BIKINI AVRIL-MAI 2019

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AVRIL-MAI 2019 #41



TEASING

À découvrir dans ce numéro...

«UN REVIVAL DU MOUVEMENT HIPPIE»

KAAMELOTT

BIOÉTHIQUE

REGGAE FESTIF

«SECOND POTEAU PAVAAAAAAARD»

GORAFI CASSETTES

KEBAB

«LES RONDS-POINTS SONT POLITIQUES»


ÉDITO

TU SAIS QUE T ’ES EUROPÉEN QUAND... … t’as coché la date du 26 mai 2019, jour des élections européennes, à ton agenda. Ben ouais faut bien. … t’as envie de faire mentir les sondages (faites pas les cons). … t’es fan de Captain Europe, le super-héros de l’UE (si si, il existe). … le Brexit, t’es pas trop pour. … Erasmus reste le meilleur moment de ta vie étudiante (Dublin <3 !). … t’as kiffé le parcours du Stade Rennais cette saison en Europa League. … t’écoutes encore le groupe Europe et son tube The Final Countdown : « tututu-tuuuu-tututututu ! » Putain qu’est-ce que c’est bon. … ton fond d’écran, c’est Robert Schuman, un des pères fondateurs de l’Union. Swag. … tu préférais Jeux sans Frontières sur France 2 à Intervilles. … t’achètes plus de billets chez Ryanair qu’à la SNCF. … en 1995, t’as fini la carte d’Europe en magnets Le Gaulois. … tu trouves que L’Auberge espagnole est un bon film malgré la tronche de cake de Romain Duris. … t’apprends que deux tiers des exportations bretonnes se font en Europe (64 % des marchandises expédiées, pour un volume de 7,2 milliards d’euros). Fat. … tu vibres encore en regardant l’égalisation de Sylvain Wiltord dans les arrêts de jeu en finale de l’Euro 2000. … t’as regardé Sébastien Tellier en voiturette de golf à l’Eurovision. … tu trinques avec des étudiants étrangers dans les pubs de Rennes, Brest, Lorient… Cheers ! La rédaction

SOMMAIRE 8 à 11 12 à 21 22 à 25 26 à 31 32 à 39 40 à 47 48 & 49

WTF : collab d’artistes, K7 audio, bière sans alcool, festivals de jeux vidéo... Giratoire park « L’Europe : proche et concrète » Les années babos Only GOT can judge me RDV : Psychotic Monks, Atoem, Arnaud Aymard, À la Recherche de Collignon, Taxi Kebab, Skøpitone Siskø... Kaamelott en Bretagne

50 BIKINI recommande 4

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Directeur de la publication et de la rédaction : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Brice Miclet, Mona Delahais / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Consultant : Amar Nafa / Couverture : Sabrina Mariez / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos partenaires, nos lieux de diffusion, nos abonnés, Émilie Le Gall, Louis Marchand. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - 1 bis rue d’Ouessant BP 96241 - 35762 Saint-Grégoire cedex / Téléphone : 02 99 25 03 18 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2019.





WTF

QUELLE DREAM TEAM ALLER VOIR ?

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INITIALS B.B.

Bertrand Burgalat, le boss du classieux label Tricatel, fête les 20 ans de la sortie de son premier album solo, The Genius of Bertrand Burgalat. Aujourd’hui encore, le Parisien apparaît comme l’un des chanteurs les plus fins et élégants de la variété française. Le 4 avril au festival Mythos à Rennes.

KOMPROMAT

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FOLK’S GANG AMADEUS

« La relève de Céline Dion », a osé Libé pour présenter Elisapie Isaac. Pas vraiment non, et tant mieux : la jeune quadra propose un blues folk délicat chanté en anglais, français et inuktitut, sa langue maternelle. Le 13 avril au Run Ar Puñs à Châteaulin, le 21 juillet aux Charrues et le 3 août au Bout du Monde.

« FAITES DU BRUIT »

ramdam

Belle endormie, la ville de Vannes a droit à un peu de bruit et de fureur au printemps grâce à l’asso locale Noz’n’Roll. Du 6 au 22 avril, elle organise son événement annuel baptisé L’Éveil du Boucan, avec un programme varié : concerts, foire aux disques, apéros sonores, chasse aux œufs le lundi de Pâques… C’est la fêêêêête ! 8

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Passer un mois au club Berghain dans la capitale allemande ? Julia Lanoë aka Rebeka Warrior l’a fait. Non pas pour y jouer ou faire la fête mais pour y bosser sa LV2. Kompromat est le nouveau projet qu’elle forme avec Vitalic, sept ans après leur première collaboration sur le titre La Mort sur la dancefloor. Alliant vieille techno berlinoise et punk rock mystique, le duo nous présente un album qui, selon eux, donne « envie de lever les bras au ciel et de danser en pleurant ». Si vous aimez ? Harley Quinn et Joker Quand et où ? Le 12 avril à Panoramas et le 19 juillet aux Charrues

BRAZILIERS

Pennie Smith

« UN PLUS UN ÉGALE… UN ! ET ÇA C’EST BEAU ! » AUSSI DOUÉS EN MATHS QUE JEAN-CLAUDE VAN DAMME, DES ARTISTES ALLIENT LEURS FORCES POUR CRÉER UN NOUVEAU GROUPE. UN POUR TOUS, TOUS POUR UN !

Braziliers, un nom qui donne envie de siroter des caïpirinhas sur la plage de Rio… à tort ! Optez plutôt pour un bon verre de vin issu du domaine Brazilier dans le Loir-et-Cher, terre natale du groupe Ropoporose. Pour leur nouveau side project, le frangin et la sœurette se sont lancés avec Piano Chat, ancien leader du groupe LadyBird Lala Band. Une camaraderie formée dans la chaleur de l’été, aux inspirations garage et pop. Tchin ! Si vous aimez ? Les Indestructibles Quand et où ? Le 19 avril à La Nouvelle Vague à St-Malo et le 20 avril à La Citrouille à St-Brieuc

THE GOOD, THE BAD AND THE QUEEN

Damon Albarn (Blur, Gorillaz), Paul Simonon (The Clash), Simon Tong (The Verve) et Tony Allen, pionnier de l’afrobeat : super casting pour supergroupe. Après un premier album en 2007, le groupe british (photo) revient avec Merrie Land chapeauté par Tony Visconti (producteur de Bowie). Un album en écho à l’actualité britannique et à son repli insulaire. La quatuor dépasse les frontières et sera présent pour la première fois en BZH au printemps. Si vous aimez ? Avengers Quand et où ? Le 7 juin à Art Rock à Saint-Brieuc Mona Delahais


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K7 AUDIO : BACK DANS LES BACS ?

UNE BOÎTE DE LA RÉGION RELANCE LA PRODUCTION DE CASSETTES. À VOS WALKMANS ! Société lannionaise spécialisée dans la fabrication de bandes magnétiques, Mulann a lancé depuis novembre la production de cassettes audio vierges sous la marque “Recording the Masters”. « On en écoule 30 000 par mois pour un marché international. USA, Japon… », situe Jean-Luc Ranou, le patron. Et la France ? « Des labels et artistes nous passent commande pour la sortie de séries limitées. C’est un secteur de niche mais qui ne demande qu’à renaître. » Chez le disquaire Blindspot à Rennes, on assure que la bonne vieille K7 n’a jamais vraiment disparu : « On en a toujours vendu. C’est confidentiel – de l’ordre d’une dizaine de ventes par mois – mais régulier. » Avec un avantage de taille : « C’est le support musical physique le moins cher, entre 4 et 7 euros. » Les majors recommenceraient même à s’y intéresser, la BO de Bohemian Rhapsody étant par exemple dispo sous ce format. « C’est bon marché et résistant donc pas mal de petits jeunes s’y sont mis », constate Renaud du disquaire Bad Seeds à Brest qui compte une cinquantaine de références de K7 en rayon. Si la production d’appareils n’a pas encore suivi le mouvement. « la vente d’occas’ de baladeurs et ghetto blasters explose sur le Net », observe Fred de Blindspot. Le premier walkman mythique de Sony s’arrache plusieurs centaines d’euros sur Ebay. 9


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BIÈRE SANS ALCOOL : AU RÉGIME SEC ? Sans vouloir être caricatural, le Breton aime la bière. Avec alcool, cela va sans dire. Pourtant, Yoann Thomas et Benoît Le Bozec font le pari de la sobriété. Il ont créé à Langonnet, dans le 56, la première brasserie artisanale du genre dans la région : la Kerreizh, une gamme de bières sans alcool (max 1,2° selon la législation), qui sera commercialisée à partir de juin après la réussite d’un financement participatif lancé en novembre. « On a récolté 5 000 euros pour nous équiper et tenter nos expérimentations. On a une blonde prête à mettre en vente et on fait des essais

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UNE BRASSERIE ARTISANALE DU COIN SE LANCE DANS LE CRÉNEAU PAS MAL DÉSERTÉ DU SANS ALCOOL. AVEC LA PROMESSE D’APPORTER DU GOÛT FACE AUX FADASSES BUCKLER ET TOURTEL. MALIN.

avec du miel ou du sirop d’érable. » Les deux garçons sont sûrs de leur coup. « Le marché du sans alcool est squatté par les grandes marques type Heineken ou les spécialisées comme Buckler mais ce sont des bières plates. Les abstinents, les femmes enceintes, les Sam et tous ceux qui veulent mettre le frein niveau bibine ont droit aussi à du goût », assurent-ils.

Pour brasser du sans alcool, il faut jouer sur le dosage en sucre et la montée en fermentation. Une méthode pas si compliquée mais qu’on ne maîtrise pas chez Coreff, reconnaît son boss Matthieu Breton : « On ne sait pas faire alors on laisse d’autres s’en occuper. On a récemment élargi notre offre avec des bières à l’hibiscus et au rhum, ça nous bouffe assez d’énergie comme ça. » Chez Britt aussi, on laisse ça aux autres, sa responsable marketing Audrey Guyonvarch pointant le fait que le sans alcool représente un marché de niche : « 3 % du global. Nous avons choisi de nous concentrer sur les 97 % restants. » R.D

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MADE IN BRETAGNE

Le festival Made est désormais bien installé à l’agenda culturel, avec une quatrième édition toujours tournée vers une prog’ techno plutôt pointue d’où émergent deux têtes d’affiche : Breakbot, avec sa tête de Jésus Christ, et La Fraîcheur (photo), DJ française installée à Berlin. Cours de rattrapage pour celles et ceux qui l’ont loupée aux dernières Trans Musicales, où son set bien vénère a impressionné. Du 23 au 26 mai à Rennes (Parc des expos, 1988 Club, Gayeulles…).

