Le Bonbon Nuit 58

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Novembre 2015 - n째 58 - lebonbon.fr



EDITO Cher estomac, Je t'écris de la ligne du front où les nouvelles sont de moins en moins bonnes. Nous étions pourtant partis plein d'entrain avec mes camarades, une bonne bande d'andouilles, et on pensait en faire du pâté de ces bouffeurs de foin. Ouais, on voyait déjà l'ennemi détaler comme du gibier, mais tu parles, la guerre s'est éternisée et on a commencé à se faire prendre en brochette. Doucement. Sournoisement. Mais sûrement. Ces enfoirés de ruminants se sont comportés comme des sales amis. Au début, ils disaient venir en paix, qu'ils nous voulaient pas de mal, qu'il n'y avait pas de quoi en faire un fromage (de tête). Et puis, petit à petit, ils ont balancé plein de vidéos sur les réseaux sociaux où l'on voit des milliers d'animaux dans des conditions déplorables se faire crever pour nos assiettes. Merde, j'savais pas qu'on était des nazebrocks, on a alors culpabilisé comme des porcs. C'était vraiment pas la merguez party, on s'en est pris plein le buffet (froid), mais bon, on avait beau s'être fait fumer comme des jambonneaux, on s'en battait les steacks alors on a tenté la contre-attaque. BING, BANG, BOUM, une patate dans les entrecôtes, un coup de latte dans le jarret, on était proches de la victoire, une vraie boucherie, jusqu'au jour où... Jusqu'au jour où l'OMS a décrété que la barbaque refilait le crabe. Là, c'est parti en eau de boudin, sauve qui peut, tout le monde aux abris. Je crois qu'on n'est plus que quelques-uns à faire la résistance, Rabelais se meurt. Les grands vivants aussi. Cher estomac, j'te le dis direct, j'préfère encore t'éclater dans une Grande Bouffe plutôt que de voir les futurs festins de l'Homme moderne. Et puis allez, hop, basta la poésie sauvage. Envoyez-moi donc tout vos stocks de bacon : je me prépare à me sacrifier pour l'Humanité. MPK

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OURS

RÉDACTEUR EN CHEF Michaël Pécot-Kleiner DIRECTEUR ARTISTIQUE Tom Gordonovitch DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jacques de la Chaise COUVERTURE Jamie Jones par Samuel Sarfati SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Louis Haeffner RÉGIE PUBLICITAIRE regiepub@lebonbon.fr 06 33 54 65 95 CONTACTEZ-NOUS nuit@lebonbon.fr SIRET 510 580 301 00032 SIÈGE SOCIAL 12, rue Lamartine Paris 9


SOMMAIRE

p. 7 À LA UNE Jamie Jones p. 13 MUSIQUE Abd Al Malik p. 19 LITTÉRATURE Les mots de minuit p. 23 CINÉMA Les sorties du mois p. 27 MUSIQUE Acid Arab p. 35 MODE Naco-Paris p. 45 GONZO Taratata sous champis


TOUS LES VENDREDIS AU BUS PALLADIUM

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POUR ÊTRE SUR LA LISTE RDV SUR LEBONBON.FR 6, RUE PIERRE FONTAINE PARIS 9e


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À LA UNE T

ARNAUD ROLLET P DOVESHORE

JAMIE JONES — WELSH MON FRÈRE

La vie est injuste : en France, on a Jamie Gourmaud de C’est pas sorcier, alors qu’en Angleterre, ils ont Jamie Jones. À 35 ans, le Dj-producteur fait partie du gratin de la scène house mondiale. Aussi bien capable de plongées deep que de turpitudes acid, le Gallois

accumule les projets (boss des labels Hot Creations et Emerald City Label, fondateur des soirées Paradise et du groupe Hot Natured) et enchaîne les sets. On a quand même réussi à trouver le temps pour le mettre sur le grill. Un comble pour un vegan affirmé. 7


“QUAND TON HÉROS SE RÉVÈLE ÊTRE UN FAIBLE D’ESPRIT QUI PENSE AVEC SA BITE PLUTÔT QU’AVEC SON CŒUR, C’EST UNE TRÈS GRANDE DÉCEPTION.” 8


Depuis quelques années maintenant, tu fais partie des Dj’s les plus célèbres et bookés du circuit de la house. C’est un long chemin parcouru pour le petit gars né à Southampton, non ? Quand je me suis lancé, je n’avais pas vraiment d’attente particulière ni de plan de carrière, mais j’ai toujours voulu tirer le meilleur de toutes les opportunités qui m’ont été données. Je bosse depuis l'âge de 14 ans. Mon premier emploi consistait à éplucher des pommes de terre dans une friterie. J’ai toujours travaillé dur et je pense que ça finit par payer aujourd’hui. Ça ressemble à quoi, une journée type dans la vie de Jamie Jones ? Ça change beaucoup, surtout si l’on est en été ou en hiver. Je vis la moitié de l’année à Los Angeles. Lorsque je ne tourne pas beaucoup, je passe pratiquement l’intégralité de mes journées en studio. J’en profite aussi pour taffer sur d’autres choses, comme du business planning, du design ou encore le management de mon équipe. A l’inverse, je suis basé à Ibiza chaque été et je joue non-stop. Tu m’as l’air bien organisé. Au fond, c’est quoi le plus difficile, arriver à être au top ou y rester ? Probablement y rester. Avant, je n’étais pas forcément obnubilé par l’idée de réussir : je faisais toujours les choses en fonction du plaisir que je pouvais en tirer. Désormais, j’ai beaucoup de responsabilités, plusieurs entreprises et de nombreux employés qui dépendent de moi. Mais plus que tout, c’est le fait de trouver de nouvelles sources d’inspiration et de continuer à m’améliorer en tant que Dj et producteur qui me prend un temps fou. Rien à voir, mais je sais que tu es un fan de foot. Ça marche plutôt bien pour la sélection du Pays de Galles qui s’est qualifiée pour l’Euro 2016. J’imagine que ça doit te réjouir, non ?

Je suis super content et, pour tout te dire, je ne pensais pas que cela se produirait de mon vivant ! C’est une vraie fierté, d’autant que cela faisait pas mal d’années que je n’avais pas été aussi fier de cette équipe. C’est vraiment cool. En plus du Pays de Galles, tu es aussi un inconditionnel de Manchester United. Je serai toujours un supporter de Man United, jusqu’à mon dernier souffle. Pourtant, je ne suis plus aussi assidu : je suis moins concerné par les résultats du club depuis que mon héros d’enfance, Ryan Giggs (emblème du club et Gallois comme Jamie), s’est fait gauler pour avoir trompé pendant dix ans sa femme avec celle de son frère. J’essaye toujours de ne pas juger les gens, mais quand ton héros se révèle être un faible d’esprit qui pense avec sa bite plutôt qu’avec son cœur, c’est une très grande déception. Tu as beau être connu pour ta musique et tourner dans le monde entier, on ne sait pratiquement rien de ta vie privée. Aussi, contrairement à d’autres artistes électro comme Matthew Herbert ou, dans un autre genre, ton pote Seth Troxler, tu ne parles jamais de politique. En fait, tu as surtout l’image d’un type poli et lisse, y compris sur les réseaux sociaux où tes posts sont généralement consensuels et pas franchement mégalo. Ce type, c’est vraiment toi ? Oui. J’essaye de sauvegarder ma vie privée autant que possible. Par contre, même si je ne parle pas de politique, j’ai de fortes convictions en la matière. Je suis aussi très porté sur la spiritualité. Je suis également vegan. Ce que je veux avant tout, c’est que les gens découvrent ma musique et ressentent toute l’énergie que j’y mets. Est-ce qu’il y a des sujets qui te font péter un plomb, aussi bien dans le monde de la musique que dans le "monde réel" ? 9


