Monument Édition 1 FR

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ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°1

ÉDITION N°1 1


sommaire appel à projet

Présentation générale p. 6

Projets soutenus p. 14

Mots

p. 18

expositions Barbara Forest, L’obsolescence du monument p. 33

Sylvie Froux, Suite symbolique p. 55

Amanda Geitner, Monument : Les lendemain des guerres et des conflits p. 69

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œuvres À Caen, Frac p. 84

À Calais, musée des beaux-arts p. 100

À Norwich, au SCVA p. 126

Aartistes Jocelyn Cottencin p. 144

Robert Foster p. 158

Mark Edwards p. 162

Artistes exposés, liens internet p. 170 -

Édition collector, fabrication p. 172


ap- pel à pro jet ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier

CAHIER 1

n°1

Appel à projet pour l’exposition Monument

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ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°1

La Tour du guet Début hypothétique de la construction : 810, Calais.

Triangle À Caen, en mémoire des hommes de la 3e division d’infanterie britannique qui ont fait partie du débarquement et ont péri pour la libération.

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TIME AND PLACE Dans le cadre de Time and place (TAP), projet sélectionné par le programme européen de coopération transfrontalière INTERREG IV A France (Manche)-Angleterre, cofinancé par le Feder, cinq partenaires ont décidé de travailler ensemble de 2012 à 2015 sur la diffusion et la médiation de l’art contemporain, le soutien aux artistes et la valorisation de leur présence sur un territoire, le développement de nouvelles technologies et de réseaux professionnels.

Le projet Monument réunit 4 de ces structures : - Le Fonds régional d’art contemporain Basse-Normandie à Caen - The Sainsbury Centre for Visual Arts, University of East Anglia, Norwich - La Communauté d’Agglomération du Calaisis, Cap Calaisis - Le Musée des Beaux-arts de Calais

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monument

ÉDITION N°1

MAI 2014

cahier Les 172 pages de Monument, édition 1, retracent la genèse n°1 du projet Monument, depuis l’appel à candidatures lancé en janvier 2013 à sa déclinaison dans chacune des trois villes partenaires, Caen, Calais et Norwich : expositions, performances, résidence, soutien à la création… Monument, édition 1 traduit les axes forts de cette collaboration transfrontalière : une revue en deux versions, française et anglaise, des notices d’œuvres, des vues d’exposition, des actions et des réflexions engagées depuis des mois ainsi que des vidéos. Cette publication évolutive et éditée sous la forme de trois numéros présente la centaine d’œuvres des cinquante artistes invités et accompagne les artistes en résidence et ceux qui sont particulièrement soutenus. Dans le premier numéro sont publiés les récits plus détaillés des œuvres de Jocelyn Cottencin, Robert Foster et Mark Edwards. La premier a créé l’identité graphique et visuelle de Monument et réalisé avec douze danseurs et chorégraphes une vidéo de 45 minutes Monumental dont il retrace les enjeux. Robert Foster publie le poème de Percy Bysshe Shelley (1792-1822), Ozymandias, source de son oeuvre et Mark Edwards témoigne de sa découverte sur une base aérienne du Norfolk de tas de bois qui ont constitué le sujet principal de la série photographique Shelter. Construit en quatre cahiers de couleurs et de formats différents et indépendants : appel à projet, exposition, œuvres et artistes, ce premier numéro peut être imprimé chez soi. Les deux numéros suivants paraîtront en juin et en octobre 2014. La revue Monument, édition 1 fait partie du projet européen TAP (Time and place), sélectionné dans le cadre du programme européen de coopération transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre, cofinancé par le FEDER.

Barbara Forest, Sylvie Froux, Veronica Sekules, Jocelyn Cottencin 7


l’exposition

monument

s’inscrit dans le programme des

commémorations liées

au déclenchement de la première guerre mondiale ainsi qu’au débarquement en Normandie. Il ne s’agira cependant pas de traiter des deux conflits mondiaux mais plutôt de présenter tout ce qui les rappelle ou en perpétue le souvenir et de s’interroger sur le sens actuel de ces édifices, ruines ou reliques, de leur vénération ou au contraire de leur rejet de part et d’autre de la Manche. À travers Monument, c’est la question de la commémoration qui sera posée au regard de l’histoire, de l’art et bien entendu de l’actualité. Quelque soit l’acception, ouvrage d’architecture ou de sculpture destiné à perpétuer le souvenir d’un personnage ou d’un événement ou bien encore, édifice remarquable par sa beauté ou par son ancienneté, le mot Monument est utilisé en français et en anglais. Associé à une destination funéraire ou publique, ce mot réunit les partenaires des deux côtés de la Manche. C’est également d’une histoire commune, tourmentée et complexe dont il sera question, de la guerre de cent ans aux alliances du XXe siècle. Monument sera déclinée en plusieurs expositions non itinérantes, organisées par les partenaires. Chacune constituera une partie du projet global.

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caen, frac

basse-normandie

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MAI 2014

cahier À Caen, c’est bien entendu au regard de la guerre n°1 que le monument s’érige ici ou là aussi bien dans la ville que sur la côte toute proche où eut lieu le Débarquement du 6 juin 1944. L’ensemble des plages du Débarquement de Ouistreham à Arromanches sont autant de lieux de mémoire avec de nombreux petits musées dédiés, monuments aux soldats des unités britanniques, canadiennes et américaines, chars exposés mais aussi bunkers oubliés. La Pointe du Hoc, restée territoire américain est un lieu symbole. Les cimetières américains et allemands très contrastés sont à eux seuls des monuments. Les artistes Diller & Scofidio ont publié avec le Frac Basse-Normandie en 1994 le livre Visite aux armées : tourismes de guerre qui interroge cet après. La ville elle-même bombardée par les alliés et détruite à 70 % conserve cependant une quarantaine d’églises qui furent parfois des refuges pour les populations et recèle par contre très peu de monuments ; à signaler cependant, le monument d’Anna Quinquaud, 1962 qui commémore les 19 jours de la bataille de Caen ; l’œuvre Phénix, 1954 du sculpteur Louis Leygue située à l’entrée de l’Université marque le renouveau du lieu comme de la ville. De nombreuses petites stèles commémoratives sobres et fleuries sont disséminées dans la ville et rendent hommage aux forces alliées, aux combattants français ou encore aux fusillés et déportés. La commande publique récente au cœur de la ville, La Caravane, œuvre de l’artiste contemporain Jœp van Lieshout qui a été inaugurée courant 2013 constitue par ses 11 personnages aussi un hommage aux vivants en temps de guerre. L’année 2014, année du 100e anniversaire de la guerre 1914-18 et du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie donnera lieu à un certain nombre de cérémonies commémoratives.

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calais, musée

des beaux-arts

À Calais le monument s’érige quasi exclusivement en regard de la guerre. Peu d’édifices ont survécu aux bombardements alliés anglais de 1940. De l’ancienne ville de Calais, il ne subsiste que 80% de son architecture. Parmi ses vestiges, la Tour du guet, ancien phare, peu entretenue et Notre Dame de Calais, église monumentale de style Tudor en cours de restauration et bientôt achevée. La sculpture monumentale traditionnelle est circonscrite essentiellement aux parcs et à l’espace public. La ville est marquée par les nombreuses fortifications de l’ancien régime et les bunkers du XXe siècle, en ruine pour la plupart. Ils ponctuent la ville, de la plage aux abords des canaux. Des blockhaus, construits entre 1940 et 1942 par les allemands pour se protéger des attaques anglosaxonnes, un seul est encore utilisé. Il abrite le musée de la mémoire 39-45, camouflé derrière les arbres d’un parc. L’architecture défensive a transformé le paysage calaisien depuis des siècles. Les bunkers au sein de cette ville frontière de bord de mer n’en finissent pas d’imposer leur présence malgré leur état de ruine. Signe de la réprobation de toute une époque pour la guerre, le bunker du Pas-de-Calais a été érigé comme un point central dans l’organisation défensive et offensive de la stratégie de guerre totale du régime nazi sans pour autant avoir beaucoup servi. Aujourd’hui les bunkers réhabilités en musée de la guerre ou de la mémoire sur tout le littoral ainsi que les bases de lancement sont très visitées par les touristes et groupes scolaires. Un autre monument à Calais, Les Bourgeois de Calais, rappelle l’histoire tumultueuse des liens franco-britanniques pendant la guerre de cent ans. En effet Rodin a choisi de représenter un épisode des Chroniques de J. Froissart, décrivant six calaisiens, décidés à se sacrifier pour libérer la ville assiégée par le roi anglais Edouard III depuis plusieurs mois.

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communauté

d’agglomération du calaisis,

jardin des arts

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Finalités de la résidence en milieu scolaire Une résidence-mission, relevant du programme Jardin des arts, est organisée à des fins d’éducation artistique et culturelle en faveur d’un public d’enfants, d’adolescents et de jeunes d’âge scolaire. Elle repose sur une pleine disponibilité de l’artiste, durant trois à quatre mois, ainsi que sur une diffusion importante de son œuvre déjà accomplie et disponible, en lieux dédiés ou non. La résidencemission peut avoir pour finalité de proposer une « création » ; résultat d’un processus lié à la rencontre de l’artiste et du territoire. Pour l’artiste-résident il s’agit, plus particulièrement, de s’engager dans une démarche éducative donnant à voir et à comprendre la recherche artistique qui l’anime ainsi que les processus de création qu’il met en œuvre (réflexion, expérimentation, réalisation). Cette mise en évidence s’appuie sur des formes d’intervention ou d’actions très variées. Tel un laboratoire d’éducation artistique se menant à l’ échelle d’un territoire bien défini, ces actions sont à préparer en amont avec diverses équipes pédagogiques et/ou équipes éducatives. Elles sont aussi préparées avec les équipes en charge des structures culturelles implantées sur le territoire ou y œuvrant momentanément. Ces actions se menant, en temps scolaire ou hors scolaire, ont pour objectif de permettre à un grand nombre d’enfants, d’adolescents et de jeunes (et au-delà, de leurs familles) d’acquérir une expérience originale et sensible de l’œuvre. Ces actions peuvent avoir lieu aussi bien au sein des établissements scolaires, de centres sociaux, de centres de loisirs, de structures culturelles que dans l’espace public ou tout autre site qui paraîtra approprié à l’artiste-résident et à ses partenaires locaux.

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Enjeux et objectifs - Permettre au plus grand nombre d’enfants, d’adolescents et de jeunes d’appréhender la création contemporaine en provoquant la rencontre et une certaine familiarisation avec une démarche artistique forte, en lien avec un réseau de lieux culturels ; - Développer l’esprit critique de ces enfants, adolescents et jeunes par le biais de la discussion, d’échanges, de lecture d’œuvres ; - Contribuer au développement culturel et artistique du territoire, et plus particulièrement à une éducation artistique cohérente, intercommunale, mutualisant les énergies de ses multiples acteurs ; - Contribuer à réduire ainsi les inégalités en matière d’accès à l’art et à la culture.

sainsbury centre

for visual arts,

university of east anglia, norwich

Deux sites seront utilisés à Norwich pour le projet Monument, l’un sera en lien direct avec la Première Guerre Mondiale. Au centre de la ville, l’Hôtel de ville se tient juste au-dessus de la place du Marché (qui est le plus ancien marché permanent d’Angleterre). En dessous de l’Hôtel de ville et construit en 1938, sur le même plan, les jardins du mémorial se situent entre l’hôtel de ville et le marché, envisagés à l’origine comme un « oasis de paix ». Au cœur des jardins, le mémorial à la guerre 14-18 réalisé par Sir Edwin Lutyens. Un espace enterré en béton sous le mémorial, connu sous le nom The Undercroft - est utilisé pour le stockage des stands du marché adjacent mais il est maintenant dédié à des installations d’art contemporain choisies en accord avec son usage d’origine.

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Cet héritage ainsi que son esthétique exigeante et ÉDIindustrielle associé à un accès immédiat de la population TION N°1 diversifiée du centre ville sont des opportunités particulières MAI 2014 cahier offertes par ce site. n°1 Des œuvres seront sélectionnées pour cet espace et seront exposées pendant l’été 2014 en même temps que l’exposition Monument présentée au Sainsbury Centre for Visual Arts. C’est une galerie et un centre d’enseignement et de recherches sur le campus de l’Université d’East Anglia, à 3 kilomètres du centre de Norwich, dans la région du Norfolk, dans l’Est de l’Angleterre. Un bâtiment conçu spécialement pour le Sainsbury Centre for Visual Arts par Norman Foster en 1978 et classé monument historique l’abrite. Il est amené à s’étendre et à être rénové par l’architecte ; comme récemment en 2013 avec le nouvel aménagement des espaces d’exposition. Les activités fondamentales du Centre se fondent sur la collection d’art universel de Sir Robert Sainsbury and Lisa, Lady Sainsbury qui couvre plus de 5 000 années, incluant des œuves d’art d’Afrique, d’Asie, des Amériques, d’Europe et du Pacifique et qui est reconnue pour les œuvres qu’elle détient d’artistes du XXe siècle comme Henry Moore, Alberto Giacometti et Francis Bacon.

l’appel à projets

a consisté à mieux

connaître et mieux discerner la production

artistique actuelle susceptible de s’inscrire dans Monument. Plus de 160 candidatures ont été reçues et étudiées et plus d’une quarantaine d’artistes ont été retenus. Les œuvres seront visibles dans un, deux ou trois lieux de manière alternative entre le 21 février et le 16 novembre. Toutes seront reproduites dans l’un des trois numéro de l’édition Monument. Au vu du parcours des artistes et de leurs corpus d’œuvres existants, de nouvelles productions ont été soutenues et commandées à certains d’entre eux. Enfin, des artistes ont été retenus pour des résidences de création et de médiation. 13


projets soutenus

pour monument

Production de l’œuvre Monumental ; conception graphique et visuelle de l’exposition et revue numérique, projet soutenu par le Sainsbury Centre for Visuals Arts de Norwich, le Frac Basse-Normandie et le musée des beaux-arts de Calais : Jocelyn Cottencin. Résidence du Jardin des Arts de médiation, de création et de production à Calais, projet soutenu par Cap Calaisis et le musée des beaux-arts de Calais : Léa Le Bricomte. Résidence de création et de production à Calais, projet soutenu par le Conseil général du Pas-de-Calais et le musée des beaux-arts de Calais : Laurent Sfar. Production d’une œuvre soutenue par le Frac Basse-Normandie et le musée des beaux-arts de Calais : Les Armures de Carole Fékété Aide à la production, projet soutenu par le musée des beaux-arts de Calais : Gilles Saussier. Aide à la production, projet soutenu par le musée des beaux-arts de Calais et le Sainsbury Centre for visuals arts de Norwich : Didier Vivien. Aide à la production d’une œuvre soutenue par le Sainsbury Centre for Visual Arts et la gallerie Bosdon, Brussels : Benjamin Sabatier. Aide à la production d’une œuvre soutenue par le Sainsbury Centre for Visual Arts : Andrew Burton. Résidence de production et de création au The Undercroft à Norwich, projet soutenu par le Sainsbury Centre for Visual Arts : Becky Shaw. Aide à la production d’une œuvre soutenue par le Sainsbury Centre for Visual Arts et le Arts Council : Mark Edwards. Aide à la production, projet soutenu par le Sainsbury Centre for Visual Arts : The Voice Project. Aide à la production d’une œuvre soutenue par le Sainsbury Centre for Visual Arts et le musée des beaux-arts de Calais : Antoine Durand. Réactualisation d’une œuvre soutenue par le Sainsbury Centre for Visual Arts : Paul Pouvreau. Aide à la production soutenue par le Frac Basse-Normandie et le Sainsbury Centre for Visual Arts : Boris Chouvellon. 14


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Jocelyn Cottencin conception graphique pour l’exposition Monument, déclinaison en carton, flyer, affiche, 2014. Monumental 2014, HD video 47 min, couleur, son. Performance par Yaïr Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell,

Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier, Matthieu Doze,Yves-Noël Genod, Elise Olhandeguy, Carole Perdereau, Agnieszka Ryszkiewicz, Loïc Touzé. Courtesy de l’artiste.

Léa Le Bricomte Visite d’un club de colombophile, point de départ de son projet de résidence.

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Gilles Saussier Sinea, Fac-similé du Plan industriel de la Colonne Sans Fin, Ateliers Centraux des Mines de Petrosani (Roumanie 1937), impression solvantaire sur papier dos bleu satiné, 200 x 260 cm. Sinea, Ateliers Centraux des Mines de Petrosani (Roumanie), 2011-2013. 7 images impression pigmentaire sur papier Canson, 15 x 19 cm chaque image. 16

Sinéa, Port-folio, 2013, 4 feuilles de 98 x 32 cm dépliées. Sinéa, Travanti, ou pierre de rivière, Jardin de la maison Balanesco ou séjourna Brancusi à Târgu-Jiu (Roumanie) – 2014, impression encre polymère sur papier Gmund, 70 x 100 cm.

Carole Fékété Réalisation de l’œuvre Les Armures dans l’arsenal du Musée de l’Armée, Hôtel des Invalides, Paris, 2014. © Gabriella Cseh.


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Antoine Durand Monuments Pacifistes, ensemble de 6 photographies « carte-postalisées ». Didier Vivien 1914 [Cold Memories], 2018, 4 album 40 x 30 cm de 72 pages. © Didier Vivien.

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formal

hubris

consolat

permanence

Fr/Eng

Mots échangés sur le projet Monument

resolution

funéraire figure/

community

confidence/

personnalité

death

commande

dignity

gloire/héros/

génération

remem

triomphe

commémoration

souvenir

sc

perpétuer

édifice

imposant

architecture 18

public

remarqu

milit

so

co


lity

icon

tion

war

indurance

official

cold

loss

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memorial

stable

consensus

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folly

inoffensive

/certainty respect

y

concrete

statue

relic

mbrance

faith

tragedy grand

power

commemoration

culpture impact

memory monolith

establishment

shared experience

uable/visible

taire/guerre

olid

ompassion

masculine

inheritance 19


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Mains Statue commémorative du débarquement du 6 juin 1944, Caen.

Hôtel de Ville (1936-1938) Un des plus beaux bâtiments municipaux de l’entredeux-guerre en Angleterre, Norwich

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le monuDr Veronica Sekules directrice adjointe du Sainsbury Centre for Visual Arts, directrice de la recherche et des publics

ment est un aver-

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tissement.

Le mot vient du Latin monere qui signifie mettre à l’esprit (dans le sens de rappeler ou d’avertir). Le monument permet donc à la société de se remémorer des évènements, des personnes ou des qualités notoires, mais il sert aussi de mise en garde ou d’avertissement, et nous rappelle les conséquences d’évènements graves tels que les guerres, et l’imprudence et les risques inconsidérés liés à tout conflit quel qu’il soit. Son imagerie peut susciter un sentiment d’espoir ou d’appréhension. Il est intéressant de noter que le mot monstre a la même racine latine.

le monument

célèbre les héros.

Suivant l’histoire qu’il illustre, le monument constitue la célébration de cette forme de courage, d’abnégation ou de force suprahumaine caractéristique des héros. Le monument devient alors pour le spectateur une leçon, un modèle ou un exemple de comportement à suivre. C’est pour la société un rappel de la bravoure des héros et de la raison pour laquelle nous souhaitons perpétuer leur mémoire.

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le monument

reconnaît

les réussites

exceptionnelles.

Le monument peut être perçu comme la représentation même du triomphe. Un monument récompense et célèbre un génie des sciences ou des arts, quelqu’un dont les exploits méritent de passer à la postérité. Un explorateur célèbre, ou l’auteur de découvertes méritent ainsi leur renommée et la commémoration de leurs actions.

le monument

est synonyme d’endurance.

Le monument est un artefact ou une expression durable qui perpétue le souvenir. Il peut être synonyme de ténacité et célébrer les qualités de persévérance qui caractérisent ces individus qui restent résolument au service de la société. La matière ou la forme du monument qui peut se présenter comme une statue colossale, un mégalithe ou un cénotaphe apportent des qualités durables d’échelle, de poids et de pertinence.

le monument

incarne

des valeurs.

De très nombreuses valeurs peuvent être représentées ou personnifiées par un monument. En général, les valeurs qu’un monument exprime seront les valeurs positives auxquelles la société 24


aspire, telles que la vertu, l’espoir, la liberté, la foi, et ces notions de camaraderie et d’humanité qui sont essentielles au bien de toute société.

le monument

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commémore la mort.

On trouve souvent sur les tombes des effigies qui sont autant d’hommages émouvants que les vivants portent aux morts en décrivant leur apparence physique et leurs attributs. Le défunt peut être ainsi représenté comme un héros militaire mort au service de sa patrie. Dans un contexte chrétien, on trouve (ou on trouvait) de nombreuses images de saints, de martyrs et de croyants qui s’étaient sacrifiés pour le triomphe de leur foi ou le plus grand bien de la société.

le monument

dénote

le courage.

Même s’il a pour raison d’être de nous mettre en garde, le monument qui commémore un acte de courage peut aussi être source d’inspiration en montrant l’exemple de quelqu’un qui s’est soumis au test ultime pour le bien commun. C’est la célébration d’un acte de résistance qui à l’époque a dû se faire dans le secret. L’érection d’un monument permet de reconnaître ouvertement le risque pris, et de lui accorder le respect qu’il mérite.

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le monument

perpétue

le deuil.

Une statue dont les larmes expriment ouvertement la tristesse et le chagrin peut trouver chez le spectateur un écho immédiat, en rendant publique une émotion le plus souvent douloureuse et privée. La douleur est souvent représentée sur les monuments de nos églises, et des rues de nos villes et de nos villages par des personnages qui pleurent leurs morts, ou plus simplement par la liste des noms de nos chers disparus.

le monument

célèbre

l’histoire.

Un épisode important peut être commémoré à perpétuité par l’érection d’un monument. Les monuments historiques connectent certains thèmes et genres, batailles et personnages célèbres étant les plus fréquents. Les monuments gravés d’inscriptions peuvent constituer des documents historiques, en présentant des indices temporels ou en dénotant des catégories particulières d’évènements ou de personnes.

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le monument

caractérise un lieu.

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Dans la plupart des villes il y a presque toujours un monument au centre de la place principale, en face de la gare, ou sur un rocher près du port. On considère souvent comme évident que les monuments sont les signifiants de certaines qualités et de certains lieux et ils fonctionnent comme des marqueurs de territoires et comme leurs propres signes. Ils servent parfois à commémorer un évènement important, comme par exemple l’incendie qui a autrefois détruit l’endroit aujourd’hui marqué par le monument.

le monument

célèbre l’histoire locale.

Il existe des monuments qui sont uniques, qui ont été créés par un artiste pour exprimer son interprétation et sa perception d’un lieu donné. Le monument devient alors un important emblème associé inextricablement à un site particulier. Une localité peut décider de se démarquer du lot au point de transformer son économie en devenant commanditaire d’un monument.

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le monument

perpétue la

civilisation

classique

occidentale.

Dans la culture occidentale, et c’est particulièrement vrai pour les monuments antérieurs au XXe siècle, les thèmes classiques prédominent et se traduisent par la personnification des vertus et des muses, l’illustration de légendes ou de mythes consacrés aux dieux romains ou grecs. L’adoption de ces thèmes offrait des sujets qui transcendaient leur époque, permettaient d’afficher son savoir, et exigeaient de solides connaissances classiques pour leur interprétation.

le monument

célèbre les

convictions

religieuses.

Les monuments érigés par conviction religieuse relèvent presque exclusivement du christianisme : les églises sont remplies d’effigies monumentales qui représentent les morts en prière, et sont un perpétuel rappel de leur dévotion. Des images de saints, d’anges, de martyrs et de personnages bibliques sont placées dans des tabernacles, des niches tout autour des édifices, et sont la représentation tangible des saintes écritures et de la piété. De même, dans les cimetières, les pierres tombales sont à la fois une commémoration du défunt et la proclamation publique de la croyance des chrétiens en une vie éternelle. 28


le monument

honore les grands personnages.

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Si l’on érige des monuments sur des sites prestigieux, c’est très souvent pour rendre hommage aux grands personnages de notre société : ces êtres qui se sont démarqués de par leur réussite, leur position ou leur pouvoir. Il peut s’agir de patriciens, nés pour être meneurs d’hommes, ou de politiciens qui sont élus et le deviennent. Il y a aussi ces personnes hors du commun, qui sont à l’origine de grandes fondations ou d’évènements marquants ; ils inaugurent une ère nouvelle et leur souvenir perdure.

le monument

est une célébration de la nudité.

Même s’il a pour thème un épisode héroïque, une personnification de la vertu, ou le rappel d’un mythe classique, le monument est souvent prétexte à l’exhibition de chairs nues. La façade de nombreux édifices publics des XIXe et XXe siècles, s’orne souvent de nus féminins. Les corps musculeux de lutteurs, de héros ou de divinités classiques prenant des poses est aussi un motif récurrent. Il y a quelque chose d’étrange à l’étalage de tous ces corps de pierre nus, et pourtant leur présence est si courante dans un contexte public que nous n’y prêtons guère attention ; nous les remarquons à peine.