ANTHROPOPHAGIE Les morfalous de Cannibale mélangent allègrement garage rock avec de la cumbia ou de l’afrobeat. Les Normands déboulent dans la région pour trois dates : le 12 avril à La Carène à Brest, le 26 avril à L’Hydrophone à Lorient et le 2 mai aux Embellies à Rennes. 10

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JEUX VIDÉO : « HERE WE GO »

PLUSIEURS RENDEZ-VOUS GAMING SQUATTENT L ’AGENDA DU PRINTEMPS BRETON. PRESS START. STUNFEST Le festival rennais a bien grandi, jusqu’à devenir l’un des principaux tournois d’Europe de jeux de combat, Street Fighter en tête. En plus de ces compet’, la 15e édition du Stunfest délivre une prog XXL : rétro-gaming, jeux d’auteur, conférences, expo, concerts, performances vidéoludiques (speedrunning et scoring)… Quand ? Du 13 au 19 mai au Liberté à Rennes

WEST COAST PLAY Ateliers cosplay, tournois, rencontres, goodies kawaï… Pour sa seconde édition, ce rendez-vous sud-finistérien continue son exploration de la culture gaming japonaise. Quand ? Le 1er juin à L’Archipel à Fouesnant

GAMING PARTY Dans le cadre du festival Urbaines, l’Hydrophone se transforme en salle de jeux vidéo pour une journée 100 % gaming. En boss de fin : le concert des Lillois de Shiko Shiko qui viennent avec leur Ultimate Bits Battle (photo), expérience unique mêlant live, jeu et talk-show autour des Tortues Ninja. Cowabunga ! Quand ? Le 6 avril à L’Hydrophone à Lorient 11


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GIRATOIRE PARK

GILETS JAUNES, PRIORITÉ À GAUCHE, MOBILITÉ URBAINE ET SCULPTURES XXL : ROAD-TRIP MONOMANIAQUE DANS LE MONDE FANTASTIQUE ET INSOUPÇONNÉ DES RONDS-POINTS. 12

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’est presque devenu sa deuxième maison. Tous les jours après le boulot, Florent, parka jaune fluo sur le dos, vient passer une à deux heures sur le rond-point de Kernilien à l’ouest de Guingamp. « Depuis le 17 novembre, premier week-end de mobilisation, je suis là. J’ai juste pris quelques jours pour souffler pendant les vacances de Noël », expose ce quinquagénaire, père de cinq enfants, qui travaille chez Emmaüs. En ce mardi après-midi de la fin février, ils sont à peine une dizaine de Gilets jaunes à occuper l’abribus qui borde le giratoire. « En semaine, on est peu nombreux, mais c’est important d’être toujours présent. C’est symbolique. Ça fait trois mois qu’on se fait ch… à venir ici, c’est pas pour laisser tomber maintenant. Et si ça doit durer un an, ça durera un an, promet Florent

qui liste les raisons de sa révolte. Justice fiscale, démocratie directe, pouvoir d’achat… » À ses côtés, Myriam, Gilet jaune depuis le début également, embraye : « Pour chaque dépense, je suis obligée de calculer, même pour des bricoles. Comme tout à l’heure quand j’ai pris des Pitch à mes enfants pour le goûter. Ça ne peut plus durer comme ça. »

En pleine forêt Une colère et une souffrance que les Gilets jaunes ont décidé de montrer ostensiblement sur l’espace public, faisant du giratoire la caisse de résonnance de leur contestation. « Quand le mouvement s’est lancé, tout le monde s’est réuni sur les ronds-points, rembobine Myriam. Les premières revendications concernaient le prix du carburant, il y avait donc une certaine logique. C’était aussi des endroits stratégiques pour faire des

« Le rond-point, un lieu

idéal pour manifester » 14

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barrages et attirer l’attention… » « Pour manifester, c’est le lieu idéal, poursuit Florent. Avec le nombre de voitures qui passent, ça permet d’être vu par le plus grand nombre, sans doute plus qu’en centre-ville. Et puis, le fait d’être là tous les jours, c’est notre façon de montrer aux gens qu’on reste mobilisé. » Penn ar C’Hleuz à Brest, Brézillet à Saint-Brieuc, Atlantheix à Vannes, Le Naye à Saint-Malo... En Bretagne, comme en France, les rondspoints se sont imposés comme les principaux bastions de la fronde sociale actuelle. Des camps de base et des points de rassemblement, mais pas seulement. « On est en train de monter un jardin partagé et participatif sur un terrain juste à côté, indique Florent. Les Gilets jaunes qui en ont besoin pourront venir se servir. Une action concrète et solidaire. » Une facette politique et militante qu’on n’aurait pas forcément prêtée à ces aménagements routiers il y a encore peu de temps. Si des contestations d’envergure ont pu naître à l’étranger sur des ronds-points (à


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l’image de la place Tahrir au Caire, devenue l’épicentre du Printemps arabe en 2011), jamais les giratoires français n’avaient véritablement dépassé leur fonction première. Des équipements de voirie qui ponctuent nos déplacements, nos routes, nos paysages. Il suffit de rouler quelques kilomètres pour en croiser un. Si l’écrivain irlandais James Joyce estimait qu’il était impossible de traverser Dublin sans passer devant un pub, on pourrait dire que c’est un peu pareil avec les ronds-points en France. Et pour cause : avec près de 50 000 giratoires actuellement recensés, notre pays est le champion du monde (« Second poteau Pavaaaaaaaard »). Le tout soutenu par une croissance folle : leur nombre a quasi doublé en l’espace d’une dizaine d’années. Résultat, on en retrouve partout, aussi bien en ville que dans des petits bleds. Et même au milieu des bois, comme dans la forêt domaniale de Rennes où une quinzaine de giratoires viennent quadriller les 3 000 hectares d’arbres. « C’est un héritage de la chasse à courre, explique Franck Muratet, responsable 35 de l’Office national 15


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des forêts. Cela servait de points de repère pour mieux localiser la bête et voir sa progression. Aujourd’hui, cela n’a plus d’utilité car on n’y chasse plus. Idem pour le trafic : les véhicules extérieurs ne sont pas autorisés. » Si c’est dans les Pays de la Loire qu’on compte le plus de rondspoints, la Bretagne arrive juste après. « Notre région est propice à ce genre d’aménagements puisqu’elle affiche une densité de routes et de chemins particulièrement forte, en lien avec le territoire de bocage et un habitat dispersé, allant de la maison isolée à la grande ville », situe le géographe breton Jean Ollivro (lire par ailleurs ci-dessous). C’est à partir des années 1980 que les giratoires ont proliféré et sont devenus une norme d’aménagement. Pourtant, tous ne se justifient pas. Quand on arrive

dans certaines petites communes, on tombe sur deux ou trois rondspoints, alors qu’il n’y a même pas de routes transversales… Cela est sans doute fait par automatisme. Mais cela révèle la vision planificatrice du pays où, dès qu’un équipement semble pertinent à un endroit, on le reproduit partout sans souci de la cohérence des lieux et des réels besoins. »

Poisson d’avril Des “carrefours giratoires” (c’est le terme technique exact) dont la ville de Quimper est – en partie – à l’origine puisque c’est en 1976 dans le quartier du Ludugris qu’est né l’un des tout premiers « ronds-points anglais » de France. À l’époque, la ville finistérienne compte parmi les lieux d’expérimentation de ces nouveaux aménagements. Ce qui

est alors une révolution. « La priorité à gauche va devenir une réalité et ce n’est pas un poisson d’avril », annonçait même Noël Mamère (avec une superbe moustache) dans son journal du midi

« UNE CENTRALITÉ QUI NE SERT À RIEN »

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Jean Ollivro, géographe breton, spécialiste de l’aménagement du territoire. De quoi le rond-point est-il selon vous le symbole ? En breton, on parle de “kroashent”, ce qui signifie la croix des chemins, et même parfois de “kroashent tro” : le tour de la croix des chemins. Nous sommes dans une vision presque religieuse de l’espace où 16

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tout peut se passer. Presque un tournant de vie. Un “rond-point”, ça induit une logique totalement différente puisqu’on tourne autour d’un point qui n’a pas d’utilité. On y a créé un vide. Ce sont pourtant là que les Gilets jaunes se sont installés. Ce choix vous a-t-il surpris ? Le rond-point est le symbole d’une volonté à tout prix circulatoire. C’est l’apologie de la circulation pour limiter les arrêts. Dans un

monde de vitesse et de mobilité, se faire entendre peut passer par le fait de bloquer ou gêner la mobilité des autres. Les ronds-points apparaissent ici comme de nouveaux centres névralgiques… Quand cinq ou six routes convergent en un même endroit, cela devient vite stratégique. Il s’agit d’un réseau en étoile. C’est sur ce même principe que des centralités urbaines ont été créées à l’échelle

nationale en rabattant des flux sur un même point. Les rapports entre les périphéries ne sont pas vraiment prises en compte. Ce type de réseau permet de se mettre au milieu des autres et de créer des centralités de pouvoir. C’est comme ça que Paris est devenue ce qu’elle est. On a depuis reproduit cela un peu partout avec les logiques de métropole. Le problème du rond-point, c’est qu’on a créé une centralité qui ne sert à rien.


Collection Archives municipales de Quimper - 9 FI collection Kerisit

sur Antenne 2. Un test quimpérois jugé concluant puisqu’il débouchera sur la généralisation de cette règle de conduite à partir du premier mai 1984 sur l’ensemble du pays. Parmi les villes qui se sont particulièrement appropriées cet équipement : Brest, commune bretonne qui en possède le plus. « À l’échelle de la métropole, on compte 330 carrefours giratoires, situés sur les axes où il y a des flux importants. Ce qui représente près de 7 % des intersections, situe Philippe Rybski, directeur de la voirie à Brest Métropole. On s’est rendu compte à l’usage que cela avait beaucoup de vertus, la première étant la sécurité routière. Avec un rond-point, vous êtes obligé de ralentir ! » « Sur les cinq dernières années, la gravité des accidents (c’est-à-dire le nombre de blessés graves et de tués) sur les giratoires est en effet six fois plus faible que sur l’ensemble des accidents de la collectivité, précise Agnès Le Gléau, de la direction des déplacements brestois. Cela permet également de mieux fluidifier le trafic car on limite les arrêts non nécessaires. » 17


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« Pour la décoration, il n’y a pas forcément de logique » Longtemps synonyme du “toutvoiture”, le giratoire s’avère même désormais un précieux et efficace outil dans les nouvelles politiques de transport urbain. Un atout étonnant que confirme Alain Écobichon, adjoint aux espaces publics de la Ville de Saint-Brieuc, actuellement en pleins travaux avec la construction de la prochaine ligne de bus Est-Ouest.

service et de régularité. » Une promesse qui nécessite la mise en place de nouveaux giratoires disposant d’un couloir central où seuls les bus sont autorisés. « C’est ce qu’on appelle les ”ronds-points percés”. Les bus ont ainsi la priorité, ce qui n’était pas le cas avec les giratoires classiques. » Un dispositif qui signe par ailleurs la fin du fameux double rond-point de Saint-Brieuc, véritable cauchemar pour tous les Ronds-points percés élèves d’auto-écoles. « Si les giratoires tels qu’on les Des exemples d’application aussi connaît se sont imposés à une cer- étudiés par la Ville de Brest. « Les taine époque, les choses ont bien ronds-points sont des outils intéressûr changé depuis. La mobilité est sants lorsqu’on veut intervenir sur la questionnée et de nouveaux modes circulation. Dans ceux où il y a des de déplacement doivent émerger. flux dominants, on peut favoriser À Saint-Brieuc, nous souhaitons certains types de véhicules grâce à aujourd’hui favoriser le dévelop- des feux de contrôle. Si on se rend pement d’un bus à haut niveau de compte qu’un bus va être retardé,

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des feux peuvent passer au rouge sur les voies sécantes afin qu’il soit prioritaire. Ce que nous avons par exemple mis en place au nouveau rond-point près du Quartz », ajoute Agnès Le Gléau.