Dans le music business, et spécialement la scène underground, c’est le fait que certaines personnes pensent être supérieures à d’autres parce qu’elles considèrent leur musique comme plus cool. Le pire, c’est l’hypocrisie de ces Dj’s qui critiquent l’EDM tout en continuant à prendre de grosses sommes pour aller jouer dans des festivals justement EDM. Ce qui me fout également les nerfs, c’est cette négation du monde entier sur le fait que la seule façon de sauver l’environnement de notre planète est d’arrêter l’élevage agricole. On pourrait nourrir tout le monde et stopper le réchauffement climatique en arrêtant simplement de manger d’autres créatures vivantes. D’ailleurs, je conseille à tout le monde de mater le documentaire The Conspiracy sur Netflix. Dans d’anciennes interviews, tu dis souvent que ta musique est faite pour le fun et faire la fête. Ce n’est pas un peu simpliste ? Avec ma musique, je veux d’abord donner de l’espoir et de la joie aux gens. La musique peut être une forme de méditation. Quand elle te touche, tu ne penses plus au passé, aux trucs qui te tracassent et que tu ne peux pas changer ou à ce futur que personne ne peut prédire. L’éternité est composée d’une multitude de moments présents. Qui sont tes mentors dans le milieu ? Dan Ghenacia a été mon mentor il y a quelques années. La façon qu'il a de fusionner bizarrerie, légèreté et technique avec de bonnes grosses vibes house m’a toujours fasciné. Ses potes parisiens et lui m’ont accueilli à l’époque et nous sommes encore proches aujourd’hui. Dan m’a même laissé squatter son appartement à Ibiza pendant tout un été alors que j’étais dans la dèche. J’admire aussi Cashmere – Green Velvet. C’est vraiment un chic type. En s’inspirant d’expériences qui, j’en suis sûr, doivent être sacrément étranges, il arrive à créer une musique 10

prenante et incroyablement dansante. C’est mon producteur préféré de musique électronique, toutes périodes confondues. Tu parles d’expériences bizarres. As-tu déjà essayé l’Ayahuasca comme Damian Lazarus ? Deux fois il y a trois ans. Cela a changé ma vie, m’a aidé à comprendre énormément de choses à propos de moi et m’a donné un but plus important dans la vie. Je conseille à tout le monde d’en prendre, aux gens tristes comme à ceux qui sont heureux. C’est un médicament qui te soigne même si tu n’as pas le sentiment d’avoir besoin d’être soigné. Pour en revenir à Dan Ghenacia, ton tout premier maxi était justement sorti sur son ancien label, Freak’n Chic. Estce que tu as une relation particulière avec la France ? J’ai été de très nombreuses fois en France. Je considère Dan, Dyed Soundorom, Shonky et leur famille comme faisant partie de la mienne et mes potes de Londres. On se côtoie depuis tellement d’années. Donc oui, j’ai une sorte de connexion spéciale avec la France. Je suis même sorti avec quelques Françaises, ce qui, sans en dire trop, était plutôt intéressant. Après avoir joué pour la première fois en 2013 au festival Marvellous Island à Paris, tu t’apprêtes à y revenir en novembre pour le Big Bang, son édition hivernale. C’est le plus gros festival parisien dans lequel on peut trouver ton nom en tête d’affiche. Prépares-tu quelque chose de spécial pour l’événement ? Oui, totalement. En plus, je suis toujours heureux de venir jouer ici. Je suis déjà très excité à l’idée de jouer dans un festival aussi gros. Jamie Jones sera donc au Big Bang Festival le 6 novembre (Palais des Congrès à Montreuil)


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MUSIQUE T

MPK CONSTANTIN MASHINSKIY P

ABD AL MALIK — LA DÉCOLONISATION DES ÂMES Avec ses différents albums solo (Gibraltar, Dante, Chateau Rouge), ses bouquins (Place de le République, L'Islam au secours de la République), son film (Qu'Allah Bénisse la France), Abd Al Malik a bâti une œuvre qui pisse sur les flammes des extrémismes et tord le coup à un bon nombre de préjugés (notamment ceux sur l'immigration musul-

mane). Jugé trop "consensuel" par certains, son discours n'en reste pas moins réconciliateur et intégrateur - un bol d'air par les temps qui courent. Il nous revient ce mois-ci avec Scarifications, un 5e LP entièrement produit par son pote Laurent Garnier (!), dont l'esthétique et les thématiques sont orientées vers un rap sombre et dur. Rencontre. 13


On connaît l'importance des mots pour toi, on aimerait savoir dans quel sens tu as choisi de nommer ton album Scarifications. Est-ce l'acception médicale, pour traiter des "maladies de peau" ? Sociale, comme rite de passage à l'âge adulte ( surtout en Afrique de l'Ouest ) ? Ou bien comme une auto-mutilation, pour exprimer une souffrance psychologique ? Les 3 en fait. Il y a cette idée qu'on n'est pas en train de parler de plaie béante ou de blessure qui saigne. Parler de cicatrices, c'est dire que l'on a dépassé et transcendé une douleur, et en soi, ce discours est médical et curatif. Deuxièmement, la cicatrice est la preuve de ce dépassement, c'est ce qu'il en reste, un souvenir, en ce sens, elle est également un rite de passage. Et puis la scarification, ça connote aussi une espèce de tendance suicidaire, qui veut dire : J'EXISTE. En fait, en faisant ça, tu ne veux pas mourir, tu exprimes le fait que tu es présent et que tu es bien vivant. Et en faisant cette auto-mutilation, tu aimerais que tout le monde ait conscience de ça. Forcément, tu n'échapperas pas à la question sur Laurent Garnier, avec qui tu avais déjà bossé sur la BO de ton film Qu'Allah bénisse la France et qui a entièrement produit cet album. Qu'est-ce qu'il t'a apporté que tu n'avais pas avant ? Humainement, c'est quelqu'un que je connais depuis longtemps, que j'apprécie et que je respecte énormément. Il a été entier, du coup, avec son attitude, il m'a conforté dans le fait d'être radical et de ne pas faire de compromis. D'aller toujours plus loin, d'arpenter des chemins de traverse, de ne pas avoir peur d'expérimenter... Quand tu rencontres des gens qui te confortent dans ce point de vue-là, c'est fabuleux.

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Scarifications est un album qui traite de sujets très sombres et très durs. Ceux de la drogue et de l'addiction y occupent une place importante avec des titres comme Daniel Darc, Stupéfiant, et Initial CC. Pourquoi ? Cet album, c'est aussi une sorte de retour aux sources, de questionnement de l'enfance et de l'adolescence. Avec les miens, on a été traumatisés par la came, c'est un traumatisme qu'on portera toute notre vie. Au-delà de ça, le thème de l'addiction et de la dépendance peut être élargi et universalisé, il y a différents degrés de lecture : on peut parler d'addiction à l'amour, à la violence, au consumérisme, etc... Ça a été un terreau super intéressant parce qu'il y avait vraiment quelque chose à développer là-dedans. C'est dans cette direction-là que j'ai écrit. Avec ce disque, je suis allé dans des zones intérieures où je n'avais pas forcément envie d'aller. Il fallait traverser ces zones de turbulences, pour pouvoir les sublimer. Voir ce qu'il y avait sous le tapis, en quelque sorte. L'esprit punk de Daniel Darc, ça représente quoi pour toi ? Daniel, c'était un frère. On se connaissait bien. C'est un vrai artiste dans le sens où il est allé jusqu'au bout. Jusqu'à en mourir. Pour moi, il rentre vraiment dans la tradition des grands poètes "maudits". Ce sont des gens qui sont tellement eux qu'ils se consument. Je voulais vraiment lui rendre hommage. D'ailleurs, faire un album plus "hard", c'était aussi pour faire taire certaines critiques qui te voyaient comme un "bisounours" du hip-hop ? J'en ai rien à battre de ce que les gens pensent de moi. Faut pas oublier aussi le contexte, on est dans un contexte très dur, et en plus, cet album est dans le continuité de mon film : je suis dans une vraie phase d'introspection profonde et douloureuse. J'ai toujours été dans