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Le projet TAP a été sélectionné dans le cadre du programme européen de cooperation transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre, cofinancé par le FEDER.


ex po si tio ns

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MAI 2014

CAHIER 2

cahier n°2

Textes de présentation des expositions

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alors que Barbara Forest Directrice du musée des beaux-arts de Calais

l’art

moderne

ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

et l’art

contemporain se sont

éloignés de

la forme traditionnelle

du monument,

le devoir de mémoire n’a jamais été aussi prégnant et les déclarations politiques à son sujet, aussi nombreuses que depuis 30 ans. Dès 1978, dans sa contribution sur la « mémoire collective » dans l’encyclopédie La Nouvelle Histoire, Pierre Nora, note que « l’histoire s’écrit désormais sous la pression des mémoires collectives », qui cherchent à « compenser le déracinement historique du social et l’angoisse de l’avenir par la valorisation d’un passé qui n’était pas 33


jusque-là vécu comme tel ». Le lieu de mémoire, concept historique, qui prolongeait ce premier diagnostic entrait dans le dictionnaire de la langue française en 1993, désignant tout objet, du plus concret au plus abstrait, qui échappe à l’oubli. Avant qu’il ne soit inscrit dans la loi, certains résistants, anciens combattants, déportés et historiens en appelaient au devoir de mémoire, c’est-à-dire maintenir présent à l’esprit tous les drames de l’histoire. Bien souvent il se confond avec l’honneur rendu à la mémoire des combattants et des victimes. Cette confusion tient dans le rapprochement abusif de deux notions : histoire et mémoire. La première relève d’un travail scientifique pour dégager une vérité commune alors que la seconde est plus subjective et plus morale. Les « injonctions à se souvenir » ne doivent cependant pas faire oublier la complexité historique d’une guerre, ses manœuvres, sa propagande, ses combats, ses mutins… La langue allemande a inventé un nouveau mot après la seconde guerre mondiale pour déjouer le sens univoque du Monument, et distinguer deux types de commémoration : le terme « Denkmal » qui est un monument à la mémoire d’un événement positif et « Mahnmal », monument pour mettre en garde face à un événement néfaste. Didier Vivien documente à rebours un de ces lieux de mémoire à raison de centaines de photographies. À partir du centre de stockage des explosifs de la Grande Guerre, situé à Vimy, l’artiste arpente les cimetières militaires et ce que sont devenues les zones de combat autour d’Arras (espaces agricoles et routiers, zones industrielles et commerciales, lotissements...). Sa démarche s’oppose à toute instrumentalisation politique, à tout sentimentalisme et voyeurisme. La consommation morbide se développe pourtant autour du tourisme noir (de guerre et de catastrophe). On s’inscrit désormais en groupe auprès d’agences spécialisées pour visiter les villages de la Nouvelle Orléans dévastés après l’ouragan Katrina, on se rend sur le site de Fukushima ou de Tchernobyl, on paie pour découvrir le Costa Concordia échoué au large de l’Italie, on « se promène » à Ground Zero, au Rwanda, au Cambodge, à Kigali et à Auschwitz. La photographie de Régis Fabre montrant sur un panneau de la ville son terrain de camping et ses aires de jeux traduit ce malaise. Le paradoxe est pourtant le suivant : les monuments de nos villes, 34


aux morts ou aux héros, beaucoup moins sensationnels, ÉDIsont ignorés des jeunes générations et deviennent presque TION N°1 invisibles à quelques exceptions près. Valérie Collart en MAI 2014 cahier exprime la triste réalité et oblitère la représentation d’un n°2 monument aux morts à Nice en usant physiquement le papier photographique. À travers Monument, c’est ainsi la question de la commémoration abordée par des artistes qui est posée au regard de l’histoire, de l’art et de l’actualité. Les acceptions sont nombreuses : ouvrage d’architecture ou de sculpture, destiné à perpétuer le souvenir d’un personnage ou d’un événement ; édifice remarquable par sa beauté ou par son ancienneté, à destination funéraire ou publique... Ses racines étymologiques, le verbe moneo en latin, sont instructives : faire songer à, avertir, mais aussi inspirer. Son sens dépasse de beaucoup celui du mémorial, strictement réservé aux monuments consacrés au souvenir. L’hommage, a priori anachronique, prend une forme particulière dans l’art contemporain. Certes il se rapporte davantage aux hommes de l’art qu’aux héros miliaires ou politiques et peut afficher sa dérision plus que sa reconnaissance. Michel Aubry témoigne de sa considération à Tatline, Rodchenko, Dürer, Le Corbusier. Il confectionne et taille un costume à Joseph Beuys et Ernest Jünger avec peut-être plus de distance. Laurent Sfar reconstitue la maison détruite de Pessac dessinée par Le Corbusier et rétablit le projet originel de l’architecture avant qu’il ne soit trahi par ses habitants. Rémy Jacquier construit des maquettes dédiées à Charlie Parker. Le rythme complexe et dédalique qui les caractérise est à l’image d’un pavillon, et les circonvolutions, lignes, répétitions évoquent les lignes du saxophone du musicien. À Calais le monument s’érige quasi exclusivement en regard de la guerre. Peu d’édifices ont survécu aux bombardements alliés anglais de 1940. De l’ancienne ville de Calais, il ne subsiste que 80% de son architecture. Parmi ses vestiges, la Tour du guet, ancien phare et Notre Dame de Calais, église monumentale de style Tudor en cours de restauration et bientôt achevée. Quant à la sculpture monumentale traditionnelle, elle est circonscrite essentiellement aux parcs, aux places et aux bassins portuaires. 35


Patrick Tosani Hauteville, 1983, photographie couleur (C-print), 120 x 157 cm. © Patrick Tosani – Adagp, Paris 2014. Courtesy de l’artiste & Galerie In Situ – Fabienne Leclerc Paris.

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Valérie Collart Monument I, II et III, 2010, tirage lambda érodé avec du papier abrasif 30 x 20 cm. Léa Le Bricomte Flag, drapeau, 150 x 90 cm. © Léa Le Bricomte Courtesy Galerie Lara Vincy, Paris © Adagp, Paris, 2014.

Boris Chouvellon Style Reconstruction - La Tour, 2012, éléments de clôture en béton vibré. Production 2angles, Flers. Courtesy Boris Chouvellon.


ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

Carole Fékété Les statues – Jardin du château de Versailles, 2005-2006, photographies, tirage lambda – encapsulage mat, 240 x 120 chaque photographie. © Carole Fékété.

John Cornu La mort dans l’âme, 2012, billots de boucher, peinture noire et cirage, dimensions variables. © John Cornu Courtesy the artist ; Ricou Gallery ; Galerie Anne de Villepoix, Paris.

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ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

Au premier plan : John Cornu La mort dans l’âme, 2012, billots de boucher, peinture noire et cirage, dimensions variables. © John Cornu. Courtesy de l’artiste ; Ricou Gallery ; Galerie Anne de Villepoix, Paris.

Laurent Sfar Modèle Ile de France, 2000 – 2008, maquette et matériaux divers, 13 x 169,5 x 169,5 cm. Modèle Ile de France (#2), 2001, maquette et matériaux divers. 13 x 27 x 27 cm. Modèle Ile de France (#8), 2003, maquette et matériaux divers, 13 x 45 x 45 cm.

Mur gauche : Virginie Maillard Department of justice, photographie C-Print contrecollée sur Dibond 54 x 80 cm. Girls, photographie C-Print contrecollée sur Dibond 54 x 80 cm. Stock Market, photographie C-Print contrecollée sur Dibond 54 x 80 cm. © Virginie Maillard.

Mur droit : Leo Fabrizio Furkapass, 2002, photographie couleur contrecollée sur aluminium, 80 x 100 cm. Fort Pré-Giroud, 2000, photographie couleur contrecollée sur aluminium, 80 x 100 cm. Collection Frac Basse-Normandie

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Le monument des Bourgeois de Calais d’Auguste Rodin reste bien entendu le plus célèbre. La ville est cependant marquée par d’autres édifices anciens : les nombreuses fortifications de l’ancien régime et les bunkers du XXe siècle, en ruine pour la plupart. Ils ponctuent la ville, de la plage aux abords des canaux. Des blockhaus, construits entre 1940 et 1942 par les allemands pour se protéger des attaques anglosaxonnes, un seul est encore utilisé. Il abrite le musée de la mémoire 39-45, camouflé derrière les arbres d’un parc. David Jourdan, le reproduisait et le miniaturisait pour en faire un élément de mobilier lors de son exposition en 2002 au musée des beaux-arts et de la dentelle. Les bunkers du Pas-de-Calais ont été érigés comme un point central dans l’organisation défensive et offensive de la stratégie de guerre totale du régime nazi. Ils n’ont cependant pas beaucoup servi. Virginie Maillard les transforme en nouveaux temples du divertissement ou des institutions en les affublant d’un nouveau nom anglo-saxon et lumineux : « Girls », « Coffee Shop », « Marriage Center ». En Suisse, Leo Fabrizio en a photographié plus de 400, constatant leur appétence au camouflage, dissimulés dans le paysage ou sous les apparences d’une architecture vernaculaire. Prêt à porter de Sylvie Ungauer sont des modèles réduits de dix blockhaus réellement construits. Ses Bunker-burqa sont conçus pour être des architectures portables. L’artiste cite Paul Virilio : « Les abris antiaériens me parlaient de l’angoisse des hommes et les habitations de systèmes normatifs qui reproduisaient sans cesse la ville, les villes, l’urbain. Les blockhaus étaient anthropomorphes, leurs figures reprenaient celles des corps : la casemate. »1. La guerre entraine la modification de l’habit comme de l’habitacle. « Il y a d’ailleurs, dès l’apparition de l’armure, analogie avec la fortification : on parlera de la « chemise » du rempart pour désigner un revêtement de pierre dure sur le talus, de « bastion » pour désigner le bustier de la cuirasse du chevalier. »2 peut on aussi lire dans le même livre. Le portrait de groupe, Les Armures de Carole Fékété, plonge le spectateur dans d’autres siècles.

1.  Paul Virilio, Bunker Archéologie, Ed. Galilée, 2008. 2.  Paul Virilio, Bunker Archéologie. p. 18. 40


Le Moyen Âge rencontre la science-fiction, le portrait de classe, ÉDIla photographie de groupe. Non sans humour, cette nouvelle TION N°1 famille reconstituée nous présente ses membres fantomatiques, MAI 2014 cahier ses guerriers apaisés et fiers, ses vainqueurs immobiles et vides. n°2 Le lien étroit entre architecture et corps s’exprime dans les dessins de Micha Laury. Les bunkers israéliens dans lesquels il a passé des années en tant que soldat ont conditionné sa perception de l’espace vital, désormais réduit à une boîte noire. Quand ce volume noir est un billot de boucher, accidenté par les milliers de coups de couteau, imprégné de chair et de viande, comme dans les sculptures de John Cornu, la forme minimale se dote de nouvelles significations. Et quand le bunker prend des apparences de pavillons contemporains, à travers les sculptures de Matthew Miller et de Laurent Sfar, c’est pour mieux questionner cette administration de la peur dont parlait également Paul Virilio et cette dérive sécuritaire qui font de nos maisons des abris antiatomiques et des zones de surveillance.

monument

s’interroge sur

l’obsolescence du

monument, de sa ruine programmée à la

prégnance de l’image photographique et de sa remise en cause à sa remise en jeu. Les œuvres sélectionnées présentent ce qui rappelle ou perpétue les conflits et s’interrogent sur le sens actuel de ces édifices, ruines ou reliques, de leur vénération ou au contraire de leur rejet, en tous les cas de leur réappropriation. Le XXe siècle, en commémorant les victoires autant que les destructions, a transformé la ruine, réservé au champ de l’art et du patrimoine en un enjeu politique fort. Au XIXe siècle, l’esprit de l’époque se donne rendez-vous devant les monuments en ruine. Là vont se rencontrer la photographie et l’Orient. Mais à force de louer la ruine, et d’en ressasser les poncifs sur son incarnation de la 41


fuite du temps, de la fin des empires, trop de ruines ont tué la ruine. Albert Speer proposera à Hitler de prévoir d’emblée l’aspect ruiné que pourront avoir, dans les siècles à venir, les monuments du IIIe Reich. L’architecte imaginait en effet que l’édifice en ruine ressembla aux ruines romaines. Auguste Perret pendant l’entre-deux guerres voulait conserver en l’état la cathédrale de Reims, détruite lors de la Grande Guerre. Il imagina recouvrir l’édifice par une couverture en béton : « J’aurais le moins possible effacé les traces de la guerre, j’aurais essayé d’éterniser le merveilleux, le pathétique « témoin » qu’était devenu la cathédrale ». « Il ne fallait pas effacer les traces de la guerre, le souvenir ne s’efface que trop tôt. »3 Wolf Vostell répond avec ironie à cette proposition. C’est une voiture qu’il immobilise dans du béton, lui donnant l’apparence d’un bunker, niant ainsi la valeur poétique de ces produits de consommation. Les ruines ne connaissent pas toutes le même sort. Devant les « carpet bombing », bombardements extraordinaires auxquels se sont livrés les Alliés sur les villes allemandes, W.G Sebald s’étonne du comportement du peuple qu’il qualifie d’apathique et d’amnésique. C’est cette paralysie qui aurait poussé les allemands à éliminer ces ruines encore fumantes pour construire un monde nouveau avec héroïsme, en taisant l’éradication des grands centres urbains, comme celles des crimes nazis. Toujours selon l’auteur allemand, « la destruction totale [n’apparaissait] pas comme une aberration totale, mais comme la première étape d’une reconstruction réussie ». Les photographies aériennes de ces zones anéanties ont changé l’échelle des ruines et la perception de la guerre. Les photographies de la cathédrale de Cologne miraculeusement épargnée des bombes au milieu du désastre ont frappé les esprits. La série photographique de Rémy Marlot et Ariane Chopard en plan resserré et en contre plongée des façades de la cathédrale de Cologne concentre son objectif sur la paroi de l’église. Le cadrage et la couleur bleue redonnent une dimension sacrée et romantique à l’édifice religieux.

3.  cité par Michel Makarius, Ruines, Représentations dans l’art de la Renaissance à nos jours, Ed. Flammarion, Coll Champs Arts, 2011, p.206 et 207. Citant Encyclopédie Perret, Paris, Editions du patrimoine, 2002, p.134, 135 . H. Lempereur 42


Dans le cadre du programme de reconstruction à Ground ÉDIZero, certains des débris des Twins Towers ont connu un destin TION N°1 inattendu. Un navire de guerre baptisé USS New York en MAI 2014 cahier mémoire des attentats contre le World Trade Center et engagé n°2 dans la guerre contre le terrorisme fut fabriqué à partir de ses décombres. Terminé en 2009, ce sont 8 tonnes d’acier qui ont été utilisées pour sa poupe. La devise du bateau Never Forget figure aux côtés de la silhouette stylisée des tours jumelles et d’un phénix qui renait de ses cendres4. C’est à ce type d’inscription emblématique que la sculpture de Pascal Bauer renvoie en gravant dans le marbre les paroles d’un homme politique grec au moment où la crise paralyse le pays. La ruine a donc changé de paradigme au XXe siècle. Aux ruines méditatives peintes par Caspar David Friedrich qui se détruisent sous l’effet du temps, s’est ajoutée la notion d’entropie, ce mécanisme qui suspend, voire abolit le temps et sa linéarité selon Robert Smithson. Toute destruction étant inhérente à la construction, tout espace est celui de l’apparition de la ruine. À propos de Monument 7, en hommage à V.Tatline de Dan Flavin, œuvre réalisée avec des néons, Robert Smithson déclarait : « au lieu de nous remémorer le passé comme le font les monuments anciens, les nouveaux nous font oublier l’avenir. Au lieu d’être faits de matériaux naturels, tels que le marbre, le granite et autres roches, les nouveaux monuments sont faits de matériaux artificiels : plastique, chrome et lumière électrique. Ils ne sont pas construits en vue de la durée, mais plutôt contre. Ils sont lancés dans une réduction systématique du temps en fractions de secondes, au lieu de représenter l’espace des siècles. »5 Quoiqu’en béton, solide et résistante, Style Reconstruction, la Tour de Boris Chouvellon est un monument de l’entropie. Elle se déconstruit sitôt qu’elle n’est plus présentée, entreposée à l’extérieur, à peine abritée. Exposée, elle s’érige comme une tour à peine fonctionnelle, un décor désuet.

4.  Jean-Yves Jouannais, L’usage des ruines, Ed. Verticales, 2012 5.  « L’entropie et les nouveaux monuments », dans Robert Smithson, une rétrospective, Marseille, RMN, 1994. 43


Sylvie Ungauer Bunker-burqa : 10 formes, feutre, métal, support en métal, 2012, dimensions variables : de 1,60 de haut à 1,10 m de large et 10 portants de 1,60 m de haut maximum en métal avec une embase de 30 cm.

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Carole Fékété Les armures, 2014, impression jet d’encre. Coproduction FRAC Basse-Normandie, Musée des beaux-arts, Calais, Musée de l’Armée, Paris et l’artiste.


ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

Michel Aubry Lustre, 1914 – 2002, piquets pour réseaux de tranchée, cannes de Sardaigne, seize anches en argent, 160 cm x 160 cm. Galerie Eva Meyer. Tables, 1914 – 2003, piquets pour réseaux de tranchée, objets collectés en Alsace sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. I. Récipients. ca. 100 x 260 x 160 cm. II. Munitions. ca. 100 x 180 x 140 cm. III. Outils. ca. 100 x 140 x 110 cm.

IV. Cuisine et campement. ca. 100 x 170 x 110 cm. V. Réseaux de tranchée. ca. 100 x 220 x 160 cm. Emprise des cinq tables disposées en rosace : ca. 400 x 360 cm. Galerie Eva Meyer.

Au mur : Patrick Tosani Hauteville, 1983, photographie couleur (C-print), 120 x 157 cm. © Patrick Tosani – Adagp, Paris 2014. Courtesy de l’artiste & Galerie In Situ – Fabienne Leclerc Paris.

Valérie Collart Monument I, II et III, 2010, tirage lambda érodé avec du papier abrasif 30 x 20 cm.

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Michel Aubry Le manteau d’Ernst Jünger, 2011, drap de laine, fourrure et broderie. Galerie Eva Meyer. Mise en musique du pantalon de Beuys après le crash, 1944 – 2009, pantalon en fourrure de mouton, toile et cuir, tubes en papier bakélisé et anches en bakélite. Collection Frac Basse-Normandie. Mise en musique de la combinaison de vol de Beuys avant le crash, 1942 – 2003, combinaison de vol sur cintre, combinaison en coton et cintre, 170 x 65 x 10 cm. Collection Frac Basse-Normandie. 46

Léa Le Bricomte Drippings Medals, sculpture (médailles et rubans militaires augmentés), 2012. 180 x 223 cm Free Riders, sculpture (6 obus 18 pounders augmenté, roues de skate board). 2011-2012, © Léa Le Bricomte. Courtesy Galerie Lara Vincy, Paris . © Adagp, Paris, 2014.


ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

Laurent Sfar La forme du doute, 2010, impression jet d’encre sur papier 120 g montée dans une caisse, 94,5 x 120 x 4 cm. Excavation, 2007 / 2010, résine acrylique, papier, bois, flocage, 142 x 55 x 68 cm.

Wolf Vostell Circulation bloquée, 1974, sérigraphie, muse des beauxarts, don de l’artiste, 1983, n° inv. 983.13.1. © F . Kleinefenn. © Adagp, Paris 2014.

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le monument a

changé de nature. de permanent et

indestructible, il

est devenu périssable et faillible. Les forteresses et bunkers qui

ont survécu témoignent de leur fin programmée. Dans le meilleur des cas, et pour quelques-uns seulement, ils ont été restaurés ou convertis en musées et sites patrimoniaux. Les autres, envahis par la végétation ou submergés par la mer, deviennent transparents. Certains drapeaux vivent un semblable destin. Héraldique plus que monument, le drapeau est pourtant un monument par substitution et destination, simultanément objet, image et manifestation commémorative de la victoire. Les artistes y trouvent un symbole si connoté qu’ils se plaisent à l’étudier. Isabelle Crespo-Rocha retire le drapeau américain de la célèbre photographie de Joe Rosenthal, accusé d’avoir monté la scène de toutes pièces. Boris Chouvellon photographie un à un les 15 drapeaux déchirés flottant par tous les temps comme autant de gueules cassées. Léa Le Bricomte coud des dizaines de rubans de médailles et fabrique une utopie aux couleurs d’une nation imaginaire multiculturelle et multinationale. Les changements de régime politique et la volonté des hommes d’assoir symboliquement leur pouvoir conduisent également à une certaine obsolescence programmée du monument. Passages, une histoire de la sculpture de Rodin à Smithson, de Rosalind Krauss s’ouvre avec une description de la première scène du film sur la révolution soviétique Octobre, d’Eisenstein, 1927-28. La statue d’Alexandre III tsar de Russie est démantelée par une foule munie de cordes. Alors que les héros de la révolution sont bien réels, la dynastie des Romanov en train d’être renversée est symbolisée par une sculpture monumentale. Cette image forte transcrit pour la critique d’art américaine le renoncement de la sculpture moderne à 48


toute histoire. Elle place Rodin au cœur de cette révolution ÉDIartistique, libérant la sculpture du poids de l’idéologie et TION N°1 constate la disparition ou l’antagonisme entre sculpture et MAI 2014 cahier monument. Le renversement de la statue ne sonne pourtant n°2 pas la fin d’un régime. Liane Lang montre au contraire à travers ses sculptures en bronze miniaturisées qu’un régime totalitaire en a remplacé un autre, recyclant le bronze pour dresser celle de Lénine. La reproductibilité et la précarité, voire sa capacité à disparaître seraient-elles devenues les nouvelles qualités du monument ? Dans tous les cas, des artistes ont imaginé une version critique du monument, l’anti monument. Jochen Gerz en est le principal instigateur à travers deux monuments devenus célèbres : Le monument contre le fascisme, 1986 et Le monument invisible, 19906. Pour les deux, il met à contribution passants ou étudiants pour rendre active la population dans la construction de la mémoire collective. S’efforçant de concevoir une forme de mémorial qui était tout sauf monumentale, Félix GonzalesTorrès se souvient d’avoir vu un monument fascinant au Canada : au bord d’une route qui dominait un paysage spectaculaire, se trouvait une simple plaque posée sur un tout petit piédestal et sur laquelle on lisait : « This view is dedicated to all those who died in World War II ». L’artiste décidait d’en créer qui s’offrent au public, qui ne fassent que suggérer le sens, et qui puissent, avec le temps, disparaître. L’artiste a ainsi mis à disposition bonbons et sérigraphies

6.  Le monument contre le fascisme se présente sous la forme d’une colonne de 12 mètres. Conçu par Esther Shaley-Gerz et Jochen Gerz, il donne la possibilité d’apposer sa signature à côté de milliers d’autres. Au fur et à mesure que l’espace disponible était rempli, la colonne s’enterrait dans le sol pour laisser apparaître une nouvelle surface à signer. En plus des signatures, sont apparues graffitis et slogans. Jochen Gerz parle à propos de cette œuvres « de nouveau type de monuments où le traditionnel court bouleversement du spectateur est remplacé par sa participation durable comme coauteur et coresponsable » et remarque à la suite des actes de vandalisme : « Comme reflet de la société, le Monument dans le sens double est problématique, puisqu’il ne rappelle pas seulement à la société le passé, mais en plus sa propre réaction à ce passé. » En 1990, il réalisait le monument invisible, retournant un à un et clandestinement les pavés du château de Sarrebrück ancien quartier général de la gestapo. Il décèle du pavement 2146 éléments sur lesquels lui et ses étudiants inscrivent le nom d’un des cimetières juifs d’Allemagne. 49


qui généraient interaction, participation et interprétation, comme ce que devait provoquer d’après lui toute œuvre dans l’espace public. Liés intimement à sa biographie ou aux luttes auxquelles il prenait part, ces objets répartis en tas ou en piles, définissaient pourtant de manière traditionnelle le monument : « la commémoration des événements, la pérennité du souvenir, la matérialisation de l’impalpable et la production d’une émotion d’ordre moral. » Bonbons ou affiches tenaient de l’offrande mais aussi du souvenir, que Susan Stewart a comparés à des objets de désir : « le souvenir réduit le monumental, le public et le tridimensionnel à la miniature, à ce qui peut être enveloppé par le corps ou à la représentation bidimensionnelle (carte postale ou photographie), à ce qui peut être approprié à l’intérieur de la vision du sujet individuel. » Les souvenirs représentent le passage de la sphère publique à la sphère privée7. Quand Antoine Durand décide d’imprimer 1 000 cartes postales de six monuments pour la Paix qu’il a photographiés en France ou quand Tom Molloy appelle Monument une pile de 1059 cartes postales anciennes en noir et blanc qui reproduisent des monuments de la première guerre mondiale en France, c’est aussi son caractère affectif, sentimental et social, qu’ils préservent. Étendre le monument à la sphère privée soit par la miniaturisation, soit par l’image annonce un grand nombre d’œuvres contemporaines marquées par un nouveau rapport à l’objet réel, à l’autobiographie et à la photographie. Parmi tant d’autres, un modèle historique et martial existe : les foulards sur lesquels avaient été imprimées des cartes du territoire inconnu et à reconquérir, utilisés par les parachutistes. Carole Fékété en a photographié un, conservé au musée mémoire 39-45 de Calais. Il semble avoir retenu les traces de transpiration du soldat qui le portait ou d’autres humeurs et liquides qui ont dissous les couleurs. À partir de 1984, Christian Boltanski qui interroge sa propre histoire au regard de celles des

7.  Susan Stewart, on longing : narratives of the miniature,.the gigantic, the souvenir, the collection, Durham, N. C. : Duke University Press, 1993, Nancy Spector, Felix Gonzalez-Torres, Paris-Musées, Les musées de la Ville de Paris, 1996 50


autres réalise une série de Monuments qui sont des installations photographiques lumineuses. Elle débute avec la reproduction ÉDITION N°1 et l’agrandissement d’une ancienne photographie de classe. MAI 2014 cahier L’artiste ne se souvient plus du nom de ses camarades de n°2 classes devenus des anonymes. Encadrées elles sont accrochées au mur et entourées de guirlandes lumineuses. L’éclairage leur confère une aura sacrée et l’installation devient un autel à l’enfance oubliée et peut-être perdue. Patrick Tosani enferme des monuments en papier journal miniaturisés dans un glaçon. Michel Aubry collecte des objets sur les champs de bataille et se souvient qu’enfant, il les ramassait déjà. Deborah Gardner échafaude un monument avec des oreillers et traversins. Régis Fabre transforme un lit en bois, en guérite. Sylvie Ungauer fait fabriquer des chapeaux en forme de bunkers-burqa, portés par des danseurs lors d’une performance. Jeanne Gillard et Nicolas Rivet moulent des monuments censurés et vandalisés en savon. Michel Aubry fabrique des costumes. Le corps et l’intime semblent donc sans cesse convoqués, rappelant à la fois l’importance de la figuration dans le monument mais également sa nécessité à provoquer de l’empathie et de l’interaction.

la parodie est une

des manifestations

de l’anti monument.

