi Fontanel, universitaire spécialiste du genre. Acteur ? Depardieu (fils) + une jambe Biopicable ? Le parcours du Brestois est cinématographique : un personnage secret, des chansons crues, de l’alcool… Attention cependant, « le biopic génère son lot de films contestables où le trait est forcé ».

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Synopsis ? Une success story. Une fille poste un morceau sur le Net depuis Saint-Brieuc : six ans plus tard, elle enchaîne les tournées à l’étranger. Actrice ? Lio + un lifting Biopicable ? Sa carrière ne fait encore que commencer mais why not. Depuis La Môme, les biopics qui marchent le mieux en France sont ceux sur des artistes. Rémi Fontanel poursuit : « Sur la centaine de biopics programmés pour les trois prochaines années, la moitié est musicale. Sur qui ? Iggy Pop, Bono... »

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YELLE

Léa Crespi

MIOSSEC

Synopsis ? Il a porté le renouveau de la musique celte dans les 70’s, a su s’exporter et dure. Un Breton qui win. Acteur ? Steven Seagal + un bouc Biopicable ? Sur le papier, oui. Il est l’artiste trad’ phare de la région. Mais là encore, be careful. « Le travers du biopic, c’est l’hagiographie. Porter en héros un personnage en lui prêtant des valeurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que c’était un genre fort aux USA en 1930 : il fallait remonter le moral des Américains après la crise de 29 en leur montrant l’exemple. » J.M

ALCOOL ET SEXE FONT-ILS UN BON MÉLANGE ? L’ ALCOOL FACILITE LE RAPPROCHEMENT ENTRE LES ÂMES, ET ÇA, C’EST BEAU. MALHEUREUSEMENT, AU MOMENT ULTIME, IL POURRAIT BIEN FAIRE FOIRER VOS PROJETS DE COMMUNION PHYSIQUE, ET ÇA, C’EST MOCHE. L’alcool déclenche une cascade de réactions en chaîne dans le cerveau. « Dans un premier temps, c’est un excellent désinhibiteur qui procure un état de détente et d’euphorie, rappelle Patrice Cudicio, médecin sexologue à Rennes. Boire un verre libère de la dopamine, un neuromédiateur du plaisir qui joue sur le désir. » L’alcool produit aussi une libération de sérotonine, une molécule euphorisante. Tout au fond de nous, on s’en doutait bien : aucune fille sobre n’a jamais accepté un strip poker. Enfin, l’alcool (le vin rouge notamment) encourage la production d’oxyde nitrique qui augmente l’afflux sanguin au niveau des organes sexuels. Résultat : les tissus gonflent, la lubrification est stimulée. 8

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Sous ses airs ludiques, le pack de bière est un agent de destruction de nos chances de nous envoyer en l’air. « L’alcool agit de façon contradictoire. Il stimule et ralentit le cerveau en même temps. En fonction des personnes et de la quantité, l’un des effets prend le pas sur l’autre. » La libération du GABA, par exemple, finit par anesthésier les sensations physiques. Après le désir et l’excitation, on peut donc ressentir… peu de plaisir. L’effet psychostimulant prédomine jusqu’à deux verres. Au-delà, le côté sédatif prend le dessus. La règle donc : deux coups pour un coup. Autre souci relevé par les professionnels : utiliser l’alcool dans un but précis, « notamment chez les filles qui boivent pour se sentir plus sexy». Jasmine Saunier


Pascalito

LES COMIQUES SONT-ILS PARTOUT ?

DE PLUS EN PLUS D’HUMORISTES SONT PROGRAMMÉS. GROSSES SALLES, GROS PUBLIC, ZÉRO BIDE ? PLUS NOMBREUX ? Jamel, Roumanoff, Chevaliers du Fiel (photo)… À regarder les prog’ de salles, les comiques sont légion. Pour Marc Ribette, d’Arsenal Productions, « ça s’explique par la médiatisation de la nouvelle génération sur le Net, la TNT et la multiplication de chroniqueurs sur les radios généralistes. » Olivier Cauchon de Diogène Productions poursuit : « Les tournées durent plus longtemps. Trois ans pour des gros comme Dubosc. »

PLUS GROS ? Avec les « remplisseurs de salles », on est sur « des spectacles à grande échelle » avec des jauges à « 4 0005 000 spectateurs ». C’est la principale évolution constatée par les boîtes de prod’. Les jeunes comiques ne sont pas en reste, « grâce aux petites structures culturelles qui se sont multipliées ».

PLUS SÛRS ? Même risque de bide qu’avec un concert. « Les spectacles se calent deux ans à l’avance, explique Olivier. Il peut y avoir des bonnes surprises, comme Foresti qui explose entre temps. Mais tu n’es pas à l’abri d’une désaffection du public, type Bigard. » 9


WTF

JEUNES CHARRUES

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LES OVNI SONT-ILS DE RETOUR ? DES PHÉNOMÈNES ONT ÉTÉ OBSERVÉS DERNIÈREMENT DANS LE CIEL BRETON. SOUCOUPES, MÉTÉORITES, ESSAIS MILITAIRES ? LES PASSIONNÉS S’ENFLAMMENT ; LES SCIENTIFIQUES, EUX, SONT PLUS TERRE-À-TERRE.

François Berthot / Espace des Sciences

Le tremplin des Charrues est de retour. Seizième édition pour ce dispositif qui s’arrête dans dix pays de l’Ouest. Pour ceux qui veulent passer à Carhaix et succéder à Jesus Christ Fashion Barbe, lauréat 2011, les inscriptions sont ouvertes depuis la mi-décembre.

FORD FIESTA

Avec son rhythm’n’blues bien burné mâtiné de rockabilly, la jeune Sallie Ford a été l’une des révélations des Trans. La garçonne à la voix puissante et au look de serveuse d’un routier des fifties revient en Bretagne le temps d’une date. Yeah baby, yeah. Le 9 mars à L’Échonova à Saint-Avé.

NOUVEAU FESTIVAL

danse

Brest va bouger ses seufs. Nouveau rendez-vous autour des arts chorégraphiques, le festival DañsFabrik se dispatche dans différents lieux culturels de la ville : Quartz, Carène, Maison du théâtre, Fourneau, Mac Orlan et, aussi, dans des lieux inattendus. Mais lesquels ? Réponse du 27 février au 3 mars. 10

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19 juillet, au petit matin. Une détonation est entendue en Bretagne. Une boule lumineuse traverse le ciel. À cette heure, nous sommes face à ce qu’on peut littéralement appeler un objet volant non identifié. La classe. Des témoignages déboulent alors au planétarium de Rennes qui, très vite, raye définitivement l’hypothèse extraterrestre. L’entrée dans l’atmosphère d’une météorite est privilégiée. « On nous a envoyé une dizaine de vidéos de caméras de surveillance qui ont permis de confirmer cela, explique Priscilla Abraham, la responsable. Nous avons pu ainsi calculer une zone de suspicion de chute. » Elle est située à Ploërmel, dans le Morbihan. Les recherches n’ont pour l’instant rien donné. Sur Internet, les passionnés s’activent sur des sites spécialisés : nouvelles cartes dessinées et expéditions sur le terrain relatées. « Leurs calculs ne sont pas bons : beaucoup de stupidité sur les forums en général », juge Priscilla Abraham.

Si les phénomènes aérospatiaux ont toujours intrigué – « ça garde une part de mystère et de magie », reconnaît la responsable du planétarium –, ils sont le plus souvent expliqués rationnellement. C’est le taf d’un département rattaché au CNRS : le Geipan (Groupe d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés). En octobre dernier, ils ont ainsi recueilli des témoignages au sujet d’un « bolide » qui aurait traversé le ciel français et qui aurait été observé à Vitré et Rennes. Là encore, la piste d’une météorite est avancée. L’enquête du Geipan, actuellement en cours, peut-elle aboutir ? Aucune certitude car, en France, seuls 37 % des phénomènes sont parfaitement ou probablement identifiés, contre 63 % non identifiés ou non identifiables (par manque de données). Et en Bretagne ? 70 cas ont été officiellement traités par le Geipan. Parmi ceux-ci, 14 ont été classés, après enquête, comme phénomènes non identifiés. J.M


QUELS COCKTAILS POUR L’HIVER ? LE MOJITO, LA PIÑA COLADA ET LE SEX ON THE BEACH SONT PEUT-ÊTRE PARFAITS POUR L’ÉTÉ, MAIS QUE BOIRE QUAND LE THERMOMÈTRE PASSE EN-DESSOUS DE 10 DEGRÉS ? À VOS SHAKERS. SHORT DRINKS « En période hivernale, les modes de
consommation évoluent, remarque Thierry Daniel, un Breton, organisateur du salon Cocktails Spirits à Paris. Les consommateurs délaissent les cocktails
désaltérants pour des short drinks (7 à 10 cl). » Au choix, « Gimlet, Vesper ou Expresso Martini », selon que vous soyez porté sur le citron, le mélange d’alcool ou le café. Sans oublier le plus 007 des cocktails : le Dry Martini (gin, vermouth, orange bitter et zeste de citron).

cocktails chauds ». Si, si… Chauds. Par exemple, « le gin Hendrick’s au concombre et à la rose met en avant son Hot Gin Punch ». Une recette inspirée par le romancier Charles Dickens, à base de gin, de madère, COCKTAILS CHAUDS de jus de citron frais et d’épices. Un Pour Thierry Daniel, il ne faut pas cocktail servi dans une tasse de thé, non plus hésiter « à aller vers des en référence à la Queen Ann, « qui

cachait son addiction au brandy en faisant mine de boire du thé ». Et puis, ça change du vin chaud…

LES CLASSIQUES Pour les moins aventureux, restent le Manhattan (whisky, vermouth et bitter) et le Bloody Mary (vodka, jus de tomates et épices). « Pour le premier, les amateurs apprécient le côté boisé et l’amertume du vermouth, détaille Thierry Daniel. Le second est un bon exemple de cocktail rendu populaire aux ÉtatsUnis par l’essor de la vodka outreAtlantique. » Car rien de mieux qu’un bon classique. Ne serait-ce que pour éviter d’embrouiller un barman débutant. Isabelle Jaffré

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WTF

LES BUTS AIMENT-ILS LES TUBES ? PASSE EN PROFONDEUR, DÉCALAGE, CENTRE EN RETRAIT ET BUUUUT !!! JOUEURS, BANC DE TOUCHE ET PUBLIC EXULTENT, LA SONO DU STADE SE DÉCLENCHE. TROIS CLUBS BRETONS EXPLIQUENT LEUR CHOIX MUSICAL.

