Le Bonbon Nuit - 85

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Été 2018 - n° 85 - www.lebonbon.fr

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* Née d’une recette unique en 1995, Desperados est la première bière aromatisée Tequila vendue en France. Née unique.

L’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N .


Le Bonbon Nuit → Été 2018

« Ouah Manu, mais qu’est-ce que t’as encore foutu ? C’est qui tous ces mecs chéper dans les jardins de l’Élysée ? Mais t’as vu ce qu’il fait celui-là ? Pourquoi il est tout nu le monsieur ? Et regarde-moi ces trois-là qui partouzent en toute décontraction sous la table d’hôte... Ça va encore finir dans Grazia toute cette histoire... Je vois déjà le titre : “Orgie républicaine à L’Élysée. Le contribuable a bon dos”. Je t’avais pourtant dit de ne pas accepter ce petit bout de carton, Manu. Et non, arrête de me répéter ça, ce n’était pas un bulletin de vote. Et non, encore une fois, arrête de vouloir mettre ta langue dans la bouche de la statue. C’est une Marianne, pas ta femme. - Brigitte, je peux tout t’expliquer. Voilà, je n’ai rien vu venir. Tu vois ce gars-là, Pedro quelque chose. - Oui, Pedro Winter, Manu, un très charmant jeune homme, d’ailleurs. - Alors oui, Brigitte, Pedro m’a emmené dans les cuisines de L’Elysée en backstage pendant le set de Kavinsky parce qu’on se faisait grave chier (encore plus qu’un discours de Flamby, c’est dire), et là, l’horreur. Y’a le petit Cézaire qui débarque avec sa grande mine et ses yeux tout écarquillés et qui m’attrape par la main, je lui sers donc un grand vin de Bourgogne et lui, en retour, il me fout un grand ton-car sur la langue bordel. À partir de là, plus rien Brigitte, tout est devenu trop rapide. J’aperçois bien Kiddy Smile, que j’avais vu en couv’ du Bonbon Nuit le mois dernier, qui danse sur la scène avec un grand t-shirt “Fils d’immigré, noir et pédé”, je reçois d’ailleurs un texto survénère de Gégé à ce propos (il croyait qu’on tournait un film de cul, il est vraiment con ce Collomb parfois), je danse avec un mec qui s’est mis du rouge à lèvres, et là, plus rien. Trou noir. Je me réveille en slip sur le toit de l’Élysée avec les mâchoires serrées et un trans’ à mes côtés. - Manu, mais qu’est-ce que t’as encore foutu… - Je ne sais pas Brigitte, je ne sais pas… » Victor Taranne

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OURS

Confiseur Rédac’ chef Design Graphistes Couverture Rédaction

SR Digital Chefs de projets Régie culture Régie Pub Le Bonbon Siret Imprimé en France

Été 2018

Jacques de la Chaise Victor Taranne République Studio Coralie Bariot Juliette Creiser Lara Silber Clara Luciani par Flavien Prioreau Thomas Guichard Manon Merrien-Joly Ivan Vronsky Léonore Camus-Govoroff Christian Alvarez Flavien Prioreau Pierig Leray Louis Haeffner Antoine Viger Dulien Serriere Florian Yebga Fanny Lebizay Lionel Ponsin Benjamin Alazard 15, rue du Delta 75009 Paris 01 48 78 15 64 510 580 301 00040 Imprimé en France 2


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À la une

Clara Luciani, si t’avais pas compris

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Musique

Nils Frahm, hors cadre

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Littérature

Benjamin Dierstein, noir c’est noir

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Cinéma

Top 5 des films (à ne surtout pas aller voir)

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Chronique

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Fiction

Voyage au bout de la teuf

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Report

Les 25 ans du Sónar

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Mode

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Musique

Rene Ricard a le rire jaune

Son et sapes, même enseigne ? Moodoïd

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LE MEILLEUR DE PARIS IN THE POCKET NEW VERSION

Disponible sur iPhone et Android

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LE KARMA À SON ZÉNITH On dresse le tableau pour que tu comprennes : tu prends ta caisse, tu fonces à 100 à l’heure à quelques kilomètres de Paris et là, au milieu des arbres et collé à un petit château, tu trouveras la première édition du Zarma Karma Festival avec tout ce que la scène alternative locale sait faire de mieux, c’est-à-dire la fête. Sous toutes ses coutures, sous toutes les latitudes, même jusqu’en Picardie. Zarma Karma Festival @ Secret Place Du 13 au 15 juillet

QUE DES REU-STA Une fois par mois, on y a droit : un sale lundi qui pique et qui nous fait regretter de ne pas avoir posé un jour de congé pour décuver. Alors on préfère vous prévenir, le Samedimanche avec Seth Troxler, Apollonia et Jackmaster (mais s’il n’y avait qu’eux…) est déjà écrit dans l’Histoire. C’est l'heure de parler à votre boss. Avec ce soleil, sûr qu’il est de bonne humeur. Samedimanche @ Concrete Du 14 au 16 juillet

ÉNORME SOIRÉE APPART’ Tu cherches un endroit tranquille pour boire un verre avec tes amis ? Eh bien tu t’es trompé d’adresse parce que, tous les vendredis et samedis de juillet, Le Bonbon prend le contrôle de L’Appartement du Badaboum avec les meilleurs Dj’s de la région. L’objectif ? Faire cracher les enceintes, vous dénuder complètement et faire de votre corps un instrument de recherche rythmique. Allez, à toute. L’Appart’ du Bonbon @ Badaboum Les vendredis et samedis de juillet

L’OPEN AIR DU TURFU Bienvenue sur la planète Nostromo. Si vous ne comprenez pas ce qu’il vous arrive, c’est tout à fait normal. Les mecs derrière tout ça sont déjà dans le turfu et ont bien prévu d’y rester. La preuve : un open air géant sur trois scènes au mythique 6b avec la crème des Dj’s underground. Et l’after ? Dans un nouveau club du 14e, Le Consulat, jusqu’à 6h du mat’. Marathon du futur, nous voici. Nostromo Open Air @ Le 6b Samedi 28 juillet

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Clara Luciani, si t’avais pas compris Texte

VICTOR TARANNE FLAVIEN PRIOREAU

Photos

Sans aucun doute, Clara Luciani est une jeune femme d’exception. Il suffit de voir la manière dont elle dévore des yeux le paquet de biscuits Xtrem qui traîne sur la table de La Maroquinerie lorsque cette interview est réalisée. Et la manière dont elle refuse poliment d’en manger ne serait-ce qu’une seule miette… Écoutez son premier album, Sainte-Victoire, et vous vous rendrez compte que, pourtant, l’artiste originaire de Marseille va « droit au but », comme elle le dit elle-même. Rencontre, le chocolat à la bouche. 7


À LA UNE

Clara Luciani

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Alors ça te fait quoi d'être en couv du Bonbon Nuit ? Eh bien je suis très flattée ! (sourire) Pourtant, être confrontée à des photos de moi n’est pas la chose qui me rend la plus heureuse du monde, mais là je trouve ça cool parce que ça me permet de faire découvrir ma musique et c’est ce qui compte je pense.

Par rapport à l’album et tout ce qu’il se passe autour ? Oui, et puis demain on joue à Solidays (l’interview a été réalisée le samedi 23 juin, ndlr) ! Je crois que les concerts, c’est ce qui m’excite le plus et ce qui me rend le plus heureuse parce que j’adore rencontrer les gens. C’est toujours beaucoup d’émotions !

Pourquoi ça ne te rend pas heureuse d’être médiatisée ? Si je pouvais me tenir loin des photos de moi, je serais un peu mieux… Quand il y a des miroirs par exemple, je ne m’arrête pas trop. Ça ne m’intéresse pas tellement.

Est-ce qu’il y a des concerts que tu as particulièrement ratés ? Oh oui, plein ! Notamment ceux du début où j’expérimentais le truc, j’étais toute seule en guitare/voix et je ne pense pas que c’était fabuleux. Ah et puis aussi, l’autre jour… J’ai joué et je me suis pris une enceinte dans la tête, tout simplement… (rires) J’étais dans le mood, je n’avais pas vu l’enceinte et je suis rentrée dedans. Pour rattraper le coup, j’ai fait une espèce de moonwalk en arrière pour faire genre que tout était contrôlé, alors que clairement pas du tout… (rires)

La société du spectacle ne te plaît pas trop ? Elle me plaît évidemment mais pour d’autres raisons. Cet aspect-là, je ne le trouve pas du tout attractif. Finalement c’est l’aspect le plus superficiel. Peut-être le plus obligé aussi… Oui, et d’ailleurs je le fais ! Mais je ne suis pas le genre de personne qui accrocherait ses couvertures dans sa chambre, ça c’est clair ! (rires) Quand est-ce que Clara a pleuré pour la dernière fois ? Je pleure assez régulièrement. Je fais des vidanges pour renouveler mes eaux. (rires) Parfois c’est parce que je suis juste fatiguée, d’autres fois parce que je regarde un film avec des gens qui se séparent ou qui meurent… Donc peut-être il y a trois jours ! J’étais juste fatiguée… Comme je travaille beaucoup en ce moment et que je suis sensible, je pleure facilement. Mais en même temps je n’ai jamais été aussi heureuse qu’en cette période de ma vie.

