2021 Rapport d'activité d'ALIPH

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Rapport d’activité 2021 Protéger le patrimoine pour construire la paix



Rapport d’activité 2021


Table des matières Introduction — 7 Avant-propos — 8

M. Thomas S. Kaplan, Président du Conseil de fondation—9 Mme Bariza Khiari, Vice-présidente du Conseil de fondation—12 S. E. Mohamed Khalifa Al Mubarak, Vice-président du Conseil de fondation—15 S.A. le Prince Badr Bin Abdullah Bin Farhan Al Saud, Représentant du royaume d’Arabie saoudite au Conseil de fondation—16 M. Jean-Luc Martinez, Président du Comité scientifique—19 M. Valéry Freland, Directeur exécutif —20

L’esprit ALIPH — 22


Répondre aux crises — 39

Etapes clés — 25 ALIPH a cinq ans — 26

ALIPH dans le monde — 30 ALIPH en chiffres — 34


Nouveaux horizons — 47 Indonésie — 50 Pakistan — 51

Mozambique — 52

ALIPH dans les médias — 55 Introduction — 56 On a rencontré les nouveaux Monuments Men — 58 Entre confinements et pillages, comment la Covid-19 pèse sur les sites du patrimoine mondial en péril — 62 Perle du Sahel, Agadez préserve son patrimoine — 68

Irak : coup de projecteur sur Taq Kasra — 74


Témoignages sur des projets clés — 81 Yémen — 84

Géorgie — 86 Soudan — 88

La famille ALIPH — 91 Conseil de fondation — 92

Quelques messages de donateurs — 94 M. Wen Dayan, Chine — 94 M. Mehdi Qotbi, Maroc — 95

Comité scientifique — 96 Comité des finances et du développement — 97 Message de M. Richard Kurin — 97

Comité d’audit — 99

Message de M. Jeffrey D. Plunkett, J.D. — 99

Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération — 100

Message de M. Jean Claude Gandur — 100

Notre éthique — 101 Secrétariat — 102

Comment soutenir ALIPH ? — 104



Introduction

Avant-propos M. Thomas S. Kaplan, Président du Conseil de fondation — 9 Mme Bariza Khiari, Vice-présidente du Conseil de fondation — 12 S. E. Mohamed Khalifa Al Mubarak, Vice-président du Conseil de fondation — 15 S. A. le Prince Badr Bin Abdullah Bin Farhan Al Saud, Représentant du royaume d’Arabie saoudite au Conseil de fondation — 16 M. Jean-Luc Martinez, Président du Comité scientifique — 19 M. Valéry Freland, Directeur exécutif — 20

L’esprit ALIPH — 22

Introduction

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Avant-propos


ÉVOLUER POUR PLUS D’IMPACT

M. Thomas S. Kaplan Président du Conseil de fondation

En mars 2021, la communauté internationale a commémoré un acte abject survenu il y a vingt ans : la destruction des bouddhas de Salsal et Shahmama, deux monuments majestueux qui trônaient dans la vallée de Bamiyan, en Afghanistan, depuis le VIe siècle. Cet événement déterminant a aussi ouvert deux décennies marquées par la dévastation du patrimoine culturel dans le Grand Moyen-Orient, le Sahel et au-delà. Au moment même où ce lugubre anniversaire nous poussait à réfléchir sur le passé, des conflits étaient sur le point de voir le jour ou de renaître de leurs cendres, soulignant le rôle central que doivent jouer des organisations multilatérales comme ALIPH. En effet, 2021 nous a rappelé que l’activité principale d’ALIPH demeurait, très tristement, un « secteur en croissance ». Réputée pour son agilité et sa réactivité, la fondation a été mise à l’épreuve à plusieurs reprises et a conçu des plans d’action d’urgence en l’espace de quelques jours (voire quelques heures) pour faire face aux dangers qui menaçaient le patrimoine culturel dans des régions telles que le Haut-Karabakh, le Tigré éthiopien ou l’Afghanistan. En venant au renfort de sites et d’artefacts pris au milieu de conflits et voués vraisemblablement à la destruction, ALIPH a élargi son expertise en matière de gestion de crise et d’intervention d’urgence. En retour, cette évolution s’est traduite par une consolidation de nos capacités opérationnelles et de notre réseau international de partenaires, et par un contact toujours plus soutenu avec les acteurs intervenant sur le terrain. Les douze derniers mois ont aussi montré que le changement climatique continue d’exercer ses effets singuliers sur notre héritage commun, alors que les inondations, la désertification et la négligence consécutive à l’exode des êtres humains mettent en péril le patrimoine matériel comme immatériel. De fait, comme le souligne un rapport aussi excellent qu’alarmant du Comité international de la Croix-Rouge, sur les 20 pays les plus menacés par les phénomènes météorologiques extrêmes, une douzaine sont en conflit. Par conséquent, l’impact combiné des conflits armés et de la crise climatique et environnementale sur le quotidien des habitants de ces régions représente un nouvel obstacle majeur pour la protection du patrimoine culturel. Cet obstacle, ALIPH s’y attaque de front en soutenant les projets qui, d’une part, misent sur les techniques traditionnelles et les matériaux locaux pour restaurer et gérer les sites critiques, et, d’autre part, renforcent la résilience des communautés.

Introduction

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Depuis sa création il y cinq ans, la fondation dresse régulièrement le bilan de ce panorama en constante évolution, et s’y adapte en conséquence. A cet égard, l’année 2021 nous a permis de consolider notre « modèle opérationnel » en nous amenant à apporter une réponse solide, fiable et rapide à ces nouveaux contextes et à ces défis émergents. Pour assurer l’avenir d’ALIPH, le Secrétariat et le Conseil ont consacré de longues heures et des ressources considérables à la préparation de la deuxième Conférence des donateurs de l’organisation, qui a eu lieu le 31 janvier 2022 au Louvre. Cette initiative couronnée de succès, que nous évoquerons de façon plus détaillée ultérieurement, est allée bien au-delà de la portée et des objectifs habituels d’une levée de fonds : ce fut une formidable occasion de sensibiliser le public au patrimoine culturel en péril, de faire connaître les activités de la fondation à la communauté internationale, et enfin d’élargir notre cercle de partenaires, d’alliés et de membres. Ce fut un tour de force. L’année 2021 s’est achevée sur un autre anniversaire important, à savoir les 5 ans de la Conférence internationale sur la protection du patrimoine en péril de 2016. Tenu à Abou Dabi à un moment particulièrement significatif, ce sommet restera dans les mémoires comme le vrai lieu de naissance d’ALIPH, et comme le magnifique résultat de l’amitié et du partenariat entre la France et les Émirats arabes unis, incarnés à merveille par mes chers collègues et viceprésidents, Mme Bariza Khiari, représentante de la France, et S. E. Mohamed Khalifa Al Mubarak, représentant des EAU. Ce qui à l’époque était une idée, une vision, est devenue une institution concrète et dynamique... En d’autres termes, une réalité puissante. En matière d’influence et de potentiel, l’institution a immensément bénéficié de l’appui unique conféré par l’engagement sans précédent du royaume d’Arabie saoudite, sous la houlette de S. A. le Prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al-Saud. En subventionnant 150 projets dans une trentaine de pays et sur quatre continents, la « start-up » est devenue une licorne. Pourtant, avec cette prouesse, ALIPH a fait plus qu’acquérir une renommée : elle a fait la différence. La différence dans la vie de ceux qui, tous les jours, font face au traumatisme de la guerre, du terrorism, et de l’injustice des souvenirs sacrifiés... La différence pour les personnes aux yeux de qui le patrimoine culturel n’est pas seulement une source de sens, mais aussi une source de revenus... La différence dans l’esprit et dans le cœur de ceux qui, partout, se penchent sur le passé pour mieux comprendre le présent, et édifier un avenir plus radieux, plus paisible et plus optimiste... La différence, enfin, pour ce que les volontés individuelles ou collectives peuvent accomplir, concrètement, efficacement, lorsqu’elles se mobilisent au service de la cause commune. En ce moment de grave crise et face à des changements constants, puisse ALIPH continuer à croître, évoluer et remplir son rôle.

