Le Bonbon Nuit - 92

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Mars 2019 - n° 92 - www.lebonbon.fr


EMMANUEL CHAUMET PRÉSENTE

« Une aventure folle à l’humour absurde ! » L I B É R AT I O N

AVEC

THOMAS SCIMECA UN FILM DE

ALEXIA WALTHER & MAXIME MATRAY

AVEC

BASILE MEILLEURAT AGATHE BONITZER

AU CINÉMA LE 6 MARS


MARS 2019

Le Bonbon fête ses 10 ans… Jour pour jour, dent pour dent, le Bonbon a 10 ans aujourd’hui. Que d’aventures vécues, que de montagnes franchies, que d’océans traversés, que de rencontres générées…une décennie traversée tel un éclair… Je voudrais remercier du fond du cœur tous ceux qui ont permis de faire ce que le Bonbon est aujourd’hui. Un média libre et indépendant, prônant des valeurs fortes comme la proximité, l’authenticité, la simplicité, la douceur, l’impertinence, l’humour, la fraîcheur et la poésie… J’en profite pour dire ô combien je vous aime, chère famille du Bonbon ; Tom, Antoine, Benjamin, Rachel, Dulien, Florian, Falcon 007, Léa, Fanny, Nicolas G, Constance, Clément, Nicolas D, Naïs, Fiona, William, Sarah, Zoé, Morgane, Lucas, Juliette D, Louis, Inès, Antoine L, Guillaume, Anne-So, Élodie, Benjamin H, Juliette B, Corentin, Mathilde, Timothée, Chloé, Victoire, Marguerite, Antoine K, Arnaud, Juliette A, Mégane, Kévin, Léa, Sandra, merci à vous, merci pour votre belle présence. Une méga teuf est en préparation, mais de cela vous serez tenus au courant ! Show must go on !

N°92

Jacques


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CONFISEUR

JACQUES DE LA CHAISE RÉDACTEUR EN CHEF LUCAS JAVELLE DESIGN RÉPUBLIQUE STUDIO CARACTÈRES PRODUCTION TYPE & DINAMO GRAPHISTES CLÉMENT TREMBLOT, JULIANE GOUSTARD COUVERTURE CABALLERO & JEAN JASS PAR NAÏS BESSAIH RÉDACTION MANON MERRIEN-JOLY, PIERIG LERAY, LISA BELKEBLA, SARAH SIREL SR LOUIS HAEFFNER RÉGIE CULTURE FANNY LEBIZAY, ANTOINE KODIO RÉGIE PUB BENJAMIN ALAZARD, LIONEL PONSIN LE BONBON 15, RUE DU DELTA, 75009 PARIS SIRET 510 580 301 00040

OURS

IMPRIMÉ EN FRANCE


BON TIMING, LES TROIS EVENTS À NE PAS MANQUER 7. MUSIQUE CABALLERO & JEANJASS, BRUXELLES SUR LES TOITS DE PARIS 15. SORTIE FESTIVAL CHORUS 17. VISITE NOCTURNE MAISONS CLOSES, LES DESSOUS DE PARIS 21. FESTIVAL LE PRINTEMPS DE BOURGES 23. MUSIQUE PAPOOZ, ECLIPSE TOTALE 31. CINÉMA LES BÊTES BLONDES 33. CINÉMACLAIR OBSCUR, L’ÉDITO CINÉMA DE PIERIG LERAY 35. STYLE LA DISTYLLERIE DE MANON, ANNA SÉRAPHIE 39. MUSIQUE DJEUHDJOAH & LE LIEUTENANT NICHOLSON 41. SORTIE DURE VIE, À DEUX C’EST MIEUX 47. FESTIVAL LES FEMMES S’EN MÊLENT #22

SOMMAIRE

5. AGENDA



PAS SI DURE, LA VIE…

Il semblerait que la fête réussit plutôt bien à Dure Vie, puisqu’ils ont déjà six ans… Plutôt que de nous la faire à l’envers, ils mettent les bouchées doubles pour proposer un max de soirées-anniversaires. L’extraordinaire carnaval de Dure Vie en fait partie, et invite Culoe de Song, G’Boï & Jean-Mi et LB aka Labat en live ! Dure Vie 6 Years @YOYO Palais de Tokyo Vendredi 8 mars

TOUS EN CHŒUR !

Les Hauts-de-Seines attendent petits et grands pour leur évènement musical le plus familier de l’année. Pour sa 31e édition, le festival Chorus s’entoure de pointures comme des flèches montantes du rap, de l’électro et de la pop. Fatboy Slim, Caballero & JeanJass, Paul Cut, Grandmaster Flash, Dope Saint Jude… Que demande le peuple ? Festival Chorus @La Seine Musicale Du 3 au 7 avril

BON TIMING

BIENVENUE AU CIRQUE

Approchez, approchez ! N’ayez pas peur ! Sous le chapiteau, une fête déjantée haute en couleurs risque de bien casser les rotules des plus faibles et impressionner les plus téméraires. Une ambiance électrique orchestrée par le collectif Sweat Lodge, terreurs de l’ouest. Comme c’est la première fois qu’ils viennent en Île-de-France, accueillons-les chaleureusement ! Sweatlodge Party @Le Kilowatt Samedi 13 avril



CABAL LERO ET JEANJASS BRUXELLES SUR LES TOITS DE PARIS 7 MUSIQUE

TEXTE PHOTOS

LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH


8/9 CABALLERO & JEANJASS MUSIQUE

C’est au dernier étage de l’hôtel 1K, au bord de l’eau, que l’on reçoit deux phénomènes du rap francophone. Caballero et JeanJass,

figures de l’ancienne nouvelle génération fraîchement débarquée de Bruxelles, profitent de quelques soupçons de vitamine D pour nous parler de leurs projets, de leur album sorti il y a quelques mois déjà, de leur passion pour le rap, de Zidane… Entre deux tournées avec les potes (ils suivaient jusqu’à il y a peu Lomepal), les deux compères ont pris le temps, à l’occasion de leur passage au festival Chorus, de répondre à nos questions.


Le Bonbon : C’était pas trop long le voyage ? Caballero : J’étais sur Paris déjà la semaine passée, on a suivi Antoine (Lomepal, ndlr) sur le J Tour. JeanJass : Si tu demandes si Bruxelles – Paris c’est long, non, vraiment. C’est un truc qu’on fait tellement souvent. C’est même pas deux heures de train. L.B. C. JJ.

Vous vous déplacez toujours en covoit’ ? Naaan, c’est fini cette époque-là. Mais on a donné beaucoup d’argent à Blablacar ! Surtout Caba. Ainsi qu’au taxi africain.

L.B.

Une petite collab’ Blablacar x Caballero & JeanJass alors ? (Rires) Non, quand même pas. Je n’ai pas envie de vendre ce genre de rêve-là. Niveau moyen de transport, je préférerais largement des planeurs écologiques. Ça c’est stylé.

C. JJ.

L.B.

C.

L.B. JJ.

Vous avez commencé chacun de votre côté, aujourd’hui vous êtes à deux. J’ai ouï dire qu’il était possible que vous repartiez un peu chacun de votre côté. Je ne pense pas que le mot "séparation" soit de mise, parce que de toute façon, on travaillait déjà ensemble avant même de former cette union magique d’Avengers à deux. Pour le futur, ça sera exactement la même chose. Ça peut revenir au truc d’avant, toujours travailler ensemble pour certains projets mais plutôt des solos. Tout est envisageable. Vous concevez que les gens aient du mal à vous imaginer l’un sans l’autre ? L’un sur l’autre ? Moi aussi j’ai du mal à imaginer… (Rires) Oui, c’est normal je pense. Beaucoup de gens nous ont connu à travers le duo, certains même via High & Fines Herbes (leur émission weed et cuisine sur YouTube, nldr). C’est sûr, des gens

seront un peu désarçonnés comme ça, mais je pense qu’on a par le passé prouvé qu’on avait chacun quelque chose à faire en solo aussi. Comme il l’a dit, depuis le début, on a toujours eu un regard sur la musique de l’autre. C’est simple, on travaille dans le même studio. Même si ce sont des morceaux solo, c’est aussi un travail d’équipe. L.B.

C.

L.B. JJ.

L.B. JJ.

