Le Bonbon Nuit 63

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Avril 2016 - n째 63 - lebonbon.fr


“Brillant”

“Beau et hilarant”

Collider

Time ouT New York

“une COMÉDie MODerne et inteMPOrelle” les iNroCkupTibles

Everybody Wants Some !! Au cinéma le 20 avril BANDE ORIGINALE DISPONIBLE CHEZ WARNER BROS.RECORD

EverybodyWantsSome.film

/ CRÉDITS NON CONTRACTUELS

Après Boyhood, la nouvelle comédie culte de Richard Linklater


EDITO C'est l'un des plus beaux gestes dont soit capable le genre humain, un geste simple, pur, immédiatement compréhensible. Avec lui, pas de quiproquo ou de malentendu, et c'est presque intellectuellement touchant de voir une telle perfection entre le fond et la forme. Pour l'accomplir, rien de plus facile : il suffit de plier délicatement tous les doigts de la main et de laisser son majeur bien tendu, là, comme une insulte au ciel. Ami(e) lecteur(trice), je veux bien entendu te parler du doigt d'honneur, cette arme miraculeuse qui clôt les débats stériles, cette irrévérence si essentielle dirigée vers les tartineurs de moraline et autres pisse-froid. Pour lui rendre honneur - à ce fameux doigt -, encore faut-il faire un peu d'Histoire. On retrouve sa première trace dans la Grèce antique, en 423 av. J-C exactement, dans une pièce d'Aristophane. Sa connotation est alors comique : il est l'expression explicite d'une vigoureuse érection masculine. L'excellent Diogène le Cynique (celui qui se masturbait sur la place publique) le transforme ensuite en insulte, sens qu'il gardera chez les Romains (comme digitus impudicus, doigt impudique) et jusqu'à notre époque moderne. Quelle que soit sa variante, l'index et le majeur en forme de V chez les Anglais (le fameux Piss off !), cinq doigts relevés en Afrique ou tout simplement un pouce d'auto-stoppeur en Afghanistan et en Iran, l'intention est toujours la même, celle d'un « va te faire foutre » bien senti d'autant plus salvateur par les temps qui courent. Ainsi, contre le doigt de cette poignée d'illuminés qui appuie sur le détonateur, nous n'avons, nous, cible de leurs attaques barbares, que ce doigt fièrement érigé comme ultime affront. Et vous savez quoi, on le leur mettra bien profond. MPK

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OURS

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jacques de la Chaise RÉDACTEUR EN CHEF Michael Pecot Kleiner DIRECTEUR ARTISTIQUE Tom Gordonovitch COUVERTURE Chassol par Flavien Prioreau SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Louis Haeffner GRAPHISTES Coralie Bariot, Charlotte Duriez RÉDACTEURS WEB Olivia Sorrel-Dejerine, Rachel Thomas, Tiana Rafali-Clausse, Agathe Giraudeau, Julie Kemtchuaing RESPONSABLE DIGITAL Antoine Viger COMMUNITY MANAGER Raphaël Breuil CHEF DE PROJET Dulien Serriere PARTENARIATS Charlotte Perget RÉGIE PUB Carole Cerbu, Arnaud Laborey, Thomas Bonnet DIRECTEUR DES VENTES Hugo Delrieu CHEFS DE PUBLICITÉ PRINT Julie Guedj, Nicolas Portalier SAS LE BONBON 12, rue Lamartine 75009 Paris Siret 510 580 301 00032 01 48 78 15 64 IMPRIMÉ EN FRANCE

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SOMMAIRE

p. 7 À LA UNE Chassol p. 15 MÉDIA Pierre-Emmanuel Barré p. 21 LITTÉRATURE Les mots de minuit p. 25 CINÉMA Les sorties du mois p. 29 MUSIQUE Rendez-vous p. 37 INSOMNIE Docus pétés p. 39 ANTI DOSSIER Sexe au ciné

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TOUS LES VENDREDIS AU BUS PALLADIUM 4

POUR ÊTRE SUR LISTE RDV SUR LEBONBON.FR 6, RUE PIERRE FONTAINE PARIS 9E


HOTSPOTS

PARDON MA SŒUR J'AIME PÊCHER On met clairement une piécette sur le fait qu'À la Folie devienne l'un des points chauds de cette saison printemps/été. On ne peut donc que vous conseiller d'aller damner votre âme à cette soirée marathon qui regroupe Pardonnez-nous, La Sale, Fils de Vénus et Mercredi Prod. Avec la présence de Lakuti, résidente du Panorama Bar. Samedi 23 avril. 18h-6h ! À la Folie. ON AIME MANSFIELD TYA Bienheureux ceux qui iront assister à ce concert : la musique de Julia Lanoë et Carla Pallone sur scène, ça a vraiment de la gueule. On y attendra les versions live de leur récent album Corpo Inferno, petite perle mixant chanson française, textes "uppercut", harmonie baroque et texture électronique. Jeudi 21 avril. 20h. La Cigale. LA SOCIÉTÉ DU SPECTACLE La publicité ne cesse de nous périmer la cervelle avec ses messages subliminaux, nous abrutit, nous "pavlovise". Qu'à cela ne tienne, nous irons voir l'expo De la caricature à l'affiche, 1850-1918, juste histoire de capter les prémisses de l'art communicationnel. Et puis aussi parce que c'est esthétiquement beau. Tout le mois d'avril. Musée des arts décoratifs. MODULAR NIGHT Comme diraient les spécialisss de musique électronique : « le retour des modulaires est une tendance lourde. » On ne va pas gâcher notre plaisir puisque nous sommes éminemment fans des sonorités produites par ces machines à la technologie analogique. Donc ouais, vous nous trouverez là-bas perchés sur les lives de Florian Meindl, Maxime Dangles & co. Vendredi 15 avril au Trabendo 5


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À LA UNE T

HILLEL SCHLEGEL & MPK P FLAVIEN PRIOREAU

CHASSOL — VIRTUOSE CONTEMPORAIN Quand on demande à Christophe Chassol si, pour un type issu d'un milieu plutôt académique, il a conscience d'être un branché, il répond dans un sourire : « non, parce que je suis noir et fils d'un conducteur de bus ! Donc la "branchitude", ce n'est vraiment pas mon milieu naturel. » Pourtant, Chassol est un putain de génie de la musique (oui, Madame) au succès unanime, maîtrisant comme personne l'art d'être toujours là au bon moment.

