Keith n°7 FREAKS

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édito

édito

Le Freak, c'est chic !

Bon alors on l'aura compris, c'est vraiment pas la bonne période pour parler de fric. Surtout pour la presse. Suffit de regarder la taille des magazines en kiosques, qui ont quasiment tous diminué de moitié, faute de pub. Et il parait même que les Inrocks vendent leur couv' à des maisons de disques ou d'édition. Quelle tristesse… La crise, ou la lente agonie de la presse écrite. Enfin bon, tout ça, ras le bol d'en parler. On s'est assez plaint, maintenant faut se battre. Donc à défaut de parler de fric, on s'est dit qu'on pourrait parler de « Freaks ». Et ça, pour le coup, c'est vraiment d'actualité. Parce ce que, pour commencer, je me suis amusé à chercher quelques définitions du mot « Freak ». Je lis d'abord : « quelqu'un ou quelque chose de marginal, d'inhabituel, d'original, qui vit au jour le jour » et pas mal de trucs de ce genre. Alors déjà, c'est clair, Keith est carrément Freak. Et puis après, et c'est là que ça devient marrant, c'est aussi et surtout quelque chose de monstrueux, de bizarre, voir de moche. Une curiosité, qu'on met à l'écart parce qu'elle fait peur, qu'elle est laide ou effrayante. Et quand on réfléchit à cette définition, on se rend compte qu'aujourd'hui, c'est le grand retour du Freaks ! Anthony and the Johnsons… Freak androgyne. Régine qui sort un album à 112 ans… Freak vintage. Orlan qui se fait greffer une pommette au dessus de l'œil… Freak esthétique. Ricky, le nouveau Ozon... Bébé Freak. Hortefeux Ministre du Travail… Freak qui fait peur. Dati qui ne veut pas dire qui est le père de sa fille… C'est parce que c'est un Freak ! Sarkozy… Forcément, ya toujours un nain dans les troupes de Freaks. Le jury de la Nouvelle Star… Vitrine de vieux Freaks. Mickey Rourke en catcheur… Freak agressif. Mouloud au Grand Journal… Freak boulimique. J'en passe, et des meilleurs. Mais vous voyez, ils sont partout ! Mais il y a aussi des Freaks cool, et des bonnes histoires de Freaks. Alors tournez la page. Basile de Bure

KEITH 37, rue des Mathurins – 75008 Paris www.whoiskeith.com Direction : directeur de la publication Benjamin Blanck, benjaminblanck@keith-mag.com Rédaction : directeur de la rédaction Basile de Bure, basiledebure@keith-mag.com directeur artistique / illustrations Julien Crouigneau (designJune), julien@designjune.com rédacteurs en chef adjoints Léonard Billot, leonardbillot@keith-mag.com Clémentine Goldszal, clementinegoldszal@keith-mag.com

Rubriques : - cinéma : Stan Coppin - art : Dorothée Tramoni - musique : Clémentine Goldszal - littérature : Léonard Billot, Augustin Trapenard - théâtre : Nicolas Roux - design : Edouard Michel - mode : Laure Bernard Ont collaboré à ce numéro : Mateusz Bialecki , Charles de Boisseguin, Julia Canarelli, Donatien Cras de Belleval , Alphonse Doisnel, Marjorie Donnart, Mathilde Enthoven, Alain Guillerme, Hadrien Hennequin, Benjamin Kerber, François Kraft, Céline Laurens , Juliette Morice, Severin Muet, Donatella Musco, Eric Pellerin, Louise Ridel, Marco Rochas, Laura Roguet, Camille Rowe, Pierre de Rougé, Jean-Baptiste Telle, Hélèna Villovitch

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Photographes : Laure Bernard, Sophie Jarry Special Thanks : Simon Battaglia, Philippe Blanck, Delphine Brunet, Aïna de Bure, Eglée de Bure, Gilles de Bure, Barbara Dumas, Alexandre de Lamberterie (créateur du logo Keith), Olivia de Lamberterie, Clara Piaton, Claude de Rougé, Romain Smajda Le magazine KEITH est édité par la société WHO IS KEITH ? SARL au capital de 1000 euros RCS Paris 492 845 714 ISSN en cours. Dépôt légal à parution. Imprimé en France. Ne pas jeter sur la voie publique.


Freaky Paris

sommaire

(bouh)

Costa-Gavras

Birdy Nam Nam (c’est quand même la classe…)

Sophie Jarry amie !)

(c’est notre

(ça fait très mal)

I Want to Break Freak Pharrell fait son Starck

Dantec pété aux amphets

Klingon ou Vulcain ? Little Joy, groupe

Grand

- Good news !

Keith fête son anniversaire p.6-7

- A l'antenne :

Jonathan Lambert : Fallait pas l'inviter ! p.8-9

- Dossier : Freaky Paris p.10-17

- Cinéma :

Morse, Milk, Walkyrie, The Wrestler, L'étrange histoire de Benjamin Button, 24 city, Tulpan, The Chaser, Bouzkachi p.17-20 Costa-Gavras : Accoster Costa p.22-25

- Art :

Keith aime Sophie Jarry, Damian Ortega, Olivier Millagou, Vidya Gastaldon, Warhol TV… p.27-29

- Musique :

Birdy Nam Nam : Oiseaux de nuit p.31-35 Chroniques sous taz : Belaire, General Electriks, The Black Box Revelation, Who Made Who, La nouvelle scène electro p.36-37 The Yolks : Now Future p.38-39 Actu : Eagles Of Death Metal, Secret Machines, Andrew Bird, Franz Ferdinand, Glasvegas, Nickel Eye, Stuck In The Sound, Alela Diane, La Freaks music, Hip Hop prospect p.40-43 Little Joy p.44-47 Introducing… LAVIOLETTE p.48-49 Vu : Ben Kweller, Dirty Pretty Things, Pete Doherty, Eugene McGuinness, Matt Elliott en live p.50-51

- Littérature :

Edito : La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao, de Junot Diaz p.53 Le scandale de la saison, Comme le fantôme d'un jazzman dans la station mir en déroute, Glu, Mezzanine, La pluie, avant qu'elle tombe, El ultimo lector, Septième voile, Le secret du mal, La récolte littéraire des frimats, La Freak Lit' p.54-57 Je m'appelle Charles Dantzig ! P.58-59

- Théâtre :

Mélanie Thierry : Baby idole p.60-61

- Design :

Pharrell Williams : Pattes D'Eph p.62-63

- Mode :

I Want to Break Freak p.65-73 En un éclair p.74-75

- ailleurs :

Le Jazz à New York : Modern Forever p.76-77

- minuscules :

laure de clermont : mademoiselle a du talent p.78-79

- Keith Story :

Hélèna Villovitch : Ces affreux sacs presque exclusivement remplis d'eau. p.80-81


Good news : Keith tient la baraque !

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Good News

Le 16 décembre dernier, à l'occasion de la sortie de notre numéro 6, Keith fêtait ses un an chez Régine. Une soirée mémorable, un show exceptionnel, dont voici un petit aperçu pour ceux qui auraient, par malheur, raté l'événement. Alors merci à vous tous qui étiez présents ce soir-là. Merci à Hugh Coltman, Benjamin Siksou, HMCEE, The Mantis et Signal pour leurs performances. Merci à vous, lecteurs assidus, qui contribuez à faire de Keith un véritable succès. Et merci à Dieu et ma mère (j'ai lu ça dans plein de pochettes d'album de rap, je trouvais ça cool). Longue vie à Keith ! Le combat continue. Photos : Laure Bernard.

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Tu as raté la fête ? Bonne nouvelle, on remet ça le vendredi 13 février au New York Club Paris, LA nouvelle boîte qui va changer ta vie, de 22h à 6h (programmation dévoilée très bientôt). En attendant, Elegangz t'y fait danser toutes les nuits jusqu'à l'aube, à grand coup de concerts live et de DJ sets de folies. Alors si tu cherches un endroit où sortir, n'hésite plus, cours au 130 rue de Rivoli. Pour plus d'informations sur le New York Club : lolita.sene@elegangz.com http://nyclubparis.com/ www.myspace.com/nyclubparis NYClub Paris sur Facebook


à l’antenne

Jonathan Lambert fallait pas l'inviter ! On lui doit d'avoir fait revenir Charly Oleg, le vrai, le seul, l'unique, le légendaire clavier de Tournez Manège, à la télé. Mais Jonathan Lambert est bien plus que ça. Avec ses personnages, tous plus salivants et difformes les uns que les autres, il pimente le paf tous les samedis soirs. Rencontre avec un gentil garçon, pas effrayant du tout, mais au succès, forcément, monstrueux !

Keith : Tu as un goût prononcé pour les monstres. Ça te vient d'où ? Jonathan : C'est vrai que j'ai toujours aimé ça. Quand j'avais dix-douze ans le samedi soir avec mes potes, c'était un rituel : on allait voir un film d'horreur. En fait, vers quatorze-quinze ans, tu t'excites sur des films pornos, mais avant de découvrir ça, bah tu regardes des films d'épouvante. C'est de là que ça me vient, je crois, ce plaisir des trucs un peu freaky. Mais après je ne sais pas si psychanaliquement ça veut dire quelque chose… Mais je me souviens par exemple d'un film de Peter Jackson qui s'appelait Brain Dead, où c'était l'histoire d'un monstre qui rentrait dans la peau des personnages et qui en ressortait par leur ventre. C'était jubilatoire. Mais je précise quand même que j'ai toujours regardé ça avec un certain recul. Ce qui m'intéressait c'était quand même le second degré.

Keith : En tout cas, ça ressort dans ton travail. Tu as eu du mal à imposer les personnages que tu proposes par exemple chez Ruquier à la télévision ? Jonathan : En fait j'ai commencé sur une chaine, Comédie, où c'était le degré zéro de la censure. Au contraire, on nous disait : “On a 50 minutes d'émission à meubler… Fait ce que tu veux”. Avec tout ce que ça peut comporter comme défauts, cet esprit m'a quand même permis de faire, effectivement, ce que je voulais. C'est-à-dire quelque chose de différent. Mais sur France 2 non plus je n'ai pas de problème. Mes textes ne sont pas relus. Par exemple une fois j'ai fait un personnage qui avait changé de sexe. De femme, elle était devenue homme. Mais pour des raisons scientifiques elle s'était fait greffer une paire de testicules au bout du poignet… Personne n'a rien dit ! Keith : Et quand tu fais ce genre de personnage tu n'as pas de limite ? Jonathan : Si. Il faut que ça reste, non pas crédible, mais dans une certaine logique. J'invoque une raison médicale qui explique pourquoi les testicules sont là, ou pourquoi la personne a un troisième œil. Et surtout je n'insiste pas sur ce trait du personnage. Sinon c'est lourd. Voilà, c'est ça ma limite. Keith : Tu choisis toi-même l'invité à qui tu fais ta surprise ou alors on te l'impose ? Ou plus précisément, est-ce qu'il n'y en a pas qu'on t'interdit de faire? Jonathan : Je fais ce que je veux. Vraiment ! Je prends celui qui m'inspire le plus. Mais bon c'est vrai que je ne me

vois pas faire des blagues à un mec qui vient de sortir un livre sur la guerre au Proche-Orient… C'est d'ailleurs ce qui est compliqué dans ce genre de talk show. On arrive parfois après des débats sur des sujets graves avec un troisième bras dans le dos… Mais bon, ça me plait !

Keith : Dans On n'est pas couché tu as pris la relève de Florence Foresti. Ça ne t'a pas effrayé ? Jonathan : Je ne me suis pas posé la question en ces termes. Je n'ai pas essayé de faire du Florence Foresti. J'ai cherché un concept. Quelque chose qui pourrait me permettre de décliner mes personnages, parce que c'est ce que j'aime faire, mais qui en même temps s'intègre dans l'émission. C'est comme ça qu'est venue l'idée du copain d'avant. Mais ça demande du boulot ! Il y a une fille de l'équipe qui fait une enquête, qui appelle les proches pour avoir des infos, et après on écrit avec mon co-auteur. En ce moment je le vois plus lui que ma femme ! Keith : En tout cas, ça marche. Le dvd* cartonne, tu as remplis le Bataclan avec ton spectacle**… Pourtant, tu as connu une période difficile sur Canal, avec l'Hyper Show. Ça a été dur à vivre ? Jonathan : Ça aurait pu l'être beaucoup plus. Au bout de quatre jours, on savait déjà qu'on allait s'arrêter juste avant ou juste après l'hiver. Tout le monde aurait pu se tirer dans les pattes. Le producteur dire que c'était de la faute des animateurs, les animateurs de la chaine, la chaine rejeter la faute sur le producteur. Mais non. Tout le monde est resté calme. Et moi par la suite, j'ai pu faire le personnage de Monsieur Pringles qui a bien plu… Honnêtement, l'émission n'était pas bonne, mais elle n'a pas cessé de s'améliorer. C'est ce que j'en retiens. Keith : Tu es sur scène, tu es à la télé, à la radio… Tu te considères comment ? Comme un chroniqueur ? Comme un comique ? Jonathan : Chroniqueur, non. Je ne fais pas une chronique, je fais un sketch. Et comme j'interprète un personnage, je me dis, d'ailleurs c'est ce qu'il y a marqué sur mes fiches de paie, que je suis comédien. Et ça me va comme définition. Keith : Souvent les comédiens considérés comiques éprouvent le besoin de faire leur Tchao Pantin. C'est ton cas aussi ? Jonathan : Ah non. Je n'ai pas encore assez fait rire pour ça ! K?-08

Keith : Tu as un parcours assez particulier : tu as toujours mêlé la télévision et la scène, comme deux existences parallèles. C'est indissociable pour toi ? Jonathan : En tout cas je ne saurais pas dire ce que je préfère. Alors, non je ne me vois pas à soixante-treize ans faire toujours mes personnages dans l'émission du samedi soir. Mais on peut faire des choses très bien à la télé. Les séries d'aujourd'hui, par exemple, sont beaucoup plus subversives que les films. La télé est un média extraordinaire. Keith : Pour finir quelle est l'émission qui t'as le plus marqué ? Jonathan : Je crois que c'était Merci Bernard, de Jean-Michel Ribes. C'était extraordinaire. Je me souviens de sketches entiers. Comme celui de la guerre des taxis… C'est tout ce que j'aime. L'absurde traité avec beaucoup de réalisme. Et quand j'y repense je me dis que vraiment à la télé, on peut faire des choses très différentes et très bien. Propos recueillis par Nicolas Roux.

*Jonathan Lambert n'est pas couché, le dvd de ses meilleurs sketches chez Laurent Ruquier **L'homme qui ne dort jamais, en tournée dans toute la France


“On arrive parfois après des sujets grave avec un troisième bras dans le dos.”


dossier

Paris.

A force d'entendre parler de ces mystères qui jalonnent l'histoire de Paris, nous avons voulu en avoir le cœur net. Nos cinq reporters ont mené l'enquête et, du Louvre à l'Opéra, des Tuileries aux Buttes Chaumont, du cimetière du Père Lachaise aux Catacombes, du Luxembourg à la Cour des Miracles, sont partis, de jour comme de nuit, à la découverte des mythes et légendes de la capitale. Il y a 45 ans, en 1963, on donnait, au Théâtre du Châtelet, Les mystères de Paris, une adaptation du roman d'Eugène Sue, en comédie musicale. Dans le rôle principal, Christian Marin chantait : “Les mystères de Paris, c'est pour le cœur des femmes…”. Après la représentation, dans le petit bistro ouvert tard où se retrouvait toute la troupe, Marin changeait les paroles et entonnait goulûment : “Les clystères de Paris, c'est pour le cul des femmes…”. Trivialité de plus ou moins bon aloi mais qui, dans un raccourci saisissant, témoignait de l'étendue des mystères parisiens qui s'adressent tout autant au cœur et au cul qu'à l'esprit et à l'imaginaire. La chair et l'effroi, le rire et les pleurs, l'ombre et la lumière, le grotesque et l'effroyable, le possible et l'improbable, le mythe et la légende, l'ingénu et le sophistiqué cohabitent ici en toute absence de logique. Revue de détail.

Fantômes en tout genre

De Lutèce à Paris Métropole, les fantômes ont couru les rues de Paris. Vrais ou faux, allez savoir… Le plus célèbre d'entre eux est “une” fantôme. Celui de Belphégor, qui fait référence à un dieu bédouin de l'antiquité, Baal Phégor. En 1927, un auteur de romans populaires publie un Belphégor qui fait frémir dans les chaumières. Belphégor hante, la nuit, les salles désertes du Louvre et plus particulièrement celles des antiquités égyptiennes. En 1965, Claude Barma adapte le roman pour la télévision, en fait un feuilleton et confie le rôle titre à Juliette Gréco. Des semaines durant, la France retient son souffle et, le soir venu, se scotche à l'écran et au fantôme que le noir et blanc rend encore plus maléfique. En 2001, Jean-Paul Salomé l'adapte pour le cinéma et Sophie Marceau remplace Juliette Gréco. Belphégor en majesté donc, mais d'autres fantômes encore agitent les mémoires et continuent à faire couler l'encre. Tout comme le fantôme de l'Opéra, inventé par le romancier Gaston Leroux (Le mystère de la chambre jaune, Le parfum de la dame en noir…) en 1910 et qui d'emblée pénètre profondément l'imaginaire des parisiens. K?-10

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Freaky


A tel point que, comme nous l'a confié Pierre Vidal, le directeur de la bibliothèque et du musée de l'Opéra, un courrier abondant, adressé au fantôme, est régulièrement livré à l'Opéra et même, que certaines lettres sont signées du fantôme (!) et réclament de l'argent… Lorsqu'on pousse Pierre Vidal, il confie, le sourire en coin, qu'un lustre s'est un jour décroché sans la moindre raison et que, “toutes les archives de l'époque ont été détruites”, laissant ainsi planer un doute mystérieux et excitant. Jamais deux sans trois. Autre fantôme mystérieux, celui

Paranormal ?

Alexis Champion, Directeur de l'Institut Métapsychique International, répond à nos questions.

Keith : Parle-nous un peu de cet institut, de son objet et de ses membres… Alexis Champion : Cet institut est né en 1919 grâce à quelques scientifiques de renom, des industriels et des politiques. L'Institut Métapsychique International est une fondation reconnue d'utilité publique qui se consacre à l'étude scientifique des phénomènes dits "paranormaux" ; mais nous, en tant que scientifiques, nous préférons utiliser les termes de phénomènes "psi" et de capacités psi. Le personnel de l'IMI, en plus des membres du Comité Directeur et de moi-même, comporte un salarié et une trentaine de bénévoles. L'IMI est également un lieu d'accueil et de formation d'une trentaine d'étudiants (dont le niveau va de bac + 2 au doctorat) intéressés par l'étude scientifique du psi. Notre objectif est de réunir des personnes qui apporteront un soutien à une réflexion rigoureuse et libre sur les phénomènes psi. En résumé, je dirais que l'IMI est un centre de recherche privé comme beaucoup d'autres. Keith : Qu’entends-tu par "capacité psi" ? Alexis Champion : Il n'y a pas de définition vraiment établie. Je dirais, mais c'est ma définition personnelle actuelle, que c'est la capacité d'une conscience à interagir avec son environnement (une autre conscience ou la matière) sans moyen physique connu. Cela comprend notamment, pour ce qui est de la perception, la télépathie, la clairvoyance, la précognition et,

du Père Lachaise mais qui n'y parvient jamais. Celui-ci est uniquement connu des chauffeurs de taxi qui régulièrement chargent, aux dernières heures de la nuit, un étrange client à la station du Châtelet. Blafard, livide, au visage “comme une tâche de lune” selon l'un de ces chauffeurs, l'homme demande à être posé face au célèbre cimetière, au coin de la rue de la Roquette et du boulevard Ménilmontant. Arrivé à destination, alors que le jour commence à poindre, la banquette arrière est vide, le passager a disparu, la lumière l'a chassé, renvoyé à la nuit et au mystère. ...

pour ce qui est de l'action, la psychokinèse. Aujourd'hui, même si des milliers d'expériences scientifiques ont été menées, les capacités et les phénomènes psi sont encore considérés comme des anomalies ; ils n'entrent pas dans le paradigme, le modèle consensuel scientifique, actuel. Nous considérons que l'étude du psi est digne d'intérêt et qu'elle permet une réflexion forte sur la nature de ce qui fait notre réalité, mais les phénomènes, bien que nous les observions, restent inexpliqués. Keith : Les expériences de l'IMI peuvent-elles apprendre à faire bouger un verre par la pensée ? Alexis Champion : S'agissant de capacités, comme pour ce qui est de faire du vélo ou du piano, chacun a un potentiel. Ainsi, chacun possède ces capacités, plus ou moins à l'état latent, et peut les développer par un entraînement. Ceci a été montré par les recherches dites universalistes, statistiques. Mais actuellement, à l'IMI, nous préférons nous concentrer sur la recherche dite élitiste, c'est-àdire faisant intervenir des sujets ayant travaillé sur leurs capacités. Par exemple, nous faisons intervenir, au sein de projets de recherche, des sensitifs (ou plus communément appelés “voyants”) sur des trouvailles archéologiques. Nous mettons la photo de l'artefact en question dans une enveloppe, et ces sensitifs, indépendamment et selon un protocole défini, vont témoigner des sensations qu'ils vont ressentir. Ils vont ainsi décrire l'objet, mais aussi le contexte de sa fabrication, sa fonction ou son époque. L'ensemble des informations recueillies est ensuite analysé, croisé, synthétisé. Nous pratiquons d'autres types d'expériences. Certaines d'entre

elles utilisent un outil appelé Ganzfeld. Cela consiste à mettre le sujet dans un état d'isolement sensoriel afin de plonger dans un état de conscience non ordinaire et, par là même, d'augmenter ses capacités de perception extra-sensorielles telles que la télépathie ou la clairvoyance. Keith : Aujourd'hui on a l'impression que les média ne relaient pas vraiment ce genre d'expériences, ou alors le tournent en dérision. Alexis Champion : Cela est particulièrement vrai en France. Lorsque les média français s'intéressent à ces phénomènes, ce n'est généralement qu'un prétexte pour faire de l'audimat. La plupart des média des pays étrangers s'intéresse à ces études de manière plus neutre. D'ailleurs, nombre de pays dits développés possèdent des cours ou des chaires de parapsychologie en université, ou encore des laboratoires de recherche. La France est à la traîne sur ce type de recherche, même si elle en a été l'une des principales instigatrices. On peut relier cette tendance au fait qu'en France il y a une sorte de tabou autour de ces phénomènes inexpliqués, c'est dans la culture du pays. Mais on peut y déceler une certaine hypocrisie de société. La police, par exemple, fait parfois appel aux praticiens du psi pour aider sur certaines affaires. Des responsables d'entreprise font également appel au service du psi, que ce soit par l'intermédiaire de consultation chez des voyants ou de mon agence de consulting. *L’Institut Métaphysique International – 51, rue de l'Aqueduc 75010 PARIS


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Magie blanche / Magie noire ?

Rencontrée à la librairie de l'inconnu, celle qui se fait appeler “la Fée Verte” donne son opinion sur cette question magique.

Keith : Que peut-on trouver dans les rayons de la librairie de l'inconnu ? La Fée Verte : Le plus gros de la boutique rassemble du nécessaire à magie, qu'elle soit antillaise, vaudou, verte ou même noire, même si cette dernière est encore mal vue et plus difficilement acceptée. On peut y trouver également des produits afin de pratiquer la médecine naturelle. Mais c'est avant tout une librairie et on trouve toutes sortes de livres, allant de la légende mystique à l'explication du karma.

Nous faisons attention avec ce genre de demande. J'ai, par exemple, refusé d'aider un adolescent à utiliser la magie afin de tuer la personne qu'il jugeait responsable de la mort de sa mère. Nous ne vendons pas aux enfants, car nous considérons que leur corps astral n'est pas fixé. Une femme est venue acheter une boule de cristal, pour une fille de 7 ans, afin qu'elle communique avec sa mère décédée. J'ai refusé de la lui vendre. Les gens ne se rendent pas compte de l'impact du spiritisme.

Keith : Et pour quelle clientèle ? La Fée Verte : De l'Africaine sans papiers au directeur de grosse banque, tous les publics. Même des professionnels viennent s'y fournir. Mais il faut bien voir que les gens viennent avec un problème, qu'il soit conjugal ou de santé. C'est à nous de cerner la personne, son problème et ses attentes. Dans ce but nous avons un suivi de nos clients. Mais lorsque nous agissons dans le cadre d'une aide au bienêtre ou à la santé, nous faisons attention à en pas empiéter sur le domaine des médecins. Si vous voulez, nous faisons ce que l'église ne fait plus, et ce que les médecins se refusent à faire.

Keith : Beaucoup de personnes pratiquent-ils la magie noire ? Sont-ce tous de vilains magiciens ? La Fée Verte : Il y en a de plus en plus. Les jeunes notamment ont toujours été fascinés par cet aspect de la magie. Ils achètent bien des disques à la gloire de Satan que l'on trouve dans les rayons de la Fnac. Depuis peu j'ai fait mon possible pour faire venir cette jeunesse à la librairie. Nous tentons de la conseiller le mieux que nous pouvons et parfois de redéfinir ce qu'ils sont venus chercher. Cela passe avant le profit, quitte à ne rien leur vendre. Mais attention, la magie noire n'est "vilaine" qu'à première vue. En réalité, je pense qu'à partir du moment où on veut intervenir sur quelque chose, toute magie est grise. Moi-même j'ai fait partie de cette jeunesse adepte de la magie obscure, mais après un accident j'ai arrêté de la pratiquer...

Keith : On peut aller jusqu'à demander de jeter un sort à son voisin ? La Fée Verte : C'est vrai que de nombreux novices viennent à la boutique et nous demandent le nécessaire afin de jeter un sort. Les filtres d'amour sont très demandés mais malheureusement inefficaces.