Sur DH3, vous étiez un peu plus sortis de cet "égo-trip" qu’on vous a collés. Chacun de votre côté, vous continuerez dans cette direction ? En fait, tout ce qui est thème, de quoi on parle dans les CD’s etc… Il n’y a vraiment aucun calcul. On ne s’est pas dit dans Double Hélice 3 qu’on allait faire des choses réfléchies. Loin de là. On a testé de nouvelles choses, et on aime bien entendre que de l’un à l’autre, il y a quelque chose qui change. Sinon, ce n’est pas intéressant de faire tout le temps la même chose. Cette recherche continue de nouvelles choses "intéressantes", c’est ce qu’on veut. Vous trouvez que le rap français aujourd’hui, c’est plus média que musique ? Tout est plus média que le reste maintenant. Pas que le rap. Aujourd’hui, tu vends beaucoup plus ta personne, ton image, que ce que tu fais. Le fame avant la qualité. Ce que tu disais juste avant était encore plus précis. Avoir une image, ça a toujours été important mais aujourd’hui c’est primordial. Même le fait de cacher ton visage, c’est une image. C’est sûr qu’un mec comme Booba est devenu un média, pas juste un rappeur. Suivre Booba sur Insta, c’est comme si tu suivais un journal, c’est la même chose.


“PEU IMPORTE D’OÙ TU L’ÉCOUTES SUR TERRE, TU VAS RESSENTIR QUELQUE CHOSE. ON FAIT DU RAP UNIVERSEL.”



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CABALLERO & JEANJASS

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L.B. C.

MUSIQUE

JJ.

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Vous pensez que c’est pour ça que Bruxelles a niqué le game ? On répond quand même plus ou moins aux mêmes règles… C’est difficile à voir, on vit ça de l’intérieur. Peut-être que ça a été ressenti comme ça parce que c’est le cas, mais il y aura toujours du bon partout. Les regards parfois se portent sur un certain point à un certain moment.

C.

JJ.

C’est universel, je pense. Ça te parle parce que c’est ton milieu, donc ça t’a fait pensé à ta société. Peu importe d’où tu l’écoutes sur Terre, tu vas plus ou moins ressentir la même chose. On fait du rap universel.

L.B. C. JJ.

Vous faites souvent la teuf à Paname ? Pas trop, on l’a déjà fait. Ça arrive parfois, quoi.

Vous vous intéressez à une musique plus électronique avec "Bae", plus club. Vous vous rapprochez un peu de l’électro ? Pas vraiment. Je t’avoue que ce morceau-là a été composé par Eazy Dew, le même qui a fait "Sur mon nom". C’est tout à fait différent. Ce bon vieux Hamza (l’artiste en featuring sur le morceau, nldr) est très fan – comme nous tous – de Michael Jackson. D’ailleurs il dit lui-même qu’il est le new Michael Jackson. En écoutant la prod’, on a retrouvé ce côté un peu classe comme Michael, et il a ressenti la même vibe. Ça fait juste partie des trucs qu’on aime bien, qu’on écoute de temps en temps, comme Anderson .Paak. Il y a toutes les influences musicales qui nous plaisent en ce moment.

L.B. C.

Des lieux que vous aimez bien ? Je connais Le Bourbon et Le Palace. C’est là où mes mutants parisiens m’emmènent, et je les suis. Pareil, dès que j’arrive ici, j’ai des guides.

Vous vous intéressez un peu quand même à la scène électronique, l’autre genre de cette décennie ? Je ne m’y connais absolument pas… Zéro ! Je connais des gens qui en écoutent, et je sais qu’il y a des tas de trucs super chauds. C’est juste qu’on ne s’y intéresse pas. Il faut déjà se lever le matin et écouter tout ce qui sort sur WorldStarHipHop, Oklm… Ça prend un temps fou de faire ça.

C.

Vous avez fait un titre qui s’appelle "Dégueulasse", on ne peut pas s’empêcher de penser à Paris. C’est volontaire ?

JJ. L.B. C. JJ. L.B. C. JJ.

L.B.

C. JJ.

Si on imagine votre vie sans rap, ça serait quoi ? J’aimerais de plus en plus cultiver de l’herbe. Je pourrais devenir un geek de la cultivation. Investir dans un business légal de ce style-là, ça serait magnifique. Et avoir une kush Caballero & JeanJass… Ça arrive très vite ça, bientôt chez vous ! Ça va envahir le marché noir à grande vitesse. Comme la meth bleue d’Heisenberg dans Breaking Bad. De la OG Cab’ et de la JJ Gold. Comme ça tu sais tout. Vous compariez la trilogie Double Hélice à la triplette de Zizou en Champion’s League… Vous pensez qu’il va revenir ? C’est forcément JJ qui a fait cette comparaison. Je pense que oui, d’outre-tombe. Il n’est pas parti, il a juste pris quelques vacances. Il a tout réussi dans sa vie, à un moment il peut souffler. Soyons un peu indulgents avec lui. Il va revenir, entraîner une nouvelle équipe et tout gagner à nouveau.


“ TOUT EST PLUS MÉDIA QUE LE RESTE. SUIVRE BOOBA SUR INSTA, C’EST COMME SI TU SUIVAIS UN JOURNAL.” L.B. JJ. C. JJ.

C. L.B. C.

JJ. L.B. JJ. C. JJ.

Vous aussi ? On ne sait pas encore quelle forme ça va prendre… Mais ça va prendre des formes. On fait des tas de morceaux, on en a une chiée. Il y a plein de projets qui se mettent en place. On n’a pas encore la forme du truc, mais ça va venir. Ce n’est pas l’envie et la matière qui manquent, mon cher…

pas au gardien. Il arrête toutes les punchlines. L.B. C. JJ. C. JJ.

L.B. JJ. C. JJ.

Lequel de vous deux est Zinédine ? Lui. Moi je suis Guardiola. Il est OG, il est catalan et il a fait gagner le Barça plein de fois. Mon père serait fier de cette réponse, JeanJa. Ton père va être ému en lisant cette interview.

L.B.

Si on imagine un onze de départ du rap game… Ça va être dur… En pointe, tu peux mettre un genre de Niska ou un Kaaris. Un patateur. Tu mets Booba en numéro 10, on est obligé de lui laisser celui-là. Devant, il te faut un petit rapide, quelqu’un qui rap vite. (Rires) Nekfeu, il a des flows méga chauds parfois. Alpha, je sais qu’il joue. Kaaris, pourquoi

L.B. JJ.

JJ. C.

C.

Et vous, quelle position ? Moi je suis observateur-rouleur. Il est soigneur. Dès qu’un joueur est mal au sol, il arrive, puff puff et hop il est guéri. (Rires) C’est vraiment ça, frère. Je suis le médecin. Moi je suis sur le bord du terrain et je ne fais rien. Juste je crie des trucs. J’énerve l’adversaire et j’encourage mon équipe. Je fais le connard. Est-ce que vos potes vous trouvent plus drôles à deux ? Ah bah, en tout cas, tu peux demander à Lomepal : Caba c’est le divertisseur. Je suis l’homme drôle de la situation, je fais rire toutes les meufs sans problème. Et comme je passe toutes mes journées avec lui, je pense que ça fonctionne un peu aussi. Mais je ne suis pas aussi fort que lui. Je deviens meilleur de jour en jour à ses côtés. Vous vous sentez meilleurs après avoir évolué toutes ces années ensemble ? On a tous les deux un appartement maintenant, c’est déjà bien ! On est sorti du bourbier pour être dans le beau côté ensemble, donc c’est normal. À la vie à la mort ? Bah on va s’embrasser alors ! (Ils font mine de s’embrasser.) Jamais, jamais ! Lui il peut mourir. Lui à la mort et moi à la vie. (Rires)

Caballero & JeanJass – Double Hélice 3 En concert au Festival Chorus le 7 avril La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt Plus d’infos sur chorus.hauts-de-seine.fr


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Quelle est la recette pour organiser un bon festival ? On ne l’a pas, et on ne saurait la deviner. On sait juste que parfois, on attend d’un festival de nous faire vivre un maximum d’expériences, de découvertes et de bons moments. Un peu comme le