“J'AI TOUJOURS ÉTÉ DANS L'INTROSPECTIF, MAIS J'ALLAIS DANS DES ZONES PLEINSOLEIL. POUR CET ALBUM, ÇA A ÉTÉ UN SOLEIL NOIR.” 15


Abd Al Malik — Scarifications (Pias) 16


l'introspectif, mais j'allais dans des zones pleinsoleil. Pour cet album, ça a été un soleil noir. Tu fais partie de ces gens de la société civile que l'on nomme "leaders d'opinion". On t'invite souvent à la télé pour te parler d'Islam modéré et d'intégration républicaine. N'as-tu pas parfois l'impression d'être un phénomène de foire ? A fond. Mais la nuance est que je veux bien être perçu comme une bête de foire, mais je ne SUIS pas une bête de foire. Tu sais, Camus, il dit « Prendre position, ça ne doit jamais être un métier. » Si ça devient un métier, on est dans une posture ou une imposture. Je suis juste indigné sur pas mal de sujets, je ne peux pas faire autre chose que l'ouvrir. Tu l'as dit, que je le veuille ou pas, je suis un leader d'opinion, il faut l'assumer, ce n'est pas quelqu'un d'autre qui va le faire pour moi. Mais encore une fois, je suis un artiste, j'y vais, et je sais qu'en y allant, je serai une bête de foire mais comme je suis un artiste, j'ai le droit de me tromper ou de déborder. Du coup, je suis humain jusqu'au bout. Être humain jusqu'au bout, ça ne veut pas dire être merveilleux, c'est juste ne pas jouer un double-jeu. Tu n'es pas dans un discours de politique politicienne. Je veux bien être vu comme une bête de foire, mais je ne veux pas être une bête de foire. Comment expliques-tu la montée des intégrismes, qu'ils soient religieux ou politiques ? La faillite de la politique, du consumérisme, la perte des repères, c'est tout ça en même temps. La question, c'est qu'est-ce que ça nous dit ? Ça nous dit que pour répondre à la violence, répondre à la bêtise, le seul moyen, c'est le savoir et l'éducation. Les pensées conservatrices surfent sur l'ignorance. Si tu alimentes l'ignorance par l'ignorance, tu auras encore de l'ignorance. Qu'est-ce qui amène l'ouverture ? Qu'est-ce qui amène

l'acceptation ? La connaissance, la culture, le savoir. Les solutions que l'on trouve actuellement, ce sont des pansements sur jambes de bois. On doit ramener ça à l'école, ou à la manière dont les médias traitent la culture. On doit ramener ça aussi à la manière dont le pays traite les artistes. Ces intégrismes ne sont-ils pas également entretenus par les garants de notre système ? Oui, et ce qui est horrible, c'est que la médiasphère nourrit tout ça naturellement. Quand on voit dans certains magazines des accroches horribles, pour créer le buzz, etc., c'est uniquement fait pour avoir le plus de tweets, de l'audimat, vendre du papier... Ils critiquent la violence en étant violents euxmêmes. Ils ne sont même pas complices du sytème, ils sont le système. A partir de là, il faut revenir aux fondamentaux, et les fondamentaux dans un pays comme le nôtre, dans une démocratie, c'est le savoir, la culture et l'éducation. Si tu veux savoir la santé d'une société, tu regardes comment elle traite les artistes. Et tout de suite, tu auras compris. Tu parles de démocratie, mais je ne suis pas sûr que notre démocratie représentative et bourgeoise en soit vraiment une... C'est un point de vue personnel... On va pas rentrer dans ce genre de débat, mais tu prêches un convaincu. Quel est le sens de ton "combat", de ton "djihad" ? Le combat contre ma propre bêtise. Contre ne pas être en empathie envers l'autre parce qu'il est différent. C'est un combat de tous les jours. Et ne pas me laisser contaminer contre la violence et le pessimisme. C'est pas "cui-cui les petits oiseaux", c'est très compliqué. Il y a une grande violence là-dedans, mais c'est une violence intérieure. 17


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LITTÉRATURE T

TARA LENNART

LES MOTS DE MINUIT

Blanche comme une page, la nuit s’inscrit aux abonnés absents. Pas de marchand de sable à l’horizon ni de pilules magiques pour baver dans les bras de Morphée. Ne cherchez plus,

lisez. Et dans votre lit, c’est encore mieux ! Vous aurez une bonne raison de ne pas dormir.

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Vite, Trop vite Phoebe Gloeckner Minnie Goetze a 15 ans. Elle vit à San Francisco dans les années 1970 et, comme la plupart des filles de son âge, se pose des questions sur sa vie, son avenir, les garçons, le sexe et l’amour. Elle erre, un peu, galère, baise, beaucoup, découvre et regarde le monde avec un regard acide, acéré et bien plus critique que n’importe quel adulte. On plonge avec elle, captivés par son style sur le fil, qui nous rappelle sans détour cet état universel qu’on a aussi traversé : l’adolescence. — Editions La Belle Colère Trafics Sudhir Venkatesh Le monde de la nuit à New York, des immigrés et de leurs problèmes, des putes, des sex shops, de la drogue, du crime et des galères, Sudhir Venkatesh a passé 10 ans à l’explorer. 10 ans pour essayer de comprendre l’envers du rêve américain, ces relations invisibles entre ghettos et gratte-ciels. Professeur d’économie et de sociologie, il a tout de même du mal à garder les pieds sur terre dans ces sables mouvants et livre un récit à la fois brut et humain, profondément critique mais sans jugement et fluide comme un polar. — Editions Globe Justiciers Bruno Fuligni Attention insomnie ! Si l’intrigue policière ne sert que de prétexte, le propos réel du livre, lui, s’avère profondément addictif. 21 cas historiques de tueurs, génies du mal, justiciers futés, cas de conscience, mécanismes criminels ou policiers et autres sont disséqués par un historien de la police. Ses histoires, vraies, sont passionnantes, et nourrissent, en passant, notre goût pas toujours avoué pour les affaires bien trash et les rouages douteux de l’esprit humain. — Editions Sonatine / Perrin 20

L’histoire du Loser devenu Gourou Romain Ternaux Un écrivain raté, chômeur alcoolique et paresseux, se retrouve par une cascade de gaffes et de quiproquos à la tête d’une secte où sexe et argent sont monnaie courante. Improbable ? Absolument… pas ! Il y a un peu de Benny Hill dans ce roman à rebondissements, et une bonne dose de cynisme chez cet anti-héros pas très malin qui nous fait rire à force de s’en prendre plein les dents dans un vaudeville doucement critique. — Editions Aux Forges de Vulcain Les lumières de Central Park Tom Barbash Treize nouvelles, treize trajectoires abîmées, ponctuées de morts, de solitude et d’errance intérieure. Tom Barbash décrit avec une pudeur fracassante des individus égarés dans une vie brutale, des écorchés oscillant entre humour et désespoir. New York brille, parfois, veilleuse dans la nuit, repère lointain. Il y a un peu de Carver, bien sûr, dans ces nouvelles… Mais surtout une singularité sublime, comme une respiration urgente dans le brouhaha ambiant. — Editions Albin Michel Une Autobiographie Transsexuelle (avec des vampires) Lizzie Crowdagger Que tous ceux qui n’ont pas aimé Buffy quittent la pièce, honteux scélérats ! Les autres, gens de bien, vont passer un bon moment avec cette série B assumée, où une trans se lie à des vampires bikeuses, sorte de Hell’s Angels lesbiennes, pour lutter contre une brochette de méchants redoutablement organisés. Peu importent les clichés, ils sont là pour ça, ça mord, tire, explose de partout dans un monde où le surnaturel fait partie du quotidien. Mais où on a quand même du mal à accepter les trans. Un peu comme le monde actuel en fait… — Editions Dans nos Histoires