Keith : Et qu'en est-il de la position de la boutique vis-à-vis des religions ? La Fée Verte : Au sein de la librairie de l'inconnu, différentes religions se côtoient. On trouve des ouvrages sur la kabbale et des prières à Sainte-Thérèse juste à côté de la bible satanique. J'avoue

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que cela peut surprendre ! Mais la spiritualité pour nous est de mettre tout le monde d'accord, que cela passe par une voie ou une autre, chacun doit trouver son chemin. Keith : Un de ces chemins peutil être celui de la bible satanique ? La Fée Verte : Bien sûr, c'est d'ailleurs moi qui ai insisté pour inclure cette bible au magasin. Les gens sont réticents alors que la plupart ne l'a pas lue. Et c'est en méconnaissance de cause, qu'ils disent que cette bible a entraîné la mort de nombreuses personnes, puisque dans les premières pages il y est inscrit que "tu ne tueras point". Keith : Tu dis que les gens mettent de côté ces croyances par ignorance, mais après tout, la plupart des produits de ta boutique ne sont pas reconnus scientifiquement. La Fée Verte : Je ne suis pas d'accord. Il y a de nombreux scientifiques qui s'évertuent à travailler sur le sujet mais qui se retrouvent censurés par le reste du corps médical. Il y a aussi un manque d'argent, l'état ne verse pas de subventions, ne considérant pas cela comme appartenant au domaine de la recherche. De plus, je pense que ces choses qu'on ne peut pas scientifiquement expliquer de nos jours pourront l'être dans un futur proche. Après tout auparavant ces choses dites "paranormales" étaient acceptées. Au Moyen Age, on mettait par exemple les cimetières au milieu des villes pour que les morts reviennent nous conseiller à la Toussaint. Mais comme on dit, il n'y a pas de fumée sans feu, et malgré une grosse désinformation des médias, les gens commencent de plus en plus à s'interroger. * Librairie de l'Inconnu - 84, rue du Cherche Midi 75006 PARIS


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Six pieds sous Paris

Père Lachaise encore, avec la tombe d'Allan Kardec, auteur du Livre des Esprits, fondateur officiel du spiritisme et qui prétendait qu'un mort désincarné était parfaitement joignable, sinon par téléphone, du moins par truchement d'un medium. Sa tombe est, naturellement, sans cesse fleurie, tout comme celle de Jim Morrison dont les adeptes peuvent toujours entendre la voix par CD interposés… Voix d'outre-tombe donc, tandis que làhaut, sur le mur des Fédérés flottent encore les ombres des Communards fusillés par les Versaillais. Mille légendes courent ici dont l'une des plus jolies concerne une aristocrate russe, Marie-Elisabeth Demidoff, qui aurait promis son immense fortune en héritage à qui passerait une année entière dans son caveau après sa mort, histoire de l'aider à franchir le cap. Aucun volontaire comme on s'en doute, alors qu'un voisin proche, le jeune journaliste Victor Noir, mort en 1870, attire toujours les femmes, jeunes et moins jeunes, en quête de fécondité. Il suffit, selon la légende, de passer la main à l'emplacement de son sexe pour que le miracle opère. Si l'on considère l'état d'usure du bronze à cet endroit précis, force est de constater que la légende a fédéré des légions de croyantes… “Ce qui se passe ici n'est pas de la bonne magie, c'est plus vaste que vous ne l'imaginez. Ne fourrez pas votre nez là-dedans !” nous assène soudainement une de ces visiteuses de cimetière, sans âge, qui se faufilent entre les tombes comme des fantômes, justement. Conseil

suivi, nous filons, sans même vérifier si les messes noires et sacrificielles ont été et continuent d'être célébrées ici, ni même chercher le fameux passage qui unirait le cimetière aux catacombes. Les catacombes, c'est par la place DenfertRochereau que nous les abordons, là où le colonel Rol-Tanguy chef FTP de la résistance parisienne (tiens, l'armée des ombres !) avait installé son quartier général. Descente aux enfers dans cette espèce de gruyère qu'est le sous-sol parisiens. Carrières, tunnels, passages, égouts, rivières englouties… on trouve de tout là-dessous. Les catacombes, où les ossements de plus de 350 cimetières parisiens ont été regroupés à partir de 1785, sont assez proches de ceux de Rome et de Palerme en moins spectaculaire mais tout aussi sépulcraux. On y organise des visites guidées mais aussi des explorations illégales, des grandes fêtes prohibées guettées par les noctambules amateurs d'étrange et, selon la légende, encore des messes noires. A la fin du XIXème siècle, avec beaucoup d'humour, deux ouvriers de l'inspection générale des carrières y ont organisé, dans le plus grand secret, un concert destiné à la haute société parisienne : on y interpréta La Marche Funèbre de Chopin et La Danse Macabre de Saint-Saëns. Avec moins d'humour, aujourd'hui, Hugues qui veille à la bonne marche de ce monde d'Hadès miniature, fouille nos sacs pour le cas où un crâne, un tibia ou un fémur aurait excité notre appétit… L'Opéra Garnier encore et toujours avec la fameuse rivière souterraine, évoqué dans Le fantôme de l'Opéra et qui, elle, est bien réelle. Dans un élan de générosité, Pierre Vidal nous entraîne au plus profond des entrailles de l'Opéra, nous la révèle et nous raconte que pour entretenir la légende, les machinistes continuent à y élever des poissons afin que le mythique occupant des lieux puisse se nourrir… ...


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Couleurs du temps

Carrefour de la Croix Rouge, rue de la Dame Blanche, carrefour de la Vache Noire, rue du Petit Musc, les noms parisiens sont parés de tant de couleurs, de senteurs et de saveurs que bien des légendes, des contes, des souvenirs, des mythes, des rêves doivent les avoir inspirés. La légende de l'Homme Rouge si elle se circonscrit au périmètre du jardin des Tuileries n'en repose pas moins sur un fait historique. Catherine de Médicis, reine de France mais vraie Florentine, avait trop de secrets pour les conserver tous. Il advint qu'un petit homme arriva à en percer plus d'un. La reine lui envoya alors un assassin qui le perça de trois coups de couteau. Inondé de son sang, le petit homme, expirant, souffla à son meurtrier : “Je reviendrai”. Et durant trois siècles, de 1570 à 1871, le petit homme, dorénavant craint sous le nom de “L'Homme Rouge”, apparut régulièrement aux Tuileries, semant inquiétudes, peurs et paniques. Ses apparitions cessèrent en 1871 au moment où les Communards incendièrent le château des Tuileries. Entre-temps, l'Homme Rouge apparut à Catherine de Médicis, Louis XVI et Marie Antoinette, à chaque fois porteur de bien mauvaises nouvelles…

menait son sabbat”, et on avait appelé le chemin qui en longeait l'enceinte “la route d'enfer” (laquelle terminait, justement, à DenfertRochereau…).

Jardins Publics

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Les ombres qui arpentent, la nuit venue, les allées du jardin des Tuileries ne sont guère ensanglantées ni porteuses de mauvaises nouvelles. Elles ressemblent à celle que l'on croise au Champs de Mars ou dans les jardins du Trocadéro : masculines et vénales, sur lesquelles il y aurait sans doute beaucoup à dire, mais peu de légendes à broder. Alors qu'aux Buttes Chaumont on peut rêver aux carrières d'Amérique qu'elles chapeautent et ainsi nommées car les pierres extraites furent envoyées outre-Atlantique pour édifier les quais du port de New York. Et au Luxembourg, se souvenir que c'est là qu'est née l'expression “Aller au diable Vauvert” car s'y trouvait, au Moyen Age, les ruines du château de Vauvert envahies chaque nuit par les tire-goussets, les coupe-jarrets et les filles de joie. On disait que “le diable (diable Vauvert) y

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Truands, apaches et cailleras

Au Moyen Age, Paris, au fil de ses ruelles tortueuses, regorgeait de repaires de ce genre où personne ne s'aventurait jamais la nuit, plus que rarement le jour. On les appelait les Cours des Miracles. Il y en eu beaucoup depuis la Maube (Maubert-Mutualité) jusqu'à l'ombre de ce qui est aujourd'hui la Porte Saint-Martin. Il y en eut même une au chevet de Notre-Dame de Paris (mais que ne fréquentèrent ni le difforme Quasimodo, ni le pervers Frollo). D'ailleurs, là, à l'emplacement de la rue Chanoinesse, au Moyen Age toujours, un barbier égorgeait ses clients puis les confiait à son voisin charcutier qui en faisait des andouillettes, des saucisses, du boudin, du jambon… Belle histoire qui, quelques siècles plus tard, sera à l'origine d'une légende londonienne et d'un personnage nommée Sweeney Todd et dont Tim Burton s'inspira pour son film éponyme. A l'emplacement des deux échoppes, le garage des motards de la police nationale. Une telle histoire aurait pu les inspirer, mais nos questions sont restées sans réponse : “Jamais

entendu parler, et je suis là depuis 35 ans !” fut le seul commentaire glané auprès du gardien, un œil dans le vide, en bonne caricature de flic. Mais la plus citée des Cours des Miracles se situait à l'emplacement où, quelques siècles plus tard, on allait édifier les Halles de Paris. Puis les Halles disparurent aussi et furent remplacées par le Forum, chapeauté par un jardin informe. S'y promener le week-end, jour et nuit, donne une assez bonne idée de ce qu'était la Cour des Miracles… Mais le vrai miracle, c'est Paris. Le Paris des mythes et mythologies, des mystères et des secrets, des contes et légendes, des rumeurs et des on-dit… Paris qui se souvient, qui invente, qui s'invente, qui se projette. Qu'importe que l'on parle de rêve ou de réalité, ce dont il s'agit, c'est de transformer - comme le faisait les alchimistes - la matière en or. Reportage de Basile de Bure, Hadrien Hennequin, Edouard Michel, Severin Muet et Pierre de Rougé.



cinéma

Morse, de Tomas Alfredson. Sortie le 14 janvier 2009 Laisse-la entrer… Elle est entrée sans être invitée. Elle l'avait prévenu pourtant : “Tu dois m'inviter à entrer.” Après avoir franchi le palier, elle s'arrête subitement. Et la voilà, le corps contracté, les yeux révulsés, les cheveux et la peau qui saignent. Lui est transi de peur durant ce spectacle atroce. On savait que le cinéma nordique avait tendance à nous concocter de belles surprises, mais un film comme Morse a le potentiel de provoquer l'excitation dans la bulle ciné du monde entier et de faire tourner les têtes de geek du cinéma fantastique vers la Scandinavie. Oui, Tomas Alfredson est un réalisateur à surveiller de très près, mais c'est ce que ce film va déclencher qui importe. Morse est l'exemple typique des productions ciné du Nord se tournant vers le progrès, mais étant calibré cette fois pour un public plus large. Alfredson le dit lui-même, il n'a jamais été attiré par le cinéma fantastique, et cela se voit tellement le film est hors du cahier des charges des bonnes productions indépendantes fantastiques actuelles (Guillermo Del Toro en tête). On est plus proche de la sensibilité de Gus Van Sant, et des cadrages au millimètre à la coréenne de Park Chan Wook. Les U.S ont acheté les droits pour un remake (réalisé prochainement par le réalisateur de Cloverfield). On ne va pour vous en dire plus, lire trop de choses sur Let the One Right In (traduction US du titre original) risquerait d'atténuer l'intensité de l'expérience, mais pour vous mettre l'eau à la bouche disons qu'il s'agit d'une histoire d'enfants vampires mais raconté et mis en scène par un véritable auteur. Espérons que Morse entrainera dans son sillage des petits bébés tout aussi exigeants. Stanislas Coppin.

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cinéma

Bouzkachi, le chant des steppes, de Jacques Debs. Sortie le 25 février 2009

Une petite partie “d'attrape-chèvre” ? Ouzbékistan, de nos jours. Ali et son vieil ami d'enfance vivent loin l'un de l'autre. Tout les deux amoureux de la même femme, ils partent à sa rencontre pour gagner son cœur. Le vainqueur du Bouzkachi sera celui qui pourra l'épouser. Festivité de mariage turkmène, le Bouzkachi est un sport équestre collectif. Il s'est répandu dans toute l'Asie centrale et les ouzbeks en sont considérés comme les champions. Dans le film, durant trois jours, deux équipes de dix cavaliers se ruent sur une carcasse de chèvre décapitée jetée au sol. Ils la ramassent, se l'arrachent, galopent avec sous une jambe… Ceux qui comptabilisent le plus de buts augmentent les chances de mariage du chef d'équipe. D'un point de vue de la forme, la réalisation du film est scabreuse. La mise en scène manque franchement de corps et si la grue permet de faire de très beaux plans, il faut néanmoins ici l'utiliser à bon escient et avec parcimonie. Le fond du film reste néanmoins original et fait sa force : un poète excentrique narre l'histoire et lie les séquences entres elles. Un artiste peint une fresque de chaque moment du film suivant l'histoire jusqu'à la fin. La musique est originale et les chants de la jeune promise sont assez émouvants. Nous découvrons une culture et un pays. Les séquences de voyage à travers le désert sont belles. Entre documentaire et fiction, on observe des hommes, des traditions et surtout un amour des animaux. Le cheval est un personnage du film. Certaines scènes intimistes témoignent de l'affection du cavalier pour sa monture, de la confiance présente qui leur permet de jouer au Bouzkachi. Si une petite aventure cinématographique vous tente donc et que les cadavres de chèvres ne vous font pas peur, prenez vos bottes et galopez voir le film. Eric Pellerin.

L'étrange histoire de Benjamin Button, de David Fincher. Sortie le 4 février 2009

Il n'y a qu'a la Nouvelle Orléans qu'une telle chose aurait pu arriver. Un enfant est né avec l'apparence d'un vieillard. Et alors que personne ne s'attend à le voir vivre bien longtemps, le voilà qui rajeunit, de jour en jour, et voit sa vie se dérouler à l'envers. Pendant plus de 80 ans, de 1918 à nos jours, L'étrange histoire de Benjamin Button est aussi celle de la Nouvelle Orléans, de sa transformation à sa destruction. A Hollywood, il y a environ un projet ambitieux comme celui-ci par an, un film dense, avec un important background historique, une bonne pincée de seconds rôles d'envergure, un casting de choix et un défi technique. C'était There Will Be Blood l'année dernière, ce sera Benjamin Button cette année. On peut aussi appeler cela un “film à Oscar”, avec tous les atouts et malheureusement les défauts inhérents à ceux-là : l'excès mélodramatique est de mise, la réalisation de David Fincher est noyée dans un scénario dont la densité empêche toute tentative d'originalité (les “tricks” comme la séquence de l'accident de voiture perdent toute portée dramatique) et la double utilisation de la HD et du 35mm donne au film un rendu étrange. Mais tout cela est une tentative de rabaisser l'excellence, car l'attente fut longue et la déception légère mais réelle. L'étrange histoire de Benjamin Button est tout de même un grand film hollywoodien et les transformations du visage de Brad Pitt et Cate Blanchett, stupéfiantes, en font aussi une petite révolution technique. S.C.

The Chaser, de Na Hong-Ji. Sortie le 18 mars 2009

Programmé lors de la séance de minuit du Festival de Cannes 2008, The Chaser est peut-être le film événement de cette année 2009. Un film où des putes subissent les vices masochistes d'un psychopathe aussi acharné que stoïque, poursuivi par un mac sans scrupules dont la quête désespérée change peu à peu son code de vie en Pater Noster. Un compte à rebours angoissant à l'origine de nos sueurs les plus glaciales. Du rouge, profusion d'hémoglobine. Du noir, trou sans fond dans lequel on est jeté. L'ambiance n'évite pas les sentiers battus par Lady Vengeance ou Old Boy, mais les plans, révélateurs d'un story board ultra perfectionné, nous rappellent sauvagement la maîtrise tétanisante de Dario Argento dans son prodigieux Suspiria. L'atmosphère moite et suintante du film noir ressort en filigrane, mêlant tragédie et burlesque (souvenez-vous des gangsters théâtraux de Johnnie To) au réalisme épileptique du scénario. Alors que l'on explose de nervosité, la montée en puissance de l'horreur exhibée accompagne la dégénérescence d'un tueur en série qu'on finirait bien volontiers par épargner, conscient de ses actes mais drogué au massacre, sur un air de M le Maudit… Entre réflexion et précipitation, The Chaser est l'allégorie contemporaine de la crise cardiaque, travaillant le spectateur avec un plaisir sadique comme autant de coups de marteau en pagaille. Tout sauf du cinéma d'enfants de chœur. Charles de Boisseguin.

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5 bonnes raisons d’aller voir Harvey Milk. - Gus Van Sant est de retour et son biopic sur Harvey Milk est réussi. Il délaisse son univers teen et rock pour s'intéresser aux huit dernières années de la vie du héros activiste gay assassiné en 1978 après avoir été le premier homme ouvertement homosexuel élu à une fonction officielle majeure aux Etats-Unis. - Sean Penn est incroyable, moulé à la perfection dans son petit costume de politicien. Sean Penn est Harvey Milk. -La photo est sublime. Jamais un film de Gus Van Sant n'a eu l'air aussi vintage et cela le rend précieux. Merci à Harris Savides et à sa photo, ses voilages verts gris, ses contre-jours somptueux, - L'ambiance est réussie. On se croirait en plein dans les années 70. Le Castro Camera, lieu culte de la révolution gay à San Francisco, ouvert par Harvey Milk et Scott Smith début 70, a totalement été récréé dans l'ancien magasin. Les fringues sont d'époque, les jeans slims et délavés ont des coupes incroyables et introuvables aujourd'hui, les lunettes sont vintage, les coupes afros… -Les seconds rôles sont justes. On peut enfin découvrir l'étendue du talent de James Franco (précédemment planqué sous les assauts numériques de Spiderman 3) dans le rôle de Scott Smith, amant et ami d'Harvey Milk. S.C.

*Harvey Milk, de Gus Van Sant. Sortie le 4 mars 2009.

Tulpan, de Sergey Dvortsevoy. Sortie le 4 Mars 2009

Sous ses faux airs de documentaire, Tulpan nous dévoile la tendresse d'une famille de nomades kazakhes. Parmi eux, Asa vit avec sa sœur, son mari éleveur de moutons, et leurs trois enfants. Il rêve de cette vie simple : une famille, une yourte, un élevage. Mais pour survivre dans la steppe, Asa a besoin d'une femme et Tulpan est la seule jeune fille à marier. Hélas, elle refuse catégoriquement de l'épouser : elle trouve ses oreilles trop décollées. Asa continue d'espérer et poursuit son apprentissage au côté de son beau-frère dont il doit gagner l'estime. A travers l'immensité des steppes balayées de vent et de chants, Asa nous emmène sur ces terres capricieuses qui nous semblent vite familières. Chaque moment de son quotidien nous implique, chacune de ses expériences nous émerveille. La proximité et l'humour avec lesquels Dvortsevoy nous fait entrer si simplement dans la vie de cette famille est bouleversante. Loin du travail acharné et des conditions de vie très rude que l'on s'attend à voir en regardant ce film, le quotidien heureux et aimant d'une femme, d'un homme et de leurs enfants pour leur terre est une véritable révélation. Et chaque tâche quotidienne, une aventure. Sergey Dvortsevoy a beaucoup à donner et beaucoup à montrer, et sa générosité se retrouve dans chaque séquence du film où rien n'est laissé au hasard. Plus de trois ans de tournage ont été nécessaires pour réaliser ce film déjà primé à Cannes, et qui ne manquera pas de faire encore parler de lui. Laura Roguet.

Walkyrie, de Bryan Singer. Sortie le 28 janvier

Ce que j'aime, avec Bryan Singer, c'est qu'à chacun de ses nouveaux films on sait à quoi s'attendre. Une intrigue parfaitement découpée (il a réalisé Usual Suspect, normal), une manière de filmer simple mais efficace, et une direction d'acteurs impeccable. Walkyrie ne déroge pas à la règle - à l'exception d'un Tom Cruise pas spécialement crédible en colonel de la Wehrmacht, mais qu'importe. Basé sur une histoire vraie, le scénario raconte l'une des tentatives d'assassinat d'Hitler par des officiers allemands, en 1943. Déçus par le nazisme et voulant sauver leur pays de la honte et de la destruction, plusieurs haut-gradés de l'armée décident de supprimer le petit moustachu vindicatif, et d'instaurer une trêve avec les alliés. Mais leurs buts diffèrent en bien des points : certains veulent le pouvoir, d'autres ne souhaitent que préserver leur honneur. Malgré ces divergences d'ambition, ils montent une opération destinée à renverser le pouvoir, une fois le führer refroidi. C'est l'opération Walkyrie. Des décors et costumes réussis, un suspense quasi constant, et Tom Cruise en estropié manchot et borgne : voilà un paquet de bonnes raisons d'aller voir Walkyrie. Mais il lui manque tout de même cette chose infime, rare et abstraite qui fait l'âme d'un grand film, et dont l'absence le relègue au rang de "divertissement très bien foutu, mais qui ne restera pas dans l'histoire". Peut-être en partie à cause de la crédibilité relative des "teutons" en uniforme à répéter "fucking...". Donc, forcément, difficile de s'y immerger comme on le voudrait. Dommage. Pierre de Rougé.


cinéma

24 city, de Jia Zhang ke. Sortie le 18 mars 2009

Une immense machine qui bat le fer chaud. Un geste précis, rapide, infini. Première image du nouveau film de Jia Zhang Ke, 24 City. Après cette vision de machineries violentes, de marteaux et d'acier, apparaissent des visages. Hommes et femmes nous plongent dans leur intimité sur fond de musique classique, ils nous dévoilent leur histoire. Il s'agit avant tout d'une histoire commune qui commence au cœur de l'usine 420 dans la ville de Chengdu. Ces visages se succèdent sous forme de tableaux, de photos, immobiles et silencieux. Le silence s'achève soudain, et leur voix se fait peu à peu entendre. Elle nous permet de comprendre l'impact que l'usine d'armement a eu sur leur vie. Une vie transformée après sa fermeture, avant que l'usine ne devienne un complexe d'appartements de luxe, que l'on appellera 24 City. Les plans sont figés, les témoignages et la parole ont ainsi plus de force. Au fil de l'histoire, la musique classique devient électronique, des poèmes chinois se glissent entre les témoignages. Cet univers industriel nous est dévoilé sous la forme d'un microcosme qui se suffit à lui-même. Avec ce film, Jia Zhang Ke cherche à nous montrer ce qu'est une société en mouvement. A travers cette usine c'est toute l'évolution de la société chinoise qu'il décrit, il fait de ce bâtiment un symbole de changement et de mutations. Julia Canarelli.

The Wrestler, de Darren Aronofsky. Sortie le 18 février 2009

Veines saillantes, muscles bandés, perles de sueur et brushing bricolo pour reflets platine… signent le retour très récompensé du massif Mickey Rourke dans le nouvel opus de Darren Aronofsky, The Wrestler. Le vestiaire, les bandages, ambiance lourde d'ovations lointaines et sourdes. La bête avance lentement, tête baissée, rasant les murs d'un couloir interminable qui, sait-on jamais, le mèneront à la gloire. Ou en enfer. Rourke est Randy “The Ram”, catcheur adulé par la middle class américaine, certes pour son style, mais surtout pour son foudroyant et délectable fatality, le “coup du bélier”, un finish him typique 90's qui replongera les fans dans leurs sessions Mortal Kombat sur Game Boy. Le ring. Tessons de bouteille, barbelés, agrafeuses, et beaucoup d'hémoglobine illustrent les combats, réussis en ce que la violence que s'infligent les corps surhumains fait grincer des dents et interpelle. Difficile d'admettre que ces luttes sont programmées à l'avance par les adversaires, pour qui cicatrices et fêlures riment avec tableau de chasse. Au delà de l'absence cérébrale de cet univers façonné à la Rocky Balboa, Aronofsky, toujours sensible dans sa manière de montrer la réalité, marque un point par son approche comportementaliste des principaux personnages. Une brute de catcheur qui vous ferait vous moucher dans les jupons maternels, une pute affadie aussi humaniste que le Christ, et une fille, abandonnée par sa bestiole de père, dont le chemin de croix mène à la rédemption.

Eric et, d' b i T u urs a ? De 10 ljloerin. 10 joursce n e l e Pe t actu nt Everest, t o du Tibe es

C.d.B.

'il oir um s tel qu ut-on v base d t le Que pe au camp de montre le pay et nuit devan u a r d s s u u s d jo o a ie t n h p n L entaire ise au ns pria docum ment. Pèleri armée chino és du monas e , n ll g n e n ce… io a n p h s k actu la e il o e J s du ine surv temple u Potala, mo caméras de quences de d palais Tashilumpo, an des conséaleur le géno il e v a b d tr n n e À re u t . tè dresse e. Il me sse tibétain Le film ation chinois it le peuple toute la riche b ip t u n u s n u c c e fo u i es l'o lturel q eux qu s imag cide cu principaux lin rapporte de s montre sa a s u ri le o e et n re et s s vers s, Eric Pell a cultu e peuple du pay observe un richesses, s paraissent. L s il is e , , d s s s , e e u e u e rt ll q nature ent, ce peu à p beauté tidienne qui le pays évolu ut un peuple o t to u e ir q o ie v vie ns de v elui de html conditioquel prix ? C m/tibet. à tures.co ic -p mais ître ? n o oriz www.h dispara tions : projec Infos et

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CINÉFREAKS Pour résumer l'histoire des freaks et du cinéma, point besoin d'encyclopédie. Deux films, deux chef d'œuvres trônent en haut d'une pléiade de films fantastiques, gores, oniriques ou juste bizarres. Le premier, Freaks (titré en Français La monstrueuse parade), fut réalisé en 1932 par Tod Browning pour le studio Metro Goldwyn Meyer en vu de contrer le succès d'Universal avec ses Frankenstein, Dracula et autres Momie.