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Introduction

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Mme Bariza Khiari Représentante de la France et Vice-présidente du Conseil de fondation

Quelques mois après la Conférence d’Abou Dabi sur la sauvegarde du patrimoine dans les zones en conflit de décembre 2016, lors de laquelle l’idée de cette alliance a été officiellement lancée, je me suis rendue aux Emirats arabes unis afin d’évoquer l’esprit dans lequel nous allions travailler avec S. E. Mohamed Khalifa Al Mubarak, représentant de ce pays et cofondateur d’ALIPH avec la France. Droit dans les yeux, ce dernier m’a alors interrogée : « Avez-vous vraiment confiance dans cette initiative ? » Sans l’ombre d’une hésitation, j’ai répondu : « Oui, j’ai confiance ! Des barbares ont détruit au nom d’un islam dévoyé des trésors de l’humanité. Ensemble, nous pouvons participer à leur réhabilitation. » Il m’a répondu : « Alors, comme cofondateurs, travaillons main dans la main à partir d’un socle de confiance, mais je demande une chose : que l’on évite toute bureaucratie ; c’est mortel pour les organisations ! » L’état d’esprit d’ALIPH était défini dans ses propos et nous les avons déclinés de manière opérationnelle : fonctionnement en mode start-up, processus de sélection rapide encadré par le comité scientifique, et possibilité de répondre à des urgences dans des délais extrêmement courts grâce à une gouvernance réactive et efficace. Les bases étaient posées: une vision, une philosophie, une méthode Les résultats de cette approche globale, soutenue par l’ensemble des membres de notre Conseil de fondation et de notre Comité scientifique, auxquels je tiens à rendre hommage, parlent d’eux-mêmes : après quatre années à peine d’existence effective, la fondation avait déjà soutenu

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150 projets dans 30 pays. ALIPH a ainsi fait ses preuves, tant par sa réactivité ou le choix rigoureux des projets que par sa capacité à les mener à terme. Dans les jours qui ont suivi les explosions dans le port de Beyrouth en août 2020, le président de la République française, Emmanuel Macron, s’est rendu au Liban, m’invitant à l’accompagner en tant que représentante d’ALIPH. Nous avons vu cette ville dévastée et avons rencontré des Libanais extrêmement soucieux de leur patrimoine. Le président a alors annoncé l’aide humanitaire de la France et a demandé qu’ALIPH porte son attention sur la cathédrale grecque-orthodoxe Saint-Georges en plus de l’aide à différents bâtiments de la ville. ALIPH était déjà en mouvement. La fondation avait adopté un plan d’action d’urgence de 5 millions de dollars afin de stabiliser et de restaurer le précieux patrimoine de Beyrouth. Quelques jours seulement après cette visite, Valéry Freland, directeur exécutif d’ALIPH, était à Beyrouth pour encadrer notre partenariat avec le Directeur général des antiquités du Liban, qui a été en permanence au chevet du patrimoine beyrouthin, pour définir avec des personnalités de la société civile de nouveaux projets et signer les premiers accords de soutien. Non seulement les magnifiques vitraux de la cathédrale grecque-orthodoxe Saint-Georges ont été restaurés, mais d’autres projets sont entièrement terminés, notamment la réhabilitation de l’école grecque-orthodoxe des Trois Docteurs, de l’école de Zahrat El-Ihsan, de la bibliothèque orientale de l’université Saint-Joseph, de la Bibliothèque nationale, du Musée national en partenariat


avec le Louvre, ainsi que la stabilisation de près de 40 maisons, villas et palais historiques. D’autres projets sont en cours d’achèvement. En août 2021, lors de sa visite en Irak, le président Emmanuel Macron a rendu un hommage appuyé à ALIPH pour sa contribution à la réhabilitation de nombreux monuments culturels et religieux irakiens, tels que l’arche de Ctésiphon à Taq Kasra, le patrimoine yézidi ou plusieurs mosquées et églises, comme le monastère de Mar Behnam, ainsi que le musée de Mossoul, miroir de multiples civilisations. Il faut en effet rappeler que ces lieux ont joué un rôle majeur dans la transmission des civilisations, notamment grecque et romaine, et dans la diffusion des savoirs. Nous n’oublions pas que, au regard de moments dramatiques qu’a vécus cette région, la Mésopotamie a connu des temps heureux. L’Irak a été un des berceaux de la spiritualité islamique, où fidèles et non-croyants coexistaient alors dans une atmosphère pacifique propice au foisonnement intellectuel. Les échanges pluridisciplinaires étaient vivaces en Irak, qui a vu naître à Bagdad au début du IXe siècle la première Maison de la sagesse, « Bayt al-Hikma », où convergeaient philosophes, scientifiques, artistes et savants du monde entier. Au carrefour de ces influences diverses, on pouvait débattre de tout librement, y compris de la « cité vertueuse » d’AlFârâbi, qui présentait la quête du bonheur et celle du salut comme une entreprise humaine réalisable sur Terre sans

attendre le secours du Ciel. Ces controverses étaient pour l’époque plus que disruptives. L’engagement du Conseil national irakien des antiquités et du patrimoine, ainsi que de tous les artistes, artisans et professionnels qui œuvrent en partenariat avec ALIPH à la sauvegarde et à la réinvention de cet héritage culturel auquel le monde doit tant, force le respect. Leur enthousiasme à imaginer la prochaine « renaissance culturelle » de l’Irak est communicatif. La réhabilitation du patrimoine offre aussi l’occasion de rappeler à la jeunesse de cette région qu’elle est, depuis la nuit des temps, l’héritière d’une longue chaîne civilisationnelle et qu’elle n’a pas à être enfermée dans une identité unique qui ne serait que religieuse ; elle est beaucoup plus que cela ! Le patrimoine, à travers toutes ses strates, permet à chacun de s’ouvrir à la richesse d’un héritage divers multiséculaire. C’est par la connaissance de sa propre culture et de son dépassement que l’on peut accueillir l’autre et ainsi construire la paix. Le patrimoine en est un vecteur majeur. Pour la France, dont je suis la représentante auprès d’ALIPH, la question du patrimoine est plus que jamais essentielle. Défendre partout dans le monde les œuvres de l’esprit humain, c’est défendre notre part d’universel.

Introduction

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Je suis reconnaissant aux membres, partenaires et équipes d’ALIPH qui nous permettent de poursuivre notre mission. J’ai hâte de découvrir les autres réussites qui nous attendent.

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S. E. Mohamed Khalifa Al Mubarak Président, département de la Culture et du Tourisme - Abou Dabi Représentant des Emirats arabes unis et Vice-président du Conseil de fondation

Au cours des cinq dernières années, ALIPH a avancé à grands pas dans sa mission de protection du patrimoine mondial, de préservation des biens culturels en péril et de restauration de sites d’importance culturelle. Ses équipes et ses membres ont travaillé sans relâche et sont intervenus dans des pays tels que la Syrie, l’Irak, le Liban, l’Afghanistan et dans de nombreuses zones en situation de conflit. ALIPH a investi dans des ressources lui permettant de soutenir des programmes de prévention et de protection d’urgence destinés aux biens culturels menacés, et a renforcé ses capacités en soutenant les professionnels qui œuvrent sur le terrain. Plus important encore, ALIPH a su insuffler de l’espoir et rassembler les communautés autour de la restauration de leur patrimoine, jouant ainsi un rôle important dans la reconstruction de la paix et l’effacement des cicatrices laissées par les conflits. Ces cinq dernières années ont mis en évidence le caractère plus qu’essentiel de la mission d’ALIPH : elle est nécessaire à la sauvegarde de notre précieux passé. Depuis 2018, son champ d’intervention s’est élargi, et ALIPH soutient aujourd’hui près de 150 projets dans le monde entier. Point encore plus crucial : ALIPH a étendu sa zone d’action, initialement située au Moyen-Orient et en Afrique, à l’Amérique du Sud et à l’Asie, et a approfondi son mandat en mettant en relief de nombreuses possibilités d’intervention dans des pays en sortie de crise partout dans le monde. Malgré les perturbations sans précédent occasionnées par la pandémie mondiale, qui s’est ajoutée de façon inattendue aux épreuves que l’on rencontre habituellement dans les zones de conflit, ALIPH a connu une année 2021 impressionnante puisque l’organisation a travaillé sur un grand nombre de projets. Vu sa persévérance face à un enjeu aussi extraordinaire, il est évident qu’ALIPH est dotée de toutes les qualités voulues pour poursuivre ses plans ambitieux, quoi que l’avenir lui réserve. Je suis reconnaissant aux membres, partenaires et équipes d’ALIPH qui nous permettent de poursuivre notre mission. J’ai hâte de découvrir les autres réussites qui nous attendent.

Introduction

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S.A. le Prince Badr Bin Abdullah Bin Farhan Al Saud Ministre de la Culture du royaume d’Arabie saoudite Représentant du royaume d’Arabie saoudite au Conseil de fondation

Au cours des cinq dernières années, ALIPH a aidé de nombreux pays à prospérer face à l’adversité en participant activement à la préservation du patrimoine mondial.