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CINÉMA T

PIERIG LERAY

LES SORTIES CINÉ 1 mois, 4 films, 4 avis. Le problème ? On ne les a pas vus. Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois. 007 Spectre de Sam Mendes

Dope de R. Famuyiwa Le Supergrave du black, tu vires le petit gros puceau pour mettre un noir sosie de Grâce Jones, ambiance 90´s, look total jean et Air Jordan pas lacées. Même ficelle décousue, même vannes racoleuses, un peu de drogue au milieu d'une bande de ringards maltraités et bingo, film générationnel qui nous rappelle que tous ces pov' hipsters sont vraiment des abrutis finis à remettre leur jogging dans leur socquettes blanches. sortie le 4 novembre 22

Je ne supporte plus l'emballement médiatique infernal autour de cette petite blondinette qui s'essaye au tir aux pigeons en costume 3 pièces. On m'avait survendu ses dernières pitreries (Skyfall), on ne me reprendra plus à louer "le darkside du héros" remis au goût du jour par Nolan et ici plat comme un pouding trop cuit. Théorie du complot, Spectre à l'allure Snowden, bon Dieu, pourquoi vouloir tant coller à son époque ? Le rétro, c'est déjà ringard ? sortie le 11 novembre


Macbeth de J. Kurzel Qu’ils sont loin les décors en papier mâché d’Orson Wells, la lecture intérieure, froide et glaciale, de Shakespeare. Je suis rétrograde, aigri et hargneux. Alors ces effets visuels "sous-Lars von Trieriens", Marion Cotillard et sa gueule de cocker, Fassbender qui sauve la couronne, ça donne peine à jouir. Quel intérêt d’habiller un mannequin (l’œuvre originale) comme un boudin peinturé de la gueule, un talon pété, le pas lourd, une ficelle entre les jambes (Cotillard et consort) ? Sortie le 18 novembre

Knigh of Cups de Terence Malick Il est de notoriété publique que mon attachement à Malick dépasse l'entendement. Je perds ma subjectivité et deviens un paria, suceur du catéchisme primaire et de la lumière naturelle du Seigneur Malick, venu me délivrer du mal et m'apporter la Vérité. Il récupère Christian Bale (du Nouveau Monde), et transgresse la superficialité hollywoodienne, utilise l'idiot humain pour en récupérer son essence. Le montage, la photographie et la bande-son destinent un film. Malick en est maître, et son existentialisme (Tree of Life) a définitivement terrassé son transcendantalisme passé (Badlands, Les Moissons du ciel). sortie le 25 novembre

Mais aussi : Le Fils de Saul de L. Nemes sortie le 4 novembre, un pan d'Histoire méconnu (les feuj’ aidant les SS à s’exterminer) qui retourne un bide (brûlé) à vif. Et le tout, avec dignité (4/5), Les Anarchistes de E. Wajeman sortie le 11 novembre, depuis que Tahar Rahim s'est déguisé en Père Noël pour payer son mètre carré à Neuilly, il a beau sortir sa moustache, je dis non (1/5), Je suis un soldat de L. Larivière sortie le 18 novembre, Louise Bourgoin à Roubaix emmêlée dans un trafic de chiens. Dois-je vraiment en dire plus ? (0/5), Les Cowboys de T. Bidegain, sortie le 25 novembre, non mais François Damiens en Texan de province qui tente un drama après avoir joué le sourd et muet, je craque (1/5). 23


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Existantialcomics.com

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MUSIQUE T

MPK FLAVIEN PRIOREAU + JACOB KHRIST P

ACID ARAB — MUSIQUE DE FRANCE Depuis leur hype soudaine il y a désormais plus de 2 ans, Acid Arab a accumulé les louanges, les jeux de mots faciles et a été propulsé parfois bien malgré eux comme le symbole du rapprochement des peuples. Si nous gardons les louanges pour Djazirat El Maghreb, premier excellent maxi produit

entièrement par leurs bons soins, nous éviterons donc toute image arabisante foireuse pour qualifier leur duo. Un entretien qui s'est déroulé sur fond de disques rares chez Guido et dont la conclusion est : Acid Arab, ce n'est rien d'autre que de la musique française d'aujourd'hui. 27


“NOUS, LA MUSIQUE ORIENTALE, ON LA MET SUR LE DANCEFLOOR AU MÊME TITRE QUE LA MUSIQUE DE DÉTROIT.” 28


Ce maxi comprend donc 3 morceaux, chacun étant un hommage aux pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). J'ai pour l'instant envie de parler de rythme avec vous : le premier morceau s'appelle Mogador, et est en 6/8, un rythme ternaire qui donne cet aspect "locomotive". Culturellement au Maroc, il correspond à quoi ? Hervé : Tu retrouves cette rythmique dans la musique Gnawa, dans les chants traditionnels de mariage... L'idée, c'était vraiment de faire une techno berbère à la Robert Armani (producteur de Détroit, reconnaissable par une techno assez dure et speed, ndlr). Sur Hafla, il est question du rythme algérien Allaoui, vous pouvez m'en parler ? Guido : Ça remonte à un vieux blocage... Hervé : Oui, ça me fait penser au swing de la jungle. En même temps, là-dessus, tu peux caler un truc disco lourd et lent. On a donc pris cette rythmique Allaoui, et on l'a présentée à Sex Schön, avec qui on bosse sur la prod'. Lui, c'est sa came ultime cette espèce de disco lente et froide. Après, on a fait venir Kenzi (Kenzi Bourras, qui s'occupe des claviers, ndlr) qui est venu poser des thèmes et qui a sublimé l'ensemble, ce qui a donné au final cet hybride disco-Allaoui. Amal est la morceau le plus introspectif du maxi. G : On est partis sur un morceau plus ambient à la base pour contre-balancer les deux autres morceaux plus dancefloor. H : Oui, on voulait faire quelque chose de plus mental. C'était le postulat de départ. Ce qu'il y a d'intéressant avec vous, c'est qu'en nous faisant connaître des rythmiques orientales et en les couplant avec de la techno acid, vous faites sortir certaines correspondances entre ces deux structures musicales. Mais plus

universellement, vous mettez le doigt sur cette capacité de l'être humain à se déconnecter du réel par la musique. Pour vous, y a-t-il une métaphysique de la musique répétitive ? Peut-on y voir une forme de sacré ? G : Oui, on peut entièrement qualifier ces musiques si particulières de "sacrées". On retrouve dans les musiques chamaniques ces mélopées répétitives. On retrouve également ceci dans le ragga indien. H : Et dans la pratique des mantras tibétains. Tout cela est spirituel, donc c'est sacré. G : Ce sont des musiques qui permettent de sortir de soi pour se rapprocher de Dieu, se rapprocher de soi-même, du vrai soi, d'un grand tout. On quitte clairement un état pour un autre. Je pense que la transe, c'est ça. H : On s'éveille, tu prends conscience de certaines choses. C'est comme dans certains trips sous LSD, où il n'y a pas que le fun, il y a quelque chose de très sérieux là-dedans, tu chatouilles une partie de ton cerveau que tu n'as pas l'habitude de chatouiller. Tout d'un coup, tu ouvres les portes que tu n'as pas ouvertes. C'est un éveil. Oui, la destruction de l'égo. G : C'est aussi taire les choses. Avec l'héroïne, on est dans ça aussi. Au lieu de s 'éveiller, on s'endort. C'est la même chose finalement. Avez-vous parfois l'envie d'aller plus en Orient, et de travailler sur des musiques indiennes, chinoises, japonaises ? H : Guido a eu une grosse période "Bollywood". Il a sorti un morceau que l'on jouait souvent en Dj set qui s'appelle Choli Ke Peeche. G : Et qui est d'ailleurs devenu un tube. H : Voilà, et on a une version live. Y'a des samples indiens, par-dessus Kenzi fait plutôt des arrangements chaabi, ça marche hyper bien. G : Il y a aussi un sample indien inattendu sur Hez Hez, un morceau que l'on a fait récemment et qui est un gros tube au Caire. 29