Andouille géante Des avantages sécuritaires et circulatoires, mais pas que. Plus que de simples équipements routiers, ces giratoires sont devenus des objets de marketing territorial à part entière pour de nombreux élus. Certaines communes en ont même fait une spécialité, garnissant chaque rond-point de sculptures et installations grand format. C’est le cas de Fouesnant dans le sud-Finistère dont la traversée se transforme en un curieux safari : homard, panda, vache, baleine, tortue, diplodocus… C’est de toute beauté. Maire depuis trente ans de cette cité balnéaire, Roger Le Goff est méga fier de ces installations.


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« Cela participe à notre politique globale de qualité d’accueil, en plus de notre travail fait sur le fleurissement de tous nos espaces publics. Quasiment tous nos ronds-points sont aménagés, avec une décoration qui varie régulièrement. Ça permet de changer de l’ordinaire, d’attirer le regard et de donner une identité à la commune : on est plutôt connu avec nos giratoires !, se félicite l’élu qui reconnaît cependant qu’il n’y a pas vraiment de ligne directrice dans le choix des installations. C’est à l’imagination de nos agents municipaux qui ont quartier libre. Il n’y a pas forcément de logique, même si naturellement cela porte souvent sur la mer. » Un exemple qu’aimerait bien suivre René Le Moullec, maire de Guéménésur-Scorff dans le Morbihan. « La première impression qu’on a lorsqu’on arrive dans une commune, ce sont les entrées de ville, à savoir les rondspoints. Il fallait donc les valoriser et les aménager pour en faire des outils de communication et de promotion. »

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Philippe Sidot

Dominique Vérité

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« Ce ne sont pas des non-lieux, mais des objets politiques » C’est ainsi qu’en février dernier le giratoire de la Motten, sur la route en direction de Lorient, s’est paré d’une andouille géante. « Elle mesure 1 m 30 de long et pèse 160 kilos », précise Erwan Baudic, l’agent municipal qui l’a taillée dans un pied de sapin entier. Le résultat est plutôt bluffant. « Surtout qu’à part le travail sur la peau de l’andouille réalisée avec du goudron, ça a été relativement facile. Les cernes du bois reproduisent naturellement les chaudins de l’andouille. » C’est vrai.

son andouille : c’est selon moi le premier vecteur d’attractivité. Il nous faut communiquer davantage dessus et ce rond-point y participe pleinement. » Si la mise en avant du patrimoine local est souvent au cœur des décorations, des projets artistiques peuvent également y trouver un terrain de jeu. Sculpteur-ferrailleur, le Quimpérois Marc Morvan s’est positionné sur ce créneau, installant ses pièces XXL dans de nombreux ronds-points de la région. Parmi les plus notables, le homard géant sur le giratoire du port de commerce « On ne fait pas mieux » de Brest en 2016. « 17 mètres de De quoi ravir René Le Moullec : long et 9 tonnes : c’est le plus gros « C’était important de mettre en homard du monde, même si je ne avant ce produit qui fait partie l’ai pas fait valider par le Guinness de l’identité de la ville. Guéméné Book car c’était payant, annoncea une chance incroyable d’avoir t-il d’entrée. Pourtant à la base, 20

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mes sculptures monumentales n’avaient pas vocation à être sur les ronds-points. Mais je me suis rendu compte qu’il s’agissait en réalité de lieux d’exposition intéressants car : vus par tous, à 360° , de jour comme de nuit. En termes de visibilité, on ne fait pas mieux. »

« Une perversion des usages » Même topo de la part de Philippe Sidot et Charlotte Carsin, deux plasticiens rennais, qui depuis quelques années bossent sur pas mal de giratoires. « Nous en sommes aujourd’hui à une quarantaine de pièces. Nos sculptures sont plutôt colorées, ce qui plaît car ça attire l’attention. » S’ils exposent dans leur propre galerie et disposent déjà d’un bon carnet d’adresses (collectionneurs, entreprises…), les deux artistes ne minimisent pas pour autant l’importance des ronds-points. « On pourrait penser que ce n’est pas un lieu d’exposition prestigieux, mais il ne faut pas raisonner comme cela. Nous le prenons même comme une forme de reconnaissance, cela veut dire que notre travail peut toucher le plus grand monde. Au-delà de l’intérêt financier non négligeable (ce n’est pas mirobolant mais ça nous fait travailler), cela peut aussi déboucher sur des retombées intéressantes : des galeries nous ont déjà appelés après nous avoir découverts sur des ronds-points. » Un début de réhabilitation pour des équipements routiers souvent moqués et pointés du doigt. Un regard nouveau que porte également le vidéaste Pierre Goetschel, auteur en 2010 du documentaire Rond-Point, un road-trip obsessionnel sur les giratoires du pays (dont


pas mal en Bretagne). « Beaucoup de personnes les considèrent comme des non-lieux alors que c’est en fin de compte tout l’inverse. Ces objets strictement techniques à l’origine sont devenus politiques car ils révèlent des logiques de découpage du territoire et de développement du périurbain. Ce qui peut parfois produire du non-sens et de l’absurde. Des lieux typiques de notre monde actuel, entre grandeur et misère, analyse le réalisateur, ravi que les Gilets jaunes aient choisi de les investir. Ils se sont appropriés le symbole d’une société divisée pour en faire un lieu de revendication sociale. Il y a une certaine subversion à faire d’endroits extrêmement rationnels des foyers de contestation. C’est une perversion des usages que je trouve réjouissante. » Basée à Fougères, l’autrice et illustratrice Anne Poffa s’est elle aussi penchée sur ces équipements qu’elle a vu fleurir au cœur de sa ville il y a vingt ans. « À cette époque, c’était une véritable épidémie. Chaque semaine, je voyais apparaître un nouveau rond-point. Je les ai alors tous dessinés pour les regrouper dans un guide inédit. J’y ai vu la volonté d’une vieille ville granitique de se propulser dans un 21e siècle pétaradant. Au patrimoine ancien, figé dans l’Histoire, on répondait par l’ajout d’un patrimoine nouveau, explique la Fougeraise qui a voulu voir du beau dans ce que beaucoup considèrent comme l’emblème de la “France moche”. Avezvous vu le film Playtime de Jacques Tati ? Dans la dernière scène, on voit un magnifique giratoire se transformer en carrousel par le flot incessant des véhicules… Un clin d’œil à l’anglais “roundabout”, qui signifie à la fois rond-point et manège. » Julien Marchand 21


INTERVIEW

DANS LEUR DOCUMENTAIRE « TOI D’EUROPE », SOPHIE ET MATHILDE HÉRIAUD, DEUX SŒURS ORIGINAIRES DE CHÂTEAULIN, TRAVERSENT LE CONTINENT POUR QUESTIONNER LE DÉSIR EUROPÉEN DES JEUNES GÉNÉRATIONS. UN ÉTAT DES LIEUX DE LA COTE D’AMOUR DE L’UNION, AVANT LES ÉLECTIONS DE MAI PROCHAIN. vant de vous lancer dans ce road-trip documentaire, quel était votre rapport à l’Europe ? Nous avons toujours vécu l’Europe de façon très proche et concrète, que ce soit par les vacances avec les parents, les échanges à l’étranger au lycée, les programmes Erasmus lors de nos études, nos amis qui viennent d’un peu partout... Ça a toujours été quelque chose de naturel. Par contre, et c’est ce qu’on a voulu montrer avec le documentaire, dès qu’on se penche sur les institutions, cela apparaît tout de suite plus abstrait.

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Qu’est-ce qui vous a motivé à interroger des jeunes de tous les pays ? L’année 2017 a été riche en actualité, avec en point d’orgue le Brexit. Un événement qui a été un déclencheur : c’est à ce moment qu’on s’est décidé à partir toutes les deux en Angleterre à la rencontre des pro et anti-Brexit afin de voir de plus près ce qu’il en était. Cette première étape était symbolique pour notre projet de documentaire : avec Toi d’Europe, on voulait rencontrer des jeunes de 18 à 35 ans pour savoir comment ils imaginaient l’Europe de demain. 22

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En tout, 80 personnes de 23 pays sont interviewées. Que disent-elles ? L’idée n’était pas de dire si l’Europe est positive ou négative, mais d’exposer les attentes de jeunes citoyens de sensibilités diverses. Dans un moment où les europhobes se font entendre, il faut souligner que la quasi-totalité des gens interrogés ne souhaitent pas sortir de l’UE. Y compris chez certains sympathisants d’extrêmedroite, à l’image des membres du parti Jobbik en Hongrie. Pour autant, tous souhaitent que l’Europe change. Les avis varient selon les pays ? Le contexte local entre en jeu : en Europe du nord, le discours porte davantage sur l’écologie ; en Grèce, la question économique est centrale ; en Europe de l’Est, le volet social demeure très présent... Comment sentez-vous les élections européennes du 26 mai ? Nous sommes sur un scrutin qui n’attire pas les gens. C’est un problème car il s’agit de “vraies” élections. Et non d’un vote de mi-mandat de confiance au président en place. On va ici élire des députés qui vont décider de lois sur l’agriculture, la pêche, l’économie... Des directives qui portent sur des choses du quotidien. Au-delà des élections, comment développer le sentiment européen ? Il faut des actions communes qui fédèrent, à l’image d’Erasmus. Les jeunes que nous avons interviewés reconnaissent que cela sera compliqué de créer un consensus sur l’aspect économique ou social, du fait des désaccords entre les pays. Mais beaucoup pensent néanmoins qu’un domaine peut mettre tout le monde d’accord : l’écologie. Si des objectifs sont trouvés collectivement, ça peut créer une nouvelle dynamique. Recueilli par Julien Marchand Diffusions et infos : www.toideurope.eu 23


INTERVIEW

« POUR MOI, L’EUROPE IDÉALE C’EST... » AWENA DOLL, 17 ANS, MILITANTE RASSEMBLEMENT NATIONAL, BREST

Quels avantages trouvez-vous à l’Europe ? C’est le continent des grandes découvertes et de la réussite industrielle comme Ariane ou Airbus. Mais ces exemples ne doivent rien à l’UE. Ils sont le fruit de coopérations entre nations. À l’inverse, quels défauts pointezvous ? C’est l’immigration massive, la misère sociale, le chômage de masse, la mort de notre industrie et de notre agriculture... Que faut-il changer ou garder de l’UE actuelle ? La suppression de la Commission européenne afin de laisser les États être les seuls maîtres des décisions qui les concernent, en la remplaçant par un nouvel organe mettant en œuvre des projets auxquels les nations décident ou non de participer.