SORTIE

FESTIVAL CHORUS

FESTIVAL


CHORUS,

qui s’applique chaque année pour mettre en avant la scène musicale française et internationale. Du côté de la Seine Musicale, du 3 au 7 avril prochains à BoulogneBillancourt, le Chorus accueillera à nouveau la crème du rap, de l’électro et des musiques alternatives pour trois jours de concerts fous. Le fer de lance de ce festival, c’est sa volonté de mettre en avant une scène jeune en plein essor. Des artistes comme Johan Papaconstantino, Oktober Lieber ou encore Faroe, dont on entendait la musique il y a à peine quelques mois, se donneront le la pour tenter de remporter le Prix Chorus, véritable tremplin de musiciens en devenir (Christine & The Queens, Feu! Chatterton, Palatine, Cotton Claw…). Évidemment, le gros de la programmation risque de rappeler de bons souvenirs (ou de mauvais, qui sait…) à ceux qui les ont déjà vus ou entendus. On pense à Fatboy Slim, vétéran de la scène électronique britannique incontournable. À Charlie Winston, qui nous emmenait sur son épaule il y a plusieurs

années avec son célèbre Like A Hobo. À Youssoupha, qui rappe son engagement et ses opinions sur les ondes françaises depuis plus de dix ans. Tant d’artistes auxquels viennent s’ajouter la fleur de la scène. En électro : Roscius, Ammar 808, Paul Cut, Modgeist… En rap : Hornet La Frappe, SCH, Caballero & JeanJass, Lord Esperanza, Josman… Le petit plus du Chorus ? Son esprit familial. Les 6 et 7 avril, le Chorus des Enfants accueille petits et grands pour des ciné-concerts, siestes en musique et autres contes afin de développer aussi la culture musicale des plus jeunes. Alors si vous avez envie d’aller écouter de la bonne musique seul, en couple, avec des amis ou bien avec vos enfants, tout est prévu pour que vous passiez un moment hors du temps pour le week-end ! Festival Chorus Organisé par les Hauts-de-Seine Du 3 au 7 avril 2019 Boulogne-Billancourt Toutes les infos sur : chorus.hauts-de-seine.fr


16 / 17 VISITE NOCTURNE

LES DESSOUS DE PARIS TEXTE PHOTOS

LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH


Qu’est-ce qui se cache sous la jupette de notre ville bien-aimée ? De la dentelle, de la soie ou un bout de peau lisse à en faire rougir un couvent de bonnes sœurs ? Saviez-vous que la plupart des immeubles de Saint-Georges, Pigalle et Blanche abritent d’anciens bordels ? Les maisons closes de Paris sont aujourd’hui fermées, mais leur histoire est bien ancrée dans l’identité de la capitale. Charlotte le sait bien. Guide et maître de cérémonie de la visite coquine de Paname, elle nous prend par la main et nous entraîne dans une promenade folle à la rencontre de ces (anciens) lieux de luxure.


18 / 19 LES DESSOUS DE PARIS VISITE NOCTURNE

19h. Sortie de boulot. La tête lourde et le ventre vide, on court jusqu’à la place SaintGeorges, lieu de notre rendez-vous. « Vous ne pourrez pas me louper, j’ai un manteau rouge et mon bonnet vert », nous avait prévenus Charlotte. Son bonnet vert, ça fait plusieurs années qu’il déambule dans Paris. Du côté de Belleville, Charlotte s’intéresse au street art et raconte son histoire. Ce soir, c’est du côté de Pigalle qu’elle nous attend, pour nous raconter la prostitution parisienne, de la Révolution à la fin de la Seconde Guerre. « Je vous préviens, j’ai un côté très autoritaire. Je n’hésite pas à faire des quizz pour vérifier si les gens suivent. » Presque au garde-àvous, une douzaine de personnes se met en cercle autour de la guide. D’entrée de jeu, Charlotte nous fait comprendre que si on est là pour glander ou regarder les étoiles, c’est mort. Il faut s’accrocher : la tenancière de notre joyeuse compagnie parle plus vite qu’elle ne marche, bavarde et hyperactive – comme elle le dit si bien elle-même : « N’hésitez pas à me faire répéter. » Dès les premières secondes, on embarque dans ce TGV de

connaissances. Premier arrêt : la Nouvelle Athènes, ancien nom de ce quartier SaintGeorges, reconnaissable à ses poutres rappelant les beaux jours de l’Antiquité. On y apprend l’histoire des Lorettes, ces jeunes femmes qui travaillaient le jour et passaient leurs soirées à haranguer les riches à la sortie de Notre-Dame-de-Lorette pour arrondir leurs fins de de mois. Plus loin, Charlotte nous parle de courtisanes, ces prostituées de luxe tolérées par la société. « À l’époque, avoir une courtisane à son bras dans les soirées mondaines était signe de réussite et de richesse. » L’information nous paraît absurde, bien qu’elle nous l’apprenne avec une touche d’humour. « Imaginez, à l’époque, on payait plus d’un million d’euros pour voir une femme nue dix minutes. Ce soir, vous êtes deux heures avec moi pour seulement une dizaine d’euros. Plutôt un bon rapport qualité/prix, non ? » La passion de Charlotte pour cette histoire de Paris, que trop peu connaissent et que beaucoup ont oubliée, se ressent au fil de la balade. Enthousiaste, elle nous apprend au détour d’une rue que les numéros sur


les façades des immeubles gravés à même la pierre sont symboles de maison close, que les lanternes qui ornent les murs aussi. On ne peut s’empêcher de scruter chaque entrée, chaque porte, et le résultat est sans appel : Pigalle était bel et bien un joyeux bordel. « Ce n’est pas pour rien que Hitler appelait Paris le bordel de l’Europe. » Son discours, la guide le connait par cœur. Simplement munie d’un protège-documents, elle nous raconte les décors de ces maisons d’antan, image à l’appui. De temps en temps, elle sort son téléphone, et montre à tout le monde des photos qu’elle a sauvegardées. Des fresques, des murs en velours… Et même des photos de ces lieux aujourd’hui transformés. Des instants volés en catimini : Charlotte est souvent marquée dans la liste des personæ non gratæ. « J’ai pu rentrer et prendre quelques photos, et puis le concierge m’a dégagée. » Sur l’écran défilent une cage d’escalier, un hall… Un énorme salon de velours. « C’est la maison Souquet. Aujourd’hui c’est un hôtel cinq étoiles, mais l’intérieur a été repensé par Jacques Garcia pour ressembler à son décor d’antan. Si ça vous intéresse, allez-y,

moi ils en ont marre de me voir. » Emportés par le récit de notre hôtesse, on en oublie le froid et la fatigue. Courant sur la frise chronologique des bordels de la Ville Lumière, on s’arrête essoufflés pour regarder une photo du fauteuil du prince de Galles – singulier mobilier supposé soutenir le séant royal pendant l’acte. Plus loin, on en apprend plus sur le donjon "Chez Christiane" et ses pratiques inspirées du marquis de Sade : « Certains n’arrivaient à jouir que si on leur versait une omelette brûlante sur le corps. » Impassible à l’humour grivois de quelques plaisantins, elle continue bille en tête ; pas le temps de jacasser, les prostituées n’attendent plus ! La nuit continue de nous entraîner tandis que les murs blancs de Pigalle, qui nous paraissaient banals autrefois, se teintent de rouge, de rose et de luxure. Après deux heures de frivolités, Charlotte nous a convaincus. Le décor qu’elle nous dépeint tout le long de cette promenade savante nous rend nostalgiques d’une époque qu’on n’a pas vécue. Plus d'infos sur sous-les-paves.com


FESTIVAL

LE PRINTEMPS

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DE BOURGES Qu’est-ce qui fait sortir un Parisien de sa capitale chérie ? Comment motiver un pur souche à mettre un pied dans la « province » (à prononcer avec dégoût et mépris hautain) ? Difficile que de lui trouver des destinations suffisamment alléchantes pour le forcer à s’extra-murer (du verbe irrégulier intra-muros), à part le ski en hiver et la plage en été. Heureusement, le Parisien aime aussi la musique, les envolées lyriques, la fête et le soleil – si rare dans sa contrée natale. Le genre de trucs qui le chauffe bien à faire un effort pour voyager en "terre inconnue". Ça tombe bien, le Printemps de Bourges revient du 16 au 21 avril avec pas mal de bonnes raisons de le faire sortir de sa grotte urbaine. Et on va même les aider en vous donnant une liste d’artistes à ne pas manquer sur place.