Adoubé par Gilles Peterson, Terry Riley ou Laurie Anderson, fort d'une immense culture musicale et d'un parcours rigoureux, le pianiste-auteur-compositeur Chassol, c'est un peu "the best of both worlds" : l'exigence du classique, la liberté du jazz et l'immédiateté de la pop. Pour la sortie de son album Ultrascores II le mois prochain, on est allés le rencontrer chez lui. Attention : interview 100% fanboy. 100% assumé. 7


“EN MUSIQUE, J'AI TOUJOURS RECHERCHÉ LE DÉCALAGE, ET MÊME LA BLAGUE ! IL Y A BEAUCOUP D'HUMOUR DANS CE QUE JE FAIS.” 8


Tu sors le mois prochain Ultrascores II, une compil' pleine d'inédits et de remix. Est-elle, comme Indiamore ou Big Sun, un “objet audiovisuel” qui se regarde autant qu'il s'écoute ? Non, c'est un disque, un vinyle même. Quand j'ai commencé à bosser sur mon principe "d'harmonisation du réel", j'ai tout de suite trouvé un nom à la musique que je faisais : des "ultrascores". Ça signifie que c'est de la musique faite à partir d'images. A la base, je ne voulais sortir ma musique qu'en film, et c'est là que mon label Tricatel a son importance parce qu'ils m'ont dit que ce projet filmographique serait incompréhensible pour les journalistes et le public : il fallait donc sortir le disque, et ensuite le DVD. Mais Ultrascores II est un disque au sens traditionnel, comprenant des remix de Yuksek, d'Aquaserge, des choses avec Keren Ann - bref, plein de nouveautés. "Harmoniser le réel", c'est un beau postulat philosophique, où tu entremêles prises de vue et compositions personnelles. As-tu déjà réfléchi à comment aller encore plus loin dans ce concept ? Oui ! Là par exemple, je vais faire un film en 360 degrés : ça va être une place ou un espace, avec des harmonisations d'oiseaux, une cloche d'église, des enfants qui crient… Mon prochain sujet d'harmonisation, c'est les animaux et les chorales. On y retrouvera plusieurs endroits géographiques, mais ma vraie recherche se fait sur les sujets, pas sur les lieux. A la base, comment t'est venue cette idée singulière ? Lorsque tu étais à Berklee ? C'est une idée qui est assez vieille et qui forme un tout. Elle m'est venue d'une façon très fluide, mais elle n'a pas trop de rapport avec mon passage à Berklee, non ! Je n'y ai passé

qu'un semestre ; je bossais déjà beaucoup à côté, j'avais 26 ans, je voulais voir à quoi ressemblait une fac' américaine de musique, j'ai réussi à avoir une bourse donc j'y suis allé. C'était en 2002. Pour revenir à l'idée des ultrascores, j'habitais à Los Angeles avec ma copine, on était en résidence dans un centre d'art, j'avais du temps, je faisais plein d'expérimentations. YouTube est arrivé - c'était en 2005 et là, j'ai vu plein de vidéos. Je faisais (et fais toujours) pas mal de musiques de films, donc bosser en synchro sur de l'image animée, pour moi, c'était logique : je me suis donc mis tout simplement à utiliser le son des vidéos. Puis je me suis mis à "gluer" l'ensemble : prendre des images et les gluer avec des suites d'accords qui servent de fil directeur. Tu dirais que tu as un projet musical global dans la vie ? C'est intéressant ce que tu dis sur cette volonté de vouloir produire un art global ou total - tous les artistes ont un peu cette vanité de faire ça. Je dirais plutôt : « ai-je la volonté de produire une œuvre du XXIe siècle ? » Je suis né en 76, j'ai eu aussi le temps d'être du XXe siècle, je suis un peu "à l'ancienne". En 2000, j'ai eu un laptop et ma vie a changé : j'ai pu écrire les partitions sur Final. En 1989, j'avais eu un Atari avec Cubase - je m'en suis servi pendant quelques années, et après j'ai lâché, parce que la musique électronique pour moi, c'était un peu une sousmusique, j'avais tout à fait tort mais j'abhorrais tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la techno. Je suis bien sûr revenu sur ce jugement, mais j'étais dans une logique un peu snob de jazzman, de musicien classique… Tout ça pour dire quoi ? Qu'aujourd'hui oui, j'ai une vision directrice dans laquelle j'essaye de faire rentrer toutes mes productions. Que ce soit une pub, une musique de film, du théâtre, de la danse, un mix… je mets toutes mes idées et toutes mes recherches dans un cadre cohérent.

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Ton parcours est fou, aussi : tu as été chef d'orchestre à 18 ans… J'ai eu plusieurs expériences de direction d'orchestre : par exemple, quand j'ai été à Sofia, j'ai dirigé l'orchestre de la radio. C'était vraiment dans le cadre de taffs ponctuels. Il se trouve que j'écrivais des partitions pour orchestre donc par la force des choses, j'ai été amené à diriger, oui. Mais pour te dire la vérité, je n'étais pas très bon. C'était vraiment très difficile. En plus, je dirigeais des choses que j'écrivais, ce qui est très différent que de diriger une pièce classique, connue. Le classique, le contemporain, le jazz d'avant-garde sont des musiques très exigeantes, il faut un certain niveau. Si je me suis un peu éloigné de ce milieu, c'est qu'ado, je n'avais pas forcément le niveau pour être pianiste en orchestre et jouer des pièces de Bartok ou de Ravel, et puis j'aime bien me marrer aussi… et danser ! Et c'est vrai que t'es moins enclin à sortir quand tu es dans la rigueur des musiques savantes. Pour moi, tu incarnes à la perfection “l'artiste pour la Gaîté lyrique”, tu vois ? À la croisée entre art expérimental et culture jeune plutôt club et branchée. Car toi, tu fais de la musique conceptuelle qui est quand même très à la page, ce dont attestent tes collaborations musicales (Phoenix, Tellier…) et ta présence ponctuelle en club, comme lorsque tu fais des claviers pour des groupes d'électro tels qu'Acid Washed. Tu as conscience du pont que tu établis entre la "grande culture" - classique, jazz, académique - et la culture "branchée" ? Je vois de quoi tu parles sauf que je ne nommerais pas les choses de la même façon. En fait, j'ai toujours recherché la blague si tu veux, il y a toujours de l'humour dans ma musique. Après, je fais des hiérarchies comme tout le monde, 10

que ce soit dans les musiques, les milieux… Mais je me dis qu'on peut être sérieux et pas sérieux en même temps. Les contradictions sont fécondes. Ce n'est pas que je ne fais pas de différences, mais quand j'écoute Le Sacre du Printemps et un morceau qui sonne plus club, je peux trouver dans les deux du "biscuit", quelque chose qui puisse me nourrir intellectuellement. Et cette idée d'humour, c'est qu'il faut savoir faire preuve de décalage, ne pas tout prendre au premier degré. Ainsi, je suis un grand admirateur de Zappa qui, au niveau brassage des styles, a été très loin. Moi, mon truc, c'est l'harmonie, les accords. Si les accords me plaisent, s'il y a le petit twist, le pas de côté qui va faire que j'ai le poil qui se hérisse, peu importe le style musical, vraiment. Mon but n'est pas de faire des "chansons pop", par exemple : j'ai envie du décalage. C'est une moderne…

posture

artistiquement

Je dirais plutôt "normale". Il y a par exemple une bande de mecs à New York qui s'appelle Bang on a Can, un collectif qui est là depuis les années 90 : c'est des mecs, et des femmes aussi, il y en a une qui a gagné le prix Pulitzer de composition, Julia Wolfe - bref, ce sont des gens qui ont grandi en faisant des études de musique classique, qui ont joué dans des groupes de jazz d'avant-garde, et qui ont en même temps toujours écouté de la pop. Ils jouent une espèce de musique contemporaine avec une précision classique, avec une liberté du jazz, et avec un humour et une non-hiérarchie de la pop. C'est un peu le sens de ce que je fais.