A la base, nous avons ce bon vieux Tod aux manettes. Le type a vécu dans des cirques de seize à trente ans ; il connaît son sujet. Premier pari : il décide d'utiliser de vrais freaks du cirque Barnum. Le tournage ne sera pas aisé. Le film sera coupé d'un tiers de sa longueur par les comités de censure et la pellicule sera égarée par la MGM. Parfait. Cléopâtre, jolie trapéziste, fait chavirer le cœur de Hans, le nain. Ses intentions sont loin d'êtres nobles, elle voudrait l'assassiner pour voler la fortune dont il a hérité. Dans ce microcosme, Cléo est anormale vu qu'elle est physiquement normale, mais au sein de cette tragédie, les monstres veillent. Et comme l'annonce de la première scène le fait remarquer : “Offenser l'un d'entre eux, c'est les offenser tous.” L'une des forces du film est de présenter les freaks dans une routine assez standard, querelles, humour et tâches basiques font facilement oublier les difformités pour ne plus voir qu'une microsociété humainement organisée. Dans un second temps, le fait que la plus jolie personne soit la plus laide intérieurement nous renvoie à une réflexion sur l'apparence, le double de soi, mais surtout à la vision d'autrui, un sujet où l'humain s'est maintes fois rendu coupable de bêtises planétaires. Leçon d'humanisme par des hommes tronc. Au delà du fond mélo-fantastique, certaines scènes sont de parfaites perfections d'intensité. Entre autre la sublime séquence où une siamoise reçoit l'émotion de sa sœur lorsqu'elle embrasse son futur mari. Mais surtout un des plus puissants finals de tous les temps, majestueux, ou dans le mouvement des caravanes baignées dans le crépuscule orageux, les freaks deviennent des chasseurs terrifiants pour venger ce bon vieux Hans. Logique que cet hymne à la différence ait influencé un réalisateur comme David Lynch. Elephant Man, deuxième film clef. Lynch joue le classicisme, noir et blanc sobre, caméra posée. Le sujet - et le maquillage - l'imposaient. La frontière entre le voyeurisme et l'humanisme n'est pas si évidente à gérer. Il faut attendre une demi-heure pour vraiment voir John, l'homme éléphant. Celui-ci est utilisé comme attraction dans un cirque de Londres. Au contact du Dr. Treves, John Merrick va faire surgir une intelligence prononcée et une hyper-sensibilité que peu soupçonnaient. Deux possibilités : être exploité tel un animal conscient de ses souffrances, ou s'exposer socialement et être exposé par d'autres sortes de touristes. Il est prisonnier de son corps, la seule liberté sera dans la mort, en dormant allongé comme un homme. Prisonnier mais profondément plus humain, tant les gens “normaux” tel le gardien de l'hôpital ou l'ancien exploitant de John font preuve d'une cupidité et d'une absence de pitié sans limites. Une minuscule goutte d'eau dans les possibilités d'inhumanité de l'humain envers lui-même. Encore une fois, le freak n'est pas celui qu'on croyait. “C'est vous le monstre !”, comme dirait Anthony Hopkins. Alain Guillerme.


rencontre cinéma

Accoster

Costa

Un entretien avec Costa-Gavras, patronyme unique, d'un bloc, c'est la promesse d'une rencontre avec un mythe, un titan du cinéma mondial. Ca ne devait pas être par calcul que le cinéaste français a délaissé les codes auxquels chacun de nous nous conformons (un nom, un prénom) parce que chez Costa-Gavras, nulle volonté de rester au-dessus de la mêlée, jamais envie d'aller filmer les dieux dans leur Olympe. Dans son dernier film, Eden A L'Ouest, il plonge au contraire sa caméra dans un cargo grouillant d'immigrés au beau milieu de la Méditerranée et suit l'odyssée d'un enfant pas gâté jusqu'à son débarquement en France, un pays où soit l'on ne sait pas, soit l'on ne sait trop que faire d'un sans-papier. Keith : Quelles ont été les conditions de votre émigration ? Costa-Gavras : Les conditions étaient à la fois culturelles et économiques. Je ne pouvais pas, entre autres pour des raisons politiques, faire des études en Grèce, ni dans un pays où les universités coûtaient trop cher, comme l'Allemagne ou les EtatsUnis [après la guerre civile des années 1940 subsistent de grandes tensions entre partisans de la droite et de la gauche, ces derniers étant particulièrement mis au ban de la société grecque, ndlr]. Et puis la culture grecque de l'époque était très proche de la culture française : les écrivains français, Balzac, Zola, Mauriac... étaient traduits là-bas. Dans nos livres d'école on lisait que telle statue se trouvait au Louvre, en France. Donc pour nous la France c'était tout ça. Je savais aussi que les études en France étaient faciles d'accès, et qu'on pouvait travailler tout en étudiant. Tout ça a fait que je suis venu en France. Keith : En quoi Elias, le personnage de l'immigré dans le film incarné par Riccardo Scarmacio vous ressemble-t-il ? Costa-Gavras : La situation des immigrants était très différente à mon époque donc on ne peut pas dire qu'il me ressemble. Malgré tout, il y a une expérience commune, celle de l'accueil qu'on nous fait en arrivant, et qui fait que, par métaphore, j'ai pu raconter l'histoire d'Elias. Chaque scène, chaque rencontre que fait Elias, n'est pas là juste pour faire avancer l'histoire mais a sa propre signification, et métaphorise des situations de la vie réelle. La séquence de l'usine où l'on voit des ouvriers en compétition les uns avec les autres, ou encore celle où on les voit se révolter, ce sont des allégories. Une autre scène essentielle pour moi est celle où la dame jouée par Anny Duperey donne une veste à Elias pour lui permettre de trouver du travail : elle est un peu comme nous tous aujourd'hui, nous pouvons aider jusqu'à un certain point, nous ne pouvons pas aider plus. Donc toutes ces situations, je ne les ai pas vécues à proprement parler, mais j'ai vécu des situations communes à tous les immigrés. C'est le cas aussi de la peur du policier. Quelqu'un m'a dit qu'on voyait beaucoup de policiers dans le film, mais ce n'est pas nous qui les voyons, c'est Elias qui les voit. Ceux qui ont des papiers aujourd'hui passent devant les CRS sans s'en ren-

dre compte. Lui ne passe pas devant les CRS, il détourne son chemin. Il y a des immigrés qui, à cause de tous les contrôles, ne prennent pas le métro et doivent faire des heures de marche à pied. Voilà ce qui fait l'expérience universelle des immigrés, c'est pour cela que c'est un film très personnel. Ce sont des situations que je n'ai pas forcément connues, mais que je peux comprendre plus facilement qu'un non-immigré.

Keith : Le personnage d'Elias est un archétype d'immigré : on ne sait pas d'où il vient ni pourquoi il quitte son pays et la langue qu'il parle a été de toutes pièces inventée par vous et Jean-Claude Grumberg. Pourquoi fallait-il que ses origines soient à ce point indéterminées ? Costa-Gavras : On n'a pas besoin de donner les raisons de son départ ; s'il émigre, c'est qu'il a une raison d'émigrer, on ne part pas de chez soi par caprice. Le fait de ne pas lui donner de nationalité fait qu'il est comme des milliers d'immigrés. Les parents de Jean-Claude Grumberg, le co-scénariste, sont des exilés juifs polonais, ce sont donc des immigrés. On dit même que près de 35% des Français ont des origines étrangères. C'est un film sur cet immigré-là, qui ne menace pas, mais au contraire complète, apporte quelque chose. Keith : Au delà de votre histoire personnelle, le film fait écho à une problématique très actuelle, celle de la politique d'immigration française. Mais vous avez choisi de n'aborder que le voyage aller, et non pas retour. Costa-Gavras : Ce qui ne veut pas dire que la politique d'immigration française soit bonne, elle n'est pas bonne. Mais je crois que le retour, aussi dramatique soit-il, ne concerne pas tous les immigrés. Il y a beaucoup d'immigrés de l'ombre qui sont restés. Je ne sais pas ce qui va se passer pour Elias. A la fin du film, il y a d'un côté la police, mais de l'autre la tour Eiffel qui est le symbole de tout ce que représente la France. On pourrait dramatiser la situation avec un retour, mais moi ce qui m'intéresse, ce sont les immigrés qui restent, qui ne menacent pas le pays. On présente trop souvent l'immigration comme une menace.

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“C'est un film sur cet immigré qui ne menace pas, mais apporte quelque chose.”

“Ce qui m'intéressait c'était tout ce non-dit qui existait dans les films de l'époque. Tout ce que je disais dans mes films, c'était la première fois qu'on le voyait au cinéma.”


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Keith : Une grande ironie traverse le film : pour les émigrants, l'Eden est à l'ouest, et pourtant, du moment où Elias met le pied en Europe occidentale jusqu'à son arrivée à Paris, il vit des situations d'exploitation toutes plus édifiantes les unes que les autres... Costa-Gavras : Oui, parce que l'immigré est forcé d'accepter tout ce qu'on lui demande, il est faible par rapport à la loi. Il est forcé de maintenir le cap et de continuer à avancer parce qu'il ne peut pas repartir en arrière. Derrière lui c'est le pire, et devant lui l'éventuel meilleur. Cette idée là est très forte. C'est pour cela que depuis que les hommes sont hommes ils émigrent. Paris, c'est la ville de lumière, dans la mémoire collective, c'est la ville des droits de l'homme etc., donc pour lui c'est là qu'il faut aller.

“Il faut une politique d'immigration qui en tout état de cause respecte la dignité humaine, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui.”

Keith : Pourtant dès qu'il débarque à Paris, la première chose qu'il découvre c'est que les inégalités sociales ne sont pas étrangères à la France : vous filmez la misère de la rue, les sans-abris sédentarisés sous leurs tentes, la solidarité qui existe entre eux... Costa-Gavras : Ce qu'il croyait être le paradis n'est pas tout à fait le paradis. Il y a des coins de paradis, et des coins moins idéaux. Keith : Avec Le Couperet, vos deux derniers films marquent une nette transition du politique vers le social, du gros plan sur les mécanismes politiques au gros plan sur les mécanismes sociaux, et les relations interindividuelles. Costa-Gavras : Je n'ai jamais séparé le social du politique. Les effets du pouvoir politique descendent dans la sphère sociale. Roland Barthes disait que tous les films sont politiques et peuvent être analysés en termes politiques. Je vois la politique comme ce qui a une influence sur nos vies, dans notre rapport avec les autres. Ce qui m'intéresse dans la politique c'est, lorsqu'on a un pouvoir sur les autres, comment on utilise ce pouvoir. Dans ce film, le pouvoir officiel, c'est la police. Or le pouvoir a toujours un effet sur l'individu, c'est pour ça que dans mon film je ne parle pas de l'immigration mais de l'immigré. Keith : Vous dites que la politique française d'immigration n'est pas bonne, quelle politique envisageriez-vous ? Costa-Gavras : Je n'ai pas de solution. On fait des films pour poser des questions. Quand on a des solutions on s'inscrit dans un parti. Le cinéma permet de poser des questions, et si on arrive à poser des questions justes, ce qui n'est pas toujours facile, on est déjà content. Il faut avant tout respecter la dignité des gens, quelles que soient les conséquences des décisions politiques. Il faut une politique d'immigration qui, en tout état de cause, respecte la dignité humaine, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui.

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Keith : Lorsque vous sortiez Z en 1969, le putsch grec venait tout juste d'avoir lieu. Quarante ans plus tard, par une étrange coïncidence, vous sortez ce nouveau film sur les immigrants de la Méditerranée, alors que les grandes villes grecques viennent de connaître des troubles à nouveau assez importants. Quel a été votre regard sur ces événements récents ? Costa-Gavras : Un regard attristé, pour ce qui s'est passé, et sympathique envers ces jeunes qui se soulèvent pour demander qu'on améliore leur vie. J'espère que ce mouvement va obliger le gouvernement à trouver des solutions. Keith : Tous vos films à quelques exceptions près, ont été l'expression d'une révolte, ou tout du moins d'un positionnement politique. Est-ce que c'est le besoin d'exprimer ce rapport au monde qui vous a amené au cinéma ? Costa-Gavras : Peut-être un tout petit peu. Mais ce n'est que plus tard que le cinéma est devenu un outil qui m'a intéressé. Je me suis d'abord inscrit en licence de lettres parce que j'avais envie d'écrire. Et ce que j'ai découvert avec le cinéma c'est une manière très forte de dire les choses, et de toucher K?-24

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très profondément le public, ne serait-ce que parce que le public d'un film est beaucoup plus large que celui d'un livre. Et ce qui m'intéressait aussi c'était tout ce non-dit qui existait dans les films de l'époque. Tout ce que je disais dans mes films, c'était la première fois qu'on le voyait au cinéma. Je voyais toutes sortes de films, mais ces sujets là n'y étaient jamais abordés, ou alors d'une manière très superficielle, très lointaine.

cinéma aussi bien que son présent. C'est particulièrement le cas de la Cinémathèque Française, qui est sans doute la meilleure au monde, et la plus fameuse. Et j'essaie avec toute l'équipe de maintenir ce cap, parce qu'on nous admire beaucoup et on nous imite beaucoup aussi. La Cinémathèque est un besoin absolu pour le cinéma français, et d'ailleurs le gouvernement actuel l'a bien compris, puisqu'ils nous ont consacré beaucoup de moyens.

Keith : Vous avez une ambition pédagogique lorsque vous faites un film politique ? Costa-Gavras : Non, je le fais pour exprimer un point de vue personnel. J'ai une histoire qui me touche particulièrement, j'essaie de la raconter le mieux possible, et de convaincre que ce que je raconte est intéressant. La pédagogie ça se passe à l'université. Le cinéma est là pour susciter des émotions : aimer, détester, rire, pleurer. Le cinéma est un spectacle, il n'est pas là pour tenir un discours politique.

Keith : Le monde des arts vient de perdre un autre passeur, Claude Berri, qui vous avait précédé à la Cinémathèque, et que vous aviez vous aussi précédé. Quelles étaient vos relations ? Costa-Gavras : On s'est connus très tôt, dans les années 1960. Il était acteur à l'époque, et on se voyait comme ça, par le métier. Un jour il est devenu producteur et il m'a dit “et si on faisait un film ensemble ?”. On a cherché des sujets jusqu'au jour où je lui en ai proposé un, lui m'en a proposé un autre et on a fait le sien, parce qu'il était plus facile à monter, et qu'il m'intéressait autant. C'est comme ça qu'on a fait Amen.

Keith : On peut apprendre par l'émotion... Costa-Gavras : Oui, ce n'est pas contradictoire. A partir du moment où l'on ressent, on peut agir. Keith : Comment est-ce que vous vous arrêtez sur un sujet ? Costa-Gavras : J'ai des envies, mais pour faire un film il faut avant tout une histoire. Parfois on tombe sur une histoire qui traite le sujet qu'on a envie d'aborder, parfois il faut l'inventer de toutes pièces, comme pour ce dernier film. Keith : Et comment se passe l'écriture à quatre mains avec Jean-Claude Grumberg ? Costa-Gavras : On discute beaucoup. Lorsqu'on écrit une histoire, on vit quasiment ensemble puisqu'on passe environ cinq heures par jour ensemble. Cela dure six mois, pendant lesquels j'écris, il me lit, réécrit par dessus, ajoute des dialogues. Puis on revoit le tout ensemble, et je rédige la version définitive. Mais ça passe beaucoup par de longues discussions. JeanClaude n'est pas quelqu'un qui peut s'installer des heures à un bureau pour forcer l'inspiration, il écrit quand ça lui vient. C'est une très belle collaboration, on s'aime beaucoup et on prend du plaisir à écrire ensemble. Keith : Qu'est-ce qui vous a surpris en voyant le film une fois fini ? Costa-Gavras : J'ai mesuré la qualité des acteurs. Je pensais que l'acteur principal, Riccardo Scamarcio, était capable, mais je ne pensais pas qu'il allait donner cette profondeur au personnage, sans parler, juste avec le regard, avec les gestes. Ca, ça a été une vraie découverte au fur et à mesure du film, et une fois le film vu dans son ensemble, j'ai trouvé que son jeu avait une cohérence parfaite, celle que j'avais souhaitée, et qu'il avait, lui, trouvée. Et puis j'ai découvert aussi la fraîcheur formidable qu'Anny Duperey avait amenée au film. Tout d'un coup, dans la continuité du film, c'est l'apparition d'un personnage solaire. Elle a trouvé le ton, la tendresse, la mélancolie du personnage, et même une certaine touche d'humour quand elle enlève la décoration de la veste de son mari. Ce sont des choses qu'on ne peut pas vraiment écrire dans le scénario. C'est l'acteur qui le donne, ou non. Keith : Vous laissez les acteurs improviser sur le plateau ? Costa-Gavras : J'aime bien laisser les acteurs proposer des choses. Et j'essaie d'écrire le scénario de façon à ce qu'il soit très lisible, pas trop technique comme beaucoup de scénarios aujourd'hui. Keith : A nouveau président de la Cinémathèque Française, vous avez également un rôle de “passeur” au sein du cinéma français... Costa-Gavras : Si le terme existait je préfèrerais “aideur”. J'ai la possibilité, et un peu de temps à consacrer pour aider le cinéma dans son ensemble. Une cinémathèque est un lieu exceptionnel, qui permet de voir des films, d'éduquer à l'image, et c'est en même temps un musée où l'on peut voir le passé du

Keith : Et quel était votre projet à vous ? Costa-Gavras : C'était l'adaptation de La mort est mon métier de Robert Merle. Je voulais faire un film qui adoptait le point de vue des exécutants des camps de concentration, pour essayer de comprendre comment des individus ont pu en arriver à faire cette horreur comme une profession, quelque chose de banal. Et on n'avait jamais fait de films là-dessus non plus. Mais personne n'a voulu financer le projet. Keith : Il y a des traces de ce rôle de passeur dans votre dernier film, avec notamment la référence à Kazan dans le titre de votre film puisque Eden à l'Ouest fait inévitablement penser à A l'Est d'Eden... Costa-Gavras : La référence à Kazan n'est pas réellement voulue, elle est uniquement dans le titre. Et cela nous a poursuivis puisque beaucoup de gens ont fait la confusion entre les deux titres. On a même du coup failli changer de titre ! Les personnages d'A l'Est d'Eden vivent au contraire dans l'opulence, cela n'a rien à voir. Keith : Kazan avait lui aussi fait un film, America-America, sur ses origines grecques et l'émigration de son oncle vers l'Eden américain... Costa-Gavras : C'est une autre époque et une autre situation historique. Je n'ai pas pensé à ce film en particulier, mais Kazan est notre maître à tous. J'ai quelques réserves concernant son comportement pendant la période Maccarthyste, mais j'ai quand même beaucoup d'affection pour le grand metteur en scène que j'ai rencontré en une occasion et qui savait diriger les acteurs d'une manière magique. Et ça, c'est l'élément primordial pour un film, après l'histoire : que les acteurs soient justes. Il a d'ailleurs révélé quelques talents extraordinaires Marlon Brando, James Dean, pour ne citer qu'eux. Keith : Et le choix du prénom pour votre personnage, Elias ce n'est pas très éloigné d'Elia... Costa-Gavras : En fait nous avons choisi Elias parce que, de même que nous ne voulions pas que les origines du personnage soient déterminées, nous cherchions un nom universel : “Elias” existe chez les arabes, les juifs et les catholiques. C'est un faisceau de coïncidences, mais il y a de très belles coïncidences, vous savez. Keith : Les scènes de quasi-pantomimes qu'on trouve dans le film, toutes ces références au film muet, sont-elles aussi involontaires ? Costa-Gavras : Non, ça c'est voulu (rires). On pourrait presque parler d'hommage au film muet, comme on dit aujourd'hui. Elias s'enfuit à la vue de pompiers dans une scène, en référence à une scène assez similaire dans les Temps Modernes où Charlot est effrayé par des matelots en uniformes et part en courant. L'uniforme, c'est le danger absolu. Propos recueillis par Juliette Morice.


art

Sophie Jarry ROCK'N'ROLL ANIMALS

GALERIE CHAPPE PARIS 4, Rue André Barsacq 75018 Du 1 au 22 février 09 Qui n'a jamais assisté à un - bon- concert de rock, connaît bien cette sensation que l'on éprouve en quittant la salle, d'en sortir plus riche qu'on y est entré. Comme si guitariste, bassiste, chanteur, batteur, nous avaient laissé en tribut un petit bout de leur humanité, un peu d'eux-mêmes en somme. Give'em all you've got ! Cette parcelle d'eux-mêmes que certains musiciens, les plus doués, les plus généreux, les plus incarnés sans doute, offrent à leur public pendant les quelques dizaines de minutes qu'ils passent sur scène, Sophie Jarry sait la capter. Et mieux que de la saisir en mots, elle sait l'imprimer en négatif. Ses photos sont belles, certes, esthétiques, oui (bien que jamais esthétisantes), mais elles ont surtout une qualité rare et essentielle, une qualité qui fait autant le bon photographe que la bonne photo : l'empathie. Son incroyable talent, c'est de capturer chez les autres de petites poussières d'humanité, des étincelles d'intimité, qui font les vraies photos, celles qui racontent une histoire. Sophie Jarry FEB 09. EXHIBITION @ GALERIE CHAPPE. MONTMARTRE, PARIS

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Clémentine Goldszal.


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Vidya GASTALDON Indestructible, sache le... 2008 Aquarelle, gouache, acrylique, craie couleur et crayon sur papier Courtesy Art: Concept, Paris

Vidya Gastaldon

Art : concept 16 rue Duchefdelaville, 13ème Jusqu'au 7 mars Vidya Gastaldon crayonne, coud, tricote et assemble une œuvre faite de sa vie, de son histoire. Celle d'une «fille de parents qui ont eu vingt ans dans les années 70», celle d'une fille qui vécut dans un ashram du Doubs. Celle d'une fille dont le prénom signifie “ce qui dirige vers la connaissance”. Celle d'une fille dont la vie se partage entre les Upanishads, la danse de Shiva, la Kabbale, les Barbapapas, les Smileys ou Darth Vador. Celle d'une fille qui réalise un canevas où apparaissent des visions, des hallucinations mystiques et mythiques. Celle d'une fille qui crée une œuvre. Riche, belle et poétique. Dorothée Tramoni.

Vidya GASTALDON Portrait d'extraterrestre 2008 aquarelle, gouache, acrylique, crayon de couleur et mine de plomb sur papier indien 24.5 x 32 cm Courtesy Art: Concept, Paris Vidya GASTALDON Slaves 2008 aquarelle, gouache, acrylique, crayon de couleur et mine de plomb sur papier indien 27 x 34 cm Courtesy Art: Concept, Paris


art

Damian Ortega

Centre Pompidou Espace 315 Jusqu'au 9 février 2009

Damian Ortega 13 novembre 2008 - 9 février 2009 Centre Pompidou, Espace 315 © photos Georges Meguerditchian, Centre Pompidou, 2008

6000 modules colorés pendouillent du plafond. Bleus, jaunes ou rouges. Comme des colliers de perles dont les fils sont tendus du sol au plafond. 6000 modules qui semblent s'étirer jusqu'à l'infini. 6000 modules comme des taches devant les yeux. Celles que l'on voit avant une migraine, celles que l'on voit après une illumination violente ou celles que l'on imagine à l'idée d'un feu d'artifice. Damián Ortega est mexicain et chef de file d'une nouvelle école latino. Damián Ortega parle d'art, d'art minimaliste, d'art conceptuel ou de land art. Damián Ortega parle du Mexique, de ses objets culte et de sa société. Une matière pauvre qui ne demande qu'à être modifiée, transformée et magnifiée. D.T.

Ann Craven

Galerie LHK 6 rue saint-claude 3ème Jusqu'au 28 février 2009 Atelier Craven Untitled, 2007, oil on canvas, 150x150cm

Joachim Mogarra

Galerie GeorgesPhilippe & Nathalie Vallois 36 rue de Seine, 6ème Jusqu'au 14 mars

Joachim Mogarra Journal des Voyages (détail) Série "la bibliothèque" 2008 Photographie noir & blanc, encre 30,5 x 37 cm Édition 2 + 1 E.A. Courtesy Galerie GP & N Vallois

Notorious

Le Plateau Place Hannah Arendt, 19ème Jusqu'au 22 février 2009

Morgan Fisher ( ), 2003 Film 16 mm, 21', muet Couleur et noir et blanc Ed. 2/10 + 1EA Coll. Frac Île-de-France

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“Pragmatismus & Romantismus”

Les Matériaux du Possible FONDATION D'ENTREPRISE RICARD 12 rue Boissy d'Anglas 8ème Jusqu'au 28 février 2009

Stéphane Calais

Ornements, Crimes et Délices Espace Claude Berri 4, passage Sainte Avoye 3ème Jusqu'au 28 mars 2009 "La Pléiade", sérigraphies sur papier, 100 x 70 cm (chacune), Série de 80 pièces


Andy Warhol (Etats-Unis, 1928-1987) Debbie Harry, 1980 PolaroidTM Polacolor Type 108 10,8 x 8,6 cm Founding Collection, Contribution The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. Collection of The Andy Warhol Museum, Pittsburgh

Warhol TV

La Maison Rouge Fondation Antoine de Galbert 10 bd de la Bastille 12ème du 20 février au 3 mai 2009 L'exposition est un programme en soi. Un programme télé. La télé vient après la revue. Inter/VIEW est une revue créée en 1969, une revue dédiée aux célébrités et à la mode. Une revue dédiée à “la société du spectacle”. Inter/VIEW est un “pilote” papier. En 1973, le papier passe à l'image. Warhol réalise des petites séquences filmées destinées à la télévision, medium de masse idéal pour rendre compte de la diversité des pratiques artistiques qui se développent alors dans le domaine des arts plastiques, du cinéma, de la musique ou de la mode. Le papier gagne avec la télé en spontanéité, en instantanéité. A voir. D.T.

Olivier Millagou

Galerie Baumet Sultana 20 rue Saint-Claude, 3ème A partir de mars 2009 Olivier Millagou a gardé de son adolescence un esprit, une manière d'être et des accessoires. Comme le tipex, les collages ou les petits mots des cahiers de texte. Pour Olivier Millagou, adolescence rime avec surf, skate et posters. Entre autres choses. Entre autres références. Pour sa première exposition dans une galerie parisienne, chez Baumet Sultana, Olivier Millagou s'attaque aux Hells Angels. Une communauté de bikers, le Moto club Harley Davidson, dont la réputation n'est plus à faire. Un club qui a fait la gloire des feuilletons américains des années 80. Pour notre plus grand bonheur. A travers ces motards et le matériel qui lui est cher - punaise, scotch gaffeur ou carte postale - Olivier Millagou introduit “un univers sombre dans le monde clinquant du business et du show-biz”. D.T.