Le Printemps de Bourges Du 16 au 21 avril – Bourges Toutes les infos : printemps-bourges.com


Arnaud Rebotini Après une carrière réussie dans tous les domaines, le producteur avait continué sur sa lancée consécrative avec un César de la meilleure musique de film pour 120 battements par minute l’année dernière. Il nous en fera d’ailleurs une prestation live inédite en compagnie d’un orchestre de 8 musiciens et un montage des images du film en fond. Corine Qu’on soit en été ou en hiver, chez Corine, il fait chaud. Sur scène comme chez elle, les couleurs brillent, les regards brûlent et les paillettes scintillent. Égérie d’un néo-disco inspiré de la Nouvelle Vague et de l’époque du Minitel rose, elle ne peut s’empêcher de danser et nous faire danser. Simple fille de ta région, elle te la fera quitter pour la suivre jusqu’au bout de la nuit. KOMPROMAT C’est le duo qu’on a le plus hâte de vous faire découvrir. Vitalic et Rebeka Warrior se sont associés pour sortir un album tout droit venu des tréfonds de Berlin, rappelant

l’avant et l’après Mur avec la force de la musique électronique actuelle. Une production de génie à vivre en live et à ne surtout pas rater. Rendez Vous Le punk n’est pas mort. Même si Rendez Vous n’en est pas la forme la plus pure (ils ne souhaitent d’ailleurs aucune étiquette sur leur musique), peu de groupes français arrivent comme eux à mélanger toute l’essence de la musique industrielle, qu’elle soit post-punk, new wave, techno ou electro. Une bouffée d’air frais et violent qui vous claque à chaque note. Salut c’est cool Les mots nous en manqueraient presque tant la joyeuse bande de Salut c’est cool est indescriptible. Gonflé sera celui qui osera ranger la troupe dans une case. Un look déluré, une musique déjantée, un humour acéré… Salut c’est cool s’amuse depuis plusieurs années à casser les codes de la musique électronique pour en jouer et s’enjouer.


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MUSIQUE

PAPOOZ ÉCLIPSE TOTALE TEXTE PHOTOS

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LUCAS JAVELLE SARAH SIREL NAÏS BESSAIH


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PAPOOZ

C’est l’histoire d’un grand brun dégingandé et d’un très sérieux blondinet, attablés au Cravan, petit bistro du 16e. Dans leur innocence et leur complicité, ils ne s’attendaient pas à nous voir arriver avec nos grands sabots. Après un premier album aux antipodes qui respirait bon les palmiers et le sable chaud, Ulysse et Armand

reviennent avec Night Sketches, véritable ode aux nuits parisiennes et au monde urbain. On se devait donc de les tester, et leur montrer qu’au Bonbon Nuit, on aime les gens entiers. S’en suit alors un jeu du chat et de la souris, où l’on finira par se perdre nous-mêmes. Quelques heures plus tard, on quittera les lieux en pensant qu’ils doivent probablement nous détester ; « Les Papooz » nous auront, en tout cas, bien fait rigoler.


Le Bonbon On vous avait vus il y a 6 ans au Baron, vous devenez quoi depuis ? Ulysse : On est toujours les mêmes, des musiciens qui font de la musique. On joue juste à la Cigale au lieu de jouer au Baron. Armand : Cette époque nous a appris à faire des concerts, c’était très agréable et très familial comme boîte. Moi j’ai un souvenir ému de ça, mais je ne pourrais jamais être nostalgique. L.B.

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Pourtant on ressent beaucoup cette nostalgie dans votre musique… Les années Palace de la fin des 70's, le funk, le porno. Du funk porno, ça vous irait comme appellation ? Ça peut le faire. Je trouve ça moche comme terme… Chez un disquaire, ça ne donnerait pas envie de l’acheter ! Il y a des morceaux très sexuels quand même. Tant mieux ! On a essayé de faire un truc sensuel, mais on n’est pas du tout influencés par les musiques de film porno, on n’y connaît rien. C’est un porno, mais un beau porno érotique, style RTL9 de l’époque, interdit aux moins de 16 ans. On ne voit rien, on devine. Elles ne vous donnent pas envie de niquer, vos chansons ? C’est déjà tellement une masturbation – le fait de faire de la musique – que si tu t’écoutes et que tu niques sur tes propres chansons… Ce serait assez égotique. Par contre, il nous est arrivé que quelqu’un nous dise qu’il avait niqué sa meuf sur une de nos chansons. Pas qu’il l’avait demandée en mariage, mais que depuis ils étaient en couple ou un truc dans le genre. C’est émouvant.

L.B. U

Et gratifiant ? Bien sûr, c’est un honneur ! Des gens qui font l’amour et qui s’aiment sur ta chanson, c’est beau.

L.B. A

C’est quoi votre film porno préféré ? Je n’ai jamais retenu les titres… Pornhub, c’est un film, non ? (Rires) Je n’ai jamais eu d’émotion esthétique en regardant un porno, sauf une fois. Ça se passait dans une salle de bains, une scène lesbienne entre deux filles magnifiques sur un lavabo. Ça a dégagé un truc que j’ai ressenti. Mais c’est l’excès de réalité qui est bandant pour moi. Ouais, moi aussi. Plus c’est esthétisant, plus je me fais chier et j’ai envie de changer et prendre un truc un peu plus rough.

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Votre album est une ode à la nuit. Elles sont comment vos nuits ? Ça dépend, on ne fait pas tous les soirs la même chose sinon on s’ennuierait terriblement. Quand on écrivait l’album, je sortais avec mes potes en boîte de nuit ou bien je restais chez moi à faire de la musique. On voyait ce qui se passe, ce que le hasard allait nous apporter. Des endroits préférés ? À l’époque où on a fait l’album, c’était La Mano ; on allait principalement là-bas. Le Baron, il y a cinq ou six ans, mais on n’y va plus. On est très 10e quoi, rue du Faubourg Saint-Denis. De façon plus générale, la nuit, ça représente quoi pour vous ? Une manière de s’amuser, de s’échapper de notre quotidien. C’était ça qu’on souhaitait traiter, le fait d’essayer, à travers la nuit, de pourchasser cette joie que tu n’as pas au quotidien. Que parfois tu ne trouves


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“C’EST UN PORNO, MAIS UN BEAU PORNO ÉROTIQUE, STYLE RTL9 DE L’ÉPOQUE, INTERDIT AUX MOINS DE 16 ANS.”


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MUSIQUE

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même pas, et qui est un peu vaine en fait. Il peut arriver qu’à un moment t’aies besoin de sortir, que tu te fasses terriblement chier dans un club à 2h du mat’ et que tu te dises : « Putain, qu’est-ce que je fous là… » C’est universel. Il fallait qu’on en parle. Il y a un truc magnifique dans la nuit car les gens changent. Vu qu’il fait noir et qu’on boit, ça donne plus de confiance en soi. Ce que tu appelles les années Palace, c’est ça, cette idée de la fête socialement et culturellement mélangée. L’homme politique, le chard-clo, le dealer… Il y a une sorte de démocratie parfaite dans la nuit, quand c’est bien fait. Donc cet album, c’est la démocratie parfaite ? Ah nan ! C’est tellement apolitique, on n’a aucun titre sur le sujet. Être apolitique, c’est la démocratie parfaite ? Ça s’appelle l’anarchie, ça. L’homme est un animal tellement dégoûtant qu’il a besoin d’un truc subalterne qui le gouverne. Sinon ça serait complètement délirant de bêtise, non ? Ça a beau s’appeler Night Sketches, on ressent quand même vachement le soleil, la plage, les palmiers… Dans l’obscurité, tu peux voir des palmiers. Un peu comme une nuit à Miami. On aime bien faire de la musique dans une sorte de groove qui mette bien les gens. Tu peux composer des chansons solaires la nuit, ce n’est pas interdit. Sur cet album, la thématique est moins solaire et adolescente. Ce ressenti que tu as, c’est intrinsèque à la façon dont on fait de la musique. C’est malgré nous, génétiquement.

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Qu’est-ce qui ne vous a pas inspiré pour faire cet album ? La nature. On est influencé par pas mal de grooves et des tournes jazz. C’est vraiment de la musique de ville, pas de la campagne comme le blues. Le premier album était plus proche de la mer, on s’était mis au surf, on était partis dans des forêts… Sinon, clairement, les hommes politiques d’extrême-droite. Pourquoi abandonner la nature quand on aime autant le Cap Ferret ? On est deux Parisiens nés à Paris, pas au Cap Ferret. On a plus la ville dans le sang, c’est notre quotidien. On parle de ce qu’on vit, nous, chaque jour.