Le Lipstick de Claes Oldenburg de 1970, gigantesque rouge à lèvres planté sur un char en guise de socle, est-il encore un monument ? Quand il prend le jeu comme terrain d’exploration, le monument a donc tendance à révéler une constante de la guerre plutôt qu’à le moquer. Les œuvres de Léa Le Bricomte et Pascal Bauer prêtent à sourire. Léa Le Bricomte assemble des dizaines de balles en guise de mandala, ajoute des roues à des obus comme à un skateboard, ou juxtapose des médailles pour en faire un dripping. Elle s’approprie ainsi des insignes et des mythes masculinisés. Mais comme le dit Michel Aubry, elle en « refroidit » les enjeux. Par l’humour, l’arme de guerre 51


mi missile mi massue de Pascal Bauer désactive la violence de la guerre tout en en constatant les constances archaïques. Les plans reliefs des places fortes du royaume de France exécutés par Louvois et Vauban sont également des objets hybrides. La dimension ludique est tout aussi évidente que les fonctions géographique, militaire et politique. Dans une pure fiction et au gré d’une pure fantaisie comme d’un réel enjeu, la miniaturisation autorise de nouveaux récits. Les jeux vidéos programmés et utilisés dans l’armée américaine pour entraîner comme pour soigner les soldats, les rendent ainsi plus réactifs à la violence en même temps qu’ils les y insensibilisent. La guerre devient une abstraction pour ces habitués de la réalité virtuelle. Pour d’autres, elle est un univers en trompe l’œil. Les adeptes du reenactment, par exemple, reconstituent des scènes de guerre qui doivent donner l’illusion d’un réel combat au Vietnam ou en Irak. A l’instar de ces bases d’entraînement américaines où l’on simule dans les moindres détails le terrain, les décors, les costumes, les coupes de cheveux et accessoires sont recrées à partir d’images tirées de films, de journaux…

monument est

autant une exposition de photographies qu’une exposition de sculptures.

L’image contemporaine, filmée ou fixe, ferait-elle davantage monument que le volume ? Il se peut que les photographes aient étudié et réinventé le médium plus que les sculpteurs. Confrontés à une surenchère visuelle, permise par une démultiplication des supports et une utilisation facilitée, il est possible qu’ils aient dû sophistiquer leur démarche et élargir leur champ d’action et de réflexion. Il est aussi possible que la sculpture se soit engagée dans d’autres voies prospectives, et que pour se libérer de son histoire, se 52


soit justement éloignée du monument. Dans tous les cas, ÉDIl’image se monumentalise. Patrick Tosani construit ses TION N°1 images suivant de nouvelles échelles qui isolent et agrandissent MAI 2014 cahier l’objet et en déstabilise sa perception. De représenté, l’objet n°2 est projeté dans l’espace du regardeur. Ce ne sont pas seulement les dimensions qui créent le monument mais bien la capacité de la photographie à imposer au regard une attention spécifique sur ce qu’elle montre par sa seule présence dans le réel. Dans les photographies de Patrick Tosani, les registres de visibilité sont identiques à ceux du monument : la figuration, l’échelle et la coprésence dans un même espace du sujet et de l’objet, du réel et de sa représentation. Les photographies de Gilles Saussier ont également un rapport au monument. Elles en font même leur sujet. Et c’est par la construction d’un récit contextuel, historique, géographique, sociologique et artistique en images et dans le temps sur la Colonne sans fin de Brancusi qu’il confère à la sculpture de l’artiste roumain sa légitimité monumentale. Là encore il s’agit de construction d’images. Enfin, Jocelyn Cottencin a réuni plusieurs danseurs qu’il a filmés et photographiés en train « d’interpréter » des architectures monumentales. Les danseurs évoluent dans un lieu neutre où les positions successives du corps sont définies dans le temps et l’espace en rapport avec des monuments existants. Comme le monument, la danse est affaire de projection des corps dans un espace réel. L’un et l’autre ont des liens forts et étroits avec l’espace public, l’espace social, l’intime comme le collectif. En installant la danse dans l’éternité, par le film et la photographie mais aussi dans le présent et le temporaire par la performance, l’image fait véritablement « monument ».

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composée Sylvie Froux Directrice du Fonds régional d’art contemporain Basse-Normandie

à

ÉDITION N°1

plusieurs

MAI 2014 cahier n°2

mains,

l’exposition

monument se joue au final selon des

partitions qui livrent dans chaque lieu une vision

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ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

À gauche : Rémy Jacquier Pavillon Deligny, 2002. carton, bois, plexiglass., 150 x 175 x 130 cm. Au centre : Jeanne Gillard & Nicolas Rivet (1er plan) Nearby george Washington Monument, 1969 (Arrière plan) Student Meeting Place Brétigny, 2004, de la série Soap Sculpture, 2013, sculpture sur savon, graphite sur bois, 95 x 30 x 30 cm chaque. À droite : Mick Peter Messiaen’s Ornithological Transcription, 2008, jesmonite, mousse polyuréthane, tiges acier, 210 x 40 x 40 cm Collection Frac Basse-Normandie. 57


singulière,

historique ou prospective.

L’exposition du Frac Basse-Normandie se veut un son en léger différé qui établit des allers-retours entre une mémoire commémorative fragile et parfois ambiguë, en particulier au cours du XXe siècle et un questionnement prospectif sur ce qui pourrait faire monument aujourd’hui. Architectes et artistes sont en première ligne dans la création de l’immémorial ; c’est bien à eux que l’on s’adresse le plus souvent pour concevoir, produire et construire, stèles, statues, ouvrages et places publiques. Le film Refresh the Revolution de Matthieu Martin, collection du Frac Basse-Normandie, s’inscrit dans cette suite symbolique. L’artiste y repeint en blanc, de haut en bas, une tour, à l’allure de château d’eau, emblématique de l’architecture moderniste russe des années 20 liée à l’époque à l’espoir d’une vie nouvelle. Matthieu Martin célèbre ainsi dans la ville d’Ekaterinbourg, dans la démesure de son entreprise quasi solitaire, la mémoire des gestes passés. Entre documentaire et fiction, le film Return to Adriaport d’Adela Babanova poursuit le rêve extravagant d’une Tchécoslovaquie reliée à la Mer Adriatique par un tunnel. Cette utopie, retracée ici à la manière « souterraine » des opposants de l’époque communiste, ne dissimule-t-elle pas, derrière le souhait politiquement affirmé de donner vie à un lieu de villégiature populaire, le désir de conquête géopolitique d’un accès à la mer, toujours opérant aujourd’hui par exemple en Crimée ?

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Le film 1967 : A People Kind of Place de ÉDIJacqueline Hoang Nguyen relate au travers d’archives TION N°1 audiovisuelles la volonté d’une ville canadienne de construire MAI 2014 cahier un bâtiment destiné à accueillir les extraterrestres dans une n°2 sorte de monument pour le futur. L’artiste en profite pour rappeler avec un certain humour la condition du migrant type pas toujours espéré ni accueilli à bras ouverts que ce soit au Canada ou ailleurs. Redoublant l’effet, par l’utilisation de savon, matériau susceptible de se dissoudre, les petites figurines de Soap Sculptures de Jeanne Gillard et Nicolas Rivet reproduisent en miniature, des sculptures publiques disparues ou déplacées sous l’effet de décisions liées à leur contexte environnemental ou plus directement censurées. Il en fut ainsi à Brétigny de l’œuvre de David Lamelas, ou celle de Barnett Newman à Washington ; celle de Laith al-Ameri en Irak ayant été détruite. Architecture imaginaire dans la grande maquette étagée Pavillon Deligny de Rémy Jacquier. Il y rend hommage à l’esprit de Fernand Deligny, pionnier des années 60/70 qui inspira la « nouvelle psychiatrie », (et aussi bien Deleuze et Guattari avec « l’antipsychiatrie ») en créant des lieux de vie pour les autistes, dans une époque où l’on cherchait à développer des expériences alternatives à l’institution médicale. Mick Peter, dans sa sculpture Messiaen’s Ornithological Transcription, collection du Frac Basse-Normandie, imagine un aigle posé sur une « statue », silhouette humaine maladroitement dessinée. Figure totémique souillée par de la fiente déposée par l’oiseau et qui vaut pour tout monument exposé à la rue.

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Vues de l’exposition Monument au Frac Basse-Normandie. Photographies : Marc Domage.

Robert Foster Spectre, février 2014 performance, vendredi 21 février 2014, Ozymandias de Percy Bysshe Shelley (1817) impression sur papier A4.

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ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

À gauche : Mick Peter Messiaen’s Ornithological Transcription, 2008, jesmonite, mousse polyuréthane, tiges acier, 210 x 40 x 40 cm Collection Frac Basse-Normandie.

Au centre : Matthieu Martin Refresh the Revolution, video couleur HD, 10.51 min, collection Frac Basse-Normandie. Robert Foster Spectre, février 2014 performance, vendredi 21 février 2014, Ozymandias de Percy Bysshe Shelley (1817) impression sur papier A4.

À droite : Jeanne Gillard & Nicolas Rivet (1er plan) Nearby George Washington Monument, 1969, de la série Soap Sculpture, 2013, sculpture sur savon, graphite sur bois 95 x 30 x 30 cm. Collection des artistes.

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Vues de l’exposition Monument au Frac Basse-Normandie. Photographies : Marc Domage.

À gauche : Benoît Billotte (premier plan) Apollo / Futuro, 2012 - 2013, tirage en sérigraphie, 57,5 x 41 cm. (second plan) Plaque Pioneer (version beta), septembre 2011, plaque en plomb moulée, 23 x 17 cm.

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À droite : Boris Chouvellon Sans titre, 2007-2011, ensemble de 8 photographies couleur 120 x 80 cm chaque. Co-production Frac Basse-Normandie, Sainsbury Centre for Visual Arts pour les 8 photographies.


ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

À gauche : Pascal Bauer (arrière plan) Ready-made, 2009, impression sur bâche PVC, 300 x 450 cm. Production Frac Basse-Normandie, Collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris.

À droite Pascal Bauer (arrière plan) Deep Captive, 2012, inox, aluminium, bois, silex, 85 x 22 x 22 cm. Collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris.

(sol) Master_of_the_wolves, 2013, marbre de Carrare, 9,5 x 85 x 30 cm. Collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris.

Simon Le Ruez (1er plan) A familiar place for the very first time, 2009, bois, acier, ciment, peinture 116 x 36 x 105 cm collection de l’artiste.

À droite : Léa Le Bricomte Guerres de tribus, série de sculptures 2012-2014, 1. obus de mortier français 120 mm, perles bleu, orange, verte, 44 x 60 x 12 cm, 2. obus de mortier français, guerre d’indochine (marquage T7G-1947-45-53) perles : noir, orange, jaune, 28 x 25 x 6 cm, 3. obus de mortier français, guerre d’indochine (marquage T7G-1947-10-53) perles : noir, bleu, vert, 28 x 25 x 6 cm, 4. obus de mortier français, guerre d’indochine, perles : noir, orange, bois naturel, 28 x 25 x 6 cm, 5. roquette française (couleurs noir et vert, perles : rouge, noir, bois naturel), 27 x 41 x 7 cm 6. roquette LR AC (couleur bleu, marquage GR-FL-AL-58-PAB-F2 inerte), 23 x 40 cm x 6 cm, 7. roquette israélienne 82 mm (couleurs noir et vert, perles bleu, verte, bois foncé), 23 x 35 x 8, 2 cm. Courtesy Galerie Lara Vincy, Paris.

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le monument

est aussi

un événement symbolique,

considéré comme ce qui peut faire loi non écrite dans une société, comme peut l’être par exemple le drapeau. Manière de rendre visible et d’interroger cette présence discrète au quotidien ou survoltée dans les moments de nationalisme exacerbé et présence malmenée dans les photographies de drapeauxchiffons de Boris Chouvellon de la série Sans titre qui révèlent les désordres du monde. La vision de ces drapeaux déchiquetés à force d’intempéries et d’oubli, souffrants et dansant cependant, met en doute la parole contre les actes. Moment fondateur de l’histoire humaine, et cependant issue de la lutte des nations entre elles, toujours prête à être réactivée, la conquête de l’espace a connu ses moments de gloire. Benoît Billotte s’en joue dans Apollo/Futuro et dans Plaque Pioneer (version Beta) comme il stigmatise la folie des grandeurs et la soif de pouvoir qui est associée à la hauteur des tours urbaines actuelles (tour de Shangaï par exemple) quand il en dessine en sable de fragiles silhouettes sur un mur. Les modes emblématiques de rapports sociaux - la production en série, la consommation de masse, la diffusion à grande échelle, le « net » et ses réseaux sociaux, le tourisme événementiel - qui s’immiscent dans la société contemporaine dressent-ils les bases d’une mutation dans cet ordre symbolique ? Les artistes sont dans leur rôle quand ils tentent d’en saisir les évolutions. Tourisme de guerre inventé par l’industrie touristique, comme le rappelait l’ouvrage Visites aux armées : Tourisme de guerre publié au Frac en 1997, par les artistes Diller & Scofidio, Régis Fabre met en exergue dans Enterlude cette recommandation parue dans Elle sous forme d’encart publicitaire pour le séjour à Auschwitz, vision choquante indécemment proposée aux nouvelles hordes de touristes fussent-elles sur le chemin du souvenir. Rappel encore à peine esquissé mais néanmoins très efficace, Régis Fabre, dans Vakttorn, détourne 64


un lit en kit d’un fabricant dont l’enseigne est à elle seule un ÉDImédia, en potentielle tour de guet peu accueillante. TION N°1 Dans Master_of_the_wolves, Pascal Bauer grave sur MAI 2014 cahier une épaisse plaque de marbre les fragments d’un fil de n°2 discussion récupéré sur Internet, échange absurde inscrit ici comme une épitaphe sur une pierre quasi indestructible. La liste exhaustive d’inventions répertoriées sur une bâche dans une autre de ses œuvres Ready-made en transforme la longue liste alphabétique en un poème à la Prévert, hommage à la créativité. Simon Le Ruez accouple, dans A Familiar Place for the Very First Time, planche à repasser, bunker et gazon de golf en une sculpture inattendue. Objet incongru et plastiquement très attrayant, la sculpture renvoie à deux univers enfermé et enfermant, deux images associées de l’aliénation. Les armures vides disposées pour la photographie de groupe Les Armures de Carole Fékété imprimées sur un simple papier collé à même le mur conservent une échelle humaine. Elles confrontent le spectateur à un double imaginaire qui pourra difficilement être pris au sérieux tant on entend presque le cliquetis de ces guerriers de bimbeloteries sortis des limbes des temps. Les obus désamorcés récupérés dans Guerres de Tribus par Léa Le Bricomte et harnachés de plumes de tribus indiennes soigneusement enlacées traversent eux aussi le temps et les civilisations comme la pièce Deep Captive de Pascal Bauer qui réunit en un seul objet une massue primitive et une « rocket » des temps modernes s’en référant tous deux à la violence comme constante inextinguible de l’humanité. Robert Foster avec Spectre, performance délivrée lors de la soirée du vernissage, lance comme un dernier avertissement. Debout sur un socle, recouvert d’un simple drap, immobile telle une statue pendant plus de trois heures : fantomatique. Il ne laissera pour seule trace à l’emplacement de sa performance que, punaisé au mur, le poème Ozymandias de Percy Bysshe Shelley (1817) dans lequel le poète renvoie dos-à-dos gloire et vanité et usure du temps.

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Vues de l’exposition Monument au Frac Basse-Normandie. Photographies : Marc Domage.

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ÉDITION N°1

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À gauche : (arrière plan) Carole Fékété Les armures, 2014 impression photographique sur dos bleu, 280 x 550 cm. Co production Musée des beaux-arts de Calais, Frac Basse-Normandie Remerciements au musée de l’Armée, Paris. Jeanne Gillard & Nicolas Rivet (2nd plan) Shoeing protest Takrit, 2009 de la série Soap Sculpture, 2013, sculpture sur savon, graphite sur bois 95 x 30 x 30 cm. Collection des artistes.

À gauche : Simon Le Ruez (1er plan) A familiar place for the very first time, 2009, bois, acier, ciment, peinture 116 x 36 x 105 cm. Collection de l’artiste. À droite : Régis Fabre (arrière plan) Vakttorn, 2012 lit mezzanine en kit requalifié en tour de guet bois, métal, carton et tissu 208 x 80 x 90 cm. Collection Frac PoitouCharentes.

À droite : Pascal Bauer (1er plan) Master_of_the_wolves, 2013, marbre de Carrare, 9,5 x 85 x 30 cm. Collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris.

Enterlude (extrait de la série « Les Choses vues »), 2010, impression numérique 63 cm x 48 cm. Collection de l’artiste. 67


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monuAmanda Geitner Curatrice générale au Sainsbury Centre for Visual Arts

ment :

ÉDITION N°1

les lende-

MAI 2014 cahier n°2

mains des

guerres et

des conflits

monument est le

même mot en anglais et en français.

On le prononce différemment mais inutile de le traduire. Ce mot suscite les mêmes associations de commémoration, de grandeur, d’endurance et d’impact. Cette exposition d’art contemporain est le fruit d’une collaboration trans-Manche entre différents musées et centres d’art d’Angleterre, de Normandie et du Pas-de-Calais, qui presque partout, dans leurs villes et villages ont en commun ces monuments aux morts du XXe siècle. C’est une exposition en trois parties - qui se déroulent à Norwich, Calais et Caen – où sont présentées les œuvres d’artistes qui envisagent la notion de monument de manières très variées.

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Nous avons choisi comme point de départ le Centenaire de la Première Guerre Mondiale et le Soixante-Dixième Anniversaire du Débarquement de Normandie lors de la Seconde Guerre Mondiale, et certaines œuvres présentées ici abordent directement le souvenir de ces conflits et la mémoire de ces évènements. Mais dans cette exposition, ce ne sont pas tous les artistes – loin de là – qui traitent directement de ces épisodes de guerre particuliers. D’autres œuvres donnent au thème de monument une acception plus large et s’intéressent à l’architecture, à l’échelle monumentale, à l’évolution de la signification politique et sociale des monuments, et à la nature de la réponse collective. Certaines de ces œuvres d’art sont clairement conçues comme des monuments, d’autres remettent en question le concept et nos attentes. En rapprochant ces perspectives très diverses les commissaires de l’exposition cherchent à explorer les relations qui existent entre les souvenirs privés et leur expression publique, entre la commémoration et l’incarnation physique, et comment les qualités monumentales peuvent se traduire par une très grande échelle ou se réduire à la miniature.

cafétéria du

sainsbury centre

La tour de carton de Paul Pouvreau est monumentale. Installée sur une remorque, elle s’élève à plus de quatre mètres de haut et introduit l’un des thèmes de l’exposition, dès l’entrée dans le vaste espace du bâtiment principal que nous devons à Norman Foster. Banale de par son utilisation d’un matériau commun, cette œuvre est impressionnante par son échelle. Non loin, une photographie montre un enfant qui met en joue le spectateur, abrité derrière une boite de carton décorée d’un paysage. La réunion de ces éléments crée une tension entre l’enfant qui joue à la guerre et la perception que l’adulte a de l’art.

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galerie 1

ÉDIDans la Galerie 1, on rencontre d’abord un groupe TION N°1 d’œuvres de grande taille et spectaculaires qui interrogent les MAI 2014 cahier notions de construction et de déconstruction du monument, n°2 et qui deviennent, chacune à leur manière, un hommage à la fragilité de l’expérience et de la vie humaine. Le grand cylindre d’acier de John McDonald est à la fois un monument au savoir-faire de l’ouvrier métallurgiste, et un hommage aux victimes des attentats à la bombe de juillet 2005 à Londres, dont l’artiste a été un témoin direct. Par contraste Things Fall Apart, l’œuvre d’Andrew Burton est une construction architecturale fragile qui semble sur le point de s’effondrer. Elle est constituée de milliers de petites briques recyclées et récupérées sur d’autres réalisations et qui portent en elles les couleurs et les marques de leurs vies antérieures dans d’autres structures. Les photographies saisissantes de Mark Edwards réimaginent un contexte et une raison d’être à de gigantesques piles de bois. Ces structures sont rendues monumentales dans d’immenses images en noir et blanc et deviennent une sorte de mémorial contemporain au lieu où elles furent découvertes – dans un ancien aérodrome du Norfolk, d’où partaient les avions qui participèrent au débarquement de Normandie. Quant à lui, Boris Chouvellon nous offre des images poignantes de drapeaux déchirés qui se détachent sur fond de ciel, spectacle de désolation dans un lieu anonyme. Au centre de l’espace, Marcus Vergette a installé sa cloche Silence, Beat, Silence, que les visiteurs peuvent sonner – un simple geste, souvent associé aux cérémonies ou aux privilèges, mais qui ici permet à chacun d’apprécier la résonance de la cloche pour elle-même. La cloche sera installée dans l’Undercroft en juin et sera placée sous le monument aux morts.

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Vue de l’exposition Monument, cafetéria du Sainsbury Centre for Visual Arts. Paul Pouvreau Sans-titre, (Untitled), 2000, carton et remorque, 450 x 250 x 125 cm. Photographie, 120 x 160 cm. Courtesy de l’artiste et de la galerie SCRAWITCH, Paris.

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Photographies : Andy Crouch

Boris Chouvellon Sans-titre, (Untitled), 2007–2011, photographie, (série de 15) 120 x 80 cm chacune. Courtesy de l’artiste.

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Vue de l’exposition Monument au Sainsbury Centre for Visual Arts, Galerie 1. Premier plan : Andrew Burton Things Fall Apart, 2008 – 2014, terre cuite, adhésif. Dimensions indicatives : 223 x 300 x 200 cm. Courtesy de l’artiste. © DACS.

Deuxième plan : Marcus Vergette Silent, Beat, Silent, 2013, bronze, stainless steel and lead, 115 x 145 x 85 cm. Courtesy de l’artiste.

Troisième plan : John McDonald Monument, 2011–2014, acier doux et acier inoxidable, 300 x 195 cm. Courtesy de l’artiste.

Quatrième plan : Mark Edwards Shelter #2, 2014, photographie montée sur light box, 120 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #3, 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #4, 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #5, 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Photographies : Andy Crouch 75


link bay 1

L’appel à contributions dont proviennent la plupart des œuvres présentées ici invitait les artistes à proposer soit une œuvre existante, soit un projet. Il en est résulté une grande variété de réponses face à l’idée de ce qu’est un monument. Dans cette galerie, toute la gamme des possibilités semble représentée, du monument discret dédié aux morts ou à la paix, au monument comme affirmation courageuse de la physicalité, ou bien tout à fait à l’opposé, le monument comme réflexion philosophique sur le destin et la fragilité. Le long siège de Leningrad, de 1941 à 1944, est le sujet qu’explore Olga Boldyreff, dans une œuvre au crayon détaillée et délicate qui rappelle les monuments érigés pour commémorer cet évènement. Elle se sert de ces images pour explorer les souvenirs et les expériences des émigrés russes qui constituent sa propre famille, et fait ainsi le lien entre la mémoire publique et les souvenirs privés. Totalement à l’opposé tant par l’atmosphère que les modes d’expression ou les matériaux utilisés, les blocs de béton impossibles de Benjamin Sabatier ont été réalisés spécialement pour notre exposition et sont le résultat d’un artifice monumental impressionnant qui, par chance, fait écho aux ambitions du célèbre Brutalist Denys Lasdun, l’architecte du campus de l’Université d’East Anglia. En France, très peu de monuments aux morts sont dédiés aux victimes innocentes de la guerre, à ceux qui ne se sont pas battus, et qui pourtant sont morts, à ceux qui étaient pacifistes et ont fait front face à la violence de la guerre. Antoine Durand les a documentés dans toute une série de cartes postales qui sont à la disposition des visiteurs. Alusage, la maquette d’architecture noire présentée par Rémy Jacquier fait partie d’une série basée sur les œuvres du philosophe Denis Diderot (1731–1834). C’est dans sa forme l’interprétation monumentale d’une citation en braille : « Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient ». Quatre œuvres tirées de la série : The Day Before_Star System par Renaud Auguste-Dormeuil recréent de manière numérique la configuration des étoiles dans le ciel nocturne juste avant une scène tristement célèbre de carnage ou de destruction. Aussi belles et mystérieuses qu’un ciel nocturne, ces images nous présentent un univers indifférent aux tragédies humaines, ou le ciel avant la tempête. 76


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ÉDIAu cœur de l’exposition du Sainsbury Centre, en face TION N°1 de l’Education Studio, on peut voir un film de douze danseurs MAI 2014 cahier réalisé par Jocelyn Cottencin. C’est aussi à lui que nous n°2 devons l’identité graphique de l’exposition, fruit d’un processus de recherche, de collaboration et de performance. Il a réalisé son travail typographique et la video Monumental en approfondissant sa connaissance des statues publiques et des divers monuments érigés dans chacun des sites partenaires de l’exposition. Ainsi, dans la performance, on retrouve des monuments d’East Anglia, comme par exemple la sculpture Breath par Paul de Monchaux qui se trouve à Norwich dans les Jardins du Mémorial ; la verticalité de la Cathédrale de Norwich, ou encore Full Moon Circle de Richard Long qu’on peut voir à Houghton Hall. The Memorial Monument of Princess Caroline Murat érigé à Ringsfield et le Elveden War Memorial de Clyde Young apparaissent dans les lettres de la police typographique que Cottencin a créée pour Monument. Son œuvre est emblématique de l’approche des artistes de l’exposition qui ont travaillé – avec énergie, curiosité et parfois ironie ou humour – sur la notion de monument pour entamer une réflexion sur la tendance actuelle vers le monumental.