Le tube 80’s I just can’t get enough de Depeche Mode a récemment remplacé la bombarde de Merzhin utilisée jusqu’alors. « C’est un clin d’œil, explique Malo Rousselin, chargé de com’ du club. On a emprunté cet air entendu à Glasgow lors d’un match européen. » Marrant quand même d’entendre des paroles aussi hot – « ça devient de plus en plus chaud, c’est un amour brûlant, et j’ai l’impression que je n’en ai jamais assez » – dans un stade. L’expression “la mettre au fond” pour parler d’un but n’a jamais fait autant sens.

Grégory Pelleau, speaker du stade Francis Le Blé : « Lors des buts, je mets quelques secondes le jingle qui fait po-polo-popo-lo-po. » Soit le tube Seven Nation Army des White Stripes, dont l’air est détourné depuis des années dans le monde du sport et du foot en particulier. Une suite logique mais pas tellement moins agaçante au « lô lô lô lô lô » de l’hymne I will survive, qui a accompagné la victoire des Bleus en 98. « Ce qui plaît aussi, c’est le thème de Pirates des Caraïbes en version techno à l’entrée des joueurs. » À l’abordaaaage !

CORBEILLE Voca People Le pitch : huit gars et filles costumés en spermatozoïdes revisitent en beat-box des classiques de la musique d’hier et d’aujourd’hui, à grands renforts de gimmicks théâtraux gênants. Sur YouTube, la bande-annonce du spectacle chiffre dix millions de visiteurs. Cette fois c’est sûr, le monde part en cacahuète. À Rennes 12

Bénabar D’après les critiques qui l’ont chroniqué, son dernier album Les Bénéfices du Doute est un ton endessous des précédents. On n’a pas eu le courage de vérifier cette information flippante, mais on leur fait confiance. À Rennes

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EN AVANT DE GUINGAMP

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STADE BRESTOIS

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STADE RENNAIS

Révolution au Roudourou. Christophe Gautier, nouveau dir’com’ du club, a décidé de moderniser la playlist du stade. « Il n’y avait que des trucs bretons, on est un club de terroir mais c’est bien de varier. Les joueurs étaient demandeurs de trucs festifs. » Pour la musique de but, Viva La Vida de Coldplay a été choisie. Comme pour Rennes, c’est un emprunt : « C’est utilisé à Hambourg. » S’il décide de changer, Christophe Gautier a déjà une idée : « Where the streets have no name de U2. La version live, celle qui pète. » R.D

NOTRE ANTI-SÉLECTION DES SPECTACLES QUAND FRANCHISE ET MAUVAISE FOI NE FONT QU’UN

dégueulasse. Et on vous Zazie parle même pas de sa barbe. Mademoiselle chante le À Loudéac et Quimperlé bug. Pour son 7e album, celle qu’il faut désormais Da Silva écrire Za7ie a décidé Membre officiel de la d’enregistrer chez elle, clique des chanteurs “oin- 7 jours sur 7, en compooin” (Raphaël, Luce…), sant sur 7 thématiques Da Silva n’a jamais l’air de du quotidien. 7 jours, péter la forme. L’imaginer 7 titres par jour, soit 49 en train de faire tourner titres. Jean-Claude Van les serviettes à un repas Damme likes this. Christophe Alévêque d’anniversaire nous fait À Quimper et CessonUn humour aussi daté pourtant bien golri. Sévigné que sa coupe de cheveux À Saint-Brieuc, Lorient... La rédaction

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ESPRIT DES RADIOS LIBRES, ES-TU LÀ ?

ELLES ONT FÊTÉ LEURS 30 ANS. LA SPÉCIALISTE ANAÏS KIEN NOUS DIT CE QU’IL RESTE DE LEURS VALEURS. ALTERNATIVES ? « À l’époque, le seul média alternatif ouvert aux initiatives individuelles, c’était la radio. Depuis, le nombre de supports, de stations et de chaînes a explosé. Il n’existe plus de média alternatif, mais des pensées alternatives qu’on peut trouver aussi bien dans des médias publics que privés. »

INDÉPENDANTES ? « Si beaucoup de radios libres se sont créées par le bénévolat, elles ont dû chercher des financements pour durer. En tant qu’associations, elles ont des subventions mais celles-ci n’ont pas augmenté. Elles peuvent alors mettre en place des partenariats avec des institutions, sans que cela ait une incidence sur leur contenu. Beaucoup de radios ont été soutenues par des partis politiques ou des syndicats. »

CRÉATIVES ? « La libre antenne a été inventée par les radios libres. Cela a pu être bordélique, ce qui fait qu’on a délaissé la radio pour des formes plus formatées comme la télé. Aujourd’hui, je trouve qu’il y a un regain d’intérêt pour la création radiophonique : documentaires, pièces sonores… » 13


WTF

DROGUE : QUELLE TENDANCE ?

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À TEMPS PLEIN

ON A DEMANDÉ À DES BRIGADES DE GENDARMERIE DE NOUS DRESSER UN ÉTAT DES LIEUX DU MARCHÉ. ENTRE LE CANNABIS, LA COKE ET LE SOLVANT POUR LAVER LES JANTES, L’OFFRE EST LARGE. L’herbe est en plein boum. Elle se développe surtout chez le jeune public et ce, pour deux raisons : son coût moins élevé que les autres stup’ et sa généreuse quantité produite localement. Notamment sur les balcons d’appartements ou dans les jardinets, entre les plants de tomates cerises et la ciboulette. La cocaïne continue quant à elle sa démocratisation. « La coke bénéficie d’un effet de mode », assure la brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) du Finistère. L’approvisionnement en Europe a décuplé. Faisant ainsi chuter son prix : « Il a été divisé par trois en dix ans », souligne Pascal Menada, adjudantchef à la BPDJ d’Ille-et-Vilaine. Les promos, ça attire toujours.

Ne pas s’y tromper, le groupe Manceau est bel et bien rennais. Prix du jury des Inrocks Lab de juillet, ces cousins musicaux de Phoenix figurent au top 20 du palmarès 2011 de ce concours réunissant les meilleurs espoirs hexagonaux. En attendant la sortie d’un premier album, Life Traffic Jam, courant mars, le clip de Full Time Job est déjà visible.

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KORA + VIOLONCELLE

Le Malien Ballaké Sissoko et le Français Vincent Segal ont associé leurs instruments pour Chamber Music, un projet jazzmusique du monde. Le résultat ? Fin, joli, reposant. Idéal pour digérer et se mettre au vert après les fêtes. Le 9 février à Vannes.

DOCU

live(s)

La fédération « De Concert ! » regroupe 25 festivals indépendants en France et à l’étranger. Un réseau d’échanges et de mutualisation. Le docu Live(s) se penche sur les finalités d’une telle alliance. Il sera projeté le 16 mars à L’Échonova. 14

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LES HAS-BEEN L’ecstasy apparaît « beaucoup moins consommée qu’avant », déclarent de concert les services de gendarmerie. Les amphétamines et la kétamine (anesthésiant) sont également en net recul. L’héroïne se maintient à une quantité très confidentielle en Bretagne. Mauvaise saison aussi pour les champignons : « Déjà, faut les trouver », pointe un gendarme.

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LES « À LA MODE »

La composition de la barrette a cependant bien évolué : « Aujourd’hui, détaille l’adjudant chef Menada, sur un morceau de shit, vous avez 5 % de résine de cannabis. Le reste c’est du caoutchouc, du pneu, de l’huile de vidange, des excréments ou encore des zip de barbecue. » D’après les autorités, on assisterait par ailleurs à un retour en force du LSD.

LES INSOLITES

En vrac, on peut citer la colle, l’eau écarlate ou encore l’eau de Javel. La méthode par inhalation sur un linge ou un coton semble la plus usitée. Enfin, le secteur automobile a encore de beaux jours devant lui : les carburants s’écoulent bien. Dernière LES INDÉMODABLES trouvaille : le solvant pour nettoyer Le cannabis est une valeur sûre… les jantes. « Le problème avec les pour les fournisseurs. C’est en gé- solvants, c’est qu’il y a une impunité, néral le premier produit testé chez estime l’adjudant chef Menada. La les jeunes dont l’âge de la première loi n’empêche pas de s’en servir. » expérimentation a encore baissé : du lycée, on est passé au collège. Benoît Tréhorel


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QUEL HOMMAGE ALLER VOIR ?

LES CONCERTS « TRIBUTE TO… » SONT EN VOGUE. SUIVEZ LE GUIDE ET REMONTEZ DANS LE TEMPS. LES POIDS LOURDS Deux tributes bien cultes sont programmés au Liberté à Rennes : The Australian Pink Floyd Show (tout est dit) le 28 janvier et Letz Zep, avec un sosie vocal et capillaire de Robert Plant, le 3 mars. À voir ? Si vous aimez la grandiloquence des spectacles son et lumière et les guitares qui font wouah wouah.

LA VALEUR SÛRE Coupes au bol sur le crâne et uniformes sur le paletot, les Rabeats (photo) tournent comme des guedins depuis une dizaine d’années. Ces Beatles originaires de Picardie seront le 17 mars à Fougères. À voir ? Si vous voulez savoir à quoi auraient pu ressembler les Fab Four sur scène sans les cris des groupies.

LE ONE-SHOT Très influencé par le Velvet Underground, le guitariste-chanteur Rodolphe Burger a décidé d’en faire le thème unique de sa dernière tournée. Elle est de passage au Quartz à Brest le 11 janvier. À voir ? Si vous êtes fan des expériences sonores de la bande à Andy Warhol, à base de mélodies imparables et de riffs qui font saigner les oreilles. 15


WTF

QUE DEVIENNENT NOS CD ?