H : Oui, on a sorti ça sur un label du Caire, et on est les premiers français à sortir un truc sur ce label-là. C'est le label qui centralise toute cette scène électro-chaabi, hip-hop, électro, et qui s'appelle 100 copies. Sadaat et Alaa50, les deux rappeurs avec qui l'on a collaboré, nous ont d'ailleurs envoyé des vidéos de leur live sur ce morceau lors de mariages qui partent complètement en couilles et qui se finissent quasi en rave party. Malgré vous, vous êtes un pont entre deux cultures. Est-ce que le rôle dans lequel on vous enferme vous dépasse un peu ? Car finalement, vous symbolisez une réconciliation entre deux mondes dont l'histoire commune a souvent été jalonnée de malentendus. G : Bien sûr que cela nous dépasse souvent. H : On a vraiment pris beaucoup de précautions à ne jamais se poser en porteurs de drapeau. La musique arabe, ce n'est pas un vernis sur de la techno, on n'est pas dans le délire "couscous" et "youyou". Nous, la musique orientale, on la met sur le dancefloor au même titre que la musique de Détroit, que le garage de Londres, ou la jungle de Bristol. Et puis surtout, on n'est pas dans un trip exotique parce que cette musique, c'est celle de la France d'aujourd'hui. Il faut ouvrir les yeux, on est un pays qui est construit sur l'immigration. La culture arabo-musulmane fait partie de la culture française, au même titre que les autres cultures qui se sont intégrées au pays. C'est vraiment une réduction, cette histoire de "voyage", de "dépaysement". Y'a des journalistes qui ont envie de nous voir comme des Indiana Jones, avec des chemises avec plein de poches et un chapeau. Tout ça, c'est de la connerie. Disons qu'à votre niveau, vous participez à un déniaisement des esprits. H : Tant mieux. Mais c'est très délicat de parler de ça. On est des privilégiés, on est nés en 30

France. Parfois, on nous demande des avis sur la Syrie, sur le conflit israélo-palestinien. Moi, les porte-paroles, j'ai beaucoup de mal avec ça. G : La pire chose qui puisse nous arriver, c'est de se faire récupérer "politiquement", surtout avec des discours sur le Moyen-Orient. H : Bien sûr que j'ai un point de vue sur plein de choses, mais publiquement, c'est toujours compliqué. Ça me dégoûte le déballage de points de vue sur Facebook, des gens qui sont ignorants et qui développent des théories merdiques. Ça me fait peur tout ça. Par contre, je comprends très bien les artistes palestiniens, israéliens, libanais qui se positionnent et qui ont un engagement politique. Je le répète, on est des privilégiés français, on est qui pour parler de ça ? On s'occupe de notre musique, et c'est déjà bien. D'ailleurs, tu vois, j'ai des amis qui me reprochent de ne pas prendre position. Pour revenir à des choses un peu plus légères, j'ai eu à Istanbul un petit coup de foudre pour une chanteuse qui s'appelle Riff Cohen. Ça vous dit quelque chose ? H : Ah, pour ça, je laisse parler Guido. G : Oui, j'adore. Comme les A-WA (trio de chanteuses israéliennes qui chantent en arabe, ndlr), elle incarne un mélange des cultures. Elle est juive tunisienne, elle habite entre Paris et Tel-Aviv, sa musique est plus orientale qu'autre chose. Elle est vraiment le contraire de la haine, de la xénophobie. Pour finir, maintenant que vous êtes des superstars, ça se passe comment ? H : Tu veux parler de putes, de Champagne et de saladiers de coke ? (rires) Disons qu'on a plutôt une reconnaissance. Et puis tiens, on est allés jouer dans un club très branché qui s'appelle le Club Bonsoir en Suisse. On a eu zéro personne. C'était vide. Les mecs du club sont venus nous voir, et nous ont dit d'arrêter. Ça fait du bien à l'égo ce genre d'expérience.


Acid Arab (Guido Minisky et Hervé Carvalho) accompagnés du clavier Kenzi Bourras, du producteur Nicolas Borle et de Pierrot Cazanova.

Acid Arab — Djazirat El Maghreb (Versatile) En Dj set au concert des A-WA mercredi 11 novembre au Petit Bain (7, port de la Gare 75013) 31


PLAYLIST P

ALEXIA CAYRE

CUBENX

On ne va pas se brûler la bouche en vous disant qu'Elegiac, le deuxième LP du Mexicain Cubenx, est une des petites perles électroniques du mois de novembre. Fragile, complexe, parfois cosmico-épique ou pop et shoegaze, Elegiac pourrait être la BO 32

d'un animé cyber-punk se déroulant dans une mégalopole obscure et sur-connectée. Il nous livre ce mois-ci sa playlist nocturne, et fait un clin d'œil au Jour des Morts, fête mexicaine majeure et date de sortie de son album. Cubenx — Elegiac (In Finé).


Chris & Cosey Dancing On Your Grave Un morceau plutôt pop de la part du couple responsable de Coum Transmissions. Malgré cela, on y retrouve l'obscurité sexuelle de leurs travaux passés. A écouter lors de la Journée des Morts ! (Dià de los muertos) DAF Liebe Auf Den Ersten Blick J’ai gardé en mémoire tous les pas de danse de cette vidéo. La meilleure chanson avant ou après une soirée en club. Gabi Delgado est un des danseurs les plus cool qui soit. Wire I Am The Fly Je faisais du skate quand j’étais ado, les meilleurs moments c’était de 3 à 5 heure du mat’. Pas de voitures, pas de surveillance, juste nous. Cette chanson est une super bande-son de skate. Battant The Butcher (Marc Houle Remix) Un remix super sexy d’une chanson qui à la base est complètement différente. Indémodable. Une vraie réussite. The Horrorist Drink With Me Une belle invitation signée Oliver Chesler.

Jack J Something On My Mind Ce morceau est sublime, une des seules chansons dans le monde où je peux supporter un saxophone, les autres étant de Sade, Bryan Ferry ou Destroyer. Kelela The High Cette chanson, c’est le son du futur tel que je l’imaginais quand j’étais gamin. Tellement spatial, ça me donne l’impression d’être dans un autre monde à chaque fois que je l’écoute. Monsoon Ever So Lonely (Dub) Très bon track par Sheila Chandra. Ici j’ai choisi la version Dub parce qu’elle complètement cosmique dans le style remix "motorik". À mes yeux, la meilleure pour un lever de soleil après une nuit difficile. African Head Charge Stebeni’s Theme Un des nombreux projets où Jah Wobble est impliqué. Ce titre est une fête en elle-même, elle a tout l’ADN qui fait le groove des clubs. Love Ink Life’s A Gas A mon avis, l’un des titres les plus érotiques sorti jusqu’à présent.