Ton histoire me fait penser à celle d’un Dj très connu, Richie Hawtin, sauf que lui il avait carrément pris une enceinte pour la jeter sur une fille dans le public… Peut-être que le star system peut faire péter des câbles à des artistes, non ? Je me suis hyper préservée de ça pour le moment, et ça me va très bien. Ça va bien avec ma personnalité et je suis très heureuse de ne pas avoir fait le buzz. Beaucoup de carrières se construisent comme ça, avec de la visibilité qui explose d’un coup mais qui dure malheureusement peu de temps. Je crois que ça pourrait me rendre folle. En revanche, faire ce que je fais, c’est-à-dire construire brique par brique quelque

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À LA UNE

chose que j’estime être solide et honnête, ça me va. Cela fait quand même six ans que je suis à Paris et que je construis mon truc, que je me cherche et que j’ai l’impression de me trouver. Je pense être dans quelque chose de sain qui, justement, me préserve de ce star system comme tu dis. Et puis tu as commencé très jeune aussi, à 19 ans, avec La Femme… Ça a dû te forger ! J’étais un bébé ! Le groupe m’a dépucelée avec la scène, ça a été violent et déterminant. Je me suis retrouvée propulsée avec un groupe complètement génial et il fallait que j’assure, que je sois là. Ça a été un élément hyper important dans ma vie. C’était le début du groupe mais il y avait déjà eu Sur La Planche, qui est un tube énorme, donc j’arrivais à un moment où le groupe était déjà identifié, il y avait déjà du monde aux concerts… Pourquoi t’es-tu séparée d’eux ? Parce que j’étais interprète dans La Femme. Sauf que j’ai toujours voulu écrire et chanter mes chansons. C’est quoi la journée type d’une Clara Luciani quand elle n’est pas en tournée et qu’elle ne doit pas gérer des fans insistants, un tour bus sans essence et du matériel qui manque ? Alors je me lève, je me fais un smoothie au caviar, ensuite je prends un bain au sang de vierge pour conserver l’élasticité de ma peau, après je vais déjeuner avec Arielle Dombasle… L’après-midi, je vais à l’équitation, tout simplement ! Et je finis souvent ma journée par un barbecue à l’Élysée ! (rires)

Clara Luciani

Mais attends, toi t’es allée jouer à l’Assemblée nationale pour la Fête de la musique, pas à l’Élysée… Est-ce qu’il n’y a pas une appropriation un peu, disons, culturelle, de la musique contemporaine par le pouvoir politique ? Probablement. Pour te dire vrai, je ne l’ai pas vu comme ça. J’ai réussi à dépolitiser l’endroit en me disant que c’était un concert gratuit et que les gens, du coup, allaient pouvoir assister à mon concert et ceux des autres sans rien dépenser. Et puis il faisait beau, c’était cool… J’ai complètement oublié l’aspect politique et formel de l’endroit. Je me suis marrée en me disant que la mozzarella que je mangeais était celle des contribuables ! Dans une interview, tu expliques avoir été très seule pendant ton enfance. Est-ce que cette solitude se retrouve dans ta musique ? Ça a forgé ma personnalité dans la mesure où je crois que c’est cette solitude qui m’a amenée à lire beaucoup, à écrire beaucoup… Il fallait que je m’occupe pour combler l’ennui, en quelque sorte, parce que la solitude c’est avant tout de l’ennui. Après, je crois que cette solitude a créé des failles impossibles à combler et qui font en effet que j’ai une sensibilité qui s’exprime dans mes chansons. Donc, oui, c’est très lié à mon avis. La solitude mais aussi le chagrin ou la souffrance peuvent être des déclencheurs de comportements créatifs. Mais pas nécessairement ! Quelles émotions as-tu traversé pendant l’écriture de ton album ? En fait, cet album est un vrai processus de guérison, avec le début très compliqué, ce chagrin d’amour où j’ai cru que j’allais

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“Dieu a créé le monde et est entré en lui.” Celle-ci est d’Henri Miller… Je lis du Anaïs Nin (la compagne d’Henri Miller, ndlr) d’ailleurs ce soir ! C’était une sacrée coquine, je crois qu’ils se sont bien trouvés…

mourir, et ensuite reprendre goût à la vie, se redécouvrir, comprendre que finalement j’étais complète sans un homme auprès de moi. Comprendre également ma féminité, comme j’avais envie de la vivre… “Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.” Cette citation est d’Arthur Rimbaud. Est-ce qu’elle parle à la poète que tu es ? C’est un peu ce qu’on vient de dire. C’est un peu le système de Baudelaire dans Les Fleurs du Mal… Utiliser la souffrance, et même plus que la souffrance, les zones d’ombre et les démons, comme muses. C’est le principe de faire pousser des fleurs sur de la merde, quoi.

Oui, clairement. Est-ce que la musique, et plus particulièrement la tienne, est une part de la divinité qui est dans le monde ? Pas du tout. Finalement je crois que je n’ai pas du tout l’impression de créer. C’est tellement personnel et ça relève tellement du journal intime que je n’ai pas l’impression d’inventer mais de transposer musicalement ce que je vis. Du coup, je ne me sens pas créatrice. Ce qui est assez bizarre… D’autant plus que tu disais vouloir sortir de ta condition d’interprète… Mais plus parce que c’était nécessaire ! J’avais besoin de faire ces chansons-là… Puisqu’on joue au jeu des citations, je vais te citer l’une de mes préférées : “Tout art est exorcisme”, d’Otto Dix. Je n’ai jamais envisagé la musique autrement que comme ça. Qu’il y ait des gens qui viennent écouter des chansons, je trouve ça génial ! À la base, ce qui incite à ça, ce n’est pas l’envie de créer mais le besoin de me délester des choses qui sont en moi et qui sont trop grandes pour moi. Et le fait de rendre ces choses publiques les exorcise complètement. Si tu avais une grenade dans la main, où est-ce que tu la jetterais et/ou dans la bouche de qui tu la déposerais ? Mais c’est horrible ! Franchement, je ne suis pas si haineuse que ça ! La grenade dont parle mon morceau relevait plus de la menace qu’autre chose ! Je n’arrive pas

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À LA UNE

Clara Luciani

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à trouver quelque chose qui me dégoûte au point de le détruire, car toutes ces choses qui pourraient me dégoûter, je les trouve aussi très rigolotes et je ne pourrais donc plus m’en moquer ! Tu viens de Marseille mais tu vis à Paris. Du coup plutôt OM ou PSG ? Plutôt OM ! Surtout pour leur devise, “Droit au but”, qui pourrait tout à fait être la mienne. Je suis assez fonceuse et je ne perds jamais de vue ma cible. Cela signifie que je vais dans le sens de mon objectif. Quand je dis que je fonce, cela signifie que je me donne les moyens de mon ambition. Ça ne veut pas dire que je grille les étapes. C’est la vie marseillaise ça… Je trouve que notre génération va hyper vite, et moi je suis à l’ancienne de ce côté-là. Il faut être sûr de ce qu’on fait et de s’être trouvé avant de faire un premier album. Je voulais être vraiment sûre de ce que j’avais à proposer avant de me lancer. Si ton album était trois artistes ? Egon Schiele pour son rapport au corps ; Annie Arnaud pour la blancheur de son écriture et pour le fait qu’elle ait mis le féminin au centre de son écriture ; et Françoise Hardy pour la voix, droite comme une flèche. Est-ce que le corps est le réceptacle de toutes les contradictions de notre société ? Le corps, en tout cas dans cet album, je l’envisage comme Autre. Il est assez distancié par rapport à moi-même et il est quelque chose que je découvre. Quand je parlais tout à l’heure d’expérimenter ma féminité, c’est aussi ça. Cet album, c’est quelqu’un qui regarde son corps nu dans un miroir et qui analyse, comprend

et regarde. C’est quelque chose d’assez distant et d’à la fois très proche. Ce n’est donc pas le corps des autres que tu as découvert ? Non, c’est le mien. Il y a un morceau où tu dis que tu ne sais pas être cette femme. Quelle femme ? Celle qu’on attend que je sois. Tout et son contraire, l’irréalisable. La mère, la putain, la femme-objet, la femme au foyer… L’impossible. Est-ce que la chanson chantée en français est une simple mode ? Il y a toujours eu de la chanson française, après là il y en a peut-être plus que d’habitude. Je crois qu’il faut discerner ceux qui le font pour la mode et d’autres qui le font par nécessité et qui sont vraiment attachés à la langue française. Je pense que d’ici quelques années, on n’aura aucun mal à les discerner. Moi, pour le coup, c’est juste que je ne parle pas anglais et exprimer des trucs qui relèvent de l’intime, c’est beaucoup plus facile en français ! Si tu n’avais pas été artiste, qu’est-ce que tu aurais fait ? Barbara disait qu’elle aurait été bonnesœur ou putain si elle n’avait pas chanté. (rires) Je ne suis pas aussi extrême, donc je crois que j’aurais été pâtissière. — Sainte-Victoire (Initial Artist Services), son premier album, est dispo sur toutes les plateformes de streaming. L’artiste sera à l’affiche de la Philharmonie de Paris le 7 juillet pour Days Off 2018, puis de la Gaîté lyrique le 11 octobre.