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BALLON ORANGE

LE PASSAGE À L’ÈRE NUMÉRIQUE A BOUSCULÉ NOS HABITUDES DE CONSOMMATION CULTURELLE. MUSIQUE ET CINÉMA ONT DES SUPPORTS PLUS QUE VIEILLISSANTS. SANS RETOUR EN ARRIÈRE POSSIBLE ?

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Juin, c’est le mois des footeux sur canap’. Après le Mondial il y a deux ans, c’est au tour de l’Euro. L’Ukraine, qui co-organise la 14e édition, a été visitée en long, en large et en lol par le journaliste Stéphane Siohan et un collègue. Leur web-docu interactif, intitulé Gol! Ukraine, s’annonce aussi fun qu’instructif.

Agathe Monnot

SAINT-BROCK

Qui ? Acapulco 44 Quoi ? Quatre gaziers de SaintBrieuc pratiquant un rock à la ricaine, entre Strokes et Pavement Quand ? Le 18 février, sortie de l’album Haunting Movies Où ? Petit showcase le même jour chez les copains du Disquaire, en attendant d’autres dates

LE FESTOCHE

embellies Syd Matters, Piers Faccini, Laetitia Sheriff, Ladylike Lily… Le festival Les Embellies à Rennes réunit le meilleur de la scène popfolk pour attendre l’arrivée du printemps. Allez patience, les beaux jours arrivent. Du 7 au 12 mars. 16

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« SUR DES NICHES »

« BLOCKBUSTERS »

Question : comment reconnaît-on un fan de musique de plus de 30 ans ? Réponse : à ses étagères de CD. Une déco vintage à l’heure du tout numérique. Vintage mais encombrante. « Des clients arrivent avec des centaines d’albums qu’ils ont transférés sur ordi », illustre Nicolas, revendeur au magasin O’CD de Rennes. Mais malgré une baisse significative de sa clientèle, il l’affirme, « le support n’est pas mort, on vend encore sur des niches comme le jazz et le classique ». Au Easy Cash de Saint-Brieuc, « les compils festives cartonnent auprès de ceux qui ont la flemme de faire des playlists ». À 50 centimes, ça vaut le coup de ne pas trop s’emmerder.

Pour les DVD aussi, la chute est violente. Nicolas d’O’CD : « Les clients qui restent sont des consommateurs de blockbusters attirés par la baisse des prix (7 euros en moyenne, ndlr) ou des vrais cinéphiles. » Reste que le Blu-ray, la VOD et le streaming ont porté un sale coup à l’activité, d’autant que le cinéma ne peut pas compter sur un beau support tel que le vinyle avec la musique. « On observe aujourd’hui de moins en moins d’efforts faits en matière de coffrets digipack. »

« EN VOITURE » Pour Fabrice, de Banana Juice (organisateur de foires aux disques), « le CD est surtout pratique en voiture ». Mais les mélomanes retournent au vinyle, « aux valeurs esthétiques et sentimentales ». O’CD s’y est mis récemment « avec succès ».

« IMAGE DÉGUEU » Dans ce contexte, la VHS pourraitelle faire son come-back ? « Franchement, j’y crois pas », annonce Nicolas, qui ne voit qu’un seul (maigre) public potentiel : les collectionneurs de genres bien particuliers non réédités. « Qui d’autre voudrait de son retour ? L’image est dégueu et le rembobinage ultra chiant. » Vous pouvez définitivement jeter votre magnéto à la déchetterie. R.D


Grégoire Alexandre

FESTIVALS : NOMS ET RUMEURS

LES RDV DU PRINTEMPS ET DE L’ÉTÉ 2012 COMMENCENT À SE DÉVOILER. ON FAIT LE POINT. VIEILLES CHARRUES Aucun artiste n’a encore été annoncé officiellement par l’organisation. Seul un nom a fuité sur le site du tourneur The Talent Boutique : Metronomy (photo). Le groupe phare de 2011 serait programmé le 20 juillet à Carhaix.

BOUT DU MONDE Le festival de Crozon a d’ores et déjà annoncé la présence de : Zebda, The Waterboys, Anthony Joseph & the Spasm Band, Stephan Eicher, Popa Chubby... Sans oublier le daron jamaïcain Jimmy Cliff. Jah roots.

ART ROCK La compagnie nantaise Royal de Luxe sera en création du 25 au 27 mai à Saint-Brieuc. Un western sanglant qui sera sans géants mais avec comédiens. Côté musique, aucune annonce officielle pour l’instant.

PANORAMAS Du bon, voire très bon, pour le festival qui ouvre la saison en BZH. Erol Alkan, Digitalism, Madéon, Orelsan, 1995, Rone, La Femme, Canblaster, entre autres, seront début avril à Morlaix. 17


DOSSIER

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GÉNÉRATION NO CDI

ARMÉE DE L’OMBRE DES BOÎTES, LES FREELANCES ONT QUITTÉ L’ENTREPRISE MAIS Y PARTICIPENT TOUJOURS DEPUIS LEUR SALON. ILS SONT FREE, ILS ONT TOUT COMPRIS ? 19


DOSSIER

voir son lit à deux pas de son ordi présente des avantages. Surtout quand c’est pour le boulot. Pierre, un Rennais de 28 ans, rédacteur freelance pour des sites Internet d’emploi, l’a constaté dernièrement. « C’était un lendemain de cuite. J’avais une interview téléphonique avec le DRH d’un grand groupe bancaire. Je me suis péniblement extirpé du lit. L’entretien a duré une vingtaine de minutes avec un crâne proche de l’implosion, puis je suis retourné me coucher pour le reste de la matinée. » Bosser de chez soi : des conditions de travail que Pierre est loin d’être le seul à vivre. Un environnement quasi-majoritaire chez les freelances qui bossent dans la presse, le graphisme, la photo, le conseil ou le web… Des travailleurs qui ne sont plus physiquement dans l’entreprise mais qui y collaborent toujours. Une situation bâtarde mais répandue. Chez les journalistes professionnels

par exemple, les freelances, appelés pigistes, représentent même une part non négligeable : 7 449 sur 37 007, soit 1 sur 5.

« Limite un gros mot » C’est le cas d’Audrey, Rennaise de 32 ans. Cette journaliste est une habituée des pages d’Ouest-France, du magazine Elle et de titres professionnels comme ASH (Actualités Sociales Hebdomadaires). Pas un seul patron mais plusieurs employeurs.

« Passer ses coups de fil habillé d’un simple calbute » 20

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Pas de fiche de paie mensualisée mais des bulletins de salaire pour chaque article produit. Pas de routine mais l’obligation d’aller tous les mois démarcher les rédactions avec ses idées de sujets sous le bras. Si pour beaucoup de jeunes diplômés, ce statut ne représente qu’une étape transitoire avant le Graal-CDI, Audrey, elle, l’a choisi délibérément. « C’est revendiqué à 100 %. Après quelques années en CDD, je me suis décidée à bosser en indépendant. Au début, j’avais une image du pigiste comme quelqu’un qui galère. Limite un gros mot, celui qui a loosé. Mais en fait, ça a ses avantages. Ça permet de collaborer


« Important de contrer l’image de glandeur qu’on nous colle »

avec pleins de journaux différents, de faire des reportages à l’étranger et, dans mon cas, d’avoir aussi du temps pour écrire des livres. » Une situation de liberté professionnelle qui peut faire rêver. Mais qui a aussi des côtés relous : aucune visibilité à long terme, solitude, insécurité financière…

« Une certaine discipline » Dans une époque où le marché du travail fout les chocottes, cette armée de l’ombre du tertiaire a pourtant fait le choix de quitter le monde de l’entreprise. Mais bordel, qu’est-ce qui peut bien motiver cette bande de foufous à choisir délibérément

un boulot précaire alors que la majorité vendrait sa mère pour un CDI ? Tous répondent en premier l’indépendance. Comme Vincent, 32 ans, photographe pour l’Agglomération de Saint-Brieuc et des structures culturelles comme La Citrouille et La Contremarche. « J’ai commencé comme freelance dans le développement de sites Internet : pendant un an, j’ai voyagé. Je pouvais être n’importe où, du moment que j’avais mon ordi, c’était bon, explique le garçon qui aujourd’hui s’est posé dans les Côtes d’Armor. En tant que photographe, pour tout ce qui est prospection et rencontres, c’est plus facile à gérer quand tu es sur place. Du coup, j’ai installé mon bureau et mon studio photo chez moi. » Nathalie, 28 ans, graphiste indépendante basée à Brest (les visuels de La Carène, c’est elle), poursuit : « Ce qui est agréable, c’est de gérer ton emploi du temps comme tu le souhaites. Si tu veux aller prendre l’air ou faire une course, tu peux. C’est juste à toi de t’organiser. » Si, côté planning et heures de boulot, ça paraît cool sur le papier, ça peut vite devenir un cadeau empoisonné. Pierre confirme : « Tu as le droit de faire la fête la veille et d’avoir la tête dans le cul le matin. Mais il faut toujours se dire qu’une demijournée de perdue, il faudra bien la récupérer à un moment. »

Malgré leur possibilité de freestyle quotidien, tous se fixent d’ailleurs des horaires de travail classiques. « Je m’organise comme si je bossais dans un bureau ou une agence. Pour les clients et les rendez-vous, c’est mieux… », explique Vincent. « À part quelques écarts, je m’oblige à une certaine discipline : se lever à heure fixe, douche, petit dej et surtout s’habiller. Parce que si tu commences à ne plus suivre cette règle, c’est un coup à finir façon The Dude dans The Big Lebowski. C’est peut-être marrant mais c’est pas une vie », poursuit Pierre qui avoue malgré tout s’entretenir au téléphone souvent habillé d’un « simple calbute ».