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abonnement

Ok, 2,50 euros le numéro pour un magazine gratuit, ça ne semble pas l’affaire du siècle. Mais imaginez le plaisir de recevoir CHEZ VOUS, ce rutilant magazine, vous qui ne recevez d’habitude que des factures et des pubs. Souvenez vous de l’émotion qui vous étreignait quand, petit, vous receviez du courrier POUR VOUS ! Pas la peine d’aller écumer les lieux les plus branchés de la capitale (qui se trouvent parfois très loin de chez vous !) pour trouver Keith. Finie l’angoisse de rater un numéro. Bonjour le plaisir d’être toujours à la page. Un luxe pareil ça vaut bien 15 euros par an non ? Et puis songez-y : dans quinze ans, la fierté d’exhiber votre collection COMPLÈTE de Keith, et de pouvoir dire : “J’Y ÉTAIS !”. “J’ai fait partie de leurs tous premiers abonnés, à une époque où l’on ne savait même pas s’ils allaient passer le cap du deuxième numéro”. (On ne vous le cache pas, c’était un risque ! NDLR) Bref, si l’on devient, comme il est prévu dans notre “business-plan”, le magazine de référence de la jeunesse mondiale, le symbole de toute une génération, et bien, ce sera un peu... grâce à vous. *Pour passer à l’acte, envoyez un chèque de 15 euros à l’ordre Who is Keith ? ainsi que vos coordonnées sur papier libre à : Keith magazine / 37, rue des Mathurins / 75008 Paris


musique photos : Laure Bernard

Birdy Nam Nam

Oiseaux de nuits

Dehors il neige, il fait froid, le vent claque sur les visages. Un putain de temps à rester chez soi. La rue Montmartre en mob' devient un vrai chemin de croix. Mais au milieu de la tempête, le Social Club. La tête encore enfoncée dans ma doudoune North Face, je descends les escaliers qui mènent aux studios souterrains où m'attendent les Birdy Nam Nam. Crazy B n'est pas là, le froid a eu raison de lui, mais peu importe. Mike, Pone et Need me le font vite oublier.“Mortel tes pompes” me lancent les trois gars. Des Air Max 90 Free Hybride, elles laissent rarement insensible… Echange d'adresses et de bons plans, l'ambiance est cool et je me réchauffe petit à petit. Puis les choses sérieuses commencent : parlons de ce nouvel album, Manual for Successful Rioting. On sent la French Touch, les Daft Punk, l'électro branchouille. Justice est dans le coup, comme trop souvent. Damned, les Birdy ont-ils baissé leur froc ? Loin de là… Explications. K?-31


rencontre musique

Keith : Ce nouvel album, Manual for Successful Rioting, est beaucoup plus électro que le premier. Comment expliquez-vous cette évolution ? Pone : C'est une évolution logique, normale, naturelle. Cet album représente exactement ce qu'on avait envie de faire. Il y a cinq ans, on y pensait déjà. Le premier album, on l'a fait dans une chambre, à quatre, sans avoir jamais travaillé ensemble : c'était le laboratoire. Après, la scène est arrivée, on a appris à se connaitre, à faire des sons qui font bouger les gens, des trucs énergiques. La différence entre nos concerts et notre premier album est donc devenue énorme. On ne se reconnaissait plus tellement dedans, on ne le jouait presque pas sur scène. Et puis on a découvert de nouvelles techniques, de nouvelles machines… Tout ça nous a menés à cet album, naturellement. Keith : C'est surprenant : vous semblez avoir perdu cette touche un peu hip-hop jazzy… Mike : Attends, pour moi cet album est dix fois plus hip hop que le premier ! Pone : Après, c'est vrai qu'il n'y a plus du tout cette touche jazzy, mais il y a un temps pour tout. Moi, avant je mixais de la drum and bass et plein d'autres trucs, c'était cool. Maintenant je suis passé à autre chose. Mike : On a toujours fait beaucoup d'impro sur scène, et ce qui sortait de ces sessions a toujours été très électronique, très proche de Manual for Successful Rioting. Alors pour nous, il n'y a rien de nouveau. Keith : Justice a produit un titre, The Parachute Ending, et Yuksek une grande partie de l'album. Comment ça se passe quand vous bossez avec des mecs de la nouvelle scène électro française ? Pone : Les mecs de Justice, on les connaît depuis longtemps. Depuis le premier album, on s'était dit qu'on travaillerait ensemble. On a fait un concert à Strasbourg, on jouait juste avant eux, et en descendant de scène, ils m'ont dit : “Il y a un morceau qu'on a adoré dans votre live, on adorerait le produire”. Ca s'est vraiment fait naturellement, pas dans un délire de coup marketing, ça on s'en fout. Keith : Et Yuksek ? Pone : Ca s'est fait en deux temps. On avait enregistré une première version de l'album dont on n'était pas trop contents. Puis on est partis en tournée, et on a commencé à trouver des nouvelles phases, des trucs qui marchaient bien. Donc on a voulu réadapter tout ça sur le cd, passer un cap musicalement. Notre manager nous a alors proposé de taffer avec un producteur, chose qui aurait été impossible avant ! On a choisit Yuksek parmi plusieurs noms. On lui a fait écouter nos morceaux, et surtout on a beaucoup discuté. Parfois, certains morceaux étaient super, mais il manquait un truc. Yuksek a réussi à apporter le tout petit détails qui les faisait passer de “très bien” à “génial”. Il était comme un cinquième membre. Et on n'hésitait pas à se le dire quand on trouvait ça naze. Il fallait qu'on garde notre identité. Keith : Il y a cinq ans, pour le premier album, vous n'auriez pas supporté de travailler avec un producteur ? Pone : Même il y a un an ! Je ne sais pas trop pourquoi, on devait avoir quelque chose à se prouver. C'était une histoire d'égo. Mais là, on voulait vraiment apporter quelque chose en plus à notre musique. Et il n'y a pas de honte, même Gainsbourg n'a pas dû enregistrer un album tout seul !

“Etre des punks ça nous va bien, on n'est pas des fluo kids.”

Keith : Vous avez tous une spécialité particulière ? Mike : Need fait super bien les pâtes. (rires) Pone : Sur scène, c'est clair que certains sont meilleurs que d'autres… (rires) Keith : Le titre de l'album, Manual for Successful Rioting, rejoint cette envie de créer de véritables émeutes en live ? Pone : Oui carrément, mais des émeutes positives ! En live, on adore que ça soit le bordel ! Keith : Ca fait très titre d'album punk des années 70… Mike : Tant mieux si c'est ce que ça t'inspire, on est très punk ! Ca colle carrément à notre image. On n'est pas des fluo kids ! Pone : C'est un mec de Manchester qui nous a aidés à le trouver en plus ! Keith : Dans le premier album, il y avait un morceau qui s'appelait Abbesses. Dans celui là, Bonne Nouvelle. Pourquoi ces deux stations de métro ? Mike : Parce qu'on est des bobos parisiens ! Pone : Tout simplement parce qu'on a enregistré l'album a côté de la station Bonne Nouvelle. Et pour le premier, Need habite aux Abbesses, et c'est là-bas qu'ont été posés les guitares et les accordéons qui étaient sur Abbesses. Et en plus, ça collait bien à l'ambiance du morceau. Mike : Dans le prochain, il y aura un morceau qui s'appellera Social Club, on est obligés maintenant !

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Lil Mike

Pone


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Crazy B

Need

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Keith : Vous continuez à suivre la scène rap, dont vous êtes tous issus ? Mike : Je me sens super proche du rap, c'est vraiment la culture qui m'a amené à faire de la musique, et je prends toujours autant de plaisir à écouter les classiques. Mais actuellement, je me sens moins concerné. Même si je suis toujours fan de Booba et que j'aime beaucoup Sefyu. Le vrai rap français comme on aime. Pone : Ouais Booba, depuis Le crime paie, il déchire tout ! Et puis La Cliqua, Mafia k'1 fry, Ideal J, Oxmo… Mais c'est vrai qu'on ne suit plus tellement la nouvelle scène. Il y a des trucs bien, Lil Wayne c'est cool, mais je n'en écoute pas chez moi. On est très classiques en fait, et pas seulement hip hop. Je peux écouter les Doors non stop pendant une semaine. Keith : Vous revenez des Trans Musicales et il parait qu'il n'y avait pas eu autant d'affluence à un concert là-bas depuis les Beastie Boys… Qu'est ce que ça vous fait d'être comparés à eux ? Pone : Ah ouais ! J'y étais au Beastie ! C'était dangereux… Mike : Bah on se la pète, on se la raconte ! On est les Beastie Boys français, qu'est ce qui se passe ! (rires) Nan mais sans rires, ça fait super plaisir ! Pone : Et ça met la pression… Mais une pression positive !

“On veut créer l'émeute. Mais l'émeute verticale, on veut voir les gens sauter.”

Keith : Si vous ne vous étiez pas appelés Birdy Nam Nam ? Need : Très bonne question ! Mike : The Deepers ! Sérieux, on voulait vraiment s'appeler comme ça à un moment ! Pone : The Impatient ! Need : Franchement, on te répondrait un truc différent tous les jours. Pone : Les Quatre Enfoirés ! Mike : Les Valseuses ! Pone : Mieux, les Valseurs ! Keith : Votre nom vient donc du cinéma (célèbre réplique de Peter Sellers dans The Party ndlr). Quels sont vos films culte ? Mike : Menace II Society, Requiem for a Dream, Les Princes de la ville, Commando… Pone : Les Dents de la mer, Les Goonies, Délit d'innocence, Predator… Trop de réponses possibles ! Keith : En live, vous avez une présence incroyable. Vous travaillez votre jeu de scène ? Pone : Nan, c'est l'alcool ça. (rires) Need : Il n'y a pas un personnage public et un personnage privé. On est les mêmes sur scène et en dehors. Pone : Moi j'ai toujours été comme ça, à fond dans mon truc. On vient de cette école, le trip championnat, défi… Mike (Il se lève) : You wanna battle me ?! You must be crazy ! (rires) Need : Et ça rejoint le titre de l'album. L'émeute ! C'est un mot qu'on emploie souvent. Mais l'émeute verticale, on veut voir les gens sauter. Keith : Vous avez un rituel avant de monter sur scène ? Mike : Ouais, on se fait un bisou sur la bouche avec une croix ! (rires) Pone : Nan rien de spécial, une petite bise pour s'encourager. Mike : Sinon, j'aime bien leur toucher la bite… Keith : Vous signez beaucoup d'autographes ? Pone : Un peu, mais je vois plutôt ça comme des dédicaces. L'autre jour, j'étais dans le métro, et je voyais un mec qui me regardais un peu gêné, je sentais bien qu'il me reconnaissait. Et là son portable sonne, et sa sonnerie c'était Abbesses ! Keith : Un mot pour finir ? Mike : Si tu kiffes pas, t'écoutes pas, et puis c'est tout ! Propos recueillis par Léonard Billot et Basile de Bure.

* Manual for Successful Rioting, de Birdy Nam Nam (Jive Epic). Sortie le 12 janvier 2009

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Keith : Vous avez des rêves ? Mike : En ce moment, c'est déjà pas mal… Pone : Vendre des disques, être disque d'or ! Et ça n'est même pas une histoire d'argent. On veut exister, être reconnus ! Mike : Avec cet album, on nous taxe déjà de suiveur de Justice, ou d'être en voie de daftpunkisation… Nan, nous on est les Birdy Nam Nam, et on veut convaincre tout le monde que ce qu'on fait c'est de la balle.


chroniques sous taz

Trésor caché : Belaire. Simple, talentueux, inventif : à eux seuls, ces trois adjectifs résument Belaire. Mais en plus, si de nombreux groupes ont beaucoup de talent, Belaire a cette chose rare qui fait mouche : un univers. Tout est là. Il suffit de trois notes pour que les mélodies s'inscrivent en vous et vous frappent par leur sensualité et leur fraîcheur. Chaque note devient une couleur, chaque son une teinte, et la musique prend forme en un arc-en-ciel de plaisir. En fermant les yeux, on imagine même des enfants innocents armés de pastels virevoltants autour de nous. Belaire nous réconcilie avec l'honnêteté, et l'on se sent devenir quelqu'un de bien... Seule ombre au tableau : vous ne trouverez malheureusement pas cet album en France. Et quand bien même : le public français serait-il prêt ? Heureusement, les séries américaines semblent avoir fait une partie du travail, en habituant les oreilles du grand public à la musique plus indépendante. Quoi qu'il en soit, Belaire reste pour l'instant un de ces groupes secrets que l'on est content et fier de faire découvrir aux gens qu'on aime. En toute simplicité. www.myspace.com/belaire Donatien Cras de Belleval.

The Plot, de Who Made Who (Gomma/Modulor). Sortie le 2 mars 2009

Comment définir Who Made Who ? Comment expliquer le délire de trois tarés dont le cerveau a trop gelé à Copenhague ? Who Made Who, c'est electro, c'est groovy, c'est funky, c'est disco, c'est punk, c'est pop, c'est coloré… Mais c'est surtout très sexuel. Avec The Plot, les mélodies hypnotiques enflamment les dancefloors. Tous les adjectifs du monde ne pourraient définir leur style tant il atteint à cette complétude étrange qui qualifiait déjà leur premier album. Seuls comprendront ceux qui ont eu le plaisir (l'orgasme ?) d'écouter leur premier opus éponyme. Pour les autres, si vous êtes du genre à rester bien au chaud dans vos pantoufles, passez votre chemin. Mais si vous êtes prêts à prendre une golden dans la mâchoire, à être sonné et à voir toutes sortes d'étoiles et de constellations, ruez-vous sur ce bijou survolté. Vous comprendrez enfin cet article incompréhensible.

photo : Sacha Maric

François Kraft.

La nouvelle scène electro. Un matin, le réveil sonne, il est 7h… Encore une nuit insuffisante et une journée qui s'annonce interminable. Dentifrice, clope, café ; l'ordre reste à déterminer mais mon cerveau se décompose dans les profondeurs lointaines. J'enfile un jean, un gros pull et je pars à l'aventure. Pour me tisser une toile de fond afin de réalimenter un imaginaire en perdition, je lis l'horoscope dans le métro. Rien à faire, le temps s'évapore de ma mémoire. La chasse à l'action perdue est ouverte ! Je me branche aussitôt sur mon iPod pour retrouver une décontraction nécessaire. Lion de ZZZ pianote (dans mes oreilles encrassées) une fugue malsaine privée de sens. Il suffit de la saisir et de l'écraser sous l'ongle comme une puce pour que la variation s'opère à l'intérieur du thème. Le combattant du bien croise le regard d'une licorne sauvage, un enfant timide flotte sur son petit nuage. L'irréel M.A.G.I.C de The Sound of Arrows est le reflet aphrodisiaque d'un D.A.N.C.E revisité par les amants suédois de Lo-Fi-Fnk. L'équilibre est instable et risque à tout moment de s'effondrer. Mon imagination chamanique me joue des tours. La voix démoniaque de Fever Ray (moitié de The Knife) sur If I Had a Heart plonge mon âme dans l'immensité du vide… Terminus, je dois descendre de ce fichu wagon. L'incompréhension grandit en moi lorsqu'en grimpant les marches de Solid Gold de Golden Filter je me retrouve seul, dans un couloir désert et abandonné… La voix angélique de Hide Me tente de me ramener à la vie mais la situation est devenue critique. Le filtre possède une force autodestructrice. Seule la Rose de the Laughing Light of Plenty peut concentrer mon cœur d'un bonheur incomparable. La folie est condensée dans une respiration alternative. La mécanique ondulatoire de Brum Brum de Patrick L m'emporte dans une danse frénétique. Elle définit les lois de l'attraction pour déclencher une contamination Disco universelle. Je respire, il est peut être déjà trop tard ? www.myspace.com/zzzoinkz - sortie le 20 janvier www.myspace.com/thesoundofarrows - sortie le 28 janvier (Labrador Records) www.myspace.com/thegoldenfilter - sortie le 16 février www.myspace.com/thelaughinglightofplenty - sortie le 10 mars (Phonica) www.myspace.com/patricklindeen - sortie le 9 février (Metro Groove)

Mateusz Bialecki.

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Set Your Head on Fire, de The Black Box Revelation (T for Tunes/PIAS). Sortie le 9 mars 2009

Deux jeunes rockeurs venus tout droit de Belgique nous apportent du plat pays quelques très bons morceaux, d'une efficacité redoutable. Comme quoi, pas besoin d'un orchestre et d'arrangements dans tous les sens pour faire du rock. Pas besoin non plus de faire une tête de souris lobotomisée dépressive et de chouiner au micro sur des notes dissonantes pour se donner un air (raté) “thomyorkien”. Ici, c'est du rock pur et dur, une batterie, une guitare, sans fioriture, tout simplement. Mais le risque est là : un peu facile peut-être… Slim, blouson noir en cuir et Converses. Gamme blues, canal saturé et son fort. Le rock peut être simple, mais encore faut-il le rendre un poil personnel. Ici, nombreuses sont les influences perceptibles, honorables certes, mais parfois trop présentes. Comptons sur le temps et l'expérience pour qu'elles s'amenuisent, et retenons en attendant les murmures et susurrations mélodiques envoûtantes qui se cachent derrière cette apparente simplicité. On a malgré tout affaire à un beau diamant brut Quelques titres quasi-tubesques tel que Never Alone Always Together renforcent cette idée. On a hâte de voir la suite. F.K.

photos : Salim Madjd

Good City For Dreamers, de General Elektriks (Audio Kitchen/Discograph). Sortie le 23 février 2009

Envie de synthés gonflés à l'adrénaline et à la funk ? En voilà ! Pour ceux qui s'en souviennent, la générale électrique nous avait déjà produit l'électrifiant Tu m'intrigues. Attendez-vous, avec cet album, à valser tel un électron libre dans les contrées musicales de la générale. Vous ferez tout de même des économies d'énergie avec des titres plus groovies comme le fabuleux Bloodshot Eyes. Il aura suffit que l'on offre un synthé au leader du groupe lors de son huitième anniversaire pour qu'il en soit mordu à jamais. Frappé par une envie de partir à San Francisco, il fait ses bagages, prend sa copine et ses synthés et file sur la route… Rencontres fortuites avec Lyrics Born, Pigeon John ou encore Blackalicious pour ne citer qu'eux ! La rythmique est parfaite, la voix enchanteresse, une envie nous démange : ressortir les pantalons pattes d'eph' et vibrer. Cet album sonne comme un véritable dialogue musical hors du temps, à la dérive des plus grandes rêveries.

illustration designjune

D.C.B.

Prodigy - Invaders Must Die Centenaire - Take Me Home The Moskovits - Saturday Night Poney Poney - Junior (Château Marmont remix) Tommy Sparks - I'm A Rope (Yuksek remix) Soldout - The Cut The Yolks - Faster Andrew Bird - Oh No Eagles Of Death Metal - Cheap Thrills Franz Ferdinand - No You Girls Stuck In The Sound - Dirty Waterfalls Birdy Nam Nam - Space Cadet Apology M.Ward - Hold Time Titus Andronicus - My Time Outside The Womb Telepathe - So Fine The Cari & Jason Band - Gone For A While


Keith’s friends

The Yolks Now Future.

Mon premier pourrait être Peter Tosh dans la peau de George Harrison. Mon deuxième a le phrasé rythmique de Mirwais. Mon troisième a le turban de Manmohan Singh version poète maudit. Mon tout est un monstre à trois têtes, cracheur de bulles roses bonbon qui éclatent dans un “blop” frénétique et gourmand. The Yolks. Porte drapeau de la renaissance inespérée de la sun pop parisienne, le trio affirme son identité par une créativité musicale pointilleuse, simple et chic, bercée par un soupçon de French Touch. “Three boys in the wind”. Ces mecs se démarquent de la ratatouille de tous ces groupes rock dandy qui veulent nous faire guincher sur les tables. Il y a du rock mélangé à l'electro décontractée du clavier, des effluves disco pour les derrières cambrés des midinettes à frange, des impulsions funk pour faire trembler le parquet. Du groove, pas de blues. “Un truc un peu bricolopop-sunshine, voire bricolopunksunshine !” soufflera Arnaud, le chanteur. A illustrer comme trois bonhommes animés par Ub Iwerks, maillot de bain à fleurs, chapeaux de paille troués, traînant des pieds dans un champ de pâquerettes. Lazy on Sunday ou les lendemains nuageux d'amateurs de cocktails à la fraise. Après avoir démarré par un délire folk un peu mellow, les Yolks explorent leur magma créatif pour nous servir leurs mélodies crémeuses. “Ça n'a pas été facile de tout de suite trouver notre identité sonore” confie Alex, le claviériste. “Quand tu as un instrument entre les mains, quel qu'il soit, tu t'enflammes à chaque riff qui sonne bien, porté par l'ivresse d'avoir un groupe”. De là vient le trip yolk, “le mélange, la texture colorée et chaude, le

noyau” ajoute Arnaud. La texture musicale des Yolks, c'est comme un élastique reliant bout à bout leurs influences. 70's, French Touch, Phoenix, 60's… Comme autant d'ingrédients disparates passés dans un shaker d'où dégouline enfin le cocktail parfait.

Yolk, jaune d'œuf. Belle métaphore pour un groupe aussi soudé, qui prône la démocratie musicale. Clin d'œil malin au chanteur et au guitariste qui sont nés dans le même poulailler. Référence unique à un groupe qui a grandi sur la ligne 1, “la ligne costard cravate !”. D'où le fameux Stop Working (notez le tube en puissance, plus un bel hommage aux style des versaillais Phoenix), qui, contrairement aux quelques peu primaires réactions musicales anti-sarkosystes, insinue très justement la frayeur infligée par les Brian embagousés, les Steve encravatés, les Dave affolés par la couleur de la nouvelle voiture du patron… sur un air de 19th Nervous Breakdown ! Putain de cadres… A la question “c'est pas trop risqué d'avoir tout plaqué pour la musique ?”, la bouche en cœur, ils répondent en chorale et en canon que “y'a pas de profit sans risque” et puis “on fait ce qu'on veut !”. La scène est leur mentor, les partitions sont leur bible, leur engouement une ligne de conduite. “Tant qu'il y aura de la scène, il y aura un public, tant qu'il y aura un public, il y aura les Yolks”. Notez leur omniprésence, sur fond de dynamique cocaïnisante. Ils sont partout, dans les golden-chiottes de chez Régine, sur les tabourets pourris de tous les backstages parisiens,

photos : Laure Bernard lumière : Nicolas Scordia

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frappant mondanité et lieux culturels de leur sceau jaune. Mais il y a un curieux vide dans toutes ces lignes… Un peu comme cette blonde incroyable qui n'arrête pas de vous sourire. Mais le sourire est pincé, il lui manque une dent ! Si vous êtes un bon groupe, il ne vous manque pas un truc aussi essentiel. J'avais oublié le batteur ! En fait, Gabriel, auteur de l'incroyable ligne de batterie de Stop Working - contretemps calé avec beaucoup de classe sur le riff syncopé de la guitare - a le cul coincé entre deux caisses : il joue avec les Yolks depuis un an, mais aussi pour le groupe Baden Baden. The Yolks s'apprête à squatter les studios parisiens pour enregistrer leur premier EP, qui comptera parmi ses titres le groovissime Faster, dont le magnifique solo d'Alex rendra jaloux plus d'un kiffeur de claviers. Daft Punk is in the house… En attendant, les trois gars nous font le plaisir de venir jouer à la soirée Keith du vendredi 13 février au New York Club pour fêter la sortie du numéro 7. La classe ! Charles de Boisseguin.


musique

LES FREAKS, C'EST ZIQUE

La musique adore les freaks. Et ils le lui rendent bien. Chacun son truc, chacun son toc. Revue de détail. - Le freak dangereux.

Phil Spector. Bien possible que le génial inventeur du “wall of sound” finisse sa vie entre quatre murs, mais pas de son… - Le freak marrant.

Screaming Jay Hawkins. Le second degré vaudou, tout un concept à aller voir d'urgence sur Youtube. Personne ne surpassera son I Put A Spell On You. - Le freak génial.

Devendra Banhart aime bien faire l'imbécile, poser avec un masque en forme de bite, jouer des maracas tout nu… Un grand garçon avec une âme d'enfant. - Le freak “bouh”.

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Alice Cooper. Il devrait être rebaptisé Coupeur, tellement il nous a foutu la trouille avec ses histoires de serial killers, de meurtres au couteau et de guillotine en direct. Et sans make up, ça marche aussi ? - La control freak.

Madonna. Complètement robotisée depuis quelques temps, Mado est en train de se changer en femme bionique. Nique nique. - Le freak corbeau.

Robert Smith. Ok, c'était les années 80, ok, c'était pas la joie, mais franchement, cette coupe de cheveux, Robert, c'est pas poss. Fais un effort, coupe-les plus Cure (rires). - Le freak fétichiste.

Marilyn Manson. Mais oui, on l'a vu que t'étais fou. Mais oui, on a les chocottes quand on tombe sur un de tes clips à 4 du mat' sur MTV Pulse. Pas la peine d'en faire des tonnes ! Non mais. Clémentine Goldszal.

Hip Hop prospect 2009 sera placé sous le signe du blockbuster. On peut s'attendre à de nouvelles livraisons d'Eminem, Jay-Z, Ciara, Kanye West, Lil Wayne et même peut-être à la sortie du Chinese Democracy du hip-hop américain : Detox de Dr Dre. Mais cette grande ruche risque d'être bouleversée par de nouvelles sensations fraîches, qui projettent également leur sortie en cette fin de décennie. • Bishop Lamont est la dernière grosse signature d'Aftermath Entertainment, label de Dr Dre. Ce dernier dit d'ailleurs de Lamont qu'il est un des seuls rappeurs actuels à l'impressionner, avec Eminem. Il a produit son single Grow Up, dont l'instrumental G-funk avec l'alarme sur le refrain est typique des productions West Coast des années 90. Son album The Reformation va sortir cette année et faire une concurrence sévère au roi de la Californie, j'ai nommé The Game. • Wale vient de Washington DC. Il a sorti en 2008 une mixtape inspirée de la série Seinfeld sur laquelle il joue avec les clichés du hip-hop. Il se moque de l'utilisation à outrance du mot “bitch”, déplore la monotonie du genre, défend la cause des Noirs avec une rigueur et une habileté d'exception. Un vrai album devrait voir le jour cette année, qui promet de bluffer ceux qui le rangent déjà dans les “backpackers”. • Charles Hamilton vient de Harlem, New-York. Son single Brooklyn Girls sorti en 2008 sur la major Interscope est l'un des plus accrocheur et prometteur. Kanye West a déjà posté la vidéo de son clip sur son blog et les radars de la presse américaine sont en panique. L'originalité de son flow et la qualité de ses productions devraient faire la différence en 2009. Benjamin Kerber.