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MODE T

PAUL-OWEN BRIAUD P DR

NACO-PARIS — NACO WHO ? « Buy less, buy better, buy independent designers. » L'industrie de la mode est l’une des plus polluantes, une de celles qui exploitent le plus d’êtres humains. Si ses premières collections étaient homemade et que la ques-

tion ne se posait pas, lorsqu’il a fallu trouver des usines pour faire fabriquer ses pièces, le créateur NACO PARIS a été confronté à la dure réalité.

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« J'ai choisi qu'un de mes "combats" serait de continuer à fabriquer des pièces, mais de façon éthique et en respectant l'environnement au maximum. Les consommateurs commencent à s'intéresser à la provenance des pièces qu'ils achètent. Je milite pour une production limitée et contrôlée. » Il sait d'où vient et comment est fabriquée chacune de ses pièces qui se retrouve sur le marché. « C'est pour moi un futur intéressant pour l'industrie de la mode, qui remettra de l'ordre et redonnera de la valeur aux choses ! » Débarqué d’un milieu ouvrier du nord de la France au début des années 90, il travaille pour d’autres créateurs puis pour un collectif, avant de présenter sa première collection en 2001 avec un budget de 200 francs et en faisant les poubelles. « La mode était le secteur professionnel le plus ouvert d'esprit : tu pouvais venir de n'importe où, être gros ou mince, gay ou hétéro, avoir des parents riches ou pas, tout le monde avait sa chance et pouvait trouver sa place dans le milieu. » Et le soir, tout le monde faisait la fête ensemble. Aujourd'hui, faire ce qu’il a fait dans les conditions où il l’a fait serait impossible : tout a été bétonné par le rouleau compresseur de quelques gros groupes financiers qui dirigent les plus grand noms du luxe, ses concurrents directs. « Ajoute à ça la fast­fashion, et on obtient un gros business lucratif et bien marketé pour qui a de quoi investir ! Et le milieu est devenu petit à petit, en une dizaine d'années, le terrain de jeu de PDG qui se fichent que ce soit drôle et cool et encore moins créatif ; ce qui les intéresse c'est la rentabilité, donc out les teufs, out le cool, et surtout out la création ! » D’après lui, en 2015, si tu n'as pas d'investisseurs, une famille riche, que tu ne peux pas payer des pages de pub, alors oublie de devenir créateur. « Je continue à exister grâce à une poignée de clients ultra fidèles depuis 15 ans, qui ont conscience qu'acheter NACO­-PARIS est aujourd’hui devenu un geste militant, et qui ont à cœur de soutenir ma création. » 36

Il lui est arrivé de refuser des projets juteux parce qu’ils ne lui apportaient rien artistiquement, quitte à rester dans l’ombre. « Je ne sais même pas ce que ça veut dire, "connu". A Tokyo, on m'arrête dans la rue pour me faire dédicacer son sac ou son t­-shirt, tandis qu'en France des journalistes m'appellent parfois en me demandant si c'est ma première ou deuxième collection... donc tout est relatif ! Moi, je me sens bien à ma place ! » Etre "huge in Japan", c’est toujours un bon signe pour un créateur… on ne s’en fait pas pour son avenir. Le monde de la mode, et le monde en général, sont-ils trop conservateurs pour lui ? « Le monde me paraît surtout complètement à côté de la plaque ! Et la mode... ils font leur business, et moi je fais mon truc. C'est pas plus mal comme ça ! » Ses alliés ? Une poignée de passionnés, quelques rédactrices, journalistes, acheteurs, tous fidèles depuis ses débuts. « J'ai bonne réputation car je suis intègre et sincère dans ma démarche, mais étant également radical et plutôt grande gueule, cela me vaut également quelques mécontents. En général les avis ne sont pas tièdes à mon sujet : soit on aime, soit on n’aime pas. » Naco est un jusqu’au-boutiste. A 12 ans, il était punk et usait de tous les clichés : cheveux verts, piercings, des chaînes partout, les sourcils rasés en hommage à Bowie. Il portait des bleus de travail ayant appartenu aux ouvriers des mines de charbon sur lesquels il marquait "fuck off " à la peinture. Mais à la différence des autres punks de sa bande, il ne se sentait pas seulement "no future". « Ça n'était pas suffisant pour moi : j'avais autre chose à proposer, et très vite ma part féminine est apparue ; je suis devenu drag-queen a 13 ans mais sans arrêter d'être punk ! C'était donc un mélange d'agressivité et de glamour : casser des vitrines en talons aiguilles ! Puis est arrivé le mouvement techno très fort dans le nord de la France, et surtout en Belgique où je suis vite devenu une des reines de la nuit... puis à Paris, j'ai payé mes études en étant drag. »


Ce personnage, Madame Paris, est devenu un véritable alter ego pouvant se permettre tout ce qui ne lui est pas autorisé. « Elle m'a aussi poussé à franchir le pas vers l'art conceptuel ! Aujourd’hui je fais vraiment la différence entre elle et moi, je vais jusqu'à séparer sa garde-robe de la mienne, elle n'est vraiment pas moi et réciproquement... c’est intéressant aussi ! »

idées, de mes messages, à se rassembler, a me contacter, pour que nous puissions faire des choses ensembles. Le monde va crever d'être trop individualiste, réagissons ! »

— www.naco-paris.com

Et quand on lui demande le mot de la fin : « J'invite tous ceux qui se sentent proches de mes 37


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CINÉMA T

ELSA ANIKINOW

LEILA BEKHTI — L'ENGAGEMENT DISCRET Je me suis rendue à la projection presse de Nous trois ou rien avec quelques aprioris. Ayant pas mal d’amis proches dont les parents ont fui le régime du Shah puis celui de Khomeiny dans les années 70 et 80 pour s’installer en France, je m’apprêtais à grincer

des dents en regardant l’histoire complexe de ce pays se faire manger à la sauce rigolade bien grasse. Je me disais que Kheiron, le comique de service de Bref, cet habitué du one man show, n’avait certainement pas les épaules assez larges ou talentueuses pour 39


pouvoir traiter ce sujet avec toute la dignité qu’il mérite. Mes aprioris se sont pris une claque salutaire. Il y a un goût de comédie à l’italienne dans ce premier film réussi que Kheiron a lui-même écrit et réalisé : on rit, on pleure, on s’attache aux personnages… C’est d’autant plus facile que Nous trois ou rien est une histoire vraie : c‘est la sienne, mais aussi et surtout celle de ses parents et de leurs amis. Le film se révèle être un vibrant hommage à leurs convictions humaines et politiques, à leur générosité, à leur courage face à l’adversité. Kheiron interprète le rôle de son propre père, Ibat, et a confié à Leila Bekhti le rôle de sa mère, Fereshteh. C’est avec elle que j’ai rendez-vous ce matin, et elle m’accueille les pieds nus, le sourire aux lèvres, avec une grâce et une hospitalité naturelles, toute aussi forte et lumineuse que le personnage qu’elle incarne dans ce film. Pourquoi as-tu souhaité collaborer à ce projet ? Ce qui m’a touchée dans le scenario de Kheiron, c'est l’histoire de cette famille. Ils se sont battus en Iran pour leurs idées, et ont continué à défendre leur vision du monde une fois arrivés ici en France. Ils sont restés fidèles à une certaine conception de la vie, de l’entraide. Ils ont aidé des gens tout au long de leur vie, et des tas de personnes les ont aidés également. C’est grâce à des proches, mais aussi des inconnus, qu’ils ont réussi à rester ensemble. C’est cette belle chaine de solidarité qui m’a émue. Ce film montre à quel point il est toujours plus facile d’avancer quand on vous tend la main, à quel point la vie ne vaut d’être vécue que si l’on sait donner, aider les autres. Ce film est rempli d’humilité et d’espoir. Ça fait du bien.