TUGDUAL LE LAY, 29 ANS, MILITANT GÉNÉRATION-S, GUINGAMP

Quels avantages trouvez-vous à l’Europe ? C’est le bon échelon pour traiter des urgences auxquelles nous faisons face. C’est aussi un formidable moyen de réaliser que tous les citoyens européens font face aux mêmes difficultés et ont des aspirations similaires : démocratie participative, normes de santé élevées, transition écologique et sociale, justice économique et fiscale. À l’inverse, quels défauts pointezvous ? Elle manque de transparence et conduit une politique ultra-libérale qui oublie l’intérêt général des citoyens européens. Elle ne répond fondamentalement pas aux défis auxquels ses propres citoyens sont confrontés et elle ne les invite pas à participer.

Que faut-il changer ou garder de l’UE actuelle ? L’Union doit rester un espace politique européen où les différentes sensibilités négocient. S’il y a une chose à garder, c’est ça. Les traités devraient en revanche mettre la solidarité devant la libre concurrence. L’orientation politique, devant tant d’échecs et d’incompréhensions, devrait être réorientée pour être enfin en accord avec ce que les citoyens attendent d’elle. Vous voyez comment l’Europe dans 20 ans ? Je vois une Europe citoyenne, sociale, démocratique qui puisse répondre concrètement aux aspirations de ses citoyens… ou elle ne sera plus, parce que les citoyens n’y verront aucun intérêt. D’où la nécessité de proposer un projet porteur d’espoir.

ANTOINE ESNEAULT, 20 ANS, MILITANT LA RÉPUBLIQUE EN MARCHE, RENNES

Quels avantages trouvez-vous à l’Europe ? La circulation des biens et des personnes est un principe fondamental. La jeunesse européenne échange librement, peut étudier ou travailler dans les pays voisins. C’est un inestimable vecteur d’émancipation rendu possible par les pères fondateurs de l’Europe au sortir d’un conflit meurtrier. 24

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À l’inverse, quels défauts pointezvous ? L’Europe est parfois vue comme technocratique mais c’est d’abord un problème de méconnaissance. Il ne faut pas s’arrêter aux aprioris négatifs trop souvent véhiculés. Après, elle est toujours améliorable, notamment au niveau de l’harmonisation fiscale. Que faut-il changer ou garder de l’UE actuelle ? Je crois qu’il faut

cesser d’être timidement européen ou se cacher de l’être. Il faut en être fier et considérer l’UE comme une chance pour rivaliser avec les autres grandes puissances que sont les États-Unis ou la Chine. Vous voyez comment l’Europe dans 20 ans ? J’aimerais une Europe moins pessimiste. Et des Européens conscients de la chance qu’ils ont de vivre dans cet espace.


EMMA FOURREAU, 19 ANS, MILITANTE FRANCE INSOUMISE, RENNES

Quels avantages trouvez-vous à l’Europe ? Je suis une enfant d’Erasmus née de parents qui se sont rencontrés par ce biais, donc c’est un programme auquel je trouve bien des vertus. On attribue également souvent à l’Union européenne l’avantage de la paix retrouvée mais c’est oublier qu’elle n’a pas empêché la guerre en ex-Yougoslavie. À l’inverse, quels défauts pointezvous ? C’est une entité bureaucratique trop éloignée des citoyens. De plus, elle n’est pas vraiment démocratique, dans le sens où ce n’est pas le parlement qui est à l’initiative des lois mais la Commission européenne. Que faut-il changer ou garder de l’UE actuelle ? L’harmonisation fiscale et sociale est une priorité non négociable pour éviter le dumping social. Sans possibilité de mettre en place une politique plus équitable au sein de l’Union européenne, il faut menacer d’en sortir. Mieux vaut brandir cette menace que de devoir infléchir nos idéaux. Vous voyez comment l’Europe dans 20 ans ? L’Union européenne a été bâtie sur une idéologie intrinsèquement libérale. Par conséquent, je suis assez pessimiste sur son futur car c’est un modèle sans avenir selon moi. Pour autant, la coopération entre les États doit continuer : entre États européens mais aussi avec les pays du bassin méditerranéen. Recueilli par Régis Delanoë 25


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IL Y A 20 ANS LE PHÉNOMÈNE TRYO NAISSAIT, DÉCOMPLEXANT UNE SCÈNE REGGAE SKA FESTIF QUI SQUATTAIT TOUS LES FESTIVALS DU COIN. UN REVIVAL HIPPIE À BASE DE CUIVRES, DE CHANSONS ÉCOLO ET DE T-SHIRT GOÉLAND. TIGUIDAP-TIGUIDAP ! ’est d’abord l’histoire d’un rendez-vous manqué. Lamballe, lycée SaintJoseph, classe de seconde, premier trimestre 1998/1999. Les occasions à l’époque étaient rares d’assister à un concert, un vrai. Un soir pourtant, un jeudi de mémoire, la vieille salle des fêtes de la ville avait fait le plein pour assister au phénomène musical du moment : Tryo. Tous mes potes en étaient, le bahut entier semblait même les avoir accompagnés tant on ne parlait que de ça les jours qui suivaient dans la cour de récréation, au self et au coin fumeur. J’avais loupé ça, j’habitais loin dans 26

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la cambrousse, j’avais pas de mob, c’était en semaine, bref. Un raté que j’ai longtemps regretté, même si la mode Tryo m’a vite passé pour des trucs plus rock. N’empêche, beaucoup d’ados de cette époque ont été marqués par ce groupe et l’énorme hype qu’il a générée. Des ados bretons surtout. Et pour cause : c’est dans cette région qu’il a le plus tourné en cet automne 1998 pour défendre son premier album, le mythique Mamagubida avec son imparable tube L’Hymne de nos campagnes. « On était de région parisienne mais on avait des attaches fortes avec la Bretagne où j’ai passé une partie de

mon enfance, explique Guizmo le chanteur, installé depuis quelques années à Québriac où il loue des gîtes entre deux projets musicaux. Le morceau L’Hymne de nos campagnes, c’était notre quotidien : on était des babas cool qui fumaient des joints dans leurs tipis en vivant tous un peu les uns sur les autres. On crée Tryo, on enregistre ce premier album en autoproduction totale et on se barre en tournée pour le défendre. On a écumé la région, Dinan, Guingamp, Brasparts… Partout où on voulait de nous, on allait. » Le bouche à oreille fonctionne à plein dans cette France des balbutiements d’Internet.


En quelques semaines, la machine est lancée. « On nous invite aux Trans cet hiver-là où on joue avant Cypress Hill, alors qu’on était à la salle des fêtes de Saint-Cast pas longtemps avant, le délire… À la Fnac de Rennes, les vendeurs étaient tellement fans qu’ils nous avaient mis en tête de gondole devant la B.O de Titanic. Les CD partaient comme des petits pains, une folie. » Il s’en écoulera plus de 500 000 exemplaires au total. L’été qui suit, c’est logiquement sur la grande scène des Vieilles Charrues qu’ils triomphent devant un public de jeunes babos en t-shirt Goéland et barrette de shit dans la poche du baggy. Programmateur du festival carhaisien, Jean-Jacques Toux se souvient d’une « ferveur de dingue » pour ces vingtenaires qui chantent l’amour, l’écologie et le vivre ensemble avec une joyeuse naïveté.

« Comme un revival hippie » « Le reggae à l’époque, c’était Toots & The Maytals, Israel Vibration, les Skatalites… Des mecs de Kingston avec une musique incroyable mais d’un abord abrupt. Là t’as des petits jeunes qui débarquent avec gentillesse et respect, hyper frais, pas prise de tête, un reggae positif… Forcément ça a plu. » Loin de la misogynie voire de l’homophobie qui gangrène trop souvent le reggae jamaïcain (Capleton sera d’ailleurs rayé de la prog d’Art Rock en 2005 pour des propos anti-gay), Tryo chante le féminisme dans son morceau Un Homme qui aime les femmes. Un discours fleur bleue assumé par les intéressés (« on était des gentils, pourquoi se prendre pour d’autres ? », questionne Guizmo) et qui rassemble cette génération de jeunes humanistes des années Jospin, d’avant Le Pen au second tour et le 11 septembre. « Rétrospectivement je le vois un peu comme un revival du mouvement hippie : faites l’amour, pas la guerre… et fumez des gros oinj ! », s’amuse Jean-Jacques Toux. 27


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Présents à cette même édition 1999 des Vieilles Charrues, les locaux de Rasta Bigoud sont eux aussi en pleine bourre et surfent à plein sur cette vague du reggae festif. « Cette année-là, le festival durait six jours et on était programmé en ouverture le mardi soir, avec Gilles Servat en première partie. Gilles Servat quoi, la blanche hermine ! 8 000 personnes dans la fosse, une dinguerie », se remémore Rich’ le chanteur. Les “Rasta” s’étaient formés à Douarnenez fin 1995 et écumaient depuis déjà pas mal de temps les caf’conc’ et salles des fêtes de Bretagne-ouest. « Il y avait à l’époque une vitalité culturelle qui a malheureusement un peu disparu aujourd’hui, poursuit Reynald, guitariste de la troupe. Tout était prétexte à la fête et aux concerts. On est tombé au bon moment certainement. » Et le reggae festif, dans son ensemble, avec lui. « C’était une période vraiment propice pour que ça décolle,

analyse le Rennais Vincent Jégu, auteur de Reggatta de blanc, le reggae hors Jamaïque sorti l’an passé. Cette scène ne vient pas de nulle part, elle est l’héritage du milieu alternatif de la décennie précédente : les Garçons Bouchers, les Négresses Vertes, les Rita Mitsouko et surtout la Mano Negra en trait d’union. Ces groupes comme Sinsémilia, les Fils de Teuhpu, Sergent Garcia, Babylon Circus, Les Caméléons, la Ruda Salska ou Spook & The Guay ont su profiter du réseau indé créé par leurs aînés en y apportant leur touche. » Une base reggae, ska et/ou dub d’inspiration jamaïcaine, des emprunts aux musiques hispanisantes et sud-américaines (merci Manu Chao pour l’idée), du chant français bien de chez nous et des textes qui touchent la jeunesse d’alors et sonne avec l’actu (« Nous avons un président de la République qui fait exploser des bombes dans l’océan Pacifique, (…) Hirochirac panique au

Pacifique ! », extrait d’Hirochirac le premier tube de Rasta Bigoud, en réaction aux essais nucléaires à Mururoa) : la recette gagnante pour une ambiance festive assurée. « C’était des jeunes qui ressemblaient aux festivaliers qu’il y avait en face d’eux, il y avait un phénomène d’identification très fort, note Jean-Jacques Toux. Et puis c’était des bêtes de scène. Comme ils étaient nombreux, avec souvent une

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« LE REGGAE EST LOIN D’ÊTRE MORT » Alexandre Grondeau, auteur de Reggae Ambassadors, 100 % reggae français. C’était quoi, le reggae français il y a 20 ans ? Les années 90 constituent une période faste du genre avec les succès publics de Raggasonic, Pierpoljak ou Nuttea : des groupes et artistes issus de la culture urbaine des soundsystems et des squats. À ce courant 28

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“historique” se rajoute à la fin de la décennie une nouvelle tendance qu’on peut qualifier de “reggae festif”, dont les origines sont plus à trouver du côté de la scène du rock alternatif. Sinsémilia, Tryo, Percubaba, K2R Riddim, les Fils de Teuhpu et Ruda Salska sont les enfants de la Mano Negra, de Ludwig Von 88 et des Bérus. On trouve aussi dans l’état d’esprit des similitudes avec le milieu des free parties, très actif à l’époque.