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Depuis que l’être humain existe, le patrimoine culturel transcende les frontières pour relier différentes civilisations. Le royaume d’Arabie saoudite recèle des antiquités qui éclairent l’évolution des cultures moyen-orientales modernes et, depuis longtemps, il insiste sur la nécessité de préserver le patrimoine mondial. Le Royaume et ALIPH sont déterminés à assurer la préservation du patrimoine culturel dans les zones en conflit. Au cours des cinq dernières années, ALIPH a aidé de nombreux pays à prospérer face à l’adversité en participant activement à la préservation du patrimoine mondial. Les projets achevés en 2021 témoignent à eux seuls du rôle indispensable que joue ALIPH pour protéger le patrimoine culturel, qu’il s’agisse d’artefacts culturels physiques ou de trésors du patrimoine immatériel qui nous aident à mieux comprendre notre passé et à façonner l’avenir. La réussite d’ALIPH illustre clairement le rôle essentiel de la culture et démontre que, grâce à la coopération entre les nations et les organisations non gouvernementales, nous sommes collectivement capables de concrétiser les objectifs de la fondation. Le rôle de catalyseur d’ALIPH fait partie intégrante du travail de préservation culturelle, qui se déroule dans un paysage intersectoriel en constante évolution. Nous sommes infiniment reconnaissants à toutes les personnes qui ont fait de cette année une belle réussite, et notamment aux experts sur site pour leur travail héroïque. Enfin, en tant que pays, nous aimerions remercier tous ceux qui ont contribué à faire de 2021 un nouveau succès... Ce n’est que le début !



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M. Jean-Luc Martinez Ambassadeur de France pour la coopération patrimoniale internationale Président du Comité scientifique

L’année 2021 a constitué un tournant pour le Comité scientifique d’ALIPH, que j’ai l’honneur de présider. Depuis la naissance d’ALIPH, les dix membres du Comité sont engagés dans le développement de l’organisation en apportant leurs précieuses compétences : compréhension fine du terrain et des enjeux humains, scientifiques, archéologiques, anthropologiques, historiques ; connaissance des acteurs de terrain ; expérience de la protection du patrimoine en zone de conflit. Le Conseil de fondation leur a accordé sa confiance en renouvelant ses membres fondateurs, et le Comité a accueilli de nouveaux membres, spécialistes de l’archéologie du Moyen-Orient, experts de la réhabilitation des monuments historiques, fins connaisseurs du paysage muséal dans les zones où ALIPH intervient. Je remercie chaleureusement chacun d’entre eux pour leur contribution à nos travaux. La qualité du réseau humain et professionnel fait la force d’ALIPH. La mission centrale du Comité scientifique est d’éclairer les décisions du Conseil de fondation afin de concilier au mieux la dimension scientifique et les grandes orientations stratégiques d’ALIPH, qui œuvre avant, pendant et après les situations de crise. Etendre le champ d’intervention d’ALIPH aux zones affectées par le changement climatique permettra certainement d’anticiper les situations de crises à venir. Le Comité scientifique a à cœur de diversifier les domaines du patrimoine sauvegardés grâce à des partenariats ambitieux et audacieux, à l’image de celui déployé avec le Musée Palestinien pour développer le département de conservation des textiles ou, en Colombie, sur le site du patrimoine mondial de Chiribiquete, ou encore dans la zone sahélienne pour favoriser la constitution

d’inventaires et des opérations de restauration dans des quartiers traditionnels. Parmi les grandes forces d’ALIPH, unanimement saluées, sont sa réactivité et son agilité. Le Comité scientifique est aux côtés de l’équipe dirigeante pour permettre des actions en urgence afin d’aider les professionnels du patrimoine lors des situations de crise de grande ampleur, en permettant de débloquer des fonds spéciaux, comme en Ukraine à partir de mars 2022. La mobilisation d’un réseau exceptionnel a aussi permis de se tenir au plus près des professionnels afghans lors de la chute de Kaboul en août 2021. Le mode d’intervention adopté pour la sauvegarde de l’arche de Ctésiphon en Irak, d’abord en urgence puis de façon structurelle, est emblématique de la philosophie d’action d’ALIPH. Le Comité scientifique accompagnera le développement d’ALIPH, rendu possible grâce au succès de la deuxième conférence des donateurs, qui s’est tenue en janvier 2022. Au-delà de la poursuite des chantiers en cours, il s’agira de développer de nouveaux champs d’action, mais aussi de renouveler les partenariats et les synergies avec les acteurs internationaux majeurs tels que l’Unesco, l’Icom, l’Icomos, et de favoriser l’apparition de nouveaux acteurs locaux dans les régions où la pratique du patrimoine est moins développée. Le Comité scientifique s’attachera d’autre part à consolider les bases de la fondation en contribuant à l’évaluation des projets achevés ou en cours d’achèvement, à nourrir la réflexion sur les modes de financement afin de garantir le meilleur usage possible des fonds confiés par les généreux donateurs d’ALIPH.

Introduction

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ALIPH, VOTRE PARTENAIRE

M. Valéry Freland Directeur exécutif

L’année 2021 a une nouvelle fois illustré l’actualité de la question de la protection du patrimoine dans les zones en conflit : cet enjeu est devant nous. En effet, au-delà de la destruction massive du patrimoine par le terrorisme ces dernières années, au Sahel et au Moyen-Orient, plusieurs conflits récents témoignent d’un patrimoine pris en otage, tantôt victime collatérale d’un conflit, tantôt cible, voire arme de guerre. Sans doute parce que, dans un monde globalisé, il demeure l’une des expressions les plus tangibles de nos identités fragilisées. Toucher au patrimoine, c’est meurtrir l’âme d’un peuple. En outre, alors que la moitié des vingt pays les plus vulnérables au changement climatique sont en guerre, le patrimoine matériel et immatériel, entre dommages, abandon et perte de savoir-faire, est bien souvent l’une des victimes de ces interactions entre bouleversements environnementaux et conflits. On assiste dans le même temps à une prise de conscience croissante de l’importance de l’enjeu patrimonial au sein des instances internationales et régionales. C’est aussi parce que, même si la recherche scientifique mériterait d’être développée en la matière, le patrimoine et les actions visant sa protection, sa réhabilitation, sont de plus en plus perçus comme un vecteur de stabilisation. Ils peuvent en effet contribuer, à travers la création d’activité et d’emplois, au développement économique et social, au développement durable – et on pense notamment à l’importance des matériaux et savoirfaire traditionnels – ou encore au dialogue interculturel et interreligieux et, ce faisant, à la construction de la paix. ALIPH est née de ces constats et, à travers ses rencontres, ses échanges, l’ampleur aussi de son action, contribue modestement à faire mieux prendre conscience aujourd’hui de la nécessité d’intégrer plus systématiquement la dimension patrimoniale dans les politiques étrangères, l’aide au développement, voire l’action humanitaire : l’explosion de Beyrouth d’août 2020 n’a-t-elle pas endommagé un patrimoine historique qui était également un habitat essentiel ? Au demeurant, le patrimoine est bien plus que des pierres : il y a derrière lui des femmes et des hommes qui en vivent, y compris spirituellement. Dans ce contexte, quel peut être l’apport d’ALIPH, la spécificité de sa contribution aux réponses apportées à ces enjeux ?

20    Rapport d’activité 2021


Depuis 2018 et l’installation de son Secrétariat à Genève, ALIPH a su démontrer son aptitude à agir concrètement, avec plus de 150 projets de terrain de protection ou de réhabilitation du patrimoine dans 30 pays. ALIPH, prouve également sa capacité à répondre rapidement aux crises qui le menacent. Nous l’avons constaté notamment à Beyrouth en 2020, où nous avons lancé juste après l’explosion un plan d’action de 5 MUSD pour protéger et réhabiliter le patrimoine endommagé de la ville, mais aussi en Ukraine, début 2022, où nous avons très rapidement financé ou fourni du matériel de protection à des dizaines de musées, bibliothèques et archives. Cette agilité, ALIPH la doit essentiellement à la réactivité de sa gouvernance et à la disponibilité de ses fonds. ALIPH, c’est aussi une expertise scientifique et technique tant en matière de protection du patrimoine que de zones en conflit, ainsi qu’un large réseau de partenaires, experts et professionnels, internationaux ou locaux (ONG, institutions culturelles...). Dans le cadre de son plan d’action contre la Covid-19 de 2020-2021, la fondation a ainsi soutenu des dizaines d’acteurs locaux dans une quarantaine de pays. Car l’objectif d’ALIPH est bien d’être au plus près des populations et communautés locales : le patrimoine ne peut être durablement préservé que si celles-ci sont à l’initiative des projets ou directement impliquées dans ces derniers. ALIPH, c’est enfin un lieu de dialogue régulier et de coopération concrète entre partenaires publics et privés, mais aussi entre acteurs issus de zones géographiques différentes : dans un environnement international en pleine mutation, c’est une dimension désormais essentielle.