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MUSIQUE

Nils Frahm

NILS FRAHM, HORS CADRE

TEXTE

THOMAS GUICHARD ALEXANDER SCHNEIDER & JAMES PEROLLS

PHOTOS

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Fils du jaz

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Bach, Nils Frahm est un monument baroque. Entre méandres électroniques et rigueur orchestrale, l’artiste allemand est devenu le héros d’une musique classique décomplexée et moderniste. De la bande originale du film Victoria jusqu’aux bruits de brosse de toilette. Après deux années d’ermitage, le trentenaire est revenu en février dernier avec un nouvel album, All Melody, sa pièce la plus introspective. À la croisée des mondes, rencontre avec celui qui joue du piano debout, quelques semaines avant son concert à la Philharmonie de Paris. 15


MUSIQUE

À Zurich, le crépuscule d’un début de concert. L’attente se consume le temps d’une cigarette. La salle se remplit d’anonymes serrés contre le rideau rouge qui emballe la scène. Entre les collines de têtes qui dépassent et tombent sans cesse, les regards scintillent. À l’idée du nom qui patiente en nous depuis des semaines, on a les yeux qui clignotent. La nuit a dévoré le monde à présent. Il enjambe la scène, se faufile entre la forêt d’instruments plantés là, et, d’un geste, apaise tout le monde. La lumière se rallume au-dessus de ses synthétiseurs, un jeu d’ombres s’installe avec ses doigts sur le piano. Nils Frahm commence à jouer de l’harmonium. « Ce qui est spécial dans ma musique, ce n’est pas la mélodie, c’est comment elle est jouée, du bout de mes doigts », dit-il séduisant et fier. L’artiste est connu pour répéter à tour de bras qu’il aime manipuler son public. « Ils viennent pour être manipulés. Ils ne veulent pas rester comme ils sont, ils viennent être transportés. Je sais quand ils se taisent, je sais comment faire pour qu’ils se taisent. Il n’y a bien qu’à mes concerts que personne ne parle, ne respire, même dans des salles de plus de 2000 personnes… L’audience est radicale, ils viennent pour donner. » Des accents allemands viennent saupoudrer d’exotisme son anglais fatigué par deux heures intenses sur scène. Le pianiste reprend son calme, retire sa mythique casquette marron qu’il gardait vissée sur la tête. « Je traite chaque concert comme si c’était ma propre vie. J’attends le moment qui vient me dire

Nils Frahm

d’explorer, et je commence à aller plus loin… » À chacune des nuits passées sur scène, All Melody prend une couleur différente – « je ne me souviens jamais de ce que j’ai fait de différent la veille ». Rétif au premier abord, la conversation prend vite des accents de psychanalyse. « J’aurais beau décrire tout ce que je fais, la seule chose qui manquera aux gens, c’est qu’ils ne savent pas qui je suis… Je veux juste parler avec cœur de qui je suis. » Et qui es-tu Nils Frahm ? Le Hambourgeois né dans une famille un brin hippie ? Un fils de collectionneur, qui travaillait avec ECM, le label des musiques contemporaines ? Ou encore ce pianiste de génie, formé par le disciple du disciple de Tchaïkovski ? Un peu de tout ça pour celui qui a tout fait pour s’extraire du destin qu’on lui prédisait, « comme ces pianistes chinois qui sont des techniciens acharnés, mais qui n’ont rien à dire… ». Sa rencontre avec les autres musiques, du jazz à la techno, a été décisive. Quand on parle de musique, il y a toujours une histoire de mentor, et les musiques électroniques, c’est son frère qui l’y a initié. « Plus jeune, mon grand frère allait à des soirées électroniques. C’était l’époque du mouvement techno à Berlin, avec la Love Parade et tous ces trucs dingues. La trance était une bonne partie de ce que j’écoutais. Et puis il y avait Aphex Twin et le label Warp aussi… J’étais un spectateur. Bien sûr je préfère la musique plus lente, mais davantage encore celle qui respecte mon intégrité et qui me fait penser que je suis compris. J’ai besoin d’espace entre les notes. »

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“Il est impossible de ne pas avoir de concept pour beaucoup de gens. Aujourd’hui nous sommes dans une époque où je dois avoir une réponse à donner” 17


MUSIQUE

Voilà qui rappelle quelque chose : même quand il se lance dans un élan d’improvisation, les mains coincées dans quelques-unes de ses machines analogiques, Frahm prévoit toujours un espace de respiration entre les enchaînements, un moment de piano, qui s’allonge, qui prend son temps, ralentit. « Depuis Solo (2015), j’ai enchaîné plus d’une dizaine de disques et de projets, mais j’avais l’impression que quelque chose manquait. Je voulais faire un album plus en profondeur, sans avoir jamais eu le temps de travailler en studio. Je retardais,

Nils Frahm

je retardais… Jusqu’à ce que je décide de m’accorder une année et demie – ce qui est très généreux – sans concert, sans Facebook, juste retourner là où tout a commencé… » Des synthétiseurs, des boîtes à rythmes, plusieurs pianos, un orgue (oui), un mellotron, une table de mixage, quelques autres instruments cachés, et des dizaines de mètres de câbles. Tout ce bazar sorti du studio pour une tournée de plus de deux ans autour du monde. « Avant j’enregistrais dans mon appartement, mais c’est devenu impossible aujourd’hui pour les voisins avec une telle installation… Je

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n’arrive même pas à tout emmener en tournée ! » D’ailleurs, ce soir, l’orgue de poche est installé derrière l’estrade, côté cour, impossible de le laisser sur scène. « Il fallait un espace plus grand, je commençais à regarder les studios commerciaux sur Berlin… Et à ce moment-là nous avons reçu l’offre de Funkhaus. Pure chance. » À l’Est dans les années 50, Funkhaus est un immense complexe de studios et de salles de concert de bois verni, passé de mains en mains comme beaucoup de ces bâtiments du Berlin divisé en deux. À la faveur d’une restauration, Nils Frahm s’est vu proposer d’occuper l’une des salles d’enregistrement de cet ancien siège de la radio de la R.D.A. « C’est le studio qui a fait la magie. Je voulais l’utiliser comme un instrument. »

le point de départ ? Remettre tout à nu, sans concept à défendre. Du studio qu’il a fallu retaper aux musiciens qu’il inviterait pour des sessions live d’enregistrement, les percussions qu’il a fallu ajouter… Des milliers d’heures passées enfermé pour trouver sa voix, dépasser les contraintes du travail salarié et triompher des tragédies de la vie en société. Rester concentré sur la mélodie, comme obsédé par un bruit de cristal. « La musique est un luxe. J’attends le moment où les gens seront prêts à ne plus penser à leur petite personne, et à développer un esprit de corps. Je suis prêt pour ça, je le sentirai quand ça arrivera. Mais ce n’est pas le moment, tout le monde est obsédé par fuir ses tracas… Mais c’est impossible. Je ne peux pas, tu ne peux pas, personne. »

Souvent, au moment de faire la promotion de son album, l’artiste est tenté – sinon obligé – de mettre des mots sur les fulgurances qui lui ont traversé l’esprit au moment de la composition. Des choix auxquels il n’avait pas forcément pensé alors qu’il fabriquait son œuvre. Le journaliste est là pour lui demander quel sera son concept, qu’est-ce que l’artiste propose de neuf. « Il est impossible de ne pas avoir de concept pour beaucoup de gens. Aujourd’hui nous sommes dans une époque où je dois avoir une réponse à donner. » Bien sûr, des concepts, cet homme en a toujours eu les poches pleines pour ses albums solo. The Bells (2009) a été réalisé dans une église, Screws (2012) composé avec un pouce en moins après un accident, et pour Felt (2011), chacun des marteaux qui frappent les cordes de son piano était emballé par du tissu pour ne pas réveiller les voisins de son studio-maison. Le luxe de l’imprévu. Et pour son dernier opus All Melody, quel est

« Quand j’ai compris que je ne serais pas qu’un pianiste, parce que je ne voulais pas ressembler à ça, j’ai commencé à me faire une idée de ce que je pourrais faire de plus, que peut-être personne n’avait fait. C’est pour cela que je suis un homme de jazz, parce que je recherche ma voix musicale. Celui qui m’a le plus inspiré, c’est Thelonious Monk. Il ne pourrait pas jouer Bach ou Mozart de manière convenable, mais impossible de jouer comme lui ! J’arrive à cela, doucement. La manière dont je joue… personne ne le pourrait. » Certains critiquent son touché au piano, simpliste – mais personne ne le fait ainsi. C’est un peu de la même manière que d’Andy Warhol à Kanye West, on a clos le débat sur la pop-culture – est-ce qu’ils font de l’art ou non ? La chose dont on est sûrs, c’est qu’il ont été les seuls, ou les premiers, à faire ce qu’ils font. « Prends Chanel, qui a sûrement été une petite parfumerie, avant, d’un coup, de devenir CHANEL. C’est toujours considéré comme