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To Be Still, d'Alela Diane (Fargo/Naïve).

photo : Patricia De Gorostarzu

Sortie le 17 février 2009

2008 fût une drôle d'année pour Alela Diane… Des mois passés sur la route à promouvoir son premier album, The Pirates's Gospel, une enfilade de chansons enchantées, et la découverte pour le public d'une voix définitivement singulière dans le paysage musical mondial. Contre toute attente, cet essai confidentiel a rencontré un joli succès (50 000 exemplaires vendus en France), avec un Olympia sous le charme comme point d'orgue, en novembre dernier au festival des Inrocks. Entre-temps, la Pocahontas de la folk américaine a trouvé le temps d'enregistrer un album de reprises avec Headless Heroes, prêtant juste son timbre hors du temps à des rengaines signées Nick Cave ou The Jesus and Mary Chain, et de peaufiner un deuxième opus. Entre Nevada City et Portland, dès que la scène lui laissait quelques jours de répit, elle a donné vie à onze nouveaux titres dans la droite ligne de ce que l'on connaît d'elle. Sa voix langoureuse, ses mélodies classiques et classieuses, ses poèmes naturalistes, trouvent ici un nouvel écrin, un peu plus étoffé. Des violons, des percussions plus présentes, de la pédale-steel, apportent quelques nouvelles couleurs à la palette pastel d'Alela, du changement tout en douceur, une continuité intelligente, une intégrité réjouissante… Hors des tendances, aucune chance pour elle de se démoder. Comme l'on s'émerveillera toujours en écoutant Bob Dylan ou Karen Dalton, quarante, cinquante, cent ans plus tard, gageons qu'Alela Diane réjouira toujours nos vieilles oreilles dans quelques décennies. C.G.

Heart On, des Eagles Of Death Metal (Downtown/Coop). Il est terriblement jouissif de voir les abrutis qui passent leurs journées à poster des commentaires sur Dailymotion s'énerver sur le génial clip de Wanna Be In LA et je cite : “MDR JMATTENDAIS A DU PURE DEATH MDR sinon sympa la video c balese a realisé”. Eagles Of Death Metal et Jesse Hughes, son chanteur fou, sont l'alternative rockabilly glam dansante aux Queens Of The Stone Age, produite par Monsieur Josh Homme en personne. Ce dernier effort sonne comme une décharge d'électricité. Une diabolique et bouillonnante machine à faire remuer les morts. L'album part en bombe sur cinq morceaux rapides et extrêmement distordus aux titres hilarants, style (I Used To Could't Dance) Tight Pants. De temps à autre, le son du groupe rappelle celui de la scène de Detroit du début des années 2000 : White Stripes, Von Bondies et surtout Electric Six (pour l'humour en plus). On se pose ensuite sur Now I'm A Fool où le Jesse “Devil / Boots Electric” Hughes prend un recul nécessaire sur ses graisseux excès. A partir de Cheap Thrills jusqu'à la fin on pensera aux Stones de Sticky Fingers, avec tout un tas de plans de guitare à la Brown Sugar. Alors si vous êtes seul chez vous une chaude nuit d'été, bouteille de Jack D à la main, plus que des pornos soft core à la télévision, mais animé par une sévère envie de forniquer, à la limite d'appeler une call girl… Dans cet ultime état d'urgence, Heart On est le divertissement qu'il vous faut. B.K.


photo : Steve Gulick

musique

POUR/CONTRE Avis partagés, chronique dédoublée. Alors, Glasvegas, vraie révélation ou fausse valeur ? Glasvegas, de Glasvegas (Columbia/Sony-BMG). POUR.

1999 : une étoile est morte. Jesus & Mary Chain se sépare, l'univers se fend de douleur et les repères de centaines de milliers de fans aux cuirs noirs et aux cœurs purs s'évaporent dans l'air injuste. En 2008, Glasvegas sort son album outre-manche et l'on peut se sentir triste ensemble de nouveau. Urbain et commercial comme Glasgow, étincelant comme Las Vegas. James et Rab Allan, Paul Donoghue et Caroline Mc Kay auraient signé sur Creation à la fin des années 80. Leurs accords sentimentaux, ces murs de guitare qui font écho à ceux des frères Reid et aux productions de Phil Spector, ces “r” roulés comme si l'Ecosse avait soudain pris le dessus sur l'Angleterre. La musique de Glasvegas a une gueule d'atmosphère : elle rappelle le réalisme poétique du cinéma classique français des années 30. Mais ce n'est pas un simple quai embrumé, “There's a storm on the horizon” dit Ice Cream Van. C'est la chienne de vie pour le petit riche de Go Square Go qui devra se battre quoi qu'il arrive ; Geraldine est celle qui travaille pour rendre la vie des autres meilleure. Sur la ballade au piano Stabbed, il menace les voyous qui auraient l'idée de le poignarder : ils ignorent ce dont sa famille est capable. Après cinq minutes de lame de fond industrielle sur Flowers & Football Tops, James Allan entonne comme si c'était là un hymne sportif “You are my sunshine”, chanson traditionnelle américaine des années 40. Solitude, drogue, mafia, pauvreté et romance. L'hiver 2009, tout un programme.

CONTRE.

Glasvegas, c'est le gros buzz de la fin 2008 en Angleterre (avec la couv' du “NME” pour attester de l'engouement). Alors, forcément, on en attend beaucoup. Dès le premier morceau, le concept est rodé : de l'emphase, beaucoup d'écho, une voix nasillarde unique et reconnaissable, et une montée en puissance évidente. On s'amuse des chœurs et de la batterie en mode “Grease”, outrancièrement rétro malgré le gros son de l'ensemble. Bref, on sourit, on se dit “pourquoi pas ?”. Et puis Geraldine arrive en traînant des pieds, chantée avec beaucoup, mais alors beaucoup de maniérisme par James Allan. Le débit est précipité bien que le rythme soit toujours un peu traînant, la mélodie est accrocheuse, mais quelque chose cloche : le tout se noie dans un océan d'arrangements où se bousculent l'équivalent de trois ou quatre guitares de Slash, doublées d'une réverb' digne du Grand Canyon. Au final, c'est mélancolique, ça oui, mais surtout prodigieusement ennuyeux malgré le déluge de moyens mis en œuvre, et presque tristement désincarné, malgré des textes très humains, eux. Alors les gars, comprenez bien qu'on ne vous demande pas de vous laisser pousser la barbe et de vous changer en Fleet Foxes dépouillés… Mais de grâce, pédale douce sur le mur du son ! C.G.

B.K.

The Time Of The Assassins, de Nickel Eye (Ryko/Naïve). Impossible de parler de Nickel Eye sans évoquer la gênante réalité. On était censé attendre une réunion des sacro-saints Strokes en février, mais la sortie imminente de The Time Of The Assassins - et la probable tournée qui en découlera - risquent tout de même de nous faire perdre patience. Alors est-ce la goutte d'eau qui fait déborder le vase, après un deuxième album moins inspiré que le premier d'Albert Hammond Jr et un projet sympathique mais sans prétention de Fab Moretti ? Si l'on est vraiment exigeant, la réponse est oui. Bien sûr, Nikolaï Fraiture compose bien, sa voix grave et traînante possède un certain charme. Il a d'ailleurs tenté de se démarquer de ses deux autres zélés camarades. Il y a sur ce disque un côté romantique new-yorkais que l'on peut relier au folk de Leonard Cohen, cf les ballades qui le parsèment et sa reprise de Hey That's No Way To Say Goodbye. Dying Star tente une approche plus noise, avec des moulinets de guitare au delay, que l'on doit à Nick Zinner, guitariste des Yeah Yeah Yeahs. Brandy Of The Damned, qui rappelle le dernier Beck, est clairement agréable. Mais les autres chansons sonnent comme des faces B d' Is This It, et peu seront renversés. C'est l'album du bassiste des Strokes et, contrairement à Yours To Keep, le premier album d'Albert Hammind Junior, on ne l'aurait pas écouté autrement. Une connaissance a croisé Julian Casablancas à Paris chez Gibert récemment. Il lui a promis la suite de First Impressions Of Earth pour 2009. Halleluyah. B.K.

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Tonight : Franz Ferdinand, de Franz Ferdinand (Domino/Pias). photo : Soren Solkaer Starbird

Franz Ferdinand a acquis, en quatre ans, une ampleur qui les place au rang des géants britanniques de la décennie, avec Radiohead et Coldplay. En conservant la ligne directrice de “faire danser les filles”, envoyant des tueries dance floor de singles en singles, Alex Kapranos et sa bande ont définitivement conquis le grand public. Catégorisés arty-indie-kitsch-mords-moi-le-nœud à la sortie de leur premier excellent album, ils n'ont pas réussi à contredire les malveillants à l'occasion d'un deuxième plus fade effort. Après avoir acheté un studio dans une cave, entièrement équipée en instruments vintage, ils se sont lancés dans la confection de ce qui pourrait être le meilleur de leur trilogie. Des hymnes de stades disco-funk (Ulysses, What She Came For), l'intrusion du MiniMoog aux lignes complexes et aux sonorités futuristes (Turn It On), l'influence Talking Heads à son summum avec un aspect sombre et des percussions ethniques, comme sur Lucid Dreams et sa conclusion électronique. Le groupe se libère du minimalisme qui était le sien et produit à outrance. Pour le pire : l'euro-dance poussive de Live Alone et Can't Stop Feeling qui rappelle le remix club de Samba De Janeiro. Mais surtout pour le meilleur : No You Girls comme un écho au Girls & Boys de Blur, la ballade psyché Dream Again et Bite Hard, superbe pour le live. Katherine Kiss Me achève d'expliquer ce qui fait la différence avec la concurrence actuelle : une grande voix. B.K.

Secret Machines, de Secret Machines (V2/Coop). Par curiosité, je suis allé lire d'autres critiques au sujet de Secret Machines, le troisième opus du groupe du même nom formé au début des années 2000 à New-York. On dit donc des compositions de Brandon Curtis, Josh Garza et du nouveau guitariste Phil Karnats qu'elles puisent dans Pink Floyd et Led Zeppelin. On parle parfois d'encombrement prog-rock, de virilité excessive, d'essoufflement. Que de surprises donc à l'écoute de ladite galette ! Pour m'assurer que je n'étais pas fou, je suis allé jeter un coup d'œil au Myspace du groupe. Il confirmait mon intuition. Dans son top cinq d'amis, c'était là, évident comme un éléphant dans ma chambre : My Bloody Valentine. Je retrouvais dans la souplesse des breaks de batterie et la furie agressive des guitares d'Atomic Heels le même élan de violence que dans Only Shallow qui ouvre l'album culte de Kevin Shields, Loveless. Au fur et à mesure, ça devenait logique : des mélodies pop jouées comme si la fin du monde était proche. Un chant fantomatique, autoritaire et neutre à la Nico, d'une justesse agaçante. De belles vagues synthétiques comme sur I Never Thought To Ask, Underneath The Concrete et ses arpèges à la John Squire… Des textes d'une poésie moderne éblouissante : “I needed proof, 'cos I have been lied to, these walls are all that I know”, dit-on, le chapeau tiré à Emily Dickinson. Bref, un album dont on appréciera la beauté, à condition d'avoir écouté plus de deux disques dans sa vie. B.K.

Shoegazing Kids, de Stuck In The Sound (It's Records/Discograph.

photo : Kékoo

Il y a deux ans, Stuck In The Sound naissait au public avec un deuxième album (après un premier opus auto-produit et auto-distribué), et un single plutôt inoubliable : Toy Boy nous a fait découvrir une voix venue d'ailleurs, un timbre à la fois sensuel et extraordinairement distingué, capable de pirouettes dans les aigus, et de velouté dans les graves. Bref, quelque chose de rare dans le rock français, dont il est un euphémisme de dire que les grands vocalistes ne s'y bousculent pas. En même temps, Stuck In The Sound fait plus du rock en France que du rock français : ils écrivent en anglais et composent une musique imprégnée d'influences anglosaxonnes. Pas de surprise donc à ce que leur second album ait été s'offrir un petit coup d'USA avec un mixage à New York, après un enregistrement hexagonal. Et effectivement, dès le morceau inaugural, un instrumental de cinq minutes, il est clair que les quatre Parisiens tiennent à leur son, bien rock, pas trop propre, ample et maîtrisé. Sur la scène parisienne, on les placerait plus volontiers du côté de Nelson que des BB Brunes : ils appartiennent à une génération élevée aux années 90, qui a encore pu humer les vapeurs eighties, sans céder en 2002 au rock-à-la-Libertines. Alors, les Stuck font un rock mature, parfois couillu comme du Queens Of The Stone Age (l'intro du deuxième single, Shoot Shoot), parfois orfèvre comme du Smiths à la sauce XXIème siècle (Dirty Waterfalls). Seul regret : à force d'arrangements et de gros son, le sublime (et rare) organe de José Reis Fontao peine à surnager, parfois enseveli sous moult breaks de batterie et solos distordus, alors qu'on ne rêve que d'une trêve guitare-voix oreille contre bouche avec lui. C.G. *En concert dans toute la France et le 6 mai au Bataclan. www.myspace.com/stuckinthesound

Noble Beast, d'Andrew Bird (Bella Union/Coop).

Un disque qui commence par des sifflements sur quelques accords de guitare, ça fait chaud au cœur en quarante-cinq secondes. Confirmation avec le nouvel album d'Andrew Bird, un Américain qui nous veut (et nous fait) vraiment du bien. Douze ans de carrière déjà, et une reconnaissance timide en France… C'est injuste car cet oiseau a la grâce d'un Damien Rice, doublée d'un talent de musicien immense (violoniste et guitariste virtuose). Du coup, les arrangements, subtils et jamais m'as-tu-vu, enrobent des chansons composées comme de petites histoires précieuses, chacune ayant son existence propre, son atmosphère, son caractère. Andrew Bird vit et enregistre à la campagne et ça s'entend, mais sa maison n'est pas la bicoque d'un ermite qui fuirait la compagnie des hommes ; chacun y est bienvenu, un feu brûle dans la cheminée, et ce conteur du troisième millénaire nous parle de lui, de nous… On repart de chez lui un peu plus heureux. C.G.


rencontre musique photos : Sophie Jarry

Little Joy,

Grand Groupe.

Little Joy est le prototype du groupe auquel on s'intéresse pour de mauvaises raisons (la présence de Fabrizio Moretti, le classicime batteur des Strokes), mais dont on s'amourache sincèrement dès la première note. Frais mais dense, artisanal mais longuement peaufiné, leur premier album est une réussite totale. Nous avons rencontré Fabrizio, le chanteur Rodrigo et la charmante Binki, quelques heures avant leur concert à la Maroquinerie. Interview. K?-44


"Comme les gens savent que l'album a été fait en Californie, ils ne captent pas toujours l'ambiance sombre, caverneuse, enfumée, lourde de meurtre… Alors que c'est très important pour nous." (Rodrigo)

Keith : Commençons par le commencement… et la naissance de Little Joy… Rodrigo : J'ai rencontré Fab dans un festival au Portugal. Nous sommes devenus amis, et on a envisagé de faire de la musique ensemble. Et puis il a déménagé à Los Angeles, où il a rencontré Binki. Moi, je devais y aller pour travailler avec Devendra Banhart. On a fini par traîner ensemble, on s'est beaucoup amusés, on a commencé à jammer, à se montrer les chansons que nous écrivions, chacun de notre côté. Fab avait un paquet de morceaux écrits et il nous a demandé de l'aider à les finaliser… Au début, on n'avait pas en tête de faire un album, ni même un groupe. C'était plus du genre “on fait une pause avec nos groupes respectifs, pourquoi pas en profiter…” Binki : Moi, je n'avais rien à faire… Rodrigo : Au bout de quelque temps, on a emménagé tous les trois dans une maison à Echo Park, à Los Angeles. Après deux ou trois mois de colocation, on s'est dit qu'on avait peut-être assez de chansons pour sortir un album. Alors on s'est trouvé un nom, on a commencé à réfléchir à comment nous voudrions enregistrer… Keith : Et maintenant la tournée… Rodrigo : On a commencé aux Etats-Unis, c'était la folie : on a roulé 20 000 kilomètres, fait 36 concerts en deux mois et demi, dont certains avec Megapuss (le dernier projet de Devendra Banhart, en duo avec son acolyte Greg Rogove, ndlr). Fabrizio : Fucking hell on wheels… Keith : C'est l'occasion pour vous de rejouer dans des petites salles. Rien à voir avec les Strokes… Rodrigo : Ça correspond mieux à ce groupe-là, même si nous avons forcément plus d'exposition avec la présence de Fab dans le groupe : plus d'interviews, et même plus de public aux concerts. Binki : Je crois que, même si, forcément, les media parlent beaucoup de Fab et des Strokes, le public des concerts est là pour Little Joy. Notre musique est vraiment différente de celle des Strokes, beaucoup plus mélancolique. Rodrigo : Et puis les fans des Strokes sont des gens très intelligents.

"Je suis beaucoup moins nerveux avec Little Joy qu'avec les Strokes. J'ai l'impression que c'est secret, que tous les gens autour de moi sont mes amis." (Fabrizio)

Keith : Comment avez-vous décidé de la direction que vous vouliez prendre ? Fabrizio : En fait, le son s'est précisé à mesure que nous apprenions à nous connaître… On l'a vraiment découvert ensemble, c'était comme essayer de construire une voiture avec du bois et des marteaux ! On avait juste un ordinateur dans le salon de notre appartement, on essayait de trouver des manières ingénieuses de faire sonner les instruments, sans but précis ni limite de temps. Comme nous n'avions pas de plan d'action, tout est né de notre amitié, nous avons vraiment construit ça tous les trois. On voulait célébrer quelque chose ensemble. Keith : Y a-t-il un thème défini dans l'album, un fil conducteur qui relie les morceaux entre eux ? Rodrigo : La cohérence vient vraiment du moment où nous l'avons écrit. En fait, quand tu écris, tu penses que c'est de la fiction. Mais, au final, tu y retrouves une vraie expérience tirée de ton subconscient. Certains textes ont été écrits pour exorciser des émotions… Fabrizio : Et en même temps, personne n'était assis dans un coin avec une cigarette à se plaindre de la cruauté de la vie… On avait besoin de paroles, on a réfléchi aux thèmes qui correspondaient. Et l'amour est un sujet dont on peut parler jusqu'à la fin des temps. Pour ne pas se répéter, nous avons changé les perspectives et les personnages. Alors telle chanson parle de quelqu'un qui est aimé, telle autre d'un nouvel amour, la troisième d'un mec dans un bar qui dit à tout le monde “Je suis tellement déprimé d'avoir perdu celle que j'aimais que j'ai juste envie de tuer quelqu'un”, mais personne ne le croit. On est partis d'un point sur le cercle, en fixant le centre, et on s'est déplacé autour. Quand on a commencé cet album, nous étions pleins d'incertitudes. J'avais rompu avec quelqu'un il y a un moment déjà, mais j'en souffrais toujours, Binki était avec quelqu'un qu'elle aimait, mais elle savait que ça n'allait pas durer car c'était une relation de longue distance. Il y avait aussi nos frères, qui vivaient loin de nous. On a essayé de réunir toute la poussière de ces idées et de la mettre dans une seule et même boîte. Il nous est même arrivé de nous dire que l'on pourrait trouver un film et écrire une chanson pour chaque scène… On ne l'a pas encore trouvé mais on le fera.


rencontre musique

Keith : Par moments, l'album a une vraie ambiance de bande originale. With Strangers fait très film de mafieux, on est assis dans un restaurant italien et il y a tous ces gens dangereux autour… Fabrizio : Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en accélérant le rythme de cette chanson, on obtient la mélodie de Poupée de Cire, Poupée de Son de France Gall ! Rodrigo : Comme les gens savent que l'album a été fait en Californie, ils ne captent pas toujours l'ambiance sombre, caverneuse, enfumée, lourde de meurtre… Alors que c'est très important pour nous. Keith : Il y a aussi un esprit très collectif ; vous avez travaillé avec Noah Georgeson, un grand pote de Devendra Banhart, Fabrizio a joué de la batterie pour Megapuss… Le résultat est très vivant. Rodrigo : Oui, l'album a vraiment cette vibe. Il y avait ce merveilleux groupe d'amis, Noah, Devendra, Nick (Valensi, guitariste des Strokes qui a aussi participé à Megapuss, ndlr)… Mais l'album n'a pas du tout été enregistré live. Binki : Tous ces gens étaient autour de nous, nous étions très proches. Fabrizio : En fait, tu passes ton enfance à vouloir échapper à ta famille, et le reste de ta vie à essayer d'en constituer une nouvelle. Je pense qu'on a trouvé une bonne famille avec Devendra et les autres. Rodrigo : Oui, et puis nous étions loin de nos maisons respectives, New-York pour Fab, le Brésil pour moi… Le fait de vivre ensemble a rendu l'expérience vraiment spéciale. Keith : Vous avez composé à trois, et pourtant, il y a dans l'album une cohérence et une fluidité presque miraculeuses… Rodrigo : Nous avons vraiment tout partagé. C'était un travail collectif. Binki : Oui, du genre, “tu peux écrire le pont de cette chanson ? Ou trouver des paroles pour celle-là ?” Mais je pense qu'une partie de la magie vient du fait que nous ne nous connaissions pas très bien. On se découvrait au fur et à mesure de l'écriture des chansons, et rien n'était caché, il fallait être honnête les uns envers et les autres. Ça explique sûrement la cohérence générale…

Keith : Fabrizio, les Strokes, pour toi, c'est l'autre famille ? Fabrizio : Oui, complètement. Mais j'en suis plutôt l'enfant bâtard ! Keith : Et toi Binki, tu es originaire de L.A., mais tu chantais et tu composais déjà avant Little Joy ? Binki : Je ne sais pas si je peux me considérer comme une chanteuse… Certes, j'avais écrit quelques chansons de mon côté, mais j'avais peur de les montrer. Certains amis de longue date ont même appris que j'écrivais avec la sortie de l'album. Ce projet m'a donné confiance en moi.

Keith : On pense pas mal à Seu Jorge à en écoutant le disque… Rodrigo : C'est un ami à moi, nous avons un groupe ensemble, on joue de la samba des années 40 et 50. Mais je ne dirais pas que Little Joy a été influencé par lui. Il a une histoire géniale, sa vie est fantastique. Je partage pas mal d'influences avec lui (classique, jazz), et puis nous sommes tous les deux Brésiliens.

Keith : Et les premiers concerts ? Ça devait être plutôt angoissant… Binki : En fait, je pensais être bien plus effrayée que ça. La première fois, c'était comme quand tu vas chez le médecin pour une piqûre : tu flippes comme une malade, et puis c'est fini avant même que tu aies eu le temps de réaliser. Maintenant, cette excitation me plaît beaucoup, d'autant qu'on joue dans de petites salles, très cosy. Je m'y sens vraiment à l'aise. Keith : Les deux garçons ont plus d'expérience, ils ont du te soutenir… Binki : Oui, bien sûr, pour tout, les paroles, la guitare… Ils sont beaucoup plus talentueux que moi en tant qu'instrumentistes, j'étais heureuse d'apprendre. Keith : Fabrizio et Rodrigo, vous avez une grande habitude de la scène. Avez-vous retrouvé avec Little Joy l'excitation des débuts, la nervosité ? Fabrizio : Moi, j'ai l'impression que quand je ne suis pas nerveux je me trompe. Mais, maintenant qu'on en parle, je me rends compte que je suis beaucoup moins nerveux avec Little Joy qu'avec les Strokes. J'ai l'impression que c'est secret, que tous les gens autour de moi sont mes amis. Il y a beaucoup moins de pression. Rodrigo : Moi, avec mon autre groupe, Los Hermanos, je n'ai jamais ressenti une once d'ennui, ou eu le sentiment de sombrer dans la routine. Avoir des fans qui viennent au concert, être sur scène… c'est fou ! Même si on a des contrats avec des major, il y a plein de gens qui ne nous connaissent pas, et on doit les convaincre. Mais avec Little Joy, on joue pour la première fois à chaque fois.

Keith : Y a t-il des choses que vous ne pouviez pas faire avec vos groupes que vous avez pu vous autoriser avec Little Joy ? Fabrizio : J'ai montré pas mal de chansons aux autres Strokes… Mais c'est comme tenter de convaincre un végétarien de manger un steak ! Ces chansons n'étaient pas adaptées à un groupe de rock, basse, guitare, batterie. Pour certaines chansons de Little Joy, on se disait tout d'un coup “jouons-les avec des cuivres, ou des cordes”… Si je disais ça aux Strokes, ils refuseraient direct. Rodrigo : Nous sommes un si petit groupe que, quand nous enregistrions les démos et qu'on pensait aux arrangements, nous n'avions aucune limite. On avait accès à tout. Fabrizio : Au studio, il y avait même une putain de cabine Leslie ! Rodrigo : Et le glockenspiel est devenu un partenaire… C'était très rafraîchissant. Keith : Il y a aussi quelque chose d'enfantin là-dedans… Fabrizio : On a laissé le petit Stevie sortir de sa cage, jouer avec la baballe ! Rodrigo : Nous avons essayé de ne pas prendre tout ça trop au sérieux. Fabrizio : Ce qui ne nous a pas empêchés de travailler d'arrache pied.

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"En fait, tu passes ton enfance à vouloir échapper à ta famille, et le reste de ta vie à essayer d'en constituer une nouvelle. Je pense qu'on a trouvé une bonne famille avec Devendra et les autres." (Fabrizio)

Rodrigo : L'ambiance plage, un peu barbecue, peut laisser croire qu'on a fait ça sans le moindre effort, un joint au coin des lèvres. Mais, même si c'était drôle à faire et que l'atmosphère était cool, trouver les sons a nécessité un travail méticuleux. Il y a un million de boutons pour chaque son et ils ne se poussent pas tout seuls. Je suis fier que nous ayons réussi à conserver le côté enfantin et spontané malgré ça. Keith : Comment avez-vous eu l'idée du clip de No One's Better Sake, qui est vraiment marrant ? Fabrizio : C'est Warren Fu qui l'a réalisé. Je l'ai rencontré il y a un moment via le site Internet des Strokes, c'est lui qui a fait le clip alternatif de You Only Live Once, dans l'espace, que je trouvais meilleur que l'officiel. Il a aimé la musique de Little Joy,

donc je lui ai proposé de réaliser la vidéo. Il s'est inspiré d'images d'un concert de Bob Marley à l'Electric Factory. Malheureusement, on n'a pas pu garder Bob Marley dans le clip ! Keith : Bon, il y a enfin LA question obligatoire : quid du prochain album des Strokes ? Fabrizio : Après la fin de la tournée au Brésil, je vais directement les rejoindre à New York. Rodrigo : Eh oui, le van te déposera direct au studio ! Ce sera la fin du Summer of love. C'est affreux, comme on sait que la fin est pour dans quelques semaines, on commence déjà à se sentir nostalgiques… Propos recueillis par Clémentine Goldszal et Benjamin Kerber.