Deux écoles ont donc cohabité ? Oui, et à l’époque sans vraiment s’apprécier. Il y a un côté reggae des villes et reggae des champs, avec des postures artistiques différentes. Le reggae festif n’est pas non plus une famille très unie mais un point commun va contribuer au succès populaire de ses groupes : l’énergie scénique. Beaucoup de groupes de cette scène ont cessé leur activité vers le milieu des

années 2000. Peut-on parler de déclin ? Le reggae français est loin d’être mort car des artistes comme Dub Inc, Danakil, Naâman, Biga Ranx ou Yaniss Odua ont pris le relais. Ce sont des machines de guerre qui remplissent les grosses salles. Il n’y a jamais eu en France autant de festivals spécialisés. La différence majeure en 20 ans, c’est le mépris médiatique que cette scène subit. Eux n’ont pas changé, ni dans l’approche artistique ni


section cuivre, ils faisaient du bruit et occupaient l’espace des grandes scènes de festivals, c’était idéal. » Les champions locaux en la matière étaient les Percubaba, « douze sur scène et dix-huit sur la route, calculent Gaston et Dup, deux des membres historiques de cette bande de potes formée en 1997 au lycée Maupertuis à Saint-Malo. On avait acheté deux vieux camions pour trimballer tout le monde avec le matos. » dans le discours, c’est la perception qu’on en a qui a changé. Il y a une forme de snobisme : le reggae c’est roots, c’est sale, alors on n’en parle pas. C’est pourtant l’un des courants musicaux les plus dynamiques et il a gardé son côté contestataire, au soutien de mouvements comme Nuit Debout, les Gilets jaunes ou SOS Méditerranée. Les Tryo and co avaient eux aussi déjà une approche militante… Oui mais c’était un militantisme accepté par la presse bien-pensante de l’époque car il restait dans les clous. Pour schématiser, c’était un discours tiers-mondisme de salon sociologiquement compatible avec la pensée de gauche d’alors, celle des années Jospin. 29


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« On essayait d’aller faire le plein en Hollande » Les “Percu” ont sillonné toute la France et les pays voisins avec leur reggae mutant vers le rock et le hiphop : les Vieilles Charrues en 2000, le Bout du Monde l’année suivante, le festival de Dour quatre fois, la tournée des Zénith en première partie de Tryo… « On jouait partout où on voulait de nous, on a tourné comme des malades. Entre 2000 et 2001, on cumule 190 dates. » Parfois dans des rades improbables, comme ce soir en Allemagne où, faute de place, Matt le batteur installe ses fûts et cymbales sur un billard… « C’était des musiciens qui n’étaient pas exigeants et qui avaient un sacré esprit de débrouille se souvient Jacques Guérin, organisateur du Bout du Monde et des Jeudis du Port à Brest. Ils avaient un côté démerde et ne tiraient jamais la gueule. Du moment qu’ils avaient un coin où dormir, de quoi manger, de quoi boire et un cachet correct ils étaient contents. » Rich’, Reynald et Sylvain des Rasta Bigoud confirment : « On avait notre intermittence peinard. Au pic ça a dû monter à 3 000 euros le mois. On vivait de notre musique, y avait de l’insouciance… » Les Douarnenistes reconnaissent avoir parfois joué à fond le cliché des zicos roots aimant la chouille et la défonce. « Dès qu’on jouait à l’est on essayait d’aller faire le plein en Hollande avant. Certains soirs on assurait, d’autres moins mais c’est toujours resté dans les clous. » Pendant des années, ils vont profiter à plein des invitations quasi systématiques des organisateurs de concerts. « Il y avait un effet de masse, c’était 30

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flement, le dernier album Commando Bigoud avait moins marché même si on continuait à avoir du monde en live. Mais on n’avait plus 20 ans et c’était une période charnière : la un phénomène très générationnel, fin des CD, les débuts de YouTube. pointe Bring’s, chanteur des Lorientais On était un peu en décalage, sur la de Freedom For King Kong, groupe corde. » fondé en 1996. Nous on était plus dans le dancehall à la Raggasonic « Une reformation ? » mais on a suivi le mouvement et Les fins sont douloureuses et cette l’euphorie du moment… » Eux aussi époque bénie est évoquée avec auront droit de jouer aux Charrues, d’autant plus de nostalgie, plus d’une à Bobital, aux Papillons de Nuit, à décennie après. Avec une formation Malestroit… Après quatre albums sensiblement remaniée les dernières et deux EP, l’aventure s’achève en années, les Percubaba jouent les promai 2007 par un concert d’adieu à longations jusqu’au 11 octobre 2013 domicile. « Tu vieillis, il y a les envies et un mémorable concert de fin à La des uns et des autres de passer à autre Nouvelle Vague, « proche du Centre chose… C’est la vie c’est comme ça », Allende où l’histoire avait débuté ». relativise Bring’s. La même année, Malgré cet épilogue réussi, Dup et les Rasta Bigoud arrêtent aussi les Gaston reconnaissent que l’ivresse frais, avec quatre skeuds au palma- de la scène leur manque encore beaurès et 800 concerts, dont le dernier coup. « Une reformation ? Bien sûr au Chapeau Rouge à Quimper, sans que ça nous titille ! », avoue Dup. prévenir. « Y avait un peu un essouf- Même tentation pour Reynald des


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Rasta Bigoud qui « n’attend que ça ». Un festival du coin les tannerait d’ailleurs pour signer l’exclusivité de leur retour… « Les musiciens restent à tout jamais de grands enfants qui ne veulent pas grandir, constate Gérôme Briard, membre fondateur de L’Dawa, groupe de reggae malouin fondé en 2000. On aimerait éternellement revivre nos années de folie entre 20 et 30 ans même si ce n’est pas possible. Comme tout le monde on prend de l’âge, on a nos vies de famille, parfois des envies de confort… » Pour combler le manque, il a fondé en 2013 le supergroupe Collectif 13 avec des membres de La Rue Ketanou, de Massilia ou de Tryo, dont Guizmo. Fonctionnant en intermittence au gré des disponibilités de chacun, il a sorti en début d’année un second opus et le calendrier estival est déjà rempli de belles dates. Preuve que les babos de l’époque, s’ils ont pris de la bouteille, n’ont pas forcément dit leur dernier mot. Régis Delanoë

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ONLY GOT CAN JUDGE ME

ALORS QUE LA NOUVELLE SAISON DE GAME OF THRONES DÉBUTE LE 14 AVRIL, DES DOCTORANTS DE BREST ET VANNES ONT EXAMINÉ LA SÉRIE SOUS L’ANGLE DU DROIT. UN OUVRAGE ÉTONNANT DE VULGARISATION JURIDIQUE. ATTENTION, SPOILERS. 32

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JON SNOW : ACCOUCHEMENT SOUS X différence de traitement. Aujourd’hui, GOT, la filiation avec Ned Stark ET FILIATIONS on ne fait plus de distinction entre les serait établie grâce au système de enfants, tous sont traités à égalité. Jon Snow ne connaît pas sa véritable mère. Ce qui permet de faire un lien avec l’accouchement sous X et la possibilité d’accéder à ses origines. L’accouchement sous X fait en effet obstacle à la présomption de maternité. C’est la quête de Snow. Cette révélation sera, à n’en pas douter, au cœur de la nouvelle saison car cela va remettre en cause ses liens de filiation. Est-il un Stark ou un Targaryen ? Si le droit français s’appliquait dans

la “possession d’état” : quand une personne s’est comportée pleinement comme le parent d’un enfant, et qu’aux yeux de la société c’est le cas, la filiation peut être déclarée. Dans la série, cela entrerait en conflit avec une autre filiation, celle de son père biologique, Rhaegar Targaryen. Un nom qu’il pourrait revendiquer en invoquant de la jurisprudence et, ainsi, passer devant Daenerys pour devenir le prétendant naturel au trône. »

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Alix Coat, doctorante en droit privé à l’Université Bretagne-Sud. « Le personnage de Jon Snow dans Game of Thrones (GOT) permet de s’interroger sur le statut de bâtard. Présenté comme le fils illégitime de Ned Stark dans la première saison, Jon Snow ne devrait pas pouvoir hériter selon le droit en Westeros. Mais cela ne constitue pas un barrage infranchissable puisqu’il arrive malgré tout à devenir roi du Nord. Dans notre Histoire, cela a déjà été le cas : Guillaume le Conquérant, Léonard de Vinci, Charles Martel… Tous étaient des bâtards mais ils ont réussi à s’affranchir de cette condition pour devenir des personnes de pouvoir. Dans le passé, l’enfant illégitime était celui né hors mariage. Le droit ancien parlait même de « tâches de bâtardise ». Progressivement, notamment à partir des années 1970, les législateurs sont intervenus pour supprimer toute

STATUT JURIDIQUE DU MUR Guilaine Djouakep-Fando, doctorante en droit public à l’université de Brest. « Le Mur a été érigé pour se protéger des marcheurs blancs. Une raison légitime. On peut faire le parallèle avec la Grande Muraille de Chine ou le mur d’Hadrien, construits pour empêcher les invasions. La perception que l’on a des murs est bien sûr différente aujourd’hui, surtout sur une planète mondialisée. Prenons le mur de Trump entre les USA et le Mexique. S’il est moralement condamnable, il reste légal. Un pays a le droit de délimiter son territoire comme il le souhaite. Sauf accord spécifique, comme la France qui fait partie de l’espace Schengen où une liberté circulatoire est assurée entre les pays membres. » 34

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HANDICAP ET DROIT À LA COMPENSATION