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Vous aimez les chiens ? Je les adore. Moi ça ne m’intéresse pas trop… Je n’en ai pas eu dans mon enfance. Pourquoi cette question ?

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Et pourquoi pas ? À part ça, vous continuerez quand même à faire des concerts de jour sur la plage ? Bien sûr ! Du moment qu’on nous le propose. On n’est pas devenus fascistes de la nuit juste parce que notre album s’appelle Night Sketches. (Rires)

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Requin Chagrin, Miel de Montagne, Vendredi sur Mer, Thérapie Taxi… Ditesnous Papooz, vous ne vous sentez pas exclus avec votre nom de groupe à un seul mot ? Franchement, on le vit plutôt bien. On n’était pas fans de notre nom, mais on s’y est fait. C’est comme quand tes parents t’appellent Michel, tu ne peux rien y faire. À la base on était tous les deux au Maroc à fumer du kif, je lui ai dit « Papooz », et voilà. On n’avait rien


“ IL Y A UNE SORTE DE DÉMOCRATIE PARFAITE DANS LA NUIT, QUAND C’EST BIEN FAIT.”

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d’autre. Mais j’aime bien le ring que ça a. Quand on est appelé en festival, ça donne : « Les Papooz ! » Ça fait une sorte de petite tribu amérindienne… (Rires)

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Vous écoutez quelques trucs actuels malgré tout ? Ouais, nos potes de La Femme, que j’aime beaucoup, et Feu ! Chatterton, même si j’écoute moins. Récemment j’ai vu Hubert Lenoir, un artiste canadien. C’est un des meilleurs concerts que j’ai vu dans ma vie. Une gifle. C’est intelligent, c’est émouvant. La musique transporte un truc.

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Est-ce que vous êtes gentils en vrai ? Oh oui, je pense même qu’on est adorables. Tout le monde est un peu gentil dans le fond. Je suis sûr que même beaucoup de méchanceté cache énormément de gentillesse. Quelle est la musique que vous n’auriez jamais voulu faire ? Une des musiques que j’admire le plus : le reggae. Par respect pour le genre, je serai incapable de jouer dans un groupe de reggae car ça groove de

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manière contraire à moi, petit blanc parisien. C’est faux, t’as une bonne rythmique de reggae. Je suis sûr que ça lui irait à merveille. Ça ferait le petit blanc entouré de noirs, il serait parfait. Le petit blanc entouré de noirs, ça fait un bon titre pour un disque, non ? (Rires) Armand, tu as un frère jumeau, alors comment on est sûr que c’est bien avec toi qu’on discute là ? Tu ne peux pas le savoir. (À Ulysse) Ils n’ont jamais essayé de te faire le coup de prendre la place de l’autre sur scène ? Non. Par contre, dans les boîtes, je suis très souvent avec le frère d’Armand, on le prend pour Armand et il fait croire que c’est le cas. Il en profite avec les filles. (Rires) Il faut bien qu’il y en ait un de nous deux qui en profite. (À Armand) Mais du coup s’il t’arrive une connerie, il y a quelqu’un pour te remplacer… Pour les photos, ça pourrait le faire. En plus il est plus beau son frère. Non je rigole, je te trouve plus beau. (Il s’approche du micro.) Il est vraiment plus beau Armand des fois. (Rires) C’est vraiment l’interview qui va foutre la merde dans tout notre réseau amical. Si on vous invite ce soir, vous venez ? Au karaoké, oui. Moi je suis très chaud de faire un bowling.

Papooz – Night Sketches Sortie le 8 mars En concert à la Cigale le 15 mai


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S’il n’est pas complètement exagéré de déclarer que le cinéma français manque généralement de fantaisie, de jeunes et inventifs cinéastes tentent malgré tout de lui redonner un souffle nouveau. Comment ? En produisant des films courageux et originaux dans le genre de celui qui nous concerne dans ces pages, et qui porte le nom évocateur mais mystérieux de

CINÉMA

BÊTES BLONDES TEXTE

LOUIS HAEFFNER


Un type tout droit sorti d’une sitcom des années 90 somnole dans un parc, seul au milieu des restes d’un pique-nique. La netteté de l’image et les victuailles étalées sur la nappe donnent à l’ensemble des airs de nature morte, quand on vient le réveiller. Ne se rappelant plus du tout ce qu’il fait là ni où il peut bien être d’ailleurs, Fabien accepte un verre de vin et une cigarette avant de fuir cette nouvelle compagnie, une assiette remplie de saumon fumé bio entre les mains. Dans sa quête du RER le plus proche (« Drôle d’idée ! » lui répond-on alors qu’il pose la question), il rencontre Yoni, un jeune

dont les jeunes femmes exercent un talent étrange pour le sifflement, une alchimiste scatophile, une jeune sculptrice sur bois ayant obtenu son permis qui a peur de conduire, deux jeunes loubards en jogging Sergio Tacchini dont le père souhaite les inscrire en école de design, un chaman antillais tenancier de sex shop et fan inconditionnel de cette même sitcom des années 90 évoquée plus haut, et tout un bestiaire dont la fonction symbolique s’inscrit vite concrètement dans le développement du récit. Avec une volonté permanente d’égarer le spectateur pour

homme beau comme la vie, triste comme la mort, une tête pleine de souvenirs en bandoulière. Désormais liés par l’infortune, leurs chemins vont s’entrecroiser jusqu’au petit matin suivant.

mieux le rapprocher de leurs personnages, Alexia Walther et Maxime Matray tissent une toile narrative qui prend corps à mesure que Fabien se dévoile. Comme lui, on est perdu, on ne sait pas où on va ni à quoi s’accrocher, et le temps s’écoule sans aucune logique, entrecoupé par des périodes de rêve total, ou alors serait-ce… ? On a pris un truc ? On ne sait plus, notre métabolisme ne synthétise plus la vitamine C, non, D, enfin bref, on a oublié.

Baignés dans une atmosphère éthérée, naviguant constamment entre le rêve et l’hallucination, on accompagne ces deux héros au charme suranné dans une quête initiatique qui les mettra aux prises avec, successivement : une famille bourgeoise


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CLAIR OBSCUR, L’ÉDITO CINÉMA


Lorsqu’enfin la pudeur s’impose devant le scandale médiatique, que le combat de vies balafrées s’exporte à l’écran en dictant sa liberté face à une justice bienveillante (Grâce à Dieu de F. Ozon), il n’est pas l’heure de s’arrêter. TEXTE PIERIG LERAY Dans un combat devenu hebdomadaire, les cris deviennent moins audibles, le combat peut sembler s’essouffler dans un célèbre vent de l’épuisement médiatique dompté par les audiences de chaines d’informations. Et pourtant, l’air révolutionnaire français n’a jamais été aussi pur. Et au-delà de la bataille politique des Gilets jaunes, c’est bien le combat identitaire d’une liberté de penser qui est en jeu (lire l'appel à l'indépendance des Fiches du cinéma). Cette liberté d’être et de décider sans se faire juger par la bien-pensance haineuse et la perversité archaïque des extrêmes. Imposer sa personnalité interne, savoir dire non, et ne laisser aucune perméabilité à la connerie et la violence idéologique nauséabonde. Entre Boy Erased de J. Edgerton et le Dumbo de Tim Burton (27 mars), c’est le désir commun d’identité qui se dessine à travers pour l’un le combat d’une orientation sexuelle, pour l’autre le droit à la vie et à la liberté. Les grandes oreilles de Dumbo risées du peuple, métaphoriquement transformées en ailes expiatoires. Jared et ses 19 ans, face à une thérapie de reconversion pour soigner son homosexualité fantasmée comme pathologique dans la campagne américaine. Une histoire vraie, baignée dans une actualité toute aussi flippante lorsque l’on lit les déclarations du psychopathe Bolsonaro au Brésil. Rien n’est aujourd’hui plus impossible, les combats du passé ressurgissent, ce que l’on pensait acquis remis en cause. Et c’est aussi le propos de L’arche russe de S. Sokurov (qui ressort en

salles le 27 mars), voyage temporel à travers l’histoire de la Russie du XVIIIe siècle à nos jours, faisant ainsi un parallélisme terrifiant entre les complaintes sociales d’une époque que l’on penserait rétrograde au régime poutinien de la peur aujourd’hui. Tout se dessine alors comme une ronde circulaire ininterrompue où erreurs et révolutions se répètent sans cesse au cours de notre Histoire. Dans un tel contexte social, Xavier Dolan prend le contre-pied avec sa fable Ma vie avec John F. Donovan (sortie le 13 mars), lui qui court toujours après l’amour de sa mère, ce qui d’ailleurs fait bien jouir de plaisir la trentenaire en perte de repères, décrit ici la correspondance écrite entre un enfant et une star de la télévision américaine. Ce qui n’est rien d’autre que l’expression générationnelle du penchant narcissique de cette icône pop ne parlant finalement que de lui, de son rêve d’enfant magnifié par la starification du système, lui qui se dit mal à l’aise sur les plateaux télés en posant naturellement avec des sacs Vuitton. En parlant de Xavier Dolan, et de ses premiers pas hollywoodiens, comment ne pas voir l’escroquerie d’un talent indéniable devenu cliché de lui-même, lui qui se battait pour une cause noble (encore cette question d’identité soulevée plus haut) mais qui devient ici l’apogée de ce qu’il a probablement toujours voulu éviter. Entre narcissisme, combat identitaire et vent historique, en mars, on cogite en salle. Et on évite de s’abrutir (au hasard, Captain Marvel).