Introducing‌

Laviolette


Laviolette, ça vous dit quelque chose ? Non, ce n'est pas un groupe de reprises de Prince ou de fans de Jimi Jendrix, ambiance “Purple Haze”… Laviolette est, au contraire, un groupe extraordinairement de son temps. Alors que le rock est plutôt à la nostalgie, ces trois Parisiens ont résolument tourné le dos au duo Perfecto-boots pointues, et même à la basse (oh, l'audace !), pour se faire une place au soleil du XXIème siècle. Alors, bien sûr, quand on les a vus débouler à la rentrée 2007 avec leur concept coloré, on a d'abord eu une sorte de choc visuel. Heureusement, on avait passé l'été à s'acclimater la rétine au fluo des Klaxons. Mais bon, choc il y eut, et ça, pour Laviolette, c'est déjà une victoire. Explication : “On joue tous de la musique depuis longtemps, mais quand on a décidé de monter ce groupe il y a un peu plus d'un an, il est clair qu'on arrivait un peu après la guerre (du rock à Paris, ndlr). Alors on a voulu innover ; surtout pas de son vintage ou de T shirt Ramones… Et puis il nous fallait un concept, une couleur. Au début, Ludo voulait du vert, mais on s'est finalement accordés sur le violet.” Résultat : un Myspace conceptuel, un logo efficace, bref, une stratégie marketing faite maison mais plutôt rodée (hasard ou coïncidence, Jules, le chanteur guitariste, est élève à HEC…) leur permet de se faire assez vite remarquer par la hype capitale. Les concerts s'enchaînent, le buzz enfle, les maisons de disques tendent la truffe, Nicolas, le clavier d'origine, déserte le groupe suite à des désaccords musicaux insolubles… Bref, l'histoire s'écrit et l'album devrait sortir courant 2009. Musicalement, le concept lorgne vers la French Touch et son son très pop, frais et propre, plus Housse de Racket que Second Sex… Cela dit, les titres maquettés (tous en anglais) hésitent encore entre un parti pris vraiment électro et des morceaux plus bruts de batterie. Dans tous les cas, ça envoie. Les Klaxons n'ont qu'à bien se tenir ! www.myspace.com/laviolettemusic Clémentine Goldszal.

photos : Sophie Jarry


Vu

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••••• Pete Doherty à La Maroquinerie, Paris. 28 novembre 08. •••• Dirty Pretty Things au Bataclan, Paris. 25 novembre 08. ••• Matt Elliott au Point Ephémère, Paris. 11 décembre 08. Prochain concert au Café de la Danse, 24 février 09. •• Ben Kweller à l'Européen, Paris. 2 décembre 08. Prochain album en février 09. • Eugene McGuinness à la Flèche d'Or, Paris. 26 novembre 08. photos : Sophie Jarry



r u t a r é Litt e r u t a r Litté La brève et

merveilleuse vie d'Oscar Wao.

Dans le fond des box des bars de Santo Domingo, quand la chaleur de la journée emmagasinée par les pierres fait frémir la surface huilée de l'océan et qu'au loin, on entend le rythme caribéen de la tumba ou de la merengue, on raconte parfois l'histoire des malheureux frappés par la malédiction du Fukù. Et pas question de se fendre la poire, amigo, le Fukù, c'est du sérieux. Le genre de légende qui refroidit tes ardeurs plus vite que la clim’ des hôtels dominicains. Il paraîtrait même que l'assassinat de JFK, c'était pas le KGB ou la mafia, c'était pas Johnson ou Oswald, hijo, c'était le Fukù. Pareil pour le putain de fantôme de Marilyn Monroe. Il faut pas rigoler avec ça. Parfois le Fukù peut être chiant mais pas non plus dramatique. Genre t'arrives jamais à brancher la guapa qui te fait kiffer. Fukù. Tu finis toujours par vomir tes tripes après deux tequilas bien frappées. Fukù. Tu trouves jamais de taxi quand tu sors de boîte, qu'il est cinq heures du mat' et qu'il fait moins quinze degrés. Non, ça c'est pas Fukù, c'est normal. Enfin bref, tout ça pour dire que ce qui a frappé la famille d'Oscar Wao, c'était pas le Fukù de base, un peu re-lou mais avec lequel tu peux vivre. Non, non, rien à voir. Là on passe dans une autre dimension de Fukù. C'est le Fukù furax, le Super Sayen du Fukù, le Fukù contre lequel même Chuck Norris peut rien faire, dont je te parle. Au départ tout allait bien pour Oscar. C'était un petit lascar dominicain “normal”, rejeton d'une diaspora caribéenne qui s'est échouée sur les rives de l'Est River. L'Afro lustrée et chaud du slibard comme il se doit. Il zouquait ferme le nino et il chopait en plus. Il avait sept ans. C'est après que le Fukù a refait surface. Le chiquo a commencé à se passionner pour la SF et les mondes parallèles peuplés d'orques et d'elfes. Il a grossi à en devenir un putain de stre-mon et là, sa carrière de Casanova des bacs à sable en a pris un sacré coup. Un putain de sacré coup puisqu'il allait pas retoucher à une mujerzuela

avant un bail, le geek en herbe. C'était un peu optimiste de penser que le dernier reteno de la famille allait être épargné. Blindée de références plus ou moins obscures, sanglée comme un parachutiste et emmenée par une langue de puta madre, La brêve et merveilleuse vie d'Oscar Wao est la réponse de Junot Diaz au Fukù : Zafa. De la dictature d'El Jefe (Rafael Leonidas Trujillo Molina) qui ensanglanta la République Dominicaine entre 1930 et 1960 aux problèmes sociaux qui frappèrent et continuent de frapper les barrios latinos del Nuevo Mundo¸ l'auteur met en perspective les différents membres de cette famille poursuivie par un destin maudit et tiraillée par le déracinement pour traiter des sujets universels. Car, tel Frodon le Hobbit qui part en quête de l'anneau, notre Elephant Man au gros cul part en quête de l'amour. Et crois-moi, les quintaux de graisse et les déclarations d'amour en langue elphique sont de plus redoutables ennemis que les quelques trolls ou autres Golum qui encombrent la route qui mène au Mordor. Et comme dans toutes les histoires de freaks, quand le repoussant Oscar finit par devenir attendrissant comme chaton qui tète, éviter la mièvrerie relève du tour de fuerza. Mission réussie pour Junot Diaz dont la force réside dans une écriture tendue comme un tanga sur le culo rebondi d'une prostitua, et dont le style, mélange étrange de gangsta-rap mexicano et de lyrisme post-Tolkien, sert à la perfection un roman dont le propos reste le refus de la différence. Et rassure-toi, le Fukù a définitivement lâché Junot Diaz dont le livre vient de recevoir le prix Pulitzer. Zafa comme on dit. Et ne sois pas triste pour Oscar, on te l'a dit, sa vie fut courte mais merveilleuse et il mourut pour la seule raison qui en vaille le coup, amigo : las mujeres. Léonard Billot.

*La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao, de Junot Diaz (Plon, 294 pages).

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littérature

Dantec est-il pété aux amphets ? Mezzanine, de Bayon Grasset. 336 pages.

Il fut un temps où Bruno Bayon avait une garçonnière à Pigalle, où il multiplia les conquêtes. Il évoque ses aventures dans ce roman intime où chaque chapitre est une plongée sensuelle dans ses expériences passées. On pense d'abord à une autofiction, Bayon restant flou quant à sa vie privée actuelle - sa femme restera “M.” toute la durée du roman - mais il va dévoiler totalement son passé, jusqu'à l'adresse exacte de sa garçonnière. De toute façon on se refuse à croire à une autobiographie tellement certains passages sont ignobles. Viol, pédophilie, nécrophilie se hissent scabreusement parmi ses vignettes érotiques. Il se justifiera très tard sur la vérité de certaines histoires pour ancrer son roman dans la réalité. Bayon écrit bien, et il le sait, il se regarde parfois écrire et c'est aussi un plaisir pour nous de le voir partir, porté par des mots lors de longues phrases qui paraissent exister pour simuler le rythme d'une relation sexuelle. On pense à Lust de Elfriede Jelinek et à sa pornographie littéraire, mais sans le travail stylistique énorme d'une utilisation alternative du langage pour rendre l'écriture charnelle. Incontestablement égocentrique, Bayon écrit avec talent un roman sur la passion de l'écriture et non sur la passion sexuelle. Ici, les femmes possédées (ainsi que les hommes) sont uniquement objets de réflexion et de jouissance - contrariée ou non et rendent le travail littéraire possible. Stan Coppin.

La pluie, Avant qu'elle tombe de Jonathan Coe Gallimard, Collection Du Monde Entier. 249 pages.

La lecture du nouveau livre d'un auteur dont on a particulièrement apprécié les romans précédents ressemble à s'y méprendre à un rendez-vous avec un vieil ami disparu depuis plusieurs mois. Quoique le message par lequel il nous annonce son retour soit généralement laconique et bref, on est néanmoins heureux d'apprendre que d'ici quelques semaines on franchira plein d'allégresse la porte d'un café et qu'il y sera installé à nous attendre, un large sourire sur les lèvres ; on se fait une joie de le retrouver et de se retrouver aussi bien dans son regard, inchangé, immuable. Et puis le jour arrive enfin. On pousse la porte d'une brasserie où autrefois l'on avait l'habitude de discuter ensemble ; on regarde à droite, à gauche. Le cœur bat plus vite. Il n'est pas encore là ? Bientôt, on reconnaît la couleur sable de cet imperméable qu'il ne quitte jamais ; on s'approche… Mais dès après la première poignée de main, on s'interroge : “Que s'est-il passé dans sa vie qui l'ait si durement touché ?” On ne le reconnaît pas. Il a vieilli. Son visage est aussi gris que ses cheveux. Sa conversation d'ordinaire enjouée, vive et acerbe, n'est plus qu'un salmigondis sentimental qui dégouline de sa bouche en bouillonnant aux commissures. Le voilà qui sort des photographies de son portefeuille. On s'ennuie en y jetant un œil morne. On regarde l'horloge - en biais. La déception en littérature, c'est comme un ami cher qui vous confie qu'il est atteint d'un cancer : on continue de l'aimer mais sa faiblesse nous glace. Alphonse Doisnel.

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Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute (Albin Michel), c'est l'histoire d'un couple, style Sailor et Lula en carton, qui braque une banque. Lui est musclé ce qu'il faut et il noie sa désillusion d'ex-flic dans du whisky bon marché. Elle est jeune, jolie et un peu à l'ouest. C'est le genre de fille à pas caler deux phrases avant la trentième page. Jusqu'ici tout va bien. Tous les deux sont atteints d'une sorte de virus neuronal qui leur permet de penser super vite et de griller sur place une sauterelle juste avec le rayon violet qui leur sort des yeux. On se dit que ça commence à se corser là. Mais restons concentré car en parallèle, il y a des cosmonautes coincés comme des ratons dans la station Mir en déroute qui se transforme en grille-pain et menace de faire rôtir tout le monde. Ici, on commence à se poser des questions, mais on continue parce que bon, on n'a lu que quarante pages. Et enfin, il y a Albert Ayler (un jazzman américain mort dans des conditions obscures en 1970). Enfin, c'est pas vraiment lui hein, c'est plutôt son fantôme. Et ce fantôme, il joue du saxo au milieu des cosmonautes en panique en même temps qu'il fait des échanges de neurones avec la pauvre Karen aux yeux violets. Et là, les amis, on se dit qu'il y a quelque chose qui ne va plus du tout. Dantec, c'est quand même Les Racines du Mal, La Sirène Rouge, Babylon Babies (Gallimard), alors quand on tombe sur des phrases comme : “Le nexus infini se ramifiera en moi, je maintiendrai ensemble les différents morceaux de l'espace-temps que je suis en train d'essaimer à travers tous les infinis” ou “Nous sommes devenus des singularités quantiques.”, il me semble qu'il y a des questions qui se posent naturellement. L.B.


La récolte littéraire des frimas Autrefois, quand l'été finissait, au creux mélancolique des chaumières de la province et le long des zincs de la capitale - devant lesquels les badauds parisiens, marris de voir pâlir à vue d'œil cette jolie peau cuivrée qu'ils avaient obtenue en suant sans relâche un mois durant, tels des brochettes pensives sur un barbecue ensablé, s'abritaient en maugréant afin de fuir la pluie de septembre qui les transperçaient - le Beaujolais germanopratin de l'édition venait égayer les esprits chagrins, réveiller leurs papilles asséchées par le feu du soleil sous les rayons duquel ils avaient dévorés les épais volumes des marchands de papier rédigés par des hyènes dactylographes appelées Stephen King, Ken Follett ou Marc Lévy. Tout le monde goûtait alors au Beaujolais germanopratin en se pinçant un peu le nez, par habitude, par tradi-tion. L'exercice était jovial, un rien chauvin ; on disait nouveau le jus quand il eût fallu parler plutôt de son aigreur et chaque année on aimait à retrouver, caché sous le brouet des cépages les plus verts à l'âcre parfum de la primeur - ils s'appelaient tantôt Jonathan Littell tantôt Tristan Garcia - la senteur plus onctueuse, sans surprise, des crus AOC les plus orthodoxes - Amélie Nothomb, Yann Queffélec ou Jean d'Ormesson. Les inspecteurs Michelin de la critique se rencontraient bientôt dans l'ambiance feutrée d'un salon d'hôtel, d'une salle de restaurant, pour décerner les étoiles tant convoitées aux flèches desquelles s'accrocheraient sans faute les diamants de la fortune. Et puis, l'hiver gelait les reliefs de la récolte. On atten-dait la prochaine saison en se promettant de relire au coin

du feu quelque vieux classique - Balzac, Stendhal ou Huysmans - comme l'on ouvre un Saint-Émilion quadragénaire ou un Pomerol trentenaire lors des déjeuners familiaux de Noël ou du Jour de l'An. Mais voilà que l'on presse à présent la vigne littéraire au printemps et désormais même en hiver ! Triple ven-dange ! Voilà que l'on met en bouteille - en livre - le précieux liquide vermeil - la prose française - dès janvier et que l'estomac n'a plus guère le temps de se remettre de la fâcheuse attaque des acides automnaux qu'il lui faut aussitôt penser à digérer le raisin des frimats. Où l'on voit réapparaître le produit de certains vieux cépages honorables : Philippe Sollers, Ri-chard Millet, Jacques Chessex, Andreï Makine… mais aussi quelques piquettes rendues plus râpeuses à grands coups de chaptalisation éditoriale : Philippe Djian, Philippe Besson, Olivier Adam… Et puis deux grands crus, rares et subtils : Jean Rouaud, Dominique Fernandez. Le syndicat des inspecteurs Michelin de la critique proteste ; il a décidé que ses membres n'en pouvaient plus de cracher et de recracher, de se nettoyer le gosier au Maalox entre deux dégustations ; ils se reposeront donc en relisant la comtesse de Ségur et Jules Verne. Point de foires ! Point de prix ! Sans le secours des célèbres étiquettes - Goncourt, Fémina, Médicis… - les badauds s'écrouleront-ils bientôt le long des zincs, ivres dès l'aube ? Les verrons-nous tituber, hagards, rue Sébastien Bottin, vomir rue des Saints-Pères ? Et à quoi ressemblera une cure de désintoxication littéraire ? A.D.

Le scandale de la saison, de Sophie Gee Philippe Rey. 336 pages

Si en ce début d'année, tu te sens d'humeur libertine, ce roman est fait pour toi. Le scandale de la saison de Sophie Gee nous plonge dans le vieux Londres du XVIIIème siècle en revisitant l'univers impitoyable des milieux littéraires de l'époque. Ce premier roman s'inspire de l'histoire vraie de l'un des plus grands poètes de cette période, Alexander Pope, fraîchement débarqué de sa campagne dans l'espoir fou de devenir célèbre. Sur fond de conflit entre catholiques et protestants, il va rencontrer des personnages authentiques comme Lord Petre éperdument amoureux de la très convoitée Arabella Fermor, qui finira par perdre quelques-unes de ses belles plumes dans l'engrenage mondain infernal. Très proches d'Alexander, et à la recherche d'un mari riche (cela va de soit), les jeunes et naïves sœurs Blount, vont rapidement découvrir de toutes nouvelles mœurs... Dans un monde où règnent le sexe et la séduction sans tabou, nos personnages s'initier au dévergondage…Les mondanités, les belles robes et les mots d'esprit masquent un monde où l'argent est roi, et ses sujets, friands du moindre scandale. Qui sortira son épingle du jeu ? Les intrigues sont sophistiquées, les histoires d'amour d'une modernité déconcertante et les personnages hauts en couleur. Le ton est badin mais n'efface pas pour autant la cruauté qui règne, notamment entre écrivains, critiques et éditeurs. Déjà… Mathilde Enthoven.


littérature El ultimo lector, de David Toscana

Zulma. 215 pages. Le secret du mal, de Roberto Bolaño

A Icamole, un petit village posé sur la poussière du désert mexicain, les cactus jaunissent et les puits s'assèchent. Lucio nage dans un océan de fiction à l'ombre des pierres blanches de sa bibliothèque, et Remigio, son fils, tire avec fébrilité les dernières gouttes d'eau de son puits pour arroser son avocatier. Leur quotidien va se briser sur le cadavre d'une fillette de treize ans disparue dans la région. Entre fiction et réalité, Toscana fait évoluer ses personnages dans le filtre jaune de la sécheresse mexicaine. Sur la ligne flageolante de l'horizon, l'intrigue se déroule et le doute s'insinue. Est-ce dans les romans de Lucio que se cache la vérité ? Où se situe la frontière ? El ultimo lector est un livre envoûtant qui ne cesse de nous perdre pour mieux nous retrouver.

Christian Bourgois. 174 pages.

L'auteur de 2666 est mort en 2003, mais son succès et son talent n'en ont cure. Le secret du mal est un recueil posthume de 19 nouvelles retrouvées dans l'ordinateur de Bolano après son décès. Dans un style bref et concis, une langue au scalpel, aride comme les plaines de pampa du Chili (pays d'où il est originaire), l'auteur nous emmène de Paris au Mexique, nous plonge au cœur de l'écriture de l'angoisse et du déracinement. Certaines nouvelles ne sont que des ébauches de romans inachevés, frappés en leur sein par la disparition précoce de leur auteur. Comme s'il s'y attendait, Bolaño écrit en ouverture de la nouvelle qui donne son nom au recueil : “C'est une histoire inachevée, parce que ce genre d'histoire n'a pas de fin”.

Tendance

En cette rentrée hivernale, la littérature se conjugue en espagnol. Parce qu'on a bien besoin d'un peu de cette chaleur andalouse, de ces rythmes latinos, Keith a choisi trois des “autores” qui vont réchauffer les soirées de février. Léonard Billot et Céline Laurens.

Le septième voile, de Juan Manuel de Prada

Le Seuil. 696 pages.

Film de Compton Bennet pour le titre, récit historique et témoignages psychiatriques pour le fond, spatialité déstructurée pour la forme : voici le melting-pot des sources qui ont servi Juan Manuel de Prada pour son Septième voile, opus où le lecteur hésite entre fiction et réalité sur le fin fil de l'intrigue. Le titre est explicite. Le but consiste à soulever le voile d'oubli, de non-dits, qui frappent la relation d'un père et de son fils. Avec ce roman consistant et attendu, l'auteur des Masques et de La Tempête, lauréat du prix national de littérature en 2004, poursuit son exploration du mal et de la culpabilité, nous conduisant de la France, à l'Espagne franquiste, en poussant jusqu'à l'Argentine actuelle. Le thème de la mémoire et de ses pièges sur fond historique fait de ce roman un texte torturé d'une actualité brûlante.

Glu, de Irvine Welsh Au diable vauvert. 672 pages.

“Dehors, les rues maussades et étroites regorgeaient de gens fatigués qui traînaient le pas dans le froid mordant de l'hiver”. Ca pourrait être Paris. Ça pourrait être toi. T'aurais sorti ton dressing parce que ça caillerait sec, parce que tu serais putain d'imberbe et qu'en plus tu serais en 2009. Sauf que là on est près d'Edimbourg dans les seventies et que tu t'apprêtes à te prendre une tarte énorme en apprenant que Zola est devenu écossais, qu'il s'est réincarné en Irvine Welsh et que son dernier bouquin va te coller à la peau comme de la Glu. Pire qu'une cuite. Ce qui est froid, c'est la température de ton cerveau qui n'égalera jamais la chaleur d'un tel style. Glu. Un doigt à Boris Bergmann et consorts. On est donc à Gorgie, ça sent le houblon et le dernier disque d'Elvis vient de sortir. Quel kif. Suivent alors cinquante pages de prouesses sociologiques, fortes d'un lyrisme imparable. Un portrait de quartier comme Bourdieu l'aurait aimé : complet. Crise sociale, économique, expérimentations thatchériste… puis les eighties. Rupture brutale. Terry entre en scène, Welsh le sublime par un changement de style direct et spontané. Terry, c'est un branleur de seize piges qui est le premier à dire “je”, et pour qui “le sel de la vie”, c'est la bière et la baise. Et il nous en fait partager des choses, le don Juan ! Ses potes aussi. Billy le boxeur, Carl le DJ et Gally la poisse. Tous les quatre, soudés comme de la glue, pour traverser l'histoire à leur manière, sur fond de musique punk et de techno, gobant extas et autres vitamines. Mais putain, on est en 2009 et il fait froid à Paris. Charles de Boisseguin.

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LA “FREAK LIT”

C'est une anomalie de la nature, un être difforme, une créature hybride. Un homme dont l'apparence physique s'écarte suffisamment de la nôtre pour qu'on le tourne en phénomène de foire. Comme son nom l'indique, le monstre est d'abord celui que l'on montre du doigt - un objet de spectacle. Mais une fois qu'on l'a bien regardé, une fois disséqués tous les détails de son anormalité, admirez comme il se retourne contre celui qui l'observe… S'il en appelle à l'inconscient, s'il peuple nos cauchemars, c'est qu'il n'est rien de moins, dans ses fascinants excès, qu'un miroir déformé de ce qu'on est. Pas étonnant qu'on en ait fait un personnage de roman ! Pour le meilleur ou pour le pire, souvenez-vous de tous ces freaks de papier, admirables erreurs de la nature qui ont fait certaines des plus belles pages de la littérature. Augustin Trapenard.

Le “pathetic freak”.

Mais pourquoi est-il si triste ? Parce qu'il porte sur ses épaules toute la misère du monde. Ainsi de l'ogre du Roi des Aulnes (Folio) ou du bon vieux Lennie dans Des souris et des hommes (Folio). Dans les deux cas, il n'est pas bien malin - mais quand il fait du mal, attendez-vous au pire ! Moins monstre que victime, c'est toujours le témoin d'une société malade (l'Amérique de la Grande Dépression chez Steinbeck ; le nazisme chez Tournier). Le “revenge freak”.

Mais pourquoi est-il si amer ? Pour punir les dérives de la société, et souvent, en priorité, le malheureux qui l'a engendré : la créature de Frankenstein (J'ai lu) ne se trompe pas de cible. Les hommes-bêtes de L'Île du Dr Moreau (LGF) non plus. On retrouve notamment le “revenge freak” chez Stephen King, bien sûr, sous la forme d'une jeune télékinésique (Carrie, J'ai lu) ou d'une redoutable pyromane (Charlie, J'ai lu). Fallait pas l'inventer ! Le “psycho freak”.

illustration designjune

Mais pourquoi est-il si méchant ? Paaaske ! Lui-même ne saurait expliquer les sombres pulsions de mort qui surgissent de son inconscient. C'est que souvent sa difformité est à l'intérieur - et le monstre physique laisse place au monstre moral… Souvenez-vous de l'abominable Jean-Baptiste Grenouille du Parfum de Süskind (LGF) ou de l'incontrôlable Mr Hyde qui prend le pas sur le Dr Jekyll (LGF). Du freak au psychopathe, cette fois, il n'y a qu'un pas…

Le “romantic freak”.

Mais pourquoi est-il si moche ? Un nez péninsulesque pour le Cyrano de Rostand (Pocket). Une grimace humaine comme le Quasimodo d'Hugo (Notre Dame de Paris, Folio). Qui blâmerait Roxane ou la belle Esmeralda de ne pas avoir daigné les regarder ? On le sait ou l'on s'en doute, ce freak-là est un bon diable, et son dilemme amoureux est un lieu commun de l'esthétique romantique. Ah ! La beauté intérieure…

Le “beautiful freak”.