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MUSIQUE

Nils Frahm

“Je fais radicalement ce que je veux, tout simplement.” 20


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un travail artistique, raffiné, et d’un autre côté c’est super populaire… C’est tout comme Mozart, ou Vivaldi. Vivaldi est le plus pop-culture des pianistes de son époque, parce que c’est indéniablement un compositeur de génie, mais aussi une vraie pop-star. Tout le monde connaît ses mélodies, sans forcément connaître leur nom. » Est-ce qu’il ne faudrait pas la brûler, tout simplement, cette satanée popculture ? Après un temps d’hésitation, le pianiste s’accorde, et répond, calme : « Quoi que ce soit, que tu brûles, que tu tues, reviendra te hanter. Karma is a bitch. Si tu brûles la pop-culture, elle prendra sa revanche parce que si tu décides de la brûler, c’est toi qui devient le fasciste. Il y a des gens comme ça en Allemagne, qui sont absolument contre. Ils étudient la musicologie, l’histoire de la musique, critiquent et intellectualisent la musique. Quand ils viennent dans une philharmonie pour un de mes concerts, ils vont analyser mes notes et essayer de me ranger dans une catégorie. Et si je ne voulais pas faire ceci ou cela, mais plutôt une musique disruptive ? Ces gens-là pensent que je veux charmer mes pairs. Mais je fais radicalement ce que je veux, tout simplement. ». Cette hétérodoxie, il n’est pas le premier à la revendiquer. On compare assez souvent Nils Frahm à Chilly Gonzales. Pour les deux amis, le piano classique fait partie d’un ensemble plus large qu’il faut mêler aux musiques électroniques et au rap. « Je pense que Chilly est un musicien très différent de Max Richter, Hauschka ou moi-même. Il y a une scène, oui, mais il n’y a pas de marché pour ce qu’on a appelé le

néo-classique. On s’exprime quand même chacun d’une manière très différente. » Avec des centaines de dates partout dans le monde, à écumer les philharmonies, l’artiste ne pense pas encore à l’après All Melody. Après ce colossal projet, l’Allemand s’imagine tout de même retourner au piano. Son album aura prouvé qu’il excelle en studio, à la production, et qu’il n’y a plus grand-chose à apprendre de plus de ce côté-là. Et puis il y a tellement dans le piano, à explorer, à perfectionner. « Le piano, c’est infini », dit-il, avec comme une hélice qui l’agite à l’intérieur. « Certains pianistes ont transcendé cet instrument. Keith Jarrett, Vladimir Horowitz, Alfred Brendel et quelques autres… Mais aucun d’eux n’aurait dit en avoir fini avec le piano. » Faire de la musique jusqu’à plus soif, peut-être, mais à quel prix ? L’inspiration finit-elle par se faire la malle un jour ? « Faire de la musique, c’est répéter encore et encore la même chose de plein de manières différentes. Il y seulement quelques artistes qui arrivent à changer cette règle, et qui développent leur propre voix. La transformation de Bowie, par essence. C’est ça qui est incroyable avec la bonne musique, c’est que tu n’es jamais lassé d’entendre la même chose. Ça explique pourquoi les personnes aiment encore la Bible ! » Il y a quelque chose de mystique dans sa voix… L’Allemand respire une musique qui ne s’enferme pas pour être homologuée, plastifiée et vendue sur les étals. Au culte de la nouveauté, lui oppose un besoin d’honnêteté. À bas les carcans, Nils Frahm est hors cadre. Nils Frahm, All Melody Le 18 août à Saint-Malo

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LITTÉRATURE

Benjamin Dierstein, noir c’est noir Texte

VICTOR TARANNE JEUNE ALLAIN

Photos

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Écrire un roman noir comme on tire en pleine lucarne, directement, avec force et fracas, c’est apparemment ce qu’a fait Benjamin Dierstein, qui livre avec La Sirène qui fume son premier bouquin, une exploration en profondeur du Paris des vices, de l’argent et du pouvoir. En bâtissant des personnages complexes et contrastés, des flics corrompus mais attachants, des pédophiles, des tueurs, des putains et des macs, l’auteur, dans le civil agent d’artistes, délivre ici une œuvre informée et riche qui scrute avec soin les névroses de toute notre société. Avant ton premier roman, quel était ton rapport à l’écriture ? Quand est-ce que tu as songé à écrire un livre, et pourquoi ? J’ai commencé à écrire assez jeune, vers dix ans. Je suis passé par toutes les formes quand j’étais gamin : la BD, le scénario, la nouvelle, le théâtre, et plus tard l’essai quand j’étais en fac. J’ai toujours beaucoup aimé écrire, et pourtant j’y ai mis un coup d’arrêt quand j’ai commencé à travailler. Et puis en fouillant dans mes affaires il y a deux ans, j’ai retrouvé une dizaine de chemises remplies de brouillons et de tentatives avortées. Ça représente des centaines de pages, et parmi tout ça il y avait une esquisse de scénario de long métrage que j’avais commencé quand j’avais dix-huit ans. J’ai repris les personnages principaux, la base de l’intrigue, et j’ai décidé de transformer ça en roman pour enfin le faire aboutir, parce que c’était une histoire qui me tenait à cœur. Explique-nous comment tu t’y es pris pour construire ton récit… As-tu fait un gros travail de recherche ?

Oui il y a eu beaucoup de recherche, ça m’a pris beaucoup de temps. J’avais vraiment envie de dépeindre certaines choses de la manière la plus réaliste possible, que ce soit du côté de la PJ, des Corses ou des réseaux de prostitution. Un cadre précis, qu’il soit historique ou actuel, est la base d’un roman noir : ça permet de donner une photo de la société à un instant et un endroit donnés. Le deuxième élément-clé d’un bon roman noir à mon avis, c’est un drame avec des personnages forts au sein de ce cadre. Quelque chose qui doit tendre vers la tragédie. Et le troisième ingrédient, c’est un style travaillé pour décrire ce drame. La forme est primordiale pour moi. J’ai mis beaucoup de temps avant de trouver mon style propre, c’est quelque chose qui s’apprend sur la longueur. Les catégories sociales sont clairement confondues et on passe immédiatement d’un hôtel particulier du 16e à une boîte de nuit shlaguisée de Montreuil. Est-ce que ce bouquin n’est pas aussi une manière pour toi de dépeindre la ville telle qu’elle est vraiment ? J’adore Paris et j’avais envie d’en faire un terrain de jeu pour balader mes personnages, c’est pour ça que les noms des rues et des lieux sont très précis. Ils passent beaucoup de temps dans le 8e et au Quai des Orfèvres, mais on passe aussi par le 18e, le 20e, le 16e, le 15e, Montreuil, la campagne… Paris est une ville très condensée, qui fait se juxtaposer des univers radicalement opposés : en écrivant ce roman, j’ai voulu dépeindre cette diversité des classes sociales, parfois absente de la littérature parisienne qui s’attache trop souvent à décrire soit les bobos, soit les classes très populaires,

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LITTÉRATURE

soit les classes du luxe. J’avais envie de parler de tous ceux-là, de les mélanger, et avec eux des différentes pratiques de prostitution, des putes de Barbès aux call-girls du 16e. Un roman noir est avant tout un roman social, c’est dans les gênes du genre : pour moi, dépeindre tous les prismes de la réalité était une vraie priorité. Selon toi, comment se construit un bon roman policier ? Quelles ont été tes références ? Par roman policier, on peut entendre différentes choses : un roman d’enquête, un thriller, un roman d’espionnage, ou encore un roman noir. Chaque style a ses codes et ses références. Les miennes sont clairement celles du roman noir : Dashiell Hammet, David Goodis, Jim Thompson, James Crumley, Larry Brown, James Ellroy et David Peace font partie des auteurs qui m’ont le plus marqué. Je m’inspire aussi beaucoup de certains formalistes américains comme Faulkner, Burroughs, Bukowksi ou Selby, qui ont tous révolutionné le style chacun à leur manière. Et puis en tant que cinéphile, je m’inspire aussi énormément des cinéastes qui se sont attachés à faire exploser les codes des genres traditionnels pour mieux les réaffirmer, comme Peckinpah, Scorsese, Cimino, Ferrara ou Gray. Bon, ça fait beaucoup beaucoup d’Américains tout ça, promis la prochaine fois je cite un Français ! Il y a plusieurs spécificités dans la construction du récit, comme notamment l’utilisation différenciée du “je” et du “tu” selon les personnages et l’insertion de brèves d’actualité qui situent le récit dans le réel. Pourquoi ?

Benjamin Dierstein, noir c’est noir

Quand j’ai commencé le roman, j’ai fait la même erreur que beaucoup d’écrivains qui débutent : j’ai écrit à la troisième personne au passé, instinctivement, sans me poser aucune question sur le style. Au bout de cinquante pages, je trouvais que ça ressemblait à du thriller mou comme on en voit pas mal dans les rayons des best-sellers. C’est en lisant et relisant des auteurs libérés de ces codes que j’ai compris qu’on pouvait faire tout ce qu’on voulait et que j’ai pris quelques parti-pris : faire parler un personnage au “tu”, écrire au présent, intégrer des scènes du passé elles aussi écrites au présent, écrire six pages sans un seul point, bannir l’utilisation des points de suspension… De quel personnage es-tu le plus fier ? Quel est celui que tu trouves absolument détestable ? Mes deux préférés sont évidemment Prigent et Kertesz, les deux personnages principaux. Quand on écrit un roman, on vit tellement avec eux que ça en devient presque comme des potes. La seule différence, c’est qu’on aime bien leur faire mal. Leur en rajouter des couches pour qu’ils plongent le plus profond possible. Prigent et Kertesz vont particulièrement loin dans ce roman, ça en devient même complètement surréaliste sur la fin. Donc même s’ils deviennent immoraux, je pense que les ressorts dramatiques permettent au lecteur de s’attacher à eux et de les apprécier tels qu’ils sont. Le sexe est très présent dans ton récit et les personnages semblent complètement paumés à ce sujet. Quel est ton point de vue là-dessus ? Décrire des relations sexuelles simples et qui se passent bien ne me semblait pas

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très intéressant. À partir du moment où on écrit un drame, les personnages doivent avoir un rapport complexe à ce genre de choses, sinon on s’emmerde. Kertesz est obsédé par une femme qu’il a perdue, et il projette cet amour sur des photos d’une fille qu’il cherche pendant tout le bouquin : c’est une sorte de héros romantique et passionné, version gros bras. Prigent, lui, est tellement obsédé par son enquête et la disparition de sa fille cinq ans plus tôt qu’il néglige complètement sa femme et tout rapport humain en général, s’enfermant petit à petit dans une névrose qui va le couper de tous les autres. Donc oui, les deux personnages sont clairement des sociopathes, des types paumés incapables de bien vivre une relation, qu’elle soit sexuelle ou quoi que ce soit.

