5 ans d'ALIPH !

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ANS

ALIPH




TABLE DES MATIÈRES

Introduction

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Avant-propos : M. Thomas S. Kaplan, Président du Conseil de fondation d’ALIPH La méthode ALIPH : cinq ans déjà !

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Étapes clés

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ALIPH a cinq ans !

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ALIPH dans le monde

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Plan d’action Beyrouth : à la rescousse du patrimoine beyrouthin

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Plan d’action Covid-19 : aider les professionnels du patrimoine à surmonter la pandémie

40

Présentation de quelques projets achevés

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Shewaki : conservation du patrimoine bâti bouddhiste

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Hatra : protection et restauration de la ville parthe, endommagée par Daech

56

Taq Kasra : mesures d’urgence pour empêcher l’effondrement de l’arche monumentale de Ctésiphon 60 Agadez : réhabilitation de la vieille ville, perle du Niger

64

Nord-est de la Syrie, Gouvernorat d’Hassaké : stabiliser le palais historique de Tell Beydar et améliorer les conditions de conservation des artefacts saisis à la frontière

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Nos archives : articles de 2020 et 2021

73

Réhabiliter la mémoire de l’Irak : le musée de Mossoul

74

Au Monastère de Mar Behnam en Irak : une reconstruction symbole d’unité

83

Le passé au service de l’avenir : le musée de Raqqa

88

Mieux vaut prévenir que guérir : le musée des Civilisations de Côte d’Ivoire

98

La restauration du patrimoine yézidi : contribution à la stabilité et au retour des habitants du Sinjar

104

Tombouctou : les manuscrits d’Al Aqib, des savoirs préservés

124

La famille ALIPH

133

Conseil de fondation

134

Comité scientifique

136

Comité des finances et du développement

137

Comité d’audit

137

Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération

137

Secrétariat

137

Notre éthique

138

Comment soutenir ALIPH

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ALI P H a cinq ans !


INTRODUCTION

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AVANT-PROPOS CINQ ANS DÉJÀ ! M. THOMAS S. KAPLAN

Intro ductio n

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ALI P H a cinq ans !

AVANT-PROPOS


La méthode ALIPH : cinq ans déjà ! “La reconnaissance est la mémoire du cœur” Jean Massieu

Et c’est précisément ce que nous avons fait. Doté d’un tempérament d’entrepreneur plus que d’un esprit procédurier, je dois avouer que les premiers jours ont parfois été marqués par des défis et des frustrations. Toutefois, en peu de temps, l’élan qui avait motivé notre devise « Action, action, action » s’est mis en marche et a engendré un mode de pensée qui s’est cristallisé dans l’exhortation brillamment inspirée — et continuellement inspirante — de

Intro ductio n

Les grands engagements de l’âge adulte se forgent souvent dès le plus jeune âge, à l’époque de l’apprentissage de la vie. Pour moi, c’est la régulière fréquentation, durant toute ma jeunesse, des salles des antiquités du British Museum, du Louvre ou du Metropolitan qui a joué ce rôle. Transporté en rêve à Lakish, Ninive ou Ctésiphon, j’ai été absorbé, et en quelque sorte convaincu, que mon destin personnel serait lié à une fascination constante pour l’histoire classique. Si on a la chance d’avoir, dès l’enfance, une passion profonde pour l’histoire des civilisations, celle-ci enrichit non seulement nos années de formation, mais nous permet aussi, plus tard, de nous engager avec encore plus de force et, avec un peu de chance, de recevoir les moyens de rendre à l’objet de nos enthousiasmes ce qu’il nous avait apporté, en l’espèce, la promotion et la protection du patrimoine commun de l’humanité. Comme l’a si justement dit l’éducateur français Jean Massieu : « la reconnaissance est la mémoire du cœur ». C’est ce que j’ai ressenti lorsque, peu avant la première conférence des donateurs d’ALIPH, au printemps 2017, on m’a demandé d’assumer la présidence de cette nouvelle Fondation. Comme je l’avais promis aux cofondateurs de cette initiative extraordinaire, le Président François Hollande et S.A. le Cheikh Mohamed Ben Zayed, Prince héritier d’Abou Dabi — et réitéré plus tard en personne au Président Emmanuel Macron — mes collègues du Conseil de fondation, l’équipe du Secrétariat et moi-même veillerions à ce qu’ALIPH s’attache à une ligne de conduite simple : « Action, action, action ».

Président du Conseil de fondation d’ALIPH

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M. Thomas S. Kaplan


S.E. Mohamed Al Mubarak, fer de lance de tant d’initiatives culturelles des Emirats arabes unis, à agir selon « la méthode ALIPH », synonyme d’action plutôt que de paroles. Une méthode mêlant vision stratégique et objectifs bien définis, agilité et flexibilité tactique, exécution déterminée et précise : une recette qui, in fine, a donné de splendides résultats.

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Il y a cinq ans, ALIPH n’existait tout simplement pas. Aujourd’hui, nous avons planté le drapeau de la Fondation dans une trentaine de pays avec près de 150 projets. Ces initiatives — qui très souvent, au vu des circonstances, furent de véritables aventures — sont autant d’épopées qui devraient susciter un sentiment de gratitude chez tous ceux qui croient en l’impératif de préserver les plus grands trésors du patrimoine de l’humanité pour les générations futures. Elles incluent notamment la protection et la réhabilitation des musées de Mossoul en Irak, Raqqa dans le nord-est de la Syrie, Dhamar au Yémen ou Abidjan en Côte d’Ivoire ; la restauration du Tombeau des Askia à Gao au Mali, du Monastère de Mar Behnam en Irak, du Minaret de Djam, en partenariat avec l’UNESCO, et de la Citadelle de Bala Hissar, avec celui de l’Aga Khan Trust for Culture (AKTC), en Afghanistan. Mais l’empreinte d’ALIPH va bien audelà, puisqu’elle atteint désormais la vallée de Sondondo au Pérou, Agadez au Niger, Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, Ghadamès en Libye, Adulis en Erythrée, Gori en Géorgie, Koh Ker au Cambodge, ou encore tout récemment les Moluques en Indonésie, pour ne citer que quelques exemples. Tous ces sites ne forment que la face visible de l’action d’ALIPH. Bien d’autres interventions, sous la surface des choses, sont également en cours, nourries par ce qui est désormais tout un ensemble d’activités et de soutiens au profit de ceux qui sont en première ligne. Dans ces nobles efforts pour protéger un patrimoine vital, à la fois matériel et immatériel, je tiens à saluer le rôle de premier plan joué par le Secrétariat, le Comité scientifique et notre réseau de plus de 200 experts qui apportent à la Fondation connaissance, passion et une extraordinaire compétence. Je suis également immensément reconnaissant à chacun des opérateurs, locaux et internationaux, avec lesquels ALIPH travaille quotidiennement sur le terrain. Ces femmes et ces hommes sont les véritables héros méconnus de notre entreprise collective. Fort heureusement, d’excellents résultats et le temps qui passe ont permis à ces âmes courageuses d’obtenir la reconnaissance qu’elles méritent. A travers de nombreux témoignages, les responsables de nos pays donateurs ont eux-mêmes pu entendre, de la part de ceux qui sont en première ligne, de leurs homologues chefs d’Etat ou princes, de hauts fonctionnaires, et jusqu’aux archéologues, nos ONG partenaires, les conservateurs de musées et les agents de sécurité, qu’ALIPH était devenue une référence absolue en matière d’exécution de son mandat.


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Intro ductio n


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A LI P H a cinq ans !


Pour ceux qui sont peu familiers avec les débuts d’ALIPH, il est important de souligner que, si la reconnaissance et le statut dont jouit aujourd’hui la Fondation paraissent incontestables, si prédestinés... ce ne fut pas toujours le cas. Au départ, l’aventure ALIPH a dû faire face à de multiples vents contraires, alors que chacun pouvait voir les outrages qui se produisaient sous le regard de notre génération : les années 2010 ont en effet été marquées par des attaques contre le patrimoine, uniques par leur ampleur, leur caractère systématique et leur couverture médiatique et, en dépit des hurlements d’horreur, les assauts ont continué. De Tombouctou à Gao, de Palmyre à Alep, de Mossoul à Hatra, des sites inestimables ont été vandalisés et détruits au vu et au su de la communauté internationale.

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Il fallut ensuite traduire les paroles en actes. Ce qui fut proposé, ce fut la création d’un nouveau type d’organisation : une fondation basée à Genève, régie par le droit suisse et bénéficiant d’un accord de siège avec le Conseil fédéral suisse — un statut unique permettant le développement d’un partenariat public-privé, une gouvernance flexible et un fonctionnement de type startup. Une telle initiative, qui reçut en 2017 un extraordinaire soutien formel des Nations Unies, constituait, constituait une approche inédite en termes de mobilisation des bonnes volontés autour d’une question ciblée, ainsi qu’une contribution originale au multilatéralisme et à l’action de la communauté internationale. Grâce à l’engagement de mon prédécesseur et ami cher Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe (IMA), et avec le soutien indéfectible des dynamiques et fort éclairés Vice-présidents d’ALIPH, S.E. Mohamed Al Mubarak et Bariza Khiari, ainsi que de S.A. le Prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al Saud, notre estimé représentant du Royaume d’Arabie Saoudite, nous avons rapidement installé notre Secrétariat, mis en place un Conseil de fondation merveilleusement diversifié et talentueux, et nommé, à Genève, notre Directeur exécutif, Valéry Freland.

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Cela exigeait une riposte déterminée. Le premier défi a été de mobiliser une communauté internationale jusqu’alors bien trop distraite, afin de répondre à la barbarie. Les visionnaires qui ont appelé à l’action devaient se prévaloir de cette indignation et la canaliser de manière cohérente. C’est ce qui a été fait avec la publication, en 2015, du rapport « Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l’humanité », rédigé par Jean-Luc Martinez, Président-directeur du Musée du Louvre (2013-2021), et qui s’est avéré essentiel pour préparer le terrain en vue de la Conférence internationale de 2016 sur la sauvegarde du patrimoine dans les zones en conflit, accueillie à Abou Dabi. Cette assemblée a, à son tour, permis le lancement en 2017 de l’initiative franco-émirienne qui, avec le soutien de l’UNESCO, de l’Arabie saoudite, du Koweït, du Luxembourg, du Maroc, de la Chine et de plusieurs donateurs privés, a créé l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit — ALIPH.


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Cela s’est avéré être un tournant après lequel nous n’avons plus regardé en arrière. En unissant ALIPH autour de l’esprit « Action, action, action ! », les résultats de la Team Freland se sont rapidement matérialisés. En quelques mois seulement, ALIPH a pu se hisser au premier rang de la protection du patrimoine dans les zones en conflit, en soutenant à la fois des projets ambitieux mais aussi, grâce à une multitude de partenariats à travers le monde, des initiatives plus modestes axées sur la protection et la réhabilitation du patrimoine culturel mondial. Bien sûr, même les contes de fées ont des rebondissements. La COVID-19 est apparue, perturbant le cours des événements mondiaux, sans parler de nos vies — y compris celles de ceux dont la Fondation soutenait le travail. Pourtant, ensemble, nous avons tenu et nous nous sommes adaptés, bon gré mal gré, aux visioconférences et au travail à distance, sans jamais renoncer à des projets concrets ou à des visites de terrain, de Gao à Beyrouth, en passant par Kaboul ou Mossoul. Car au cœur de l’ADN d’ALIPH se trouve l’impératif de travailler pour et avec les populations et les communautés locales, sans lesquelles il ne peut y avoir de protection durable du patrimoine dans les pays en crise. À plusieurs égards, les impératifs de la pandémie ont donné lieu à ce qui s’est peut-être avéré être notre heure de gloire — non seulement en tant qu’organisation, mais aussi en tant que mission. Conscients que notre environnement était irrémédiablement modifié, nous avons lancé, dans les toutes premières semaines qui ont suivi le déclenchement de la pandémie, un ambitieux plan d’action de plusieurs millions de dollars sous forme de petites subventions rapidement déployées en faveur d’opérateurs locaux du patrimoine (musées, ONG, groupes d’artisans, etc.) afin de les aider à surmonter, avec un minimum de bureaucratie et un maximum de rapidité, les bouleversements existentiels de la COVID-19. En fin de compte, une centaine d’acteurs dans 37 pays ont bénéficié de cette initiative — un parfait exemple de la méthode ALIPH en action. La pandémie allait encore révéler un autre exemple de l’extraordinaire flexibilité d’ALIPH. En plus de ces subventions sauvant littéralement la vie de personnes bloquées sur le terrain, nous avons répondu avec le même empressement et la même efficacité à des demandes de financement plus importantes. Ainsi, la Fondation a pu faire face à la menace imminente d’effondrement d’un patrimoine national considérable à de nombreuses reprises. On rappellera notamment la stabilisation d’urgence de l’Arche de Ctésiphon, au sud de Bagdad, ainsi que la réhabilitation rapide de musées, bibliothèques, édifices religieux et maisons historiques de Beyrouth, après l’explosion dévastatrice du 4 août 2020. Nous avons été présents sur le terrain — aux côtés d’institutions locales, d’ONG et d’acteurs internationaux — pour aider à trouver des synergies et accompagner les efforts des Beyrouthins pour préserver l’histoire et l’héritage de leur société, sans lesquels il ne peut y avoir d’avenir.