— Ultrascore II (Tricatel) facebook.com/chassol


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Retrouvez Féebrile dans FREAK WAVE 6, magazine phare de l'underground graphique et littéraire français. Release party le 28 avril à 19h au Point Éphémère www.freakwave.fr


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MÉDIA T

JULIEN BOUISSET P CHRISTOPHE BRACHET

PIERREEMMANUEL BARRÉ — UN SALE CON ? Avec des chroniques au vitriol, Pierre-Emmanuel Barré choque souvent plus qu’il ne séduit. Et pourtant. Du haut de son mètre 94, il crache sur le monde sa vérité acide, attaquant tour à tour les pédophiles, la gauche

de François Hollande, les lépreux, les cancéreux, les sidaïques, les chrétiens, les juifs, les arabes. L’horreur est une affaire quotidienne, une routine humaine.

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Tu as fait des études en fac' de biologie à Rennes. Du coup, on imagine que tu as été alcoolique très jeune ? Evidemment, c’est une question de tradition. On ne peut pas renier un héritage millénaire. Mais ça a des inconvénients. Je suis devenu alcoolique binational. A Paris, je suis considéré comme alcoolique, et quand je rentre au bled, à Quimperlé, je suis considéré comme un petit joueur. Je suis socialement rejeté par les deux cultures. C’est très dur. D'autant que j'ai un vrai respect pour l'alcool. L'alcool tient chaud et remonte le moral. C'est comme une femme. Et ça peut même en remplacer complètement la compagnie si le goulot de la bouteille est assez large. Viennent ensuite Paris et le cours Florent, comme tout le monde en fait… Je voulais un métier qui permettait d’allier mes deux passions : jouer la comédie et baiser tout le monde. C’était soit acteur, soit ministre. Au dernier remaniement, j’ai postulé au gouvernement. Malheureusement, fallait être ultralibéral, et je suis trop à gauche. Avant de débarquer sur France Inter en 2012, tu écumes beaucoup les théâtres. D’où te vient ton intérêt pour la scène ? J’adore le théâtre, j’en faisais au lycée. Mais le seul qui est payé, c’est celui qui est sur scène. Quitte à aller à un spectacle, autant récupérer du pognon. Mais c’est assez injuste, j’ai aussi vu beaucoup de pièces ou le public devrait toucher une prime de pénibilité. Ça fait quoi d’être un sale con ? C'est pratique, ça excuse pas mal de comportements douteux. Mais c’est fini maintenant, j’ai raccroché. Je suis sur mon nouveau spectacle qui va s’appeler différemment. Je pense que je vais beaucoup parler des relations hommefemme, des licornes et des iPhones. C’est le spectacle de la maturité en quelque sorte.

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Le rire, est-ce sérieux ? C’est très sérieux. Ça se prépare. Avec mon co-auteur, on passe entre 7 et 8 heures sur une chronique, sans compter les retouches. Je ne peux pas aller présenter un texte que je n’aime pas. Attention, je ne dis pas que c'est toujours un bon papier, mais à chaque fois, il est suffisamment travaillé pour que je l'assume et que j'ai envie de le défendre. Il n’y a pas de place pour l’improvisation dans tes chroniques ? Pourquoi ? Cela dépend, ça m'arrive de broder un peu, mais j'ai tendance à préférer les sujets un peu sensibles, la politique, le racisme, les génocides… C'est des thèmes qui ne souffrent pas la médiocrité. On ne peut pas se lancer dans une impro' sur la Shoah ou les migrants noyés en Méditerranée. Il faut prendre le temps de choisir ses mots, d'être irréprochable. C'est trop difficile d'improviser sur des sujets comme ça. Y a-t-il des sujets que tu te refuses à aborder ? Pas vraiment, c'est chiant de travailler avec moi. Dès qu'on me demande d'enlever un truc, je pars. Si ça sort du cadre de la loi, je reviens sur le texte, mais sinon, je suis un gros con. Je fais ma pleureuse jusqu'à ce qu'on me laisse faire ce que je veux. Je ne m'auto-censure que quand je n'arrive pas à être drôle sur un sujet. A France Inter, j’ai une liberté incroyable. A Canal +, on ne m'a jamais emmerdé. J'ai toujours appris en dernier les polémiques sur les chroniques. Ils protègent leurs chroniqueurs, et ils ne sont pas nombreux à le faire. Et je ne dis pas cela pour leur sucer la bite car je bosse même plus là-bas. Mais c’est pas pareil pour tout le monde, j'ai beaucoup d'amis qui sont censurés. A la télévision, on peut faire ce qu'on veut entre 10h et 17h. Après, il y a trop de gens qui regardent et on ne peut pas choquer.


“LES GENS ONT UNE INDIGNATION TRÈS SÉLECTIVE. TU TE FERAS LYNCHER POUR UNE BLAGUE SUR LE BATACLAN PAR LES MÊMES PERSONNES QUI ÉCLATERONT DE RIRE POUR UNE VANNE SUR LES BÉBÉS MIGRANTS NOYÉS.” 17


La drôle d'humeur de Pierre-Emmanuel Barré. Tous les vendredis à 11h20 sur France Inter. Dans Full Metal Molière, tous les dimanches à 17h15 au Point Virgule. 18


As-tu déjà eu des procès ou des pressions d’associations ? Oui, quelques-uns, pour des chroniques, surtout. Mais comme je te le disais, à Canal + et à France Inter, on est très protégés, c'est leur façon de maintenir la liberté d'expression et d'éviter l'auto-censure des chroniqueurs. Ceci dit, j'admire la persévérance des auditeurs procéduriers. Je peux tout à fait comprendre qu'une blague ne fasse pas rire. Mais passer des jours entiers à écrire des lettres pour le faire savoir, c'est un peu avouer qu'on a une vie de merde. La télévision imaginée par Cyril Hanouna, ce n’est pas vraiment ton truc ? On ne peut pas vraiment dire que je sois fan de sa télévision, parce que je ne suis pas fan du divertissement de manière générale. Touche pas à mon poste ! est la lie de la télévision dont le seul but est de se mettre des pâtes dans le cul ou se casser des œufs sur la tête. Il l’assume et c’est très bien, mais ce qu’il veut faire c’est de la merde visiblement. Tous les soirs, presque deux millions de Français le regardent. Moi je pense surtout qu’il y en à 65 millions qui s’en foutent royalement. C’est lui, au final, qui manque de respect aux Français en chiant son émission dans leur salon. Du coup, utilises-tu souvent les Autolibs de Vincent Bolloré, patron de Canal + ? Non, grâce à Vincent, j'ai pu m'offrir une splendide moto. Je parcours les avenues parisiennes comme Lorenzo Lamas. C'est chouette la moto. J'ai l'impression d'avoir un plus gros pénis. Quand des blagues ne fonctionnent pas, comment le vis-tu ? Parfois, c'est volontaire. Il y a des blagues que j'aime bien, mais je sais qu'elles vont jeter un froid. Alors je les fais quand même. Et derrière, je mets une bonne grosse blague avec des morceaux de vagin pour détendre l'atmosphère.