On se rend compte dans ton roman que les catégorisations du bien et du mal sont, comme souvent, extrêmement minces. Il est difficile de juger moralement chaque personnage. Qu’en penses-tu ? Encore aujourd’hui en Occident, on est tributaires d’une vision manichéenne du monde, à cause des médias bienpensants qui ont tendance à victimiser certaines populations et à en diaboliser systématiquement d’autres. Si tu ne crois que ce que te disent les médias, les Kurdes sont géniaux et les Iraniens sont des enfoirés. La réalité est beaucoup plus complexe. Il y a des salopards partout, et pas seulement chez les oppresseurs et les dirigeants. Un roman noir se doit de décrire un monde dans lequel la corruption fonctionne à tous les étages, du plus riche

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LITTÉRATURE

Benjamin Dierstein, noir c’est noir

ces deux mondes, finalement intimement liés ? Je crois que La Sirène qui fume parle clairement de la nuit à Paris, c’en est même le sujet central. Pas forcément celle que j’ai côtoyée pendant mes années parisiennes, mais c’en est une des facettes. Et oui j’aimerais beaucoup écrire sur la nuit que je connais, celle des musiques électroniques. Pour moi ça n’avait rien à faire dans ce récit, mais je suis en train de commencer un autre roman qui sera centré sur des personnages évoluant dans le milieu de la techno en France, entre 1995 et 2015.

au plus pauvre. Pour moi, tout le monde est coupable. Tu viens à la base du “monde de la nuit” mais surtout du monde de “la” musique électronique. Pourquoi ne pas avoir jeté ton dévolu sur

Ton roman est évidemment noir, comme l’esthétique musicale que tu défends. Est-ce que la nuit est seulement un lieu de vice et de débauche ? Pour moi, la nuit c’est avant tout la fête, la danse, et la marrade. C’est ma définition de la nuit, forcément, parce que ça va faire vingt ans bientôt que je vis avec les musiques électroniques et tout ce que ça implique socialement. À un point que pour moi la nuit ne s’envisage plus vraiment sans le jour : les meilleurs moments, c’est toujours les afters sans fin ! Donc oui, un moment de débauche peut-être, mais de débauche bienveillante et hédoniste. C’est une autre vision de la nuit que j’ai voulu montrer dans le roman : la nuit qui est pourrie par le fric, la nuit

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du vice, et dans laquelle on croise des personnages qui ne sont clairement pas là pour vous faire des blagues ! Est-ce que la police est une institution respectable à tes yeux ? On voit bien dans ton récit qu’elle est elle-même traversée par de lourdes tensions et que la diatribe criée par toute une partie de la jeunesse d’extrême-gauche, « Tout le monde déteste la police », est difficile à soutenir au singulier. Qu’en penses-tu ? N’importe quelle police ne sera jamais respectable dans le sens où on ne trouvera jamais la formule parfaite. Il ne peut y avoir de formule parfaite à partir du moment où on donne ce pouvoir à des individus comme toi et moi. Il y aura toujours de la corruption et des agissements violents, c’est dans la nature même des choses parce que l’humain est un être sensible et intéressé. Que l’on donne l’exercice de la police à la République ou à des individus nommés directement au sein d’une société autogérée, il y aura toujours des dérapages, des prises de pouvoir et une hiérarchie. Pour moi la logique ACAB (All Capitalists Are Bastards, ndlr) joue le jeu d’un manichéisme dangereux et idéaliste, parce qu’elle englobe dans un même panier une myriade de réalités : la PJ, la BAC ou les CRS sont des mondes radicalement différents. En tant qu’anar modéré, je peux cependant comprendre la logique ACAB venant de la part de ceux qui

défendent leur idéal en étant en première ligne, comme les zadistes. Le vrai souci, c’est surtout qu’une jeunesse faussement rebelle s’est emparée du slogan. ACAB aujourdhui, c’est devenu une attitude, une mode : on gueule ACAB et ensuite on va au McDo. Travailles-tu à l’écriture d’un prochain roman ? Si oui, quel sera le sujet cette fois-ci ? Oui, je suis même sur plusieurs projets à la fois. En plus du roman sur la scène techno que j’ai évoqué tout à l’heure, je suis également en train de finaliser un roman de guerre complètement baroque, qui se passe en 2033 en pleine guerre civile, alors que les deux principaux partis de France sont issus d’une scission du Front National, avec un parti mariniste à tendance républicaine et un parti clairement xénophobe. Dit comme ça on pense à un film d’horreur mais ça va surtout être une grosse blague potache. Et puis je commence aussi à bosser sur les deux suites de La Sirène qui fume, puisque le roman a été pensé pour s’inscrire au sein d’une trilogie qui va couvrir toute la campagne présidentielle de 2012. Ça fait beaucoup de choses, mais ça va arriver petit à petit, parce que tout ça c’est du loisir pour l’instant, dans la vraie vie j’ai mon taf de booké à Kongfuzi (une agence représentant des artistes techno, ndlr) et bien sûr la DA de Tripalium Corp (un label techno/expé fondé par l’auteur, ndlr).

“J’aime les personnages sur qui le destin s’abat, mais qui portent déjà en eux tous les drames à venir.” 27


CINÉMA

Par Pierig Leray

Top 5 des films (à ne surtout de l’été pas aller voir)

L’école est finie de Anne Depetrini Sortie le 11 juillet La reine du navet Depetrini est de retour avec une bombe bien cradingue d’humour franchouillard dégoulinant et sa flopée d’acteurs de seconde zone, avec l’excellente Bérangère Krief haute en couleur dans le reconnu Bad Buzz. L’enfer est absolu et ininterrompu dans cet énième version du Parisien à la campagne et la fameuse phrase pitchée « lorsqu’elle troque ses Louboutin ». Cette vision rétrograde de la ville contre la campagne fait peine à jouir, et donne le tournis : qui peut encore produire un tas de fumier pareil ?

Ma Reum de Frédéric Quiring Sortie le 18 juillet Quoi ? Max Boublil associé à Aud rey Lamy ça ne vous suffit pas ? Et si je vous rajoute le réalisateur de RIS , ce dégueuli policier TF1 ? Encore des doutes, sérieux ? Bon alors je vou s mets un scénario écrit par un tétraplé gique à l’aide de ses paupières (une mèr e va se battre contre des ados qui tort urent son fiston), des vannes texiennes sort is des Zamours et une hauteur intellec tuelle ne dépassant pas la ceinture anale. Si vous décidez tout de même d’y aller, je me fous en l’air.

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Neuilly sa mère, sa mère de Gabriel Julien-Laferrière Sortie le 8 août ment Comment peut-on si maladroite isienne, par iale soc rire de la ségrégation s ible terr plus les jouer des clichés quer cho à re atai grab dans un humour s? âne 2 des ite dro de tes les humoris une s dan brio avec joue le ère Laferri envoie un soupe populiste indigeste qui e. Quelle terr richou dans une cité de Nan e, anc dist ni pitié ! sans imagination gêne une s dan rd précipitant notre rega ininterrompue.

Lukas de Julien Leclerq Sortie le 22 août Le professionnel des films de baston au nom évocateur (L’assaut, Braqueu rs, Tu ne tueras point) revient avec son gourou décérébré Jean-Claude Van Dam me pour péter des gueules et tenter de dev enir le héros à la gueule cassée pour sa gamine de 8 ans. Comme les yeux bov ins du coiffeur à l’angle de votre rue, c’est bien le vide qui s’installe et accapare ce Refn du pauvre dans une ambiance maudite par la tristesse d’un Van Damme trop vieux pour ces conneries.

Bonhomme de Marion Vernoux Sortie le 29 août Hormis une Béatrice Dalle qui a besoin e de cash pour payer ses cuites dans le 16 , le duo Girardot-Duvauchelle s’enlise dans une pathétique relation amoureuse impossible entre un teubé devenu encore plus teubé par un accident de la route et la pimbêche de banlieue à la culotte trop large. Ça n’a aucun sens, écrit sur une nappe d’Hippopotamus et par pitié, que l’on arrête de filer du job à Duvauchelle qui fout en l’air tout ce qu’il joue.

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CHRONIQUE

Par Victor Taranne

© Gerard Malanga

RENE RICARD

GACHETTE FACILE 30


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Le problème avec les génies, c’est qu’ils sont extrêmement sûrs d’eux et qu’ils ont bien raison de l’être. Généralement, ils sont profondément imbus d’eux-mêmes, ont un ego évidemment surdimensionné, ne s’embêtent pas pour nettoyer la cuvette des chiottes et parlent peu, très peu – ce qui ne signifie aucunement qu’ils ne s’expriment pas. Mais ce qu’ils ont de plus que les autres, outre les qualités déjà citées, c’est qu’ils font preuve d’une empathie rare et d’une sensibilité exacerbée. On n’a jamais vraiment su si Rene Ricard faisait vraiment partie de cette caste magique. Petit garnement de Boston, il quitte sa résidence familiale à l’âge de dix-huit ans pour rejoindre le New York littéraire de l’époque – un bric-à-brac formidable qui se regroupe autour de la Factory d’Andy Warhol, du cinéma expérimental, du début de l’extinction des beatniks et des ballades sous amphétamines. Tableau chic. « Le fait est que si j’avais un travail normal, je n’aurais pas le temps de me consacrer à l’affaire sérieuse de ma vie, qui est de distraire et d’enchanter, donnant à mes amis riches une impression de faste, à mes amis pauvres un aperçu de la belle vie, et à moi-même le sentiment d’avoir réussi à devenir une référence et une rareté dans cette métropole infestée de requins », décrit lui-même le poète en question, adepte du non-travail et de l’écriture de la poésie, une poésie aujourd’hui traduite par les Editions Lutanie, par Rachel Valinsky et Manon Lutanie dans l’ouvrage Rene