Introduction

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L’esprit ALIPH

22    Rapport d’activité 2021


L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) est le principal fonds mondial exclusivement consacré à la protection et à la réhabilitation du patrimoine dans les zones en conflit ou post-conflit. Elle a été créée en réponse à la destruction massive de ce patrimoine, qui s’est intensifiée depuis vingt ans, en raison du terrorisme et des conflits au MoyenOrient et au Sahel, mais aussi du développement de conflits régionaux. ALIPH a été lancée en 2017 à Genève, sous la forme d’une fondation privée suisse, bénéficiant des privilèges et immunités d’une organisation internationale. Ce partenariat public-privé compte 14 donateurs, dont sept États membres (l’Arabie Saoudite, la Chine, la France, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Luxembourg et le Maroc), 5 fondations, Monaco et la Suisse comme pays hôte. A la fin de l’année 2021, ALIPH avait engagé plus de 45 MUSD au soutien d’environ 150 projets dans 30 pays, sur 4 continents. ALIPH a pour priorité de soutenir des projets concrets et de terrain et de travailler le plus étroitement possible avec les autorités, les communautés et les acteurs locaux. La philosophie qui nous anime aujourd’hui se résume en trois mots : action, agilité, terrain. L’organisation est ainsi gérée en mode start-up, sans que ni la qualité ni la rigueur de son action ne soient compromises. Tous les projets sont en effet soigneusement examinés, dans le cadre d’appels annuels ou tout au long de l’année pour les mesures d’urgence, par le Secrétariat, le Comité scientifique et un réseau de 200 experts internationaux, avant d’être approuvés par le Conseil de fondation.

Introduction

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Etapes clés

ALIPH a cinq ans — 26 ALIPH dans le monde — 30 ALIPH en chiffres — 34

Etapes clés

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ALIPH a cinq ans

2010

2016

2017

Début de la décennie

2-3 décembre

8 mars

Destruction massive par la guerre et le terrorisme du patrimoine de plusieurs pays du Sahel et du Moyen-Orient

2015 novembre

Publication du rapport de Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée du Louvre (2013-2021), intitulé « Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l’humanité »

26    Rapport d’activité 2021

Organisation à Abou Dabi de la Conférence internationale sur la sauvegarde du patrimoine culturel dans les zones de conflit et adoption de la Déclaration sur le patrimoine en danger dans le contexte des conflits armés

Fondation à Genève de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH)

20 mars

Organisation de la première Conférence internationale des donateurs d’ALIPH, au musée du Louvre à Paris

24 mars

Adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la Résolution 2347 sur la protection du patrimoine

11 octobre

Signature par ALIPH d’une Convention de siège avec le Conseil fédéral suisse


2018

2019

18 juin

15 janvier

Adoption par le Conseil de fondation d’ALIPH de cinq premiers projets de protection du patrimoine dans les zones en conflit, dont la réhabilitation du musée de Mossoul, du monastère de Mar Behnam (Irak) et du tombeau des Askia (Gao, Mali)

septembre

Installation du Secrétariat d’ALIPH à Genève

novembre

Premier déplacement du Secrétariat d’ALIPH à Bagdad (Irak)

Lancement du site internet et du premier appel à projets d’ALIPH

juin

Premier déplacement du Secrétariat d’ALIPH à Mossoul (Irak)

24 juin

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du premier appel, de 14 nouveaux projets, dont la réhabilitation de la maison Tutunji et de plusieurs édifices religieux à Mossoul (projet dit « Mosaïque de Mossoul »), la protection du minaret de Jam (Unesco), en Afghanistan, et la restauration du musée de Raqqa, dans le nord-est de la Syrie

11 octobre

Signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) entre l’Unesco et ALIPH, en vue de développer leur coopération

17 décembre

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du deuxième appel, de 20 nouveaux projets, dont la préservation du patrimoine écrit de la bibliothèque Khalidi à Jérusalem, la réhabilitation du musée de Dhamar au Yémen, ou encore la protection de plusieurs sites archéologiques emblématiques du Soudan

Etapes clés

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2020 février

Achèvement de la mesure d’urgence financée par ALIPH en vue de sécuriser les sculptures de la ville antique de Hatra (Irak)

mars

Premier déplacement du Secrétariat d’ALIPH au Mali pour le lancement de la réhabilitation du tombeau des Askia, à Gao, aux côtés des opérateurs, des autorités maliennes et des communautés locales

avril

Lancement d’un plan d’urgence de soutien aux opérateurs et professionnels du patrimoine pour faire face à la pandémie de la Covid-19, doté de 1 puis 2 MUSD

28    Rapport d’activité 2021

août

Lancement, quelques jours après l’explosion dans le port de Beyrouth, d’un plan d’action de 5 MUSD en faveur de la stabilisation et de la réhabilitation du patrimoine de la capitale libanaise

septembre

Déplacement à Beyrouth du Secrétariat d’ALIPH, aux côtés des équipes de l’Icom et d’Icomos

octobre

Achèvement de la mesure d’urgence financée par ALIPH en vue de protéger les collections du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire à Abidjan

22 octobre

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du troisième appel, de 29 nouveaux projets, dont la protection des collections de plusieurs musées au Yémen, la lutte contre le trafic illicite de biens culturels dans le nord-est de la Syrie ou encore la réhabilitation du musée national de Bosnie-Herzégovine de Sarajevo

10 décembre

Signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) entre l’Alliance des civilisations des Nations unies (Unaoc) et ALIPH, en vue de développer leur coopération


2022

2021 janvier

Adoption par le Conseil de fondation, à la demande du ministre de la Culture, du Tourisme et des Antiquités d’Irak, d’un projet de stabilisation d’urgence de l’arche de Ctésiphon, au sud de Bagdad

mars

Déplacement du Secrétariat en Afghanistan et lancement du projet financé par ALIPH de la réhabilitation de la citadelle de Bala Hissar, à Kaboul

23 avril

Élargissement du Comité scientifique de 6 à 10 membres, experts internationaux dans le domaine du patrimoine

31 janvier

Organisation de la deuxième Conférence des donateurs d’ALIPH au musée du Louvre à Paris

14 décembre

Adoption par le Conseil de fondation, au terme du quatrième appel, de 20 nouveaux projets, dont ceux portant sur la lutte contre le trafic illicite et le renforcement de la sécurité de plusieurs musées de la région du Sahel, le soutien aux interventions d’urgence au Yémen, ou encore le développement des collections du Musée Palestinien

Etapes clés

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ALIPH dans le monde International 6 projets 966 242 USD

Bosnie-Herzégovine 1 projet 599 511 USD

Liban 19 projets 2 536 532 USD

Libye 6 projets 1 655 820 USD

Mauritanie 1 projet 46 500 USD

Mali 5 projets 1 812 408 USD

Colombie 1 projet 136 337 USD

Côte d’Ivoire 1 projet 89 581 USD

Pérou

Burkina Faso

1 projet 266 164 USD

1 projet 125 000 USD

Chili

Niger

1 projet 70 000 USD

2 projets 220 560 USD

Légende Projets soutenus

Fonds engagés


A propos du patrimoine syrien et du nord-est de la Syrie 10 projets 1 974 857 USD

Turquie

Géorgie

Afghanistan

1 projet 400 000 USD

2 projets 362 171 USD

18 projets 10 790 656 USD

Arménie 1 projet 74 003 USD

Azerbaïdjan 2 projets 286 543 USD

Irak 35 projets 13 400 188 USD

Palestine 5 projets 2 315 269 USD

Pakistan 1 projet 431 586 USD

Yémen 14 projets 3 748 347 USD

Erythrée 1 projet 166 232 USD

Bangladesh 1 projet 229 133 USD

Cambodge 1 projet 255 178 USD

Ethiopie 4 projets 540 685 USD

Somalie 1 projet 130 041 USD

Mozambique

Indonésie 1 projet 130 096 USD

1 projet 138 500 USD

Soudan 4 projets 2 729 101 USD

République Démocratique du Congo (RDC) 1 projet 112 478 USD

Etapes clés

31


Depuis 2018, ALIPH a soutenu près de 150 projets dans 30 pays. Répartis sur quatre continents, ils ont été sélectionnés dans le cadre des appels à projets annuels, ou constituent des mesures d’urgence adoptées en réponse à une crise.


Etapes clés

33


ALIPH en chiffres Vue d’ensemble 2018-2021 Légende Projets soutenus Fonds engagés

Appels à projets

92 projets

2018-2021

Aide d’urgence

37 projets

2018-2021

Plan d’action Beyrouth

19 projets

2020-2021

TOTAL

148 projets

40 336 593 USD

3 225 594 USD

2 330 000 USD

45 892 187 USD

* Les chiffres indiqués ici ne comprennent pas les projets soutenus dans le cadre du plan d’action Covid-19.