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MANON MERRIEN-JOLY NAÏS BESSAIH

STYLE

LA SÉRAPHO THÈQUE

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Tous les mois, Le Bonbon se mue en une Distyllerie, décomposant le style et les références esthétiques de ceux qui donnent le pouls du Paris d’aujourd’hui. Ce mois-ci, Le Bonbon a fait la rencontre d’Anna Séraphie El-Agri dans sa Séraphothèque à Pantin, cabinet de curiosités vestimentaires établi au beau milieu d’une zone industrielle en pleine reconversion (gentrification, diront certains).


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à cette génération slasheur, raillée dans sa globalité mais qui force le respect une fois individualisée.

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ANNA SÉRAPHIE

VOGUE, HLM ET RÊVES DE GOSSE

La première fois que j’ai rencontré Anna, c’était assise, une demi-fesse sur son plan de travail, le coude placé perpendiculairement à ma cuisse façon Delahousse pendant que son coloc’ m’expliquait pourquoi fumer des feuilles de tisane était meilleur pour la santé que de rouler avec du tabac classique. La seconde d’après, je me retrouve face à un visage rieur, enseveli sous une masse de boucles. Cette grande brindille de 24 ans me reçoit dans un pantalon large vert émeraude, babouches oranges aux pieds. À cet instant-là, rien n’indique qu’elle écume régulièrement les showrooms et les podiums d’Azzedine Alaïa, Vivienne Westwood ou Jean-Charles de Castelbajac et traverse les fuseaux horaires plus vite qu’il ne faut de temps pour dire : « Tu veux une tisane ? ». Mannequin donc, mais aussi styliste, photographe et surtout chineuse à ses heures perdues, Anna Séraphie El-Agri appartient

Née en Aveyron, à Millau, « dans un trou paumé, enfin, que les gens connaissent parce qu’il y a du fromage et le viaduc », Anna grandit dans un HLM avec sa mère. Pour seule richesse environnante, les montagnes verdoyantes qui se déploient à perte de vue dans la région. « J’ai toujours été la folle du lycée, à m’habiller de façon un peu bizarre » commence-t-elle en soufflant au-dessus de sa tasse. « Je n’avais qu’une seule envie, c’était de partir à Paris, ce que j’ai fait à 18 ans. » Elle parle du nez et sa voix rauque témoigne de la semaine de périple hivernal qu’elle vient de traverser en van sur les routes allemandes. Elle y a chiné les sapes qui se déploient autour des gros canapés en cuir sur lesquelles on est assises. Un polo estampillé Lidl, un t-shirt officiel de la Gendarmerie Nationale ou encore des salopettes de chantier viendront exciter les modeux animés par un désir de nouveautés en matière de vintage qui prend aux tripes.

LES ANNÉES MANNEQUINAT EN ASIE : “C’EST UNE VRAIE MAFIA” Elle tripote ses boucles, qui n’ont pas toujours été de bonne augure dans un secteur où uniformité des corps et visages anguleux sont de mise : « On m’a demandé de me lisser les cheveux. Les métisses, ce n’était pas du tout à la mode à l’époque. J’avais 19 ans, c’était il n’y a pas si longtemps. » Paris l’oppresse, elle s’envole au Japon pour un mois avec son frère, puis part en solo : « J’ai escaladé le Mont Fuji seule, je me suis perdue dans les rues de Tokyo, j’ai déambulé et avant-même de rentrer à Paris, j’avais décidé que j'y retournerai. » Si bien que deux mois après, elle repartait un an en Asie faire du mannequinat à Pékin et à Bangkok


“J’ÉTAIS LÀ PARCE QUE LES GENS AVAIENT BESOIN D’UNE AMBIANCE…” où s’enchaînent castings, contrats, fêtes en boîte de nuit qui s’achèvent à l’aube sur fond d’illégalité et de mafia asiatique : « Quand t’es mannequin, explique-t-elle, tu possèdes un visa de touriste et les agents t’embauchent en investissant sur toi : ils vont te payer ton billet aller donc ils attendent que tu rembourses tous tes frais de voyage et d’appartement. C’est seulement ensuite que tu te fais de l’argent. D’ailleurs, si tu te fais arrêter par les flics, t’es en visa de touriste et donc pas autorisée à travailler. » Lassée d’être « payée pour être belle » elle part de Pékin trois mois après pour gagner Bangkok : « J’ai stoppé la fête pendant des mois, j’ai arpenté le Cambodge en sac à dos, puis il était temps de rentrer à Paris. »

MAL PARTIE, BIEN ARRIVÉE À son retour, elle déniche une chambre délabrée au dernier étage d’un immeuble rue Notre-Dame de Nazareth, dans le quartier de République. « J’arrive en 2015, après le scandale de la rue Jeune, se souvient-elle. Je rencontre tous les tontons du quartier qui me présentent ce "parrain" qui me file une boutique de 30 mètres carrés. Je repars dans le sud, dévalise toutes les assos environnantes, les brocantes et monte le shop complètement à l’arrache. J’ouvrais le 16 novembre, le lendemain de la nuit des attentats. J’étais choquée. Je me suis dit que, vu le truc horrible qui s’était passé, j’allais donner plein de chaleur aux gens : j’ai mis les vinyles à fond, et j’ai tenu la barque. Je n’étais pas là pour l’argent, mais parce que les gens avaient besoin d’une ambiance, d’être ensemble, de boire un thé affalé sur les canapés que j’avais mis dehors.

C’était probablement illégal, les flics de la rue ne me disaient rien ; à ce moment-là, ils avaient d’autres chats à fouetter. » Après plusieurs pop-up stores à succès et l’ouverture d’un deuxième shop par la suite, Anna décide de s’installer à Pantin et d’investir ce lieu.

“LA MODE, C’EST QUELQUE CHOSE DE TRÈS PUISSANT, MALGRÉ CE QUE L’ON PEUT EN DIRE” : DU MANNEQUINAT AU STYLISME, IL N’Y A QU’UN ŒIL ? C’est à ce moment que tombent les premières commandes pour des shootings, reflétant une tendance de fond à la réutilisation et au recyclage que le retour du vintage annonçait depuis dix ans. Ce phénomène est devenu global et les friperies que l’on trouve à Paris sont gangrénées par des stocks identiques, de mauvaise qualité  : « Je me suis rendue compte petit à petit qu’il y avait une différence énorme entre le fait d’acheter des vêtements pas chers et venir entre potes passer des heures à fouiller et boire du café, sans être oppressé par une vendeuse qui veut absolument faire son chiffre. » Elle passe la moitié de son temps à chiner, en camping-car sur les routes de France et d’Allemagne, confie être tombée amoureuse d’un Allemand l’été dernier. Il est tatoueur et s’installe prochainement à la Séraphotèque (Hellman Tattoo, pour les intéressés). Je n’avais pas fini d’écrire ce papier qu’elle me remerciait déjà, toute en joie et fébrilité. Mettant toute modestie de côté, je peux me targuer d’avoir évité de vous vendre les mérites d’un énième concept-store et ne peut que vous conseiller d’éprouver ce genre d’impulsion qui vous pousse à enfiler une paire de santiags blanches avec une combi des Scouts de France jaune poussin. C’est tout le mal que je vous souhaite. Instagram : @seraphoteque Infos : laseraphotheque@gmail.com