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Dans la dernière galerie, on peut voir une série de monuments dont l’échelle a été altérée, mais pour des raisons diverses. Jeanne Gillard et Nicolas Rivet nous proposent des miniatures de monuments officiels qui ont été victimes de la censure. Leurs répliques sculptées dans le savon se rattachent à une pratique entamée par le fabricant de savons américain Procter and Gamble. Ces œuvres s’intègrent dans un projet plus large sur le sort changeant des sculptures publiques.

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Olga Boldyreff Blokada Leningrada, (The siege of Leningrad), 2012–2013, fusain, poudre de graphite et pastel sec sur toile, 54 x 73 cm. Courtesy de l’artiste.

Jocelyn Cottencin Monumental 2014, HD video 47 min, couleur, son. Performance par Yaïr Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier, Matthieu Doze,Yves-Noël Genod, Elise Olhandeguy, Carole Perdereau, Agnieszka Ryszkiewicz, Loïc Touzé. Courtesy de l’artiste. 78

Vue de l’exposition Monument au Sainsbury Centre for Visual Arts, Link Bay 2. Photographies : Andy Crouch


ÉDITION N°1

MAI 2014 cahier n°2

Vue de l’exposition Monument au Sainsbury Centre for Visual Arts, Link Bay 1. À gauche Rémy Jacquier Alusage, 2006, carton et bois, 80 x 58 x 42 cm. Courtesy de la Galerie Bernard Ceysson, Paris. Au fond Benjamin Sabatier Crushed II, 2014, ciment et bois, 220 x 100 x 100 cm. Courtesy de la Galerie Bodson, Brussels.

À droite Renaud AugusteDormeuil The Day Before_Star System_ Dresden_February 12, 1945_23:59 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac BasseNormandie, Caen, France. The Day Before_Star System_ Baghdad_January 15, 1991_23:59, 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac BasseNormandie, Caen, France.

The Day Before_Star System_ New York_September 10, 2001_ 23:59, 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac BasseNormandie, Caen, France. The Day Before_Star System_Baghdad_March 18, 2003_23:59, 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac BasseNormandie, Caen, France.

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L’exposition se termine avec l’œuvre de Maya Balcioglu et Stuart Brisley : Cenotaph, qui est une représentation au uncinquième du Cénotaphe de Whitehall d’Edwin Lutyens. Structure temporaire érigée pour un défilé de la paix à la fin de la Première Guerre Mondiale, le Cénotaphe original se révéla tellement populaire qu’en 1920, il fut remplacé par un monument permanent (qui est aujourd’hui le mémorial national de l’Angleterre). Ce prototype du cénotaphe provient d’une série de sculptures et d’expositions que Balciouglu et Brisley réalisèrent en 1987, après que Brisley ait été artiste-en-résidence à l’Imperial War Museum de Londres. En montrant de nouveau cette œuvre dans le cadre de Monument les artistes souhaitent interpeller le public et poursuivre leur exploration de l’œuvre d’art comme moyen d’approfondissement de notre engagement social et politique.

André Dunoyer de Segonzac Soldat, 1917, encre et lavis sur papier. Acquis en 1939. Robert and Lisa Sainsbury Collection, UEA 11.

Antoine Durand Maudite soit la guerre et ses auteurs, (Cursed be war and its perpetrators), 2013, cartes postales 10,5 x 14,8 cm chacune. Courtesy de l’artiste.

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Vues de l’exposition Monument au Sainsbury Centre for Visual Arts, Link Bay 3. Premier plan : Maya Balcioglu et Stuart Brisley The Cenotaph Project, 1987–91, MDF, 222,3 x 177,8 x 137,2 cm. Courtesy des artistes.

Second plan de droite à gauche : Jeanne Gillard et Nicolas Rivet Soap Sculpture (Emile or On Education) 2013, savon, 40 x 20 x 20 cm. Courtesy des artistes. Soap Sculpture (Young Obama Unwelcome Guest) 2013, savon, 55 x 30 x 30 cm. Courtesy des artistes. Soap Sculpture (Iron Curtain End) 2013, savon, 55 x 30 x 30 cm. Courtesy des artistes.

Soap Sculpture (Hand Shows Armenian Purge) 2013, savon, 40 x 20 x 20 cm. Courtesy des artistes. Soap Sculpture (Fritz Fall Echoes Jura) 2013, savon, 40 x 20 x 20 cm. Courtesy des artistes. Photographies : Andy Crouch

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Le projet TAP a été sélectionné dans le cadre du programme européen de cooperation transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre, cofinancé par le FEDER.


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jocelyn

cottencin

Né en 1967 à Paris, vit et travaille à Rennes. Considérant la typographie comme un matériau graphique et plastique, Jocelyn Cottencin l’expérimente à travers différentes formes : la performance, l’intervention dans l’espace public, l’installation, le dessin, le livre, l’espace scénique comme dans Vocabulario en 2007 réalisé avec Tiago Guedes et I Can’t Believe The News Today, réalisé à Pau en 2009. Il collabore depuis une dizaine d’années avec le chorégraphe Loïc Touzé et a conçu les dispositifs scéniques de plusieurs pièces dont LOVE (2003), 9 (2007), La Chance (2009) et récemment Gomme (2011) et Ô MONTAGNE (2012). En 2009, il travaille avec la chorégraphe Emmanuelle Huynh pour la création de la pièce Cribles et aujourd’hui pour TOZAI (2014). Pour le projet Monument il répond à la proposition conjointe du Musée des Beaux-Arts de Calais, du Sainsbury Centre for Visual Arts et du Frac Basse-Normandie de produire la charte graphique attenante à ce projet. Partant des photographies des différents monuments présents à Calais, Norwich et Caen, il en conçoit une police typographique qui en façonne le titre, déclinée sur tous les supports de communication du projet artistique. Il conçoit également la vidéo Monumental. Monuments, architectures, statues, œuvres d’art sont la base d’une partition visuelle interprétée par un groupe de 12 performers et chorégraphes suivant un espace et des contraintes temporels définis. Monumental met en jeu la question de l’émission et de la réception des images. Au travers de la statuaire, du patrimoine architectural et des œuvres dans l’espace public, le projet par le biais de ce groupe de performers déplace les notions de figure, récit et forme. Chaque monument sélectionné est décodé et restitué par des actions, des mouvements et des déplacements. > invitation à Jocelyn Cottencin le 25 mars à 19h au Frac : projection de Monumental suivie d’une discussion avec l’artiste

boris chouvellon

Né en 1980, vit et travaille à Marseille et Paris. La pratique de Boris Chouvellon s’ancre dans l’art du déplacement. Pas un déplacement seulement physique mais un déplacement du regard. Il traque les ruines ou les derniers éléments visibles de la production et de ses flux. Pour cela, il va trouver ses matériaux dans les zones où se dessine ce type de paysages, les zones périurbaines où s’étendent

de vastes mouvements entre entrepôts construits en matières légères - nous sommes ici loin des bâtiments en pierre des anciens docks des zones industrielles de la fin du XIXe et du début XXe siècle. Une galerie de portraits, ces « gueules cassées » nous rappellent que derrière cet art de la vexillologie se cache toute une galerie de tyrans promus par la gloire héroïque de projets magnifiques, puis déchus offerts alors en pâture à la foule. Dans cette série de drapeaux déchiquetés le processus de dégradation physique agit comme les révélateurs des désordres du monde. Un cadrage concentré sur le drapeau ou plutôt sur ce qui en reste après l’usure du temps, une vision en contre-plongée hiérarchisant le rapport à l’objet devenant la métaphore du rapport individu/ état, l’uniformité bleutée des ciels sur lesquels chaque drapeau se détache comme une figure iconique. Figure du dynamisme et figure de ruine, figure inquiétante et dansante en même temps, celle du devenir des nations dont l’emblème hier encore était flamboyant alors qu’aujourd’hui son autorité semble si vulnérable.

benoît billotte

Né en 1983, vit et travaille à Metz et Genève. Tel un arpenteur, Benoît Billotte collecte les informations et les ressources documentaires qui nous entourent. Les données aussi bien chiffrées, scientifiques, que techniques sont transcrites, traduites visuellement sans pour autant conserver leur lecture première. Maniant alors les cartes, les flux et les statistiques, il propose un détournement formel et conceptuel de ces données objectives que la société produit pour se donner des repères. Coupées de leur contexte, elles sont ramenées à leur pure abstraction et deviennent des signes graphiques et poétiques aux interprétations ouvertes. Apollo / Futuro est un montage photo reprenant les trois astronautes de la mission Appolo 1 en train de prier devant leur module lunaire remplacé ici par la Maison Futuro conçue par Matti Suuronen connue pour ses formes proches d’une soucoupe volante. À mi chemin entre hommage et montage de science-fiction, cette sérigraphie fait se rencontrer deux mondes distincts présentant tout de même des ressemblances de formes. Apollo / Futuro perpétue le souvenir de ces astronautes tout comme la conquête spatiale qui fut un élément moteur de l’économie et la politique du XXe siècle. Elle rappelle aussi l’impact de ces évènements sur la culture de masse et notamment au travers du développement de la science fiction et de l’architecture.


Plaque Pioneer (version beta) perpétue le souvenir de l’évènement de la plaque Pioneer envoyée dans l’espace en 1972, tout en revisitant les formes commémoratives à destination de la science et de la volonté humaine de mieux se connaitre. La série Château de sable présente les bâtiments aux silhouettes en perpétuelle extension. Cette soif de hauteur, proche de l’acte démiurgique atteste de l’expression d’un pouvoir, d’une supériorité. Des colosses aux pieds d’argile semblent alors se multiplier dans les mégalopoles contemporaines. Les grains de sable sont les restes, les ruines d’un monde qui n’est déjà plus, tout comme ces édifices qui tôt ou tard reviendront à l’état de poussière et dont seule une imagerie subsistera. Au Frac, Benoît Billotte reproduit une des plus hautes tours de Shangaï inaugurée en 2008. source : Benoît Billotte, dossier de l’artiste

jacqueline

hoang nguyen

Née à Montréal, vit et travaille à New York. Jacqueline Hoang Nguyen fonde sa pratique sur la recherche et la théorie féministe et enquête sur les questions d’historicité, de collectivités, de politiques utopiques et de multiculturalisme. Elle vise à révéler la pertinence politique d’anecdotes anciennes passées inaperçues ou jugées anodines en les exploitant sous un jour nouveau. 1967 : A People Kind of Place est un film composé d’archives audiovisuelles qui revient sur le projet de la ville de Saint-Paul, au Canada, de construire le premier monument dédié à l’accueil des extraterrestres à l’occasion du 100e anniversaire de la confédération canadienne, the Canadian Centenial Committee. Le film reconstitue à partir d’images d’archives l’atmosphère de l’époque. Il commence ironiquement par la phrase « This is a true story » sur la musique de la série « Les Envahisseurs (The Invaders) ». Macrocosme et microcosme s’y mêlent à volonté puisqu’on y voit aussi bien une famille préparant Noël que des paysages et animaux typiques du Canada, le tout parsemé d’images de l’espace et de l’inauguration de la fameuse piste d’atterrissage. Des phrases documentent à la fois la recherche en littérature faite par l’artiste lors de l’élaboration du film qui reflètent également des idées de l’époque : références sont faites à Buckminster Fuller l’architecte qui a conceptualisé le dôme pour le pavillon des Américains à Expo67, Ernst Bloch l’un des grands penseurs modernes qui a défini le projet utopique, Ursula K. LeGuin auteure

américaine de science-fiction qui a écrit sur des questions identitaires et de genre, enfin, Marshall McLuhan théoricien de la communication, célèbre pour son expression de « village planétaire » qualifiant les effets de la mondialisation.

ÉDITION N°1

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sources : http://archivistesqc.wordpress.com, http://gn-o.org

Jocelyn Cottencin Conception graphique pour l’exposition Monument, déclinaison en carton, flyer, affiche, 2014. Monumental, vidéoprojection, 2013 avec Agnieszka Ryszkiewicz, Yair Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier, Mathieu Doze, Yves Noel Genod, Elise Olhandeguy, Carole Perdereau, Loïc Touzé.

Boris Chouvellon Sans titre, 2007-2011, ensemble de 8 photographies couleur, 120 x 80 cm chaque. Co-production Frac Basse-Normandie, Sainsbury Centre for Visual Arts pour les 8 photographies. Photo : Marc Domage. Benoît Billotte À gauche : Apollo / Futuro, 2012-2013, tirage en sérigraphie, 57.5 x 41 cm À droite : Plaque Pioneer (version beta), septembre 2011, plaque en plomb moulée, 23 x 17 cm. Photo : Marc Domage.

Château de sable, 2014, dessin au sable sur le mur, 60 x 400 cm.

Jacqueline Hoang Nguyen 1967 : A People Kind of Place, 2012, films Super 8, 16 mm et 35 mm transférés sur DVD, 20 mn. Collection de l’artiste. Photo : Marc Domage.

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robert foster

Né en 1989 à Wegberg, Allemagne. Vit et travaille à Bristol. Recouvert d’un drap et installé sur un socle, un performer reste statique le temps du vernissage. Il ne restera pour trace que le poème Ozymandias de Percy Bysshe Shelley, épinglé au mur. La performance Spectre de Robert Foster est un contrepoint à l’idée du monument, par sa forme même, la performance, forme transitoire, éphémère et fugace. Elle rappelle une sculpture oubliée, laissée à l’abandon, dont seule une infime partie est visible. Le poème, point de départ de l’œuvre, parle de la difficulté de créer et de la volonté de postérité des artistes. Cette performance illustre avec ironie ce poème classique. L’artiste pousse aussi à l’absurde l’idée du corps comme matériau et source de tensions extrêmes dans l’histoire récente de la performance, en se recouvrant ici d’un simple drap. Cette performance-sculpture n’est pas seulement une référence à une histoire partagée mais aussi à une histoire plus personnelle tel le jeu enfantin de se déguiser en fantôme. Ozymandias J’ai rencontré un voyageur venu d’une terre antique Qui m’a dit : « Deux immenses jambes de pierre dépourvues de buste Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable, À moitié enfoui, gît un visage brisé dont le sourcil froncé, La lèvre plissée et le sourire de froide autorité Disent que son sculpteur sut lire les passions Qui, gravées sur ces objets sans vie, survivent encore À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit. Et sur le piédestal il y a ces mots : “Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois. Contemplez mes œuvres, Ô Puissants, et désespérez !” À côté, rien ne demeure. Autour des ruines De cette colossale épave, infinis et nus, Les sables monotones et solitaires s’étendent au loin. » Percy Bysshe Shelley (1817)

matthieu martin

Né en 1986 à Bayeux. Vit et travaille In-cité. La ville, inspiration et matière première du travail de Matthieu Martin, est au centre de ses réflexions. Cet artiste qui se définit comme travaillant « in-cité » utilise l’espace urbain comme espace de travail. Parmi ses œuvres, une série de peintures semble n’être, à première vue, que de simples monochromes. Mais très vite, le support magazine

est identifiable et les aplats de couleurs qui le recouvrent rappellent les peintures qui masquent les graffitis dans la rue. Matthieu Martin, avec beaucoup d’humour, recouvre les magazines de graffs de peinture grise et redonne ainsi à ces œuvres figées sur le papier leur caractère éphémère. La série Povera Mobility semble être tout aussi dérisoire que sa série de peintures : de massives pierres montées sur roulettes, geste de l’artiste apparemment absurde et pourtant plein de sens. Ces pierres, utilisées pour bloquer l’accès des terrains vagues aux gens du voyage, perdent ici leur utilité première. Avec elles, les espaces libres des villes sont modifiés et peuvent être pensés avec utopie. Pour Refresh the Revolution, à Ekaterinbourg, Matthieu Martin a voulu redonner à une tour abandonnée sa couleur blanche d’origine. Geste simple, sans prétention et qui a permis à la tour d’être ensuite protégée comme monument historique. La tour n’a plus alors fait partie d’un décor habituel de ruines. Par cette intervention elle a pu sortir de son oubli et être à nouveau visible. Cette visibilité c’est aussi celle qu’il cherche à donner au bâtiment de l’architecte Erich Mendelsohn à Saint Petersbourg . Sur les bâtiments abandonnés la nature prend le dessus et les arbres poussent et envahissent l’espace. Ce sont ces arbres que Matthieu Martin a conservés et déplacés dans l’espace d’une galerie d’art. Représentant le bâtiment abandonné, ces arbres deviennent symboles d’éléments du patrimoine prolongeant l’histoire du modernisme. Chloé Hipeau, août 2013

mick peter

Né en 1974 à Berlin, vit et travaille à Glasgow. « Il y a beaucoup d’entreprises pour lesquelles un désordre méticuleux est la bonne méthode ». C’est à partir de ce petit exergue que Mick Peter aborde ses sculptures dont la technique est d’abord traditionnelle (tailler, creuser…). Avec leur esthétique rugueuse et « fait main », les œuvres de Mick Peter déroutent le spectateur tant elles tranchent avec les codes dominants de la sculpture contemporaine pour annoncer une pratique érudite, décomplexée et bourrée de second degré. Les matériaux qui recouvrent le polystyrène de départ (résine, latex ou autre composé) rendent un aspect non fini et un peu mou. Si les sources restent le plus souvent secrètes, les titres peuvent les dévoiler. Des références littéraires et musicales sont ainsi combinées, évidentes pour l’artiste.


Messiaen’s Ornithological Transcription est emblématique de l’arrangement de ces divers éléments. Mick Peter y mêle l’intérêt du compositeur Messiaen pour l’opéra ornithologique et le constat amusé que fait Gustave Flaubert dans son journal de la situation des statues égyptiennes soumises aux « créations » imprévisibles des oiseaux. Il en résulte une sculpture totémique non dénuée d’humour.

adela

babanova

Née en 1980 à Prague, vit et travaille à Prague. Adela Babanova compose ses films à partir de formes littéraires, de procédés et d’éléments issus de la radio et de la télévision, elle emprunte à ces médiums le format de l’inteview ou du débat public par exemple. Elle s’associe régulièrement avec des équipes de cinéma et des acteurs professionnels ; elle utilise pour construire ses films, aussi bien des photographies d’archives que les nouvelles technologies comme l’animation 3D. Return to Adriaport est un mélange de fiction et de faits historiques qui parle du désir des habitants des terres pour la mer. Il revient sur la rencontre entre le président communiste tchèque Gustáv Husák et le professeur Zlábek, ce dernier tente de convaincre le président du bien fondé de sa vision. Les deux hommes partagent le rêve de voyager jusqu’à la mer, comme la métaphore d’un désir de liberté et de bonheur dans une réalité socialiste sombre.

rémy jacquier

Né en 1972, vit à Bouzillé et travaille à Nantes. Rémy Jacquier réalise à la fois des sculptures, des dessins, des installations et des performances qui se fondent sur un système très personnel d’équivalences avec la littérature, la science ou la musique. En jouant sur des notions de déplacement, ses œuvres mettent en forme les articulations de la pensée, par le langage plastique elles montrent le cheminement de l’idée, elles bâtissent l’architecture de la dérive conceptuelle. Son travail trace d’étranges trajectoires et invite le spectateur à parcourir une pensée comme on traverse un paysage. L’œuvre Pavillon Deligny est le premier volume architectural de la série des pavillons rendant ici hommage à Ferdinand Deligny et à ses lignes d’erre. Il s’agit ici d’un parcours dans l’espace

effectué à partir de la bascule intérieure ÉDITION des planchers de 32 modules cubiques, N°1 MAI 2014 créant ainsi un entrelacement et une cahier perte d’orientation. n°3 La plupart des volumes de la série renvoient à des personnalités ayant eu des relations avec le monde la psychiatrie, jouant ainsi sur l’ambiguïté entre pavillon architectural et pavillon psychiatrique. Ces volumes architecturaux sont donc des lieux de mémoire et de fiction jouant sur l’idée de projection mentale en tant que maquette d’architecture et de rapport au corps dans les dimensions ou les échelles choisies. source : Rémy Jacquier, dossier d’artiste

Rémy Jacquier Pavillon Deligny, 2002, carton, bois, plexiglass, 150 x 175 x 130 cm.

Robert Foster Spectre, 2014, performance, vendredi 21 février 2014. Ozymandias de Percy Bysshe Shelley (1817), impression sur papier A4. Photo : Marc Domage.

Matthieu Martin Refresh the Revolution, video couleur HD, 10.51 min. Collection Frac Basse-Normandie. Photo : Marc Domage.

Mick Peter Messiaen’s Ornithological Transcription, 2008, jesmonite, mousse polyuréthane, tiges acier, 210 x 40 x 40 cm. Collection Frac Basse-Normandie. Photo : Marc Domage.

Adela Babanova Return to Adriaport, 2013, video, 12 min. Courtesy Jiri Svestka Gallery.

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jeanne gillard

& nicolas rivet

Nés en 1983, vivent et travaillent à Genève. Prolongeant l’iconographie des compétitions sur savon organisé par Edward Bernays aux États-Unis dans les années 1930, ce projet réunit une collection de répliques en savon de sculptures publiques censurées. Des sculptures qui ont été retirées d’un site pour lequel elles étaient initialement destinées en raison de conflits, de menaces, de censure, etc. À la suite de recherche dans l’histoire des monuments interdits, Jeanne Gillard & Nicolas Rivet ont constaté que la censure n’était pas liée seulement à leur représentation, mais aux relations que les sculptures entretenaient avec certains éléments présents dans leur environnement. Révélant que la compréhension d’une sculpture publique est avant tout tributaire du contexte dans lequel elle s’inscrit. Ainsi, l’œuvre publique Broken Obelisk de Barnett Newman, initialement placée à Washington, non loin de l’obélisque dédié au premier président des États-Unis, fut retirée car elle portait atteinte aux valeurs civiques américaines. Elaboré en janvier 2009 avec la collaboration des enfants d’un orphelinat, Symbol of Courage de Laith Al-Amiri est un monument érigé à la gloire du journaliste Muntazer Al-Zaidi ayant lancé sa chaussure à la face de George Bush. Rapidement détruite après son installation, cette œuvre artisanale ressurgit entre les murs du Palais de Tokyo en 2010 où l’artiste interroge sa forme immémoriale. Ces sculptures constituent par les relations qu’elles entretiennent avec leur site initial, une archive critique des sculptures publiques. source : dossier de l’artiste et www.palaisdetokyo.com

régis fabre

Né en 1969, vit et travaille à Angoulême. Le travail de Régis Fabre regorge d’une culture du pire qui, galvaudée, passe inaperçue et se trouve digérée par l’accoutumance. Si sa pratique est variée, les sujets traités révèlent tous un climat inquiétant. Se saisissant de signes ou codes connus de tous, sa diatribe emprunte les outils de l’extrême pour se jouer du glauque socialement entretenu. Enterlude fait partie de la série « Les choses vues ». Une petite photo parue dans le magazine Elle, perdue dans le flot d’articles et d’images hétérogènes, placée de manière un peu incongrue entre une recette de cuisine et un bon plan shopping. Une image sur laquelle le regard peut ne pas s’arrêter lorsqu’on feuillette distraitement la revue.