La capacité éprouvée d’ALIPH à répondre aux crises a, à son tour, façonné davantage encore notre propre organisation. En traversant ces différentes tempêtes, la Fondation s’est montrée exceptionnellement agile et a fait preuve d’une rare capacité à s’adapter rapidement aux nouveaux besoins, attentes et défis, grâce à sa taille relativement petite, son style de gouvernance consensuel et son mode de fonctionnement fluide. Ces vertus constituent une base solide sur laquelle nous allons pouvoir bâtir notre prochain chapitre, fermement attachés à notre mission de protection du récit commun de l’humanité — un patrimoine qui nous inspire et nous rassemble, au-delà des frontières et des différences culturelles, et qui représente toujours une source importante de moyens de subsistance et de sens pour des populations confrontées chaque jour aux traumatismes de la guerre, du terrorisme et de l’injustice des mémoires sacrifiées.

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Et alors que de sombres menaces continuent de planer sur cet héritage, comme dans le cas du terrorisme et des conflits internationaux, nous et nos partenaires resterons — fièrement et inébranlablement — aux côtés de ces femmes et de ces hommes courageux, en tant qu’acteurs humbles mais essentiels de la réconciliation et de la paix par la préservation, le partage et la transmission de ce phénomène épique que constitue la civilisation humaine.


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ALIPH A CINQ ANS !

ALIPH DANS LE MONDE

PLAN D’ACTION BEYROUTH : À LA RESCOUSSE DU PATRIMOINE BEYROUTHIN


ÉTAPES CLÉS

40 PLAN D’ACTION COVID-19 : AIDER LES PROFESSIONNELS DU PATRIMOINE À SURMONTER LA PANDÉMIE


ALIPH A CINQ ANS !

2016

DÉBUT DES ANNÉES

2-3 DÉCEMBRE

2010

Destruction massive par la guerre et le terrorisme du patrimoine de plusieurs pays du Sahel et du Moyen-Orient

2017 8 MARS

Création à Genève de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH)

Organisation à Abou Dabi de la Conférence internationale sur la sauvegarde du patrimoine culturel dans les zones de conflit et adoption de la Déclaration sur le patrimoine en danger dans le contexte des conflits armés

20 MARS

Organisation de la première Conférence internationale des donateurs d’ALIPH, au musée du Louvre à Paris

2015 NOVEMBRE

Publication du rapport de Jean-Luc Martinez, Président-directeur du musée du Louvre (2013-2021), intitulé “Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l’humanité”

24 MARS

Adoption par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la Résolution 2347 sur la protection du patrimoine

11 OCTOBER

Signature par ALIPH d’une Convention de Siège avec le Conseil fédéral Suisse


2018

2019 24 JUIN

15 JANVIER 18 JUIN

Lancement du site internet et du premier appel à projets d’ALIPH

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du premier appel, de quatorze nouveaux projets, dont la réhabilitation de la Tutunji House et de plusieurs édifices religieux à Mossoul (projet dit « Mosaïque de Mossoul »), la protection du Minaret de Jam (UNESCO), en Afghanistan, et la restauration du musée de Raqqa, dans le nord-est de la Syrie

Adoption par le Conseil de fondation d’ALIPH de cinq premiers projets de protection du patrimoine dans les zones en conflit, dont la réhabilitation du Musée de Mossoul, du Monastère de Mar Behnam (Irak) et du Tombeau des Askia (Gao, Mali)

11 OCTOBRE

Signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) entre l’UNESCO et ALIPH, en vue de développer leur coopération

JUIN

Premier déplacement du Secrétariat d’ALIPH à Mossoul, Irak

SEPTEMBRE

Installation du Secrétariat d’ALIPH à Genève

NOVEMBRE

Premier déplacement du Secrétariat d’ALIPH à Bagdad, Irak

17 DÉCEMBRE

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du deuxième appel, de vingt nouveaux projets, dont la préservation du patrimoine écrit de la bibliothèque Khalidi à Jérusalem, la réhabilitation du musée de Dhamar au Yémen, ou encore la protection de plusieurs sites archéologiques emblématiques du Soudan


2020

FÉVRIER

AVRIL

SEPTEMBRE

MARS

AOÛT

OCTOBRE

Achèvement de la mesure d’urgence financée par ALIPH en vue de sécuriser les sculptures de la ville antique de Hatra, Irak

Premier déplacement du Secrétariat d’ALIPH au Mali pour le lancement de la réhabilitation du Tombeau des Askia, à Gao, aux côtés des opérateurs, des autorités maliennes et des communautés locales

Lancement d’un Plan d’urgence de soutien aux opérateurs et professionnels du patrimoine pour faire face à la pandémie de la COVID-19, doté de 1 puis 2 MUSD

Lancement, quelques jours après l’explosion dans le port de Beyrouth, d’un Plan d’action de 5 MUSD en faveur de la stabilisation et de la réhabilitation du patrimoine de la capitale libanaise

Déplacement à Beyrouth du Secrétariat d’ALIPH, aux côtés des équipes de l’ICOM et d’ICOMOS

Achèvement de la mesure d’urgence financée par ALIPH en vue de protéger les collections du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire à Abidjan


2021

22 OCTOBRE

Adoption par le Conseil de la Fondation, au terme du troisième appel, de vingt-neuf nouveaux projets, dont la protection des collections de plusieurs musées au Yémen, la lutte contre le trafic illicite de biens culturels dans le nord-est de la Syrie ou encore la réhabilitation du Musée National de BosnieHerzégovine de Sarajevo

JANVIER

Adoption par le Conseil de fondation d’ALIPH, à la demande du ministre de la Culture, du Tourisme et des Antiquités d’Irak, d’un projet de stabilisation d’urgence de l’Arche de Ctésiphon, au sud de Bagdad

23 AVRIL

Élargissement du Comité scientifique de 6 à 10 membres, experts internationaux dans le domaine du patrimoine

14 DÉCEMBRE

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du quatrième appel, de 20 nouveaux projets, dont ceux portant sur la lutte contre le trafic illicite et le renforcement de la sécurité de plusieurs musées de la région du Sahel, le soutien aux interventions d’urgence au Yémen, ou encore le développement des collections du Musée palestinien

MARS

Déplacement du Secrétariat en Afghanistan et lancement du projet financé par ALIPH de la réhabilitation de la citadelle de Bala Hissar, à Kaboul

10 DÉCEMBRE

Signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) entre l’Alliance des civilisations des Nations Unies (UNAOC) et ALIPH, en vue de développer leur coopération

2022 ALIPH A CINQ ANS


Libye Mauritanie Mali

Colombie

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Pérou

Chili

Côte d’Ivoire Burkina Faso

ALIPH DANS LE MONDE

En cinq ans, ALIPH est passé d’une idée à un fonds mondial soutenant près de 150 projets dans une trentaine de pays.


Mozambique

É tap es clés

Somalie

Yémen

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Palestine

Cambodge

Liban

Indonésie

Soudan

République démocratique du Congo (RDC)

Niger

Turquie

BosnieHerzégovine

Arménie

Géorgie

A propos du patrimoine syrien et nord-est de la Syrie

Afghanistan

Irak

Pakistan

Bangladesh

Érythrée

Éthiopie


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A LI P H a cinq ans !


PLAN D’ACTION BEYROUTH

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Le 4 août 2020, une grande quantité de nitrate d’ammonium, stockée dans un entrepôt du port de Beyrouth, s’est enflammée, déclenchant une double explosion dévastatrice. Ces violentes déflagrations ont fait de nombreux morts et blessé des milliers d’habitants ; elles ont également provoqué d’importants dégâts structurels dans toute la capitale libanaise, y compris dans ses plus vieux quartiers, portant atteinte aux nombreux bâtiments historiques qui bordent ses rues au caractère unique. De nombreux musées, écoles, édifices religieux, bibliothèques ou maisons historiques figuraient ainsi parmi le patrimoine endommagé.

É tap es clés

À LA RESCOUSSE DU PATRIMOINE BEYROUTHIN


« ALIPH a été la première organisation internationale présente à nos côtés. Je dois dire que nous avons été en mesure de conclure un accord, de mettre au point toute la logistique en un mois seulement ! Et nous venons de recevoir les fonds. C’était très rapide, très, très rapide. » Zeina Arida, directrice du Musée Sursock (2020)

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A LI P H a cinq ans !

ALIPH a rapidement été l’initiatrice d’une « Déclaration de solidarité avec le Liban et de soutien à la réhabilitation du patrimoine culturel endommagé de Beyrouth », signée par plus de 40 ministères de la Culture, opérateurs du patrimoine, musées et organisations internationales du monde entier. Dans le prolongement de cette déclaration, le Conseil de fondation d’ALIPH a lancé un plan d’action en faveur de Beyrouth de 5 millions de dollars, afin de stabiliser et de réhabiliter ce précieux patrimoine. Mi-septembre 2020, ALIPH, ICOM et ICOMOS ont mené une mission conjointe à Beyrouth afin d’évaluer les dommages, de rencontrer les autorités nationales et locales, et de s’entretenir avec les acteurs du patrimoine et des représentants de la société civile.


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A LI P H a cinq ans !

Pour mener à bien ce plan d’action en faveur de Beyrouth, ALIPH a travaillé en étroite coordination avec la Direction Générale des Antiquités (DGA) du Liban et divers partenaires internationaux et ONG locales. En quelques mois, ALIPH a ainsi financé 18 projets, pour un montant de 2,3 millions de dollars, portant sur la stabilisation urgente d’une quarantaine de bâtiments menacés d’effondrement ou la réhabilitation d’édifices remarquables et d’établissements culturels. En particulier, ALIPH a soutenu la stabilisation du Musée national de Beyrouth et du Musée Sursock, ainsi que la réhabilitation de la cathédrale grecque orthodoxe Saint-Georges, la cathédrale maronite Saint–Georges, et les bibliothèques nationale et orientale. Ces projets sont menés notamment par la DGA du Liban, le Musée du Louvre, Arab Fund for Arts and Culture, le Musée Sursock, l’Ecole supérieure des affaires (ESA), la National Heritage Foundation (for Beirut Heritage Intiative Campaign), l’Institut français du Proche– Orient (IFPO), l’Institut national du patrimoine (INP – Paris), Prince Claus Fund, l’Œuvre d’Orient, Monumenta Orientalia, l’Université Saint–Joseph, etc. Chacun de ces projets a contribué localement à la formation, à l’emploi et à l’activité économique.

« Dès que nous avons appris l’explosion, nous nous sommes mobilisés afin de soutenir nos amis et collègues de Beyrouth. Il s’agissait non seulement de stabiliser rapidement une partie du patrimoine en danger, mais aussi de faire savoir au monde que la communauté internationale du patrimoine était à leurs côtés. » Alexandra Fiebig, chargée de projets, ALIPH



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Projets soutenus

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Nombre d’opérateurs et partenaires


2

Etablissements d’enseignement

2

Lieux de culte

2 2

Evaluation urgente

4

2 319 473 $ Fonds engagés

Musées

6

Maisons historiques, villas et palais*

* Environ 40 bâtiments ont été stabilisés dans le cadre des six projets énumérés ici.

Libraries


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Plan d’action Beyrouth : à la rescousse du patrimoine beyrouthin

Stabilisation d’urgence et couverture de 40 maisons historiques

Opérateurs : l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), en coopération avec la Direction Générale des Antiquités (DGA) du Liban ; la Fondation nationale du patrimoine, pour Beirut Heritage Initiative (Liban) et en coopération avec l’École Supérieure des Affaires (ESA) ; Prince Claus Fund, en coopération avec le Bouclier Bleu Liban La double explosion qui a secoué le centre-ville de Beyrouth le 4 août 2020 a profondément atteint plusieurs quartiers historiques. Rapidement, la Direction générale des antiquités (DGA) du Liban et un réseau d’experts en patrimoine culturel de Beyrouth, Built Heritage Rescue 2020 (BBHR2020), ont estimé qu’environ 350 maisons étaient endommagées, dont 80 en très mauvais état, voire susceptibles de s’effondrer. Ce risque était notamment aggravé par la menace d’infiltration d’eau à l’occasion de la saison des pluies à venir. Dans le cadre des efforts menés en vue de stabiliser un grand nombre de ces bâtiments, ALIPH a financé quatre projets visant à couvrir les toits de manière temporaire (par exemple avec des bâches ou de la tôle) et à mettre en place des mesures d’étayage pour environ 40 maisons historiques, dans les quartiers d’Achrafieh, Rmeil, Medawar et Saifi. Ont ainsi pu être stabilisés des maisons résidentielles, une villa patricienne, deux palais historiques (palais Bustros et Sursock) et l’ancienne gare de Beyrouth.