« Ça va, j’te réveille pas ? » « Je pense qu’il est important pour les freelances de contrer l’image de glandeur qu’on nous colle parfois. Le pire, c’est quand on m’appelle à 11h et qu’on me dit “ça va, j’te réveille pas ?” », raconte Audrey qui, elle, a fait le choix d’intégrer un bureau de pigistes « pour ne pas être seule ». Car si tous se sont échappés de la vie classique du salariat, tous en revanche ne fuient pas l’ambiance de travail et les collègues de bureau. Même ceux aux blagues pourries ou aux goûts musicaux douteux. S’il existait déjà les bureaux partagés où plusieurs freelances se 21


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divisaient le prix du loyer, des espaces de coworking se développent depuis quelques temps. Des lieux équipés d’espaces de travail et de connexion haut-débit, que l’on paie à la journée ou demi-journée, et qui marchent particulièrement bien chez les travailleurs du web. En France, on compte une vingtaine d’endroits de la sorte, dont un en Bretagne. Ouverte à Rennes depuis novembre 2010, la Cantine numérique accueille une vingtaine de coworkers réguliers. Tous bossent de près ou de loin dans les nouvelles technologies (développement Internet, appli iPhone, e-commerce…).

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aux tickets resto pour se lancer en solo avec des projets de création web. Il expérimente d’abord le taf à l’appart, puis dans un bureau de centre d’affaires avant d’atterrir dans l’espace de coworking. « Ici, j’ai l’impression d’avoir des collègues, mais qui en fait ne le sont « Tu le vois sur ta paye » pas. Au-delà de boire un café avec C’est l’une des raisons qui a poussé eux, ce que j’aime c’est l’échange de Aymeric, 32 ans, à venir squatter la compétences. Nous ne sommes pas Cantine qu’il considère aujourd’hui dans les mêmes domaines alors on se comme son « bureau ». Il y a trois complète. En plus des simples avis et ans, cet ancien salarié d’une grosse conseils, il y a aussi les échanges de boîte de jeux vidéo a choisi de quit- bons procédés : une heure de déveter ses collègues d’open space, de loppement web contre une heure de rendre son badge et de dire adieu Photoshop par exemple », détaille « Ils viennent d’abord ici pour se fixer un cadre physique de travail et ainsi mieux délimiter la frontière entre le temps pro et le perso, estime Karine Sabatier, la directrice du lieu. Ensuite, pour créer un lien social qu’ils n’ont pas seuls chez eux. »


Aymeric qui n’exclut pas de travailler de manière plus formelle avec certains de ses coworkers. Reste une question cruciale chez tous ces freelances volontaires : la thune. Car si tous apprécient la souplesse que leur permet leur situation, refuser un CDI, c’est aussi accepter l’imprévisibilité financière. « Faut faire attention et mettre de l’argent de côté quand tu peux, reconnaît Nathalie. Ce qui est bien dans mon cas, c’est qu’en remportant l’appel d’offres pour la com’ de La Carène, ça m’assurait trois ans de taf avec eux, une bonne garantie. » Plus installés en tant que freelances, Audrey et Vincent ne se considèrent pas comme précaires. « Quand tu as tes employeurs habituels, tu peux considérer que le plus dur est passé. » Tous deux affichent des commandes régulières avec un certain nombre

d’employeurs et de clients. Idem pour Pierre, notre rédacteur fêtard qui, chaque semaine, est en contact avec une agence de contenus. Un bon filet de sécurité mais qui reste malgré tout variable : « Ça dépend des mois mais, en moyenne, je gagne entre 800 et 2 000 euros. » « Quand j’ai commencé comme pigiste, j’avais peur de la précarité financière, mais quand ça tourne bien, ce n’est pas le cas. La seule chose, c’est que quand tu es malade ou en congés, tu le vois sur ta paye », reconnaît Audrey. « Le salariat, c’est cool, ça donne la possibilité d’avoir une carte Visa Premier, philosophe Aymeric. Maintenant, disons que j’ai plus de chances d’avoir une Monéo, mais c’est pas mal aussi. » Julien Marchand Photos : Justin Bihan

« LE CDI RESTE UNE RÉFÉRENCE ABSOLUE » Alain Mergier, sociologue spécialiste des questions du travail. Refuser un CDI, est-ce étonnant ? Quitter ou dire non à un CDI peut paraître surprenant, surtout quand le marché du travail apparaît catastrophique pour les jeunes diplômés et les jeunes actifs. En France, le CDI reste une référence absolue. Il est censé assurer la continuité de l’emploi et mettre le travailleur à l’abri, ce qui est illusoire. Et puis, il est perçu comme un dispositif de reconnaissance : après des stages ou des CDD, si on décroche un CDI, cela veut dire qu’on a bien fait ses preuves.

Qu’est-ce qui pousse des jeunes à choisir volontairement le statut de freelance ? Il y a des jeunes diplômés qui estiment que les offres d’emploi ne correspondent pas à leurs compétences : ils préfèrent donc se lancer en indépendant avec un travail qu’ils jugent à leur hauteur. Beaucoup n’arrivent pas également à trouver dans l’entreprise les conditions de travail qui leur paraissent souhaitables. La question financière compte mais pas que : l’épanouissement personnel, la réciprocité des

échanges et la confiance sont considérés comme importants. Même dans un contexte difficile de l’emploi ? Ils savent que le marché du travail peut être dur avec eux et que la concurrence est forte. Mais ils ont aussi envie de trouver quelque chose où ils ont le sentiment de se réaliser. Quant à la question de la précarité, il est clair qu’ils la vivent par défaut car ils n’ont aucune garantie sur leur travail. Ceux qui s’en sortent sont ceux qui ont une fibre commerciale. Freelance, c’est un statut temporaire ? Certains jeunes actifs se disent “je vais essayer et de toute façon ça me fera de l’expérience”. Cela peut

être une solution transitoire et valorisante car ils vont engranger de la valeur sur le marché du travail. Surtout dans des métiers où l’initiative individuelle est encouragée. Le statut freelance est-il voué à se développer ? Ça va s’amplifier. S’il s’agit d’une situation voulue de leur part, il faut l’encourager. Mais il faut faire attention à ce que le droit du travail ne soit pas remplacé par le droit commercial. Actuellement, par exemple, on demande à de plus en plus de personnes de se mettre en auto-entrepreneur où seul un contrat commercial existe entre les deux parties. Dans ce cas, l’employeur n’a plus aucune responsabilité ni aucun engagement. 23


DOSSIER

« LA COMÉDIE DE L’OPEN SPACE N’EXISTE PAS DR

Alexandre des Isnards, co-auteur en 2008 de L’Open space m’a tuer, allergique du management moderne, et freelance en 2012.

SOIGNER SON IMAGE « L’open space, c’est l’absence d’intimité. On est en permanence sous le regard des autres. On soigne autant son image que son travail. Le faire-savoir est aussi important que le savoir-faire. Les salariés qui se donnent à fond, mais qui ne le disent pas, ont peu de chance d’être récompensés. En freelance, cette co- VIE PRIVÉE / VIE PRO médie humaine n’existe pas : seul le « Quand on travaille en indépentravail et son résultat comptent. » dant, il y a un télescopage entre le perso et le pro. Mais l’avantage des freelances, c’est qu’ils n’ont pas DISPO H24 « Aujourd’hui, les nouvelles tech- à mettre en scène leur vie privée niques de management demandent comme c’est le cas dans la plupart d’être disponible à toute heure, des entreprises. Dans les boîtes avec des deadlines permanentes… aujourd’hui, il faut aussi soigner Freelances et CDI sont soumis à ces son « employabilité », c’est-à-dire contraintes. Mais les indépendants être quelqu’un avec qui on a envie les vivent beaucoup mieux : ce sont de travailler. Réussir sa vie privée des astreintes qu’ils s’imposent eux- est gage de succès. Tout le monde mêmes, la satisfaction du travail s’ajoute sur Facebook, ça se google accompli est du coup plus forte. » les uns les autres. Il n’y a plus de

COMMUNICATION ET BOISSON : LES INCONTOURNABLES DU TRAVAILLEUR INDÉPENDANT. 24

frontières. En freelance, pas besoin de se justifier sur sa vie : on s’en tient juste à votre travail. »

DÉSHUMANISATION « Être freelance, ce n’est pas pour autant une panacée. On reste une variable ajustable : si on n’a plus besoin de vous, on ne vous rappelle pas. C’est une situation qui est loin d’être idéale. Comme dans les open space où tout est impersonnel, les freelances travaillent seuls, ce qui n’est pas facile. On peut y voir une déshumanisation du travail. »

FREEBOX V6

NESPRESSO

BLACKBERRY

Pendu au bout du fil une bonne partie de la journée, le freelance avait toujours du mal à avaler ses factures de téléphone. Depuis janvier 2011, digestion facilitée avec la 6e version de la Freebox, appels illimités vers fixes et mobiles inclus. Coolos !

Depuis la généralisation des machines à expresso, Nespresso en tête (un foyer français sur 10 équipé), le freelance retrouve le rituel de la pause café. Il peut s’en faire à volonté mais n’a, hélas, pas de collègue avec qui parler du match de la veille. Moins fun.

Grâce à son smartphone, le freelance est dispo en permanence. Il peut ainsi répondre rapidement aux mails de ses employeurs ou de ses clients. Des messages pro qui peuvent se faire depuis un bar, le bus et même son lit les nuits d’insomnie. À l’aise quoi.