C’est précisément cette image qu’a captée le regard de Régis Fabre. Extraite de son contexte, elle est ici recadrée et agrandie créant un sentiment de malaise. Pour Vakttorn, Régis Fabre a repris les éléments d’un lit en kit pour enfant d’une marque de meubles incontournable pour en fabriquer un mirador en bois et carton, à mi-chemin entre la maquette, le jeu de construction et la représentation symbolique du pouvoir autoritaire. On retrouve là une démarche analogue à celle empruntée pour Enterlude : une décontextualisation de l’objet et une mise en lumière des éléments du réel grâce à un recadrage de l’artiste. Source : Frac Poitou-Charentes

carole fékété

Née en 1970, vit et travaille à Paris. Les photographies de Carole Fékété présentent le plus souvent des objets isolés de leur contexte et de leur environnement. Le sujet, privé de ses coordonnées spatio-temporelles, se trouve déterritorialisé. Il n’existe plus qu’en lui-même et par lui-même. En couleurs, en noir et blanc, de format miniature ou monumentale, la vision s’élabore sur le temps et la minutie de l’observation, faisant apparaître la charge culturelle et anthropologique de ses sujets dont la singularité détermine la forme de la représentation. Partant du modèle de la traditionnelle photographie de groupe, la photographie Les Armures consiste en une image unique et monumentale. À l’origine, la fonction d’une armure est de protéger le corps ; ici en l’absence de contenu c’est leur dimension fantomatique qui domine. L’aspect sériel du travail est toujours présent chez Carole Fékété, mais avec ce projet, c’est à l’intérieur d’une même image que les objets collectés se trouvent réunis et déclinés sous différentes formes. Le temps des armures ne coïncide pas avec celui de la photographie, leur présence à l’intérieur d’un cliché offre un point de vue décalé parce qu’anachronique. Face à l’historicité d’une collection muséale, la science-fiction s’invite pour se conjuguer au passé. Un écart s’ouvre, faisant place à la fantaisie et à la fable sur un ton légèrement burlesque tandis que cette mascarade ne parvient pas tout à fait à dissimuler la violence qui sourd encore de ces froides effigies martiales. sources : http://www.collectionsocietegenerale.com et dossier de l’artiste


simon le ruez

Né en 1970, vit et travaille à Sheffield et Berlin. Simon Le Ruez s’intéresse à la manière dont le quotidien, l’idée du rien, peut faire monument. L’intérieur et l’extérieur, comme territoires distincts, se trouvent confrontés dans ses œuvres. Dans A Familiar Place For The Very First Time, une table à repasser-bunker recouverte d’un pastiche de gazon, offre un paysage étrange mêlant le caractère domestique et statique du repassage à la violence du bunker. Cependant, le bunker ne véhicule pas uniquement l’idée de guerre, c’est aussi un lieu de protection, un lieu où l’esprit s’échappe, un lieu où l’on se retrouve dans l’intimité, un lieu d’enfermement. C’est l’abandon qui confère au bunker sa dimension de monument. Son inactivité, son inutilité et sa décrépitude le place en témoin d’événements passés.

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Jeanne Gillard & Nicolas Rivet œuvre de gauche : Nearby george Washington Monument, 1969, de la série Soap Sculpture, 2013, sculpture sur savon, graphite sur bois, 95 x 30 x 30 cm chaque. œuvre de droite : Student Meeting Place Brétigny, 2004, de la série Soap Sculpture, 2013, sculpture sur savon, graphite sur bois, 95 x 30 x 30 cm chaque. Shoeing protest Takrit, 2009 de la série Soap Sculpture, 2013, sculpture sur savon, graphite sur bois 95 x 30 x 30 cm. Photo : Marc Domage.

Régis Fabre Vakttorn, 2012, lit mezzanine en kit requalifié en tour de guet, bois, métal, carton et tissu 208 x 80 x 90 cm. Collection Frac PoitouCharentes. Enterlude (extrait de la série Les choses vues), 2010, impression numérique, 63 x 48 cm. Collection de l’artiste. Photo : Marc Domage.

Simon Le Ruez A familiar place for the very first time, 2009, bois, acier, ciment, peinture, 116 x 36 x 105 cm. Collection de l’artiste.

Carole Fékété Les Armures, 2014 impression photographique sur dos bleu, 280 x 550 cm. Co production Musée des beaux-arts de Calais, Frac Basse-Normandie Remerciements au musée de l’Armée, Paris.

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Pascal Bauer À gauche : Ready-made, 2009, impression sur bâche PVC, 300 x 450 cm. Production Frac Basse-Normandie, collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris. Au centre : Master_of_the_wolves, 2013, marbre de Carrare, 9,5 x 85 x 30 cm. Collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris.

À droite : Deep captive, 2012, inox, aluminium, bois, silex, 85 x 22 x 22 cm. Collection de l’artiste, School Gallery Olivier Castaing, Paris. Vue de l’exposition Monument au Frac Basse-Normandie. Photographies : Marc Domage

Léa Le Bricomte Guerres de tribus, série de sculptures 2012-2014, 1. obus de mortier français 120 mm, perles bleu, orange, verte, 44 x 60 x 12 cm, 2. obus de mortier français, guerre d’indochine (marquage T7G-1947-45-53) perles : noir, orange, jaune, 28 x 25 x 6 cm, 3. obus de mortier français, guerre d’indochine (marquage T7G-1947-10-53) perles : noir, bleu, vert, 28 x 25 x 6 cm, 4. obus de mortier français, guerre d’indochine, perles : noir, orange, bois naturel, 28 x 25 x 6 cm,

5. roquette française (couleurs noir et vert, perles : rouge, noir, bois naturel), 27 x 41 x 7 cm, 6. roquette LR AC (couleur bleu, marquage GR-FL-AL58-PAB-F2 inerte), 23 x 40 cm x 6 cm, 7. roquette israélienne 82 mm (couleurs noir et vert, perles bleu, verte, bois foncé), 23 x 35 x 8, 2 cm. Courtesy Galerie Lara Vincy, Paris.


léa le bricomte

Née en 1987, vit et travaille à Paris. « La pratique de Léa Le Bricomte est articulée autour de son corps. Elle génère ainsi une réflexion plurielle autour de concepts précis qu’elle multiplie et chahute : le corps, l’objet et l’image. Elle puise ses références au creux d’une période féconde de l’histoire de l’art, les années 1960-1970, en sollicitant des questions posées par les artistes issus de l’art corporel ou encore du Nouveau Réalisme. Avec pertinence, elle allie ready-made (objets manufacturés - sériels), savoir-faire spécifiques (pièces artisanales – uniques) et actions (organisme – corps – mouvement) pour élaborer ce qu’elle nomme l’esthétique sécrétionnelle. Elle explore l’univers guerrier en ayant recourt à des matériaux et à une iconographie militaire : obus, balles, cibles, médailles, menottes, armes. Des objets compris comme les vestiges de combats passés ou récents qu’elle récolte et collectionne, ceci afin de leur attribuer une nouvelle forme d’existence. Ils sont accumulés, moulés (vaseline, latex), augmentés de roulettes ou bien de plumes. Léa Le Bricomte opère à des croisements, à une créolisation non seulement des objets, mais aussi de leurs symboliques, de leurs histoires et de leurs portées sur un imaginaire collectif décloisonné. La série d’obus montés sur des roues de skateboard (Free Rider – 2011-2012) prend une dimension ludique, les munitions sont vidées de leurs fonctions offensives et dangereuses. Dans la série Guerre de Tribus, des obus de mortiers, APAV 40 et grenades sont associés à des plumes provenant d’une réserve indienne canadienne. Les armes renvoient au monde occidental, industriel, tandis que les tressages en cuir et les plumes sont issus de l’apparat guerrier indien. L’artiste croise deux cultures, deux mondes en produisant des talismans alliant une idée de prolifération guerrière et un rapport primitif au combat. » Julie Crenn

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TION Né en 1959. Vit et travaille à Paris. N°1 MAI 2014 « L’œuvre de Pascal Bauer pose un cahier regard lucide sur un monde dont les n°3 modèles, en particulier masculins, sont pour le moins vacillants. Pascal Bauer s’attaque volontiers aux stéréotypes comme à nos conditionnements à travers des œuvres dont le propos est généralement nuancé par “l’ironie humoresque” : elle est toujours humble à quelque degré ; elle est sans aigreur et pacifie, par une médiation conciliante, les cruelles antithèses du sarcasme. » Raphaël Cuir Ready-made est une liste de 11 000 termes compilés à partir des fichiers des différents organismes de protection de propriété industrielle européens. Cette liste représente la globalité des objets d’usage plus ou moins courants, dont le développement déclaré, occupe la globalité de l’intellect humain. Il y a là un vertige, à ce que cette matière grise humaine puisse être réduite à une liste posée sur un bout de papier, et une fascination du quantitatif de la matérialité produite. « Deep Captive, associe deux armes, un missile et une massue. L’hybridation des matières, l’inox, l’aluminium, le bois, le silex (en soi une prouesse technique), exprime l’hybridation des époques dans cette ellipse temporelle qui réunit en un même objet le temps préhistorique et le temps contemporain, comme si l’homme des cavernes côtoyait les missiles à tête chercheuse ; toute l’histoire de l’instinct guerrier des hommes se condense en un seul objet. La force visuelle de l’œuvre, comparable à celle du slogan, tient de l’économie et de la densité propre à l’ellipse rhétorique. » Raphael Cuir Master_of_the_wolves est une gravure sur marbre, d’un « chat » récupéré sur Internet. Même jeu entre l’instantané et l’éternel, ce « chat » n’est pas là pour se moquer, mais pour observer chez des personnes inconnues, apparaissant comme archétype d’une époque, la capacité à la résignation, à l’auto-aliénation. L’analogie au monument est un trait d’ironie, qui pose une problématique sociétale en lieu et place de l’évocation de valeurs toujours positives.

source : Pascal Bauer, dossier de l’artiste

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pascal bauer

Né en 1959 à Tuléar, Madagascar. Vit et travaille à Paris. Une précédente carrière professionnelle dans le design a familiarisé Pascal Bauer à une esthétique fonctionnaliste et efficace de l’objet. La rhétorique du monument se rapproche d’après lui de celle d’un objet de communication. En effet dans chaque monument dit-il : « il y a une volonté de communication synthétique tournée vers la cité, vers le plus grand nombre, dans une éloquence simple et accessible à tous. Le monument pourrait se réduire à 4 qualités qu’il pourrait partager avec l’œuvre d’art : sens, synthèse, accessibilité et emphase ». Si Pascal Bauer adhère aux premières, la quatrième lui paraît moins évidente à légitimer. « L’emphase est souvent l’aspect le plus vulgaire d’une expression, d’où l’aspect repoussant de la plupart des monuments. Pourtant les œuvres qui m’attirent sont souvent en équilibre sur un fil tendu, très au-dessus, entre l’insignifiance et cette vulgarité. C’est ce fil que j’espère suivre ». Nous sommes bien les plus intelligents, puisque nous sommes là. C’est le propos d’un homme politique grec au début de la crise de la dette rapporté par l’artiste. Cet étrange phylactère est une application concrète et ironique de l’adage populaire « graver la parole dans le marbre » traitée sous la forme d’une stèle funéraire. Il est sacralisé, sanctuarisé et le monument devient la preuve irréfutable de son arrogance, de sa supériorité ou de son idiotie. La matière riche et luxueuse renvoie à la sculpture antique alors que la forme évoque davantage une bulle de bande dessinée.

carole fékété

Née en 1970 à Alger. Vit et travaille à Paris. Carole Fékété resserre son propos photographique sur des objets à la charge historique et affective importante mais sans aucun pathos. De manière clinique, frontale et anachronique, elle met en scène un groupe d’armures du Musée de L’Armée à échelle 1. Elle détourne l’image traditionnelle en vidant l’enveloppe métallique de ce qu’elle protège et montre habituellement : le corps du soldat. C’est véritablement la collection qui intéresse ici l’artiste au regard du médium photographique. La surface métallique fait écho à la surface argentique du tirage photographique noir et blanc comme à la notion d’embaumement qui est aussi l’opération que la photographie effectue symboliquement. La photographie, monumentale, suspend l’histoire aux frontières de la guerre et de la paix. « Face à l’historicité d’une collection muséale,

la science fiction s’invite pour se conjuguer au passé. Un écart s’ouvre, faisant place à la fantaisie et à la fable sur un ton légèrement burlesque tandis que cette mascarade ne parvient pas tout à fait à dissimuler la violence qui sourd encore de ces froides effigies martiales » Carole Fékété.

sylvie ungauer

Née à Voiron en Suisse en 1963. Vit et travaille à Brest. Sylvie Ungauer développe une pratique artistique élargie, collaborative et interactive à l’image de ses intérêts pour les réseaux qui structurent notre quotidien. Elle utilise tout type de matériau et de technique, du tissu au réseau internet, du geste artisanal aux calculs sophistiqués, pour donner forme à sa recherche. Depuis qu’elle s’est installée à Brest en 2005, son travail d’artiste s’est laissé influencer par ce paysage minéral impétueux, une situation géographique excentrée et un territoire fortement imprégné des traces de la guerre et de l’armée. Elle a conçu des objets, des situations, des récits où « l’habiter » se construit dans sa relation au corps, à l’architecture, à la géographie, à la mobilité et à la mémoire. Modèles réduits de dix blockhaus réellement construits par l’organisation Todt, groupe de génie civil et militaire de l’Allemagne nationale-socialiste pendant la Seconde Guerre Mondiale, ses Bunker-burqa sont des architectures portables. Ils ont été réalisés à Saint Hilaire Peyroux en Corrèze en collaboration avec Brigitte Paillet, modiste et meilleure ouvrière de France et JeanMarc Dufour, sculpteur. Portés par des danseurs lors d’une performance qui reprend les codes du défilé de mode, ils sont élégants et protecteurs mais aussi contraignants et violents pour leurs corps. Ces chapeaux sur-dimensionnés rappellent par leur couleur et leurs fentes, le voile intégral de la burqa et nous interpellent sur l’utilisation du corps de la femme comme enjeu stratégique et champ de bataille. L’artiste cite ainsi Paul Virilio : « Les abris antiaériens me parlaient de l’angoisse des hommes et les habitations de systèmes normatifs qui reproduisaient sans cesse la ville, les villes, l’urbain. Les blockhaus étaient anthropomorphes, leurs figures reprenaient celles des corps : la casemate. » 1. Bunker archéologie (CCI, 1975)


paul pouvreau

Né en 1956 à Aulnay sous Bois. Vit et travaille à Paris, Arles et Argenton-sur-Creuse. Paul Pouvreau utilise depuis plusieurs années le carton et le sac plastique comme outils, objets et signes de la société de consommation. Le photographe désigne l’emballage avec une certaine forme de bienveillance, comme une forme en devenir. Manufacturé, distribué, manipulé, jeté et recyclé, il est un matériau trivial du flux perpétuel contemporain, à la fois emballage protecteur et rebut. ARCHI 2012 fait partie d’une série de 6 sérigraphies en noir et blanc conçues et réalisées pour l’espace urbain. Destinés à des zones périphériques où sévit la publicité et son arrogance colorée et vulgaire, il choisit délibérément de traiter l’image en noir et blanc. Les emballages ont été achetés comme simples produits de consommation par l’artiste puis stockés pendant plusieurs mois avant d’être sélectionnés pour leur forme. L’artiste a assemblé les volumes avec méticulosité et précision afin de construire un bâtiment ressemblant par sa silhouette et sa monumentalité à ceux de l’industrie de la transformation et notamment alimentaire. Les grandes dimensions, le cadrage resserré et le recours exclusif à l’ombre et la lumière, dépouillent l’objet de sa nature triviale et rendent l’image plus intemporelle mais aussi plus grave et solennelle. Ce décor de cinéma, pauvre et sophistiqué à la fois, perd son aspect ludique et bricolé au profit d’une construction bien établie. L’image fait se télescoper le produit avec le bâtiment qui l’a fabriqué en un raccourci visuel efficace. À Calais, ville de la Côte d’Opale, cette œuvre prend un sens particulier. Elle renvoie à l’histoire sociale et économique de la ville, les usines de biscuits Lu ayant été réhabilitées en centre administratif de la ville.

benoît

billotte

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cahier Né en 1983 à Metz. Vit et travaille n°3 à Metz et Genève. Benoit Billotte compile et étudie de manière raisonnée et encyclopédique l’iconographie contemporaine. En fondant « l’Organisation mondiale de l’art contemporain », il inscrit son travail dans un territoire mondialisé, à la fois artistique, politique, historique, géographique et social. Constatant que notre environnement, même architectural et urbain, se réduit à des images, il aime les détourner pour mieux en souligner la nature trompeuse et superficielle. Château de sable présente des silhouettes d’immeubles hauts et profilés qui traduisent la volonté de construire toujours plus haut en même temps que d’asseoir et d’attester la puissance et l’immortalité. Le sable utilisé rappelle pourtant le destin friable de ces édifices, leur érosion et le cycle continu de la matière comme de l’architecture. Château de sable rend hommage à ces monuments contemporains qui ne sont pas d’ordre funéraire mais plutôt public voire touristique.

Pascal Bauer Nous sommes là, 2012, marbre de Carrare, 155 x 50 x 9 cm.

Carole Fétéké Les armures, 2014, impression jet d’encre, 275 x 542 cm. Coproduction FRAC Basse-Normandie, Musée des beaux-arts, Calais, Musée de l’Armée, Paris et l’artiste. © Carole Fékété

Sylvie Ungauer Bunker-burqa : 10 formes, feutre, métal, support en métal dimensions variables : de 1 m 60 de hauteur 1 m 10 de large et 10 portants en métal de 1 m 60 de haut avec une embase de 30 cm.

Paul Pouvreau ARCHI 2012, Sérigraphie noir et blanc, 400 x 300 cm. Galerie Scrawitch. © Paul Pouvreau. Benoît Billotte Château de sable, dessin au sable sur le mur, 60 x 350 cm environ chacun, 2014. © Sonia Chanel

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micha laury

Né en Israël en 1946. Vit et travaille à Paris. Micha Laury constate que malgré les progrès scientifiques et technologiques qui ont libéré l’homme d’un certain nombre de taches laborieuses et dangereuses, les formes d’aliénation du corps humain n’ont pas disparu. Le corps humain est devenu une chose au service d’idéologies. L’artiste matérialise un certain nombre d’insultes proférées dans l’armée pour dénoncer ce processus d’humiliation et de conditionnement militaires : « Eating Straw, Shiting Cubes, Hard Life » ou « Don’t be a chocolate Soldier » induisant qu’un combattant, un vrai, ne « les a pas » en chocolat. Il voulut même diffuser ces petits soldats de chocolat dans des boulangeries… Le travail de Micha Laury est hanté par le bunker. Soldat israélien, il a passé de longues heures à l’intérieur de ces constructions si nombreuses dans le pays. Il est devenu l’image de l’abri de survie. Cette distribution de l’espace réduite au minimum se retrouve dans les dessins abstraits où l’artiste simplifie par la géométrie bancs, chaises et murs de l’espace vital du bunker ou de l’atelier. « À travers ces bunkers, qui se referment sur eux-mêmes, Micha Laury dénonce ouvertement l’incommunicabilité du monde. (…). Les nouvelles technologies ont développé cet isolement de l’homme contemporain. Depuis son appartement l’homme peut dorénavant être connecté avec le monde sans en sortir. L’artiste parle de cette société individualiste qui se développe sous la forme de bulle. De bunker. De l’habitat à la voiture en passant par la télévision et l’ordinateur. Des bulles qui permettent de se déplacer virtuellement, de communiquer sans se toucher, sans se voir, sans bouger. L’ère du réseau. » Jérôme Sans, p. 20 Micha Laury, Sculptures, installations et œuvres sur papier, 1967-1994, Catalogue collectif, 1994.

wolf vostell

Né en 1932 à Leverkusen en 1932, décédé à Berlin en 1998. Au sein de Fluxus, Vostell ne cesse de fustiger le société de consommation par des mises en scène dramatiques. Si une de ses installations, Heuschrecken (Sautrelles) évoque le bombardement de Hambourg, l’artiste s’attache surtout à critiquer le présent à travers deux symboles que sont la voiture et la télévision. Il donne une vision accélérée du vieillissement qui dérègle le monde technologique. La notion de « décollage » que Vostell pose dès 1954 l’incite à utiliser directement les véritables objets. Le béton, matériau prisé par l’artiste et dont la masse évoque inévitablement le bunker, pend ici la valeur

de ruine éternelle : aucune usure et a fortiori aucune poétique ne sont à attendre d’une société où seul le béton résiste à l’obsolescence des objets.

john cornu

Né en 1976 à Seclin. Vit et travaille entre Paris et Rennes. John Cornu aime diversifier ses matériaux et ses techniques (sculpture en bois, marbre, béton, photographie, greffe architecturale, tatouage, néon, aquarelle). Beaucoup de ses productions métissent une attitude moderniste (monochromie, sérialité, froideur, modularité...) et une tendance plus romantique, davantage de l’ordre de la ruine, de la cécité, de l’effacement. Ses gestes aiment à dérégler les archétypes d’un modernisme aussi fascinant qu’idéaliste et les conditionnements à teneur paranoïaque de certains matériaux ou de certains dispositifs (meurtrière, chausse-trappes, barrières anti-char, panoptiques). La mort dans l’âme est une série de « ready-mades » romantiques, anciens billots de boucher noircis, achetés à des professionnels en fin de carrière ou décédés. Vanités aussi palpables que fantomatiques, ces pièces - dont la surface s’est comme vallonnée au fil du temps donnent à voir, simplement et directement, les traces et les stigmates des coups de lames reçus. Cette violence trouve bien évidemment un écho dans les guerres et conflits. On parle en effet souvent de la Première Guerre mondiale comme d’une véritable « boucherie » et d’un carnage au vu du terrible bilan humain. Cette surface noire, creusée par l’accident et les coups de couteau répétitifs, traduit l’idée d’un territoire désolé, érodé, abîmé et usé. Ces billots deviennent des paysages dévastés, ceux d’un champ de bataille ou d’une guerre de tranchées.

laurent sfar

Né en 1969 à Paris. Vit et travaille à Paris et Grenoble Laurent Sfar s’intéresse particulièrement à l’architecture et à l’espace public. Nombre de ses œuvres et réalisations sont souvent des réponses à un contexte particulier et à une appréhension spécifique de l’espace. Dans Excavation, il a enterré sous des couches de sédimentation la maison réalisée par le Corbusier à la cité de Frugès à Pessac près de Bordeaux. Parmi les 50 habitations de cette cité jardin construite en 1925, une seule maison a en effet disparu pendant les bombardements de la seconde guerre mondiale. Aucune image précise ne semble avoir survécu. Par cette fossilisation


troublante Laurent Sfar rend plus tangible l’écart entre le projet et l’appropriation par les habitants de leur « chez soi », recouvrant par exemple la toiture terrasse. Son travail documentaire va jusqu’à agrandir le détail d’une photographie d’époque prise durant la construction d’une des maisons du quartier et à gaufrer le dessin des vues architecturées de la maison. Les murs de l’espace d’exposition sont tapissés aux couleurs d’un projet de papier peint proposé par l’architecte à une entreprise suisse dans la gamme « ciel » l’année de la disparition de la maison de Pessac anéantie par les bombardements aériens.

Micha Laury Bunker, aquarelle sur papier cartonné, 1969, musée des beaux-arts, Calais, acquisition réalisée avec le soutien du Fonds Régional d’Acquisition des Musées (Etat/Conseil Régional du Nord-Pas de Calais), n° inv. 995.23.1. © F . Kleinefenn. © Adagp, Paris 2014.

Figure Melting into a tomb, encre sur papier, 1968, musée des beaux-arts, acquisition réalisée avec le soutien du Fonds Régional d’Acquisition des Musées (Etat/Conseil Régional du Nord-Pas de Calais), n° inv. 995.23.5. © F . Kleinefenn. © Adagp, Paris 2014. Don’t be a Chocolate Soldier, 1969 – 1994, œuvre en 3 dimensions, accumulation, moulages en chocolat de figurines de soldats présentés sur une table sous capot de plexiglas. Chocolat, bois, plexiglass, 155 x 170 x 40 cm. Collection Frac Basse-Normandie. © Adagp, Paris 2014. Photo : Marc Domage.

Les modèles d’Ile de France se ÉDITION présentent comme des maquettes N°1 MAI 2014 fermées et hermétiques, cintrées par un cahier environnement végétalisé, plus artificiel n°3 que naturel. Ici l’homme n’est pas invité. Comme d’autres espaces piranésiens et purement imaginaires, ces maquettes restent des vues de l’esprit en 3D, des fantasmes formels où la raison tente de s’infiltrer. Laurent Sfar applique les règles des fortifications aux pavillons des lotissements, à savoir un système défensif et de surveillance développé aux détriments d’autres fonctions comme l’espace vital par exemple. Le lotissement se transforme en une zone militaire, dépeuplée à moins que désormais seuls les systèmes de contrôle ne suffisent à définir l’urbanisme et l’architecture.

Wolf Vostell Circulation bloquée, sérigraphie, 1974, muse des beaux-arts, don de l’artiste, 1983, n° inv. 983.13.1. © F . Kleinefenn. © Adagp, Paris 2014.

John Cornu La mort dans l’âme, 2012, billots de boucher, peinture noire et cirage, dimensions variables. © John Cornu Courtesy the artist ; Ricou Gallery ; Galerie Anne de Villepoix, Paris. Laurent Sfar Excavation, 2007 / 2010, résine acrylique, papier, bois, flocage, 142 x 55 x 68 cm. La forme du doute, 2010, impression jet d’encre sur papier 120 g montée dans une caisse, 94,5 x 120 x 4 cm. Archival Blotter, 2010, gaufrage sur papier buvard Archival Blotter 315 gr monté dans une caisse, 91 x 85,5 x 4 cm. Modèle Ile de France, 2000 – 2008, maquette et matériaux divers, 13 x 169,5 x 169,5 cm. Modèle Ile de France (#2), 2001, maquette et matériaux divers, 13 x 27 x 27 cm.