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A LI P H a cinq ans !

Plan d’action Beyrouth : à la rescousse du patrimoine beyrouthin

Réhabilitation du musée national du Liban

Opérateurs : le musée du Louvre, en coopération avec la Direction Générale des Antiquités (DGA) du Liban L’explosion de Beyrouth a détruit la plupart des fenêtres et portes du musée national du Liban, laissant sa collection dans des conditions non sécurisées. Le projet financé par ALIPH a permis de réparer les dommages subis par le musée ainsi que par le siège de la Direction Générale des Antiquités. Les fenêtres ont été réinstallées, les portes et les plafonds réparés et le système d’alarme restauré. Il a également permis de mettre en place des mesures de sécurité et de réaliser une étude sur la climatisation, fortement endommagée par l’explosion et soumettant la collection à l’humidité et aux fluctuations de température. A cet égard, pour faire face à cette menace, une deuxième phase visant à assurer une climatisation pérenne de la collection du musée est en cours de préparation.


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Plan d’action Beyrouth : à la rescousse du patrimoine beyrouthin A LI P H a cinq ans !

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Réhabilitation de la cathédrale grecque orthodoxe Saint Georges et de la cathédrale Saint-Georges des maronites Opérateurs : l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) et l’École Supérieure des Affaires (ESA), en coopération avec la Direction Générale des Antiquités (DGA) du Liban ; l’Œuvre d’Orient, en coopération avec l’Archéparchie catholique maronite de Beyrouth et la Direction Générale des Antiquités (DGA) du Liban Au centre de Beyrouth, se trouve la cathédrale grecque orthodoxe Saint-Georges, vieille de trois cents ans et construite sur le site d’une église du Ve siècle. À 400 mètres de là, se dresse la cathédrale Saint-Georges des maronites, d’un style néoclassique inspiré de la basilique Santa Maria Maggiore de Rome. L’explosion de Beyrouth a considérablement endommagé les fenêtres, les portes et les objets religieux de ces deux lieux de culte. Depuis, à la cathédrale grecque orthodoxe Saint-Georges, l’iconostase et les fresques du XIXe siècle ont été restaurées, et les fenêtres et portes en bois réparées. À la cathédrale Saint-Georges des maronites, les 137 m2 de vitraux historiques endommagés par l’explosion ont été temporairement sécurisés. Ils seront remplacés au printemps 2022 par des vitraux produits à Zagreb, en Croatie.


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À la cathédrale Saint-Georges des maronites, les 137 m2 de vitraux historiques endommagés par l’explosion ont été temporairement sécurisés. Ils seront remplacés au printemps 2022 par des vitraux produits à Zagreb, en Croatie.



PLAN D’ACTION COVID-19 AIDER LES PROFESSIONNELS DU PATRIMOINE À SURMONTER LA PANDÉMIE

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A LI P H a cinq ans !

L’année 2020 aura été marquée par la pandémie de la Covid-19 et son impact dévastateur sur la vie de chacun. Le secteur du patrimoine culturel n’aura pas été épargné par cette catastrophe, qui a entraîné la fermeture de monuments, musées, bibliothèques et autres sites culturels et patrimoniaux dans le monde entier. Sans nul doute, ces lieux incarnent des identités et des histoires multiples ; ils sont aussi d’importantes sources d’emplois et d’activité pour les populations locales, experts, ingénieurs, architectes, maçons ou artisans notamment.

« Lorsque la pandémie a frappé, nous savions que nous devions aider immédiatement les sites du patrimoine culturel ainsi que les femmes et les hommes qui y travaillent. Notre flexibilité nous a permis de répondre à leurs besoins urgents et de débloquer des fonds dans un délai très court. » Rosalie Gonzalez, chargée de projets, ALIPH


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A LI P H a cinq ans !


Par solidarité avec ces acteurs des pays particulièrement vulnérables, et pour contribuer à les aider à surmonter la pandémie, ALIPH a lancé en avril 2020 un fonds d’urgence contre la Covid-19, destiné à couvrir les coûts liés à la mise en place de mesures sanitaires (masques, gel hydroalcoolique, etc.), mais aussi certains frais de fonctionnement, compte tenu de l’impact de la crise sur les ressources des institutions patrimoniales. ALIPH a en outre financé l’acquisition de technologies de l’information et de programmes d’apprentissage en ligne afin de contribuer à combler la fracture numérique et de renforcer la résilience des opérateurs. Elle a également soutenu des projets de protection d’urgence du patrimoine ou générateurs de revenus.

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En plus de ces efforts, des programmes de formation et des mesures de protection d’urgence ont été mis en place. Ainsi, l’Institut Archéologique Allemand (DAI) et le Centre français de recherche de la péninsule arabique (Cefrepa) ont coopéré avec l’Organisation générale des antiquités et des musées du Yémen (GOAM) pour renforcer la protection des collections de cinq musées yéménites et fournir des outils numériques et des formations à leur personnel. Le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) a en outre conçu des modules d’apprentissage relatifs aux premiers secours à apporter au patrimoine en zones de conflit. Enfin, le Prince Claus Fund a supervisé dix projets de premiers secours du patrimoine culturel et trois projets de réhabilitation en Afrique et en Asie. ALIPH a enfin créé une plate-forme d’apprentissage en ligne sur la protection du patrimoine culturel qui propose plus de 100 programmes de formation (https://elearning.aliphfoundation.org/).

É tap es clés

Ainsi, depuis avril 2020, ALIPH a engagé 2.1 MUSD en faveur d’une centaine d’opérateurs de pays en conflit ou particulièrement vulnérables. La fondation a ainsi soutenu directement 50 opérateurs du patrimoine, 43 autres l’étant indirectement à travers des partenariats avec de grandes institutions mondiales de la protection du patrimoine telles que : l’UNESCO, le Conseil international des musées (ICOM), le Prince Claus Fund, le World Monuments Fund, l’association Rempart, l’Aga Khan Trust for Culture et le Petra National Trust. Celles-ci ont eu un rôle décisif pour l’identification des bénéficiaires et l’affectation des fonds.


« Merci de nous aider dans la mission de sauvegarde et de préservation du patrimoine culturel de cette communauté ethnique, en soutenant le musée communautaire de Mulaló. » Esmeralda Ortiz Cuero, représentante du musée communautaire de Mulaló, Colombie

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« Je voulais juste transmettre les remerciements des artisans et des apprentis que ce fonds d’urgence soutient. C’est tellement important pour leur artisanat, ce patrimoine et son avenir – donc un grand merci en leur nom pour tous vos efforts. » Richard Dwerryhouse, directeur national pour la Jordanie, Turquoise Mountain


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« C’est tout simplement une merveilleuse et grande nouvelle pour Blue Shield Pasifika. Ce sera notre toute première subvention internationale. »

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Elizabeth Edwards, secrétaire générale, Blue Shield Pasifika, Fidji


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PLAN D’ACTION COVID-19

Nombre total de projets

94

Nombre total de pays

37

Nombre total d’opérateurs

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Nombre total de grands partenaires chargés de redistribuer les subventions

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Fonds engagés

2 059 008 $


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AFGHANISTAN SHEWAKI : CONSERVATION DU PATRIMOINE BÂTI BOUDDHISTE

IRAK HATRA : PROTECTION ET RESTAURATION DE LA VILLE PARTHE, ENDOMMAGÉE PAR DAECH

IRAK TAQ KASRA : MESURES D’URGENCE POUR EMPÊCHER L’EFFONDREMENT DE L’ARCHE MONUMENTALE DE CTÉSIPHON


PRÉSENTATION DE QUELQUES PROJETS ACHEVÉS

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NIGER AGADEZ : RÉHABILITATION DE LA VIEILLE VILLE, PERLE DU NIGER

NORD-EST DE LA SYRIE GOUVERNORAT D’HASSAKÉ : STABILISER LE PALAIS HISTORIQUE DE TELL BEYDAR ET AMÉLIORER LES CONDITIONS DE CONSERVATION DES ARTEFACTS SAISIS À LA FRONTIÈRE


Afghanistan A LI P H a cinq ans !

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Shewaki : conservation du patrimoine bâti bouddhiste


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Shewaki : conservation du patrimoine bâti bouddhiste

Opérateur : Afghan Cultural Heritage Consulting Organisation (ACHCO)

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Le stupa de Shewaki, qui date des I-III siècles de notre ère, se dresse sur les rebords d’une vaste vallée, à onze kilomètres au nord de Kaboul. Il fait partie d’un complexe religieux situé sur la route autrefois empruntée par les pèlerins bouddhistes, lorsqu’ils se rendaient à Bamiyan, dans les hauts plateaux, depuis les plaines indiennes. Ce projet, mené de 2020 à 2021 par la Afghan Cultural Heritage Consulting Organisation (ACHCO), a permis de documenter le site et de stabiliser, restaurer et reconstruire ce monument unique.


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Irak A LI P H a cinq ans !

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Hatra : protection et restauration de la ville parthe, endommagée par Daech


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Hatra : protection et restauration de la ville parthe, endommagée par Daech

Opérateurs : Associazione Internazionale di Studi sul Mediterraneo e l’Oriente (ISMEO), en coopération avec le Conseil d’État irakien des antiquités et du patrimoine (SBAH) Située dans une zone isolée de la steppe désertique du nord de l’Irak, dans le gouvernorat de Ninive, Hatra, qui s’est développée au cours des trois premiers siècles de notre ère, est l’exemple le mieux préservé de ville parthe. Elle a été occupée par Daech en 2014, et le site est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis juillet 2015. Depuis 2020, ALIPH finance un projet, mis en œuvre par une équipe conjointe d’archéologues de l’ISMEO et du SBAH, qui vise à protéger et réhabiliter progressivement ce site. Une première phase, menée en 2020 a permis d’évaluer les dommages et de sécuriser des sculptures murales endommagées par Daech. Il s’agissait de la première opération de cette ampleur sur ce site depuis sa libération en avril 2017. La seconde étape de ce projet, menée en 2021 et qui se conclura début 2022, consiste en la réhabilitation de la maison de la mission archéologique et en la restauration des décorations sculptées et des éléments endommagés de l’un des temples de la ville. Elle a également permis de former sur le terrain de jeunes conservateurs et archéologues irakiens.



Irak A LI P H a cinq ans !

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Taq Kasra : mesures d’urgence pour empêcher l’effondrement de l’arche monumentale de Ctésiphon


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Taq Kasra : mesures d’urgence pour empêcher l’effondrement de l’arche monumentale de Ctésiphon A LI P H a cinq ans !

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Opérateur : Université de Pennsylvanie, en coopération avec le Consultancy for Conservation and Development, Iconem et le Conseil d’État irakien des antiquités et du patrimoine (SBAH) L’arche de Ctésiphon (Taq Kasra), située à 40 km au sud de Bagdad, a été construite au VIe siècle de notre ère. Il s’agit de la plus grande voûte en briques et de la plus grande arche autoportante du monde construite avant l’époque moderne. Faisant partie du complexe d’un palais Sassanide, elle mesure 37 mètres de haut et 26 mètres de large, ce qui en fait un monument exceptionnel, de grande importance historique et culturelle. Taq Kasra pose un défi de conservation important, car elle a subi une série d’effondrements partiels de la voûte en briques en 2019 et 2020, nécessitant une stabilisation d’urgence. A la suite de ces effondrements, le Ministère irakien de la Culture, du Tourisme et des Antiquités a saisi ALIPH en octobre 2020, afin que la fondation finance un projet de stabilisation de l’arche. ALIPH a tout d’abord soutenu l’évaluation de l’état de conservation de ce monument, avant de financer l’ensemble des mesures d’urgence recommandées. Ainsi, ALIPH a soutenu, début 2020, le travail de documentation numérique mené par Iconem visant à établir un scan 3D en haute résolution du site. Sous la responsabilité de l’Université de Pennsylvanie et le Consultancy for Conservation and Development, un échafaudage spécialement conçu pour le site a été ensuite élaboré en Turquie et installé sur le site fin 2021, en vue de soutenir l’arche. Des capteurs visant à surveiller les fissures du monument et à prévenir tout nouvel effondrement ont également été installés. Un plan de conservation globale de ce monument et de ce site est en outre en cours d’élaboration.