Quand c'est involontaire, c'est un peu décevant. Je ne cherche pas à choquer gratuitement, je cherche à faire rigoler avant tout. Il y a beaucoup de public pour l'humour politique, noir ou un peu subversif. Mais globalement, les gens ont une indignation très sélective. Tu te feras lyncher pour une blague sur le Bataclan par les mêmes personnes qui éclateront de rire pour une vanne sur les bébés migrants noyés. Dans tes chroniques radiophoniques, tu attaques souvent Manuel Valls. Pourtant, c’est pas l’homme le plus drôle de France… Je ne l'aime pas. S’il se disait de droite, il ne me dérangerait pas plus que Nadine Morano ou Brice Hortefeux. Mais ce qui me gêne, c'est tout ce gouvernement qui fait semblant d'être de gauche. François Hollande, il s'est fait élire en déclarant la guerre à la finance. Gagner làdessus et mener une politique ultralibérale, c'est trahir tous ses électeurs. Il a peut-être moins d'affaires au cul que Sarkozy, mais ils ont tous menti à tout le monde. C'était le mandat le plus raté de l'histoire des mandats. C'est bien simple, la dernière fois que quelqu'un a autant raté quelque chose que François Hollande, c'était les parents de François Hollande. Qui sont tes mentors dans l’humour ? J'en ai plein, Surtout chez les Anglo-Saxons. Louis CK, Eddie Izzard, Ricky Gervais, les Monty Pythons, mais il y a des Français très bons aussi, Blanche Gardin, Chris Esquerre, Dieudonné, Schoumsky… Te sens-tu antirépublicain ? Pas dans le sens premier, mais la république, ça sous-entend le pouvoir à un régime élu démocratiquement. Malheureusement, ça fait longtemps qu'on n'est plus en démocratie. On est dirigés par une oligarchie totalitaire, et si s'opposer à cette oligarchie c'est être antirépublicain, alors oui, je le suis avec un grand sourire. 19


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LITTÉRATURE T

TARA LENNART

ENCRE NOIRE POUR NUIT BLANCHE Blanche comme une page, la nuit s’inscrit aux abonnés absents. Pas de marchand de sable à l’horizon ni de pilules magiques pour baver

dans les bras de Morphée. Ne cherchez plus, lisez. Et dans votre lit, c’est encore mieux !

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Tokyo Vice Jake Adelstein Un journaliste américain qui dévoile l’envers du décor des Yakuza. Il faut une belle dose de courage, ou de folie ! Et un style remarquable, un sens de la narration à couper le souffle. On lit ce texte de "creative non-fiction" comme on regarde un bon film d’action, comme on lit un roman haletant, embarqué dans une histoire de meurtres, de menaces, de mort et de violence. En se demandant si on en sortira indemne. Un livre culte et une jeune maison à surveiller de près ! — Editions Marchialy

Demande à la Nuit Anne-Laure Jaeglé Demande, et danse dans les clubs berlinois, danse, oublie, consomme tout et fonce. Demande et mange-toi le mur des pires drogues, dont l’amour… Anne-Laure Jaeglé nous embarque pour une virée dans la nuit chimique et électronique de Berlin, entre fuite en avant et insouciance. Rythmé par une bande son en or, ce livre transporte. Le voyage est dur, parfois, familier, douloureux. Le rythme est maîtrisé, entraînant comme un beat de minimale berlinoise. — Editions La Ville Brûle

Rural Noir Benoît Minville Entre apprentissage et noir, ce premier roman évoque les souvenirs d’adolescence, l’insouciance et parfois la folie qui peut jaillir et déterminer une vie. Un copain d’enfance devenu dealer se retrouve dans le coma, l’ancienne bande se ressoude, dix ans après une séparation brutale. Et devra affronter la réalité. Benoît Minville tape très fort avec ce polar fin et profondément humain, hommage à l’adolescence et à l’amitié. Difficile à lâcher une fois entamé. — Editions Gallimard

Cette nuit-là au Musée Isabelle Simier Que se passe-t-il dans un musée la nuit ? Peut-être que vous ne vous êtes jamais posé la question, jamais demandé si les œuvres d’art n’avaient pas une vie secrète à partir de la fermeture officielle du lieu… Magnifiquement illustré, cet album pour enfants (pratique si c’est cette petite chose qui dort peu), a de fortes chances de se faire détourner par des adultes rêveurs. — Editions Courtes et Longues

J’ai été Johnny Thunders Carlos Zanón Brièvement, Francis, le héros de ce roman sombre et âpre, a été ce qui s’apparente à une rock star. Beau, jeune, arrogant, sans foi ni loi, drogué, séducteur. Mais, contrairement à ses idoles punk, lui est toujours vivant quelques années après cette gloire et se traîne dans un Barcelone menaçant et fantomatique. Carlos Zanón mène son histoire avec mesure, tirant peu à peu les fils de tragédies familiales et intimes entrecroisées et à l’issue incertaine. — Editions Asphalte

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La paix des ménages Victoria Vanneau Une insomnie peut également être une excellente occasion de parfaire sa culture sociologique… Et avec cette nouvelle maison d’édition dédiée aux sciences humaines et à la non-fiction, vous ne serez pas déçus ! Ici, c’est toute l’histoire des violences conjugales qui est passée au crible de l’analyse judiciaire et pénale depuis le XIXe siècle. Passionnant et captivant comme un polar ! — Editions Anamosa


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CINÉMA T

PIERIG LERAY

LES SORTIES CINÉ 1 mois, 4 films, 4 avis. Le problème ? On ne les a pas vus. Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois.

Le Fantôme de Canterville de Y. Samuell Dans la rubrique humoriste teubé pour moins de 10 ans, on se remet à peine de la souffrance interminable des quinze minutes tenues devant Amis Publics avec Kev Adams, que l’on doit se taper son maître-penseur Michael Youn dans une bouze sidérale, tentant godemichet aux fesses une analyse sociétale d’alcoolo sur une pseudo-jeunesse blasée ; celle qui n’existe pas mais que les chaînes du groupe TF1 nous imposent. Le tout dans un festival d’âneries ressassant l’éternel cliché du Parisien de campagne. Sortie le 6 avril 24

Marie et les naufragés de S. Betbeder J’ai beau m’acharner sur le cinéma français beaufisant et incestueux (voir ci-contre), je ne peux m’empêcher de tirer à vue sur un autre cinéma français, celui prétentieux, fourni de dialogues forcément décalés pour faire bander le bobo au pull tricot (je passe sous silence la bande-son de Sebastien Tellier). Eric Cantona toujours dans les bons coups branchouillards (voir Les rencontres d’après minuit de Yann Gonzales) s’effondre malheureusement ici par la pauvreté de la mise en scène et une quête incessante du "cool à contre-courant" qui finit avec tout le reste, dans un lac sans mouvement. Sortie le 13 avril