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leo fabrizio

Né en 1976 à Moudon en Suisse. Vit et travaille à Lausanne. Leo Fabrizio a développé pendant plus de trois ans, un travail photographique documentaire sur les constructions fortifiées suisses, les bunkers. Plus de 400 photographies ont été prises de ces édifices construits au milieu du XXe siècle dans la nation la plus pacifique d’Europe et qui en théorie peut protéger toute sa population à l’abri dans ces constructions. Il a commencé par repérer quelques ouvrages proches de voies de communication et facilement visibles puis a élargi son champs d’observation à tout le territoire helvétique. A l’architecture se substitue rapidement un intérêt pour le camouflage et la manière dont ces constructions ont épousé le paysage et en sont devenues une excroissance, une émanation. Aux techniques de camouflage bien connues des animaux et des soldats, s’ajoute celle de cette architecture singulière, vernaculaire mais également bien soignée. Le photographe adopte le format paysage pour mieux évoquer la lecture particulière qu’il fait de cette nature, certes apprivoisée, mais surtout militarisée. Cette série monumentale réalisée sur tout le territoire suisse révèle ce qui était invisible et constitue une véritable « mémoire visuelle » de la Suisse. En même temps elle ne souhaite pas s’imposer comme tel mais réveiller l’attention du spectateur, du regardeur et du promeneur solitaire sur sa perception trop romantique ou trop naïve du paysage et de l’architecture.

virginie maillard

Née en 1970 à Landerneau. Vit et travaille à Boulogne-sur-Mer. « Anamnésie Land n’existe pas mais prend ses racines dans des espaces réels qui ont une histoire. Rapportées artificiellement, les enseignes lumineuses, entament dans chaque image une réactivation de la mémoire des lieux, aujourd’hui en voie de reconversion ou bien laissés à l’abandon dans les paysages. Il s’opère ainsi un dialogue entre le mot et l’édifice. Les enseignes, symboles de la société de spectacle et de consommation participent à appuyer les décalages entre la fonction originelle du bâtiment et ce qu’on pourrait nommer comme leur seconde chance d’exister dans la mémoire collective. Selon les espaces évoqués, il y a des glissements de sens différents, et ceci s’effectue en rapport avec plusieurs éléments : la forme de l’édifice (ce qu’il évoque), son ancrage dans l’Histoire et l’actualité journalistique. Cette « compilation » tenant sur des aspects émotionnels et d’autres plus objectifs vont déterminer le néon. Quant à l’Anamnésie, c’est un terme utilisé en médecine qui signifie l’histoire d’une maladie. Evoquée de manière métaphorique ici, l’Anamnésie Land regroupes des espaces du passé évoluant dans l’air du temps dans un contexte de crise et de guerres. » Virginie Maillard Virginie Maillard a photographié 5 bunkers du littoral, à Boulogne-sur-Mer, Wissant (désormais détruit), Equihen, Helfaut (musée la Coupole) et Longues-sur-Mer en Normandie.


boris chouvellon

Né en 1980 à Saint-Etienne. Vit et travaille à Paris et Marseille. Boris Chouvellon arpente l’espace urbain et sa périphérie, zone floue et chaotique, ce terrain vague en construction ou en ruines. A l’instar des artistes de l’Arte Povera, ses matériaux sont pauvres, sa technique peu sophistiquée, sa relation à la matière première évidente et ses formes simples. Il prélève des fragments délabrés du monde qu’il rencontre au gré de ses déplacements, et les épuise davantage jusqu’à la radicalité la plus abrupte. L’artiste associe à son goût du « faire », celui du « mal fait ». Style reconstruction, la tour est un non sens architectural, une sorte d’hybride formel. Elle est en panneaux préfabriqués de béton ajouré, matériau de prédilection de la reconstruction, assemblée à partir d’éléments décoratifs. Antimonument par excellence, elle est plus une folie dans un jardin du siècle des Lumières qu’une architecture édifiante. Par sa seule présence, le mirador, anachronique à l’ère des armes et des soldats « invisibles », continue pourtant de prospérer transformant n’importe quel paysage en théâtre de guerre. Héritier de l’architecture carcérale de Jeremy Betham et de son système visuel panoptique, il marque les esprits, des ennemis comme des populations.

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Boris Chouvellon Style Reconstruction - La Tour, 2012, éléments de clôture en béton vibré. Production 2Angles Flers, courtesy Boris Chouvellon.

Leo Fabrizio Furkapass, 2002, photographie couleur contrecollée sur aluminium, 80 x 100 cm. Fort Pré-Giroud, 2000, photographie couleur contrecollée sur aluminium, 80 x 100 cm. Aiguilles de Baulmes, 2001, photographie couleur contrecollée sur aluminium, 80 x 100 cm. Gütsch, 2002, photographie couleur contrecollée sur aluminium, 80 x 100 cm. Collection Frac Basse-Normandie.

Virginie Maillard Department of justice, photographie C-Print contrecollée sur Dibond 54 x 80 cm. Marriage center, photographie C-Print contrecollée sur Dibond 54 x 80 cm. Girls, photographie C-Print contrecollée sur Dibond, 54 x 80 cm. Coffee Shop, photographie C-Print contrecollée sur Dibond, 54 x 80 cm. Stock Market, photographie C-Print contrecollée sur Dibond 54 x 80 cm. © Virginie Maillard.

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léa le bricomte

Née en 1987 à Montbard. Vit et travaille à Paris. Léa Le Bricomte a fait sienne la formule de Robert Filliou, l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. On pourrait dire même qu’elle l’a prise à bras le corps. Sa pratique met effectivement la pulsion de vie au cœur de son travail. Ce n’est donc pas étonnant qu’elle pratique la performance, que son corps soit régulièrement l’objet et le sujet de ses actions, que l’animal soit convoqué et que les armes apparaissent de manière récurrente. En digne héritière de l’artiste iconoclaste et internationaliste, le jeu est une de ses stratégies artistiques et la paix, un de ses enjeux. Léa Le Bricomte explore ainsi l’univers guerrier en ayant recourt à des matériaux et à une iconographie militaire : obus, balles, cibles, médailles, menottes qu’elle collectionne, récupère et pacifie. Dripping Medals (2012) est une installation de médailles pendues à un ruban et accrochées au mur les unes à côté des autres. Le titre indique une relation étroite à la peinture américaine des années cinquante et à la technique du peintre Jackson Pollock où la coulure de la matière devenait le sujet même de la peinture. C’était une action testamentaire, celle qui signait la fin de la prédominance de la touche artisanale, du pinceau, et de la main comme le prolongement de la pensée. La naissance d’une approche mécanique et industrielle de la peinture venait de naître, celle d’un corps en mouvement. Léa Le Bricomte ne détourne pas la signification des médailles et les utilise pour ce qu’elles sont, des signes de reconnaissance d’une action, d’un engagement et de valeurs. Par contre en présentant ces rubans colorés de différentes nationalités les uns à côté des autres, elle désacralise l’ultra personnalisation de l’insigne.

michel aubry

Né en 1959 à Saint-Hilaire-du-Harcouët. Vit et travaille à Paris. En 2001, Michel Aubry a songé à éditer une réplique actualisée du Guide Michelin des champs de bataille des Vosges, datée de 1920. Depuis son enfance, la guerre lui est familière. Il glanait des vestiges du premier conflit mondial près de la ferme familiale en Alsace et se rappelle avec quelle inconscience il a manipulé des obus et démonté leurs fusées. Dans Tables et Lustre, il associe des objets « refroidis » comme il les nomme, récupérés pendant des années sur les lignes de front des Vosges, à des roseaux de Sardaigne. Il met en musique ce drôle de repas cérémoniel aux fausses allures de vide greniers, disposé suivant sa forme de prédilection :

le pentagone, issu du pentacorde sarde. Chacune des cinq zones rassemble une typologie de reliques : les récipients, les réseaux de tranchée, la cuisine et campement, les outils et les munitions. Comme un jardinier divise son terrain selon les plantes, Michel Aubry cultive cette réalité périssable livrée en pâture au temps comme aux souvenirs. Mise en musique de la combinaison de vol de Beuys avant le crash et Mise en musique du pantalon de Beuys après le crash démystifient la légende de l’artiste allemand selon laquelle la graisse et le feutre utilisés par les tatars l’auraient sauvé. Les cannes de bakélite, aux dimensions du costume, semblent les maintenir comme si un naturaliste avait voulu épingler et étudier la dépouille du vêtement. En 2003 Michel Aubry s’est en effet rendu compte que la combinaison portée par le soldat Beuys était dotée d’une isolation thermique sophistiquée mise au point par la technologie militaire lui permettant de supporter un environnement glacial. Michel Aubry utilise fréquemment de réels costumes retaillés selon sa morphologie pour incarner dans ses fictions performatives certains artistes comme Rodtchenko, Tatline, Alfred Jarry, Le Corbusier, Moholy-Nagy ou Albrecht Dürer. Pour le Manteau d’Ernst Jünger, l’artiste coud des dépouilles de petits rongeurs et fait broder de petits insectes, chers à l’écrivain et entomologiste allemand. Ils forment autant de petites médailles colorées que le germanique francophile a reçu en guise de reconnaissance. Ses carnets de guerre, de la première comme de la seconde, restent des témoignages rares et bouleversants de « l’expérience intérieure » des deux conflits mondiaux.

gilles saussier

Né à Suresnes en 1965. Vit à Les-Andelys et travaille à Arles et les-Andelys. Gilles Saussier propose depuis une dizaine d’année une démarche documentaire expérimentale dans laquelle il bouscule le travail de définition stable de la mémoire des images. Modifiant en permanence l’interprétation, le sens, et la destination de séries d’images, tirées ou non de son activité passée de photojournaliste, il assume l’acte photographique comme un acte performatif entre relecture de la tradition documentaire, variables anthropologiques et héritage du minimalisme. Sinea est un projet sur les Carpates méridionales, la région natale du sculpteur roumain Constantin Brancusi (1876-1957). Ce projet suit le cours du Jiu entre Petrosani, où la Colonne sans fin fut fabriquée en 1937, et Târgu Jiu, où elle fut érigée en 1938 (les deux villes sont distantes de cinquante kilomètres).


Gilles Saussier poursuit son interrogation croisée de l’histoire contemporaine de la Roumanie et de la sculpture moderne, du paysage et de ses transformations. Il part de faits réels enfouis et d’éléments d’enquêtes de terrain, comme la découverte d’un clone de la Colonne sans fin fabriqué en 2001 dans les Ateliers centraux des mines de Petrosani (ACP) où l’œuvre originale avait été fondue. Ce site industriel - qui employait 4000 ouvriers jusqu’à la révolution de 1989 contre moins d’une centaine aujourd’hui - permet d’évoquer tout à la fois la reproductibilité de la Colonne sans fin, le rôle du bureau d’étude de l’usine ayant abouti à arrêter sa hauteur à moins de la moitié de celle souhaitée initialement par Brancusi (29,33 mètres au lieu de 60 mètres) et la disparition de savoir-faire dont l’intégrité n’avait souvent rien à envier au travail artistique. En décembre 1989, Gilles Saussier couvre pour l’agence Gamma la révolution roumaine à Timisoara. De retour en Roumanie quinze ans plus tard, il confronte ses photographies prises pendant la révolution roumaine de 1989 à des séries d’images contemporaines. Parmi les images publiées dans la presse internationale en 1989 figure un instantané dramatique de soldats roumains sous le feu repris par Stern et ParisMatch, et la découverte de cadavres au cimetière des pauvres de Timisoara publié dans Time Magazine qui provoqua la polémique du vrai-faux charnier. Là où la monumentalité des images de presse recouvre souvent l’événement plus qu’elle ne le couvre, les séries du Tableau de Chasse (20032010) réactivent la pensée et le questionnement de l’histoire.

Léa Le Bricomte Flag, drapeau, 150 x 90 cm. Drippings Medals, sculpture (médailles et rubans militaires augmentés), 2012, 180 x 223 cm. Free Riders, sculpture (6 obus 18 pounders augmenté, roues de skate board), 2011-2012. Mandala, 2013, cartouches d’armes à feu (tous calibres), bois, métal, 35 x 160 x 160 cm. Lance, 2013, flèche de drapeau RF, tissage en cuir, perles, plumes et bois, 180 cm. © Léa Le Bricomte. Courtesy Galerie Lara Vincy, Paris. © Adagp, Paris, 2014.

Critique vigoureuse du photojournalisme, Le Tableau de chasse est aussi une méditation sur l’art et la mort, l’histoire racontée par les pouvoirs et la mémoire des sans-voix.

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Gilles Saussier Le Tableau de chasse, Cimetière des pauvres, Timisoara (Roumanie), 1989-2010, impression pigmentaire sur papier Canson, 90 x 170 cm. Sinéa, Travanti, ou pierre de rivière, Jardin de la maison Balanesco ou séjourna Brancusi à Târgu-Jiu (Roumanie), 2014, impression encre polymère sur papier Gmund, 70 x 100 cm.

Michel Aubry Mise en musique du pantalon de Beuys après le crash, 1944-2009, pantalon en fourrure de mouton, toile et cuir, tubes en papier bakélisé et anches en bakélite. Collection Frac Basse-Normandie. Photo : Marc Domage. Mise en musique de la combinaison de vol de Beuys avant le crash, 1942-2003, combinaison de vol sur cintre, combinaison en coton et cintre, 170 x 65 x 10 cm. Collection Frac Basse-Normandie. Photo : Marc Domage. Le manteau d’Ernst Jünger, 2011, drap de laine, fourrure et broderie. Galerie Eva Meyer. Lustre, 1914-2002, piquets pour réseaux de tranchée, cannes de Sardaigne, seize anches en argent, 160 cm x 160 cm. Galerie Eva Meyer. Tables, 1914-2003, piquets pour réseaux de tranchée, objets collectés en Alsace sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. I. Récipients. ca. 100 x 260 x 160 cm. II. Munitions. ca. 100 x 180 x 140 cm. III. Outils. ca. 100 x 140 x 110 cm. IV. Cuisine et campement. ca. 100 x 170 x 110 cm. V. Réseaux de tranchée. ca. 100 x 220 x 160 cm. Emprise des cinq tables disposées en rosace : ca. 400 x 360 cm. Galerie Eva Meyer.

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patrick tosani

Né en 1954 à Boissy-l’Aillerie. Vit et travaille à Mayet et Paris. Ce ne sont pas seulement les dimensions qui créent le monument mais bien sa capacité à imposer au regard une attention spécifique par sa seule présence dans le réel. Dans les œuvres de Patrick Tosani, l’objet représenté est photographié sur un fond neutre, isolé et cadré au plus près. Cette singularisation du sujet simplifie la lecture de l’image qui se donne comme un tout à l’instar d’un monument à l’impact visuel fort. Dans la série des glaçons, il photographie des ruines comme l’ont fait les premiers inventeurs du medium partis sillonnés l’Egypte et le Proche Orient. Patrick Tosani découpe des simulacres d’architectures dans du papier journal qu’il place dans un glaçon avant de les brûler. La photographie produit le même effet que le froid : elle pétrifie l’objet à un instant précis. Bien plus, elle reproduit les étapes de la transformation de la matière en un raccourci visuel étonnant puisque solide et liquide, pérenne et éphémère sont réunis sur la même image. Les édifices sont conservés dans un état singulier et nouveau : la pré-ruine. Paysage est une photographie très construite. Une chaussure réelle découpée, visible dans d’autres œuvres de l’artiste, est projetée sur un volume blanc lui-même déstructuré. Ce dispositif crée une ombre qui devient un paysage désertique à l’arrièreplan. Diplômé en architecture, la maquette est un objet bien connu de l’artiste. Mais ce n’est pas tant parce qu’elle est une représentation illusionniste et miniaturisée du monde qu’il s’y est intéressé. C’est plutôt sa capacité à le modéliser suivant une autre échelle. Les registres de visibilité sont identiques à ceux du monument : la personnification, la mémoire, l’échelle, la dichotomie entre espace réel et espace de représentation.

tom molloy

Né en 1964 à Waterford en Irlande. Vit et travaille à Rouen. Tom Molloy examine le pouvoir, et celui des images en particulier. Il en modifie la perception habituelle par un détournement de leur dispositif d’apparition jusqu’à en dissimuler leur contenu. Dans Operation, 89 cadres bon marché sont accrochés à l’envers selon une grille précise et forment autant de cercueils alignés ou de stèles funéraires. La variété des supports individualise les visages de ces soldats morts en Afghanistan pendant l’opération « Enduring Freedom » malgré la prégnance de l’anonymat. L’artiste refait le geste familier de celui

qui renonce à regarder le portrait encadré sur la table de chevet, soit par tristesse, soit par colère. Dans Monument, il entasse 1059 cartes postales de monuments de la première guerre mondiale. Cette accumulation miniature devient un monument aux morts ou plutôt un méta-monument. Posée au sol, cette tour vacillante, fragile et vulnérable est soumise aux moindres aléas extérieurs comme la sculpture dans l’espace public. La planche contact de Contact reproduit 36 des plus importantes photographies de guerre de l’histoire de la photographie. Elle célèbre aussi leurs photographes, depuis Roger Fenton quand il photographie la guerre de Crimée en 1853 jusqu’à celle de torture prise à Abu Ghraib. Sans respecter l’ordre chronologique et toutes traitées en noir et blanc, l’artiste épuise le sujet pour mieux en montrer les constantes de l’horreur.

valérie collart

Née en 1981 à Bordeaux. Vit et travaille à Copenhague. Les images présentées, Monument I-II et III, appartiennent à une série de photographies produites entre 2010 et 2011 intitulée : Falsities. Il s’agit d’une vue du monument aux morts de Nice, situé Place Guynemer et qui est ici dans l’image, occulté totalement par un arbre. Ce dernier vient se substituer entièrement au monument et épouse parfaitement les limites de la voûte comme si il avait été planté et taillé à cet effet. Le geste est à la fois symbolique et physique. En effaçant l’arbre, il cherche à retrouver le monument et la mémoire transmise par l’édifice. Il réactive le drame de la guerre. Falsities sont des photographies où la surface de l’image est physiquement altérée à l’aide d’un papier abrasif et où la nature du geste et ses effets sont questionnés au regard de la technique photographique. Cette pratique est une investigation sur le matériau même que constitue l’image photographique. Elle n’est pas uniquement surface et image, elle est une matière originale. Les composants chimiques des encres qui constituent l’image, réagissent à cette érosion en révélant par couches successives des nuances colorées. Une nouvelle image est alors créée : une méta image, suspendue entre image et non image, entre le réel et le concret.


carole fékété

Née en 1970 à Alger. Vit et travaille à Paris. Au cours de sa visite au Musée Mémoire 3945, de Calais, Carole Fékété s’est particulièrement intéressée à deux foulards qui ont appartenu à des soldats américains. Sur l’un d’eux, délavé, déplié et taché est représenté la carte du nord de la France et des côtes britanniques. Ces foulards ont été utilisés dès la première guerre mondiale par les aviateurs et parachutistes en guise de moyen d’évasion. Un des pionniers en la matière fut le britannique Christopher William Clayton-Hutton (1893-1965), pilote durant la guerre 1914-1918 et féru de magie et d’illusion qui mit au point en collaboration avec une firme textile et une autre dans l’imprimerie, de cartes géographiques imprimées sur de la fine soie blanche, que les aviateurs pouvaient aisément dissimuler dans leur équipement de vol ou sur eux. Carole Fékété s’empare de cet objet comme elle l’a fait d’autres collections de musées. L’un de ses premiers travaux est un triptyque réalisé au Louvre, à partir d’un Christ peint par Philippe de Champaigne. Depuis, elle a photographié les statues bâchées dans les jardins de Versailles en hiver ou des reliquaires baroques contenant des crânes et des ossements garnis de fleurs en Espagne. À l’exception d’un autoportrait et de quelques animaux, l’artiste photographie essentiellement des choses. Si la figure n’est pas représentée, l’humain apparaît dans ses traces et ses vestiges.

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Patrick Tosani Hauteville, 1983, photographie couleur (C-print), 120 x 157 cm. Projections, Paysage, 2006, photographie couleur (C-print), 164 x 212 cm. Intérieur, externe, 2006, photographie couleur (C-print), 52 x 68 cm. © Patrick Tosani – Adagp, Paris 2014. Courtesy de l’artiste & Galerie In Situ – Fabienne Leclerc Paris. Valérie Collart Monument I, II et III, 2010, tirage lambda érodé avec du papier abrasif, 30 x 20 cm.

Carole Fékété Les statues – Jardin du château de Versailles, 2005-2006, photographies, tirage lambda – encapsulage mat. 240 x 120 chaque photographie. Escape Map, carte d’évasion en soie, aviation anglaise, seconde guerre. Collection du musée de la Mémoire 1939-1945, Calais. Photographie, prise de vue et tirage analogique, contrecollé sur aluminium, 2013. Musée des beaux-arts, Calais, acquisition réalisée avec le soutien du Fonds Régional d’Acquisition des Musées (Etat/Conseil Régional du Nord-Pas de Calais). N° inv. 2013.1.1. © Carole Fékété.

Tom Molloy Opération, Installation (89 photographies encadrées), 2013, photographies noir et blanc encadrées, 130 x 330 cm. Monument, 2013, cartes postales (1059 cartes environ), 32 x 16 x 11 cm. Contact, 2010, photographie noir & blanc, 20 x 25 cm. Courtesy Tom Molloy et Rubicon Gallery Dublin.

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liane lang

Née en 1973 à Munich. Vit et travaille à Londres. Liane Lang s’intéresse aux monuments qui n’en sont plus vraiment et pose la question du sens de leur préservation ou de leur destruction. La série des sculptures miniaturisées en bronze a été réalisée à partir d’anciennes photographies de monuments vandalisés et détruits. La statue n’a pas survécu à la chute des personnages qu’elle incarnait. Conçues et fabriquées pour défier le temps, et imposer à travers les générations la survivance du héros, les statues ont été démembrées, décapitées, pendues comme s’il s’agissait du corps réel. L’ironie veut que les statues traitées de féodales, celles de l’empereur Prusse sur son cheval, du tsar sur son trône ou de Bismarck aient été déposées et fondues par les socialistes pour réaliser celles de Lénine, Staline, et Dherzhinsky les années suivantes. Le recyclage idéologique et la permanence toute relative du bronze. Quant aux photographies, elles sont issues de Monumental Misconceptions, série de vingt, prises pendant une résidence à Budapest en Hongrie et en particulier dans le Memento Sculpture Park, en périphérie de la ville et qui après 1989 a recueilli la plupart des sculptures de l’ère socialiste pour éviter qu’elles ne soient détruites. Des mannequins hyperréalistes en silicone et gomme sont mis en scène au sein de ces sculptures monumentales de l’ère socialiste. Le contraste est d’autant plus saisissant que ces sculptures en trompe l’œil sont à taille humaine et semblent inoffensives, douces, vulnérables et humbles. La perception de ces statues est soumise au contexte historique et à la capacité de la photographie à les ranimer. L’artiste rend plus visible encore l’échec artistique de ces sculptures.

jocelyn

cottencin

Né en 1967 à Paris. Vit et travaille à Rennes et ailleurs. Jocelyn Cottencin a proposé à des danseurs de s’approprier des monuments de Calais, Caen et Norwich. Pour rendre compte d’un projet partenarial entre trois structures, l’artiste plasticien, graphiste et typographe a fait appel aux 12 chorégraphes et performeurs avec qui il travaille depuis plusieurs années. Ce travail collaboratif a surtout permis d’actualiser, d’animer et de traduire la nature collective d’un monument. Suivant un dispositif précis défini par l’artiste (images et description de vingt monuments, travail en séquences, couleurs des vêtements…), les dessins et images de l’un ont rencontré

l’écriture chorégraphique des seconds, rompus à l’improvisation, au solo comme au travail d’une compagnie. Les tableaux de Delacroix ou de Géricault ont nourri la recherche autant que les caractéristiques du bunker ou des techniques de fabrication. L’enchainement des mouvements ou leurs ruptures, le rapprochement des corps ou leur séparation, l’isolement de l’un ou le regroupement de plusieurs créent non pas seulement des images mais des monuments. Plusieurs registres sont apparus : de la littéralité, de la rhétorique, de l’allégorie, de l’ironie, de l’invention, de l’affect, de la débauche, du jeu et des figures… Ce qui était au départ une commande typographique sur le mot « Monument » déclinée sur les outils de communication, est devenue une œuvre vivante et mémorielle, Monumental. Les mêmes monuments sélectionnés ont en effet été utilisés pour construire un alphabet, une pièce performative et chorégraphique, un film et des images.

antoine durand

Né en 1985 à Paris. Vit et travaille à Paris. Antoine Durand : « Certains monuments aux morts français, une douzaine sur plus de 30 000, érigés à la suite de la première guerre mondiale sont qualifiés de « pacifistes », ils expriment clairement une opinion opposée à la guerre et contrastent avec les monuments centrés sur la glorification des héros morts pour la victoire de leur patrie, propagande de guerre dans l’après-guerre. Cette guerre, coup d’envoi du siècle des horreurs, a mis en jeu plus de soldats, provoqués plus de morts et causés plus de destructions matérielles que toute guerre antérieure. Et la France a gagné quoi ? Mais gagné quoi ? Par ces photographies, j’aimerais rendre hommage à ces élus du début du siècle dernier, qui dans un besoin commémoratif ont érigé ces monuments aux morts, ont jugé le gain douteux et flou et ont vu plus nettement l’ampleur de cet effroyable carnage qu’est la guerre, espérant que ce fut la dernière ».

didier vivien

Né en 1960 à St Denis. Vit et travaille à Savy Berlette et Lille. L’intérêt de Didier Vivien pour la photographie documentaire est très ancien (Eugène Atget et Walker Evans notamment), et l’ensemble de ses séries photographiques se rapporte à une espèce « d’archéologie du présent » qui problématise essentiellement deux aspects : la technique (l’énergie, le déchet, la vitesse, la dématérialisation...) et la


culture (l’économie, les activités postindustrielles, l’habitat, la mémoire...). Il a réalisé trois projets de recherches sur la guerre. La plus ancienne se nomme Gegen Engeland. Elle s’appuie sur des images réalisées à Audresselles dans un blockhaus en 1994 et des images d’archives. En 2012, il publie avec Xavier Boissel, Paris est un leurre. L’enquête porte sur un faux Paris lumineux conçu pour égarer les pilotes allemands durant la Première Guerre Mondiale. Sa principale recherche s’intitule 1914[Cold memories]2018. Commencée en 2005 à partir du centre de stockage des explosifs de la Grande Guerre, situé à Vimy, l’artiste arpente les cimetières militaires et photographie ce que sont devenues les zones de combat autour d’Arras (espaces agricoles et routiers, zones industrielles et commerciales, lotissements...). Le titre indique la neutralisation du souvenir par l’objectivisation de la photographie. Un alignement archéologique de caisses contenant des explosifs ne serait-il pas malgré lui une forme « monumentaire » ?