Armelle Coffin, attachée de recherche et d’enseignement à l’université de Brest. « Bran Stark, Hodor, Jaime Lannister… Il y a énormément de personnages handicapés dans GOT. S’ils peuvent être en position de faiblesse, ils ne se retrouvent pas pour autant en situation de vulnérabilité. Un point crucial s’ils veulent survivre car, dans la série, aucun “droit à la compensation” n’est mis en place. Dans les textes français, il s’agit d’une notion assez récente. En 2005, sont notamment nées les maisons des personnes handicapées (MDPH). Un guichet unique où l’ensemble des droits peuvent être connus. Forcément, il n’y a pas de MDPH dans GOT. Mais il faut souligner le rôle de la Citadelle qui accueille les personnes atteintes de grisécaille, une maladie qui transforme la peau en pierre. Si on se replace dans le contexte du Moyen Âge, cela ressemble aux premiers hôtels-Dieu et au début de l’assistance publique en France. Autre cas notable, celui de Tyrion, atteint de nanisme. Il n’est qu’un monstre aux yeux de son père, mais cela ne l’empêche pas de devenir un chef de guerre. En France, a-t-on déjà vu une personne de petite taille leader politique ou économique ? Je ne crois pas… L’inclusion sociale et les discriminations restent problématiques. Il faut rappeler que ce n’est que depuis 1995 et le fameux “arrêt de Morsangsur-Orge” que les lancers de nain sont interdits. Pour une simple raison de dignité de la personne humaine. » 35


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BIOÉTHIQUE

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Quentin Le Pluard, doctorant en droit privé à l’université de Brest. « Le mestre Qyburn est un personnage qui cristallise presque à lui tout seul les questions de bioéthique. Il incarne la science sans conscience, comme disait Rabelais. Il est exclu de la Citadelle pour avoir commis des actes jugés contre-nature, notamment des expériences sur des personnes mourantes. Cela prouve qu’il y a des règles de bioéthique en Westeros. Ce qui, de tout temps, a été une réalité. Au Moyen Âge par exemple, les dissections sur les cadavres étaient extrêmement réglementées. Les réflexions sur la bioéthique ont toujours existé. Dans le droit français, je pense notamment aux règles de 1944 qui, en théorie, protègent le corps et son intégrité. Un souci que n’a plus Qyburn lorsqu’il devient conseiller de la reine Cersei et qu’il transforme le personnage de La Montagne en un être presque invincible. Cela fait écho au désir de certains de changer la nature humaine, par la manipulation du génome, pour devenir des hommes nouveaux. »

Julien Burel, doctorant en droit privé à l’université de Brest. « Sans les histoires d’inceste, il n’y aurait pas eu Game of Thrones. C’est ce qui lance la série dès l’épisode 1 lorsque Bran surprend Jaime et Cersei Lannister, frère et sœur, en plein rapport sexuel. Les révélations de relations incestueuses vont par la suite devenir un des fils rouges : les trois enfant nés de la liaison entre Cersei et Jaime, toute la lignée des Targaryen, Craster et ses filles-épouses, Tywin Lannister marié avec sa cousine Joanna. Sans oublier bien sûr la révélation de la saison 7 : Daenerys est en réalité la tante de Jon Snow. Comment évoluera leur relation lorsqu’ils l’apprendront ? Ce sera un point central de la nouvelle saison. Si ces cas peuvent sembler nombreux, GOT n’a rien inventé. Notre humanité et nos mythologies sont marquées par l’inceste. Dans l’Égypte ancienne, Isis et Osiris étaient frère et sœur. Au Moyen Âge, les mariages entre cousins étaient courants au sein des monarchies pour des questions d’alliance. Une même logique

qu’on a pu retrouver chez certains propriétaires terriens pour conserver et agrandir leur domaine. Il existe deux catégories d’inceste : l’inceste absolu (premier degré de parenté) et l’inceste relatif (famille élargie). Il faut noter que le droit français ne condamne pas l’inceste en tant que tel : deux personnes majeures ayant un lien de parenté ont le droit d’avoir des relations sexuelles librement consenties. Ce qui n’est pas le cas du droit italien par exemple qui le prohibe, justifiant un trouble à l’ordre public. En France, des interdits apparaissent malgré tout. En cas de viol bien sûr : le caractère incestueux apparaît alors

DROIT INTERNATIONAL

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Péran Plouhinec, doctorant en droit public à l’université de Brest. « Le droit international apparaît comme quelque chose en construction en Westeros. Il y a différentes entités au sein des 7 couronnes mais comment interagissent-elles ? On voit des traités, des négociations… La fin de la saison 7 pouvait laisser présager un consensus global entre l’ensemble des parties, toutes réunies dans une lutte contre les marcheurs blancs, mais l’alliance est refusée par Cersei. Que ce soit dans GOT ou dans notre monde, la difficulté est 36

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comme un qualificatif (selon le droit français, Craster serait donc condamné). En cas de mariage, sauf situation précise : entre cousins germains par exemple, ou alors entre oncle et nièce ou tante et neveu (à l’image de Jon Snow et Daenerys), une dispense du président de la République est alors obligatoire. Dernier interdit : en cas d’enfants car il est question de filiation. Le droit intervient pour protéger l’enfant. Un seul parent est alors désigné, souvent la mère car la filiation est automatique. Ce qui se passe dans GOT avec les enfants Lannister : la reine Cersei est désignée comme la mère et le roi Baratheon comme le père, ce dernier bénéficiant d’une “présomption de paternité” dans le cadre du mariage. » de faire émerger des autorités perçues comme légitimes par l’ensemble des acteurs. Des organisations, à l’image de l’ONU, qui peuvent intervenir en cas de conflit. Dans la série, pas d’ONU et aucun mécanisme de sanction, si ce n’est le recours direct à la guerre.» Recueilli par Julien Marchand

Du droit dans Game of Thrones aux éditions Mare & Martin. Sortie le 11 avril 37


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ET SI LE DROIT ÉTAIT UNE MATIÈRE COOL ? Après Jon Snow, place à Bambi ! Game of Thrones décrypté, les doctorants du Lab-LEX (le laboratoire de recherche en droit rattaché à l’université de Brest et à l’université de Bretagne-Sud) viennent cette fois de bosser sur le catalogue des œuvres Disney. Présenté fin mars lors d’une conférence, leur travail donne pas mal envie là encore de s’y pencher à l’évocation des sujets abordés : « La raison fiscale à travers l’œuvre de Robin des Bois », « La petite sirène : jusqu’où va le droit sous l’océan ? », ou bien encore « Aspects juridiques de la piraterie dans Pirates des Caraïbes ». « L’objectif est de montrer une facette différente de la recherche, explique Quentin Le Pluard, l’un des membres du labo. Être doctorant en droit, ce n’est pas seulement se plonger dans des bouquins poussiéreux. L’une des premières choses qu’un étudiant apprend, c’est que le droit est partout. » Regarder une série ou un film avec les yeux du juriste permettrait selon lui de réviser certains aspects et d’approfondir de nombreux domaines. En clair, il s’agirait à la fois d’un bon exercice d’étude et d’un objet ludique susceptible d’intéresser le grand public. « La pop culture est un super outil car les histoires sont connues de tous et permettent une vulgarisation juridique à la fois rigoureuse et geek, poursuit-il. Toutes les séries peuvent servir de support comme on l’a fait avec GOT. On pourrait par exemple regarder Grey’s Anatomy en se focalisant sur le droit médical, ce qui serait passionnant. » 38

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Autre illustration avec l’initiative récente de l’association S’Éveiller des étudiants en droit et science politique de l’université Rennes 1, organisatrice du procès fictif de Thomas Shelby, personnage principal de la série anglaise Peaky Blinders. « Constatant que pas mal de ces procès fictifs étaient déjà organisés ailleurs en France, dont celui de Dark Vador à Paris en marge de la sortie d’un des épisodes de la saga (avec Éric Dupond-Moretti en avocat de la défense, véridique, ndlr), on s’est mis en tête de faire de même ici. Sans faire exprès, on a fait coïncider ce faux procès avec la sortie de la dernière saison de Peaky Blinders, ce qui nous a fait une grosse publicité », s’amuse Cloé Oksenhendler, membre de l’asso et éudiante en science po. L’amphi de 660 places a fait le plein le 12 février pour assister à ce drôle de spectacle : le jugement

pendant près de deux heures de ce vrai-faux gangster de Birmingham dans l’entre-deux-guerres. Pour la petite histoire, le jury populaire choisi parmi les spectateurs a finalement acquitté Shelby des deux chefs d’accusation : l’assassinat du rival Billy Kimber et l’acte terroriste de recel d’armes appartenant à la défense nationale. « Il y avait là une majorité d’étudiants mais aussi pas mal de curieux. Certains étaient déguisés et il y avait une part de fun mais on avait aussi bien potassé nos cours de droit ! C’est ce mélange d’amusement et d’instructif qui plaît, je crois », estime Cloé.

«Un angle moins académique » « Traiter de sujets graves en se basant sur une série ou un film permet de prendre de la distance et, ainsi, de pouvoir parler plus facilement de questions sensibles, ajoute de son côté Julien Burel, doctorant en droit


privé et autre membre du Lab-LEX brestois. Prenons le cas de l’inceste : si je raconte des faits réels ou proches, je prends le risque de braquer. Ce qui est moins le cas par le biais d’une œuvre où le récit n’est que fiction. » Autre initiative un peu différente : quatre élèves en quatrième année à l’Institut d’études politiques de Rennes ont décidé de partir d’un fait réel – l’affaire Dreyfus – pour le détourner de manière ludique en proposant un escape game. Organisé du 5 au 7 avril au Musée de Bretagne, ce jeu de pistes doit permettre aux visiteurs de se réapproprier l’histoire de cet officier condamné à Rennes en 1899 pour haute trahison avant d’être innocenté. « C’est un sujet a priori austère mais qui mérite qu’on s’y plonge si on l’aborde par un angle moins académique que celui qu’on emprunte traditionnellement à l’école », assure Claire Ribière, l’une des initiatrices du projet. RD et JM 39


Marie Monteiro

RDV

SI LE GROS ROCK QUI TACHE TRAVERSE DES TEMPS DIFFICILES, LES FRANCILIENS DE PSYCHOTIC MONKS DÉBOULENT EN PREMIÈRE LIGNE POUR SONNER LA RÉVOLTE. AVEC UN PUNK NOISE QUI RÉUSSIT MÊME À SÉDUIRE OUTRE-MANCHE. n n’est pas majoritaire, c’est sûr. Mais je le vois comme une chance : au moins en ce moment on n’est pas noyé dans la masse ! » Arthur Dussaux forme, avec son frère Paul et ses potes Martin Bejuy et Clément Caillierez, les Psychotic Monks. Un groupe de rock à tendance punk et noise né en 2015 à Saint-Ouen, dans une époque actuelle où le rap et l’électro attirent clairement plus les faveurs 40