34    Rapport d’activité 2021


Répartition des projets

Appels à projets : PROPOSITIONS 2018 1er appel à projets (2019)

50 projets

2e appel à projets (2019)

76 projets

3e appel à projets (2020)

102 projets

4e appel à projets (2021)

90 projets

TOTAL

Propositions soumises

5 projets

Projets soutenus

13 projets 20 projets 33 projets 21 projets

318 projets

92 projets

Appels à projets : FONDS VERSÉS/FONDS DEMANDÉS 2018 1er appel à projets 2019)

34 838 149 USD

2e appel à projets (2019)

34 437 635 USD

3e appel à projets (2020)

51 29 5 886 USD

4e appel à projets (2021)

46 239 219 USD

TOTAL

Fonds demandés

1 310 300 USD

166 810 889 USD

Fonds engagés

6 306 714 USD 9 435 940 USD 13 276 584 USD 10 007 055 USD 40 336 593 USD

Etapes clés

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MESURES D’URGENCE

Projets soutenus

Fonds engagés

37

3 225 594 USD

TOTAL

TOTAL 1

55 000 USD

6

321 197 USD

14

923 347 USD

16

1 926 050 USD 2018 2019 2020

Légende

Plan d’action Beyrouth

Projets soutenus

Fonds engagés

19

2,330,000 USD

TOTAL

TOTAL

2021


Plan d’action COVID-19

91

Nombre total de projets

37

Nombre total de pays

90

Nombre total d’opérateurs

6

Nombre total de grands partenaires chargés de redistribuer les subventions

1 296 171 USD FONDS ENGAGÉS

Etapes clés

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Répondre aux crises

Répondre aux crises

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Depuis deux ans, le monde a connu des crises majeures, diverses, complexes, qui ont conduit ALIPH à s’adapter, à développer sa réponse à ces heurts et bouleversements. Ce faisant, ALIPH y a trouvé une partie de sa raison d’être. Car la fondation dispose des atouts qui lui permettent de déployer promptement son expertise et son soutien financier sur le terrain : la disponibilité de ses fonds, une gouvernance efficace, un nombre croissant de relais, un état d’esprit tourné vers l’action.

40    Rapport d’activité 2021


Dès les premières semaines de la pandémie de la Covid-19, ALIPH a lancé un programme de 2 MUSD en vue de soutenir une centaine d’opérateurs du patrimoine dans une quarantaine de pays vulnérables, afin de les aider à surmonter ce défi sanitaire. ... l’explosion de Beyrouth a conduit ALIPH à mobiliser en urgence une enveloppe de 5 MUSD pour stabiliser des dizaines de maisons historiques et participer à la réhabilitation des principales institutions culturelles.

Chaque fois, cependant, il s’est agi de calibrer la réponse aux spécificités de ces crises, de faire du « sur-mesure ». Dès les premières semaines de la pandémie de la Covid-19, ALIPH a ainsi lancé un programme de 2 MUSD en vue de soutenir une centaine d’opérateurs du patrimoine dans une quarantaine de pays vulnérables, afin de les aider à surmonter ce défi sanitaire car, sans eux, sans leur attention constante, il ne peut y avoir de protection durable de cet héritage en partage. A l’été de cette même année 2020, l’explosion de Beyrouth a conduit ALIPH à mobiliser en urgence une enveloppe de 5 MUSD pour stabiliser des dizaines de maisons historiques et participer à la réhabilitation des principales institutions culturelles de la ville, et notamment le musée national et le musée Sursock. Dans ces deux cas, pour mener son action, ALIPH n’a pas rencontré de difficultés majeures, notamment de nature politique ou sécuritaire.


Il est en revanche plus compliqué d’intervenir directement et sur le terrain au cœur même d’un conflit armé, aussi bref fût-il, comme nous en avons connu ces dernières années, notamment à propos du Tigré ou du HautKarabakh, en Afghanistan ou en Ukraine. Avec ces conflits intra-étatiques ou inter-étatiques, avec la chute par les armes d’un régime, ALIPH doit nécessairement prendre en compte un principe fondateur des relations internationales et de ses statuts : la souveraineté des Etats. Comment intervenir lorsque le gouvernement même d’un pays ou les opposants à un régime légitime portent atteinte à leur propre patrimoine ? Comment concrètement protéger, stabiliser, réhabiliter un patrimoine alors que la guerre fait rage ? Car, à l’évidence, la sécurité des équipes sur le terrain est un autre principe intangible de notre action.

42    Rapport d’activité 2021


Ces crises ont montré toute la difficulté, mais aussi toute l’utilité d’une réaction rapide, souple, capable de se frayer un chemin conciliant droit et réalités de terrain. Dans le cadre de chacun des conflits des dernières années, ALIPH s’est efforcée de développer des mesures ad hoc de documentation ou de protection d’urgence, de préserver concrètement ce qui pouvait l’être ou de préparer le temps de la réhabilitation. Mais l’une des leçons à tirer de ces crises récentes, c’est la nécessité de toujours mieux s’y préparer, de développer en amont des programmes de formation, de documentation, de numérisation, de protection préventive dans les zones en tension, afin d’être mieux à même de sauvegarder durablement notre patrimoine commun.

Répondre aux crises

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Il importe également pour ALIPH de faire prévaloir sa mission même, à savoir la protection du patrimoine pour construire la paix, sur des considérations politiques ou partisanes, en définissant précisément les conditions acceptables ou non pour la poursuite de son action : le pragmatisme dans le respect de nos valeurs. C’est ainsi que la fondation a décidé en décembre 2021 de poursuivre, selon des principes et modalités bien définis, son soutien aux projets menés par des opérateurs de confiance en Afghanistan. Au-delà, la communauté internationale doit continuer de demeurer attentive au sort du patrimoine des pays en guerre et dénoncer, chaque fois que nécessaire, les dommages qui lui sont causés. Il y va de notre avenir commun. .

Répondre aux crises

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Nouveaux horizons

Indonésie — 50 Pakistan — 51 Mozambique — 52

Nouveaux horizons

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En 2021, alors que le monde ralentissait face au variant Omicron de la COVID-19, ALIPH a continué à se développer. En moins de cinq ans, ALIPH a étendu sa présence dans le monde entier, en se déployant dans 30 pays répartis sur quatre continents et en soutenant près de 150 projets. Nous avons élargi nos horizons pour sauvegarder le patrimoine culturel dans sept nouveaux pays dont l’Indonésie, le Mozambique et le Pakistan. De la conservation d’urgence à la formation de terrain, ces nouveaux projets soutiennent le développement durable et économique et nourrissent le dialogue interculturel et interreligieux dans des contextes fragiles à travers le monde.

Nouveaux horizons

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Indonésie Mosquée Wapauwe des Moluques : préservation des plus anciennes structures islamiques sur la route des épices

Opérateur : Ecole française d’Extrême-Orient

50    Rapport d’activité 2021

Les mosquées en bois de l’archipel des Moluques comptent parmi les plus anciennes structures islamiques encore conservées en Asie du Sud-Est et constituent un exemple d’architecture musulmane traditionnelle qui a presque disparu de la région. Également connues sous le nom d’« îles aux épices », les îles Moluques sont situées dans une zone de tensions ethniques et religieuses. Par conséquent, la vulnérable mosquée Wapauwe du XVe siècle sur l’île d’Ambon est menacée par des actes de vandalisme dirigés contre les structures cultuelles. Outre la conservation de la mosquée, le projet prévoit une formation de terrain pour les jeunes locaux, dispensée par des experts, pour permettre la transmission des connaissances techniques adaptées et garantir la protection du site pour l’avenir.


Pakistan Khyber Pakhtunkhwa : préservation du site archéologique de Bazira

Opérateur : ISMEO — The International Association for Mediterranean and Oriental Studies

Le site archéologique de Bazira à Barikot, dans la vallée de Swat au Pakistan, a été habité du VIIe siècle avant notre ère au XIVe siècle de notre ère. Il contient des monuments persans achéménides et kouchans, les vestiges d’un temple brahmanique shahi, un sanctuaire bouddhiste et des structures islamiques. En plus des dégâts causés par son utilisation comme base militaire pendant le conflit avec les talibans, l’acropole de Bazira a également été la cible de fouilles illégales. Actuellement, le site est menacé par des projets d’infrastructure à grande échelle, dont l’autoroute de Swat, qui devait provisoirement traverser le site archéologique. Le projet vise à assurer la conservation, les fouilles et l’aménagement paysager du site, en développant un parc archéologique. Tous les travaux se feront en collaboration avec la population locale, les autorités et les étudiants universitaires.

Nouveaux horizons

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Mozambique

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Ile d’Ibo : sauvegarde du patrimoine architectural, menacé par le terrorisme Opérateur : Archi.Media Trust Onlus

La zone historique de Vila do Ibo comprend de nombreux monuments qui allient des influences architecturales swahilies, portugaises, indiennes et arabes. En plus des facteurs environnementaux qui menacent le site, Vila do Ibo est victime d’attaques terroristes depuis 2017. Le projet se concentre sur la mise en œuvre des mesures de conservation d’urgence pour les bâtiments historiques les plus endommagés et de la documentation de la zone au moyen de contrôles par drone et de sondages sur le terrain. Cela permettra d’élaborer un plan complet de réhabilitation et de conservation de la zone historique. Toutes les activités comprennent une formation de terrain pour les professionnels locaux.