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DJEUHDJOAH

ET LE LIEUTENANT NICHOLSON


Un grand sourire aux lèvres, c’est l’image que l’on retient de DjeuhDjoah et le Lieutenant Nicholson. Question après question, ils nous répondent avec aisance, parfois l’un, parfois l’autre, sans jamais s’interrompre et sans jamais se contredire. Ensemble dans la musique depuis 2006, leur complicité n’en est pas à ses premiers jours. « Un jour, raconte DjeuhDjoah, un ami nous a présentés l’un à l’autre. Assez rapidement, on s’est mis à faire de la musique ensemble. Ça a tilté direct. On s’invitait sur nos concerts respectifs, jusqu’à que faire un duo devienne évident. » Dans leur composition, les deux compères se complètent. Si l’un a plus de prédilection à la technique et aux arrangements, le travail se fait main dans la main. « Il n’y a pas de loi, explique le Lieutenant Nicholson. Ça se fait assez naturellement, on ne se pose pas de questions. » Rien ne destinait pourtant ces deux artistes à se rencontrer. Avant la musique, il y avait autre chose. Mais l’un comme l’autre ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas vivre sans. « Quand tu commences à en jouer, que tu aimes ça… Ça devient plus fort qu’une passion. C’est plus fort que nous. » En presque treize ans, le duo a su rester discret, avant de sortir T’es qui ?, leur premier album, en 2015. Bien accueilli par le public, les critiques évoquent le soleil, un trésor musical, des mélodies chaleureuses… Leur musique puise

ses racines dans la rencontre entre deux continents : l’Afrique et l’Europe. « On met ce qu’on est dans la musique. On est le fruit d’une histoire entre ces deux mondes. » Aujourd’hui, ils nous reviennent avec leur second opus, Aimez ces airs. Un nom qui rebondit sur l’un des morceaux centraux de l’album : "Aimé Césaire". « On a trouvé ça drôle d’en faire un jeu de mots en trois temps. Ça rend doublement hommage à ce grand homme. » Toujours teinté de cette musique « afropéenne », comme DjeuhDjoah aime l’appeler avec humour, ils nous présentent leur projet, notamment le titre "El Niño", prise de conscience sur le réchauffement climatique. « On m’avait demandé de faire une musique pour une ONG, précise le Lieutenant. Finalement, on a trouvé que le morceau était bien, donc on l’a gardé pour nous ! C’est un regard un peu naïf sur ce qui se passe, comme si des enfants se posaient des questions sur tous ces changements climatiques. » Préoccupés mais pas dénonciateurs, DjeuhDjoah & Lieutenant Nicholson abordent divers sujets avec humour et bonne humeur, à l’image de leurs clips déjantés. Une découverte parfaite pour l’hiver, l’été, qu’il fasse chaud ou qu’il fasse froid ! DjeuhDjoah & Lieutenant Nicholson Aimez ces airs Sortie le 8 mars 2019


DURE VIE, À 2 C’EST MIEUX

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SORTIE

Ils nous avaient donné rendez-vous mardi. Puis mercredi. On aura finalement réussi à les voir entre deux évènements, isolés dans la salle de bains du Pavillon des Canaux où l’intimité de la baignoire se prête fort à l’exercice. Benjamin “Gonzo” Charvet et Mazen “Duke” Nasri n’arrêtent pas d’animer la galerie, que ce soit nous spectateurs de l’instant ou le tout Paris de la nuit. Inséparables, ils passent leur temps à travailler et organiser des fêtes ; les deux amis nous semblent surtout infatigables. On les avait rencontrés il y a un an à l’occasion de leurs cinq ans et le compteur continue de tourner. Il semblerait pourtant que tout aille beaucoup plus vite ces derniers temps pour la Dure Vie family.

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LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH


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C’est quoi le bilan après un an de plus ? Duke : Ça avait commencé par la même question la dernière fois… (Rires) Gonzo : En un an, le bilan c’est les nouveaux évènements qu’on a pu créer, pas mal de collaborations. On s’est approprié un établissement comme le YOYO ; avant on était surtout en club, mais maintenant on veut véritablement tout contrôler de A à Z. Produire, avoir nos propres équipes au bar, avoir nos propres agents de sécurité… Pour ne pas avoir de souci derrière, pour être plus libre de faire ce qu’on veut en termes de délire et de scénographie. On a aussi commencé à travailler sur des projets parallèles. Je suis devenu programmateur chef de projet dans l’agence Bonjour/Bonsoir, toujours directeur artistique au Panic Room. Pas mal de choses dans les cordes quoi… D.

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Et du coup Duke, tu fais quelque chose à côté ? Moi je travaille dans le parfum pour une maison qui s’appelle Dorin en tant que directeur artistique. J’ai également monté un studio de création olfactif dont la mission est d’intégrer les odeurs au sein des stratégies de marque – donc toujours dans l’évènementiel mais pas du tout dans la musique. Plutôt que de vous buter avec deux jours de prod’ de suite, c’est quand que vous nous faites votre festival sur deux/trois jours ? Et on n’en parle plus ? (Rires) On a toujours voulu prendre notre temps sur tous nos projets, sur le plan média et sur le plan évènementiel. C’est compliqué d’assumer un double rôle en tant que média ou promoteur, et ce qui est intéressant c’est qu’on bosse sur plusieurs projets différents avec toujours cette volonté d’aller à

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l’étape supérieure. Mais c’est quand même en construction. Vous vous servez de votre savoir pour faire d’autres choses. On n’a pas eu trop le choix, tu sais. Ça fait cinq ans qu’on bosse ensemble 24h/24. On a eu des hauts et des bas, comme toute boîte. Ça a un peu tué "Gonzo & Duke" (du duo emblématique de Las Vegas Parano, ndlr) ? Pas du tout, au contraire. C’est ça qui est assez incroyable : au bout de cinq ans, on a beaucoup trimé, mais aujourd’hui on s’autogère. Monter chacun sa structure nous a permis de resserrer des liens qu’on n’avait quasiment plus. Ça devenait trop professionnel ? Mélanger potes et professionnel H24, c’est très compliqué. On n’évoluait plus personnellement, on évoluait ensemble. On perdait Gonzo & Duke, c’était simplement Dure Vie. Là, on le retrouve beaucoup plus parce que Benjamin se nourrit avec ses projets, moi avec les miens. Tous les réseaux qu’on va se faire chacun de notre côté nous rendent encore beaucoup plus libres de nos mouvements, et ça ouvre le champ des possibles. La question du bilan était intéressante parce qu’on remarque que cette dernière année était bien plus intense que les cinq précédentes. Sur le média, surtout, on était très limités parce que ce n’est pas notre métier. On l’a fondé mais on ne pouvait plus le piloter, alors on a laissé Jade avoir carte blanche là-dessus. On a dû se diversifier, tellement Facebook nous bloque sur certains contenus.


Aujourd’hui, tu es obligé de faire de la vidéo et des contenus un peu marrants pour avoir ce mot que tout le monde emploie : le "reach" (portée des publications sur les réseaux sociaux, nldr). G.

Le fameux reach. Un enfer. On est tous à la course au reach, on en parle tous au bureau, ça nous énerve tout le temps… On est devenus tributaires de ça et c’est assez chiant. Mine de rien, tu es quand même obligé de jouer pas mal là-dessus. Une machine que tu dois gérer, contrôler et vérifier au quotidien comment elle change. Le milieu de l’évènementiel peut vachement en souffrir, parce que tout se passe sur Facebook depuis dix ans, de A à Z. Ça serait intéressant d’avoir une nouvelle plateforme entièrement dédiée à l’évènementiel, où on répertorierait tout. Pas comme un agenda, mais un vrai truc particulier. Parce que si demain, Facebook se pète la gueule, 90% des promoteurs ne sauront plus comment travailler.

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Comme disait Booba, vous êtes devenus ce que vous auriez dû être. C’est une question ou une affirmation ? (Rires) Dès le départ, tu ne penses pas vraiment à ce que tu veux être, mais ce que tu veux faire. Ce sont les projets qui te façonnent. On a atteint un niveau, depuis un an, qui fait que les rencontres et le temps font véritablement ce qu’on est. Si on en est là, c’est aussi parce qu’on ne s’est jamais arrêtés de bosser. Depuis six ans, tous les jours on a bossé sur Dure Vie. Du coup, qui a la plus grosse… péniche ? Concrete ou CARGØ ? Je vais répondre parce que c’est objectif de mon côté et que lui va défendre son truc. (Rires) Je pense que les navires ne sont pas amarrés dans le même port. On ne fait pas la même chose non plus. Concrete, c’est ce qui nous inspire le plus en termes de direction artistique et musicale. Notre concept est un peu plus différent, pas uniquement axé sur la musique mais aussi


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une ambiance. Ça raconte quelque chose, on fait intervenir les Sœurs Malsaines qui font des animations.