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Ce film touche de près à l’actualité, avec la crise des migrants qui prend un tour dramatique. Nous n’avions pas prévu que l’actualité collerait aussi bien au sujet du film. Mais si grâce à ce film, on peut aider à faire comprendre que derrière chaque migrant il y a une personne, une âme, une histoire, alors c’est d’autant mieux. Un journaliste me disait récemment qu’il avait compris en regardant le film que tous ces gens qui quittent leur pays, c’est en fait par ce qu’ils l’aiment, et qu’ils ne peuvent plus supporter de le voir comme cela. Que ce soit via un film, ou durant une interview comme celle-ci, il semble toujours difficile de rendre compte assez justement de l’horreur de la situation à laquelle ces personnes ont été, ou sont encore confrontées. Ma sœur est très impliquée dans la vie associative, elle agit beaucoup à ce sujet et je me sens forcement touchée par ce qui arrive. Mais je n ai pas fait ce film pour cela. J’ai trouvé le scénario lumineux. J’aime le regard bienveillant que les parents de Kheiron portent sur le monde. Et j aime aussi l’idée que j’ai joué dans un film tiré d’une histoire vraie ; que je raconte, à travers ce personnage, quelque chose qui s’est vraiment passé. Fereshteh n’est pas une héroïne de roman, de fiction. Elle existe. Cela fait du bien de savoir que cette histoire, ce sauvetage, s’ancre dans la réalité. Quelle est ton attitude par rapport à la politique aujourd'hui ? Aujourd'hui, on demande souvent l’avis des artistes en politique. Mais je n’ai pas de solution miracle. J'ai décidé de faire ce métier car j’avais envie de raconter des histoires, de vivre plusieurs vies en une. Cependant, faire du cinéma, c’est déjà un acte politique. Accepter ce rôle de Fereshteh, ce n'était pas un acte politique, mais c’est une histoire de famille, d’amour, de respect. Et défendre ces


“FAIRE DU CINÉMA, C’EST DÉJÀ UN ACTE POLITIQUE.”

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valeurs, c’est aussi de la politique. Tu choisis d’entrer en politique au même titre que tu choisis de devenir acteur. Beaucoup de personnes n’ont pas la chance de choisir leur boulot. Quand tu as cette chance, tu te dois, tu dois aux autres, à ton public ou tes électeurs, de bien travailler. La question, c’est de savoir si les politiques s'attaquent aux vrais problèmes. S’ils savent écouter les autres. Le père de Kheiron a mené un combat toute sa vie durant pour prôner et favoriser le dialogue. Que ce soit en Iran, dans sa famille, en prison. Ou bien en France, avec les jeunes qu’il a rencontrés et avec lesquels il travaillait en banlieue parisienne. Au final, c’est cela, la vraie politique. Être sur le terrain. Savoir écouter les autres, faire en sorte qu’ils apprennent a s’écouter, se respecter les uns les autres. Il faut aussi savoir apprécier ce que l’on a en France. Les parents de Kheiron avaient une énorme envie de venir vivre ici. Pour eux, c'était le pays des droits de l’homme, de la révolution. C’était vraiment touchant d’entendre à quel point ils aimaient notre pays, lorsque je les ai rencontrés. Dans le film tu interprètes une femme qui a une très forte personnalité. Fereshteh est celle qui prend des décisions cruciales, et qui décide qu’il n’y aura pas de départ vers l’étranger s’ils ne partent pas tous ensemble. Comment as-tu abordé ce personnage ? Je suis moi-même entourée de femmes très fortes. Mes sœurs, ma mère, mes amies. Et oui tu as raison, on caricature la femme orientale alors que la plupart du temps elle a énormément de caractère ! Je vais reprendre les mots de Kheiron, qui dit que cela n'existe pas, une femme faible. Une femme qui apparaît comme faible, c’est une femme qui ne sait pas encore qu’elle est forte. Je trouve cela très beau.

N’était-ce pas compliqué de trouver le ton juste, pour parvenir à parler de sujets graves, dramatiques, avec légèreté ? Quand tu rencontres les parents de Kheiron, tu comprends. Tu trouves le ton. Chaque moment que j’ai passé avec eux était très drôle. Les parents de Kheiron sont venus sur le plateau le jour où nous tournions une séance se passant en prison. Kheiron était alors en pleine séance de maquillage. Il y avait un gros travail à faire pour créer toutes les ecchymoses sur son visage, sachant que son père se faisait très régulièrement battre lorsqu’il était au mitard des semaines durant. Quand Kheiron est finalement venu retrouver ses parents, toute l’équipe du film les entourait. Quand son fils s’approche de lui, son père lui demande : « Dis donc, il t’a fallu combien de temps pour arriver a ce résultat ? » Kheiron lui répond qu’il vient de passer deux heures au maquillage. Et son père le taquine, en lui disant : « Eh ben dis donc, tu sais moi, ils me le faisaient en trois minutes, ce visage-là ! » Et tout le monde se met à rire. Tu vois, c’est cet esprit que Kheiron a réussi à donner au film : pas d’apitoiement, pas d’atermoiement ; créer de la lumière, du rire, de la joie, même en évoquant les situations les plus désespérées. Et comme cela vient de lui, c’est légitime de parler de choses graves, mais en adoptant un ton léger. Cette force devant l’adversité, ce sens de l’humour commun à bien des protagonistes de ce film, c'est ce qui les rend encore plus merveilleux à interpréter.

— Nous trois ou rien Un film de Kheiron

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GONZO T

RAPH LA RAGE

LE TOURNAGE DE TARATATA SOUS CHAMPIS

C’était un jeudi. J’ai toujours rêvé d’assister au tournage d’une émission de télé. Vous imaginez donc ma joie quand j’ai appris que

le jour du tournage était un jeudi. Bah oui le jeudi… c’est champis !

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Je ne vous cache pas que j’aurais cent fois préféré assister au tournage d’un jeu, ou d’un débat politique à la con comme Tournez Manège, Ciel Mon Mardi, Tout le monde en parle ou Qui est qui ?. Seulement Jean-Luc Delarue me dit dans l’oreillette que ce bon temps est terminé, fini la Grande Famille, et on ne discute plus ! Que depuis le bug de l’an 2000 il n’y a plus que des émissions nulles à chier, même plus marrantes à regarder au second degré, le but étant de faire le buzz le lendemain sur Twitter pour être vu en rediff' dans tes chiottes sur ta tablette de merde. C’était sans compter sur le retour de Taratata, l’émission qui a accompagné ma jeunesse diabolique. J’ai vu la première en 1993, je m’en souviens encore. Mon père était tout fou, je crois qu’il y avait Dany Brillant en live et même les Innocents, c’était énorme. Mais en grandissant, je n’y ai vu que des ringards. Ces moments où tu rentres un peu foncedé, que tu t’avachis sur le canap' des vieux et que le daron te parle du modèle de gratte de Bertignac, du temps de Téléphone, et des lunettes de Polnareff pendant que toi tu te siffles le paquet de Pépito en lousedé, en en ayant bien rien à branler des anecdotes pouraves de papa. Te disant que si ton ringard de géniteur kiffe, c’est qu’il est déjà trop tard. Alors imaginez un peu ma surprise à la réception de ce dossier de presse qui sans être cheapos était vraiment dépassé : deux générations se rencontrent. Christophe, Black M, Johnny Haliday, Maître Gims, Louis Bertignac, Veronique Sanson, Louane… Bref c’était tellement crousti-choc comme accroche qu’on a demandé des accreds directos à France 2, refusées tout de go par l’agence de presse de Taratata. C’était sans compter sur Etienne de Saint-Etienne. « J’ai deux places en trop, qu’à cela ne tienne », Etienne, j’vais pas attendre les étrennes, je vais te piquer les tiennes. Depuis le temps que je voulais serrer Corinne de la compta, ma collègue aux tickets resto, ce 46