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de leurs contemporains millenials. « On s’en accommode, assure-til. Et puis l’enfermement dans des cases, tu sais ce que c’est… Ce qui nous touche ce n’est pas l’esthétique mais la démarche musicale, la profondeur du truc. Je peux être touché par la symphonie de Beethov’ alors que certains trucs rock vont me faire chier. » Il y a quand même quelques trucs du genre qui ont ses faveurs : Pogo Car Cash Control, Lysistrata ou Johnny

Mafia, d’autres illustres membres de la résistance francophone du rock, qu’il cite en influences avec les Stooges, Sonic Youth ou Nick Cave pour du plus classique. Les Psychotic Monks ont pas mal galéré à se faire une place dans un milieu musical auquel, du propre aveu d’Arthur, ils ne « savai(ent) rien ni ne comprenai(ent) rien. Tu débutes là-dedans t’es un peu un mickey. On jouait nos trucs sans trop savoir ce que ça valait


ni quoi en faire… Puis, on sort un EP en 2016 et on se fait une grosse tournée dans la foulée qui nous a fait prendre conscience que c’est ce qu’on aimait : le live, l’exaltation que ça procure, un truc très puissant. » L’album Silence Slowly and Madly Shine sort l’année suivante, avant le décollage en 2018. « On fait Rock en Seine l’été dernier puis les Trans en décembre, une énorme claque dans la gueule ce concert. L’énergie qu’il y avait ce soir-là était limite surnaturelle. Un public fou, on était en grosse forme : l’alignement des planètes, au bon endroit au bon moment. » Avec en plus de Rennes une invitation à The Great Escape à Brighton et tout récemment à Eurosonic à Groningue, les Franciliens réussissent à boucler la sainte trinité des festivals européens de révélations musicales (manque SXSW à Austin pour boucler le grand chelem à l’échelle mondiale). « En Angleterre notamment ça se passe bien, on commence à y faire notre trou. Le pays de Pink Floyd putain ! C’est vertigineux. » Signés chez le label bordelais Vicious Circle (Shannon Wright, Mansfield TYA, Elysian Fields…), Arthur et sa bande doivent sortir un nouvel album prochainement et commencent à voir leur agenda se remplir pour les mois à venir. « On a fait le pari de lâcher nos jobs pour mettre le paquet sur la musique. L’objectif 2019 c’est d’essayer d’en vivre, quitte à bouffer des pâtes tous les jours c’est pas grave, du moment qu’on continue à tourner. » Sex, drugs and Panzani. Régis Delanoë

Le 3 mai à La Nouvelle Vague à St-Malo, le 25 mai aux 3 Eléphants à Laval et le 18 juillet aux Vieilles Charrues 41


RDV

SAUCE ORIENTALE En musique, il n’y a pas de frontière qui ne puisse être traversée. Les codes sont facilement destructibles, et c’est de cette transgression que naissent des projets comme Taxi Kebab, duo d’électro orientale composé de Léa Jiqqir et de Romain Henry. Mettons les choses au clair : il n’y a rien de folklorique dans les inspirations arabes de la formation nancéenne née en 2017. « J’ai toujours travaillé sur cette notion de double culture, explique Léa qui tient la guitare et le bousouq. L’électronique ne prend pas le pas sur les influences orientales, et inversement. » D’où

l’adjectif et néologisme « désoriental », qui semble être approprié pour définir le positionnement des deux musiciens, inspirés par des artistes comme «Fairouz, Oum Kalthoum ou encore Warda, précise Léa. Je viens d’une famille berbère, je suis forcément plus portée par le gnawa que le raï». Pour le moment, Taxi Kebab n’a pas de morceaux enregistrés en studio. Tout se fait par la scène, leur terrain de jeu exclusif. « L’improvisation, c’est quelque chose que j’ai beaucoup pratiquée dans la danse, raconte Romain. Les morceaux se

Ben Pi

VU AUX BARS EN TRANS CET HIVER, LE DUO NANCÉEN TAXI KEBAB POURSUIT SA ROUTE ÉLECTRO ARABISANTE, SANS TOMBER DANS LE FOLKLORE. MERCI CHEF !

structurent au fur et à mesure des lives, ils évoluent en permanence. » Taxi Kebab devrait néanmoins parvenir à figer prochainement cette ébullition d’idées en enregistrant plusieurs titres, et continuer à franchir les étapes. Toujours désorientalisées. Brice Miclet Le 3 avril au Vauban à Brest dans le cadre du festival Sonic ProBrest

Gremlin

MÉDAILLE D’OR

Temps fort de la saison du Théâtre de Lorient, le festival Eldorado revient pour une troisième édition. Parmi les propositions attendues cette année : Price, la création de Rodolphe Dana, adaptation du roman de l’auteur serbo-américain Steve Tesich ; la prometteuse pièce Eldorado Dancing de Métie Navajo où jeunesse, violence et virtualité se questionnent (photo) ; ou encore J.C., une curieuse plongée de la metteuse en scène Juliette Navis dans les réflexions de Jean-Claude Van Damme. J’adore l’eau, dans 20-30 ans y’en aura plus. Du 24 au 28 avril au Théâtre de Lorient 42

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Vincent Paulic

HUMAN JUKEBOX

VOICI SKØPITONE SISKØ, LE NOUVEAU PROJET INDIE-FOLK BIEN BRANLÉ D’ELOUAN JÉGAT. Pas glandeur pour un sou, Elouan Jégat. Avec ses compères de Thomas Howard Memorial, le Brestois s’apprête à sortir deux enregistrements en 2019, un quatre titres au printemps et un album à l’automne. En parallèle, le loustic compte développer son projet perso répondant au nom de Skøpitone Siskø. Après un premier EP fait maison un peu à l’arrache en 2016, un second de six titres, baptisé Kaleidoscope, est sorti en fin d’année dernière. « En fait je joue solo depuis une quinzaine d’année et les années lycée, mais c’était jamais vraiment sorti du réseau des potes et de Myspace à l’époque, raconte Elouan. Y a un an, le Vauban me propose la première partie de Ko Ko Mo et ça m’a foutu un bon coup de pied au cul. J’ai sollicité deux potes musiciens, Baptiste Le Solliec et Vincent Roudaut, et c’était parti. » Le trio joue une indie-pop classieuse qui lorgne franchement du côté des grands espaces américains : mélodies éthérées, guitares et claviers soigneusement travaillés, jolies incantations vocales… « Je me revendique aussi bien de Bon Iver, Timber Timbre ou d’Half Moon Run que de la scène belge avec dEUS et Girls in Hawaii. » R.D Le 3 mai au Novomax à Quimper et le 8 juin à Art Rock à Saint-Brieuc 43


RDV

« LE MEC EST 60 FOIS PLUS FORT QUE ZIZOU » LES DEUX VIDÉASTES RENNAIS CÉDRIC BRANDILLY ET NICOLAS MARCHAND ONT PASSÉ UN MOIS SUR LES ROUTES À LA RECHERCHE DE FRÉDÉRIC COLLIGNON, LE PLUS GRAND CHAMPION DE BABY-FOOT. ET BIM, BUT ! Nous sommes dans les années 90. Alors élèves au collège de Tinténiac à 30 bornes au nord de Rennes, Cédric Brandilly et Nicolas Marchand passent quasiment tous leurs mercredis aprem à L’Auditoire, le seul rade de la commune qui dispose d’un baby-foot. « Nos parents nous donnaient quelques pièces pour acheter des DBK et des parties de bab’. Notamment contre le patron du bar qui jouait plutôt pas mal. » Une adolescence passée à tâter de la boule en liège, à caresser du Bonzini

et à enchaîner les gamelles, pissettes et autres roulettes, même si ce dernier coup n’est (hélas) pas vraiment autorisé. « Arrivés à la fac, nous y avons peu joué, avant de nous y remettre en 2010 dans un bar de la rue SaintMichel à Rennes, retracent les deux garçons. On y affrontait des mecs qui taquinaient bien. Et à chaque fois, le nom de “Frédéric Collignon” revenait dans les discussions. » Un joueur belge considéré par beaucoup comme un dieu vivant. « Au

niveau mondial, le mec est 60 fois plus titré que Zizou. Un personnage unique dans le milieu qu’on a eu envie d’approcher. » Le film À la recherche de Collignon retrace cette quête. Un road-trip en Citroën CX (avec un véritable bab’ accroché sur le toit) où Cédric et Nico traversent la France, direction Liège. « Un mois de périple plutôt fou,

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GALETTES COMPLÈTES

Vous avez décidé de consommer local ? Voici quelques belles sorties à signaler : l’EP d’Ô Lake, nouveau projet ambient de Sylvain Texier ; Coco Trip de Born Idiot ; un 4 titres de Thomas Howard Memorial (en attendant l’album en fin d’année) ; Carambolage, le side project des zinzins de Kaviar Special ; le premier effort de Yes Basketball (photo) ; l’EP Selesca des Rennais du Groupe Obscur...

« PENSEZ PRINTEMPS LES AMIS ! » Le Théâtre de Poche et Electroni[K] fêtent l’arrivée des beaux jours avec la soirée Printemps bienvenu. Une 7e édition aussi défricheuse que les précédentes qui verra débouler la DJ berlinoise Cera Khin ou encore le Milanais Bochum Welt. Le 27 avril au Théâtre de Poche à Hédé. 44

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Renaud Triboulet

quasiment à l’improviste, marqué par de nombreuses rencontres, toutes rendues possibles grâce au baby-foot. Jusqu’à la rencontre tant attendue... » J.M Avant-première le 9 juin au cinéma L’Arvor à Rennes, précédée du “plus grand tournoi de baby-foot de l’Ouest” dans le cadre du Dimanche à Rennes

DU MÉTAL LOURD Répétition générale pour l’équipe du Hellfest. En attendant le rendez-vous de Clisson, une tournée “Warmup Tour” débute par deux dates bretonnes : le 17 avril à l’Echonova à Saint-Avé et le 18 à La Carène à Brest. Avec Dagoba, Princesses Leya, Oak’s Crown, Pictured...

Cie Succursale

L’ÉCOLE DES LOISIRS

Des bandits voient leur destin chamboulé par une petite fille qui les métamorphose en bienfaiteurs de l’humanité. Classique de la littérature jeunesse, Les Trois Brigands est l’œuvre phare de l’illustrateur Tomi Ungerer (disparu en ce début d’année). Angélique Friant donne vie à ces personnages dans une adaptation mêlant danse et marionnettes sur scène. Du 7 au 11 mai au TNB à Rennes. 45


RDV

BIG BANG Il y a eu le temps des bars et des squats en tout genre. Puis le boss des Trans Musicales est arrivé et tout a changé pour Atoem (prononcez “atome”), duo rennais constitué de Gabriel Renault, 26 ans, et Antoine Talon, 23 ans. « On nous prévient la veille que Jean-Louis Brossard veut nous voir en répét. Faut croire que ce qu’il a vu lui a plu ! » Programmés pour la tournée des Trans puis à L’Étage, les deux musiciens, qui se sont rencontrés à l’école de musique La Flume du Rheu, sont finalement basculés dans l’immense hall 9 du Parc Expo le vendredi à

G. Raffenel - Place Cliché

AVEC SON ÉLECTRO ANALOGIQUE BIEN GAULÉE, LE DUO RENNAIS ATOEM FAIT TOUT PÉTER.