Dégradé de A. & T. Nasser Mon émotion du mois, à moi, l’homme sans cœur, le poète destructeur, la haine du bien, le plaisir du malsain. Et pourtant, il ne m’en fallait pas plus pour caresser ma douceur myocardique, un huit-clos de gonzesses dans un salon de coiffure. Bordel, j’ai perdu mon chat il y a trois jours, ça me transforme, je sens enfin quelque chose surgir et gicler au-dessus de mon slip. Me voilà ouvert sur le monde et touché par l’humanité de personnages dits "hauts en couleur" dans le pitch. Je suis perdu, c’était chouette d’être un salopard avec vous. Adieu. Sortie le 30 mars

Blind Sun de J.A. Nashawati En suffocation volontaire, me voilà étourdi par la canicule agressive de ce premier longmétrage qui m’assomme. Vague de chaleur record en Grèce, une station balnéaire aux abois, et une tournure cauchemardesque pour le pauvre Ashraf, petit immigré solitaire qui s’en prend plein la gueule. La tentative échouée de l’horreur est un fiasco, le parallèle même bancal avec la situation actuelle est lui bien plus intéressant. On souffre dans ce tunnel de chaleur, mais on n'en ressort évidemment pas indemne, la peau brûlante, la soif de réfléchir. Pas si foiré donc. Sortie le 20 avril

Mais aussi : Demolition de JM. Vallée sortie le 6 avril, descente aux enfers à l’écran et dans sa filmographie, son meilleur était son premier (Donnie Darko), comme Sofia Coppola, et c’est pas bon signe (1/5) Desierto de J. Cuaron sortie le 13 avril, un Gravity dans un désert, j’aime pas le sable, ça colle et ça pique les yeux, la 3D n’arrange rien (1/5) Les malheurs de Sophie de C. Honoré sortie le 20 avril, l’arrestation illico du massacre Honoré serait mon premier amendement en tant que futur ministre de la Culture (0/5), Captain America Civil War de A. et J. Russo sortie le 27 avril, du cuir collant sur Scarlett, de la ferraille bien lisse sur Downey Jr., un film de fétichiste banlieusard qui patine l’orifice (0/5). 25


SuĂŠes nocturnes Alexandre Miraut Korobov pour le Bonbon Nuit 26 facebook.com/alxkorobov


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MUSIQUE T

MPK PIERRE-ANGE CARLOTTI P

RENDEZ-VOUS — DANSE SUR VOS RUINES Nous vivons l'époque des explosions corporelles, des crises et des grosses fatigues. Une belle période de merde en somme, mais dont les angoisses et les promesses vérolées sont sublimées depuis quelques temps déjà par le retour en grâce de l'esthétique postpunk. Pas tout à fait nouveaux-venus sur la

scène, Rendez-vous déboule fort et frappe vite avec Distance, un second EP plutôt très bien gaulé. Des quatre membres du groupe, nous avons rencontré Elliot (synthé/chœur) et Francis (basse/chant) afin de parler de dépression, de violence, de Death in June et un peu de Roselyne Bachelot. 29


Vous êtes des jeunes qui faites une musique dont les codes sont nés fin 70/ début 80. Du post-punk en 2016. Pourquoi ? Elliot : Je ne sais pas si ça va répondre à ta question, mais moi, à la base, j'écoutais pas mal de punk, et au bout d'un moment ça m'a fait chier, j'ai trouvé ça assez limité. On en écoute toujours mais bon, ce que j'aime dans le postpunk, c'est que j'ai l'impression que c'est du punk digéré. Il y a toujours cette énergie un peu violente et rough, mais en même temps, il y a plus de subtilités, des mélodies plus prononcées. Comment expliquez-vous ce gros retour de hype du post-punk ces dernières années ? En quoi notre époque fait-elle écho avec les émotions véhiculées par cette musique ? E : On vit une époque assez compliquée, voire complètement dépressive et le post-punk est une musique de crise. Je pense que son retour en grâce reflète ça. Francis : Même si nous on vit d'une manière privilégiée, on est confrontés à une misère physique, sociale et intellectuelle permanente. Tu sors dans la rue, tu sens que la vie est dure, précaire, on est dans un climat stressant. Notre société, par ses mécanismes, te pressurise, c'est très anxiogène. Du coup ouais, sans le calculer, cette musique nous parle plus qu'une autre. C'est quoi pour vous le mauvais goût dans ce courant musical ? E : C'est plus le côté "new-wave", tu peux vite vriller dans un côté "Emile et Image" hyper cheesy ou mélancolico-dépressif cheap à la garçon coiffeur, avec des lignes de synthé qui partent en couille. Mais je t'avoue que j'ai toujours été fasciné par le borderline. Arriver à surfer sur quelque chose de mauvais tout en réussissant à rester du "bon" côté, c'est une démarche qui m'interpelle. Être dans cet 30

interstice "bon goût/mauvais goût", ça permet aussi de rendre la musique assez universelle : il y a toujours cette définition du génie en pop qui réussit aussi bien à toucher le béotien que l'érudit. Cette limite, c'est un peu le marqueur de la très bonne pop, voire du génie artistique en général. Pour en venir à votre EP Distance, il n'y a rien à jeter sur les 6 titres qui le composent, tous les codes musicaux sont complètement respectés. Mais n'avezvous pas peur de tomber dans du recyclage, dans une logique de bien faire ce qui a déjà été fait ? E : Complètement, mais on n'a pas la prétention de dire qu'on va révolutionner la musique. On peut nous attaquer là-dessus, c'est clair, mais on veut juste vraiment se faire kiffer et créer des mélodies qui nous touchent. Est-ce qu'on fait avancer le schmilblick ? Non, mais on essaiera peut-être d'aller plus loin par la suite. F : F : Je ne pense pas qu'on puisse vraiment faire évoluer le post-punk formellement. Une guitare, ça reste une guitare, un synthé, un synthé. E : Je pense que c'est très très compliqué. Je n'ai pas d'exemple de groupe qui ait totalement fait évoluer cette musique ces derniers temps. Quel est le parti pris de votre clip Distance où tout le monde se met des pains dans la gueule ? E : Le parti pris vient surtout des paroles de la chanson : ça parle de distance entre les gens en général, et on trouvait qu'il y avait quelque chose d'assez intéressant dans ces bastons où les corps s'emmêlent. Du coup, les gens sont hyper proches et en même temps distants parce qu'ils sont dans des énergies complètement opposées. Le moment de la baston, c'est le moment de la confrontation physique, et ce corps à corps est paradoxal. C'était tout l'enjeu de ce clip.