Ricard, 1979-1980, un simple moyen, explique Ricard, de les livrer au public, lui qui estime qu’ils auraient tout aussi pu bien être « coulés dans le bronze ». À l’intérieur, on trouve donc des poèmes dans la plus belle tradition de la poésie “décadente” américaine : pas forcément des rimes, mais des lignes de fuite. Fuir la forme, fuir la morale du langage. Fuir les genres, fuir les gens. « Voici la voix du très réputé Rene Ricard qui peut les conduire au suicide à boire qui a déjà et peut encore les pousser à bout par-dessus bord. » Rene Ricard vous prend à la gorge avec ses mots et vous les rentre au fond du gosier sans gants de velours. Il y a du sexe (« Ma bite se raidit à la moindre provocation, la seule pensée d’une bonne chatte me rend chaud et dur »), il y a donc de la provocation (« J’ai convaincu des nouveaux riches de me laisser organiser une fête puis j’ai invité des épaves dans leurs maisons, les laissant dévastées »), mais il y a aussi un peu d’amour (« J’aime un garçon qui m’aime aussi, il a un amant riche, triste mais vrai ») et pas mal de déception (« Je suis né pour vivre pour lui, pour mourir pour lui »). Chez Rene Ricard, il y a surtout du rire, de la vie, des filles, des garçons, des idioties et encore beaucoup de vie. Lisez ce livre avec un bon petit jaune au soleil, c’est le seul conseil que je peux vous donner. — Rene Ricard, Rene Ricard, 1979-1980 Editions Lutanie

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FICTION

Épisode 6

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VOYAGE AU BOUT DE LA TEUF Texte

IVAN VRONSKY

Photos

PROPAGANDA MOSCOW

Nos teufs semblent bien trop pâles dans les chroniques. Ou plutôt, elles sont plates. C’en est désespérant. Pourtant, votre humble serviteur ici présent a ratissé le fond lubrique de cette satanée nuit parisienne. Pris de vertige face à la purulence et la satiété, la haine et la joie, voici le récit personnalisé des visages de ceux qui accueillent sans répit vos haleines chargées d’alcool et d’éther, vos mines fripées et vos airs religieux. Cessez de croire que cette nuit est ludique pour tout le monde. Il y en a, dans les bas-fonds écorchés de vos soirées, qui en bavent. Voici leurs portraits. 33


FICTION

Épisode 5

Dans ce dernier instant de haine, épisode final de Voyage au bout de la teuf, il s’agira de vous offrir un bouquet à deux fleurs. Nous savons aisément que le mauvais goût impose ce genre de paire. C’est pour lui, d’ailleurs, que tout ceci fut écrit. Vous ne saurez combien d’insultes ont fusé aux oreilles de votre serviteur mais les nombreux témoignages, les quelques verres offerts, la fracture du crâne et les acouphènes récoltés sont autant de gages de la nécessité de rapporter ce que peuvent vivre vos odieux interlocuteurs dès la journée révolue. Ce qui se trame dans ce dernier épisode est au cœur du jeu pervers de la nuit. Les patrons, videurs, serveurs ne sont que des auxiliaires de vos amusements serviles. Ceux qui vous offrent ces dandinements ont l’honneur de pouvoir avancer leurs supposées capacités artistiques. Voyons cela de plus près.

On m’appelle “JB”. Jean-Baptiste, JeanBernard ou Jean-Bastien, personne ne sait. On se doute globalement que Jean-Baptiste a statistiquement plus de chances que Jean-Bernard, mais qui sait ? Personne n’est à l’abri d’un père alcoolique qui, tout en s’échignant à lever les couleurs du pays tous les matins à 6 heures, s’arqueboute sur le concept de “Nation française” et de “tapettisation de la société”. Il va jusqu’à appeler son fils Jean-Bernard. Ce que j’ai mangé en retour fut d’une sympathie sans concession. Les lancers de purée dans mes cheveux accompagnés par les rires hystériques du gitan du collège furent un crédo très répétitif dans mon adolescence. La perversité des jeunes gens de mon bahut m’a forgé, c’est indéniable. Leurs fourberies ponctuaient mon brutal quotidien. Le soir, c’était La Marseillaise la main sur le

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cœur, la journée, chewing-gum dans les cheveux et béquilles dans les cuisses. Voilà comment on devient un adolescent rebelle. Mes cheveux poussaient en même temps que ma langueur envers ce monde et ses insolvables violences. Au lieu d’hériter de la candeur morale de mon père, je m’opposais fermement à lui et ses coups de pompes en portant des t-shirts Nirvana, en fumant du shit paraffiné et en rêvant de tirer au M16 sur tous mes camarades de classe. Un ado en sueur était né. Je passais mes journées aux idées noires à jouer à Zelda, rêvant d’attraper enfin cette connasse de princesse. La puberté arrivait à grands pas. On ne sait pas ce que l’acné peut provoquer dans un esprit déjà dérangé par les brimades infantiles. Je devenais teigneux, la douleur de mes boutons purulents provoquait des montées de haine que je devais assouvir sur les 6e qui avaient la malchance d’aller pisser en même temps que moi. C’était l’époque de la masturbation vigilante, des Red Hot et du fameux Vodka Get 27 enfilé en douce avant le cours de Madame Thomas, fantasme de toute une classe, rouge d’excitation face aux jupes blanches de la mathématicienne. Passé les boutons, c’est un bouc qui orne désormais ma tronche. Sortir de l’enfer scolaire était un objectif, il fut assouvi avec aisance. La génération des années 80 a su accoucher d’une quantité honteuse de divers techniciens du son aux moustaches grasses, aux nez busqués et aux regards lubriques. J’en fais

partie et nos ainés n’ont que des regards méfiants quand ils nous voient arriver. Je le vois se ramener avec son pas traînant, si énervant. Le type est sponsorisé Quechua, on dirait qu’il sort tout droit du blog Intermittent ou Randonneur ?. C’est une sorte de caricature du connard altruiste qui vote écolo et pense que la non-violence, c’est le mode d’expression politique par excellence. Se rebeller, mais pas trop. Voilà sa norme de gros loser qui ne peut pas s’empêcher de fantasmer sur toutes les femmes qu’il croise mais n’ose pas le dire à haute voix parce que c’est “sexiste”. Goddamn, j’aspire ma trace d’une traite, “sniiiiiif”, et il sursaute, il ne m’avait pas vu. « Salut Dj Kestuf », qu’il me dit avec sa voix forcément en accord avec sa manière de se mouvoir. On dirait que quand il parle, même ses cordes vocales se chient d’ssus. Elles n’assument pas d’appartenir à un tel étron humain. Je lui réponds d’un claquement de lèvres. J’adore ça, l’humilier, et je sens sa rage à chaque réponse lapidaire. C’est sur que comparé à moi, ce type est aussi utile qu’un supporter italien à Moscou. Il me fixe avec ses larmiches au fond des yeux, celles qui me donnent encore plus envie de le victimiser. Mais je ne dis rien et m’enquiers avec innocence de son état. « Alors, la famille, les amours, c’est comment J-Beeey ? » Il grommelle que « pour la cinquième fois », il n’a « pas de copine ». J’entends un grognement

“C’était l’époque des Red Hot et du fameux Vodka Get 27.” 35


FICTION

Épisode 5

de plus, « ça ne risque pas de changer ». J’éclate de stupeur : « comment ? ». Il lève la tête, presque surpris. « Putain, mais écoute moi ça Jess’ ! Jean-Bernard n’a pas d’meuf ! C’est ton moment ! » Au bout du bar, Jessica éclate de rire. Mon technicos, cramoisi par un mélange de haine à mon égard et de honte pour ses pulsions malsaines envers notre barmaid, s’échappe d’un bond de la scène.

et permet la musique, celui qu’on appelle “ingénieur” est relégué à l’ombre de la nuit. Personne ne m’a jamais remercié ici. Personne ne m’a jamais considéré. Kestuf ose prendre sa drogue d’un air glorieux devant tout le monde, il saute la femme du patron en toute quiétude et me harcèle au quotidien par ses blagues douteuses sur ma transpiration et mes bafouilles. Parfois, comme au lycée, je rêve d’un joli canon sur sa gueule, du sang sur ma veste, les cris de Jessica et ses vêtements déchirés. Mais tout cela n’est qu’illusions, qui explosent toujours d’un coup. Un coup sur ma nuque. Une nuquette exécutée par Kestuf, qui, hilare, fait un clin d’œil à Jessica. Elle pouffe en se mettant la main sur la bouche. Je reste interdit.