Nouveaux horizons

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ALIPH dans les médias

Introduction — 56 On a rencontré les nouveaux Monuments Men — 58 Entre confinements et pillages, comment la Covid-19 pèse sur les sites du patrimoine mondial en péril — 62 Perle du Sahel, Agadez préserve son patrimoine — 68 Irak : coup de projecteur sur Taq Kasra — 74

ALIPH dans les médias

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Sandra Bialystok,

Responsable communication et partenariats

Mars 2021 a marqué un sombre anniversaire : vingt ans se sont écoulés depuis le ciblage et la destruction complète des Bouddhas de Bamiyan. Cette date nous a rappelé brutalement toute l’importance de la mission d’ALIPH. Parallèlement, elle a renforcé notre détermination à célébrer les succès rencontrés aux côtés de nos partenaires dans la protection du patrimoine culturel. Et la presse internationale l’a bien remarqué. Cette année, les médias du monde entier ont régulièrement repris nos communiqués de presse. Dans 50 pays, environ 800 articles papier et numériques se sont faits l’écho des nouveaux partenariats d’ALIPH, ont évoqué nos projets d’aide d’urgence (comme la stabilisation de l’arche de Ctésiphon) et ont souligné la progression de nos projets phares (comme la réhabilitation du musée de Mossoul). La presse audiovisuelle a elle aussi relayé les causes chères à ALIPH. Le documentaire Au nom du patrimoine (In the Name of Heritage), du journaliste-réalisateur Thomas Raguet et d’Au Tableau Productions, a été diffusé pour la première fois en France sur la chaîne de télévision Public Sénat en mars 2021, puis sur LN24 (Belgique), RTVE (Espagne), RTS (Suisse), Al Asharq (Émirats arabes unis) et OR media (une chaîne internationale en farsi). Ce film d’une heure rappelle que la destruction des Bouddhas il y a vingt ans a signé le début d’une vague d’attaques ciblées visant le patrimoine culturel, pour l’essentiel au Moyen-Orient et dans la région du Sahel. Toujours en France, l’émission Internationales de TV5 Monde a consacré cinquantedeux minutes d’antenne à une interview approfondie de Valéry Freland, le Directeur exécutif d’ALIPH. M. Freland a évoqué avec les journalistes Dominique Laresche (TV5 Monde) et Hélène Sallon (Le Monde) le fait que le patrimoine culturel était devenu un enjeu de guerre, et les raisons pour lesquelles sa protection pouvait constituer un

56    Rapport d’activité 2021


vecteur de paix. Il a réitéré ce message, cette fois à la télévision publique suisse (SRF), lors d’une interview donnée dans le cadre de l’émission Sternstunde Kunst. En mars, la Vice-présidente d’ALIPH, Bariza Khiari, a participé à un débat d’experts diffusé sur Public Sénat pour parler du travail d’ALIPH et du besoin constant de protéger le patrimoine culturel menacé par des conflits nouveaux ou persistants. Quant à la fondation, sa propre série intitulée Protéger le patrimoine pour construire la paix s’est enrichie de nouvelles vidéos qui présentent certains des projets soutenus par ALIPH et mettent en scène les femmes et les hommes qui les dirigent. Le public peut y découvrir la restauration de la maison historique Tutunji (une demeure de l’ère ottomane située à Mossoul), la réhabilitation du musée de Raqqa, dans le nord-est de la Syrie, ou encore rencontrer Maria Luisa Russo, une partenaire d’ALIPH qui a dirigé un projet consacré à la protection des manuscrits de Tombouctou, au Mali. Dans cette série figure également une vidéo qui fait le point sur la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, et que le musée du Louvre à Paris a diffusée de mai 2021 à février 2022 dans le cadre d’une exposition sur le même thème. ALIPH n’aurait pu obtenir une telle couverture médiatique sans le soutien des équipes médias de nos organisations partenaires (comme le musée du Louvre, la Smithsonian Institution ou le World Monuments Fund), sans la participation de nos collègues des ministères irakien et libanais de la Culture, et, en particulier, sans la ténacité de tous ces journalistes déterminés à donner à la protection du patrimoine culturel une place centrale dans la tête et dans le cœur du public et des lecteurs.

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On a rencontré les nouveaux Monuments Men

Publié le 4 novembre 2021 — Violaine de Montclos © Le Point


L’ALIPH œuvre dans l’ombre, et avec une efficacité exemplaire, pour la sauvegarde du patrimoine dans les zones de conflit.

Sur les 4 500 pièces qui témoignent de l’histoire culturelle complexe de la région, il n’en reste plus que 1 300, dont certaines si abîmées qu’elles ne seront, sans doute, plus jamais exposables.

C’est une élégante bâtisse ottomane, en plein cœur de Raqqa, qui fut autrefois un sérail avant d’abriter la collection unique de mosaïques, de céramiques et de bas-reliefs du musée d’Archéologie. Du temps de l’occupation djihadiste, Daech en avait fait son quartier général, postant ses snipers sur le toit, taguant et détruisant à coups de marteau sculptures et mosaïques, pillant des collections dont l’essentiel a sans doute été revendu et dispersé bien au-delà des frontières syriennes : sur les 4 500 pièces qui témoignent de l’histoire culturelle complexe de la région, il n’en reste plus que 1 300, dont certaines si abîmées qu’elles ne seront, sans doute, plus jamais exposables. Témoin du martyre de cette ville que les bombardements ont détruite à 80 %, ce bâtiment saccagé, dont les façades étaient criblées d’impacts de balles, est aujourd’hui, trois ans après la libération de Raqqa, entièrement restauré. Menée par l’association locale Roya, cette reconstruction éclair a coûté 85 000 dollars et a été entièrement financée, rubis sur l’ongle, par une microfondation peu connue et ultraréactive : l’ALIPH, ou Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit.

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Cette reconstruction éclair a coûté 85 000 dollars et a été entièrement financée, rubis sur l’ongle, par une microfondation peu connue et ultraréactive : l’Aliph, ou Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit.

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Créée en 2017 par la France, sur proposition de l’ancien président du Louvre Jean-Luc Martinez et sur l’impulsion de Jack Lang, l’Aliph est un véritable ovni dans le monde du sauvetage de patrimoine. Siégeant à Genève, dirigée par le diplomate Valéry Freland, cette sorte d’Unesco miniature fonctionne comme une start-up et ne compte que 11 salariés, des polyglottes capables de se déplacer dans les zones à risque et surtout de subventionner, quasi au pied levé, des demandes urgentes de sauvegarde, de réhabilitation de sites détruits, ou de protection de monuments ou collections muséales en amont d’un conflit… Un objectif qui rappelle un peu celui que s’étaient fixé les « Monuments Men », ce


groupe que Roosevelt avait chargé pendant la Seconde Guerre mondiale de protéger le patrimoine européen en péril. Depuis sa création en 2018, 110 projets, du Yémen à la Géorgie, en passant, évidemment, par la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan, ont déjà été financés à hauteur de 45 millions de dollars. Tous ont été validés par le comité des donateurs – qui se réunit deux fois par an –, mais l’équipe dirigée par Freland peut également, en cas d’urgence et au-dessous d’un plafond de 5 millions de dollars, se passer de leur aval pour intervenir.

« C’est ce que nous avons fait, par exemple, au Liban, en engageant 2,5 smillions de dollars tout de suite après l’explosion du port, ce qui a permis, entre autres, de stabiliser et de mettre hors d’eau quarante demeures historiques et plusieurs musées, bibliothèques et édifices religieux en danger, se félicite Freland. L’idée est de faire vite. Notre conviction, c’est que si la préservation des vies humaines est évidemment une priorité, un peuple affligé par la guerre, le terrorisme ou l’instabilité politique doit aussi être aidé, sans attendre, à s’amarrer à son passé et à son patrimoine, à en tirer fierté et à parier, surtout, sur l’avenir. »

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Publié le 8 janvier 2021 — Nancy Kenney © The Art Newspaper No. 330

Entre confinements et pillages, comment la Covid-19 pèse sur les sites du patrimoine mondial en péril * Traduit de l’anglais. Titre original « Toll of virus on world’s threatened heritage sites. »

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Des sites d’importance inestimable, dont bon nombre se trouvent dans des régions déjà ravagées par des conflits, sont aujourd’hui en proie à des problèmes de sécurité accentués par des pénuries de fonds.