“PENDANT UNE BASTON LES GENS SONT HYPER PROCHES ET EN MÊME TEMPS HYPER DISTANTS PARCE QU'ILS SONT DANS DES ÉNERGIES COMPLÈTEMENT OPPOSÉES.” 31


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A propos de violence, vous êtes passés dans l'émission le Grand 8 sur Direct 8. C'est quoi cette histoire ? E : Haha, pas physiquement. Un mec qui s'appelle Jérémy Chatelain et qui a fait la Star Ac'… F : … a passé notre son dans l'émission, c'est tout. C'était une thématique "Années 80", il a pompé notre son sur Noisey et il a dit : « voilà, j'apporte un truc. » Bon, j'avoue que ça faisait bizarre de se retrouver en photo derrière la gueule de Roselyne Bachelot. E (il imite Roselyne Bachelot) : « Ouah, ça me rappelle mes jeunes années. » F : Il y avait Gold aussi et je ne sais plus qui. Pas sûr que ce soit la meilleure promo, mais c'était assez drôle. Tu te réveilles le matin, on te dit qu'il y a eu ta gueule avec Roselyne Bachelot sur Direct 8. C'est assez fort à vivre. Question importante : Death in June est-il un groupe de nazis ? E : Non, je pense juste que Douglas Pearce (le leader de Death in June, ndlr) est rattaché à une esthétique nazillarde comme toute la génération issue de la scène indus de l'époque. C'est vraiment un histoire d'imagerie, pas plus. Le mec en plus est pédé… Il avait quand même un groupe avant Death in June qui s'appelait Crisis. C'était un groupe de punk qui était assez génial et méga engagé de gauche : antifasciste, anti-raciste, etc… Dans les années 80, il y a eu une espèce de ras-le-bol des tabous de la Seconde Guerre mondiale mais vraiment dans un sens punk du genre « on se fout de la gueule des croix gammées, et alors, c'est quoi le problème ? » Joy Division est passé par là aussi, bref… F: Oui, comme Sid Vicious qui portait un T-shirt avec une Svastika… En parlant de T-shirt, il vous est arrivé des couilles en concert en portant un T-shirt de Death in June, c'est bien ça ? F : Oui, pendant un concert à Amsterdam, on jouait dans un bunker…

E : C'était un lieu assez engagé en fait, un hautlieu de la Résistance qui est devenu assez symbolique, un point de rendez-vous des antifas de la ville. Du coup, on commence à jouer, et là, il y a des mecs qui nous traitent de nazis… F : Ils criaient : « Barrez-vous tous ! » Moi, je ne voulais pas enlever ce putain de T-shirt. E : On était à deux doigts de se prendre des canettes. Le truc très drôle derrière, c'est qu'on a fait une tournée en Hollande, et l'un des mecs qui nous traitait de nazis faisait partie du groupe qui devait faire notre première partie… F : Du coup, ils ont annulé. J'ai envie un peu de parler de vos fréquentations. Vous êtes potes avec Clara 3000, Pierre-Ange Carlotti (qui fait par ailleurs vos photos), avec les stylistes de la marque Vêtements, etc… Vous sentez que tout ce cercle commence à peser artistiquement et médiatiquement ? E : Oui, je le vois, mais ça vient surtout de l'extérieur, quand les gens à l'étranger nous disent que Paris ça défonce en ce moment dans cette connexion mode/musique. Je vois qu'il y a une émulation, et c'est très intéressant. Paris est une ville qui a eu une grosse période creuse, et là, je sens qu'il y a un renouveau d'énergie avec des gens qui cassent les codes de la capitale. Paris a tendance à être une ville-musée, et tous les gens qui travaillaient dans les magazines de mode étaient pour la plupart des fils de, les designers, les patrons de marque, pareil, c'était des fils de. Là, t'as des russkoffs (Lotta Volkova, entre autres, styliste pour Vêtements, ndlr) qui en ont rien à foutre et qui ont imposé leur vision avec un putain de goût. Je pense que c'est un peu le marqueur de cette nouvelle scène. Pour la plupart, on ne vient pas d'ici, et il y a une espèce de cohérence entre tous nos univers. Donc, la dynamique est bonne, oui. La période est excitante. — Distance EP (Avant ! Records) Release party le 28 avril aux Bains Douches. 33


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© Léonard Butler — instagram.com/butler_peanut


INSOMNIE T

FLORIN SAINT-MERRI

LES DOCUS PÉTÉS

Il y a tellement de nuits comme ça : plus une thune, pas de plan béton ou tout simplement pas l'envie de mettre le nez dehors. S'enclenche alors le mécanisme du "voyage dans la piaule", là, coincé entre quatre murs avec l'impossibilité de dormir entre une pensée qui fait du code morse et une tension artérielle de 36

champion. Bienvenue en Insomnie. Il y a bien des remèdes imparables à ce "mal du siècle", mais l'un des plus efficaces est le documentaire YouTube. Vous pensiez les avoir tous vus ? Détrompez-vous, voici notre sélection estampillée Bonbon Nuit.


FAITS DIVERS HIGH LEVEL Les Enquêtes impossibles

TOUCHANT Samedi soir en Province

Le Piège des voisins, la Maison de l'horreur, le Mariage brutal, le Licenciement mortel… Tant de titres évocateurs qui laissent présager des heures et des heures de glauquitude clownesque, le tout présenté par papi Bellemare au top de sa forme. Bonheur, une chaine entière est consacrée à ces faits divers sortis d'une autre dimension.

Le GROS classique. Dans ce 52 minutes, vous suivrez les aventures de Nadège qui veut devenir la miss de la discothèque du coin, de "Gasoil" qui crâne avec son R5 tunée, de Mathieu, le Dj de la disco-mobile. Bref, le samedi soir habituel de la jeunesse de l'Indre en 1995. Entre le reportage animalier et le film d'art et d'essai.

Mots-clefs sur YT : enquêtes impossibles + Bellemare.

Mots-clefs sur YT : Samedi soir + Province + Nadège.

UFO-COMPLOT Les Gouvernants secrets Si tu ne connais pas Jimmy Guieu et que tu aimes les soucoupes volantes, tu as complètement raté ta vie. Ce génie intergalactique de l'ufologie moderne a produit toute une série de "vidéo-cassettes" hébéphrènes début 90, vidéos disponibles pour notre plus grand bonheur sur la toile. Dans l'épisode choisi, Les Gouvernants secrets, vous aurez l'honneur de savoir qui dirige vraiment la Terre. NO SPOIL. Mots-clefs sur YT : Jimmy + petits gris + gouvernants secrets. HOAX DE LA MORT Les Documents interdits Cette série de 13 mini-documentaires avait fait grand bruit lors de sa sortie dans les années 80 : ceux-ci, considérés comme les précurseurs du genre "found footage", relatent des phénomènes paranormaux tous plus flippants les uns que les autres (rites chamaniques, enfant télékinésiste, disparitions étranges, etc…). Les fans de Blair Witch n'ont qu'à bien se tenir ! Mots-clefs sur YT : Documents interdits + Jean-Teddy Filippe.