Niger A LI P H a cinq ans !

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Agadez : réhabilitation de la vieille ville, perle du Niger


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Agadez : réhabilitation de la vieille ville, perle du Niger


Opérateurs : Imane Atarikh, en coopération avec le Comité de gestion de la vieille ville d’Agadez et Iconem La ville d’Agadez, construite avant le XVe siècle le long des routes caravanières, conserve une riche tradition de styles architecturaux locaux. Le minaret de la Grande Mosquée est l’une des plus hautes structures en briques crues du monde, et les maisons en terre qui l’entourent sont décorées de formes et de motifs complexes uniques. Les effets combinés des troubles civils, qui ont donné lieu à des bombardements en 2013, et du changement climatique, qui provoque des inondations soudaines, ont mis cette architecture exceptionnelle en grand danger. Un projet d’urgence, mené en 2020 par l’ONG Imane Atarikh, en coopération avec le Comité de gestion de la vieille ville d’Agadez, a permis de documenter et de restaurer la Grande Mosquée et quatre maisons qui l’entourent, et d’offrir une formation à 30 jeunes afin que la communauté soit en mesure d’entretenir à l’avenir ces bâtiments.

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Cette première étape achevée, ALIPH finance désormais une deuxième phase de réhabilitation de la vielle ville, à travers la réalisation par Iconem d’une documentation 3D à haute résolution, l’analyse architecturale et la restauration du complexe de la Grande Mosquée et de quinze autres maisons, ainsi que l’enregistrement des techniques d’architecture traditionnelle, des histoires orales de la vieille ville, et l’organisation d’une exposition itinérante sur les résultats du projet.


Nord-est de la Syrie A LI P H a cinq ans !

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Gouvernorat d’Hassaké : stabiliser le palais historique de Tell Beydar et améliorer les conditions de conservation des artefacts saisis à la frontière



les conditions de conservation des artefacts saisis à la frontière

Nord-est de la Syrie, Gouvernorat d’Hassaké : stabiliser le palais historique de Tell Beydar et améliorer A LI P H a cinq ans !

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Opérateur : Fight for Humanity, en coopération avec des acteurs locaux Le site archéologique de Tell Beydar, situé dans le gouvernorat d’Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, date de 2600 avant J.-C. Il est régulièrement menacé par des fouilles illégales et le vandalisme, ainsi que par des risques climatiques. Dans le cadre du projet soutenu par ALIPH et mis en œuvre par l’ONG suisse Fight for Humanity, une équipe d’acteurs locaux a mis en place des mesures de protection d’urgence du palais historique de Tell Beydar, telles que le nettoyage et la stabilisation des murs, et remis en état les installations destinées aux visiteurs. Ce projet a également permis de renforcer la sécurité de l’entrepôt de Rimelan, dans lequel les autorités locales stockent plus de 20 000 objets saisis à la frontière et provenant du pillage et du trafic illicite de biens culturels de la région. Cet espace de stockage a ainsi été remis à neuf (nettoyage, aération, plomberie, électricité, fixation de caméras de sécurité) afin que les artefacts puissent être mieux protégés à l’avenir.



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RÉHABILITER LA MÉMOIRE DE L’IRAK : LE MUSÉE DE MOSSOUL

AU MONASTÈRE DE MAR BEHNAM EN IRAK : UNE CONSTRUCTION SYMBOLE D’UNITÉ

LE PASSÉ AU SERVICE DE L’AVENIR : LE MUSÉE DE RAQQA


NOS ARCHIVES : ARTICLES DE 2020 ET 2021 98

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MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR : LE MUSÉE DES CIVILISATIONS DE CÔTE D’IVOIRE

LA RESTAURATION DU PATRIMOINE YÉZIDI : CONTRIBUTION À LA STABILITÉ ET AU RETOUR DES HABITANTS DU SINJAR

TOMBOUCTOU : LES MANUSCRITS D’AL AQIB, DES SAVOIRS PRÉSERVÉS


RÉHABILITER LA MÉMOIRE DE L’IRAK : LE MUSÉE DE MOSSOUL

Sarah Hugounenq

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Article publié en 2020

Sarah Hugounenq est spécialiste d’économie de la culture, de diplomatie culturelle et de politique patrimoniale. Depuis dix ans, elle collabore à divers titres de presse (Le Quotidien de l’art, La Gazette Drouot, Le Point, Télérama, Les Echos, Radio France…). Elle a étudié l’histoire de l’art et la muséologie à l’Ecole du Louvre, et enseigne, notamment en tant que spécialiste du mécénat, la gestion des musées et des monuments dans plusieurs universités et grandes écoles.

Plans saccadés, cadrages approximatifs… La vidéo est amateur. Le récit qu’elle met en scène relève pourtant moins du dilettantisme que d’une mise à sac en règle. Déterminés et intrépides, les soldats de la mémoire perdue s’acharnent avec fierté sur les statues, frises et autres trésors préislamiques de Nimroud et de Hatra, saccagent à mains nues les chefs d’œuvres parthes et assyriens, pilonnent à coup de massue leur propre passé. On est au cœur de la plaine de l’antique Ninive, à Mossoul, en février 2015, dans l’enceinte du second musée le plus riche d’Irak. Visiblement agacée par la robustesse de ces témoignages d’une Histoire plus grande qu’eux, l’expédition punitive sort l’artillerie lourde, marteau-piqueur et explosifs. Pillé puis transformé en QG quelques temps, cet écrin de l’histoire irakienne est transformé en brasier : 27 000 livres dont 2 500 incunables partent en fumée, sans compter les dommages architecturaux.


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« Nous avons proposé un plan d’actions jusqu’à la réouverture du musée et nous espérons que ce travail minutieux va porter la renaissance de ce remarquable établissement. Malgré les énormes dommages subis, nous voulons montrer qu’en rassemblant nos expertises et avec du travail, du temps et de l’argent, rien n’est jamais impossible. »

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Ariane Thomas, conservatrice du patrimoine, responsable des collections mésopotamiennes au musée du Louvre


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Créée en réponse à la destruction massive du patrimoine culturel au Moyen-Orient, ALIPH a embrassé le projet de réhabilitation du musée de Mossoul sabre au clair dès 2018, à la demande du Conseil national irakien du patrimoine et des antiquités, et en partenariat avec le musée du Louvre (Paris) et la Smithsonian Institution (Washington). « La priorité était de proposer des mesures urgentes de sécurisation du bâtiment et de la collection : stabiliser les planchers et les toits béants touchés par les bombes, mettre du plastique aux fenêtres, installer des portes et stocker les œuvres afin de les protéger du pillage… Il fallait agir vite pour sauver le maximum », se souvient Corine Wegener, ex-militaire américaine aujourd’hui directrice de la Smithsonian Cultural Rescue Initiative. Si ALIPH s’est fait une spécialité de l’intervention rapide et efficace, l’ampleur des dégâts nécessite un plan d’action réfléchi et séquencé. « Ce projet concentre la complexité qu’il y a à s’engager sur le long terme, confie Rosalie Gonzalez, chargée de coordonner le projet à ALIPH. Pour déterminer une méthodologie rigoureuse, des modalités d’action réalistes compte tenu de la difficulté du terrain, nous avons transformé l’évaluation des dommages en une phase initiale complète d’un an. » La Smithsonian se concentre notamment sur l’étude structurelle et la stabilisation du bâtiment en dépêchant sur place des ingénieurs. De son côté, le Louvre, en coordination avec les équipes du musée, s’intéresse aux collections : inventorier, trier, identifier et documenter l’état de chaque débris, confronter les inventaires (pour ceux qui n’ont pas brûlé) afin de déterminer quelle œuvre est détruite, endommagée ou dérobée, puis les stocker en attendant que leur sort soit décidé. Sur les sols jonchés de décombres multimillénaires, la tâche s’apparente à un puzzle géant. « C’est une tragédie effroyable », s’émeut Ariane Thomas, conservatrice du patrimoine, responsable des collections mésopotamiennes au musée du Louvre.


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Dont acte. Le bilan est positif : le bâtiment et une partie des collections peuvent être sauvés, tandis que le musée a fait des pas de géants (construction d’une nouvelle réserve à Ninive, programme de formation des équipes locales…). En développant la planification et l’analyse, ces différents partenaires ont gagné un temps précieux : celui de la connaissance d’un terrain où tout manque, des tables de travail aux bureaux exigus à l’électricité chancelante, où la résurgence de groupes djihadistes depuis la libération de Mossoul en 2017 paralyse la circulation des personnels. Les rares convois de l’armée desservant la ville sont limités à 4 ou 6 personnes, dont le personnel armé. Sur place, la découverte d’explosifs sur le toit et de mines dans la vieille ville a obligé de faire appel à l’armée en amont de toute autre action. « C’est dans ce type de contexte que l’on prend la mesure de l’utilité d’une organisation comme ALIPH, spécialiste des zones de conflit, salue Corine Wegener. Ils connaissent et comprennent les difficultés du terrain, l’incertitude, le besoin de flexibilité, nous accompagnent dans notre mission par leur relais auprès des milieux politiques, diplomatiques… » En rapprochant des acteurs qui n’ont pas toujours l’habitude de collaborer, experts issus de la culture, de la diplomatie, de l’aide au développement, de la défense, ALIPH affirme ne pas être un simple guichet de financement. Sa mission fondamentale de coordination prouve combien la restauration d’un musée est un projet multiforme. « Les musées sont les miroirs d’une civilisation, explique Zaid Ghazi Saadallah, Directeur du musée de Mossoul. Ils offrent la possibilité d’étudier, de rechercher, de se réjouir. Ils incarnent la culture d’un pays vis-à-vis des touristes, aident à raviver l’attachement à son passé et l’enracinement. Sans eux, les nations n’auraient pas de futur. Pour toutes ces raisons, réhabiliter notre musée est primordial. » Dans un pays meurtri, la reconstruction passe aussi par la fierté de sa culture, élément plus essentiel qu’on veut bien le croire.


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« Les musées sont les miroirs d’une civilisation. » Zaid Ghazi Saadallah, directeur du musée de Mossoul


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NB : Depuis la publication de cet article, un nouveau partenaire a rejoint le consortium formé par le Conseil d’État irakien des antiquités et du patrimoine (SBAH), le musée du Louvre, la Smithsonoan Institution et ALIPH : le World Monuments Fund, chargé de la rehabilitation du bâtiment du musée. La Smithsonian a poursuivi quant à elle son programme de formation des personnels, et le musée du Louvre celui de la restauration des artefacts, y compris à travers des formations en ligne à la conservation. ALIPH finance cette nouvelle étape de la rehabilitation du musée.


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« Il faut presque être aventurier pour mener à bien un tel chantier », se souvient, amusé, Guillaume de Beaurepaire. Jeune diplômé de l’école d’architecture de Versailles, ce Français a été appelé en 2017 à relever un défi hors norme : reconstruire un lieu hautement symbolique, devenu champ de ruines dans la plaine de Ninive, le mausolée de Mar Behnam. « Je ne reconstruisais pas un musée ou un monument historique du XIIIe siècle, mais un lieu de vie spirituel, point de rencontre d’un ensemble de populations », poursuit l’architecte. Jusqu’en 2015, au gré de grands piqueniques, les chrétiens syriaques passaient la journée, parfois la nuit, dans ce qui était le plus important témoignage de l’art chrétien du Moyen Age en Mésopotamie. Ils étaient rejoints lors de fêtes par les populations musulmanes, mais aussi yézidies, qui voient dans la colline artificielle contre laquelle s’adosse la tombe du saint Behnam, la présence du prophète al-Khidhr. Cette communion multiconfessionnelle n’était pas le fort de Daech. Après avoir chassé les moines Ephrémites, ils rasèrent le mausolée à coup d’explosifs, un jour d’avril 2015. Au lendemain de la libération du village, en 2016, Mgr Yohanna Petros Mouché, archevêque syriaque catholique du diocèse de Mossoul, découvrit un monceau de gravas. « Mar Behnam est un monastère unique, symbole de coexistence, de fraternité, dans une région où se retrouvent toutes les religions, croyances et ethnies, musulmans, chrétiens, Kakaï et même yézidis. Voilà pourquoi nous avons voulu coûte que coûte protéger ce lieu et le reconstruire », confie-t-il.

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Sarah Hugounenq

Article publié en 2020

AU MONASTÈRE DE MAR BEHNAM EN IRAK : UNE RECONSTRUCTION SYMBOLE D’UNITÉ


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La volonté du sage engagea une opération à l’image du lieu : emblématique et symbole d’unité entre les Hommes. L’équipe de restauration s’appuya ainsi sur un architecte français, un archéologue irakien, Abdelsalam Seman, chrétien de Qaraqosh, des ouvriers de Khidhr, village à majorité sunnite qui intervinrent dès 2016 pour déblayer et trier 600 m3 de gravas - une unité militaire irakienne chargée d’extraire les restes d’explosifs… « Notre association n’a pas vocation à protéger le patrimoine, mais à aider les Irakiens à vivre dignement dans leur pays, explique Margaux Besson de l’association Fraternité en Irak qui a mené le projet sur le terrain.