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DR

EN FREELANCE »

ESPRIT CORPORATE « Cela peut paraître contradictoire mais il y a un fort esprit corporate entre freelances, notamment dans les bureaux collectifs de journalistes, graphistes, consultants… Pour une meilleure ambiance de travail dans les entreprises, je pense qu’il faut davantage de confiance entre les gens. Et cela passe par une évaluation globale du travail et non individuelle. La question de la reconnaissance est importante : on doit être considéré pour ce qu’on fait et pas autre chose, ce qui est le cas chez les freelances. »

LE BISTROT D’EN FACE Forcément, quand on n’a pas de « vrai » bureau, il faut bien trouver un endroit pour ses rendez-vous pro. Lieu neutre et passe-partout, la terrasse du café de l’autre côté de la rue est un classique. Et présente deux avantages de poids : pas besoin de ranger le bordel chez soi et ça vous fait prendre l’air. L’idéal, c’est qu’on peut aussi y rester pour finir la journée. Hips. 25


PAPIER

« ICI, C’EST SAINT-GILLES ! »

IL N’Y A PAS QUE DANS LES GROS STADES QU’ON TROUVE DES SUPPORTERS ULTRAS. QUELQUES GROUPES DE FANATIQUES EXISTENT EN AMATEUR. PLONGÉE DANS LE FOOT D’EN BAS. 26

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ci, pas de ramasseur de balles : quand le ballon va dans les orties, il faut aller le chercher soimême et se niquer les mollets. Ici, pas de grosses bagnoles : les joueurs roulent en C3 ou en Polo. Ici, pas de tribune : simplement une main courante et une buvette où la kro et le verre de « CDR » (Côtes du Rhône pour les intimes) sont tous les deux à moins de 2 euros. Ici, c’est le stade de Prat Izel, à Saint-Gilles, un quartier d’Hennebont, dans le Morbihan. Nous sommes en deuxième division de district, soit l’équivalent de la 12e division du foot français. Ce dimanche, l’équipe de l’Entente Saint-Gilloise affronte le Lorient Sport 2. Si on est loin du foot pro, de son engouement et de sa passion, Prat Izel résonne – presque – autant qu’un stade de Ligue 1. Depuis plus d’un an maintenant, un groupe de supporters, les Green Ultras, suit l’équipe à chaque match. Un soutien qui se voit et qui s’entend : bâches, drapeaux, calicots (des drapeaux à deux mâts), fumigènes et chants durant toute la partie. « Nous sommes près d’une vingtaine de membres. Saint-Gilles, c’est notre club, celui où on joue en équipe jeunes, on y est attaché, alors on le supporte. 27


PAPIER

Entre les matchs le week-end et la préparation du matos la semaine, ça occupe quasiment tout notre temps libre », explique Lucas, 15 ans, l’un des leaders de cette bande de kids attirés par « le folklore » du mouvement ultras. Un mode de supporteurisme qui a ses codes. « La présence à chaque match, la dynamique de groupe, la fierté locale, l’animation de la tribune, l’indépendance d’esprit vis-à-vis du club, le côté rebelle… les ultras veulent montrer qu’ils ne sont pas des supporters à la papa », développe Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste de la question (lire éclairage ci-contre). En clair, être supporter plutôt que spectateur. Quitte à parfois foutre la merde (clash avec la direction du club, provocs, baston avec groupes rivaux pour les plus radicaux…). En Bretagne, on compte des groupes assimilés au mouvement ultras dans chaque club pro : Roazhon Celtic Kop, Ultras Brestois, Kop Rouge, Merlus Ultras pour les plus connus. Au niveau amateur, les Green Ul-

tras sont presque un cas unique. Si d’autres groupes ont déjà existé dans les divisions basses (Pontivy, Treffendel, Quimper par exemple), ou alors pour des one-shot en Coupe de France, cela reste un phénomène peu développé.

À Prat Izel, on reprend cette consigne. Alors que les joueurs de Saint-Gilles sont loin de réaliser le match du siècle (trois grosses occas’ à tout casser et une défense vite débordée qui conduiront à une défaite 2 à 0), les Green Ultras ne baissent ni les bras ni la voix. Certains des chants et « Supporter l’équipe de sa ville » des drapeaux sont même à la gloire « L’idée d’être supporter est récente de leurs joueurs, à l’image du très en France. Cela a vraiment com- bon “Cédric désosseur”. mencé dans les années 1970, pas « C’est une de nos mascottes. Quand avant. La passion du foot est plus y’a une faute à faire, c’est souvent ancrée dans les pays voisins, ajoute lui… Il aime bien aller au contact. Nicolas Hourcade. En Angleterre Ouais, il est un peu bourrin… », ou en Allemagne, on trouve en 4e concède Antoine. « Les joueurs ou 5e division des gros publics. On apprécient qu’on les supporte, vient au stade pour soutenir le club poursuit Lucas. Ils nous poussent de sa ville. » pour qu’on vienne à chaque match à l’extérieur. Certains nous prennent même dans leur bagnole pour être sûr qu’on puisse être présent. » Un soutien qui, chaque saison, est particulièrement attendu pour le

« Leur gardien avait menacé de nous péter la gueule » 28

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« NI POGNON NI GROS STADE NI SÉCU » DR

Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des supporters, École centrale de Lyon.

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Qu’est-ce qui pousse des ultras à supporter des équipes en amateur ? Je vois trois raisons. La première, il s’agit d’anciens clubs pro dont les supporters restent. La deuxième, ces groupes de clubs historiques créent des vocations dans les divisions inférieures. La troisième, il s’agit de copains qui ont envie de monter leur propre groupe dans leur ville et dans un club où il y a de la place pour eux.

match contre la GVH, l’autre club d’Hennebont. « L’année dernière, leur gardien avait menacé de nous péter la gueule parce qu’on s’était installé derrière lui pour chanter. Il s’était pris un but sur un petit pont, on s’était bien foutu de sa gueule, il avait pas apprécié... » En attendant la confrontation sur le terrain (« même les joueurs ne s’apprécient pas entre eux », prévient Lucas comme pour nous appâter), les Green Ultras se préparent : voiles et drapeaux spécialement confectionnés, fumigènes prêts à être dégoupillés. Si Saint-Gilles est le seul club de son championnat à avoir des ultras, les autres stades amateurs verront-ils eux aussi des groupes de supporters naître au bord de leur terrain ? Pour Nicolas Hourcade, « les ultras dans les divisions basses sont un phénomène durable car le fait de supporter

l’équipe de sa ville se diffuse à tous les niveaux. Pour autant, il est difficile pour les groupes de recruter et de s’inscrire dans la durée car la qualité du spectacle et les enjeux sportifs ne sont pas toujours exaltants ». Une situation qu’ont connue les Celtik Kemper, les ultras du Quimper Kerfeunteun FC, actuellement en DH, après deux relégations consécutives. « Aujourd’hui, le groupe est en sommeil, nous avertit Romain, 20 ans, l’un de ses membres. C’est la merde au club donc ça nous motive pas trop. Le groupe continue quand même à assister aux matchs et à poser la bâche à domicile. Mais l’important, c’est d’être entres potes. C’est ce qui fait vivre le groupe. Qu’on soit en DH ou en Ligue 2, tu sais, on sera toujours une vingtaine à aller au bar avant le match. » Julien Marchand

Il n’y a plus de place chez les pros ? Dans les années 1980-1990, il y a eu une grande ouverture des tribunes françaises : on pouvait facilement créer son groupe ultras dans les clubs pro. Aujourd’hui, ces territoires sont déjà conquis et c’est en amateur qu’on peut trouver une place. En étant éloignés du « foot business », ces supporters sont-ils plus proches des idéaux du mouvement ultras ? Ils sont dans un environnement radicalement différent du milieu pro : il n’y a pas de pognon, pas de gros stade et pas de dispositif de sécurité. C’est le foot pour le foot. Ça a un côté roots. Et cela tend vers « l’authenticité » défendue par les ultras face au « foot moderne » qu’ils dénoncent. Et ils ont aussi plus de liberté… Dans les petites divisions, il n’y a pas d’encadrement policier important. Les supporters peuvent faire des choses aujourd’hui interdites en pro, allumer des fumigènes par exemple. Ils y trouvent des espaces de liberté, ce qui explique aussi leur engouement. 29


DOSSIER

SUR LE DANCEFLOP

LIEUX DE RENCONTRE INCONTOURNABLES DE LA JEUNESSE, LES DISCOTHÈQUES SONT ACTUELLEMENT EN CRISE. ENQUÊTE SUR LES RAISONS D’UN INÉLUCTABLE DÉCLIN. 30

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aut que j’serre putain, faut que j’serre !! » Tel un boxeur jouant l’autoconviction au coin du ring, le gars tire furieusement sur sa clope en se répétant l’objectif de la soirée : lever une meuf. Pas question pour lui d’être dans le camp des vaincus. Il n’est même pas 2h, mais on sent déjà la peur de l’échec. L’apprenti champion est pourtant venu avec l’équipement qui va bien : chaussures à bout pointu, jean noir, t-shirt moulant, chaînette en argent (à l’extérieur du t-shirt, très important), cheveux fixation béton. Problème : son taux d’alcoolémie. C’est du moins l’avis de Nadya (« avec seulement le Y, pas comme la chanteuse »). Rencontrée quelques minutes après que notre gars soit

retourné sur le ring – ou plutôt le dancefloor – elle prévient : « Les mecs bourrés sont relous. Le rentrededans ça me bloque. » Effectivement, sur la piste clairsemée, ça drague façon bourrin. La technique la plus courante : commencer par danser avec ses potes, fureter une proie du regard, s’en approcher par derrière en loucedé et prendre son rythme pour se coller à elle.

Notamment ce petit bonhomme qui somnole, son verre de vodka-orange posé en face de lui à peine entamé. « Il a trop tisé », se marrent ses potes assis à côté, lesquels continuent à lever du coude. « On se met bien, tranquille, chef. » La scène se passe un vendredi soir de fin d’automne à La Crinière, discothèque de bonne réputation basée à une quinzaine de minutes de Saint-Brieuc. Mais elle aurait pu « Il a trop tisé » se dérouler dans n’importe lequel La réussite est rarement au rendez- de ces établissements de nuit qu’on vous mais parfois, sur un malentendu, retrouve un peu partout, aussi ça fonctionne. C’est le cas de ce néo- bien en ville qu’à la cambrousse. couple sur le podium, qui se roule « Pendant longtemps, la boîte était une pelle façon préliminaires de film le rendez-vous incontournable de fin porno. Loin des winners, dans le fond de semaine des étudiants et jeunes de la salle, on retrouve les vaincus actifs du coin, mais c’est moins le de la soirée affalés sur les divans. cas aujourd’hui », s’inquiète Nicolas Guihot, le gérant. D’une capacité totale de 1 400 personnes, la “Crine-touf” de son surnom n’est plein que d’un tiers ce soir où est pourtant invité en showcase

« Depuis quelques temps, c’est la merde... LA MERDE » 32

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le tube-man Moussier Tombola (lire encadré). « La deuxième salle de la boîte est fermée depuis plusieurs mois, faute de monde. C’est simple, 2011 est notre pire année en 34 ans d’existence. Depuis 10 ans, c’est en baisse constante. » Il n’est pas le seul à constater les dégâts. Pour Patrick Labataille, responsable du 29 au Faou, une des plus grosses boîtes du Finistère, « depuis quelques temps c’est la merde... LA MERDE ». Michel Ludwig du Tremplin, à Montauban (35), parle plus sobrement d’une « perte de clientèle significative et régulière », tandis que Dominique Corbion du Kub, près de Vannes (ex-Black Minou) note qu’il est « de plus en plus difficile de faire venir du monde ». Et de regretter, comme tous ses confrères, « l’âge d’or des boîtes, dans les années 90 ». Les temps sont durs pour ces usines à dance-music, qui se prennent en pleine face le contexte de crise actuelle.