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L’année dernière, vous vouliez un samedimanche (la mensuelle sur tout un week-end de Concrete, nldr). Cette année, vous avez CARGØ, est-ce que ce n’est pas mieux ? Nan, parce que pour le coup, ce n’est pas un projet Dure Vie mais quelque chose à part. Alors, comme l’année dernière, si Brice (directeur artistique de la péniche, nldr) nous donne un samedimanche, on sera ravi ! Non, moi je pense qu’il faut la jouer autrement. Je vais plutôt demander à Brice de ne pas nous donner de samedimanche parce qu’on n’a pas du tout envie de le faire. On verra si ça ne fait pas l’effet inverse. Ou alors un lundimardi. S’il nous le donne, on est ultra chaud pour relever le défi. Avec tout ça, vous arrivez quand même à voir vos potes ? Franchement, ce qui me nourrit le plus, c’est de réussir à le faire, mais ça fait vraiment un an que ça arrive très peu. Avec tout le travail qu’on a, c’est très dur d’avoir une vie à côté. Pour ma part, je vis boulot de 8h à 23h. De mon côté, c’est dur aussi. J’ai trouvé une technique : chaque semaine, je prévois la semaine suivante. Comme le sport, je sais quel jour et quelle heure et ça ne bouge pas. Si tu prévois, ça passe, sinon le boulot prend le dessus. Et en un an, est-ce que le public parisien a changé ? Je trouve que c’est bien, là. Je vais défendre l’indéfendable, mais, si quand on avait 18 ou 19 ans, il y avait une offre de teufs aussi énorme que maintenant, on les aurait faites. Même si on ne ressemblait pas à

grand chose. C’est vrai que c’est devenu un phénomène de mode d’aller en club, d’écouter de la musique électronique. C’est devenu "stylé" de savoir quel DJ joue. Ah, pardon… (Il répond à un appel important.) Vas-y, pose-moi une question perso.

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Tu ne veux pas arrêter de bosser avec lui ? (Il s’approche de l’enregistreur.) Attends, discret, je vais parler ici. (Rires) Non, je ne pourrais pas trop m’arrêter de bosser avec lui. On a eu un enfant il y a six ans maintenant qui a bien grandi et qui est indissociable de nos deux personnes. Il y a toujours des doutes, mais c’est surtout parce qu’on a besoin de faire des choix pour avancer. On a envie de se renouveler.

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Parlons un peu de l’anniversaire ! Bien sûr ! C’est le 8 mars. On a Culoe de Song, le nouveau live de LB aka Labat qui est très chaud… Et on réinvite aussi G’Boï & Jean-Mi, mais là c’est plus un petit clin d’oeil, une petite dédicace, parce que ce sont des bons potes et qu’ils n’ont jamais fait une grosse scène de Dure Vie. Il y aura peut-être un autre artiste, mais on ne sait pas encore, on va voir. Ça va vraiment – vraiment – être de la balle. En plus, comme le concept c’est "l’extraordinaire carnaval de Dure Vie", tout le monde doit être costumé. Et la soirée naturiste, c’est pour quand ? En vrai, ça serait cool ! On pourrait potentiellement. Comment ils font les naturistes pour payer vu qu’ils n’ont pas de poches ? Ils se désappent à l’entrée…

L’extraordinaire carnaval de Dure Vie YOYO – Vendredi 8 mars Plus d’infos sur durevie.paris


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LES FEMMES S’EN MÊLENT #22 Parce que pendant trop longtemps, le monde a été appréhendé à travers le regard masculin, Les Femmes S’en Mêlent pour affirmer leur pouvoir de création dans toute la France. Et quelle créativité… Une effervescence qui bouleverse les codes, et que l’on ne peut s’empêcher de continuer à encourager tant le talent est présent.

MUSIQUE

Voilà maintenant vingt-deux ans que le festival a à cœur de montrer au grand public la richesse du regard que les femmes peuvent porter sur le monde. Un regard singulier et moderne, qui fait toujours sens d’innovation et de création. C’est donc de ce désir de mettre la scène musicale féminine indépendante en avant qu’est né le festival, le 8 mars 1997, journée internationale des droits des femmes. Coïncidence ? Bien sûr que non. Ce sens de la précision, on le retrouve aussi dans le choix de la programmation, qui se porte toujours garante d’un éclectisme éminent. Car les Femmes S’en Mêlent ne répond que sous le nom de « diversité » ; il est primordial pour le festival de révéler les grands talents issus de tous les genres. D’entremêler la folk de Shannon Wright, la nouvelle variété française de Clara Luciani et l’électro queer des Robots In Disguise jusqu’au hip-hop de Little Simz. Le festival est novateur et révèle au grand jour des figures féminines devenues aujourd’hui


emblématiques comme Christine & The Queens, Cat Power ou Jeanne Added. Sans oublier la chance qu’il nous a offerte de voir pour la toute première fois en France les talentueuses Feist et M.I.A. Du 4 au 6 avril, nous aurons le plaisir de voir se produire sur les scènes extérieure et intérieure du Trabendo des artistes au caractère singulier et affirmé, dont la créativité va de pair avec modernité. Une programmation riche en styles, venue des quatre coins du monde, qui saura

autant réjouir les amateurs de musiques électroniques, de rock, de pop ou de folk. Nous y verrons ainsi Camilla Sparksss et son style électronique expérimental, Requin Chagrin et sa new wave mélancolique, Tiny Ruins et sa folk lyrique, Anna Calvi et son rock indie, ou encore PONGO et son afrobeat puissant : des identités fortes et bien ancrées dans leur époque. Festival Les Femmes S’en Mêlent #22 211, avenue Jean Jaurès – 19e Du 4 avril au 6 avril


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MERCREDI 6 MARS 20h Point Éphémère Le Drag Bingo 00h Rex Club 7€ Subtyl x Rex Club : Boston 168 JEUDI 7 MARS 19h La Cigale 35€ Kamasi Washington 20h Point Éphémère 18€ Muddy Monk VENDREDI 8 MARS 23h YOYO Palais de Tokyo 21€ L’extraordinaire Carnaval de Dure Vie 00h La Machine du Moulin Rouge 13€ AZF all night long 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 9 MARS 23h Pavillon Cambon 32€ Chez Gustave : Moodymann 23h La Machine du Moulin Rouge 17€ Encore La Mamie’s! Tom Trago 23h Trabendo 20€ Tsugi Superclub : Jeff Mills DIMANCHE 10 MARS 03h Café Barge 10€ INSoMNia 12 hours

AGENDA

JEUDI 14 MARS 20h Versailles 20€ Festival Electrochic 22h NF-34 10€ Les Éveillés w/ Fluxion live, DJ Pete... 00h Rex Club 8€ NADSAT w/ Trym, Krampf, Von Bikräv… VENDREDI 15 MARS 00h Faust 15€ Electric Circus w/ Musumeci, Remcord... 00h La Machine du Moulin Rouge 18€ Quartiers Rouges .09

00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 16 MARS 19h La Gaîté Lyrique 15€ Computer Grrrls x Barbi(e)turix 00h Glazart 20€ Heretik System + After VENDREDI 22 MARS 23h Nouveau Casino House Of Underground: Boo Williams 00h Petit Bain 9€ PWFM Springclub n°1 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 23 MARS 23h Concrete 15€ Concrete x Whities: Avalon Emerson, Bambounou, Giant Swan Live 00h La Machine du Moulin Rouge 17€ La Mamie’s : Cooking With Palms Trax DIMANCHE 24 MARS 00h Rex Club 25€ Rex Club presente: Laurent Garnier & S3A VENDREDI 29 MARS 23h Garage 5€ Garage : une soirée 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 30 MARS 22h Djoon 15€ La Maison Sarcus #4 00h Glazart 21€ Road To Insane w/ Obs.cur Crew – Glazart JEUDI 4 AVRIL 19h Trabendo 50€ Festival Les Femmes S’en Mêlent




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