plan était infaillible pour galoche la belette la plus fan de Taratata de Paname. Elle connaît chacune des paroles de Bella, y'a pas deux semaines elle était encore en train d’enchérir sur e-bay pour l’acquisition d’un slobard de Francis Cabrel, c’était l’événement parfait pour lui déclarer enfin ma flamme. Et peut-être qu’après ça elle me dirait « Taratapipe ». Mais ne mettons pas la charriotte avant les bœufs… Et c’est le cas de le dire, quand on aperçoit au loin le tas de porcinets qui se bousculent à l’entrée du Zenith. Tout ça pour avoir le privilège de se faire postillonner dessus par le nain préféré des Français, l’homme qui vannait Micheline plus vite que son nombril, qui est pourtant énorme, j’ai nommé, le grand de la télé, le petit en costard, le maxi gominé, le génie aux baskets fluos qui tachent la cataracte : NAGUI. Pour les 500 ans de l’émission (ou la 500e émission je ne sais plus), la prod' avait mis les petits plats dans les glands, l’émission est tournée au Zénith avec le public placé en arène autour d’une scène-usine où vont se succéder près d’une cinquantaine de vedettes sans presque aucun temps de préparation. C’est le travail à la chaîne de la musique de merde, le Taylorswiftisme. Et le tout pour 15 euros seulement ! Somme qui sera entièrement en partie reversée dans sa totalité partielle à la recherche contre le cancer. « Quelle sorte de cancer exactement ? » Ta gueule ! Le cancer quoi ! Tous les cancers ! « Ah » Eh bien ça nous rassure, nous n’avons pas payé pour servir le cupide capitalisme, nous sommes là pour lutter contre une bonne cause. « Un concert contre le cancer » lance Nagui, pas peu à l’aise dans son nouveau costume de Thierry Le Luron 2.0. Comme dirait mon pote Vigus, c’est le prochain Michel Drucker.


On s’assoit et on commande deux hot-dogs à une vendeuse itinérante que je pensais pendant un moment être Leila Bekhti, mais en fait non. Je vire les oignons frits car ça fait puer de la gueule et saupoudre, (c’est encore pire de faire ça), quelques psilocybes livrés chez moi par Shayana Shop la semaine dernière. « C’est encore frais tu penses ? » me lance la candide Corinne, toujours prête à me suivre dans mes plus grosses enquêtes. La montée arrive comme un Maître Gims qui débarquerait en plein épisode de C dans l’air sur France 5. En trombe avec une grosse voix de merde de mec qui s’est cru au bled mais avec un autotune de porc. La montée se poursuit tranquillement ensuite sur la douce voix de Louane qui côtoie celle de l’horrible Raphaël, tous deux reprenant à leurs(mal)façon Tous les garçons et les filles de mon âge en se regardant comme s'ils avaient envie de se baisser la culotte. A moins que cela ne soit déjà fait… Sacrées vedettes… En tout cas, c’est peut être une chanson culte, mais c’est vraiment de la merde. Si on avait dit à tout le monde que Jean François Porry avait écrit ça comme générique de Premier Baiser, tout le monde aurait chié dessus. Mais là, c’est un classique, ça passe. A croire que la production a fait exprès de transformer cette émission en parfaite simulation de prise de drogue hallucinogène. Tout bon trip débutant par une bonne séance de fou rire. On ne pouvait attendre rien d’autre de la prod' en balançant d’entrée un duo entre Matt Pokora et… Véronique Sanson. Malheureusement ils le mirent (le son). Quelle horreur ! Mais quel franc moment de rigolade. Véro s’arrache tellement la gueule à chanter qu’on espère pour elle qu’elle n’a pas de problème d’hémorroïdes. Ils ont tellement pensé à tout ces bâtards qu’à la fin de la grosse montée, ils ont calé un petit duo Eddy Mitchell/Christophe pour te mettre bien le gros bourdax. Chaque apparition de Christophe est aussi bad trip que si t’avais 8 ans et que tu voyais ce vieux

dépressos aux cheveux jaunis à ta porte en train de te demander si t’as pas vu Aline. « Ah mais putain, non je l’ai pas vue ! Ça fait 20 ans que tu la cherches, elle va jamais revenir maintenant jette-toi en l’air vieux cochon. » C’est au tour de Black M d’investir le plateau avec sa grosse chanson de merde. Pourtant Corinne en connaît chaque lyric, elle suit avec précision chaque mot rappé ou chanté, avec autant de précision que l’autotune qui a servi à enregistrer sa daube. C’est alors que me vint la révélation divine. Sur ma route (si vous ne connaissez pas, allez écouter sur YouTube c’est gratuit maintenant la musique) est le parfait plagiat de l’air de Daddy Dj, sombre morceau d’Eurodance faisant la gloire des dancefloors dans les années 90-2000. Quand je communiquai cette information à Corinne, elle hallucina tellement fort que ça l’a fait jouir de rire (elle avait pris quelques crocs de mon special hot-dog). Après ça, nous restâmes au lit jusqu’au samedi, soir de la diffusion de cet incroyable moment qui restera des les anals de la télévision. On se rend compte que tous les artistes chantent plus mal les uns que les autres et que les prises de son sont vraiment, vraiment à chier. On essaie de revivre les mêmes sensations chez soi à la télé, mais ça ne fonctionne pas. Taratata, ça se vit en vrai.

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AGENDA

VENDREDI 6 NOVEMBRE Palais des Congrès Montreuil Big Bang Festival w/ Jamie Jones Dubfire, Black Coffee, Visionquest…

MERCREDI 11 NOVEMBRE 20h Petit Bain A-WA / Acid Arab Dj Set

23h Bus Palladium La Bonbon Party au Bus Palladium

VENDREDI 13 NOVEMBRE 23h Bus Palladium La Bonbon Party au Bus Palladium

23h50 Faust 12€ FÜ Présente w/ Parra for Cuva La Fleur, Loewenthal 23h55 La Rotonde Stalingrad 5€ Play Like the Corps are Waiting Outside w/ Rawmance, Sandro

SAMEDI 7 NOVEMBRE 23h30 Zig Zag 8 / 16€ Popcorn invite Sundae & D.KO w/ Celine Celine, 1977, Flabaire, Gabriel, Paul Cut (Live)

MARDI 10 NOVEMBRE 23h La Rotonde Stalingrad 5€ Deep&Roll Release Party w/ Nick Holder

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23h57 La Rotonde Stalingrad D.KO House Party w/ Dynamodyse, Labat, Jacques Schom, Rasta Blanc

DIMANCHE 15 NOVEMBRE 19h30 La Trabendo 26€ Red Bull Music Academy w/ Kamasi Washington, Emma-Jean Thackray

VENDREDI 20 NOVEMBRE 19h La Gaîté Lyrique 20€ Rap, Beats & Rhymes w/ Oxmo Puccino Lino, Mac Tyer, Jazzy Bazz, DJ Pone… 23h Bus Palladium La Bonbon Party au Bus Palladium


B 590 800 173 RCS TOULOUSE

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LʼABUS DʼALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. A CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


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