« Daech avait voulu diviser la région, monter les populations les unes contre les autres. Reconstruire Mar Behnam était symbolique : en aidant les chrétiens à retrouver leur sanctuaire, on aidait tout le monde et on contribuait à rebâtir l’unité de l’Irak. On s’est lancé dans l’aventure sans vrai budget. L’important était de commencer. Le soutien d’ALIPH fut déterminant. » Margaux Besson secrétaire générale, Fraternité en Irak


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L’image est forte : réconcilier et stabiliser la région depuis l’intérieure. Profondément ancrée dans son territoire, une telle entreprise n’a pourtant rien de local. « Outre les financements, ALIPH a été un levier inespéré pour faire rayonner le projet sur la scène internationale, analyse Margaux Besson. Il est important que ces chantiers se sachent : on parle de paix et d’humanisme ».

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Le chantier avait toutes les qualités requises pour attirer la fondation genevoise. Portée par une association humanitaire souple, avec une bonne assise sur le terrain, le projet fut exécuté avec une rare rapidité, en moins de deux ans. Malgré la finesse des pierres taillées d’entrelacs, la modernité des motifs géométriques parfois agrémentés de prières et la délicatesse de plaques votives sculptées, le chantier était moins patrimonial qu’un message d’apaisement, de sécurité et de renaissance économique. Premier bâtiment religieux que l’évêque souhaita reconstruire, quand partout la priorité était donnée aux maisons des habitants, Mar Behnam a permis de relancer l’activité d’artisans locaux, réduits à la mendicité à l’époque de Daech. Par un système de prêts et de commandes, Fraternité en Irak a ainsi relancé les affaires d’un ferronnier, auteur de la croix sommitale, ou d’un menuisier pour les portes du monastère. « Reprendre le travail pour ces artisans n’était pas seulement une chance, c’était une fierté », se réjouit Margaux Besson. Dans la droite ligne des projets estampillés ALIPH, l’opération se devait d’avoir une portée plus large que strictement patrimoniale, et intégrer son environnement. Cette exigence se logea dans les moindres détails. Pour garder l’âme d’un lieu chargé d’histoire et de sens, l’archéologue irakien proposa de recycler les briques de maisons en ruine du XIXe siècle de Qaraqosh, ville de résidence des ouvriers du chantier, afin d’éviter une édification neuve et insignifiante.


LE PASSÉ AU SERVICE DE L’AVENIR : LE MUSÉE DE RAQQA

Marine de Tilly

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Article publié en 2020

Marine de Tilly est journaliste indépendante. Elle collabore avec Le Point, Le Figaro Magazine, ELLE et GEO depuis quinze ans. Ces dernières années, elle a effectué plusieurs reportages au MoyenOrient (Irak, Syrie, Turquie). Elle est l’auteur de deux livres : L’homme debout : humanitaire, diplomate, anticonformiste, histoire du premier consul français au Kurdistan irakien (Stock, 2016), et La femme, la vie, la liberté : au cœur du chaos, la maire de Raqqa raconte (Stock, 2020), qui a été publié juste avant que la pandémie de COVID-19 ne se propage dans le monde.

En haut de l’escalier flambant neuf du musée archéologique de Raqqa, deux hirondelles affolées virevoltent et se cognent contre un tombeau romain datant de 2000 ans avant J-C. « Quand les oiseaux entrent quelque part, s’exclame Leïla Mustapha, c’est toujours de bonne augure. » C’est la première fois que l’actuelle co-maire de la ville retourne au musée depuis la fin de sa restauration. Ça sent encore la peinture et le ciment frais, sur le parvis des plans sont toujours affichés et, dans le jardin, un engin de chantier désœuvré semble fier de son forfait. Au-dedans, les vitrines et les objets ne sont pas encore installés mais au dehors, comme un totem immaculé au milieu du gris de la ville en ruines, le musée porte haut et fier l’étendard de la reconstruction. « Avant la guerre, se souvient Leïla Mustapha, ce musée était un havre de calme et de paix. J’y venais souvent car j’étudiais à l’université, juste à côté. J’aimais beaucoup m’y arrêter, regarder depuis la fenêtre l’agitation du quartier, les souks aux antiquités où les marchands venus de tout le pays vendaient et négociaient bruyamment. C’était un lieu d’échange et de culture ; c’était Raqqa. »



Traditionnelle, tribale, économiquement prospère, majoritairement arabe mais sans tension communautaire, ethnique ou religieuse, Raqqa était une ville composite. Dans les artères commerçantes du centre se mêlait une foule remuante piquée d’Arabes, de Kurdes, de Yézidis et d’Arméniens, de vieux cheiks et d’ados à la mode d’Erbil, d’ingénieurs et de techniciens travaillant au grand barrage, de tapissiers turkmènes, d’investisseurs aleppins en costume et de bédouins en keffieh rouge, de chrétiens de Ninive et de militants turcs, bref, il était là, le grand bouillon de culture de toutes les Syrie. « La force et la singularité de Raqqa, c’était sa diversité, et la simplicité des relations de la majorité avec les minorités. »

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Au cœur de cette effervescence, comme le symbole et le carrefour de toutes ces cultures : le musée. D’abord situé place Arafat, à l’extrémité sud du quartier de la vieille ville, il déménage en 1981 dans un ancien poste gouvernemental ottoman à l’occasion du « Congrès International pour l’Histoire de Raqqa ». Destiné à présenter au monde l’importance de la ville pour les arts et les sciences, ce congrès inaugure le bâtiment que l’on connait, qui expose des pièces jusqu’alors conservées au musée d’Alep et au musée national de Damas (où une salle entière est consacrée à Raqqa), et le fruit des fouilles conduites dans toute la Djézireh par des équipes françaises (années 50), syriennes (années 70) et allemandes (années 80). Entre ses murs également, les bureaux de la Direction générale des antiquités et des musées (DGAM) pour la division du gouvernorat de Raqqa.


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Immédiatement après son ouverture, se souvient encore Leïla Mustapha, « le musée a porté haut et fier le patrimoine qu’il conservait et les histoires qu’il racontait ». Témoin du passé de la ville, depuis la préhistoire en passant par l’Antiquité, la période byzantine et jusqu’aux ères islamiques voire modernes, « il était pour tous les Raqqaouis un lieu de cohésion », ajoute Zyad al Hamad, Président du comité archéologie du Conseil civil de la ville. Pour cet intellectuel né à deux pas du musée et spécialiste des sites archéologiques de la ville et de la région, « Raqqa a toujours été la capitale culturelle de la Syrie et, dès sa création, ce musée en était devenu le ministère ». Capitale du calife abbasside Haroun al Rachid, héros des mille et une nuits, « étoile du croissant fertile » exceptionnellement placée au « point médian » de l’Euphrate, à mi-chemin entre sa source et son embouchure du chott-Al Arab, carrefour stratégique des routes commerciales reliant la Syrie à l’Asie centrale et la Méditerranée au Golfe Persique, Raqqa est une ville de contact et d’échanges entre trois mondes : celui des pasteurs nomades, celui des sédentaires et celui des citadins. « Il y a toujours eu là un foisonnement d’artistes, d’écrivains, de poètes, poursuit Zyad. C’était un vivier d’intellectuels, de renom national et international, comme le nouvelliste Abd Essalam al Ujaily, l’écrivain Ibrahim Khalil, le docteur Fayez al Fawaz, ou l’astronome Al-battani, dont l’un des plus grands carrefours de la ville porte encore aujourd’hui le nom. Même Zubayda, l’épouse du calife, qui aimait tant Bagdad, lui préférait Raqqa - qui s’appelait alors Rafiqa. Alors oui, ce musée était comme un sanctuaire pour ces trésors, la poitrine battante du savoir, de l’histoire, de la création et de la transmission, matérielle et immatérielle ».


Et puis… vint la grande écorcherie. Pendant les deux premières années de la Révolution, Raqqa est restée silencieuse. Comme toutes les autres villes de Syrie, elle rêve de « liberté, de justice et de dignité », les premiers mots d’ordre plaqués sur les banderoles des manifestants de Deraa, où tout a commencé au mois de mars 2011. Mais, jusqu’en 2013, emmurée dans sa peur, elle n’ose rien dire. Au mois de mars 2013, l’Armée Syrienne Libre et des factions djihadistes entrent dans Raqqa et, avec elles, le début du chaos, les premiers pillages. Malgré les tentatives de protection de la DGAM, beaucoup de pièces sont expédiées à des acheteurs en Turquie via Tal Abyad, d’autres sont abandonnées n’importe où et n’importe comment – on en retrouvera notamment bien plus tard dans la ville de Tabqa. Au mois de janvier 2014, Daech s’impose comme la seule force en présence à Raqqa, qui devient sa capitale autoproclamée en Irak et au Levant. Les loups sont dans la ville, et avant même de s’attaquer aux hommes, ils volent, pillent et détruisent les symboles.

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Entre deux questions techniques sur le système électrique et les arrivées d’eau - elle est ingénieure de formation, Leïla commente : « Leur seul but était d’anéantir toutes traces de civilisation, pour qu’on oublie, pour que l’Histoire, notre Histoire, tombe dans le néant ». Pendant le siège de Daech, dans la première boutique du musée, entre deux vitrines vides et brisées, on vend de la viande. « Sous l’escalier et dans le jardin raconte Zyad, ils avaient carrément installé un marchand d’électroménager. » Machines à laver, frigidaires et groupes électrogènes remplacent alors des céramiques vieilles de 1000 ans. Le 25 novembre 2014, une bombe explose près du musée, causant des dommages sur sa façade sud et, le 14 novembre 2015, une frappe aérienne de bombardier russe troue littéralement le toit du musée. Pendant la dernière phase de l’opération « Colère de l’Euphrate », au plus dur des combats, Daech pose des explosifs partout dans le musée et place ses tireurs d’élite en embuscades aux balcons. Le 17 octobre 2017, après 134 jours de combat, Raqqa sort des mâchoires du diable. Les Forces Démocratiques Syriennes (FSD) sécurisent le musée truffé de mines mais, même nettoyé, il est orphelin de ses trésors, sale et très endommagé. Entassés comme de la vaisselle cassée dans un coin du deuxième étage, des monceaux de poteries séculaires brisées ou brûlées. C’est alors qu’une jeune ONG tout juste créée à Tal Abyad entre en scène, Roya. L’un de ses fondateurs, Aziz al Mouh, originaire de Raqqa, y revient quelques mois après sa libération. « J’avais envie de faire quelque chose pour ma ville, se souvient-il. La majorité des associations se concentrait sur les services, aucune sur le patrimoine. Je suis jeune et j’avais le sentiment que ma génération ne s’intéressait plus au patrimoine alors que pour moi, ce musée, c’était une clé, le cœur de notre culture, un garant précieux, physique comme mental, de l’histoire commune des Arabes, des Kurdes et des Arméniens de Raqqa. » Aziz propose donc au Conseil civil, qui avait déjà tant à faire avec le déminage et l’aide d’urgence aux personnes, de s’occuper du nettoyage du musée. .


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Début décembre 2017, un premier état des lieux est fait par l’Autorité du tourisme et de la protection des antiquités - canton d’Al Jazira : le musée est debout mais sa façade toujours criblée d’impacts, et l’intérieur très détérioré. En juin 2018, Roya, en coopération avec ASOR Cultural Heritage Initiative, entreprend la première stabilisation d’urgence du bâtiment du musée.

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Un important travail de réhabilitation débute ensuite à la mi-septembre 2019, mené par l’ONG française La Guilde Européenne du Raid, en coopération avec Roya et l’ONG allemande Impact, avec un financement d’ALIPH. Sols, plafonds, mosaïques, escaliers, fenêtres et façades : chaque étape du projet fait l’objet de réunions hebdomadaires au cours desquelles une expertise est apportée, par les acteurs locaux, Roya et le Comité pour l’architecture du Conseil civil, avec l’aide de la Guilde (Djamila Chakour, responsable des collections à l’Institut du Monde Arabe, et Jean-Marc Lalo, architecte, spécialisé dans les lieux publics et culturels), tant sur le plan architectural que sur celui de la conservation préventive.