4 h du mat’, l’heure des braves. « 8 000 personnes bien chaudes, c’était intense ! Mais sans stress car entre l’effet de masse et les jeux de lumières tu ne vois pas les gens. C’est après coup, qu’on a pris conscience qu’on avait réussi notre coup. » À tel point que les voici invités un peu partout dans les Smac et les festivals à reproduire ce set d’électro rétro et psyché qui les caractérise. « On est batteur et guitariste de formation, fans

des Pink Floyd, donc on garde une base analogique pour proposer une ambient techno avec du vieux matos accumulé au fil des ans et parfois prêté par les copains du milieu. » Moitié machine, moitié humain : une musique de Terminator. R.D Le 27 avril à La Citrouille à St-Brieuc, le 4 mai à La Carène à Brest, le 24 mai aux 3 Eléphants à Laval, le 20 juillet aux Vieilles Charrues

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BIENVENUE CHEZ LES FOUS

Pour leur 9e édition, Les Petites Folies prennent du galon et s’étalent désormais sur trois jours avec une vue imprenable sur la mer d’Iroise (<3). Parmi les noms à l’affiche du festival nord-finistérien cette année, on retient particulièrement : Cadillac, échappé de Stupeflip (photo), le champion du monde de beatbox Saro, le chien fou Lesneu, Thylacine et son électro onirique, le rock sanguin des Nantais de Ko Ko Mo, l’électro trad de Fleuves ou encore ce bon vieux DJ Pone qui fait toujours du bien là où il passe. Du 30 mai au 1er juin à Lampaul-Plouarzel 46

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Jean-Michel Coubart

DRÔLE D’OISEAU

ACOLYTE D’ÉDOUARD BAER, ARNAUD AYMARD MULTIPLIE LES IDENTITÉS PERCHÉES ET POÉTIQUES. Les auditeurs de Lumières dans la nuit, l’émission d’Édouard Baer sur France Inter, le reconnaissent tout de suite. Avec sa petite voix hésitante, Ammoniacal, personnage « mi-homme mi-pingouin mi-chiffon », raconte ses aventures dans « la forêt extraordinaire », peuplée de ses amis “Branche de tilleul”, “Sac à main” et “Bouteille de porto”. Des histoires surréalistes, portées par le non-sens et la poésie (« des points sur lesquels on s’est tout de suite trouvé avec Édouard. Ça a été un partage d’univers »), devenues une marque de fabrique pour l’auteur et performeur Arnaud Aymard. De Paco à l’Oiseau Bleu, en passant par Canoan et bien sûr Ammoniacal : des avatars multiples tous habités par l’absurdité. « C’est un registre dans lequel je prends du plaisir à me perdre. Il y a un certain vertige à repousser les limites de l’imaginaire. J’aime que les gens fassent des connexions d’idées dont ils n’ont pas l’habitude. » Comme dans son spectacle Olaph Nichte (photo) où il campe un conférencier en physique (Arnaud Aymard est titulaire d’un DEA en cette matière) qui propose de « regrouper toutes les sciences en une seule afin de mettre en équation le sens de vie ». J.M Canoan contre le roi Vomiir : le 3 mai à Séné Olaph Nichte : le 9 juin à l’Île-Tudy 47


VTS

KAAMELOTT EN BRETAGNE « C’EST PAS FAUX » LA RÉALISATION DU FILM KAAMELOTT A – ENFIN – DÉMARRÉ EN CE DÉBUT 2019, DIX ANS APRÈS LA FIN DU PROGRAMME CULTE D’ALEXANDRE ASTIER SUR M6. EN ATTENDANT LA SORTIE DU LONG-MÉTRAGE PRÉVUE POUR 2020, RETOUR SUR LES LIEUX DE TOURNAGE DE LA SÉRIE DANS LA RÉGION.

MELRAND Murs en torchis et toits de chaume : pour son décor de hameau médiéval, c’est au village de l’an Mil à Melrand, dans le Morbihan, que l’équipe de Kaamelott a débarqué en juin 2008 pour le tournage d’épisodes de la saison 6 (Livre VI). « Ça a duré quatre jours, une soixantaine de personnes étaient présentes, le tout dans une super ambiance, rembobine Maud Le Clainche, la directrice de ce site présentant des habitations reconstituées du 11e siècle. Ce sont ces reproductions à l’identique qui les ont séduits. À part dissimuler quelques panneaux avec de la paille, ils n’ont d’ailleurs rien modifié. » Avec pas mal de figurants on-ne-peut-plus locaux : « ma sœur, des employés du site et même notre bouc. Quand ils l’ont vu, ils ont pris direct pour le tournage. »

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PLŒMEUR

Lorsque Arthur quitte Rome pour devenir roi de Bretagne (l’actuelle GrandeBretagne) dans l’épisode 7 du Livre VI, il débarque sur une plage… morbihannaise. Plus précisément celle des Kaolins située sur la commune de Plœmeur. Un tournage au printemps 2008 dont le Lorientais Guy Royant garde un souvenir particulier. « Le bateau sur lequel Arthur arrive, c’est le mien. » Un canot en sapin, acacia et chêne, de 4 mètres de long, baptisée Bouton d’Or. « Je l’ai acheté en 1991. À l’époque, je cherchais une petite embarcation pour traverser la rade de Lorient. Jusqu’à ce que je tombe dessus et que je découvre son histoire. » Construit en 1953 par le chantier Le Gourrierec, le canot

est utilisé pour l’entretien des sousmarins de Keroman, « une part importante de l’histoire de la ville ». Entièrement restauré par Guy Royant (« j’ai mis une année complète »), le bateau retrouve alors les eaux bretonnes, avant de rejoindre le tournage de Kaamelott. « C’est grâce à la mairie de Plœmeur que j’ai été sollicité, elle savait que j’avais un canot typique correspondant à ce que la production recherchait. » De vieilles voiles sont alors rajoutées, quelques astuces de maquillage appliquées (« du sable mouillé sur la coque, tout simplement ») et roule ma poule. « Je suis satisfait du résultat à l’écran : pour un bateau de pacotille, il a belle allure. »


CAMARET

Érigé au bout du sillon, à deux pas de la tour Vauban, le fanal du port de Camaret fut construit en 1883 pour guider les bateaux et leur éviter la magnifique mais dangereuse pointe du Groin. C’est dans cette tour de 11,50 mètres de haut qu’Arthur, alors en quête de sa descendance, fera une halte dans l’épisode 44 du Livre V un soir de tempête.

CROZON

Photos : CALT

« La principale force de la presqu’île de Crozon, c’est qu’il s’agit du plus grand site protégé du littoral breton. Quand vous êtes sur la plage de la Palue (où l’équipe de Kaamelott posera sa caméra en mai 2007, ndlr), on ne voit pas de maison aux alentours et les grandes routes maritimes sont au large, situe Didier Cadiou, responsable des espaces naturels à la mairie de Crozon. Tout cela offre des paysages qui demeurent bruts, vierges et atemporels. » De quoi donc éviter tout anachronisme et offrir un terrain de jeu idéal à Alexandre Astier qui, dans le rôle d’Arthur, traversera la plage en direction de Lostmarc’h avant de tomber sur Venec et sa bande de bras cassés dans l’épisode 42 du Livre V. Des panoramas que l’on retrouvera dans le film ? « Nous n’avons hélas pas été sollicités pour ce nouveau tournage ». J.M

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RECOMMANDE

SALUT C’EST COOL

LES EMBELLIES

PABLO MIRA

REQUIN CHAGRIN

2019 signe le comeback des Parisiens : nouvel album co-produit par le zigoto Jacques et un retour sur scène programmé au printemps. Une tournée qui passe (forcément) par Panoramas (leur 4e fois au festival !). Au menu comme toujours : paroles débilos et techno foutraque. Boum boum dans les oreilles !

Aaah, le printemps : les jours qui allongent, les pintes en terrasse, les révisions, Roland-Garros et… Les Embellies. Pour sa 21e édition, le festival rennais propose une prog’ comme toujours soignée dans une veine rock indé & expé, avec Puts Marie, Yes Basketball, Cannibale, Cyril Cyril (photo), Tropique Noir… Impec.

L’un des rares humoristes drôles de France Inter (avec Thomas VDB et Chris Esquerre) s’est lancé sur scène avec son premier spectacle Pablo Mira dit des choses contre de l’argent. De l’humour satirique et faussement réac par le co-fondateur du Gorafi. Un one-man (pas) garanti sans fake news.

Protégée de Nicola Sirkis, qui l’a fait signer sur son label KMS Disques et lui a offert les premières parties de la dernière tournée d’Indochine, Marion Brunetto s’affirme comme une valeur sûre de la scène franco avec son groupe, Requin Chagrin. Réverb à gogo et chant tout doux : ça matche.

JUSTE HEDDY

FESTIVAL DES DÉCHETS

OKTOBER LIEBER

FESTIVAL SONIK

Fan de boxe, de Dragon Ball Z et de théâtre : voici Heddy, jeune gars de 23 ans né dans les quartiers nord de Marseille. Une biographie poétique mise en scène par le chorégraphe Michaël Phelippeau pour un portrait à la fois cash et subtil.

Cool initiative à Brest que d’organiser un premier Festival des déchets. Entre autres conférences et spectacles, le dramaturge David Wahl propose avec son Sale Discours (photo) une causerie humoristique et instructive sur ce qui est propre et ce qui ne l’est pas.

Signé chez Kongfuzi, Oktober Lieber est le projet de deux Parisiennes issues pour l’une de la scène post-punk et pour l’autre de l’électro. Les deux genres mélangés, on obtient une musique indus’, protéiforme et obsédante à servir froid, très froid. The Marmiton’s.

Pointu et jouissif : on parle là du programme de Sonik, le rendez-vous des musiques contemporaines concocté par le Théâtre de Cornouaille. Parmi les jolies promesses : Electromaniac du groupe Art Sonic qui revisite Aphex Twin, Autechre, Amon Tobin… Playlist validée.

Au Théâtre du Vieux St-Étienne Du 2 au 4 mai

À Cap Caval à Penmarc’h Le 18 mai

Le 13 avril à La Carène à Brest Le 29 mai à L’Hydrophone à Lorient

Au Triangle à Rennes Le 25 avril

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Au Quartz à Brest Du 3 au 8 juin

Le 13 avril à Panoramas à Morlaix Le 25 mai aux 3 Éléphants à Laval

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À Panoramas à Morlaix Les 12 et 13 avril

À Quimper (Théâtre, Novomax…) Du 17 au 25 mai




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