VODKA-PROPERGOL Cosmos rouge On prend de la hauteur et on va tout là-haut avec ce documentaire retraçant toute l'épopée spatiale soviétique. C'est bourré d'images d'archives, la voix off est relativement tripante… Et tu pourras briller en after car Spoutnik, Youri Gagarine, Korolov et la vodka sibérienne n'auront plus aucun secret pour toi. Mots-clefs sur YT : Cosmos rouge + Laïka + chienne de l'espace. DÉRANGEANT Propaganda 2012 Et voici enfin un doc de propagande nordcoréen anti-occidental. Les clichés sont hyper épais, on y critique la société de consommation, la publicité, le chômage, les inégalités sociales, le racisme, les banques, le pouvoir de l'argent et de la finance, l'abrutissement des masses, le sexisme, l'impérialisme, etc, etc. Les clichés sont épais, certes, mais le problème, c'est qu'ils ne sont pas tous faux. Mots-clefs sur YT : Propaganda 2012 + Corée du Nord.

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ANTI-DOSSIER T

PIERIG LERAY P VALENTIN PINEL

LE SEXE AU CINÉMA

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Sujet existentiel, délicate déviation jouissive de l'amour, le sexe, le cul, la baise, la déglingue, la relation amoureuse consentie s'imposent au cinéma comme une semence odorante indicible et inextricablement liée à sa propre histoire depuis l’adultère d’Ansass dans L’Aurore de Murnau (1927) au chaste strip-tease terriblement érotique de Rita Hayworth dans Gilda (1946). Ça sent fort, ça suinte, ça gicle, ça excite, ça dégoûte : tabou d'une société rétrograde, déviance d'une société post-grade, la baise est voracement balancée à notre visage naïvement vierge (la gène) ou diablement dégoulinant (l'envie). La liste est non exhaustive mais ces scènes amoureuses ont marqué le temps, par quelques profondes secondes ou d'interminables langueurs. Le sexe, c’est la fête, la partouze heureuse, le marcel taché, la bite au vent qui vient défriser des poils pubiens denses et amazones. Dans ce registre, Bertrand Blier est le roi. Calmos et la baise mécanique de donzelles en chaleur kidnappant les pauvres Marielle et Rochefort pour mieux les violer et satisfaire leur hystérie, jusqu’aux éternelles Valseuses. Brigitte Fossey et Miou-Miou font les frais du beau Gérard Depardieu encore frêle à la peau douce et la moustache fris(s) onnante de Patrick Dewaere dans du cul bien de chez nous, pas de chichi, léchouillage de téton et plan à trois sans pudeur. Comment ne pas revenir un instant à Marielle avec Comme la Lune et le célèbre « Je vais te fourrer ! » devant le strip-tease de Sophie Daumier et Les galettes de Pont-Aven avec un baissé de culotte de Jeanne Goupil à faire frémir un eunuque. Restons dans la franchouillardise un brin plus érotique et colonialiste avec le classique Emmanuelle, soutien-gorge en dentelle et plaisir d’Orient dans un fauteuil en rotin qui suinte la mousson. Continuons dans le plaisir exotique avec L’empire des sens, voyeurisme fétichiste et pénétration en 40

kimono, rien n’arrête plus Eiko Matsuda dans une escalade sexuelle non simulée et ininterrompue (notamment la fameuse scène de la fellation, tollé historique au Japon). On descend la température un instant avec 37,2° le matin et cette baise réaliste au-dessus d’une Joconde impassible et dominée par la beauté furieuse de Béatrice Dalle, pour finir chez Tarantino et la classique "prise dans la cuisine type girl next door" par De Niro dans Bridget Fonda (Jackie Brown). Mais ce que l’on aime dans le sexe, c’est aussi son sens de l’interdit. Le fantasme inavouable parfois calmé par Internet et ses joyeuses recherches improbables (« Cerise de Groupama nue et baisée ») mais le plus souvent assouvi par la salle obscure : du bizarre étrange, souvent à la limite, parfois insoutenable. Commençons par Pola X de Leos Carrax, et son esthétisme obscur et glacial d’une scène d’amour bouleversante et portée par l’imbrication non simulée de deux acteurs déchirés et aujourd’hui décédés (Guillaume Depardieu en 2008 et Katerina Gobuleva en 2011). Une scène simulée mais des larmes bien réelles quand Marlon Brando improvise et tartine d’un beurre probablement demi-sel l’anus d’une Maria Schneider en état de choc dans Dernier tango à Paris. Ah ce doux rêve d’une rencontre fortuite dans la rue et d’un sexe échevelé avec un inconnu, Bertolucci en a fait un grand film mais a perdu une actrice à jamais. Dans le registre ultra-réalisme et sexe non simulé, ne pas oublier la fellation de Chloé Sevigny sur et filmée par Vincent Gallo dans The Brown Bunny, road movie de loser magnifique, aérien, d’une violence minimaliste perforante. Petit clin d’œil au pincement de téton de Willem Dafoe dans Sailor et Lula (« Say fuck me ») avant d’enfreindre la ligne rouge. Et Gaspard Noé s’en donne à cœur joie avec le viol de Monica Bellucci dans un couloir coupe-gorge dans Irreversible ou la baise d’une prostituée sidaïque et un inceste


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en bonne et due forme dans son premier film Seul contre tous. Citons sans détail l’apogée de la déviance avec Pasolini et ses 120 journées de Sodome, et sans transition le bien nommé moyen-métrage Fingered avec une Lydia Lunch très ouverte. Pour finir dans la glauquitude extrême, un mot sur l’inconnu mais adoubé Visitor Q où le malsain sexuel atteint un paroxysme nauséeux, indigeste, pratiquement irregardable. Le cul d’hétéro ça va bien cinq minutes mais passons la barrière pour parler cisaillement et sod-homo. Ang Lee casse l’image des pines-al, et ose la fornication inter-cowboy, les santiags et la bolo-tie qui claque entre le défunt Heath Ledger et Jake Gyllenhaal sous la tente… (je m’arrête ici pour les jeux de mots ruquieriens) de Brokeback Mountain. Dans le genre salopettes tombantes, Xavier Dolan signe une très belle scène dans J’ai tué ma mère, avec ses corps nus et allongés dans une peinture encore fraîche sur le son de Vive la fête. De la superficialité extrême de Dolan l’on passe à l’ultra-réalisme d’Abdellatif Kechiche, et sa Vie d’Adèle avec une longue scène lesbienne à scandale. Kechiche a poussé jusqu’à l’extrême Seydoux et la révélation Exarchopoulos pour en tirer d’interminables secondes d’un plaisir arrache-viscère. Récent également, L’inconnu du lac et son sexe sudiste caché dans la garrigue ou encore le cuni de Kunis et son porte-jarretelles noir venant délivrer la naïveté candide de Nathalie Portman en petite culotte Petit Bateau dans Black Swan. Le désir est incontrôlable, la violence se mêle à l’ivresse de la chair, et rien ne peut stopper le plaisir souvent coupable et interdit dans le déroulé de ces films. Sortons du réalisme terrien, gros plans et baise explicite, pour s’envoler vers le fantasme aérien. Allégorique, les bobines du Théorème de Pasolini furent saisies par le 42