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Fin février 2020, tout est terminé, le musée est prêt à accueillir les collections sauvées de la guerre et conservées au Conseil civil. « Témoin du passé, commente Zyad Al Hamad, ce musée porte aujourd’hui la promesse de l’avenir. » Et Leïla Mustapha de conclure : « Voyez notre réponse aux soldats de Daech ! Nous sommes là, nous n’avons rien oublié, ni notre passé, ni ce qu’ils ont fait, et maintenant tout va continuer. Dès que les vitrines et les antiquités seront réinstallées, nous ferons une grande fête et les enfants de Raqqa viendront admirer les preuves de leur Histoire et de leur passé ».

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NB: : Depuis la publication de cet article, la Principauté de Monaco s’est jointe à ALIPH pour soutenir les travaux de réhabilitation du Musée de Raqqa. Maintenant, la réhabilitation du musée est entrée dans une nouvelle phase : celle de la reconstitution d’une partie de ses collections. La Guilde européenne du raid, en coopération avec l’ONG locale Roya, restaure une partie de la collection, ainsi que Vorderasiatisches Museum, Staatliche Museen Berlin et Stiftung Preußischer Kulturbesitz reconstituent l’inventaire de la collection pillée du musée. ALIPH finance cette nouvelle étape de la réhabilitation du musée pour un montant total de 568,000 USD.

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« Les maisons de Raqqa n’ont pas de portes », dit le dicton populaire pour célébrer l’hospitalité de ses habitants. Depuis la fin des combats, pour 85% d’entre elles, elles n’ont plus de murs non plus. Mais elles ont un musée, un patrimoine, une mémoire vivante qu’aucune guerre, aucun siège ou aucune barbarie ne saura effacer.


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Article publié en 2020

MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR : LE MUSÉE DES CIVILISATIONS DE CÔTE D’IVOIRE

Sarah Hugounenq Dimanche 28 novembre 2010. A l’issue du second tour des élections présidentielles, la Côte d’Ivoire se couche avec deux présidents. La crise politique est profonde ; pendant cinq mois, le pays va connaître de violents affrontements. Dans ce contexte, le sort du musée des Civilisations d’Abidjan ne suscite guère l’intérêt. Particulièrement mal placé à l’entrée du Plateau, quartier du palais présidentiel, et voisin du siège de l’état-major de l’armée, le plus important musée de Côte d’Ivoire est pourtant une victime collatérale de taille. Les pillards font main basse sur 121 œuvres : objets sacrés, insignes royaux, parures et textiles traditionnels, statuettes et masques Sénoufo et Wè. Pis, la totalité des objets en or massif sont dérobés et probablement fondus : pendentifs baoulés du XVIIe siècle, couronnes et chasse-mouches. « Tout un pan de l’histoire ivoirienne s’est effacé, car ce matériau est très lié à la vie de notre pays », se souvient encore émue Silvie Mémel-Kassi, directrice de l’institution. Et de poursuivre : « ce que je redoute le plus est que l’histoire recommence avec les élections prévues à l’automne 2020. Je revis le scénario de 2010 : environnement électrique, discours incendiaires, retournements politiques… Devant les portes en bois du musée qu’un seul coup de pied suffit à détruire, j’ai commencé dès 2018 à chercher comment anticiper une potentielle nouvelle crise ».


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« Tout un pan de l’histoire ivoirienne s’est effacé, car ce matériau est très lié à la vie de notre pays. »

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Silvie Mémel-Kassi, directrice du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire

Si le musée étatique a perdu une partie de ses fleurons, le fonds comporte encore quelques 16 000 pièces retraçant l’histoire artistique ivoirienne, de la préhistoire à aujourd’hui, et attire désormais près de 100 000 visiteurs, quand ils n’étaient que 8 000 en 2006 et 30 000 à la veille de la crise postélectorale. Au gré de conversations avec des professionnels de musées internationaux, le nom d’ALIPH est soufflé à l’oreille de la directrice. « Une nouvelle fondation basée en Suisse, m’a-t-on dit. Je savais qu’il y avait des organisations dans le domaine des musées et du patrimoine, mais pour être franche, il est difficile d’y avoir accès. J’ai fait un courrier sans grand espoir, et ALIPH a répondu présent en quelques semaines ! » Menace avérée, urgence, intérêt patrimonial, implication des acteurs locaux comme le ministère de la Culture et de la Francophonie… Tous les ingrédients étaient réunis pour que la fondation genevoise réponde présente en un tournemain. Rompue aux chantiers de protection ou de reconstruction sur les théâtres de guerre moyen-orientaux, ALIPH profite de cette opération en Afrique de l’Ouest pour rappeler combien la prévention et la réactivité sont des axes fondateurs de son action. Le projet a bénéficié de la procédure exceptionnelle d’urgence, qui permet de débloquer rapidement une enveloppe maximale de 75 000 USD. Outre cette agilité administrative, le partenariat noué avec la Fondation TAPA, organisation soucieuse d’appuyer le développement des musées africains, a permis de poser huit portes blindées d’accès aux salles d’exposition et aux réserves, entre août et décembre 2019.


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Mais quelle est l’utilité d’une serrure dernier cri si, à l’intérieur, les œuvres ne sont pas conservées dans les meilleures conditions ? « Nos armoires en bois de 1942 étaient infestées d’insectes xylophages qui contaminaient les œuvres ! confie la directrice. Sans ALIPH, rien n’aurait bougé. Leur dotation fut supérieure au montant de notre budget annuel ! C’est dire si leur intervention restera dans les annales ! » Bazardé, le mobilier de rangement vétuste est remplacé par des étagères et autres charriots métalliques plus maniables et adaptés. Les réserves sont en train d’être réaménagées par typologie d’objet. Même si la crise du COVID-19 a stoppé les opérations, cette nouvelle organisation va faciliter les missions de recherches et de numérisation menées chaque année par 350 étudiants internationaux, pour certains issus de la Sorbonne. A l’heure du débat sur la restitution du patrimoine africain conservé en Europe, l’amélioration des standards de conservation est un argument de poids. Par son pragmatisme, sa réactivité et sa simplicité, la sécurisation du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire d’Abidjan donne un coup de pied dans la fourmilière. Il n’est définitivement pas nécessaire de lancer des projets multimillionnaires pour être efficace rapidement et à long terme sur le terrain.

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« Sans ALIPH, rien n’aurait bougé. Leur dotation fut supérieure au montant de notre budget annuel ! C’est dire si leur intervention restera dans les annales ! »


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Article publié en 2021

LA RESTAURATION DU PATRIMOINE YÉZIDI : CONTRIBUTION À LA STABILITÉ ET AU RETOUR DES HABITANTS DU SINJAR

Azhar Al-Rubaie Azhar Al-Rubaie est un journaliste et photographe indépendant et un chercheur irakien. Ses écrits portent sur divers sujets, notamment la politique, la santé, la société, les guerres et les droits de l’homme. Ses articles sont parus dans VICE, Middle East Eye, Al-Jazeera, AlMonitor, The New Arab, The Arab Weekly, le site internet de la London School of Economics (LSE) et d’autres encore.

Près de six années se sont écoulées depuis la libération du district de Sinjar (département du gouvernorat de Ninive), qui a mis fin à l’emprise de Daech et à une campagne systématique de destruction menée contre la communauté yézidie. Le groupe terroriste a en effet détruit des temples et des centres religieux datant du XIIe siècle, composante essentielle du patrimoine de cette communauté. L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), en collaboration avec des organisations locales, a joué un rôle de premier plan en finançant la réhabilitation de ce patrimoine et de mausolées, cruciaux aux yeux des Yézidis, notamment ceux de cheikh Hassan, cheikh Manad et Mam Rashan, situés à Sinjar, ainsi que le bois sacré de cheikh Bakr, à proximité de Bahzani, un village au nord-est de Mossoul.



Les mausolées cheikh Hassan et cheikh Manad : la lumière au bout du tunnel

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L’appui à la reconstruction des temples et des mausolées yézidis a répondu à une demande forte des populations locales, exprimée dès la libération de cette région du contrôle de Daech, le 13 novembre 2015. Les rites religieux et les manifestations publiques pratiqués par cette communauté sont en effet étroitement liés à ces sanctuaires. L’ONG internationale Nadia’s Inititiative a ainsi remis en état le mausolée cheikh Hassan du village de Kabara, détruit par Daech en juillet 2015, ainsi que le mausolée cheikh Manad, situé à Gedala, à la suite de sa destruction le 14 août 2014. Le mausolé a été restauré en collaboration avec deux organisations de la société civile: Sanabel Future for Civil Society Development (Sheikh Hassan) and Nabu Organization for Awareness (Sheikh Mand). Salah Hassan, coordinateur de communication chez Nadia’s Initiative, a ainsi précisé : « Les travaux de remise en état des mausolées cheikh Hassan et cheikh Manad ont commencé en novembre 2020 et se sont achevés en avril 2021, pour un coût total de plus que 85,000 USD. Malgré les défis posés par la pandémie de Covid-19 et le relief escarpé et difficile de cette région, nos efforts ont été couronnés de succès. Lorsque nous avons inauguré les deux mausolées, un grand nombre d’habitants de la région se sont rendus à la cérémonie, compte tenu de son importance religieuse pour la communauté yézidie. Et ils ont organisé des prières et les rites religieux qu’ils avaient coutume de pratiquer avant que Daech ne détruise les deux sites. »


« J’ai ressenti un bonheur indescriptible en voyant le mausolée qui était en ruine se dresser à nouveau. Le message envoyé aux groupes terroristes extrémistes est clair : ils ont échoué à nous anéantir, malgré plusieurs tentatives, car nous sommes déterminés à survivre et à relever le défi. Je me souviens du jour où Daech a détruit le mausolée. Je me trouvais dans le camp de réfugiés, avec ma famille, lorsque la nouvelle est tombée. Nous avons tous pleuré, et aujourd’hui nous sommes témoins de sa reconstruction, tel qu’il était autrefois. »

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Kernos Qaru Omar, habitant du village de Kabara


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La restauration du patrimoine yézidi : contribution à la stabilité et au retour des habitants du Sinjar


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Kernos Qaru Omar, habitant du village de Kabara

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« Nous venons au mausolée cheikh Hassan tous les mercredis pour prier, invoquer Dieu et allumer des cierges à l’huile d’olive bénite, afin de promouvoir l’amour et la paix au sein du peuple irakien. Nous venons également pour visiter les tombes non loin d’ici, pour partager la nourriture avec nos proches et nous entraider. Nous espérons que la campagne de reconstruction se poursuivra dans le district de Sinjar, et que les organisations nous apporteront leur appui afin que nous puissions retrouver pleinement notre vie d’antan et pratiquer en paix nos rites avec nos proches.»


La restauration du patrimoine yézidi : contribution à la stabilité et au retour des habitants du Sinjar A LIP H a cinq ans !

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Hussein Nayef Khodr, le responsable du mausolée cheikh Manad, qui réside à Gedala, m’a confié que les habitants revenaient progressivement depuis la reconstruction du mausolée : « Des dizaines de Yézidis sont revenus dans le district de Sinjar, et sont heureux de voir le mausolée rouvrir ses portes aux visiteurs et aux fidèles. » Il a ajouté : « Il m’était moins pénible de voir ma maison détruite, tant ce mausolée a une très grande importance pour nous tous. Lorsque Daech l’a fait exploser, un certain nombre de femmes, âgées de plus de 80 ans, qui ne pouvaient pas s’échapper dans la montagne, s’y cachaient. »


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Hussein Nayef Khodr, chef du temple cheikh Mand

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« Je veux que les personnes disparues et celles capturées par Daech dans des zones éloignées reviennent. J’ai perdu sept membres de ma famille. »


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Les travaux au mausolée Mam Rashan : reconstruire ce qui a été détruit par Daech


Avec l’appui du World Monuments Fund (WMF), l’Organisation yézidie de documentation (Eyzidi Organization for Documentation-EOD), en collaboration avec un réseau d’experts, a lancé un projet d’étude et de documentation de la région où se situe le mausolée Mam Rashan. Ces travaux ont commencé en septembre 2020 et se sont achevés en octobre de la même année.

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L’équipe d’EOD a ainsi conclu à la nécessité, après une enquête de terrain au mont Sinjar, de reconstruire le mausolée Mam Rashan. Selon Mirza Haju Murad, ingénieur chargé du projet de remise en état du mausolée : « Le WMF a fourni un appui suffisant pour que nous puissions finir toutes les étapes de restauration du mausolée, de la phase de recherche et d’évaluation, jusqu’à la reconstruction complète de l’édifice. Nous nous engageons à pleinement respecter la tradition religieuse pour la reconstruction de ce mausolée, notamment la forme de la coupole et autres détails cultuels. Bien que certains matériaux de construction essentiels soient modifiés, le modèle religieux et architectural du mausolée reste inchangé. Les matériaux utilisés autrefois étaient fabriqués manuellement, à partir de mortier de chaux et de plâtre, ainsi que d’autres pierres. En raison des progrès réalisés à l’heure actuelle, nous pouvons remplacer certaines matières par d’autres, de meilleure qualité. »

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La reconstruction du mausolée Mam Rashan se déroule en trois phases : recherche et évaluation (1-4 mois), restauration (5-14 mois) et finition (15-18 mois). Ces travaux sont supervisés sur le terrain par l’ingénieur Mirza Haju Murad et l’ingénieur, conseiller pour les affaires religieuses, Khairi Kdi, d’EOD, fondée en 2014, à la suite de l’extermination de la population yézidie. La mission de cette organisation est de documenter les actes d’extermination et les crimes, par le recueil de preuves, et d’encourager les habitants à retourner à Sinjar, maintenant que la zone est sécurisée.