Confinements, travailleurs bloqués, effondrement des revenus touristiques, risques de pillage : face à la pandémie de coronavirus, les gardiens des sites du patrimoine culturel mondial ont connu d’éprouvantes difficultés au cours de l’année écoulée. En ce début d’année, tous ces sites ont encore bien du mal à surmonter ces écueils. Certaines organisations internationales ont rédigé des plans d’action pour aider les gestionnaires de sites patrimoniaux à surmonter les conséquences de la pandémie de la Covid-19. Par exemple, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) a alloué 2 MUSD, sous forme de subventions d’urgence, à plus de 100 opérateurs en difficulté de 34 pays. Parmi les bénéficiaires, on peut citer des intendants tels que la Mission culturelle de Djenné, au Mali, qui, face à l’arrivée imminente de précipitations abondantes, avait besoin d’une aide urgente afin de prévenir une érosion sur le site archéologique de Djenné Djeno. Quand la pandémie a frappé au printemps 2020, tous les travaux ont cessé sur ce site datant de l’an 250 avant notre ère et qui témoigne de la complexité de la société préislamique. Une subvention de 11 114 USD a permis de payer les ouvriers chargés de renforcer les cordons pierreux et de construire de nouveaux barrages, ainsi que d’assurer la protection sanitaire de ces travailleurs contre la Covid-19. A Sana’a, au Yémen, ALIPH a octroyé une subvention de 14 950 USD pour la fourniture d’équipement de protection et d’autres mesures d’aide, afin que les 65 employés de la Yemeni Manuscripts House puissent poursuivre leur travail de préservation de documents datant de plusieurs siècles. Bon nombre des autres subventions accordées par ALIPH ont financé des mises à niveau numériques. Ainsi, les 15 000 USD versés au Département des antiquités de Libye ont permis au personnel de télétravailler et d’assurer des formations en ligne en pleine pandémie. Les 10 000 USD décernés au Musée Palestinien de Birzeit, en Cisjordanie, ont permis de moderniser son site Web et de lancer un portail d’e-commerce pour mieux mettre en valeur les ouvrages des artisans locaux. De concert avec le musée du Louvre et la Smithsonian Institution, ALIPH a aussi contribué à l’organisation de formations numériques destinées au personnel participant à la réhabilitation du musée de Mossoul. Situé en Irak et assiégé à de nombreuses reprises, ce dernier a rouvert ses portes fin novembre. Parallèlement, le World Monuments Fund (WMF) a instauré un fonds de soutien de 160 000 USD pour couvrir les salaires des employés que la pandémie a forcés à abandonner leur travail sur de nombreux sites, selon Bénédicte de Montlaur, présidente et directrice générale du WMF. Parmi eux figuraient 41 Kurdes déplacés à la citadelle d’Erbil, en Irak, où le travail a été suspendu du 11 mars au 2 mai 2020 en raison de la pandémie.

ALIPH dans les médias

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Des techniciens bloqués sur site De même, on a débloqué des fonds pour épauler 62 techniciens bloqués au Collège universitaire d’Osmania pour les femmes (Hyderabad, Inde). Des charpentiers du Kerala, des maçons du Bihar et des peintres de l’Uttar Pradesh se sont en effet retrouvés bloqués sur ce site délabré entre mars et juin 2020 à la suite des restrictions de voyage imposées entre les différents États indiens à cause de la pandémie, selon le WMF. Les travaux ont aujourd’hui repris dans cet édifice construit au début du XIXe siècle, initialement pour servir de résidence officielle à un ressortissant britannique. Les travaux de restauration menés par le WMF dans le complexe sophistiqué du jardin de Qianlong, niché dans la Cité interdite de Pékin, ont cessé en janvier et n’ont pas repris avant mai. Dans la mesure du possible, l’organisation a réaffecté son personnel à des activités en ligne : « Autant que possible, nous avons fait du travail de bureau, comme les dessins du site et l’étude des matériaux » pendant ce hiatus, précise Mme de Montlaur. « Quand les formations s’y prêtaient, nous les avons aussi dispensées en ligne plutôt qu’en présentiel. » Elle ajoute que la pandémie a aussi freiné certaines des mesures envisagées pour lancer au plus vite les travaux de réhabilitation et de préservation à Beyrouth après que l’explosion portuaire y eut fait des ravages en août 2020. « Parfois, le patrimoine culturel est une urgence, dit-elle, mais après la survenue de la pandémie, il a été difficile de s’organiser. » Comme tous les pays n’ont pas réagi à la pandémie de la même façon (certaines approches étant remarquablement différentes), les organisations ont dû revoir leurs méthodes, note Luis Monreal, le directeur général de l’Aga Khan Trust for Culture (AKTC), dont le siège est en Suisse. « Les stratégies étaient très inégales, remarque-t-il. Dans certains pays, comme le Pakistan, le gouvernement n’a décrété aucune mesure de confinement. Par contre, nous avons pris un retard de six mois à Kaboul », en Afghanistan, où l’AKTC procédait à la réhabilitation d’édifices historiques et d’espaces publics depuis 2003. Dans le même temps, des travaux de conservation se poursuivaient à Alep, en Syrie, où l’AKTC est parvenu à achever la réhabilitation du souk médiéval central de la vieille ville, qui avait été endommagé pendant le conflit syrien. L’AKTC s’apprête aujourd’hui à lancer la rénovation d’un minaret en cours d’affaissement, qui date du XVe siècle et qui se trouve sur le plateau du Mussella, dans la ville afghane de Herat. La pandémie a eu de profondes répercussions pour les 1 121 sites de la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Mechtild Rössler, la directrice de son Comité du patrimoine mondial, estime que, début avril 2020, 71 % de ces sites étaient fermés et que seuls 18 % étaient partiellement ouverts. En novembre, les chiffres témoignaient d’une amélioration, puisque seuls 26 % des sites demeuraient fermés et 30 % étaient partiellement ouverts.

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Évaporation du tourisme Les confinements ont amené à suspendre plusieurs projets, comme l’initiative visant à élaborer un plan de gestion des ensembles d’art rupestre de Chongoni, au Malawi, ainsi que les travaux de conservation prévus dans l’ancienne ville industrielle de New Lanark, en Ecosse. Les confinements et la disparition des touristes ont eu des conséquences désastreuses pour les économies locales ainsi que pour les budgets d’entretien des sites, ajoute Mme Rössler. « De nombreux sites sont constamment aux prises avec des problèmes de financement et, aujourd’hui, cette situation s’est encore aggravée puisqu’ils ne bénéficient plus de leurs revenus habituels provenant de sources nationales, de projets et d’activités touristiques, comme les frais d’entrée et les services aux visiteurs », déclare-t-elle. Le Conseil international des monuments et des sites (Icomos), un réseau d’experts en conservation patrimoniale, signale que la forte baisse de revenus touristiques rend par exemple impossible le financement de l’entretien et de la gestion du site archéologique d’Ingapirca, un site du patrimoine mondial qui abrite les plus grandes ruines incas en Équateur. Au Nigeria, la pandémie a amené à suspendre l’entretien et la sécurité sur le site des anciennes murailles en terre de Kano, avec à la clé une érosion beaucoup plus rapide, indique l’Icomos. Susan Macdonald, responsable des édifices et sites pour le Getty Conservation Institute (GCI), mentionne des contretemps sur le site de la ville de Penang (Malaisie), où l’effondrement du tourisme international compromet les initiatives de conservation urbaine. Maja Kominko, Directrice scientifique et des programmes d’ALIPH, ajoute que la réduction anticipée des fonds culturels alloués par les gouvernements et les philanthropes est, elle aussi, extrêmement inquiétante. « L’analyse réalisée montre une tendance à réaffecter ces fonds à des causes liées à la santé et à l’environnement, indique-t-elle. Par conséquent, les financements qui existent aujourd’hui sont encore plus sollicités. [Les subventions d’urgence octroyées par ALIPH] nous ont prouvé que même 10 000 USD peuvent faire une très grande différence, mais nous devons être particulièrement à l’écoute. Toutes les organisations étaient déjà surchargées et, aujourd’hui, c’est encore plus compliqué. » Dans le même temps, sur les sites culturels insuffisamment pourvus en personnel, le risque de pillage est une réalité omniprésente. Mme Macdonald souligne que, à cet égard, la situation est préoccupante pour le site de conservation que le GCI gère à Bagan, au Myanmar, où les partenaires associés au projet doivent surveiller plus de 3 600 temples bouddhistes pour empêcher les pilleurs d’y sévir. « A Bagan, le pillage des temples consiste à creuser dans la structure en brique pour y chercher les précieuses offrandes déposées lors de l’édification et des réparations subséquentes, précise-t-elle. La population est privée de ses sources de revenus habituelles ; or les pilleurs tirent parti des périodes de crise. » L’Unesco a récemment eu recours à des drones pour surveiller des sites naturels comme le sanctuaire des oiseaux migrateurs du parc national du Djoudj, au Sénégal, après avoir dispensé aux rangers une formation concernant le traitement des données écologiques ainsi recueillies. Cette technologie peut être une piste à explorer pour les sites exposés aux pillages.