« Les jeunes sont mieux chez nous que sur les parkings » « On est dans une période du toutgratuit, alors faire payer 10 euros l’entrée c’est compliqué », estime Dominique Corbion. « Pourtant, relève Patrick Labataille, c’était déjà les tarifs en vigueur il y a 20 ans. Contrairement aux bars, on n’a pas suivi l’inflation. »

« Une garderie » Michel Ludwig remarque de son côté que « le panier moyen de dépense a légèrement augmenté, mais le problème c’est la perte d’une partie de la clientèle ». Notamment les revenus modestes qui ne peuvent se permettre de claquer, en une soirée, un dixième de leur salaire pour une entrée et quelques consos. La concurrence est également pointée du doigt. Nicolas Guihaut parle

d’une « grosse culture de concerts et de festivals en Bretagne » qui peut faire de l’ombre aux discothèques. Mais le plus grand danger vient des bars de nuit aux consommations souvent moins chères et à l’entrée gratuite. « On ne peut s’en prendre qu’à nousmêmes, juge Dominique Corbion. Ils se sont engouffrés sur l’après 22h, un créneau stratégique qu’on n’a pas su gérer. Et avec la législation leur permettant désormais d’ouvrir jusque 2h voire 3h, on récupère le gros des gens de plus en plus tard. » « Et à cette heure avancée, poursuit Nicolas Guihaut, ne viennent en boîte que ceux qui se sont déjà bien “avoinés” dans les bars ou chez eux. » Les discothèques seraient donc victimes d’arriver en dernière 33


DOSSIER

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position dans l’ordre chronologique d’une soirée. « On est le maillon qui hérite de tous les problèmes », déplore d’ailleurs Patrick Labataille, qui va même jusqu’à comparer son établissement à « une garderie » certains soirs. « Pourtant, s’insurge Michel Ludwig, on a été les premiers à prendre les problèmes d’alcool à bras le corps. La notion de capitaine de soirée est désormais bien assimilée, on surveille les abords, on collabore avec les flics, on met en place des navettes, mais on continue de traîner une mauvaise réputation. Alors qu’on a le mérite d’encadrer les jeunes, qui sont mieux chez nous qu’à picoler sur les parkings. » Les différents gérants contactés parlent d’ailleurs d’une forte responsabilité sociale qui leur incombe.

Patrick Labataille : « On est un des derniers vrais lieux de convivialité. Les portables, Facebook et toutes ces conneries je veux bien, mais à un moment il faut se rencontrer, c’est ça notre rôle et on ne le dit pas assez. » Son confrère du Kub, Dominique Corbion, joue les philosophes : « On pourra toujours essayer d’améliorer nos conditions d’accueil ou la musique, mais ce dont je suis sûr, c’est que les jeunes d’aujourd’hui ne s’amusent plus autant qu’à une époque. Beaucoup ont peur de l’avenir, sûrement à raison d’ailleurs. » L’insouciance a disparu, « ce qui les rend plus agressifs », encore plus que le trop plein d’alcool. C’est peut-être ça le problème de notre dragueurboxeur avec Nadya. Régis Delanoë

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pour Samedi soir en Province, un documentaire diffusé en 1996 sur France 2 et qui connaît une deuxième vie sur le Net. « C’est un film qui fait causer car il parlait d’aujourd’hui bien avant l’heure, explique son réalisateur. Dans les jeunes d’il y a quinze ans, on voit ceux d’aujourd’hui : les bitures, les relations filles/garçons, le chômage... » Que sont-ils devenus ? « Je sais que Gazoil est camionneur, ce qu’il voulait, et que le DJ du Vibrations fait aujourd’hui des spectacles comiques. Il a même inscrit sur son CV qu’il était dans le reportage ! Le DJ du Top Club ? Je ne sais pas, il était un peu bizarre lui. » J.M

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C’était il y a une quinzaine d’années dans la campagne de Châteauroux. Mathieu, DJ du Top Club, « installait la barrière anti-fans, sinon c’est l’invasion derrière les platines ». Stéphane, dit Gazoil, était plus amoureux de sa R5 que de sa louloutte. Et sur le parking du Vibrations, la grosse discothèque du coin, ça picolait « pas histoire de s’péter la ruche mais histoire de draguer les femmes ». C’était l’époque des compil Dance Machine, l’âge d’or pour tous ceux qui aimaient gueuler « Ce soiiiiir on vous metttt, ce soir on vous met le FEUUUU ! ». Une période révolue du dancefloor filmée pendant plus d’un an par Jean-Michel Destang

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SAMEDI SOIR EN PROVINCE : ÇA PICOLAIT DÉJÀ DANS LES BAGNOLES


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ET POURTANT LA DANCE CARTONNE

Fin 2007, Fun Radio fait enfin son coming-out et s’assume comme une radio à fond boum-boum avec le slogan “Le Son Dancefloor”. Pari réussi, constate Julien Fallelour, responsable de la radio dans l’Ouest : « On a non seulement fidélisé nos auditeurs, mais on en a regagné 600 000 et réalisé nos cinq meilleures audiences historiques depuis. » Il poursuit : « Ce n’est pas tout, puisque notre compil annuelle, Le Son Dancefloor 2012, est en tête des ventes depuis sa sortie. Le concert Starfloor qu’on organise à Bercy est plein comme tous les ans et on vient de passer le million de fans sur Facebook. » Malgré la chute brutale du marché des singles 2 titres, les artistes dance ont toujours le sourire, et pas seulement les têtes de gondole Guetta, Sinclar ou Solveig. Moussa Soumbounou, gérant de Sunshine Events, spécialisé dans le management d’artistes des musiques urbaines et du soleil, se frotte les mains, et ses champions avec. « Moussier Tombola (photo), qui n’a qu’un seul tube, tourne depuis cet été au rythme de trois à cinq dates par semaine dans toute la francophonie, explique-t-il. Même chose pour Colonel Reyel, Jessy Matador ou Mokobé. » Des tube-men qui touchent jusqu’à 10 000 euros de cachet par showcase. R.D 35


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SAMPLE ET FUNKY

LES GARS DE 1995 S’INSPIRENT DU MEILLEUR DU RAP OLD SCHOOL POUR S’IMPOSER COMME LA NOUVELLE VALEUR SÛRE DU HIP-HOP FRANÇAIS. SANS MAJOR MAIS AVEC INTERNET, ILS REMPLISSENT LES SALLES. KIDS ET ANCIENS DISENT OUI. ette année-là, NTM sortait Paris sous les bombes, Assassin son deuxième album et les Sages Poètes de la Rue déboulaient avec leur premier disque. Pour beaucoup, 1995 reste l’une des années de référence du rap français et les nineties son âge d’or. « C’est une époque où on a l’impression que les choses se faisaient spontanément, qu’il n’y avait pas trop de calculs », explique Fonky Flav’, l’un des membres de 1995 (à prononcer 1-9-9-5, un double neuf cinq ou 1995, comme ça vous botte quoi) quand on l’interroge sur le nom de son groupe. Un nom qui depuis quelques mois fait l’unanimité dans le milieu hiphop. Les kids kiffent, les anciens portent un œil bienveillant sur Nekfeu, Sneazzy West, Areno Jaz, Alpha Wann, Fonky Flav’ et Lo’, les cinq MC et le DJ de ce crew né dans le sud de Paris. 90 000 fans Facebook, un EP salué, des salles blindées, des articles de presse à la pelle (dont Le Monde) : une notoriété certaine qui arrive après deux années de scènes ouvertes pour cette bande de potes âgés de 36

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la vingtaine. « Dès qu’il y avait un open-mic sur Paris, on y allait. En 2009, on devait en faire deux à trois par semaine, facile. » Les garçons ne jurent que par les samples, de préférence jazzy ou funky. Ils enterrent l’autotune et les synthés. « On prend le rap à la source, résume Fonky Flav’. Pour autant, le délire “puriste” on s’en branle. On fait juste la musique qui nous plaît : un hip-hop à l’ancienne qui, contrairement au rap ghetto, a été moins mis en avant par les radios à une certaine période. » Une différence qui se sent aussi dans leurs textes. « On n’y va pas de façon brutale. Dire “nique la police” ne nous intéresse pas. On a des morceaux engagés, mais cela passe par des rimes ou des métaphores qu’il faut aller chercher. » Après une tournée de 25 dates à la fin 2011 (« 15 000 bornes en bagnole ! »), 1995 reprend la route en ce début d’année. Des concerts sold out la plupart du temps. Une perf’, surtout sans major, sans manager et en affichant un budget promo light. « On a fait des bêtes de salles, comme le Transbordeur à Lyon, l’Aéronef