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Kamal Bedley Juli, chef du sanctuaire Mam Rashan

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« Malheureusement, j’ai perdu mon cousin et son fils. J’ignore encore le sort de plusieurs de mes amis. Ce qui m’a fait le plus mal, c’est d’assister à l’explosion du mausolée, le 16 octobre 2014, depuis le mont Sinjar. Un sentiment de tristesse et une sensation de choc m’ont envahi quand j’ai vu le mausolée, que nous avons protégé depuis sa construction en 1844, partir en fumée entre les mains de Daech. Je remercie l’ensemble des organisations internationales qui ont œuvré pour la reconstruction des sites détruits. La restauration des temples et des mausolées sacrés joue un rôle primordial pour encourager les Yézidis déplacés à rentrer chez eux après avoir été chassés par Daech. Nous avons constaté aussi que les habitants de la région visitaient de plus en plus ces endroits sacrés, et cela nous fait plaisir. »

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Nous sommes partis à la rencontre du religieux yézidi Kamal Bedley Juli, responsable du mausolée Mam Rashan. Deux fois par semaine, il faisait plusieurs kilomètres à pied pour se rendre sur le site détruit à l’explosif par Daech, en 2014. « Je n’ai jamais eu le sentiment de parcourir une grande distance, car je l’ai fait en étant au service de Dieu et de ma religion. Je suis heureux d’avoir été témoin de la reconstruction de ce mausolée et d’y avoir contribué. J’ai travaillé dans ce mausolée pendant 12 ans et il fait partie de moi. » Juli n’a pas quitté la région du Sinjar, une fois cette dernière envahie par Daech, le 3 août 2014. Il s’est, bien au contraire, porté volontaire pour combattre l’organisation et défendre sa communauté et ses lieux de culte.


La ferme de cheikh Bakr Al Qatani renaît de ses cendres. « Nous sommes très heureux ! » témoignent les agriculteurs.

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À douze kilomètres au nord-est de Mossoul, nous atteignons la ferme de cheikh Bakr Al Qatani, à Baashiqua Bahzani, où un bois sacré de 3 000 oliviers a été remis en état. Daech avait brûlé 800 arbres et endommagé 2 200 d’entre eux au cours des attaques survenues entre 2014 et 2016. L’olivier est un arbre sacré et cher au cœur des Yézidis, car ces derniers utilisent l’huile d’olive lors de leurs fêtes religieuses. Il constitue aussi le gagne-pain de 50 agriculteurs qui travaillaient auparavant dans la ferme. Le centre socio-culturel Lalesh a lancé le projet de réhabilitation de la ferme de cheikh Bakr Al Qatani. Les premiers travaux consistaient à nettoyer les arbres endommagés, à déraciner ceux qui étaient brûlés et à les remplacer par de nouveaux oliviers. Ensuite, une clôture a été dressée afin de protéger la ferme des animaux et du vandalisme. Nous avons rencontré Mumtaz Ibrahim, l’ingénieur agronome qui s’occupe de la ferme d’Al Qatani, qui a indiqué : « La réhabilitation de cette ferme s’est déroulée en trois phases : lors de la première, il s’agissait d’élever une clôture de 2 400 mètres de long. Ensuite, nous avons mis en place 200 mètres de canaux d’irrigation. Enfin, nous avons planté 1 185 arbres. »


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La restauration du patrimoine yézidi : contribution à la stabilité et au retour des habitants du Sinjar A LIP H a cinq ans !

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Chamel Sulaiman Murad Lasso, un agriculteur de 52 ans, évoque la spécificité des oliviers que Daech a brûlés quand le groupe s’est emparé, en 2014, du village de Bahzani : « Les oliviers de Bahzani sont parmi les meilleurs au monde ; leur résistance peut dépasser les dix ans sans qu’ils perdent leurs caractéristiques, comme le goût et la couleur de leurs olives. La réhabilitation de la ferme et la construction des canaux nous a permis de protéger les arbres et de les irriguer de manière plus efficace. Cette tâche prenait de longues heures autrefois ; aujourd’hui, elle s’effectue en trente minutes. » Et Lasso d’ajouter : « La restauration de cette ferme nous a changé la vie. Nous sommes tous ravis de voir nos arbres pousser à nouveau, et de pouvoir recourir à des méthodes de travail plus efficaces, grâce à l’investissement des organisations internationales. Ces oliviers font partie de notre identité et, de surcroît, embellissent notre région. » Le budget de ce projet est de 145 000 USD, alloués aux travaux de cette ferme, y compris sa réhabilitation en trois phases. La plantation des arbres a été effectuée du 13 au 25 février 2021, la construction de la clôture en septembre et octobre 2020. Quant aux travaux de mise en place des canaux, ils ont été réalisés en 2021.

« Les oliviers endommagés ont surtout besoin d’eau, mais il leur faut en moyenne trois ans pour pousser. » Mumtaz Ibrahim, ingénieur de la ferme Al Qatani Grove


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Les habitants des régions libérées du joug de Daech, y compris ceux du Sinjar, continuent, avec le soutien des organisations internationales et locales, ce combat pour la reconstruction de leurs maisons et des mausolées détruits. De nombreuses personnes cherchent aussi à regagner les territoires libérés et à reprendre une vie normale.

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Chahd Khoury, la coordinatrice du projet de la ferme de cheikh Bakr Qatani au sein de l’association Mesopotamia, expliquait ainsi début 2021 : « Grâce aux fonds des Fondations ALIPH et Saint-Irénée, deux phases de ce projet sont d’ores et déjà terminées, ainsi que 60 % de la construction des canaux, qui sera entièrement accomplie fin mai 2021. Grâce à cette aide, la situation des agriculteurs s’est nettement améliorée et plusieurs vont bénéficier de cette ferme. Ces arbres sont leur héritage, de père en fils. »


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Article publié en 2021

TOMBOUCTOU : LES MANUSCRITS D’AL AQIB, DES SAVOIRS PRÉSERVÉS

Dédé Faconam d’Almeida Dédé Faconam d’Almeida est journaliste et spécialiste en communication pour le développement au Mali. Elle collabore ainsi avec plusieurs médias locaux et internationaux. Les questions concernant les droits humains et la construction de la paix la passionnent. Elle dirige depuis novembre 2019 le cabinet de formations et médias Odeka. Dédé Faconam d’Almeida est également productrice et présentatrice TV.

Tombouctou. Au mois de mai, il fait déjà très chaud et la pénombre qui règne dans la salle des manuscrits contraste avec la lumière et la chaleur extérieure. Le sourire dans la voix, Mohamed El Moktar Cissé décrit sa richesse, transmise dans sa famille depuis des générations. « Nous avons ici des manuscrits vieux de plusieurs siècles. On y trouve de tout, des documents scientifiques aux récits historiques et, bien sûr, des milliers de livres religieux. Ils sont écrits dans différentes langues et sur divers supports, comme le papier, mais aussi le cuir… C’est notre bien le plus précieux », explique avec fierté le fils de l’imam de la grande mosquée séculaire qui se dresse majestueusement sur la place qui porte son nom, Sankoré. Les manuscrits, c’est l’âme de cette ville millénaire qui, au fil du temps mais surtout au gré de tous les peuples et des savoirs qui s’y sont croisés, est devenue et reste un haut lieu du patrimoine de l’humanité. Ces manuscrits, le monde entier en a entendu parler après la crise de 2012 dans laquelle ils ont failli disparaître. Face aux menaces destructrices des groupes extrémistes occupants de la ville, les familles détentrices des précieux documents les ont préservés comme elles ont pu. Les habitants de la « capitale du savoir » en ont sauvé des milliers, parfois au péril de leur vie…


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En janvier 2014, un an après la fin de l’occupation de la ville, la vieille bibliothèque Al Aqib, rattachée à la mosquée Sankoré, est la première à rouvrir et à remettre les manuscrits à disposition du public, explique son directeur. Mohamed El Moktar Cissé souligne qu’ils ont souffert des longs mois passés dans les cantines, alors qu’ils étaient déjà fragilisés par le temps. Après une première initiative pour « leur sauver la vie » comme il le dit, la famille « a écrit une lettre à l’association Archives Manuscrits et Livres Anciens (AMALIA) pour avoir de l’aide ». Le directeur de la bibliothèque se rappelle avoir exprimé dans son courrier l’urgence de mettre en place des mesures de conservation pour les quelque 4 000 manuscrits sous sa responsabilité.

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« Nous avons été séduits par l’approche du projet. Déjà, ils ont bien enquêté, avant même d’accéder à notre demande », se souvient Mohamed El Moktar Cissé. « Ensuite, nous avons bénéficié de formations sur les techniques de la conservation. Ça a tout changé, parce qu’avant on avait des méthodes vraiment rudimentaires : on mettait les manuscrits dans des cantines, on les sortait, on les étalait sur les tables et on les époussetait. Aujourd’hui, on a vraiment évolué », se réjouit-il.

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« Cette collection de manuscrits connaissait des conditions de conservation problématiques », explique Maria Luisa Russo, experte en conservation, gestion et mise en valeur des archives et des bibliothèques, présidente d’AMALIA. Son organisation, explique-t-elle, avec l’appui financier d’ALIPH, a mis en œuvre le projet, « qui visait à la conservation physique des manuscrits, c’est-à-dire leur nettoyage à sec, leur rangement dans des boîtes de conservation ainsi que, dans certains cas, des petites interventions de restauration des feuilles ». Elle poursuit : « Les opérations ont été entièrement réalisées sur place. Le tout ajouté au rangement de la pièce où sont gardés les ouvrages. Car il nous fallait aussi travailler sur l’environnement de la conservation. Cela a été possible grâce à la formation du personnel local, à qui nous avons transmis toutes les compétences pour faire le travail. »


L’opération de conservation, menée entre novembre 2019 et décembre 2020, était nécessaire et revêtait un double enjeu : préserver le contenu mais aussi le contenant. Le manuscrit en tant que bien culturel est avant tout un objet physique avec toutes ses spécificités. « Le texte, on peut le préserver au moyen de la numérisation. Mais le manuscrit physique, on ne peut le préserver qu’en ayant une action pratique sur le bien », souligne Maria Luisa Russo.

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L’association AMALIA est essentiellement active au Mali et en Italie. L’action à Al Aqib a été appuyée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique du Mali et des contacts ont été pris avec le ministère de la Culture et d’autres départements pour garantir l’ancrage institutionnel du projet. Travailler sur les livres, imprimés ou manuscrits, est important non seulement pour le Mali mais aussi pour le monde entier. A travers ce projet, au-delà de la conservation des documents pour leur valeur historique, artistique et leur esthétique physique, il s’agit de « promouvoir le savoir, la connaissance de ce patrimoine, et pas seulement auprès du public académique : il est également essentiel de transmettre l’importance du rôle des bibliothèques et des livres au grand public, pour contribuer à l’éveil de la conscience civique. C’est pour cela que nous menons aussi des activités pour ouvrir ces espaces aux gens qui n’ont pas accès normalement à ce savoir, aux livres. C’est un ensemble d’actions de protection et de divulgation du patrimoine que dirige la mission d’AMALIA », explique Maria Luisa Russo. Pour Yéhia B., étudiant originaire de Tombouctou, avoir de nouveau accès aux manuscrits « est une chance incroyable ». Comme lui, de nombreux autres étudiants maliens mais aussi étrangers font le voyage pour pouvoir consulter ou même seulement voir les manuscrits de Tombouctou.


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« Le plus vieux des manuscrits date de 1621, c’est un ouvrage sur l’islam, explique El Moktar Cissé avec émotion. Savoir que je pourrai le transmettre à mon tour est une bénédiction. »

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NB: : Ce projet s’est achevé en mars 2021. Dans le prolongement de cette belle expérience, ALIPH a décidé en décembre 2021 de financer un nouveau projet de protection des archives et manuscrits maliens, mis en œuvre par AMALIA, en coopération avec la Bibliothèque des manuscrits de Djenné, la Préfecture de Djenné, le ministère de l’Artisanat et de la Culture, l’Université de Hambourg et le Hill Museum and Manuscript Library. Ce projet permettra d’améliorer l’inventaire, le stockage et les mesures de conservation préventive de 6000 manuscrits (du 16e au 20e siècle), détenus par la Bibliothèque des manuscrits de Djenné pour le compte de 180 familles maliennes, ainsi que les archives s’étalant sur 25 mètres et datant de la période coloniale (19e et 20e siècles), détenues par la Préfecture de la Djenné.