Et voilà ! Ce chien de Dj m’a humilié une fois de plus. Ce connard arrogant sait toujours comment me faire passer pour un abruti. Cette fois-ci c’est allé trop loin. D’abord, comment ce petit fils de pute connaît mon prénom ? Pour sûr, le rital aux commandes a dû lui filer en échange d’un gramme de C ! « Il parle tout seul non ? » C’est Jessica qui vient de parler. Cette fille, je l’aimais bien au début. Elle semblait gentille et honnête. Mais là, j’ai parfaitement entendu son rire ! Comment fait-il ce bâtard prétentieux ? Avec sa grande gueule, il est toujours à me sourire et chercher mon malaise. Pour sûr, je le dégoûte. Mais elle, son corps, ses yeux, sa tête, elle provoque en moi des sentiments invivables. J’ai un tank au fond du bide quand elle me fixe gentiment. Et je passe souvent pour un abruti parce que j’ouvre ma bouche baveuse et oublie ce qu’elle vient de me dire. Mais elle, elle ne se moque pas. Elle sourit doucement et me répète « y’a Kestuf qui t’appelle ». Les emmerdes reviennent. Je dois me soumettre à sa supériorité musicale. Ce pauvre Dj est censé être un artiste, fixé par des yeux transis de sensualité à chaque set alors qu’il passe des disques d’un air sérieux. Il ne sait rien installer lui, il ne sait pas comment ça fonctionne. Lui, il n’a jamais rien créé mais voilà, au sein de notre antre étrange, celui qui organise

Staaaarf’. Steve est en zonz. Encore une fois, j’suis en dèche. Pourtant, tout est censé tourner comme sur des roulettes. Ici, le patron “El Ritalos” croit tenir les manettes parce qu’il a les écrans des caméras dans son bureau. Pauvre bouffon, DJ Kestuf’ c’est l’boss de cette boîte. Résidant attitré depuis 8 ans, j’assure constamment des sets d’une envergure maléfique. Je me retrouve avec des ados suants qui me caressent moitement les épaules en me félicitant. Je les dégage toujours d’un glaviot bien placé dans la lucarne, enfin l’œil… Bref, aujourd’hui, c’est la panne généralisée. Même si mes vannes sur le randonneur qui s’occupe du branchement des enceintes sont assez aiguisées, que cette jolie mais imprenable Jessica semble adorer reluquer mes biceps taillés à la piscine, ce connard de Steve semble s’être encore fait choper par les flics. Ces bâtards de condés n’ont de cesse de nous harceler alors qu’on essaye de faire notre blé de la manière la plus honnête possible. Ils savent pas eux, ce que c’est

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Le Bonbon Nuit → Été 2018

qu’le charbon. Z’ont jamais connu la fête, la vraie. La dernière fois qu’ils ont découché, c’était quand la France était en finale de la Coupe du Monde. Putain, quand t’as pas teufé depuis 2006, tu m’étonnes que tu veux choper tous ceux qui prennent des rails jusqu’à sept heures du z’bard… « Eh l’zadiste, qu’est-c’tu branles, ma platine est toujours pas sortie d’sa boîte ? T’as cru qu’on allait taper du djembé comme à Nuit Debout ce soir ou quoi ? Mais bougetoi l’cul mon vieux ! » L’autre susceptible grimace à m’écouter et ne dit rien. Faudrait qu’y s’détende un jour ce pauvre type. Celui-là, avec ses chicos sales et sa mauvaise mine, il fout la poisse. Faudrait obliger l’avortement pour ce genre de gars. Un truc vient de lâcher en moi. Cette blague, c’est sûr, aurait pu faire ricaner

plusieurs connards à lunettes. Pourtant, j’ai trop ruminé. Ce chien, Kestuf, doit payer. D’un coup, je sens qu’on m’étrangle ! Du coin de l’œil, je vois un bouton d’acné sur le point d’exploser. Pour sûr, c’est l’fan de Tryo qui m’étrangle avec un câble XLR ! Je sens son haleine horrible, un mélange de soufre et de fraise Tagada, ça me soulève le cœur. Pourtant, impossible de gerber, il continue à m’asphyxier en m’injuriant. J’entends les cris de Jessica, me rappelle que si j’crève, je vais m’chier dessus. Quelle pensée de merde avant d’mourir. Pourtant, c’est vrai. J’suis focalisé sur cette foutue idée. Jessica verra son fantasme sexuel pendu à un câble, une crotte dans l’slip. Même si, au fond, ça reste plutôt classe comme mort.

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FESTIVAL

Par Christian Alvarez

Alvanoto Sakamoto par Ariel Martini

Pourquoi vous avez le seum d’être resté à Paris alors qu’à Barcelone il y avait les 25 ans du Sonar 38


Le Bonbon Nuit → Été 2017

Du 14 au 17 juin, Sónar Festival fêtait les vingt-cinq ans de son règne sur le paysage festivalier mondial en investissant à nouveau Barcelone, de jour comme de nuit, pour ce qui, année après année, semble être la distribution de gifles la plus efficace du territoire européen – Royaume-Uni, Catalogne, Pays basque et Corse compris. Sónar a-t-il encore des choses à prouver à part qu’il serait de bon aloi que l’équipe organisatrice s’évertue à mettre en place un système de climatisation sur ses nombreux dancefloors ? Sérieux, perdre quinze kilos en équivalent transpiration parce qu’on a oublié son moule-bite, c’est pas malin, mais suer comme un cochon parce que Laurent Garnier était dans un excellent jour, c’est un peu plus cool. D’ailleurs, Laulau, entendons-nous : ok, The Man With The Red Face, ça fout toujours une chair de poule pas possible, mais Domino de Oxia (ou l’inverse, tellement on l’a entendu), par pitié, c’est aussi surfait qu’une nouvelle saison de Sex & The City. Arrête de le jouer, s’il te plaît. Le jour même, t’expliquais d’ailleurs que tu adorais « sortir de ta zone de confort ». Alors go, n’hésite pas, fonce. Bon, il n’y avait évidemment pas que des Dj’s L-E-G-E-N-D-A-I-R-E-S (avec plein de tirets et plein de zéros derrière leur cachet) au Sónar, il y avait aussi des personnalités que la plupart des Catalans ne connaissent pas, un peu comme leur indépendance. Avez-vous entendu parler

de l’activiste politico-poético-musical Chino Amobi ? L’electro mélancolique et urbaine d’Oklou ? La techno indus expérimentale de JASSS ? Ou la queerness électronique d’Octo Octa ? Eh bien il y avait tout ça au Sónar, et bien plus encore – vous n’y étiez pas, alors croyez-nous. Oh mais qui dit Sónar dit aussi grand soleil, plages bondées de touristes, patatas bravas gorgées d’huile, coup de soleil made in England, bières chaudes en terrasse, Ramblas pleines de pickpockets et ramasse de la matinée dans un appart’ du quartier gothique. La vida loca, muy bien. Barcelone, ou Barça pour les intimes, c’est cette ville qui, quelques jours en juin (ou pendant les deux mois de juillet/ août) est l’incontournable de l’Europe. On a pu parler du Brexit quelques mois, mais croyez-moi, tout le monde s’en serait bien branlé si le Royaume-Uni avait décidé de quitter l’Union le week-end du Sónar. D’autant plus qu’il y a tout le Sónar Off et ses fêtes monstrueuses, jour et nuit, qui rassemblent autant de Dj’s que cette planète compte d’abrutis à tous les feux rouges – flics compris. Alors mesdames et messieurs les festivaliers, n’hésitez pas à prendre un billet d’avion l’année prochaine. Les vols ne sont pas encore très chers. Mais attention, cette fois-ci, le Sónar se déroulera en juillet ! Il y aura peut-être plein de touristes toulousains, mais au moins il y aura de la bonne musique pour oublier qu’ils sont trop bourrés.

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MODE

Son et sapes

Son et sapes, même enseigne ? Texte & Photos

MANON MERRIEN-JOLY

« J’aime ces marques de mode qui fonctionnent comme des labels de musique », me lançait Jean-Charles de Castelbajac au cours d’une interview alors qu’il présentait son expo The Empire of Collaboration. C’était en février dernier, et le créateur protéiforme de 69 ans mettait le doigt sur cette culture de l’image qui prévaut autant dans la mode que dans la musique. Que peuvent s’apporter les deux disciplines ? 40


Le Bonbon Nuit → Été 2018

Je vois d’ici les yeux levés au ciel de puristes du son qui crient au blasphème et s’apprêtent à brûler ce qu’ils tiennent entre leurs mains. Commençons donc par le commencement : on parle ici, d’un côté, d’une industrie en crise depuis l’avènement du numérique qui a vu sa dématérialisation fragiliser tous ses acteurs et précariser pas mal de ses jobs. De l’autre, d’une industrie de la mode qui pèse plus que celle de l’automobile et de l’aéronautique réunies, avec 150 milliards de chiffre d’affaires annuel. Si dans tous les registres musicaux, on retrouve du merchandising et des produits dérivés en tant que revenus complémentaires, on remarque qu’en France la musique électronique et le hip-hop sont particulièrement liés au secteur textile. Hasard ? Pas vraiment. Au-delà du simple merch’, une marque franco-japonaise fait figure de proue. Kitsuné, c’est la rencontre entre Gildas Loaëc, musicien et producteur de musique et Masaya Kuroki, architecte. Ensemble, ils fondent en 2001 ce qui

deviendra une entité unique et iconique alliant musiques rock, électronique et sapes palliant la tristesse des basiques de l’époque. Dix ans après, Teki Latex lance Sound Pellegrino qui propose sur son site des écharpes, tote bags, nœuds papillon, t-shirts, pour assouvir la soif de son public. En 2013, Pedro Winter alias Busy P, créateur du label Ed Banger, fait face à une demande croissante de merchandising. Et pour cause : les grands noms de l’électro française y figurent, entre DJ Mehdi, Justice, Boston Bun, Cassius et on en passe. Pour y répondre, Busy P s’associe à Michael Dupouy à la tête de la MJC et So-Me, directeur artistique de renom pour créer le label Cool Cats qui deviendra peu après Club 75, en référence au morceau de Cassius, aux soirées éponymes du Rex Club qui avaient lieu en 2003 et à ce groupe qui réunissait Busy P, Justice, DJ Mehdi et Cassius. Aujourd’hui, la ligne est une marque de sapes à part entière. Et concrètement, à quoi ça sert ? En plus d’appuyer et de prolonger la notoriété

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MODE

Son et sapes

l’IMS (International Music Summit) en recense 35% », explique le crew.