Liane Lang Revolutions, ensemble de sculptures en bronze de la série Monumental Misconceptions, 2013, dimensions entre 20 x 20 x 30 cm chaque sculpture. De haut en bas et de gauche à droite : Hitler, Bismarck, Kwame Nkrumah, Shah, Saddam, Wilhelm I, Tzar Alexander, Lenin, Dherzhinsky, Staline. Série Monumental Misconceptions, photographies, photographie C-print contrecollées sur aluminium encadrées, 140 x 110 cm et 100 x 80 cm.

Le site Internet du Commenwealth War Graves Commission qui recense les noms des victimes, les mémoriaux et les nécropoles dispersés aux quatre coins du monde de l’ex-Empire Britannique n’est-il pas aussi un monument invisible, impossible ?

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Antoine Durand Monuments Pacifistes, ensemble de 6 photographies « carte-postalisées ».

Jocelyn Cottencin, conception graphique pour l’exposition Monument déclinaison en carton, flyer, affiche, 2014. Monumental, vidéoprojection, 2013 avec Agnieszka Ryszkiewicz, Yair Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier, Mathieu Doze, Yves Noel Genod, Elise Olhandeguy, Carole Perdereau, Loïc Touzé.

Didier Vivien 1914 [Cold Memories] 2018, 4 album 40 x 30 cm de 72 pages. © Didier Vivien.

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Né en France, 1967. Jocelyn Cottencin vit et travaille à Rennes Jocelyn Cottencin est un artiste français dont l’oeuvre évolue aux frontières des arts graphiques et de la sculpture. Pour lui, la typographie est un matériau essentiel, outil graphique certes, mais aussi matière même de son expression artistique. En disséquant les lettres, en examinant leurs formes et en interrogeant leur capacité à produire une signification, Jocelyn Cottencin explore la multitude de possibilités qu’offre le texte. Ses projets graphiques se déploient dans l’univers de l’impression, dans l’espace public mais aussi sur scène où il a l’habitude de réaliser des scénographies. Co-produite par le Sainsbury Centre for Visual Arts, le Musée des Beaux-Arts de Calais et le FRAC Basse-Normandie, Monumental explore des thèmes liés à la transmission et à la réception des images. Grâce à la participation d’un groupe de performeurs, ce projet explore différentes interprétations de la notion de personnage, de narration et de forme, en travaillant à partir de, et autour des concepts de monuments, de statuaire, d’héritage architectural et d’oeuvres d’art dans le domaine public. Chacun des monuments choisis est décodé puis reconfiguré grâce à l’intervention de la performance. Jocelyn Cottencin travaille dans le domaine de la chorégraphie depuis quinze ans, et a en particulier réalisé des scénographies pour différents chorégraphes. Pour Monumental, il a rassemblé autour de lui 12 « performeurs » qu’il connaissait bien. Il a défini le contexte, l’espace, a donné quelques indications en matière de temps et de rythme et les grandes lignes de l’oeuvre, comme par exemple les notions d’image, d’histoires, d’architecture. Ce projet est à la fois une « performance » qui peut être donnée en divers endroits et un film.

maya balcioglu

and stuart brisley

Née en Turquie, 1955 / né en Angleterre, 1933. Maya Balcioglu et Stuart Brisley travaillent et vivent tous deux à Londres. Cenotaph est le fruit d’une collaboration entre Maya Balcioglu et Stuart Brisley. L’origine de ce projet remonte à 1987, alors que Stuart Brisley était artiste en résidence à l’Imperial War Museum, de Londres. Le point de départ de ce travail est une maquette d’architecture pour le Cénotaphe de Whitehall d’Edwin Lutyens. A l’origine, ce monument iconique n’était qu’une structure de plâtre et de bois érigée temporairement pour le défilé de la paix, à la fin de la Première Guerre Mondiale. Mais le succès fut tel qu’en 1920 il fut décidé d’ériger sur le même site un Mémorial permanent. Balcioglu et Brisley entamèrent une série d’expositions pour lesquelles il fut créé un nombre croissant de maquettes de cénotaphes identiques, et la maquette présentée ici en est le prototype. L’échelle choisie, au cinquième de l’oeuvre originale, fut dictée par la hauteur de plafond moyenne dans un appartement HLM. L’oeuvre fut réalisée pour être montrée dans le village de St. Cuthbert’s, à Gateshead, dans le Comté de Tyne and Wear. Au départ, les cénotaphes étaient peints en gris, mais leur couleur changeait à chaque nouvelle exposition. Lors de la toute dernière, le sixième cénotaphe fut isolé et peint en un rouge coquelicot éteint. Cenotaph présenté ici n’avait plus été vu depuis 20 ans. Lors de chaque exposition, ces oeuvres suscitaient débats et discussions et sont caractéristiques d’une constante chez Balcioglu et Brisley : la volonté d’explorer comment l’œuvre d’art peut nous aider à approfondir notre engagement social et politique.

jeanne gillard

and nicolas rivet

Nés en France, 1983 / France, 1983. Jeanne Gillard et Nicolas Rivet vivent et travaillent à Genève. Ces œuvres sont à replacer dans une tradition de sculptures taillées dans le savon, dont l’origine remonte aux années 1920-1930 aux Etats Unis ; il s’agîssait d’objets publicitaires pour Procter & Gamble. Ces oeuvres s’intègrent dans un projet de recherches plus large qui s’intéresse aux sculptures qu’on a retirées de la place publique ou qui ont été déplacées ou détruites par le fait de la guerre, de la violence, du vandalisme ou de la censure politique. Le savon est une matière fragile, friable et soluble.


C’est un matériau dont la solidité n’est que temporaire et qu’on associe aux notions d’hygiène et de pureté. C’est un parfait symbole de ce qu’expriment les monuments publics : la volonté de pérenniser des valeurs culturelles temporaires. Cela nous fait comprendre comment la présence de certains monuments peut devenir intolérable pour des gouvernements ultérieurs et pour tous ceux qui souhaitent la disparition des valeurs que ces monuments symbolisent. Ces petites oeuvres détaillées nous paraissent bien inoffensives aujourd’hui et il nous paraît difficile de discerner les contextes, les passions ou les politiques qui ont conduit à leur disparition.

paul pouvreau

Né en France, 1956. Paul Pouvreau vit et travaille entre Paris et Arles. Dans Sans-titre 2000, une tour monolithique en carton est installée sur une remorque, et s’accompagne de la photographie d’une étrange scène : on y voit une boite en carton décorée d’un paysage bucolique sous lequel le nom de la marque « Pardon et fils » apparait. Caché derrière cette boite, un enfant met en joue le spectateur avec un pistolet en plastique. De cette scène, se dégage la tension d’un paysage de guerre évoqué à la fois par un jeu d’enfant, et par le contexte artistique ludique de la gigantesque tour de carton. Les images sont à la fois banales et évocatrices et c’est aux spectateurs de se frayer un chemin parmi leurs significations multiples.

Les recherches de Paul Pouvreau ÉDITION portent sur les représentations des N°1 MAI 2014 paysages ; sur l’architecture dans le cahier paysage urbain ; et sur le statut des n°3 images et leur capacité à dépasser leurs catégories traditionnelles (publicité, documentation, décoration ou dramatisation). Son travail traduit un intérêt profond pour les lieux ou les objets qui ont été abandonnés. Pour lui, des boîtes de carton peuvent très bien représenter une ville, et de petits bâtiments peuvent être construits en carton, et la confusion se crée alors entre le statut de l’objet représenté et l’objet réel. Pouvreau élargit son interprétation du paysage à l’espace d’exposition et le spectateur se voit invité à jouer avec cette confusion et à remettre en question son expérience habituelle des images, de l’architecture et de la ville.

Maya Balcioglu et Stuart Brisley The Cenotaph Project 1987–91, MDF, 222,3 x 177,8 x 137,2 cm. Courtesy des artistes.

Jeanne Gillard et Nicolas Rivet Soap Sculpture (Emile or On Education) 2013, savon, 40 x 20 x 20 cm. Courtesy des artistes. Soap Sculpture (Iron Curtain End) 2013, savon, 55 x 30 x 30 cm. Courtesy des artistes. Soap Sculpture (Young Obama Unwelcome Guest) 2013, savon, 55 x 30 x 30 cm. Courtesy des artistes.

Jocelyn Cottencin conception graphique pour l’exposition Monument, déclinaison en carton, flyer, affiche, 2014.

Soap Sculpture (Fritz Fall Echoes Jura) 2013, savon, 40 x 20 x 20 cm. Courtesy des artistes.

Monumental 2014, HD video 47 min, couleur, son. Performance par Yaïr Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier, Matthieu Doze,Yves-Noël Genod, Elise Olhandeguy, Carole Perdereau, Agnieszka Ryszkiewicz, Loïc Touzé. Courtesy de l’artiste.

Soap Sculpture (Hand Shows Armenian Purge) 2013, savon, 40 x 20 x 20 cm. Courtesy des artistes.

Paul Pouvreau Sans-titre, (Untitled) 2000, carton et remorque, 450 x 250 x 125 cm. Photographie, 120 x 160 cm. Courtesy de l’artiste et de la galerie SCRAWITCH, Paris.

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antoine durand

Né en France, 1985. Antoine Durand vit et travaille à Paris. Sur les 30 000 monuments érigés en France pour commémorer les pertes de la Première Guerre Mondiale, seule une douzaine est dédiée aux victimes innocentes de la guerre. Connus sous le nom de monuments « pacifistes » ils sont l’expression claire d’une opposition au conflit. Ce sont des mémoriaux discrets mais courageux qui remettent en question l’idée selon laquelle les monuments aux morts ne serviraient à honorer que ceux qui s’étaient battus pour leur patrie. Par le biais de ses cartes postales, Antoine Durand rend hommage à ceux qui, la guerre finie, ont ressenti le besoin d’ériger ces monuments, pour rappeler à tous l’horreur des massacres, et l’espoir que cette guerre serait la dernière. Avec son oeil de photographe Durand porte un regard critique sur les coins vides de la ville et du monde, et examine avec une attention soutenue les questions socio-politiques de la vie contemporaine. Ses photographies candides sont un puissant révélateur de la beauté esthétique et de l’improbable ironie qui se cachent dans les aspérités de la réalité.

renaud

auguste-dormeuil

Né en France, 1968. Renaud Auguste-Dormeuil vit et travaille à Paris. Les quatre images de la serie The Day Before_Star System présentent des vues nocturnes du ciel à la veille d’ événements de destruction et de carnage. Grâce à la technologie numérique, l’artiste recrée les constellations dans leur configuration exacte la nuit précédant ces évènements tragiques. Sont ainsi évoqués le bombardement de Dresde par les Alliés à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le bombardement de Baghdad au moment de l’intervention de la coalition alliée lors de la première Guerre du Golfe, l’attaque du World Trade Centre à New York le 11 septembre 2001, et la nuit précédant l’invasion de l’Irak par les armées britanniques et américaines en 2003. Auguste-Dormeuil joue avec notre perception de ce qu’est un mémorial, et du moment où un événement devient significatif. A la fois belles et mystérieuses ces images de ciels nocturnes évoquent un univers indifférent aux tragédies humaines, mais suggèrent aussi le calme avant la tempête, la tension croissante et l’anticipation du conflit.

Ces images traitent de prémonition, de destin ; d’astronomie, d’astrologie et de météorologie, notions qui ont toutes un rôle à jouer dans la préparation d’actes de guerre et d’agression.

rémy jacquier

Né en France, 1972. Rémy Jacquier est basé à Bouzillé, un village proche de Nantes. Alusage est un monument volontairement énigmatique qui fait partie de la série Cabaret Diderot dans laquelle l’artiste s’inspire de textes tirées des oeuvres du philosophe Denis Diderot (1731-1834). Il a traduit en braille une partie du texte qu’il a ensuite transformée en formes tridimensionnelles. Le titre vient des mots « À l’usage », que l’on retrouve dans les titres de deux des ouvrages de Diderot : Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749) et Lettres sur les sourds et les muets à l’usage de ceux qui entendent et qui parlent (1751). Le monument a été créé par la fusion du texte et de l’image, du déchiffrable et de l’invisible ; mais son caractère dérive tout autant de sa surface peinte d’un noir uniforme, qui brouille la vision et rend difficile l’interprétation de sa réalité spatiale. C’est une représentation de la cécité qui est à la fois physique et métaphorique et c’est aussi un commentaire sur l’histoire de la philosophie et de l’esthétique.

olga boldyreff

Née France, 1957. Olga Boldyreff vit et travaille à Nantes. Olga Boldyreff est issue d’une famille d’émigrés russes qui ont quitté leur pays durant la période communiste. Très jeune elle a ressenti la nécessité de raviver des souvenirs anciens en faisant appel aux liens indirects qui la rattachaient à la Russie. Boldyreff s’efforce de résoudre l’énigme qu’est pour elle le passé de ses ancêtres en utilisant des moyens très divers : le dessin, la peinture, l’écriture, la sculpture, mais aussi les performances, la photographie, la vidéo et même la radio. L’artiste a découvert en Saint-Petersbourg (l’ancienne Leningrad) un lieu où elle pouvait se constituer ses propres souvenirs. Riche en contradictions, cette ville est emblématique de la relation ambiguë que Boldyreff entretient avec la mémoire puisqu’elle peut à la fois s’y créer ses propres souvenirs et désamorcer les ombres du passé. A cet égard, en s’intéressant au siège de Léningrad (1941-1944), Boldyreff s’efforce de décrire la mémoire en se servant à la fois des souvenirs directs des survivants de cette période terrible, mais aussi


des témoignages de leurs descendants. Elle utilise le fusain, le graphite et les pastels secs précisément à cause de la fragilité et de la volatilité de ces matériaux. Ce qu’elle s’efforce de montrer à la surface de la toile, c’est l’image d’un souvenir recomposé qui acquiert une dimension collective, très proche au fond, d’un monument classique.

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Né en France, 1977. Benjamin Sabatier vit et travaille à Paris. Dans sa pratique artistique, Benjamin Sabatier utilise les medias les plus divers : la performance, la sculpture, la peinture, mais aussi des œuvres produites en kit. Il crée aussi des « expositionmanifestes » dans lesquelles, le contexte du lieu et son histoire socio-politique sont partie intégrante de la signification. Exposé dans le contexte de l’Université d’East Anglia, Crushed II pourrait être lu comme un écho humoristique du style « New Brutalist » de l’architecture du campus par Denys Lasdun. Un thème se retrouve dans toutes les œuvres de Sabatier : une réflexion sur les procédés de production dans une société post-industrielle et en particulier, comment cela s’applique au monde de l’art. En 2001, il a créé sa propre société IBK (International Benjamin’s Kit) dont le nom fait référence à trois sources historiques ; le philosophe allemand Walter Benjamin ; le peintre français Yves Klein qui fit breveter IKB (International Klein Blue) ; et IKEA, l’entreprise suédoise bien connue pour son mobilier en kit. IBK vise à rendre l’art accessible à tous. Antoine Durand Maudite soit la guerre et ses auteurs, (Cursed be war and its perpetrators) 2013, cartes postales 10,5 x 14,8 cm chacune. Courtesy de l’artiste.

Rémy Jacquier Alusage 2006, carton et bois, 80 x 58 x 42 cm. Courtesy de la Galerie Bernard Ceysson, Paris.

Benjamin Sabatier Crushed II 2014, ciment et bois, 220 x 100 x 100 cm. Courtesy de la Galerie Bodson, Brussels.

Renaud AugusteDormeuil The Day Before_Star System_ Dresden_February 12, 1945_23:59 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac Basse-Normandie, Caen, France. The Day Before_Star System_ Baghdad_January 15, 1991_23:59 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac Basse-Normandie, Caen, France. The Day Before_Star System_ New York_September 10, 2001_ 23:59, 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac Basse-Normandie, Caen, France. The Day Before_Star System_ Baghdad_March 18, 2003_23:59 2004, impression jet d’encre marouflée sur aluminium, 170 x 150 cm. Collection Frac Basse-Normandie, Caen, France.

Olga Boldyreff Blokada Leningrada, (The siege of Leningrad), 2012–2013, fusain, poudre de graphite et pastel sec sur toile, 54 x 73 cm. Courtesy de l’artiste.

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boris chouvellon

Né en France, 1980. Boris Chouvellon vit et travaille entre Paris et Marseille. Sans-titre (Untitled), est une série de quinze photographies prises sur le site d’une fête foraine à Hyères, à environ 50 km de Marseille. Cette oeuvre nous propose une réflexion sur la puissance, la décrépitude et le passage du temps. Nous dominant de très haut, ces drapeaux nous ont longtemps parlé de patriotisme et d’autorité, mais aujourd’hui, usés par le vent, ils sont l’emblème des nations modernes, vulnérables et constamment menacées par diverses crises. Ces photographies explorent deux aspects fondamentaux de l’oeuvre de Boris Chouvellon. On y retrouve l’observation et l’exploration d’un environnement commun, mais aussi une critique acerbe de la société moderne et de ses contradictions. Dans sa sculpture, dans les images qu’il produit on retrouve toujours ces deux éléments étroitement liés. Avec sa perception aigüe de la décadence des choses qui imprègne la société moderne, Chouvellon, non sans ironie, nous fait prendre conscience de la déchéance de notre époque. Entretien avec le Sainsbury Centre for Visual Arts dans le cadre de l’exposition Monument au Sainsbury Centre for Visual Arts. Lien de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=KDMNpz2Y-Ag

john mcdonald

Né en Angleterre, 1949. John McDonald vit à Londres et travaille le métal depuis plus de 45 ans. Cette oeuvre à grande échelle sert de monument à une série de références et d’expériences complexes qui sont au coeur du travail de l’artiste. John McDonald avait pris le métro de Londres et se trouvait à bord du wagon où devait exploser une bombe en juillet 2005. Cette oeuvre a été réalisée à la main dans le studio de McDonald, sans échauffement des parties métalliques et sans utiliser de machine. Plus qu’un commentaire direct sur l’horreur de l’attentat, cette oeuvre est avant tout un monument au savoir-faire et un hommage rendu aux métallurgistes dont il fut l’apprenti. Et ces mentors qui étaient eux-mêmes des survivants de la Seconde Guerre Mondiale furent pour McDonald, un premier exemple édifiant de comment continuer à vivre après un traumatisme. Dans cet impressionnant cylindre, McDonald évoque les formes, les rythmes et les modèles d’époques antérieures. Les cathédrales médiévales sont une grande source d’inspiration, mais il est aussi guidé par le souvenir du métal industriel et de ces grands tuyaux à l’intérieur desquels il avait autrefois travaillé.

andrew burton

Né en Angleterre, 1961. Andrew Burton vit et travaille à Newcastle-upon-Tyne. Cette oeuvre d’Andrew Burton tire son titre d’un poème de WB Yeats, The Second Coming, 1919, composé à la fin de la Première Guerre Mondiale. La structure architecturale s’offre à nous à cet instant de tension absolue entre stabilité et effondrement, et de fait, cette sculpture est l’illustration littérale d’un vers du poème: « Things fall apart, the centre cannot hold. » Bien que monumentale de par son échelle et son ambition, l’oeuvre interroge la notion de permanence inhérente à tout monument et se présente au contraire comme fragile, en désintégration et incomplète. Things Fall Apart fait partie d’une série d’oeuvres récentes de Burton constituées à partir de milliers de petites briques faites à la main. L’artiste travaille en Angleterre, en Inde et aux Pays-Bas, et utilise et ré-utilise ces mêmes briques pour réaliser des sculptures qui sont constamment recyclées. Grâce à ce processus de récupération, chaque sculpture contient, dans ces tessons vernissés, un écho ou un souvenir d’oeuvres précédentes. Burton utilise des matériaux très variés : de l’argile, du bronze et de la pierre, mais aussi des matières beaucoup plus éphémères comme le bambou ou même les poivrons.

mark edwards

Né en Angleterre, 1965. Mark Edwards vit et travaille dans le Norfolk. Mark Edwards est photographe. Il s’intéresse à la poésie des paysages et son oeil est sensible à l’immobilité des terres qu’il observe mais aussi aux signes subtils de l’intervention de l’homme. Mark Edwards a consacré de longues périodes à explorer dans l’East Anglia des aérodromes abandonnés depuis la Seconde Guerre Mondiale. A Hethel, tout près de Norwich, il a découvert par hasard une collection de piles de bois gigantesques qu’on avait couvertes de tôles pour les protéger et les laisser sécher pendant l’hiver. Cet aérodrome est l’un de ceux d’où sont partis les avions qui ont participé au débarquement de Normandie en exécutant des missions de soutien aérien et en bombardant les batteries allemandes. Pour quelqu’un de sensible aux associations historiques, ce lieu dégageait une atmosphère très particulière. Les piles de bois et les tôles qui les couvraient ressemblaient étrangement à des hangars, et c’est exactement ce qu’en fit l’imagination d’Edwards. L’appel à contribution de l’exposition Monument fut pour lui l’ultime stimulus. Il décida


d’utiliser ses premiers négatifs pour créer de grandes images illuminées en noir et blanc, qui ne sont pas sans rappeler les films d’archives de l’époque, et qui constituent désormais un monument aux soldats et aux aviateurs qui en 1944 ont traversé la Manche pour se battre en France occupée contre les Allemands.

marcus vergette

Né en Angleterre, 1961. Marcus Vergette vit et travaille dans le Devon. Pendant des siècles, les fonderies de cloches ont produit des cloches en temps de paix et des canons en temps de guerre. Marcus Vergette qui est sculpteur, cinéaste, musicien, compositeur et agriculteur vit dans le Devon, et c’est là qu’il conçoit et produit ses cloches en utilisant un logiciel numérique et les techniques de fonte les plus récentes. En re-modelant cette forme ancienne de communication, l’artiste en explore l’histoire, la signification et les propriétés physiques et le processus de création appartient à la fois à l’art et à l’ingénierie. Sonner une cloche est depuis toujours un privilège qui s’attache à l’autorité, que cette autorité soit séculaire ou spirituelle. Or les cloches de Marcus Vergette sont installées dans des espaces publics où chacun est libre de les sonner comme il le souhaite, et du coup, ce qu’expriment ces cloches est un sentiment de liberté radicale. Silent, Beat, Silent ne fait pas exception à la règle. Nous vous invitons à entamer votre propre parcours rituel en sonnant la cloche.

Boris Chouvellon Sans-titre, (Untitled) 2007–2011, photographie, (série de 15) 120 x 80 cm chacune. Courtesy de l’artiste.

John McDonald Monument 2011–2014, acier doux et acier inoxidable, 300 x 195 cm. Courtesy de l’artiste.

André Dunoyer de Segonzac Soldat, 1917, encre et lavis sur papier. Acquis en 1939. Robert and Lisa Sainsbury Collection, UEA 11.

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France, 1884-1974 Un dessin peut être un monument tranquille. Robert and Lisa Sainsbury firent l’acquisition de ce portrait d’un soldat de la Première Guerre Mondiale auprès de l’artiste, en 1939, à un moment significatif, puisqu’il marquait le début de la Seconde Guerre Mondiale. L’expression du soldat est pensive, mais on voit aussi qu’il est las de la guerre. Les notions de détermination et de service se retrouvent dans cette image. Ce soldat incarne tous ceux qui, poussés par le sens du devoir, se sont sacrifiés avec modestie et courage pour défendre leur patrie et ses valeurs.

Andrew Burton Things Fall Apart 2008 – 2014, terre cuite, adhésif. Dimensions indicatives : 223 x 300 x 200 cm. Courtesy de l’artiste.

Mark Edwards Shelter #1 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #2 2014, photographie montée sur light box, 120 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #3 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #4 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste. Shelter #5 2014, photographie montée sur light box, 122 x 152 x 60 cm. Courtesy de l’artiste.

Marcus Vergette Silent, Beat, Silent 2013, bronze, stainless steel and lead, 115 x 145 x 85 cm. Courtesy de l’artiste.

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Le projet TAP a été sélectionné dans le cadre du programme européen de cooperation transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre, cofinancé par le FEDER.


ar tis te s ÉDITION N°1

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monumental jocelyn cottencin

Contexte. Ce qui m’intéresse c’est probablement la question de l’émission et de la réception des images, des codes et des langages, et plus encore la capacité d’un projet et d’un travail à ne pas circonscrire un territoire mais à circuler entre différents points. Cette notion de circulation est centrale. Je pourrais la nommer de différentes façons : transformation, mutation, mouvement organique. L’idée est celle d’un système vivant, qui ne se fixe pas. Une mobilité nécessaire. Vitale.