procureur de Rome pour des scènes jugées « lascives et libidineuses ». Idiotie pure car le sexe est ici la conclusion d’un malaise familial qui joue le rôle religieux d’un prêtre acquittant le péché. Pas de désir, pas de passion, un sexe froid, parfois pathétique mais libérateur. L’instinct sexuel de vagues s’écrasant sur un rocher dur et perforant l’écume, la scène dans Tant qu’il y aura des hommes (Zinnemann, 1953) et son embrassade lascive nous suggère le plaisir, La maman et la putain de Jean Eustache 20 ans après nous l’impose. La liberté sexuelle tant souhaitée et criée sur les toits de mai 68 est ici une lourdeur apathique sans relief. Pire, le sexe fait souffrir et torture. Faisons un bond de 40 ans pour fantasmer le sexe du XXIe siècle avec la partouze lunaire des Rencontres d’après minuit de Yann Gonzales. Rien n’a changé, l’ambiance comme la bande-son est synthétique, le plaisir est dépressif, le téton lourd et pesant. Dépassons les frontières du temps et de l’espace pour finir avec Under The Skin et une Scarlett Johansson en beauté hybride et mortelle qui plonge ses partenaires sexuels dans les abysses d’une marée noire sans fond. L’immatériel est notre futur, le sexe n’en démordra pas, on rira des poils et du foutre qui dégouline, on jouira du métal et de la silicone cuivrée, on vomira devant une pénétration fournie pour préférer la distance et le plaisir solitaire, face écran, seul avec sa chair. Mais nous sommes prévenus, le cinéma nous a déjà tout dit.


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Mademoiselles Natasha Guderman vit à Paris depuis quelques années et travaille depuis des mois sur une série de portraits intimes de Parisiennes. Elle photographie ainsi les jeunes Parisiennes - ses amies ainsi que des inconnues rencontrées dans la rue - nues, toujours chez elles, sur leur territoire intime. Étant étrangère, Natasha se sert de son projet pour s'approcher des Françaises et mieux comprendre ces femmes, qui au premier regard lui ont semblé si différentes. En laissant de côté tout ce qui est superflu, n'ayant rien pour se couvrir, ses modèles laissent ressortir leur vulnérabilité. Dévêtues, elles restent néanmoins habillées de leur âme. Suivre le travail de Natasha sur natashagudermane.com

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Modèle : Clémentine

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Les flyers de la House of Moda Ce mois-ci, plusieurs flyers en un. Pourquoi ? Parce qu'après avoir emprunté plusieurs directions stylistiques différentes au cours de ces cinq dernières années, l'esthétique développée depuis quelques mois par la folle soirée mensuelle House of Moda fait désormais montre d'une cohérence graphique totale. Colorés, fourmillant de détails et surtout d'une originalité sans faille : les flyers actuels de la HoM sont de véritables délices pour les yeux. L'homme responsable de ces explosions graphiques raffinées, c'est Léo-Paul Billès. Chacun de ses petits personnages si parfaitement élégants nous fait sourire : Léo-Paul semble emprunter aussi bien à l'implacable harmonie géométrique des esquisses stylistiques de Jean-Paul Goude et Thierry Mugler qu'au côté primesautier, pop et coloré de la BD et du dessin d'humour vintage. Il se dégage de ses flyers quelque chose d'à la fois majestueux et dérisoire, de drôlatique et d'absolutely fabulous. Et comment mieux représenter le concept des House of Moda, qui est grosso modo de venir faire la fête et de jouer avec les codes de la mode en s'attifant de la manière la plus délirante possible ?

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Léo-Paul nous confie : « mes inspirations viennent des flyers de ballroom des années 80, de films comme Barbarella et de la mode avec Mugler et Montana. C'est un peu un fourre-tout visuel, à l'image de la soirée ». On serait tenté d'ajouter qu'on y distingue de la BD des années 50 et du style googie, aussi. Cette esthétique trop peu exploitée est celle du Space Age américain tellement marquée fifties : des Cadillac, des diners et des fusées tout en flèches et en exagérations géométriques. Le clin d'œil devient on ne peut plus évident dès lors qu'on se penche sur la typographie du logo House of Moda : on la croirait tout droit sortie des films d'animation Hanna-Barbera (Scooby-Doo et consorts). Enfin, il se trouve que Léo-Paul Billès s'est par le passé également occupé des flyers pour la Mona, dont on vous parlait le mois dernier. Une confirmation supplémentaire qu'artistiquement parlant, l'actuelle scène club parisienne LGBT (au sens le plus large et, surtout, le plus ouvert) agrège les talents les plus excitants du moment. Venez lookés !



SONDAGE DE LA NUIT Sortir à Paris, oui mais où ? Les chiottes sont dégueulasses, le physio tire la gueule, t’en as pris plein les oreilles avec le soundsystem ? Fais entendre ta voix ! Le sondage de la nuit te permet d’enfin donner ton avis sur les clubs et établissements parisiens. Chaque mois vote

pour de nouvelles questions sur les essentiels de la nuit sur radiomarais.fm/lesondagedelanuit. Et ce mois-ci, sur l'ensemble des votes, c'est le Rex qui remporte la grande palme du pire fumoir, du meilleur soundsystem, et du meilleur accueil.

LE PIRE FUMOIR T'es encore sorti en pleurant du fumoir ? T'as passé 4h à essayer d'y accéder pour t'étouffer à peine passée la porte ? T'as l'impression de perdre 4 minutes de temps d'vie à chaque fois que tu rentres dans cet enfer de la nicotine ?

LE MEILLEUR SOUNDSYSTEM Tu ne te remets toujours pas du bon son de la veille ? Tu vibres encore sur les infras ? Tu as perdu tes tympans mais pour une fois, ça valait vraiment le coup ? On est jaloux, disnous où tu étais !

Établissements Rex Machine Zig Zag Social Club Badaboum Showcase Concrete Virgo Bus Palladium Yoyo

Établissements Rex Bus Palladium Concrete Machine Showcase Yoyo Badaboum Virgo Social Club Faust

37% 22% 11% 9% 5% 3% 2% 2% 2% 1%

51% 15% 11% 5% 5% 3% 3% 2% 1% 1%

LE MEILLEUR ACCUEIL T'es passé devant tout le monde avec ton #FREEPASS ? Le physio vous a laissé rentrer toi et tes 5 potes en jogging ? Perds pas de temps et remercie le club qui t'accueille !

LE MEILLEUR SPOT POUR PÉCHO T'es en galère, seul(e) mais tu sais quand même où aller ? Vote pour ceux qui n'ont pas la chance de trouver et indique-leurs les clubs où gagner… mais on parle de quoi au juste ?

Établissements Rex Bus Palladium Badaboum Showcase Concrete Machine Yoyo Virgo Faust Social Club

Établissements Bus Palladium Concrete Rex Showcase Badaboum Machine Yoyo Faust Social Club Virgo

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46% 12% 9% 7% 7% 7% 3% 2% 2% 1%

19% 18% 18% 13% 9% 7% 4% 3% 2% 2%


ALASDAIR GRAHAM, DAVID PETTIGREW ET GRAHAM LORIMER ÉLABORENT LE BLENDED SCOTCH WHISKY DANS LA PLUS PURE TRADITION DU CLAN CAMPBELL.

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LE CLAN CAMPBELL.

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.



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