Mais pourquoi est-il si magnifique ? C'est que plus il est étrange, plus il en appelle au fantasme. Voyez la sublime femme-oiseau dans Des nuits au cirque d'Angela Carter (Seuil), cette Vénus à l'accent des basfonds de Londres qui fait tomber les hommes comme des mouches entre deux acrobaties aériennes. Même charge érotique chez la femme-araignée de Marcel Bealu (L'araignée d'eau, Phébus) ou chez les androgynes de la littérature décadente. Dorian Gray oblige, vive le sexy freak !


rencontre littérature

Je m'appelle

photo : Laure Bernard

Charles

Les convives qui ont le plus de succès dans les dîners, les femmes comme on en voudrait dans sa famille, les gens qui ont été beaux huit jours, les hommes les plus ridiculement habillés du monde, les snobs, les chics, le sexe... Quand Charles Dantzig fait des listes dans son Encyclopédie capricieuse du tout et du rien (Grasset) c'est drôle et élégant. Mettons-nous au chaud pour en parler, car dehors l'eau des fontaines germanopratines gèle déjà. Entretien. Keith : Si tu ouvres ton livre en donnant la définition du mot caprice, c'est pour éviter que tous les journalistes te demandent pourquoi l'Encyclopédie “Capricieuse” du tout et du rien ? Charles : Non pas du tout. Souvent, les journalistes ne font même pas attention à l'épigraphe. Ils passent directement aux listes, ils ne la voient même pas. C'est fait pour les gens vraiment attentifs comme toi (rires). J'ai écrit il y a quelques années un livre qui s'appelle Dictionnaire égoïste de la littérature française et je cherchais, de la même façon, un qualificatif qui ne donne pas l'impression que je me vante et qui ait l'air vaguement dépréciatif, parce que je trouve ça plus chic. Je cherchais une notion autour de ça, qui me corresponde assez, et cette idée de caprice m'a bien plu. Keith : En plus des essais, tu écris des romans et des poèmes, comment déci-

des-tu de la forme que prendront tes écrits ? Charles : Je crois que ça dépend des moments, des sentiments, des émotions. Un poème, j'ai l'habitude de dire que je l'écris en une minute et en un an. C'est un moment d'émotion et de lyrisme qui jaillit comme ça en une minute, puis après, il faut vraiment un an pour le perfectionner. Un roman c'est une respiration beaucoup plus lente, une émotion beaucoup plus diffuse. On croit toujours que les écrivains sont des gens raffinés, mais ce n'est pas vrai. En fait, un livre est une espèce de brute qui soudain va mettre un marron aux autres. Ce livre-là a pris la place des autres. Pour l'Encyclopédie, j'ai eu l’idée de la forme, et je me suis dit qu'il fallait remplir cette forme. Keith : Les listes ? Charles : Oui. En 1996 - je m'en souviens parce que je l'ai écrit sur mon manuscrit je me suis dit : “Tiens, et si tu écrivais un K?-58

livre de listes”. Une liste, en soit, est quelque chose d'informe, j'ai donc essayé de lui donner une forme. C'est un livre qui a existé grâce à cette idée esthétique. Je me suis accroché à cette idée parce que je la trouvais amusante. Je pense que de temps en temps, il faut avoir une idée un peu conceptuelle, parce que c'est plus amusant que de faire un truc raisonnable, un roman de cent vingt pages. Je n'ai rien contre les romans de cent vingt pages mais parfois, il faut avoir des idées un peu dingues et essayer de les réaliser. Keith : Comment s'est passé le processus d'écriture de l'Encyclopédie ? Charles : Je me suis mis petit à petit à faire des listes, puis ça a pris de l'ampleur. Je me suis rendu compte que pour que le livre ait de l'intérêt, il ne fallait pas simplement qu'il contienne des statistiques. Dire que 4,2 millions de trajets d'ascenseur sont effectués chaque jour à New York n'a pas d'autre intérêt que de nous


Dantzig !

apprendre que New York est une ville où l'on prend beaucoup l'ascenseur. Alors j'ai essayé d'inventer mes catégories de listes…

“Dans la rue, il m'arrive de rentrer dans des horodateurs en disant “pardon monsieur” parce que je lis en marchant.”

Keith : D'ailleurs, il ne s'agit pas toujours de listes, mais plutôt de réflexions ? Charles : Ça dépend, on peut appeler “liste” ce qu'on veut à partir du moment où il y a une énumération de choses. Mais effectivement, il y a parfois des listes très brèves et saccadées qui ne sont qu'une seule phrase ou qu'un seul mot et d'autres qui sont des successions d'essais très brefs qu'on peut même considérer comme des poèmes, si l'on veut. Pour que le livre soit lisible et autre chose que monotone, il fallait qu'il y ait des formes plus ou moins singulières à chaque fois. Keith : Il y a, dans ton livre, un nombre ahurissant de références littéraires, quelles relations entretiens-tu avec la littérature ? Charles : A partir du moment où j'ai appris à lire, j'ai plongé dans les livres et je n'ai plus fait que ça. La vie ne m'intéressait pas. Même aujourd'hui, elle continue de ne pas m'intéresser. Je trouve plus excitant de lire et d'écrire que de faire autre chose dans la vie. Dans la rue, il m'arrive de rentrer dans des horodateurs en disant “pardon monsieur” parce que je lis en marchant. Ça m'a même posé des

problèmes par le passé car je lisais en conduisant. Une fois, j'ai arraché la portière d'une voiture rue Guynemer parce que je conduisais en lisant un livre posé sur le volant. Conduire m'emmerdait. Le plus marrant dans cette histoire ? c'est l'autre automobiliste qui était en tort ! Très peu de temps après, je me suis vu sur l'autoroute, dans ma voiture à cent cinquante à l'heure avec un livre sur le volant et je me suis rendu compte qu'entre lire et conduire, il fallait choisir. Evidement comme je n'allais pas arrêter de lire, j'ai arrêté de conduire. Keith : Comme tu l'as dit tout à l'heure, ce livre n'est pas un roman de cent vingt pages, alors comment doit-il se lire ? Charles : Dans tous les livres, le lecteur est à la marge parce qu'un roman est une chose fermée, bouclée, qui est comme une sculpture, achevée. Le lecteur ne peut intervenir en rien. Mon livre est fait pour que le lecteur passe au centre. Je ne dis pas tout, je ne fais pas le commentaire de tout ce que j'écris exprès pour laisser les gens commenter. Mallarmé disait : “Le lecteur est le créateur du poème.” Ce livre est comme un billard, avec des trous

exprès. J'aime beaucoup les trous dans les arts. Parfois, les choses qui manquent dans un livre sont plus intéressantes que les choses qui s'y trouvent. Les livres ne sont pas faits pour qu'on y apprenne quelque chose. Un livre, ça ne sert à rien ! Un livre, c'est plutôt comme un pas de danse et le lecteur, un moment, est charmé, suit le rythme. Je suis amoureux de Marcel Proust et Scott Fitzgerald parce qu'à un moment, ils font une phrase merveilleuse, un peu folle qui ressemble à Gene Kelly tournant autour de son lampadaire en chantant Singing in the rain. Keith : La liste des compliments que tu aimerais qu'on fasse sur ton livre ? Charles : C'est une question un peu perverse que tu me poses là. Chaque écrivain voudrait qu'on lui dise que son livre est génial mais c'est un peu présomptueux… (long silence) Disons que si, dans le peuple des fantômes qui m'entourent, Marcel Proust venait à passer à côté de moi et me glissait à l'oreille : “Mmm, c'est pas mal !”, je serais satisfait. Keith : Et ce que tu n'aimerais pas qu'on te dise ? Charles : (Re long silence) Je n'aimerais pas que le fantôme de Guy Debord passe près de moi et me dise : “c'est génial !” Propos recueillis par Léonard Billot.


théâtre

Mélanie Thierry

Baby

idole

Dans Le vieux juif blonde d'Amanda Sthers, Mélanie Thierry avait surpris tout le monde, en campant une jeune schizophrène persuadée d'être habitée par un rescapé d'Auschwitz. De jeune comédienne déjà has been elle était devenue, en une pièce, une actrice incontournable. Son retour sur les planches en Baby Doll s'annonce donc comme le plus excitant de la rentrée. Rencontre avec une jeune femme angoissée mais impatiente. Keith : Qu'est ce que ça te fait de revenir sur les planches ? Est-ce que c'était une envie ? Mélanie : Oh oui c'était une envie. Je suis bien contente que Benoît Lavigne, le metteur en scène, ai pensé à moi, et que ce soit pour ce rôle-là. Je pense vraiment que sans lui je ne serais pas montée sur scène avant un sacré bout de temps… Keith : Pourquoi ? Parce que tu attendais un rôle comme ça ? De cette ampleur-là ? Mélanie : Non. C'est surtout parce que le théâtre est une grande famille, où on travaille entre potes et tout se fait comme ça, sans audition… et moi je ne fais pas partie de cette famille. Alors je craignais que ça ne m'arrive pas. J'avais peur de ne plus remonter sur scène. Alors que je ne pourrais pas m'en passer. Mes plus belles heures de bonheur, je les ai connues sur scène. Keith : Tu es une grande angoissée ? Mélanie : Hier, ça allait encore très bien. On a fait une bonne répète, je suis rentrée à la maison pas trop tard, vers 23h, et je me suis dit : “c'est bon, on est sur la bonne voie, tout va bien, on sera prêts”. Et j'ai passé une nuit épouvantable ! Mon fils qui ne me laisse pas dormir et surtout des angoisses qui me tiennent éveillée toute la nuit. Bref ce matin je me suis réveillée en me disant que la première arrivait, que je ne serais jamais à la hauteur et que la seule solution c'était de fuir, de changer de pays... Keith : Finalement tu es restée… Mélanie : Oui. Essentiellement parce qu'on ne rate pas une interview pour Keith. Mais aussi parce que je suis très heureuse. Même si je me rends compte que je n'aurai jamais le courage de passer ma vie au théâtre. Il y a des comédiens qui font ça, moi je ne pourrais pas. Ça fait tellement mal au ventre… C'est tellement de trac. Mine de rien, ça fait deux ans et demi qu'on parle de ce projet avec le metteur en scène. Et là ça arrive… Mais honnêtement, trois ans après avoir arrêté Le vieux juif blonde, je sais que ça va me faire du bien.

Keith : On n'imagine pas que tu puisses avoir ces angoisses-là. Les critiques élogieuses pour ta prestation dans Le vieux juif blonde ne t'on pas rassurée ? Mélanie : Les critiques étaient bonnes, j'ai eu une nomination aux Molières… Je pensais que ça donnerait envie à des metteurs en scène, mais pas vraiment. Keith : La pièce reste quand même un évènement, non ? Mélanie : Oui. Mais ce n'est pas parce que je suis à l'affiche. C'est parce que c'est un Tenessee Williams, que ça n'a jamais été monté en France, que c'est une pièce charnelle, violente… En tout cas c'est une pièce qui donne envie. Moi, si j'achète le pariscope, j'aurais surligné Baby Doll. En plus c'est au théâtre de l'Atelier. Il y a une exigence dans ce théâtre. Ils peuvent se tromper, mais on sait qu'on ne se fait pas avoir.

Keith : Le théâtre c'est aussi le luxe d'avoir un temps pour répéter. Comment tu as vécu cette période ? Mélanie : Si on ne pouvait faire que des répètes, je serais la plus heureuse du monde. Enfin, c'est ce que je me dis quand on y est. Quand le public arrive, je me demande comment j'ai pu attendre autant… Mais pendant les répétitions, j'ai tellement peur, que je préfère rester en vase clos. On est bien. On joue bien ensemble, on s'écoute, on s'entend bien, on fait éclater toutes les pudeurs, tous les doutes. On est unis et solidaires. On s'amuse. En plus, les répétitions, c'est l'inconnu. Tu te laisses embarquer par un metteur en scène, mais tu ne sais pas comment il va te diriger. Toi, tu es juste là pour rentrer dans son imaginaire. Ça doit être redoutable de bosser avec quelqu'un avec qui tu n'es pas d'accord. Heureusement, ça ne m'est pas encore arrivé. Sinon, je pense que je me serais barrée. Bref, si je suis encore là, c'est que ça m'a plu. Que ça me plait. Keith : Tu connaissais la pièce avant de la jouer ? Mélanie : J'avais vu le film, il y a une dizaine d'années. Je l'ai étudiée en cours de théâtre, mais ça, on le dit dans tous K?-60

les journaux, donc j'arrête de le dire ! En même temps, pour moi qui ne crois pas au hasard, c'est drôle. C'est comme une boucle. Quand le metteur en scène est venu avec cette pièce-là, je me suis dit : c'est incroyable. Il y a quelque chose. J'étais arrivée à un moment de ma vie où ça ne pouvait être que ça. Cette pièce est dans ma tête depuis dix ans, il fallait que je la joue. Et puis le parcours de mon personnage est tellement extraordinaire. De son réveil à la tombée de la nuit, il se passe tellement de choses. Au début c'est un bébé, puis une ado, puis une femme-enfant et enfin une femme-femme !

Keith : Avec le recul qu'est ce que t'a apporté Le vieux juif blonde ? Mélanie : Déjà, à l'époque, j'étais prête à arrêter d'être comédienne. Je ne tournais plus que des téléfilms, et je me plantais à tous les castings où j'allais. J'étais en bout de course. J'envisageais sérieusement de devenir directeur de casting. Donc ça m'a permis de revenir au cinéma, de choisir mes projets… Et sur le plan du jeu, j'ai découvert à quel point, le théâtre pouvait t'emmener loin émotionnellement. Je ne m'en doutais pas. Et puis ça a fait exploser les barrières ! C'est très intime : ça m'a permis de tout exploser. Mes pudeurs, mes trouilles…Sans cette pièce, pour toutes ces raisons, je n'aurais pas pu jouer Baby Doll. La naissance de la sexualité, l'érotisme… Il y a quand même des scènes, la plupart même, qui sont très dures à jouer. Il faut éclater les pudeurs ! Pour pouvoir troubler les gens, il faut le jouer à fond. C'est très exhibitionniste, en fait. Et ça, j'en suis capable parce qu'il y a eu Le vieux juif blonde ! Le pire c'est que je pensais vraiment que ça passerait inaperçu ! Je pensais que ça se jouerait un mois et puis basta. J'avais conscience que c'était un bijou, mais je ne savais pas si les gens le verraient. En fait c'était complet tous les soirs… C'est un peu ma marque de fabrique. Je me suis toujours gourée là-dessus… Keith : Et, là, tu penses que ça va marcher ? Mélanie : Je ne préfère pas me prononcer… Propos recueillis par Nicolas Roux.


photo : Peter Lindbergh

“J'avais peur de ne plus remonter sur scène. Alors que je ne pourrais pas m'en passer. Mes plus belles heures de bonheur, je les ai connues sur scène.”


design

Pattes

D'Eph

A bientôt 36 ans (il est né en avril 1973) Pharrell Williams a déjà fait la pluie et le beau temps dans le petit monde de la musique. Co-fondateur des groupes The Neptunes et Nerd, producteur éclectique de Snoop Dog et LL Cool J, de Justin Timberlake et Madonna, et même de Mariah Carey et Britney Spears, il a, en 2006, cartonné avec son album In My Mind (signé Skateboard P) sur lequel il invitait, hip hop et R&B mêlés, des pointures comme Jay Z, Kanye West ou Slim Thug. Et le voilà, aujourd'hui, après les fringues, les pompes et les bijoux, qui s'attaque au meuble.

Bien sûr, la chose n'est pas nouvelle. Il y a bien longtemps que nombre de créateurs d'autres disciplines viennent faire une pige dans l'univers de la maison. Parfois pour la bonne cause, comme en 2004, où à la demande de l'artiste Gérard Garouste, créateur et animateur de l'association La Source qui s'occupe d'enfants en grande difficulté, une trentaine d'artistes (Claude Closky, Claude Lévêque, Mathieu Mercier, Sarkis, Alain Séchas…) et de modeux (Stella Cadente, Jean-Charles de Castelbajac, John Galliano, Christian Lacroix, Isabelle Marant…) s'étaient bien amusés à détourner, modifier, transformer le fauteuil Louis Ghost de Philippe Starck. D'autres artistes (Armleder, Blais, Morellet, Verjux…), d'autres modeux (Hedi Slimane, Chantal Thomass, Gianni Versace…) ont, eux aussi et au fil du temps, créé des modèles et des collections de plus ou moins grand intérêt. Dans cette production, on se souvient du petit fauteuil à bascule de Bertrand Lavier qui réunissait un siège de Charles Eames et un autre de Harry Bertoia en un exercice de style plein d'humour et d'esprit. Humour encore avec le fauteuil Couteau Suisse de Fabrice Hybert, au rouge éclatant et aux possibilités déployées infinies. Et à ceux qui ont vu et revu le Orange Mécanique de Stanley Kubrick, reviennent sans doute en mémoire les étranges meubles érotiques, limite sado-maso, du sculpteur britannique Allen Jones : une table basse faite d'une femme à genoux et surmontée d'un plateau de verre et un fauteuil fait d'une femme dont le dos sert de piétement, les jambes levées de dossier et l'assise d'assise… Voilà donc Pharrell Williams transmué en designer. Bien sûr, il ne s'agit pas d'une première sortie du producteurprotée. Déjà, pour Louis Vuitton, on lui doit une collection de bijoux, Blason, au bling bling à peine tempéré par le style de la vénérable maison. Puis, une collection de vêtements Billionaire Boys Club pour la marque japonaise A Bathing Ape. Ensuite, toujours pour A Bathing Ape, mais cette fois-ci en association avec Reebok, une collection de chaussures tout terrain… Enfin (quoique chez Pharrell Williams on voit mal se dessiner la fin de ses incursions ici ou là), le meuble : un combiné entre chaise et fauteuil, en plastique lissé, noir, rouge, bleu ou jaune. Une assise et un dossier plus que classiques, mais un piétement inattendu (et pas si “new look” que ça, tant l'anthropomorphisme a toujours eu droit de cité dans

l'univers du siège) fait de deux paires de mollets terminées par deux paires de pieds. A l'arrière, la paire de l'homme bien posée au sol ; à l'avant, la paire de la femme effleurant le sol de la pointe. Et comme il se doit, hors du circuit habituel du commerce du meuble puisque exposé et vendu (13.000 euros, excusez du peu !) en galerie d'art (à Paris, chez Emmanuel Perrotin). Quoique nommé Perspective, on voit mal laquelle, ou lesquelles, se dessine pour la survie et le passage à l'histoire de ce siège dont la légèreté et l'élégance, la rigueur et l'inspiration, le classicisme et l'innovation ne sont pas l'apanage. A moins que, comme pour ses tatouages, Pharrell Williams ne décide de s'en débarrasser. Edouard Michel.

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La mode

en images

Des pas qui claquent et qui crépitent sur les podiums. Silhouettes élancées, virevoltantes, dansantes, qui passent, tournoient, défilent, enchantent en toutes saisons, créateurs, couture, collections mêlés... soit 80 défilés par an, ici, ailleurs, dans des lieux institutionnels ou inattendus, mis en scène et en mouvements, étonnants toujours... Un dîner au Palais Farnèse à Rome, un autre à la Fondation Cartier à Paris, un autre encore à l'Ambassade de France à Berlin, un autre toujours, fastueux, à l'Orangerie du château de Versailles... Le Stade de france aux couleurs d'Yves Saint-Laurent pour la finale de la Coupe du monde de football 1998, le Zénith et le Pont-Neuf à celles de Kenzo, l'aéroport du Bourget à celles de Cartier pour célébrer

et Berlin, Tokyo et Capetown, Fès et SaintPetersbourg... soit La Mode en Images au grand large... SantosDumont, le musée des Arts décoratifs à celles du cuir dans tous ses états, le Pavillon d'Armenonville à celles de Barbie... Et puis, la Fête de la mode à l'Exposition Universelle de Séville, la Tour Eiffel illuminée, animée, enchantée pour( son centenaire, les Jeux asiatiques à Dubaï, l'obélisque de la Concorde déguisée en gigantesque poste de radio pour le cinquantenaire de l'appel du 18 juin 1940... ¨Paris, bien sûr, en port d'attache, mais aussi New York et Rome, Rio de Janeiro et Londres, Pékin et Madrid, Abu Dhabi

Défilés, événements, fêtes, La Mode en Images mêle, dans chacune de ses créations, le réel et le virtuel, la lumière et le son, la recherche et la technique, l'intuition et l'émotion, la théâtralité et l'évidence, la chair et l'esprit, la rigueur et l'imagination, la tension et le mouvement perpétuel, la musique et la danse, le cinéma et la video, l'art et le quotidien, l'élégance et le raffinement... "Création sur la création avec la création" dit-on à La Mode en Images, soit, tout à la fois, l'unité dans la diversité, une ligne claire constante et sans cesse renouvelée, une représentation du monde unique, singulière, exclusive, exquise.


I Want to

mode

Break

Freak L'arrivĂŠe Camille : chemise Ba&sh, jupe Aquaverde, bottes Andr

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I Want to Break Freak

La rencontre Camille : t-shirt Etoile Isabel Marant, short Joe’s, ballerines Repetto, collier Servane Gaxotte Kristina : jean Used, collier Corpus Christi, mitaine Maison Fabre Eliane : bo Petite Mademoiselle

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La dispute Camille : robe Comptoir des Cotonniers, ballerines Repetto Costa : pull Zadig & Voltaire, jean Diesel, boots Zadig & Volatire Pierre : polo Lacoste, casque Lacoste


I Want to Break Freak

La soupe Camille : veste N mph, t-shirt Zadig & Voltaire, short Pepe Jeans, chaussures Paul & Joe Sister, ceinture April First, bandeau Paule Ka Kristina : robe Diab’less, collier Erotokritos Costa : chemise Paul & Joe, jean Diesel, boots Zadig & Voltaire Pierre : polo Lacoste

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La lecture Camille : t-shirt Zadig & Voltaire, jupe Vanessa Bruno, escarpins Pura Lopez, serre-t te Malababa Costa : gilet Lacoste, t-shirt Zadig & Voltaire, jean Diesel, chaussures Paul & Joe Pierre : lunettes Persol, foulard Comptoir des Cotonniers


I Want to Break Freak

Le bras de fer Camille : robe Maje Pierre : chapeau Zadig & Voltaire Costa : gilet Zadig & Voltaire, t-shirt Bill Tornade, chaussures Paul & Joe Kristina : robe Diab’less

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Le Chaos Camille : robe Diab’less, collier Corpus Christi, escarpins Vanessa Bruno Costa : veste Bille Tornade, chemise Paul & Joe, chaussures Paul & Joe Eliane : bo Petite Mademoiselle, serre-t te Malababa Kristina : robe Paule Ka


I Want to Break Freak

Le salut Camille : robe Paule Ka, escarpins Paule Ka, collier Zadig & Voltaire, serre-t te Malababa Eliane : bo Petite Mademoiselle, serre-t tes Malababa Costa : gilet Joe’s, pantalon Paul & Joe Kristina : Robe Paule Ka

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Photos : Laure BERNARD Modèle : Camille ROWE, Kristina, Constantin, Eliane et Pierre Assistante lumière : Anna DABROWSKA Assistante numérique : Rosine HUBERT Direction Artistique : Jean-Baptiste TELLE Stylisme : Marjorie DONNART Coiffure : Pierre-François KARASKO Maquillage : Yacine DIALLO et Fumihiro BAN Mobilier Vachon Antiquités Studio La Plateform Achats d'arts : Judith HAIK


mode Girl : jacket MCQ, pant Paule Ka, t-shirt and shoes Marc Jacobs, glasses Super Boy : vest and shirt Dsquared2, tie D&G, belt HTC, jeans Diesel, sneakers Convers

Girl : t-shirt Tsicko, vest Alberto Biani, pant Paule Ka, shoes Marc Jacobs, hat and bracelet Vintage Boy : shirt Dsquared2, tie D&G, vest Fred Perry, pant Black Ring

Girl : t-shirt in cashemere Brunello Cuccinelli, pant Pinko, gloves and bag Paule Ka, shoes Marc Jacobs, glasses Super

Boy : all Dsquared2, jeans Cheap Monday

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Girl : black t-shirt Stefanel, vest February, shoes Vicini Tapeet Boy : vest and shirt Dsquare2, jeans Black Ring, tie D&G

Girl : t-shirt Levi’s, pant MCQ, gloves Paule Ka, shoes Marc Jacobs Boy : t-shirt Levi’s, pant Dsquared2, scarf Stefanel

Girl : t-shirt in cashemere Brunello Cuccinelli, pant Pinko, gloves and bag Paule Ka, shoes Marc Jacobs, glasses Super Boy : all Dsquared2, jeans Cheap Monday

en un éclair DA : Louise Ridel Photos : Marco Rochas Style : Donatella Musco


ailleurs

Modern Forever. illustration designjune

Certes, le jazz n'est plus une musique qui fait les gros titres, mais si sa place reste complexe à définir, son rapport à l'authenticité et sa résistance au temps ne sont plus sujets à débat. Là où d'autres styles s'essoufflent, le jazz apparait comme un coureur de fond. Il occupe une place intangible dans le cœur de ses amateurs, et revêt un caractère quasi historique pour les nouvelles générations. Cette musique, née dans les champs de coton, s'est structurée à la Nouvelle Orléans, a rebondi à Chicago, puis à New York, avant de partir à la conquête de la West Coast. Maintenant, si la “grosse pomme” est truffée de jazz clubs, il arrive, comme partout, de tomber sur un ver… Mais pas d'inquiétude, votre vieux pote Keith a ses bonnes adresses.

Keith “The Captain” Gamble passa toute son adolescence au cœur de Harlem, où il fut le leader de divers groupes, avant d'accompagner différentes star du jazz, comme Olu Dara, dans leurs tournées européennes. Pour son activisme au sein du jazz et de la communauté de Harlem (quelques reportages et même des adaptations théâtrales), il reçut un prix et intégra l'équipe musicale du Harlem Times. Ce grand monsieur a bien voulu répondre à quelques questions de notre Keith à nous.

Keith (le mag) : Un endroit favori pour écouter ou jouer du jazz à New York ? Keith (The Captain) : J'aime les endroits sympas et pas trop sophistiqués. Ce qui me plaît quand je viens jouer au St Nicks Pub, c'est son aspect sans prétention, où tout est question de musique. Harlem a la chance d'avoir quelques clubs de ce genre. Essayez le Landmark Lenox aussi, vous ne serez pas déçus. Keith (le mag) : Vous avez passé votre adolescence au cœur même du jazz, et vous l'avez donc vu évoluer. Quels sont les changements auxquels vous avez assistés ? Keith (The Captain) : Même si la majorité des gens, et notamment des jeunes, ne voit plus le jazz comme un genre musical majeur, il a su rester présent dans le cœur de ses amoureux. La musique n'a pas été dénaturée, sa tradition et son âme sont restées intacts. Et même si le jazz a évolué dans différentes directions, comme le jazz fusion, il est resté une musique du cœur. Elle se ressent plus qu'elle ne se joue ou s'écoute. Keith (le mag) : Les gens parlent souvent du jazz comme une musique par et pour les musiciens, car eux seuls peuvent en saisir l'aspect technique. Qu'en pensez-vous ? Keith (The Captain) : Quand un artiste improvise sur scène, il prend le public avec lui et ne laisse personne insensible, même le plus pur novice. Et si celui-ci ne sait pas ce qui se passe en détail, il le ressent. L'ambiance, le plaisir du musicien, mais aussi sa concentration sont des facteurs qui permettent à n'importe qui d'entrer dans le jeu. K?-76


Le plus friendly

Le plus traditionnel

Le plus branché

Le St Nicks pub

Le Village Vanguard

Smalls

773 St. Nicholas Avenue (Corner of 149th Street), NY 10031 Ma sortie prend des allures de pèlerinage. Je parcours ce qui demeure l'épicentre spirituel de cette musique : Harlem et son St Nicholas Boulevard. Après quelques minutes, me voilà sur le seuil du St Nicks pub. De l'extérieur il ressemble à ces vieux bars à filles de joie que l'on trouve à Pigalle. Le lieu propose des sessions open mic où la scène est ouverte à tous, mais accueil aussi des musiciens de plus grande renommée. Ghetto, le doorman et artiste local, va jusqu'à me vendre l'endroit comme un des plus confortables sur terre. Pendant que Davide, mon apprenti photographe italien immortalise l'endroit avec un souci du détail quasi-militaire, on me présente au "captain". Keith “The Captain” Gamble est un guitariste de jazz émérite, un ancien correspondant du Harlem Times et un des tauliers du St Nicks Pub. Pour lui, c'est ici qu'on peut encore entendre le bon jazz d'antan, celui des 60's. Et ce n'est pas Wayne Escoffrey, saxophoniste star de la jam-session de ce soir qui le contredira. "Ici on joue pour un public afroaméricain qui veut entendre le vrai jazz, “the real shit”, tout y est question d'âme et de “blackness”". Garder pour soi une telle adresse, la partager ? L'éternel dilemme se pose encore pour le St Nicks pub… Partageons.