Monumental répond intuitivement à la proposition faite par les trois commissaires1 de l’exposition Monument et à un désir né de ma proximité avec le champ chorégraphique depuis 15 ans. Un mélange de vitesse et de décantation. D’immédiateté et de lenteur. Si l’on définit souvent mon travail comme brouillant les frontières entre les disciplines, du graphisme aux arts visuels, de la performance à la scénographie, du livre au film, ma relation au chorégraphique s’est naturellement faite au début. Monumental apparaît comme une évolution logique de mes projets visuels par l’intégration du langage chorégraphique. Monumental prend sa source dans les collaborations que j’ai engagées avec différents chorégraphes (Daniel Larrieu, Nathalie Collantes, Alain Michard, Loïc Touzé et Emmanuelle Huynh). Pour eux j’ai conçu différentes propositions plastiques mais surtout des espaces scéniques, des dispositifs qui activent les mêmes enjeux que je soulève dans d’autres disciplines - notamment la relation aux images produites – comment un dispositif scénique peut-il provoquer de l’image sans la figer, comment l’imaginaire peutil rester actif, comment ne pas résoudre ou ne pas commenter ? Peut-être que les dispositifs que je mets en œuvre dans LOVE2, Ô MONTAGNE3 ou prochainement TOZAÏ… !4 sont symptomatiques de ces questionnements. Monumental ambitionne d’activer une mémoire visuelle et collective issue des représentations de notre histoire, particulièrement de l’histoire de l’art, ou des événements médiatiques et contemporains ou bien arriver à évoquer simultanément Géricault et Kiev, Ucello et Occupy Wallstreet…

1.  Barbara Forest, conservatrice du Musée des Beaux arts de Calais, Veronica Sekules, directrice adjointe du Sainsbury Centre for Visual Arts, directrice de la recherche et des publics, Sylvie Froux, directrice du Frac Basse Normandie (Caen). 2.  LOVE de Loïc Touzé et Latifa Laâbissi , collaboration artistique et dispositif scénique de Jocelyn Cottencin interprètes Rémy Héritier, Maud Le Pladec, Yves Noel Genod, Carole Perderau,Audrey Gaisant, Julein Galée Ferret, lumière Yannick Fouassier. Cette pièce a été créée en 2003 au Théâtre national de Bretagne. 3.  Ô MONTAGNE de Loïc Touzé, dispositif scénique Jocelyn Cottencin, interprètes Bryan Campbell, Ondine Cloez, Madeleine Fournier, Elizabete Francisca, Gianfranco Poddighe, Teresa Silva musique et interprétation Jonathan Seilman, lumière Yannick Fouassier. Cette pièce a été créée en 2013 au TU Nantes. 4.  TOZAÏ… ! d’Emmanuelle Huynh Collaboration et assistanat Pascal Queneau
Sonographie Dispositif scénique Jocelyn Cottencin
Matthieu Doze
Lumières Sylvie Garot
 Régie Générale Christophe Poux.
 Fabrication et interprétation Katerina Andreou, Jérôme Andrieu, Bryan Campbell, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier et Emmanuelle Huynh
Lisa Miramond, danseuse associée au travail. Cette pièce sera créée le 12 juin 2014 au CCN de Montpellier.

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Monumental est fondé sur une recherche iconographique de ce qui fait monument dans chacune des villes impliquées dans cette manifestation (Caen, Calais, Norwich). J’ai travaillé et conçu des partitions visuelles à partir d’un ensemble allant de la statuaire à l’architecture, du mémorial à l’installation contemporaine. J’ai délibérément choisi cette iconographie pour sa capacité à produire du récit, des formes. Chaque monument sélectionné est décodé et restitué par des actions suivant ce scénario. La performance développe une succession de figures tour à tour abstraites ou narratives, symboliques ou formelles, grotesques ou inquiétantes, amusantes ou graves. C’est un espace de poésie, d’invention, une manière de retraverser ces scènes allégoriques ou historiques. Mouvement. Ce qui est à l’œuvre dans chaque monument est très défini, mais n’est pas figé dans le geste. Je recherche une précision des éléments du récit dans sa forme performative. Le geste est réengagé à chaque fois, réinventé. Les actions peuvent être différentes d’une performance à l’autre mais elles sont sous-tendues par les mêmes problématiques. Les partitions suivent aussi certaines règles et des protocoles comme « être à l’extérieur de ce qui se joue », « devient un contre-point » ou « un environnement pour la séquence ». L’objectif n’est pas de mimer et de figer le bâtiment, la sculpture, mais d’investir une interprétation suivant différents axes : le récit, la figure, la forme, l’architecture. Le travail avec les performers n’est ni une succession de postures statiques ni une façon de nommer une image, mais bien un mouvement perpétuel avec ses suspensions. Cette dimension est primordiale, il s’agit précisément de convoquer, d’évoquer, de solliciter un imaginaire collectif lié à la représentation du corps et à l’histoire, les images apparaissant et se recouvrant les unes les autres. En excluant la question du sens, de la narration et de la lisibilité, j’ai joué avec les signes. Evoquer sans nommer permet d’ouvrir un espace qui esquisse plus qu’il ne figure et qui laisse libre-cours à l’imaginaire.


Monumental est également un espace de jeu, un environnement que j’ai mis en scène à partir de la couleur et d’un objet très simple, le bâton. Les vêtements sont sélectionnés suivant une gamme chromatique définie à partir des monuments dans des variations de bleu, marron, gris, or, et des touches de rouge et orange. Ils sont posés au sol, dans l’ordre prédéfini des couleurs, et utilisés au fur et à mesure des séquences puis abandonnés et réutilisés mais toujours à l’extérieur ou au bord de ce qui a été déterminé comme un « socle ». Leur accumulation, leur détournement par les danseurs comme objets absurdes, abscons ou tragiques, nourrissent les actions qui se déroulent sous nos yeux et leur puissance d’évocation. La présence d’autres objets semblait nécessaire comme appui, comme élément ouvrant un autre rapport au corps. J’ai choisi le bâton qui est à la fois une abstraction mais qui a cette capacité à rappeler le jeu. Il peut devenir tantôt une arme, un trophée, une architecture, un signe, un mât ou un outil. Démultipliés, de tailles différentes mais dans les mêmes nuances de couleur que les vêtements, ces bâtons deviennent le mikado d’une sculpture vivante et délimitent l’espace du « socle ».

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Le groupe, la collectivité, la coalition sont des notions importantes pour moi, qui ont été et sont présentes dans beaucoup de projets. Le groupe raconte déjà une histoire ou plutôt il me permet de construire mon propre récit, et un désir. Il est une géographie de travail et d’idées. À partir des notions de figures et de récits, j’ai naturellement pensé à des artistes chorégraphiques avec lesquels j’avais travaillés. J’entretiens avec certains un dialogue depuis de nombreuses années. Ce sont des rencontres déterminantes comme Yves-Noël Genod, Matthieu Doze, Loïc Touzé et d’autres plus récentes mais toutes aussi importantes comme Agnieszka Ryszkiewicz, Yaïr Barelli, Carole Perdereau, Nuno Bizarro, Volmir Cordeiro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Madeleine Fournier et Elise Olhandéguy. Ce groupe ainsi constitué contient mon parcours et mon histoire avec le champ de la danse. 153


Rebond. A l’origine, il y avait une commande visuelle pour la communication de l’exposition Monument. On voit bien que j’ai un certain sens de la digression. Une part de mon travail est liée au graphisme. Le graphisme est par essence une aire de croisement, de mixité. Il m’intéresse pour sa capacité à se déployer sur une série de supports qui infiltre l’espace public (affiches, livres, documents, etc.). Tous ces réseaux permettent la circulation de mots, d’images, de signes, de symboles. C’est un terrain d’expérimentation assez excitant même s’il est souvent limité par des contraintes, des clichés et des conventions. Pour revenir à ce qui fait communication, et pour prolonger ce mécanisme de déplacement et de transformation, j’ai ouvert un chantier typographique. La typographie est un code. C’est pour moi un territoire symbolique, esthétique, formel. La lettre provient du dessin et du dessin va vers l’abstraction, le code. J’inverse le mouvement. Je repars vers le dessin, vers l’image. La lettre n’est alors pas lue mais vue et le mot s’immisce au travers de l’image. Ici, la partition de Monumental est la base de travail de l’alphabet. La typographie est conçue à partir d’un assemblage des monuments qui la composent. Les affiches sont constituées de trois photographies issues de la performance : un visuel pour chacun des lieux de l’exposition. Là encore il n’y a pas d’images fixes. Perspective. Monumental5 est un film, et aussi une performance. Ou bien le contraire. Dans sa version performée « live », j’envisage que la partition se modifie ponctuellement en fonction des lieux où elle sera présentée en intégrant un nouveau monument, créant ainsi du jeu et de la mobilité. J’aimerais poursuivre ce travail avec l’idée de convoquer ce qui aujourd’hui peut faire monument. Et pourquoi pas performer la crise des subprimes, le réchauffement climatique et d’autres récits encore plus vastes de notre histoire ? Monumental comme principe d’écriture.

5.  Monumental performance et film conçus par Jocelyn Cottencin Performé par Yaïr Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Madeleine Fournier, Matthieu Doze,Yves-Noël Genod, Elise Olhandeguy, Carole Perdereau, Agnieszka Ryszkiewicz, Loïc Touzé. Coproduit par Frac Basse-Normandie (Caen), Musée des Beaux Arts (Calais) et le Sainsbury Centre for Visual Arts (Norwich)


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spectre

robert foster


I met a traveller from an antique land Who said: “Two vast and trunkless legs of stone Stand in the desert. Near them, on the sand, Half sunk, a shattered visage lies, whose frown,

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And wrinkled lip, and sneer of cold command, Tell that its sculptor well those passions read, Which yet survive, stamped on these lifeless things, The hand that mocked them and the heart that fed, And on the pedestal these words appear: ‘My name is Ozymandias, king of kings: Look on my works, Ye Mighty, and despair!’ Nothing beside remains. Round the decay Of that colossal wreck, boundless and bare, The lone and level sands stretch far away.” Ozymandias of Egypt, Percy Bysshe Shelley, 1817 157



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Robert Foster Performance au Frac Basse-Normandie, 21 février 2014

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J’ai rencontré un voyageur venu d’une terre antique
 Qui m’a dit : « Deux immenses jambes de pierre dépourvues de buste
 Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable,
 À moitié enfoui, gît un visage brisé dont le sourcil froncé,

 La lèvre plissée et le sourire de froide autorité
 Disent que son sculpteur sut lire les passions
 Qui, gravées sur ces objets sans vie, survivent encore
 À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit.

 Et sur le piédestal il y a ces mots :
 “Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois.
 Contemplez mes œuvres, Ô Puissants, et désespérez !”

 À côté, rien ne demeure. Autour des ruines
 De cette colossale épave, infinis et nus,
 Les sables monotones et solitaires s’étendent au loin. » Ozymandias of Egypt, Percy Bysshe Shelley, 1817


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Robert Foster Après la performance du 21 février 2014, du 22 février au 13 avril, poème de Shelley sur feuille A4 punaisée au mur

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shelter

mark edwards

Mon père était dans la Royal Air Force. C’est pour cette raison que nous avons déménagé dans le Lincolnshire. En grandissant dans une région appelée Bomber Count, j’ai toujours été fasciné par ces anciens aérodromes de la seconde guerre mondiale et par leur nature liée au palimpseste dans le paysage. Au fil des ans, j’ai fait plusieurs tentatives pour les photographier sans jamais trouver le motif qui aurait permis de transcender leur coté trop nostalgique.


Quand j’ai découvert ces tas de bois à Hethel, j’ai tout de suite su que je voulais les photographier. Je les ai photographiés en couleur dans un premier temps mais le résultat ne me convenait pas. En poursuivant mes promenades dans l’ancienne base militaire, avec le chien de la famille, j’ai passé du temps à regarder, à chercher et à lire à propos du site et de son implication dans les campagnes aériennes sans photographier les structures. A ce moment du processus de réflexion, je me suis aperçu qu’elles devaient être photographiées en noir et blanc, ce qui semblait souligner la dimension sculpturale des piles de bois.

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Monument a été l’opportunité de réaliser une série de photographies que j’ai cherché à faire depuis plus de 20 ans.

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Vue de l’écran de cadrage à l’arrière de la chambre noire. L’image est toujours inversée sur l’appareil photographique.


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Une des premieres images en couleur du projet des Shelters.

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« Le moi artistique s’engage aussi personnellement dans cette reconstruction ; il promet, selon l’interprétation de Weiss, d’ériger un mémorial, et c’est la nature douloureuse de ce processus qui assure la persistance de la mémoire » WG Sebald. Histoire naturelle de la Destruction (p177) La base aérienne de la Royal Air Force à Hethel, a été construite en 1942, dans le Norfolk et a été utilisée comme base opérationnelle par l’aviation américaine, et en particulier par le 389th, USAAF Eighth Air Force Group. Elle permettait d’atteindre des objectifs stratégiques en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Les pilotes ont participé à des raids intensifs et ont facilité le débarquement en Normandie en juin 1944, en bombardant les batteries de canons allemandes, les terrains d’atterrissage et les positions ennemies, sans compter leur rôle de soutien aérien et d’interception. Ces derniers dix-huit mois, j’ai photographié en couleur un grand nombre de piles de bois que je découvrais lors de promenades sur les routes qui entourent cette base militaire aujourd’hui abandonnée. Le bois provenait de la taille de la forêt environnante, et avait été entassé parmi les derniers vestiges de bâtiments militaires délabrés, de pistes et de fils barbelés, et ces piles de bois ressemblaient à des sortes d’abris qui n’étaient pas sans rappeler les camps dans la forêt dont parle Primo Levi dans Maintenant ou Jamais. On y retrouvait aussi un écho de la vision de W.G.Sebald qui évoque Cologne et les autres villes d’Europe bombardées à la fin des hostilités : il décrit les ruines et les abris de fortune comme étant « transformés par l’intense végétation verte qui les recouvrait – les routes se faufilaient dans ce nouveau paysage comme des chemins de campagne tranquilles ».


Certaines des voies de circulation et des pistes d’envol sont aujourd’hui utilisées par les voitures Lotus pour divers travaux et essais et le rugissement de ces moteurs-là me semble approprié puisqu’il me rappelle le bruit qu’ont dû produire les bombardiers B-17 et B-24 en décollant pour leurs missions nocturnes en territoire ennemi. Ces piles de bois, mises là pour être stockées et protégées de la pluie afin que les bûches sèchent constituent un monument érigé en souvenir de ces campagnes, de leurs participants, de leurs victimes, des lendemains et des souvenirs de cette période : 3,4 millions de tonnes de bombes alliées lachées, 131 villes allemandes attaquées ; 3,5 millions de foyers détruits, 7,5 millions de sans-abris, 12 000 bombardiers abattus, 100 000 aviateurs alliés perdus, sans compter d’innombrables victimes civiles. Shelter est une nouvelle série de cinq grandes boîtes lumineuses en noir et blanc (de 122 x 152 cm chacune) qui décrivent ces monuments sculpturaux dans le contexte du paysage contemporain et historique. Imprimées sur du film d’archive opaque (Duratran) et éclairées par un mur uniforme d’ampoules LED, ces diapositives éclairées à contre-jour constituent une référence contemporaine aux bandes d’actualités des années 40, mais fonctionnent aussi comme une sorte de phare dans l’espace de l’exposition. Chacune de ces boîtes deviendra un monument pour assurer que nous n’oublions jamais ce que la majorité d’entre nous n’a pas connu ou vécu. Mark Edwards

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Shelter No.IV


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Shelter No.II

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artistes exposés

liens internet

Adela Babanova www.jirisvestka.com/artist-detail/ adela-babanova Maya Balcioglu www.mayabalcioglu.com/ Pascal Bauer pascal-bauer.blogspot.fr cargocollective.com/PascalBauer Benoît Billotte www.benoitbillotte.com Olga Boldyreff olgaboldyreff.blogspot.com/ Stuart Brisley www.stuartbrisley.com/ Andrew Burton www.andrewburton.org.uk/ Boris Chouvellon www.borischouvellon.com

Valérie Collart www.valeriecollart.com John Cornu www.johncornu.com Jocelyn Cottencin www.jocelyncottencin.com Antoine Durand antoinedurand.com Mark Edwards www.markjedwards.com Leo Fabrizio www.leofabrizio.com Carole Fékété www.carolefekete.com Robert Foster www.axisweb.org/artist/robertfoster robertjohnfoster.wordpress.com/


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Jeanne Gillard et Nicolas Rivet Portfolio complet : bit.ly/16ICqtF Swiss Art Awards : bit.ly/18pdxY1 Jacqueline Hoang Nguyen www.jacquelinehoangnguyen.com Rémy Jacquier remyjacquier.blogspot.fr Liane Lang www.lianelang.com Micha Laury www.michalaury.com Léa Le Bricomte www.lara-vincy.com Simon Le Ruez www.simonleruez.net Virginie Maillard www.virginiemaillard-photographie. com

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Benjamin Sabatier www.ibk.fr www.bodsongallery.com/ benjamin-sabatier/ Gilles Saussier www.gilles-saussier.fr Patrick Tosani www.patricktosani.com Sylvie Ungauer sylvieungauer.blogspot.fr Marcus Vergette www.marcusvergette.co.uk/ Didier Vivien www.zerologie.net Renaud Aurguste-Dormeuil www.macval.fr/francais/collection/ oeuvres.../renaud-auguste-dormeuil

Matthieu Martin www.matthieumartin.fr John McDonald, makingurbantotem.blogspot.com Mick Peter www.mickpeter.com/ Paul Pouvreau www.scrawitch.com/en/paulpouvreau

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édition

collector fabrication

Cette édition en ligne est conçue pour pouvoir être imprimée “chez soi” et devenir un objet éditorial singulier. Il se compose en 4 cahiers distincts et d’une couverture, imprimés sur 5 papiers différents et assemblés en une édition par un élastique large.


ÉTAPE 1 :

ÉDITION N°1

Téléchargement des 5 fichiers de l’édition aux adresses suivantes :

MAI 2014

www.lieuxcommuns.com/monument/edition1/0-COUVERTURE.pdf www.lieuxcommuns.com/monument/edition1/1-APPEL.pdf www.lieuxcommuns.com/monument/edition1/2-EXPOSITIONS.pdf www.lieuxcommuns.com/monument/edition1/3-OEUVRES.pdf www.lieuxcommuns.com/monument/edition1/4-ARTISTES.pdf

cahier n°4

ÉTAPE 2 :

Imprimer les 5 fichiers. Impression Recto Verso attention à bien cocher reliure côté court. Suivre les formats et papier préconisés pour chaque fichier.

0

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appel à pro jet

CAHIER 1

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A5 250 g couché brillant

cahier

CAHIER 2

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Textes de présentation des expositions

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A5 80 g bleu

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A5 80 g marron

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A4 90 g offset blanc

ar tis te s ÉDITION N°1

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cahier

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CAHIER 3

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Appel à projet pour l’exposition Monument

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ex po si tio ns

œu vr es

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A4 90 g couché mat blanc

ÉTAPE 3 :

Plier et assembler chaque cahier. Agrafer.

ÉTAPE 4 :

Pour maintenir l’ensemble, assemblez les cahiers les uns dans les autres et glisser dans la double page centrale du cahier 4 un élastique large (minimum 1cm de large longueur 20 cm). Et voilà une édition collector.

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Le projet TAP a été sélectionné dans le cadre du programme européen de cooperation transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre, cofinancé par le FEDER.


direction

éditoriale :

Sylvie Froux, directrice du Frac Basse-Normandie Veronica Sekules, deputy director of the Sainsbury centre for Visual Arts, head of research and education Barbara Forest, directrice du musée des beaux-arts de Calais Jocelyn Cottencin, artiste et graphiste

équipe éditoriale :

Sylvie Froux, directrice du Frac Basse-Normandie Anne Cartel, assistante d’expositions, chargée du service culturel et du mécénat Chloé Hipeau, chargée de communication et de documentation Veronica Sekules, deputy director of the Sainsbury centre for Visual Arts, head of research and education Amanda Geitner, chief curator at the Sainsbury Centre for Visual Arts Antoine Huet, project assistant at the Sainsbury Centre for Visual Arts Barbara Forest, directrice du musée des beaux-arts de Calais Marie Astrid Hennart, responsable de la programmation culturelle et de la communication du musée des beaux-arts de Calais Laurent Moszkowicz, coordonnateur du Jardin des arts, Communauté d’agglomération du Calaisis Rebecca Drew, Head of Finance and European Programmes, Fabrica, Brighton Tracey Gue, Digital Communications Coordinator, Fabrica, Brighton Jocelyn Cottencin, artiste et graphiste

contributeurs :

Mark Edwards et Jocelyn Cottencin Vittorio Ricchetti, curatorial intern at the Sainsbury Centre for Visual Arts Pour le musée des beaux-arts : Natacha Haffringues et les artistes Carole Fékété, Virginie Maillard, Antoine Durand, Pascal Bauer, Michel Aubry, Gilles Saussier

conception

graphique :

Jocelyn Cottencin /Atelier Lieux Communs avec la collaboration de Chloé Hauser et Bruno Kervern

remerciements :

Pour le SCVA : Les artistes : Renaud Auguste-Dormeuil, Maya Balcioglu and Stuart Brisley, Olga Boldyreff, Andrew Burton, Boris Chouvellon, Richard and Sarah Cocke, Jocelyn Cottencin, Antoine Durand, Mark Edwards, Jeanne Gillard and Nicolas Rivet, Rémy Jacquier, John McDonald, paul pouvreau, Benjamin Sabatier, Marcus vergette, The voice project.

Les financeurs et les collègues : Arts Council of England, Metro imaging, UK, Clare Karslake Amy Chang, Charley Ramm, ÉDIBecca Sturgess, Nell Croose Myhill, TION N°1 Antoine Huet, Vittorio Ricchietti, MAI 2014 Sarah Bartholomew Pour le musée et le Jardin des arts : La ville de Calais, la Communauté d’agglomération du Calaisis, le département du pas-de-Calais, la région Nord pas-de-Calais, La Direction régionale des affaires culturelles du Nord pas de Calais, L’association des conservateurs des musées du Nord Pas de Calais et tous les artistes : Michel Aubry, pascal Bauer, Benoît Billotte, Boris Chouvellon, Valérie Collart, John Cornu, Jocelyn Cottencin, Antoine Durand, Carole Fékété, Liane Lang, Léa Le Bricomte, Virginie Maillard, Tom Molloy, Paul Pouvreau, Gilles Saussier, Laurent Sfar, Patrick Tosani, Sylvie Ungauer, Didier Vivien Pour le Frac Basse-Normandie : Région Basse-Normandie ; le Ministère de la Culture, Drac Basse-Normandie. Les artistes: Adela Babanova, Pascal Bauer, Benoît Billotte, Boris Chouvellon, Jocelyn Cottencin, Carole Fékété, Robert Foster, Jeanne Gillard et Nicolas Rivet, Jacqueline Hoang Nguyen, Rémy Jacquier, Léa Le Bricomte, Simon Le Ruez, Matthieu Martin, Mick Peter. Frac Basse-Normandie : Caroline Caillet, Anne Cartel, François Desloges, Chloé Hipeau, Mathilde Johan, Magali Kerdreux. Rebecca Drew. Le Musée de L’Armée, Paris.

traductions :

Pour le SCVA : Francoise Delas-Reisz Pour le MBA : Société HANCOCK-HUTTON Pour le Frac : Simon Thurston

crédits

photographiques :

Pour le SVCA : Renaud Auguste-Dormeuil, Maya Balcioglu and Stuart Brisley, Olga Boldyreff, Andrew Burton, Boris Chouvellon, Jocelyn Cottencin, Andy Crouch, Antoine Durand, Mark Edwards, Jeanne Gillard and Nicolas Rivet, pete Huggins, Jean-philippe Humbert, Rémy Jacquier, John McDonald, Paul Pouvreau, Benjamin Sabatier, Marcus Vergette Pour le musée des beaux-arts de Calais : Pascal Bauer et la School Gallery/Olivier Castaing / Sonia Chanel / Valérie Collard / John Cornu. Courtesy Ricou Gallery, Bruxelles & Galerie Anne de Villepoix, Paris / Gabriella Cseh / Carole Fékété / Marc Domage / Courtesy Michel Aubry et Galerie Eva Meyer / Patrick Tosani et Galerie In Situ – Fabienne Leclerc, Paris / Léa Le Bricomte et la Galerie Lara Vincy, Paris / Virginie Maillard / Tom Molloy et Rubicon Gallery Dublin / Paul Pouvreau (Galerie Scrawitch) / Florian Kleinefenn / Fabien Marques / Musée des beaux-arts, Calais / Adagp, Paris, 201 Pour le Frac : Marc Domage, les artistes;

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Fonds régional d’art contemporain Basse-Normandie 9 rue Vaubenard - 14000 Caen Tel. : +33(0)2 31 93 09 00 www.frac-bn.org

25 rue Richelieu - 62100 Calais Tél. : +33(0)3 21 46 48 40 musee@mairie-calais.fr www.musee.calais.fr

Sainsbury Centre for Visual Arts University of East Anglia Norwich, NR4 7TJ +44 (0)1603 593199 www.scva.ac.uk The Undercroft below the War Memorial, City Hall, Norwich, NR2 1NH

Le projet TAP a été sélectionné dans le cadre du programme européen de cooperation transfrontalière INTERREG IV A France (Manche) – Angleterre, cofinancé par le FEDER. The project TAP has been selected within the frame of the INTERREG IV A France (Channel) – England cross-border European cooperation programme, part-financed by the ERDF.

© graphisme et Typographie Jocelyn Cottencin / atelier Lieux communs - © Image : “Monumental” jocelyn cottencin (2014)

Musée des beaux-arts de Calais


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