à Lille et le Bataclan à Paris où on a explosé la jauge : 1 700 personnes. » Un public que les six gars ont déplacé grâce à Facebook, Twitter et YouTube. « On nous qualifie souvent de porte-étendard de la génération indé qui a su utiliser le Net. On s’est juste servi des outils qui étaient à notre disposition. Ce n’était pas une volonté de passer à tout prix par Internet, c’est juste qu’on n’avait pas le choix. » Si le groupe s’est dernièrement engagé avec un tourneur, il affirme vouloir rester indépendant pour le moment. « Toutes les grosses majors et maisons de disques sont venues nous voir. C’est intéressant car cela veut aussi dire que notre truc a une valeur commerciale et que, donc, on peut espérer en vivre. Mais, actuellement, on souhaite rester indé. Nous avons une politique : tout ce qu’on peut faire nous-mêmes, on le fait. Jusqu’à présent, ça nous a réussi, alors on continue comme ça. » Julien Marchand Le 2 mars à l’Antipode à Rennes Le 6 avril au festival Panoramas à Morlaix


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photo : Iorgis Matyassy


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PITRE DE PRESSE

APRÈS LA TÉLÉ, CHRIS ESQUERRE TESTE SON HUMOUR ABSURDE SUR LES PLANCHES D’UN THÉÂTRE PARISIEN. UN SPECTACLE QU’IL VIENT PRÉSENTER LE TEMPS D’UNE DATE EN BRETAGNE. C’EST LA FÊTE. hris Esquerre. Un blaze facile à retenir qu’on s’est longtemps échangé entre amateurs d’humour fin. « Mec, tu connais ce gars qui est le midi sur Canal à présenter des magazines à la con ? Faut que tu mates ça, c’est génial. » Quatre ans durant, de 2007 à 2011, ce Normand à la bouille d’enfant de chœur a sévi sur la quatrième chaîne. Avec une chronique phare : la revue de presse des journaux que personne ne lit. Un moment d’humour surréaliste au cours duquel il présentait le plus sérieusement du monde des publications improbables tels que Légende de chats (« Offrez à votre chat une souris radiocommandée, il s’amusera à la piloter dans la maison, c’est rigolo. ») ou Question Boulange (« L’univers du pain et de la chouquette est très généreux, ça tranche avec l’univers de la biscotte, cassant et revêche. »). Tout est dans le décalage entre le ton très solennel et les propos saugrenus. « L’idée m’était venue lorsqu’on m’avait proposé ce créneau horaire de L’Édition Spéciale, explique-t-il. 38

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Comme il s’agissait d’une émission assez sérieuse, j’ai eu l’idée d’adopter un ton très sobre, en détournant le contenu de magazines spécialisés. Bon, le but au final c’était surtout de dire des conneries, hein. J’aime dévorer la presse, mais je ne suis quand même pas comme Chapatte avec les bagnoles. » La carrière de Chris Esquerre dans l’humour, débutée en 2003 à la radio sur France Bleu, puis poursuivie sur Radio Nova, M6 et donc Canal +, n’a rien du rêve d’enfant, assure-t-il. « Le coup de la vocation, c’est un récit un peu débile, car gagner sa vie en racontant des blagues n’a rien de prévisible. » Né il y a 36 ans dans un trou perdu de Normandie, le « viking », comme il se qualifie, a d’ailleurs épousé à la sortie de ses études une carrière autrement plus sérieuse de conseiller en communication pour les entreprises. « J’ai passé quatre ans à enfiler le costard-cravate tous les matins, pour finalement me rendre compte que je n’étais pas à ma place. » S’il a stratégiquement choisi de débuter sa vie d’humoriste à la radio puis

à la télévision (« un excellent terrain qui te permet de voir si tu sais faire des trucs drôles à répétition »), c’est sur scène que Chris Esquerre exerce actuellement son activité. Son spectacle, testé une première fois au festival d’Avignon 2010 et basé sur le même humour pincesans-rire, est depuis quelques mois à l’affiche du théâtre du Point Virgule à Paris. « Là encore, je n’avais pas l’envie chevillée au corps d’être seul en scène. J’ai résolu depuis un moment mes problèmes d’ego, mais c’est une suite logique. » Rongé par le stress au début (« c’est assez violent d’être face à un public »), le fan des Deschiens s’est depuis bien rodé. Avec un crédo : « Ne pas être soumis à un public dictateur. Si ça ne plaît pas, tant pis. Sans fausse modestie, je pense avoir pas mal d’originalité, je dois continuer dans cette voie. » Parole d’ex-conseiller en communication. Régis Delanoë Le 9 mars au théâtre des Jacobins à Dinan


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ELEKTRONISCHE STAUBBAND : DERRIÈRE CE BARBARISME TEUTON, SE CACHE LE NOUVEAU PROJET DE YANN TIERSEN. L’IDÉE ? REVISITER SES DERNIÈRES COMPOS AVEC DES VIEUX SYNTHÉS. LE RÉSULTAT ? MÉCHAMMENT PLANANT. a dernière fois qu’on a vu le gars Tiersen, c’était en juin dernier à l’occasion du festival Art Rock de Saint-Brieuc. Il arborait fièrement un t-shirt avec l’inscription “Neu !”, le nom de groupe d’un des plus célèbres représentants de la scène krautrock germanique. Un style faisant la liaison entre le prog-rock et l’électro, apparu dans les seventies et qui s’est développé avec des formations comme Can, Kraftwerk ou Cluster. Fan, le gazier ? « Ah mais complètement, répond-il aujourd’hui. J’ai grandi dans les années 80 et même si je me suis tourné assez vite vers une musique plus organique, j’ai d’abord appris à bidouiller des machines. Je suis d’ailleurs particulièrement fier d’être aujourd’hui signé chez Mute, un label pionnier dans ce domaine (avec les groupes D.A.F, Fad Gadget, Yazoo… ndlr). » Une passion partagée avec un de ses camarades de tournée depuis près de deux ans, le zicos Lionel

Laquerrière, du groupe Nestor Is Bianca. « On s’est retrouvé autour de cette adoration pour les synthés analogiques des années 70 et 80, explique ce dernier, une dizaine de vieux coucous sur lesquels on a commencé à travailler. » Les deux larrons sont alors rejoints par un troisième, Thomas Poli, membre de Montgomery et lui aussi branché sur la chose. « Dans un premier temps, poursuit Yann, on s’est naturellement tourné vers les morceaux de mes deux derniers albums, Dust Lane et Skyline, qui constituent une excellente matière, propice à détourner aux synthés. » Le baptême de ce nouveau projet, qu’ils intitulent Elektronische Staubband, a lieu en Italie en juillet, à l’occasion du festival Acusmatiq d’Ancône. « On y a réalisé deux concerts. Tous les trois sur scène avec nos synthés, un moment génial », se rappelle Tiersen. Encouragés par cette première expérience concluante, les trois gars s’exer-

cent sur deux autres dates : en septembre dernier au festival de l’Ilophone d’Ouessant (« mais on a été confronté à une panne de clavier ») et en octobre aux Rockomotives de Vendôme, où habite Lionel. « Faute de temps, on en reste pour l’instant aux compositions de Yann, mais dès que possible, on s’enferme en studio pour enregistrer », annoncet-il. Ce pourrait être juste après leur passage à La Route du Rock de Saint-Malo en février. Le timing est serré, puisque dans la foulée, les deux doivent lâcher temporairement Thomas Poli et s’envoler pour une tournée qui les emmènera en Amérique du Nord et en Australie. Le temps est compté, mais pas question pour Tiersen et sa nouvelle bande de lâcher le morceau. Ils l’affirment, la « récréation électronique » est amenée à durer. Régis Delanoë Le 18 février à L’Omnibus à Saint-Malo au festival de La Route du Rock Hiver 41


Visuels : Vivement Lundi / Jean-Claude Rozec

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VERRES L’INFINI

JEAN-CLAUDE ROZEC SAURA À LA FIN JANVIER S’IL IRA DÉFENDRE SON FILM À HOLLYWOOD. CUL DE BOUTEILLE, SON COURT MÉTRAGE D’ANIMATION, A ÉTÉ PRÉSÉLECTIONNÉ POUR LES OSCARS. BIEN VU.

’effet Oscars, c’est assez dingue. Je suis surpris de l’impact que ça peut avoir autour de moi. » Pour Jean-Claude Rozec, la nouvelle est tombée début décembre. Son film Cul de Bouteille faisait partie des dix productions présélectionnées pour concourir à l’Oscar du court métrage d’animation. Une première étape avant de connaître, fin janvier, la liste définitive des cinq films qui seront en compétition pour la fameuse statuette dorée. « Je ne sais pas trop quels seront les critères du jury. En face de moi, il y a des gros, comme Pixar ou Warner. C’est un autre monde. Si l’histoire de Cul de Bouteille est appréciée – ce qui est le plus important – on peut espérer être sélectionné. » L’histoire, justement, est volontairement plutôt simple. C’est celle d’Arnaud, un petit garçon à qui l’on colle des lunettes à double foyer. Si le monde lui apparaît plus net, il devient également beaucoup plus ennuyeux. Avec ses “culs de bouteille” au bout du nez, Arnaud ne voit plus les dragons, monstres et extraterrestres que sa myopie lui

permettait d’imaginer. Il décide alors de se débarrasser de ses binocles pour retrouver un monde fantastique, mais aussi plus dangereux. « J’ai essayé de faire le dessin animé que j’aurais aimé voir quand j’étais petit. Un film d’animation pour enfants, il faut qu’il soit assez premier degré pour que ça leur plaise. C’est un public vierge, il ne faut pas multiplier les références. L’histoire peut être simple mais doit aussi aborder des problématiques plus complexes : la question du point de vue, de la réalité, le refus du bon sens par exemple », explique JeanClaude Rozec, Lorientais de 33 ans, aujourd’hui installé à Rennes, qui lors d’ateliers avec des enfants « a observé leurs réactions face à différentes histoires ». Un court métrage qui évite aussi les facilités que prennent souvent les longs métrages d’animation. Pas de gag, pas de clin d’œil aux adultes, pas de voix off aigüe (mais celle de l’acteur Dominique Pinon), pas de vocabulaire infantile… « L’avantage d’un court, c’est la sensibilité individuelle de l’auteur. Les longs sont forcément plus formatés. »