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Mohamed El Moktar Cissé, directeur de la bibliothèque Al Aqib



LA FAMILLE ALIPH

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CONSEIL DE FONDATION

NOTRE ÉTHIQUE

COMMENT SOUTENIR ALIPH ?


CONSEIL DE FONDATION A LIP H a cinq ans !

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MEMBRES VOTANTS

Président : M. Thomas S. Kaplan

Vice-présidente : Mme Bariza Khiari

S.E. Mme Sheika Hussa Sabah Al-Salem Al-Sabah (2017-2021)

S.E. Mme Martine Schommer

M. Jean Claude Gandur

Mme Mariët Westermann

(Donateur privé)

(France)

(Luxembourg)

(Koweït)

(Donateur privé)

(Personnalité qualifiée)

MEMBRES SANS DROIT DE VOTE

M. Marc-André Renold (Suisse)

M. Ernesto Ottone Ramírez (UNESCO)


Vice-président : S.E. M. Mohamed Khalifa Al Mubarak

S.A. le prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al Saud

M. Wen Dayan

M. Mehdi Qotbi

M. Richard Kurin

Pr. Markus Hilgert

M. Jean-Luc Martinez

M. Valéry Freland

(Président du Comité scientifique)

(Personnalité qualifiée)

(Directeur exécutif)

La f amill e ALI P H

(Personnalité qualifiée)

(Maroc)

(Chine)

(Royaume d’Arabie saoudite)

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(Émirats arabes unis)


Comité scientifique 6

6

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6

6

Président : M. Jean-Luc Martinez Ambassadeur chargé de la coopération patrimoniale (France) M. Mounir Bouchenaki Conseiller spécial de la Directrice générale de l’UNESCO et de l’ICCROM (Algérie) Mme Amel Chabbi Responsable de la section conservation du département de la Culture et du Tourisme - Abou Dabi (Emirats arabes unis) M. Wang Chunfa Directeur du Musée national de Chine de Pékin (Chine) M. Laith Hussein Directeur du Conseil d’État irakien des antiquités et du patrimoine (SBAH) (Irak)

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6

M. Patrick Michel Maître d’enseignement et de recherche, Institut d’archéologie et des sciences de l’antiquité de l’université de Lausanne (Suisse) Pr. Claudio Parisi Presicce Directeur des musées archéologiques et historicoartistiques de Rome (Italie) Pr. Eleanor Robson Professeure d’histoire du Moyen-Orient ancien, University College London (Royaume-Uni) M. Samuel Sidibe Directeur général du parc national du Mali (Mali) Mme Bahija Simou Directrice des Archives royales du Maroc (Maroc)


6

6

6

S.E. Saood Al Hosani Sous-Secrétaire du département de la Culture et du Tourisme – Abou Dabi (Émirats arabes unis) Mme Irene Braam Directrice exécutive de la Bertelsmann Foundation (Amérique du Nord) Inc. (Etats-Unis) Mme Deborah Stolk Directrice de Helicon Conservation Support B.V. (Pays–Bas) M. Valéry Freland Directeur exécutif

Comité d’audit

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6

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Président : M. Jeffrey D. Plunkett, J.D. (Etats-Unis)

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M. Abderrazak Zouari Professeur des universités et ancien ministre du Développement régional (Tunisie)

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Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération

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6

Président : M. Jean Claude Gandur

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Pr. Markus Hilgert

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M. Marc-André Renold

6

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M. Valéry Freland Directeur exécutif Mme Maja Kominko Directrice scientifique et des programmes M. Andrea Balbo Chargé de projets Mme Sandra Bialystok Responsable de la communication et des partenariats M. Othman Boucetta Chargé de mission auprès du Directeur exécutif Mme Olivia de Dreuzy Chargée de mission auprès du Directeur exécutif Mme Alexandra Fiebig Chargée de projets Mme Rosalie Gonzalez Chargée de projets Mme Najet Makhloufa Responsable financier M. Laurent Oster Responsable administratif et financier M. David Sassine Chargé de projets Mme Elsa Urtizverea Chargée de projets

La f amill e ALI P H

6

Président : M. Richard Kurin Chercheur émérite et ambassadeur itinérant, Smithsonian Institution (Etats-Unis)

6

Secrétariat

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Comité des finances et du développement


NOTRE ÉTHIQUE A LIP H a cinq ans !

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Le travail d’ALIPH est guidé par les valeurs fondamentales suivantes : la protection du patrimoine la diversité culturelle et religieuse l’éducation et le renforcement des capacités l’égalité des sexes la cohésion sociale et la coexistence pacifique le développement local durable la paix et la réconciliation la solidarité internationale

Ethique et financements L’objectif d’ALIPH est de financer des projets concrets et viables sur la durée. La fondation porte naturellement une attention particulière à l’intégrité et à la transparence de la gestion des projets qu’elle finance. C’est ainsi que, avant la signature d’une convention de subvention, les bénéficiaires potentiels font l’objet d’un processus rigoureux de diligence financière raisonnable (« due diligence »). Ensuite, dans le cadre de la mise en œuvre du projet, ils doivent remplir régulièrement des rapports financiers et d’activité.



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A LIP H a cinq ans !

COMMENT SOUTENIR ALIPH


ALIPH est financée par les contributions de ses membres, Etats ou donateurs privés, ainsi que par des pays partenaires, des fondations ou des philanthropes. En général, ces contributions ne sont pas affectées à des priorités ou des projets donnés. Toutefois, ALIPH peut proposer à de potentiels donateurs un ensemble de projets correspondant à leurs besoins et à leurs missions. Pour plus d’informations ou pour organiser une réunion afin de discuter de la manière dont vous ou votre organisation pouvez soutenir ALIPH, contactez-nous sur : contact@aliph-foundation.org. Si vous êtes un particulier et que vous souhaitez faire une contribution directe à ALIPH, scannez le code ci-dessous pour remplir le formulaire de don en ligne. Si vous êtes résident de l’un des pays suivants, vous pouvez bénéficier d’une déduction fiscale : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne, Estonie, Etats-Unis, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suisse et Royaume-Uni.

POUR FAIRE un don en ligne et pour tout autre information, veuillez scanner le code QR ou vous rendre à l’adresse suivante : WWW.ALIPH-FOUNDATION.ORG

Chemin de Balexert 7-9 1219 – Chatelaine – CH +41 22 795 18 00


COLOPHON Rédacteurs : Sandra Bialystok, Valéry Freland Assistante de rédaction : Olivia de Dreuzy Conception graphique : EyeTalk Communication – www.eyetalkcomms.com Traductions : Sara Heft, Abir James-Ben Salah Photos : ALIPH remercie tous les partenaires qui ont fourni des photos de leurs projets. Les photos de cette publication ont été autorisées par leurs propriétaires pour un usage à but non commercial. Toutes réutilisation, copie ou distribution doit faire l’objet d’un consentement écrit préalable des propriétaires. Les photos suivantes ont été reproduites avec l’autorisation des photographes indépendants et des bénéficiaires d’ALIPH : Couverture

(c) Valery Sharifulin/TASS – Getty Images

Couverture intérieure © Lebanese Directorate of Antiquities and Heritage (DGA)

page 14 © Fight for Humanity

© AUIS Center for Archaeology and Cultural Heritage

© Shutterstock © Jean-Luc Martinez © Shutterstock © ALIPH – Antoine Tardy © Shutterstock © ALIPH – Thomas Raguet © Hafed Walda © Oeuvre d’Orient © ALIPH © UNESCO

page 9

A LIP H a cinq ans !

© Œuvre d’Orient

pages 16-17

(c) ALIPH – Alexandra Fiebig

page 10

page 4

page 6

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© Birgitt Pajarola, 2007

Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche © Centro Latinoamericano del Vitral © ALIPH © Mission archéologique de SaintSyméon © ALIPH - Alexandra Fiebig © EFEO Bourdonneau © Vidrio Museum © Centro Latinoamericano del Vitral © Yemeni Ministry of Culture

pages 18-19 © ISMEO © CRAterre © Sanid Organization for Cultural Heritage © ALIPH – Sandra Bialystok © ICOM


© Fondation Tapa © Archive, National Museum of Bosnia and Herzegovina - Damir Šagolj © Consultancy for Conservation and Development © Aga Khan Cultural Services 2020 © Palestinian Museum

Yémen : © GOAM, Mohanad al-Sayani

pages 20-21

pages 26-27

Afghanistan : © UNESCO Arménie : © Iconem Bangladesh : CyArk Bosnie-et-Herzégovine : © Archive, National Museum of Bosnia and Herzegovina - Dejan Kulijer Burkina Faso : © ICOM Camdodge : © EFEO [GrezProdCunin] Chili : © Centro Latinoamericano del Vitral Colombie : © Museo del Vidrio Côte d’Ivoire : © Fondation Tapa RDC : © Comité Consultatif National pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé Érythrée : © Pontificio Instituto di Archeologia Cristina Éthiopie : © French Embassy in Addis Abiba Géorgie : © International National Trusts Organisation (INTO) Indonésie : © École française d’Extrême-Orient Irak : © ISMEO Liban : © ALIPH Libye : © Mission archéologique française de Libye Mali : © Michele Cattani Mauritanie : © CC 3.0 Mozambique : © Archi Media Trust onlus Niger : © Imane-Atarikh Pakistan : © ISMEO Palestine : © Universita degli Studi della Campania Luigi Vanvitelli Pérou : © Dana-Echevarria Somalie : © Horn Heritage A propos du patrimoine syrien et nordest de la Syrie : © Valery Sharifulin/ TASS – Getty Images Soudan : © BIEA Turquie : © WMF

© ALIPH – Thomas Raguet

page 22 © ALIPH – Sandra Bialystok

page 25 © Live Love Beirut

page 29 Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche © ALIPH – Sandra Bialystok © ALIPH – Rosalie Gonzalez © ALIPH – Sandra Bialystok © Julien Chanteau © ALIPH – Sandra Bialystok © Dia Mrad © ALIPH – Sandra Bialystok © ALIPH – Sandra Bialystok © Ifpo

pages 30-31 © DGA

page 33 Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche © Live Love Beirut © Live Love Beirut © Dia Mrad © Live Love Beirut

pages 34-35 © DGA

pages 36-37 © Ifpo

pages 38-39 © Bokart Glass

Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche © Turquoise Mountain

pages 44-45

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© Palestinian Museum

C o lop ho n

pages 40-43


© Vidrio Museum © Karamoja Museum © Vidrio Museum © Vidrio Museum © Palestinian Museum © Turquoise Mountain

page 46 © Turquoise Mountain

page 48 © Sanid Organization for Cultural Heritage

pages 50-53 © ALIPH – Thomas Raguet

pages 54-55 Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche © ALIPH – Thomas Raguet © ACHCO © ALIPH – Thomas Raguet © ACHCO © ACHCO

A LIP H a cinq ans !

© Sudan Memory Team

page 75 © ALIPH - Rosalie Gonzalez

page 76 © Smithsonian

pages 78-81 © ALIPH - Rosalie Gonzalez

pages 81-87 © Fraternité en Irak

pages 89-91 © Xavier de Lauzanne

page 93 © La Guilde Européenne du Raid

page 94 © Xavier de Lauzanne

pages 95-96

© ISMEO

© La Guilde Européenne du Raid sauf page 92, en bas à gauche : © Xavier de Lauzanne

pages 60-61

page 97

© ALIPH – Azhar al-Rubaie

© Fraternité en Irak

page 62

pages 98-102

En haut et à gauche © Consultancy for Conservation and Development © ALIPH – Azhar al-Rubaie

© Fondation Tapa

page 64

pages 114-116

© Shutterstock

© WMF

pages 66-67

pages 125-130

Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche © Shutterstock © Shutterstock © Imane-Atarikh © Imane-Atarikh

© AMALIA

pages 56-59

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page 72

pages 68-71 © Fight for Humanity

pages 104-113 © ALIPH – Azhar al-Rubaie

page 132 © ALIPH

pages 136-139 © ALIPH – Thomas Raguet

page 140 © ALIPH - Azhar al-Rubaie



janvier 2022 Chemin de Balexert 7-9 1219 – Chatelaine – CH +41 22 795 18 00 www.aliph-foundation.org contact@aliph-foundation.org Suivez-nous sur :


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