de leurs initiateurs, relier les sapes à la musique permet de trouver d’autres sources de revenus pour financer cette dernière. C’est pourquoi certaines maisons de disques mettent en place des stratégies de diversification, notamment pour pallier les effets du téléchargement et de la dématérialisation du son. En tant que public, est-ce qu’on devient un connard de panneau publicitaire si on porte le produit de son artiste favori ? À vous de juger. À l’image de ces marques donc, de véritables labels bi-dimensionnels se fondent encore aujourd’hui, preuve que des liens se tissent continuellement entre les deux disciplines. RA+RE, c’est un label exclusivement féminin créé par trois meufs passionnées de musique techno et de vêtements, Clara, Jessie et Claire. Elles partent du constat que de plus en plus de nanas sortent faire la teuf : « Cet univers qui attirait dans les années 90 un public en marge de la société considéré comme “raver” est aujourd’hui ouvert à une audience de plus en plus large et féminine. À cette époque, seulement 8% de filles assistaient à ces soirées. En 2014,

Si on fait un bref retour en arrière, à l’époque de la culture rave, le style vestimentaire jouait effectivement un rôle prépondérant dans l’identification et l’appartenance à un groupe et portait même un message voire une revendication de liberté, de fête et de couleurs psychés (le souvenir persiste par touches chez трип Records, le label de Nina Kraviz notamment, qui propose des t-shirts sur lesquels sont apposés le fameux smiley). Après ça, les années 2000 sont synonymes de périodes brumeuses au travers desquelles les t-shirts à messages et les logos se multiplient, pour laisser place à un minimalisme presque religieux dix ans plus tard. Monochromie et coupes larges et évasées remplacent les jeans slim et les couleurs criardes. Nouvelle décennie approchant, nouveau changement oblige, le courant maximaliste qui est en train de s’imposer un peu partout se veut l’instigateur de vos goûts, et incite tout un chacun à littéralement afficher qui il est… et donc ce qu’il écoute. Depuis 2015, Ra+Re profite de la vague électronique qui déferle sur l’Europe et la France pour penser des pièces fluides, confortables et party-friendly au passage et se place en tant que “marque-mère” de cette communauté de techno-girls. Derrière le label, on retrouve l’alliage éclectique d’une productrice de musique électro (Rohmi) diplômée à la fois en business stratégique et ingénieurie du son, d’une directrice artistique qui a bossé dans la mode et d’une bookeuse de Dj’s (Abi). Ensemble, elles dévoilent

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donc régulièrement sapes et sets sur la même plateforme. Côté rap et R’n’B, la valeur ajoutée se situerait davantage vers les collaborations et l’invitation d’artistes en “résidence” ponctuelle ou récurrente auprès d’une ou plusieurs marques, ou alors carrément vers la création d’une entité distincte à l’image de Kanye West et sa marque Yeezy. Le 22 juin dernier, Virgil Abloh, Dj et fondateur du label de vêtements Off-White, a sollicité une petite dizaine de rappeurs (Theophilus London, Bakar, Octavian, A$AP Nast [le cousin de Rocky] Dev Hynes ou Steve Lacy de The Internet) pour son premier défilé en tant que directeur artistique homme chez Louis Vuitton. Aujourd’hui, la musique semble apporter un souffle nouveau aux marques de mode, leur permettant de se détacher du mainstream, de générer de la valeur symbolique, de rafraîchir leur image. Quand je repense à Castelbajac, l’homme qui a collaboré avec pléthore d’autres entités aussi éclectiques qu’il est possible de faire (comprenez designers, marques, musiciens… il a même habillé le pape Jean-Paul II), je me souviens qu’il me disait de Virgil Abloh : « j’ai connu Virgil quand il venait à mon studio avec Kanye West, il était son bras droit lorsque Kanye voulait construire son label de mode pastel (Yeezy, ndlr), j’avais remarqué que Virgil, sur les trois assistants de Kanye, avait un œil, la culture de l’accident : des choses qui sont belles séparément mais qui soudain ensemble deviennent intéressantes parce qu’au fond… On s’en fout de la beauté, ce qu’on veut, c’est le trouble, qui vient de cette culture de

l’accident. » Cette culture de l’accident pourrait-elle venir de la musique et du milieu de la nuit ? Et le cas Abloh est bien loin d’être un cas isolé : Jay-Z vient d’être désigné président de Puma Basketball, et prend ainsi en charge la direction artistique de la marque ainsi que le marketing. En parlant de Puma, Rihanna est désormais bien installée dans sa collaboration avec la marque allemande grâce à son label Fenty. On peut également citer Tyler The Creator, aux manettes de sa propre maison Golf Wang, Beyoncé et son label sportswear Ivy Park, Booba et Unkut, Stromae et sa ligne Maestro ou encore Orelsan et Avnier. Par ailleurs, on remarque dans l’Hexagone notamment un changement de position de plus en plus important de la part de grandes maisons, à l’image de Lacoste qui choisit Moha La Squale comme égérie, incarnant la réconciliation (récupération ?) de la marque au croco avec le rap français qui en fait un de ses symboles depuis des années, sans être reconnu pour autant jusqu’alors… Sans rancune ?

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MUSIQUE

Moodoïd

MOOD OÏD 44


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Vous voyez cette petite gueule d’ange ? Ce mec-là sort tout droit d’une peinture excentrique et ce n’est pas mentir que de dire qu’il crève l’écran avec sa musique. Que de registres qui s’opposent dans cette phrase… Exactement comme le deuxième album de Moodoïd, Cité Champagne, qu’on a bu cul sec. On y retrouve donc la patte surréaliste du bonhomme avec une imbrication de toutes les couleurs dans des thèmes plus terre-à-terre. Un truc vraiment chelou qui va de Paris à Tokyo en filant tout droit sur une autoroute arc-en-ciel. Si vous aviez raté le wagon de la pop qui trouve tout de même la bonne direction malgré mille routes empruntées, c’est que vous avez le dernier disque de Moodoïd entre les mains.

À l’apéro, tu bois quoi ? Du champagne. Un lieu coupe-gorge à Paris ? La Ferme Tropicale. L’after, c’est important ? Oui, c’est l’endroit où se trouvent les surprises, alors si vous aimez ça, il faut absolument y aller. Une ville plus folle que Paris ? Tokyo. La drogue, c’est mal ? C’est bien si c’est le bon moment pour en prendre. Un artiste sous les radars ? Le Colisée. Un moyen de gâcher une soirée ? Être agressif. Un artiste assez pourri ? Ma mère déteste Sardou. Après une teuf, c’est quoi la solution ? Faire l’amour. Un spot vraiment underground ? Mon lit. Le sexe, c’est comment ? Découvertes infinies. Un truc vraiment chelou ? Cette interview héhé ;)

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PHOTO

L’heure du bain

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© Léonore Camus-Govoroff – @reinelouve

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AGENDA

JEUDI 12 JUILLET 18h à la folie Gratuit Spazio Tempo invite DJ Jee 19h La Plage de Glazart Gratuit Summer Dub Festival VENDREDI 13 JUILLET 20h Secret Place 59€ Zarma Karma Festival (3 jours) 00h Rex Club 12€ Deeply Rooted : Function, Roman Poncet, DJ Deep 00h30 Badaboum L’Appart’ du Bonbon, gratuit avant 1h SAMEDI 14 JUILLET 21h La Plage de Glazart 15€ Vryche Dat Beach 22h Concrete 12€ Samedimanche : Seth Troxler, Apollonia, Jackmaster 00h30 Badaboum L’Appart’ du Bonbon, gratuit avant 1h JEUDI 19 JUILLET 00h Rex Club 12€ Rex Club Présente : Chaos In The CBD & Doc Daneeka VENDREDI 20 JUILLET 22h Plateau de Gravelle 25€ Rituel Days 2018 00h30 Badaboum L’Appart’ du Bonbon, gratuit avant 1h

SAMEDI 21 JUILLET 23h Dock Eiffel 15€ BLOCAUS with Peter Van Hoesen, Inigo Kennedy 22h30 La Clairière 25€ La Clairière : Cassius 00h30 Badaboum L’Appart’ du Bonbon, gratuit avant 1h JEUDI 26 JUILLET 19h Garage 5€ BLIND Series x Garage: Kobosil, Léa Occhi & Sergey VENDREDI 27 JUILLET 19h La Plage du Glazart 15€ Open Minded Party: TP & Merachka, Mr Raoul K, Mézigue 00h30 Badaboum L’Appart’ du Bonbon, gratuit avant 1h SAMEDI 28 JUILLET 8h Le 6b 8€ Nostromo Open Air, 6b 22h Concrete 15€ Concrete x Minibar 00h30 Badaboum L’Appart’ du Bonbon, gratuit avant 1h VENDREDI 3 AOÛT 21h La Plage de Glazart 17€ DUO Festival 2018 22h Concrete 15€ Concrete x Token SAMEDI 4 AOÛT 00h La Machine 8€ Sous Tes Reins

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SLOTMACHINE & GULLDRENGURINN PRESENTENT

« UN ÉPATANT CONTE MODERNE ET FÉMINISTE ! »

LE BONBON

UN FILM DE

LE 4 JUILLET

CRÉATION ORIGINALE :

BENEDIKT ERLINGSSON


Ricard SAS au capital de 54 000 000 euros - 4&6 rue Berthelot 13014 Marseille - 303 656 375 RCS Marseille

SWEDISH BY NATURE* É L A B O R É E À PA R T I R D ’ E A U D E S O U R C E P U R E P U I S É E D I R E C T E M E N T E N S U È D E . D E P U I S 1 8 79. *S U É D O I S P A R N A T U R E.

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


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