Déjà primé dans une vingtaine de festivals (Annecy, Aspen, Chicago, Los Angeles, Abu Dhabi…), Cul de Bouteille mise également sur ses images en noir et blanc, « ses personnages dessinés et ses décors peints à l’aquarelle ». Passé par l’animation de marionnettes et de pâtes à modeler, le réalisateur aime toujours donner « un côté tactile » à ses créations. Face aux images de synthèse parfaites, Jean-Claude laisse lui traîner volontairement quelques coups de crayon gris. « L’image est importante mais la chose primordiale reste l’histoire, nuance-t-il. Prenons par exemple deux films de Pixar qui visuellement sont bons : Monstres et compagnie j’ai trouvé ça cool, Cars 2 ça ne m’intéressait pas. Que ce soit une grosse production ou un court métrage étudiant, ce qui est raconté est l’essentiel. Un bon film, tu peux le regarder sur une petite télé en noir et blanc, ça restera un bon film. » Julien Marchand Annonce des nominations pour les Oscars le 24 janvier 43


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DE LA BOUTEILLE

MNEMOTECHNIC N’A QUE DEUX ANS D’EXISTENCE, MAIS IL EST COMPOSÉ DE TRENTENAIRES PAS NÉS DE LA DERNIÈRE PLUIE. SANS TIRER DE PLANS SUR LA COMÈTE, LES BRESTOIS N’ENTENDENT PAS LAISSER PASSER LEUR CHANCE. n vieil hangar en tôle dans la cambrousse, à une dizaine de minutes de Brest. À l’intérieur, différents garages, pour y abriter des bagnoles, des bateaux et Dieu sait quoi encore. Dont un studio de répétition, aménagé il y a de ça quelques années, tout au fond. L’hiver approche, on se pèle les miches, mais l’accueil réchauffe. Les Mnemotechnic offrent bière – de la bonne en plus – et sourires au moment de se raconter. « C’est Arnaud qui est à l’initiative du projet », annonce en préambule le batteur Anthony, tandis que ses acolytes Damien (guitare) et Xavier (basse) opinent du goulot. Arnaud, c’est le chanteur, guitariste, compositeur et, donc, le créateur du groupe. Un trentenaire aux faux airs de Luke Jenner, leader de The Rapture, tant physiquement que vocalement. Une influence revendiquée. 44

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Arnaud raconte qu’il avait envie de « synthétiser tous les styles musicaux expérimentés jusqu’alors », que ce soit par lui ou par ses trois copains. À les écouter égrener leurs CV, on se dit que ces lascars brestois ont fait un joli tour de la rockosphère : « noise, math-rock, funk, électrorock, hardcore, garage… » Tout y passe. Tous ces styles sont mixés pour en tirer l’essence même du truc : le (putain de) rock ! « En ces temps de revival pop 80’s à base de claviers, c’est important de dire qu’on fait du rock, brut. Et même de le revendiquer », affirme Anthony. D’ailleurs le quatuor prévient : musicalement, ils n’ont jamais fait de concession et ce n’est pas près d’arriver. Les Mnemo – ça va plus vite à dire – ne font pas semblant, il est vrai. Mais surprennent. Annoncé à forte tendance noise, leur rock s’avère à l’écoute surtout dansant, avec ces

lignes de guitares qui crépitent et ce rythme qui va en augmentant, façon Gang of Four. En clair, tu bouges ton boule. « C’est le but », sourit Damien, qui évoque un autre objectif, plus égoïste mais ô combien important : « Faut être honnête, tu joues dans un groupe aussi pour t’amuser, partir à l’aventure et rencontrer des gens que tu n’aurais jamais eu l’occasion de croiser si tu n’avais pas fait de la musique. » Au détour de la quarantaine de dates qu’ils ont effectuées jusqu’à présent, les gaziers ont même fini par taper dans l’œil de représentants d’un label anglais, chez qui ils devraient signer leur premier album. Les concerts devraient suivre. Le succès c’est à voir. « On fait tout pour en tout cas, et advienne que pourra. »

Régis Delanoë Le 16 février aux Hivernautes à Quimper


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photo : Bikini


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C’EST LA TURF

ANNONCÉS COMME LES FUTURS GRANDS DE LA SCÈNE ÉLECTRO, LES GARÇONS DE CLUB CHEVAL POURRAIENT BIEN LE DEVENIR. NOM DÉBILE, MORCEAUX MULTI-INFLUENCÉS ET CAUTION HYPE : TOUTES LES RAISONS POUR S’IMPOSER.

’adore Rihanna et les Black Eyed Peas. » Avec ce genre de phrase, j’vous jure, on vient de perdre la moitié de notre lectorat hipster. Sam Tiba de Club Cheval enfonce pourtant le clou. « La musique la mieux foutue, c’est souvent les grosses productions. Et je préfère écouter un son mainstream qui techniquement est bon plutôt que me forcer à écouter des trucs indé ou alternatifs. Tu vois, on a un milliard d’influences différentes : Club Cheval, c’est un beau bordel. » Un beau bordel en effet. Déjà, parce qu’on ne sait pas trop vraiment ce qu’est Club Cheval. Un groupe ? Un label ? On sait juste que quatre gars – Canblaster, Panteros666, Myd et Sam Tiba – tous originaires de la région lilloise, le composent. « C’est pas un label mais un collectif musical. C’est comme si tu avais trois potes et que vous décidiez de faire de la musique ensemble. » Avant que naisse Club Cheval en mars 2009, tous composaient déjà 46

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de leur côté. Dans des genres bien différents : dance-punk, pop, hiphop, dancehall, french touch… Et même des jeux vidéos pour Canblaster qui, à l’âge de 17 ans, réalisait des bandes-son pour des productions japonaises. Puis, tous ont convergé vers la musique de club, « notre dénominateur commun », tout en continuant ce travail de synthèse de leurs influences diverses. « On peut très bien prendre le bout d’un morceau de R’n’B et l’intégrer dans l’un de nos titres. Nos samples, on ne va pas pour autant les chercher dans des trucs mainstream. Mais plutôt dans des morceaux qui ont été faits avant que le genre explose. On veut faire de la musique savante mais accessible. On n’est pas des élitistes arty relous. » Cela serait pourtant le risque. Car depuis 2011, Club Cheval est le nouveau poulain de la hype et a intégré « le microcosme parisien » des Marble Players, Teki Latex, Orgasmic et consorts. « Le buzz,

le côté branché, il faut en profiter. C’est une force car ça facilite la médiatisation et ça permet de rencontrer des gens nouveaux. Mais l’important c’est d’être toujours là dans cinq ans. » Quatre individualités à la base, Club Cheval s’oriente désormais vers la forme d’un groupe. Un groupe qui se décline aussi en binôme pour les lives, comme cela sera le cas à l’édition hivernale d’Astropolis avec le duo Canblaster/Sam Tiba. « Une formule plus simple pour les promoteurs. » Si des EP perso sont déjà sortis en digital (chez Marble Players et Sound Pellegrino notamment), un album à quatre est actuellement en préparation. Sortie ? « Fin 2012, espèrent-ils. Avec des singles qui seront balancés dans le courant de l’année. » Julien Marchand Le 21 janvier à Astropolis Hiver à Brest Le 7 avril à Panoramas à Morlaix


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photo : Maciek


VIDE TON SAC

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AGENDA

Maxim Ryazansky

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RECOMMANDE

ORELSAN

SAINT-PATRICK

FILM BRITANNIQUE

THE MEN

Revenu à la rentrée 2011 avec son second album Le Chant des Sirènes, le rappeur caennais confirme le bien qu’on pensait de lui : bons thèmes, bonnes instrus, bon discours. Porteparole d’une génération désenchantée, le blanc-bec est sans nul doute l’un des – le ? – meilleurs MC français mainstream.

Une prière pour le saint patron des roux et des soiffards : notre bière qui est au frais, que ta mousse soit sanctifiée, que ton verre vienne, que ta distribution soit faite sur la table comme au comptoir, pardonne-nous nos gueules de bois et délivrenous de la soif pour les siècles des siècles.

Le Grand Logis a fait sa sélection du meilleur du festival du film britannique. Dix films retenus, dont L’Irlandais (l’histoire d’un flic à l’ouest), Toast (une sorte de Billy Elliot de la cuisine pour résumer) et We need to talk about Kevin (film coup de poing sur un ado en freestyle total).

La dernière sensation en provenance de Brooklyn annonce la couleur – ou plutôt l’absence de – dès la pochette de son album, Leave Home. Du noir, du blanc, du flou, comme un avant-goût visuel de ce qui attend l’auditeur : du garagerock torturé, ambiance fin du monde. On tient notre B.O de la nouvelle année.

CIRQUES D’HIVER Le cirque contemporain a désormais son festival à Quimper. Quatorze rendezvous sont programmés dans plusieurs lieux de la ville (et même entre les deux tours de la cathédrale !). On retient Bricolage érotique, un spectacle érotico-rigolo façon bouts de ficelle. À Quimper Du 14 janvier au 10 février

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TUNE YARDS

JARDIN NUMÉRIQUE

À la façon dont on inscrit le prénom de son amoureuse sur un agenda au collège, le groupe de Merril Garbus s’écrit avec une alternance de minuscules et de majuscules : tUnE YarDs. C’est mignon, tout comme sa musique, du lo-fi tout en sampling et boucles de voix.

Expos, jeux, concerts, ateliers, démos… Le Jardin Moderne organise un événement consacré à la créativité numérique. On réserve déjà notre siège pour la conférence de Jérémie Zimmermann, de la Quadrature du Net, autour du thème “Qui veut contrôler le Net ?”. Liberté, égalité, 3W ?

À l’Ubu à Rennes Le 17 février

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À La Route du Rock à St-Malo Le 17 février

À Rennes Du 1er au 4 février

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Au Grand Logis à Bruz Du 9 au 15 janvier

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Dans tous les pubs Le 17 mars

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À Saint-Avé et Rennes Le 21 janvier et le 22 mars

MONDKOPF Les basses qui tabassent, c’est pour lui. Le Toulousain pourrait très bien se charger de la bande-son de l’apocalypse. Déflagrations dans la gueule et tout l’bazar. C’est chouette, ça reste mélodique et ça vous rappelle que vous êtes encore bien vivant. Vu et approuvé cet été. À la Citrouille à Saint-Brieuc Le 2 mars




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