178 avenue South, NY 10014 L'étape suivante de mon périple consiste à aller voir ce qui se passe plus bas, du côté du Greenwich Village. Selon le quotidien le New Yorker, c'est ici qu'on trouve le club de jazz le plus prestigieux de la ville, le Village Vanguard. L'endroit revêt une apparence beaucoup plus officielle et conforme à l'image que l'on peut se faire d'un jazz club new-yorkais. Si bien qu'on a immédiatement l'impression que le lieu a été tiré d'une de ces photos en noir et blanc qui défilent dans les reportages diffusés sur les chaînes historiques du câble. Jed, l'élégant doorman du club, nous affirme que malgré les 35 dollars d'entrée, le club ne pratique aucune discrimination. La session commence dans un silence religieux et la lumière se tamise nous plongeant dans une quasi pénombre collant au caractère solennel de l'endroit. Aux musiciens et aux instruments d'occuper l'espace, avec, dès l'ouverture, l'éternel All the Things You Are. La salle est silencieuse. On est loin des clubs de Harlem où la moindre note se commente une Bud à la main. Et sur les murs tendus de velours vert, photographies et instruments rappellent le très prestigieux passé de ce club historique. Car c'est bien au Village Vanguard que se perpétue la grande tradition du jazz. Ce soir, pour faire le lien entre l'esprit du lieu et l'énergie en devenir, c'est le batteur Lewish Nash qui s'y colle. Mais si un swing historique a décidé d'investir les lieux, l'émerveillement ne dure qu'un temps, et les différents t-shirts souvenirs que l'on vend au bar, nous rappellent que nous sommes en 2009 et que ce soir nous n'entendrons qu'un jazz qui a depuis longtemps, déjà, fait le tour de la question.

183 west 10 street, NY 10014 A deux pas du Village Vanguard on trouve un club qui aujourd'hui occupe une place de marque dans le paysage jazzy new-yorkais. Smalls est l'endroit qui a le vent en poupe. Celui dont l'écho est revenu le plus souvent lorsque je parlais de jazz. Le retard de mon désormais fidèle photographe Davide me permet de prendre la température du lieu auprès de son nonchalant doorman. Il me parle de Smalls comme le club “avec, pour et par des musiciens”. N'importe qui ici respire, exsude le jazz. D'ailleurs, le doorman s'étonne de mon ignorance car je ne sais pas de quel éminent jazzman "Prez" était le surnom. Mais ce quizz ne s'applique pas qu'à moi ; chaque client (dont certains bien éméchés ce qui ajoute au comique de la situation) y a droit. A l'intérieur, bien que le quatuor du soir compte un pianiste et un batteur affichant au moins 75 ans, l'âge moyen de l'assistance n'atteint pas 35 ans. Musique vieille, public jeune où donc est la vérité du jazz ? D'autant que le public a l'air très connaisseur et qu'il semble que je sois le seul badaud ignare de la soirée… La magie du lieu réside dans le fait que l'on s'y sent chez soi. Comme si on avait organisé une soirée entre potes où quelques étoiles du jazz se seraient invitées et auraient pris d'assaut le piano. L'endroit vaut le coup pour son aspect élégant mais “easy going”, et si l'on vous demande qui est "Prez" à l'entrée répondez avec votre plus beau sourire qu'il s'agit de Lester Young, et demandez en retour qui est "Bird" : ils sauront que vous êtes “member of the club”.

Le plus accueillant (et les serveuses les plus sexy) Arthur's Tavern

57 grove street, NY 10014 Il est temps de remonter un peu les allées encombrées de Greenwich Village pour aller frapper aux portes de la renommée : Arthur's Tavern. Même si ce lieu a eu la prétention par le passé d'être un piano bar d'envergure, il n'en reste pas moins aujourd'hui l'un des clubs de jazz les plus ouverts de la “Grosse Pomme”. Ce bar aux allures midwest, autrefois prisé du grand Charlie Parker (le “Bird”), propose également des sessions blues qui valent le détour. Peu d'endroits peuvent se vanter d'une atmosphère aussi conviviale. Les serveuses ont l'enthousiasme de vraies “coyote girls”. La seule excentricité du lieu est son décor. Imaginez un de ces bar de Caroline du Nord où on aurait oublié de décrocher les décorations de Noël, et où des affichettes de mauvais goût interdisant toute forme de pelotage, côtoieraient d'élogieuses coupures de journaux jaunies. Vous verrez s'asseoir aux tables de la taverne d'Arthur une humanité multiple : de l'amateur, à l'ouvrier irlandais en passant par le simple étudiant qui passe voir jouer ses potes de fac. Car s'il faut bien admettre que le public ne sera peut être pas tous les soirs aussi expert en jazz que dans certains club du voisinage, c'est ici que ce commun des mortels a décidé de se retrouver et de laisser la musique les toucher au cœur, comme si certains soir c'était un peu à elle de venir les chercher. Hadrien Hennequin.


minuscules

petit portrait en minuscules d'un artiste quasi majuscule

mademoiselle a du talent par augustin t. / photo laure b.

souvenirs. elle nous offre une tasse de thé, un peu gênée, dans ce petit appartement où ses cartons ne sont même pas défaits. dans sa vie comme dans son métier, laure de clermont n'est pas de celles qui s'installent. elle se laisse porter par un vent de liberté, s'affranchit volontiers de toutes les contraintes et travaille chaque rôle comme si c'était le dernier. ses premiers pas au cinéma, elle les évoque comme on tournerait les pages d'un livre d'images. les cours de théâtre qu'elle suit depuis son plus jeune âge, les films en costume, les jeux de rôles à l'autre bout du monde - elle évoque ces expériences avec le plaisir non dissimulé de l'enfant qui joue à faire semblant. 1989, à cinq ans à peine, petite fille aux yeux rieurs et aux boucles d'or que l'on affuble d'une jolie robe et d'un grand chapeau sur le tournage de la révolution française de robert enrico. drôle de figurante sur une petite charrette attelée d'une chèvre. chaque fois qu'on la filme, elle salue la caméra ! 1993, quelques scènes dans chacun pour toi, un film de jean-michel ribes. et puis l'année d'après, ce grand voyage avec sa mère pour l'un des premiers rôles de ma sœur chinoise d'alain mazars. laure de clermont n'a que dix ans mais déjà se profilent les symptômes d'une vocation. le frisson d'aventure, la reconnaissance des grands, le travail acharné qu'on fait en s'amusant. tout cela lui revient à l'esprit quelques années plus tard lorsqu'elle apparaît dans le temps retrouvé de raùl ruiz, mais surtout à l'âge de dix-sept ans quand le même réalisateur lui offre ce rôle d'étrange gouvernante dans la comédie de l'innocence. elle a posé sa tasse de thé. à mesure que les souvenirs de plateau remontent à la surface, le sourire attendri s'est un peu effacé.

soupirs. “à ce moment-là, avoue-t-elle à demi-mot, j'ai vraiment songé à en faire un métier”. c'est le temps des dilemmes et des grandes hésitations. après le baccalauréat, laure s'inscrit en classe préparatoire, puis au cours florent et à la fac d'histoire. si la première année est une révélation, le doute et les blocages ne tardent pas à poindre. les cours se suivent et ne se ressemblent pas - après deux échecs au concours d'entrée du conservatoire, elle envisage même de faire tout autre chose. sa dernière chance s'appelle new york, une année de formation complète au “black nexxus” de susan batson. jouer dans une autre langue, toucher à l'improvisation, suivre une master class sur shakespeare ou tchekhov, et travailler, surtout, jour après jour, ne jamais s'arrêter. “j'y ai appris la liberté”, dit-elle en évoquant la pratique anglophone de l'art dramatique. après la rigueur des textes classiques et la compétitivité de la pédagogie française, elle découvre l'importance de son propre corps. des séances de travail de dix à douze heures d'affilée, à partir d'un personnage que l'on construit par étapes et qui surgit du plus profond de soi. cette méthode dérivée de l'“actors studio” lui permet aujourd'hui d'aborder n'importe quel rôle. et si laure est fascinée par les personnages de femmes fatales jadis incarnées par lauren bacall, rita hayworth ou bette davis, ses modèles restent meryl streep ou nicole kidman “qui n'arrivent pas sur un tournage sans avoir travaillé leur rôle deux mois à l'avance et du soir au matin”. à l'écouter parler du cinéma américain, on comprend que làbas, le comédien est un artiste à qui l'on offre la possibilité de composer un personnage, de le créer avant même de l'incarner.

laure de clermont

s'ouvrir. ce qui frappe, chez laure de clermont, c'est la conscience qu'elle a de son art et l'exigence qu'elle s'impose au gré des tournages. lorsqu'elle participe à jean de la fontaine ou au film de julian schnabel, le scaphandre et le papillon, la comédienne a déjà perdu ses maladresses de jeunesse. de l'instinct au lâcher prise, du parti pris à la composition, sa méthode s'est affinée. et tout cela finit par payer. entre deux pièces de théâtre, elle retrouve raùl ruiz qui lui propose un premier rôle. ce réalisateur chilien qu'elle appelle son “ange gardien”. dans mademoiselle christine, (prochainement en salles) elle campe une jeune exubérante autrichienne coiffée d'anglaises et attifée de robes à smocks, vieille petite fille schizophrène et mythomane qui tente de séduire un certain jeanmarc barr. elle a imaginé le personnage de lotte à partir de vieux films, repris méticuleusement sa petite cuisine pour lui donner un corps, et un regard, même, grâce à un stage intensif avec la coach eva saint-paul. ce mois de tournage au chili, elle le compare à son séjour en chine, quand elle n'était qu'une petite fille qui jouait la comédie comme on joue à la poupée. car laure de clermont a beau avoir grandi, elle a gardé cette curiosité, cette innocence, aussi. comme un émerveillement devant tout ce qu'elle n'a jamais touché et s'apprête à découvrir. ainsi de cette pièce de théâtre de lee blessing, sorte de festen au féminin qu'elle monte cette année avec trois autres comédiennes. ou ce film palestinien autour d'une girafe dans le zoo de kalkilia. sans parler du court métrage qu'elle réalise cette fois : un thriller farfelu mâtiné de mythologie grecque. tous ces projets à peine évoqués, nous, on les voit déjà, autour d'une tasse de thé. mademoiselle christine, réalisé par raùl ruiz, avec elsa zylberstein, audrey marnay, jean-marc barr et laure de clermont. prochainement en salle

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Keith Story Dans chaque numéro, Keith donne carte blanche à un auteur. Ce mois si, Hélène Villovitch, l'auteur du remarquable Dans la vraie vie (L’Olivier), nous offre une nouvelle inédite.

Ces affreux sacs presque

exclusivement remplis d'eau.

Vous ne devinerez jamais à cause de qui mes parents ont décidé de m'affubler du ridicule prénom de Georgina… Georges Moustaki ? Georges Pompidou ? George Michael ? George Bush ? Non, encore pire. Boy George ! Did they really want to hurt me ? Je tiens à préciser qu'à ma naissance, au début de l'affligeante dernière décade du désastreux vingtième siècle, l'onctueux chanteur de Culture Club n'était pas encore chauve, mais déjà totally has been. Enfin, depuis que les média ont relayé cette sympathique histoire de séquestration accompagnée de sévices corporels (les chaînes, le fouet, mmm…), il est devenu un peu plus inspirant. Bon, n'exagérons rien. Bouboule, dans sa nouvelle incarnation de sexual maniac, n'atteint même pas le centième de l'envergure de Charles Manson ! Pour que les choses soient claires, mon projet d'avenir ne consiste pas à devenir tueuse en série. Non, je suis réaliste, le secteur est déjà fort encombré. Moi, j'ai d'autres projets… J'y reviendrai, mais patientez une seconde, je suis en train de recevoir un texto. C'est mon copain Hol Cham qui me fait parvenir l'information suivante : DaHjaj vltu'. Hol qel qoj Dajchugh vay' vaj tlha'qang. vlla DchoHDI' Slbl' vltlv. muSghbe' muD Duj cha'bogh ! Sacré Hol Cham ! Très sobrement, je lui réponds : Holvetlh DalaDlaHbe'chugh yljeghQo'. Où en étais-je ? Ah oui, mes projets. Alors voilà, j'arrête l'école. L'enseignement général, ça suffit comme ça. La philosophie, l'histoire de l'art, le management, ça sert à quoi ? Il n'y a plus aucun débouché dans ces domaines. A quoi cela va-t-il les avancer, mes laborieux condisciples, de consacrer leurs plus belles années à s'aplatir le derrière sur des sièges en plastique thermoformés (je sais, d'habitude on parle plutôt de bancs, mais il faut voir la réalité en face) de l'Université ? A peine en sortiront-ils que leurs belles connaissances seront déjà obsolètes ; ils n'auront jamais la possibilité de les exploiter dans quelque activité professionnelle que ce soit. On a persuadé toute une tranche d'âge d'étudier l'économie et d'apprendre le chinois pour réussir dans les affaires. Et maintenant, qu'est-ce qu'ils deviennent, ces petits économistes sinophones ? Ils se rendent à l'évidence : n'y a plus un seul job dans les secteurs de l'importation d'articles de contrefaçon, de l'élevage des fourmis géantes en vue de fabriquer du viagra, ni de l'édification de gratte-ciel en forme de rottweiler. Moi, je suis ce qu'on appelle une fille qui a les pieds sur terre. A quinze ans et demi, j'ai déjà entamé mes études supérieures. De ma propre initiative, je me suis inscrite aux cours par correspondance du prestigieux Institut de Langage Klingon de Philadelphie. Vous êtes impressionné ? Je le conçois aisément, mais en fait, vous ne devriez pas. Je ne représente, en fin de compte, que l'avant-garde d'une génération qui commence enfin à comprendre dans quelle direction avance le monde. Un petit mot sur les Klingons. Vous n'en avez sans doute jamais rencontré, et pour cause. Ils n'apparaissent, en vérité, que dans quelques épisodes de la série Star Trek, une bluette sentimentalo-fantastique dont se délectaient vos grands-parents sur la partie antérieure et bombée d'une espèce de cube monstrueux qu'ils nommaient poste de télévision et qui trônait dans leur triste salon salle à manger. Les Klingons sont de grands guerriers extraterrestres mi-humains mi-lions, avec une arête sur le front. Ils possèdent vingt-six côtes, deux cœurs à huit chambres, deux foies, trois poumons, un nombre fluctuant d'estomacs ; cette particularité, qu'ils appellent le brak'lul, leurs confère une grande résistance et leur permet de survivre à de graves blessures. Ils sont incapables de pleurer et considèrent d'ailleurs la politesse et la timidité comme les signes d'une faiblesse indigne de leur lignée. Cette dernière caractéristique me les rend très proches, d'un point de vue émotionnel. Dans les épisodes de Star Trek où ils apparaissent, les Klingons sont incarnés par des acteurs noirs

fabuleusement beaux, arborant une chevelure rousse imparablement sexy. Je me suis renseignée, bien sûr. Le klingon n'est pas la seule langue artificielle. Il y a eu, par exemple, l'esperanto, avec le peu de succès que l'on sait ; en dehors de la version esperantique de la chanson Là haut sur la montagne (Supre, supre sul monto) enseignée aux élèves de CM1 de l'école élémentaire Che Guevara par mademoiselle Martinat (une des dernières idéalistes), peu d'œuvres immortelles ont été inspirées par l'esperanto. Le langage elfique, quant à lui, a ses adeptes chez les fans de Tolkien. Le truc, c'est que je ne suis pas particulièrement attirée, sexuellement parlant, par les hobbits. A la simple pensée de frôler sous la couette leurs pieds naturellement recouverts de moumoute brunâtre, j'éprouve, pour rester polie, une certaine répulsion, pas très éloignée de l'envie de gerber. D'autres langues encore, auraient pu attirer mon attention. Le romulien ou le cardassien auraient pu me séduire. Mais il se trouve que l'usage du klingon, langue non seulement imaginaire mais également agglutinante, est en plein essor. Depuis sa création en 1984 par le docteur Marc Ogrand, un nombre croissant d'initiés l'ont élue comme langue principale. Une proportion sans cesse croissante de bébés gazouillent leurs premiers mots en langage klingon. C'est encourageant, non ? A l'heure actuelle, une seule œuvre littéraire d'origine humaine est proposée en klingon, mais pas n'importe laquelle. Hamlet. La Bible est en cours de traduction. Harry Potter devra attendre un peu. L'Institut de Langage Klingon a également produit son premier film, un documentaire nommé Les Terriens, ces affreux sacs remplis presque exclusivement d'eau. Un chef d'œuvre ! Il va sans dire que de nombreuses communautés ont déjà élu le klingon comme langue officielle. Dans les hôpitaux psychiatriques aux Etats-Unis, par exemple, de plus en plus de pensionnaires ne comprennent que cette langue, ce qui occasionne évidemment quelques soucis aux psychiatres qui cherchent à entrer en contact avec eux. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais il va y avoir une très forte demande de traducteurs dans les années qui viennent. Moi et mes collègues klingophones ne sommes pas près de souffrir du chômage ! La langue klingonne comporte des consonnes que nous ne sommes pas habitués à prononcer. J'aurais pu être rebutée par la difficulté de l'apprentissage, mais ç'eût été sans compter la complicité ardente, l'intimité psychique, bref, l'amour absolu qui m'unit à Hol Cham. Il est à la fois mon maître à penser et le reflet parfait que j'aimerais voir lorsque mes yeux croisent un miroir. C'est sur le forum SpaceKlingon que j'ai fait sa connaissance et suis tombée aussitôt dingue de lui. Il me guide et m'encourage quotidiennement. Vous vous doutez que je fais de rapides progrès ! D'autant plus que, cette fois, c'est décidé. Hol Cham et moi allons enfin nous voir, nous entendre et, qui sait ? peut-être nous toucher. Comme convenu dans notre échange de textos, nous avons rendezvous cet après-midi. Trop excitée pour patienter jusqu'à l'heure du rendez-vous, j'arrive la première sur les lieux, une espèce de terrain vague où personne ne pourra troubler l'émotion de notre premier contact physique. J'avoue que je m'attends presque à le voir se matérialiser devant moi, comme surgissant d'une cabine de téléportation. Mais c'est, au loin, une silhouette surprenante que je vois avancer. Ce n'est pas possible ! Ce ne peut pas être Hol Cham ! Il n'est ni grand, ni fort, ni svelte, ni noir, ni même roux ! C'est une espèce de gros type blafard de quarante ans, habillé d'un pyjama et qui s'est collé au bout des oreilles des prothèses ridicules. Je vis un cauchemar. Hol Cham, mon héros… C'est un Vulcain ! Hélèna Villovitch.

(avec un trilliard de billions de mercis à Marlène Saldana et YvesNoël Genod qui m'ont sensibilisée à l'existence d'un univers radicalement nouveau et irrémédiablement différent) K?-80


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où nous trouver

Colette. 213, rue Saint Honoré / Le Fumoir. 6, rue de l’Amiral Coligny / Le Paris Paris. 5, avenue de l’Opéra / Aimecube. 7 rue Vauvilliers

02/

Lézard Café. 32, rue Etienne Marcel / Kiliwatch. 64, rue Tiquetonne / Café Etienne Marcel. 64, rue Tiquetonne / QBUnit. 4, rue Tiquetonne / Royal Cheese. 24, rue Tiquetonne / Le Pin Up. 13, rue Tiquetonne / Haya. 102, rue Montmartre

03/

La B.A.N.K. 42, rue Volta / Galerie Eva Hober. 16, rue Saint-Claude / Galerie Chez Valentin. 9, rue Saint-Gilles / Café Baci. 36, rue de Turenne / Galerie Polaris. 5, rue Saint-Claude / La Perle. 78, rue Vieille du Temple

04/

Café des Phares. 7, place de la Bastille / Noir Kennedy. 12, rue du Roi de Sicile / Amnésia. 42, rue Vieille du Temple / L'Etoile Manquante. 34, rue Vieille du Temple / La Chaise au Plafond. 10, rue de Trésor / Féria Café. 4, rue Bourg Tibourg / L'Etincelle. 42 bis, rue de Rivoli / Lizard Lounge. 18, rue du Bourg Tibourg / Calourette. 23, rue du Bourg Tibourg / Quaterback. 21, rue Vieille du Temple / Les Marronniers. 18, rue des Archives / Art Génération. 67, rue de la Verrerie / Le Drapeau. 10, rue du Temple / Open Café. 17, rue des Archives / Comptoir des Archives. 41, rue des Archives / Le Chinon III. 56, rue des Archives / Le Cox. 15, rue des Archives / Moto 777. 52, rue du roi de Sicile

05/

Café Delmas. 2, place de la Contrescarpe / Café Léa. 5, rue Claude Bernard / Aux Délices d'Agathe. 42, rue Broca / Le Contrescarpe. 57, rue Lacépède / Music Guest, 19, rue Monge

06/

La Hune Librairie. 170, boulevard SaintGermain / Les Deux Magots. 6 place Saint-Germain des Prés / Lipp. 151, boulevard Saint-Germain / Le Vavin. 18 rue Vavin / Le Select. 99, boulevard du Montparnasse / L'Atelier. 95, boulevard Saint-Germain / Café Jade. 10, rue de Buci / Les Etages. 5, rue de Buci / Les Editeurs. 4, carrefour de l'Odéon / O'Prince. 52, rue Monsieur Le Prince / Lucernaire. 53, rue Notre Dame des Champs / Le Chartreux. 8, rue des Chartreux / Café de la Mairie. 8, place Saint-Sulpice / Coffee Parisien. 4, rue Princesse / La Palette. 43, rue de Seine / Café des Beaux Arts. 7, quai Malaquais / Galerie Kamel Mennour. 47, rue SaintAndré des arts / Lina's. 13, rue de Médicis / Bar de la Croix-Rouge. 2, place Michel Debré / Le café de Flore. 274, boulevard Saint Germain / La marine. 59, boulevard du Montparnasse

07/

Mucha Café. 227, boulevard SaintGermain / 7L Librairie. 7, rue de Lille / Basile. 34, rue de Grenelle / Café le SaintGermain. 62, rue du Bac / Le Bizuth. 202, boulevard Saint-Germain

08/

Lina's. 61, rue Pierre Charron / Buddha Bar. 8 rue Boissy-d'Anglas / Le Paris London. 16 place de la Madeleine / Le Mini Palais. 3, avenue Winston Churchill

09/

Librairie l'Atelier 9. 59, rue des Martyrs / Wochdom. 72, rue Condorcet / La Galerie des Galeries. 40, boulevard Haussmann / L'Hôtel Amour. 8, rue de Navarin / Lazy Dog Citadium. 50, rue Caumartin

10/

Le Point Ephémère. 200, quai de Valmy / Poêle Deux Carottes. 177, quai de Valmy / Le Chaland. 163, quai de Valmy / La Tipica. 4, rue Eugène Varlin

11/

Lazy Dog. 2, passage Thiéré / Café Fusain. 50, avenue Parmentier / Favela Chic. 18, rue du Fbg du Temple / Café Justine. 96, rue Oberkampf / Café Charbon (Nouveau Casino). 109, rue Oberkampf / La Marquise. 74, rue Jean-Pierre Timbaud / Au Chat Noir. 76, rue JeanPierre Timbaud / Le Bastille. Place de la Bastille / L'An Vert du Décor. 32, rue de la Roquette / Pause Café. 41, rue de Charonne / M. and W. Shift. 30, rue de Charonne / Bataclan. 50, boulevard Voltaire / Les Disquaires. 6, Rue des Taillandiers / Auguste. 10, rue St Sabin

18/

Galerie W. 44, rue Lepic

20/

La maroquinerie. 23, rue Boyer / La Flèche d’Or. 102 bis, rue de Bagnolet

Ecoles/

Chambre Syndicale de la Haute Couture. 45, rue Saint Roch. 75001 / ECV. 1, rue du Dahomey. 75011 / Ecole Camondo. Les Arts Décoratifs. 266, boulevard Raspail. 75014 / ESRA. 198, rue Lourmel et 135, avenue Felix Faure 75015 / Ecole Architecture Paris Belleville. 78, rue Rebeval / Ecole Architecture Paris La Vilette. 144, avenue de Flandres. 75020 / EICAR. 50, avenue du Président Wilson. Saint-Denis / EFAP. 61-63, rue Pierre Charon. 75008 / Science Po. 27, rue Saint-Guillaume. 75007 / Strate Collège Designers. 175/205, rue Jean-Jacques Rousseau. 92130 Issy-les-Moulineaux

Où?

12/

Le Saint Antoine. 186, rue du Fbg Saint Antoine

13/

Les Cailloux. 58, rue des Cinq Diamants / Le Marijan. 20 bis, boulevard Arago

14/

Dalea. 13, boulevard Edgar Quinet / Apollo. 3, place Denfert Rochererau / Zinc D’enfer. 2, rue Boulard / Zango. 58, rue Daguerre / Les Artistes. 60, rue Didot / Café D’enfer. 22, rue Daguerre

16/

Le Tsé. 78, rue d’Auteil / Librairie du Palais de Tokyo. 13, avenue du Président Wilson K?-82

illustration : designJune

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