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Essor du commerce illicite Le projet Athar (Antiquities Trafficking and Heritage Anthropology Research), qui est géré par des anthropologues et des experts du suivi des artefacts volés à des fins de revente illégale, signale que le commerce en ligne illicite d’objets volés a enregistré un pic dès le début de la pandémie, notamment en mars et en avril 2020. Katie Paul, la codirectrice du projet, suppose que les autorités qui assurent la surveillance des sites patrimoniaux ont été prises de court par le besoin de faire appliquer les restrictions dues à la pandémie, et que ces autorités ont aussi pâti des pertes d’emploi consécutives à la crise économique provoquée par le nombre massif des fermetures de sites et l’arrêt du tourisme. Mme Paul indique qu’en Égypte les pilleurs mettaient en ligne des vidéos montrant leur progression. « Cette activité est incroyablement dangereuse, car un effondrement [des sites] peut survenir rapidement, comment on a pu le voir en mars, au tout début de la pandémie, sur une vidéo postée [sur Facebook] par un utilisateur en Jordanie », rappelle-t-elle. Pourtant, dans de rares cas, la pandémie a eu des répercussions positives. Mme Rössler note que la forte baisse du tourisme a permis aux techniciens du temple d’Angkor Vat, au Cambodge, d’effectuer leur travail de conservation plus vite que prévu en l’absence des foules habituelles. Rien n’indiquant une reprise imminente du tourisme international, de nombreuses organisations ont entrepris de revoir leurs modèles opérationnels afin de protéger les sites patrimoniaux à l’avenir. Elles reconnaissent aujourd’hui que le « surtourisme » provoquait une affluence trop importante sur de nombreux sites, menaçant ainsi la stabilité à long terme de leurs trésors culturels. Elles estiment qu’il est sage de limiter les déplacements de leurs propres employés et de confier plus de missions à des partenaires locaux. Elles sont en cela encouragées par les conférences et les séances de formation sur Zoom, qui ont renforcé les liens entre des techniciens de la conservation aux quatre coins du monde – une tendance qui va très certainement se poursuivre. En vue de minimiser les dégâts du tourisme au retour des visiteurs, l’Unesco a mis en place un groupe de travail axé sur la culture, le tourisme et la Covid-19 en collaboration avec l’Icomos, l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), et l’Iccrom (Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels). Mme Rössler évoque l’exemple du Machu Picchu, au Pérou, qui a rouvert en novembre après huit mois de fermeture dus à la pandémie (il a de nouveau fermé brièvement du 14 au 19 décembre en raison de risques sécuritaires liés à des manifestations locales). Un maximum de 675 touristes est autorisé à visiter le temple chaque jour, ce qui représente 30 % du nombre de visiteurs admis avant la pandémie – un vrai bienfait pour l’ancien site inca. Les autorités péruviennes ont organisé en novembre un rituel traditionnel inca pour remercier les dieux. Mme Rössler pense, « avec un optimisme prudent », qu’il est possible d’« adopter de nouveaux modèles ».

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Publié le 8 mars 2022 — Bernadette Arnaud © Sciences et Avenir

Perle du Sahel, Agadez préserve son patrimoine


« Enfant, lorsqu’il m’amenait voir des peintures rupestres et des empreintes de dinosaures pendant qu’il gardait ses troupeaux, mon oncle, un pasteur touareg, me parlait de la beauté de la vieille ville d’Agadez… Aujourd’hui, je peux la survoler à l’aide d’un drone pour la conserver en 3D ! » Mohamed Alhassane

Depuis 2020, un projet de conservation de la vieille ville d’Agadez au Niger a débuté sous les auspices de la société Iconem et de la fondation Aliph.

Classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2013, la cité de 300 000 habitants, ancien carrefour caravanier reliant l’Afrique du Nord à l’Afrique subsaharienne, a longtemps été un lieu majeur d’échanges culturels transsahariens.

Paris lors d’un récent séjour, Mohamed Alhassane a confié à Sciences et Avenir l’envergure du projet développé avec l’aide de la société française Iconem, start-up connue pour ses contributions à la conservation des sites du patrimoine mondial en danger avec la réalisation de leurs doubles numériques en 3D. Un programme lancé à l’initiative de Mohamed Alhassane après le choc visuel de la spectaculaire exposition immersive réalisée par la jeune entreprise parisienne sur les « Cités millénaires » dévastées par la guerre, présentée à l’Institut du monde arabe (IMA) en 2018-2019. « Après avoir vu ces images de lieux ravagés par les destructions, d’abord captés par drone puis reconstitués en 3D, et la façon dont cela touchait les gens, j’ai su ce qu’il fallait faire pour sauver Agadez, au Niger », raconte-t-il. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2013, la cité de 300 000 habitants, ancien carrefour caravanier reliant l’Afrique du Nord à l’Afrique subsaharienne, a longtemps été un lieu majeur d’échanges culturels transsahariens.

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Le relevé complet du cœur de la cité sahélienne a pu débuter en 2020. Et ce avec le soutien financier de la fondation Aliph.

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Un patrimoine fragilisé par le changement climatique A travers l’association Imane-Atarikh qu’il a créée – « Vie et Patrimoine » en tamasheq, une langue touarègue –, le relevé complet du cœur de la cité sahélienne a ainsi pu débuter en 2020. Et ce avec le soutien financier de la fondation Aliph, dont le but est de protéger le patrimoine culturel dans les zones de conflits et post-conflits. Le patrimoine nigérien possède en effet de nombreux sites patrimoniaux et trésors d’architecture, mais ils sont aujourd’hui menacés par la situation que connaît le Sahel. De la fréquence des crues amplifiées par le changement climatique à l’instabilité sécuritaire de la région, ce patrimoine fragilisé se dégrade.


« La vieille ville d’Agadez est particulièrement vulnérable face à ces menaces et nous sommes avec ce projet au croisement des deux problématiques auxquelles nous sommes sensibles, celle d’une ville atteinte par le changement climatique, qui plus est située dans une zone qui n’est pas toujours exempte de conflits », explique Valéry Freland, directeur exécutif de la fondation Aliph, précisant : « Le fait que ce projet soit aux mains d’acteurs locaux de la société civile a également été une priorité pour l’apport de notre aide. » Le cœur historique d’Agadez est aujourd’hui habité par environ 20 000 personnes dont les revenus se sont vus largement amputés depuis la disparition des touristes autrefois très présents.

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Numériser une ancienne cité caravanière « Deux campagnes de relevés photogrammétriques ont déjà permis l’enregistrement tridimensionnel de plusieurs bâtiments prestigieux de l’ancienne cité caravanière », explique Yves Ubelmann, l’emblématique fondateur d’Iconem. Dans le centre historique remontant au XVe siècle, la célèbre Grande Mosquée et son minaret en adobe de 27 mètres, – le plus haut construit en terre crue de toute l’Afrique de l’Ouest –, ainsi que 15 bâtiments et maisons classées ont déjà été numérisés. On y trouve des habitations d’artisans forgerons, d’orfèvres, de boulangers ou bien encore de cordonniers. Façonnés en banco (banko), un matériau de construction traditionnel de l’Afrique subsaharienne fait de terre argileuse et de paille hachée, tous ces édifices aux identités bien marquées témoignent d’une tradition architecturale exceptionnelle. Ainsi, sur le terrain, un œil sur le drone et ses caméras aéroportées, l’autre sur un écran, Marjorie Coulon, ingénieure chez Iconem, a enregistré l’ensemble de ces bâtiments pour pouvoir les restituer virtuellement, le tout au milieu des cris d’enfants et de la présence des familles intriguées par la scène. « En novembre 2021, je me suis rendue à Agadez depuis Niamey pour débuter la seconde campagne de relevés de la ville, explique la jeune femme. L’objet de ce projet est d’établir une documentation architecturale des monuments de la vieille ville d’Agadez afin d’engager la restauration de leurs structures. »

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Ce programme a également permis de créer des emplois et a conduit à de premières restaurations de maisons traditionnelles. « En termes de préservation du patrimoine culturel, ce qui se passe à Agadez est aussi unique pour la conservation des savoir-faire, tels que le crépissage, etc. », ajoute Mohamed Alhassane. Occupés par des familles haoussas autant que touarègues, la restauration de ces bâtiments a été entièrement prise en charge par des financements de la fondation suisse Aliph à hauteur de 220 000 dollars. Une exposition de la cité numérisée pourrait aussi voir prochainement le jour à Agadez et à Niamey, la capitale de ce pays multiethnique de 20 millions d’habitants. Un rêve que Mohamed Alhassane voudrait pouvoir offrir à son pays. En attendant de peut-être pouvoir aller aussi sauver, grâce aux drones et à la 3D, les impressionnantes ruines de Djado, une cité fortifiée du nordest du Niger difficile d’accès. Autrefois ville prospère, celle-ci est aujourd’hui abandonnée, rongée par l’avancée inexorable du désert. En France, à partir du 26 mars 2022, un dispositif immersif au cœur du parc architectural de la Saline d’Arc-et-Senans présentera le projet Agadez et certains des plus beaux sites Unesco du patrimoine mondial. Un voyage en 3D à travers cinq continents et plusieurs millénaires d’histoire. Les visiteurs seront transportés au cœur des sites en danger ou détruits par des conflits armés grâce à des reconstructions numériques. Un secteur qui malheureusement ne connaît pas la crise…

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Irak : coup de projecteur sur Taq Kasra 74    Rapport d’activité 2021


« Nous sauverons l’arche de Ctésiphon », promet l’Irak. Coup d’envoi des travaux de restauration de la plus grande voûte en brique du monde Publié le 25 novembre 2021 — Arturo Cocchi © La Repubblica L’arche a été érigée en 540 avant notre ère dans l’ancienne capitale de l’Empire sassanide, comme pour rivaliser avec sa contemporaine SainteSophie, située dans l’ancienne Constantinople, avec qui les Sassanides étaient en guerre. Depuis vingt ans, cette structure menace de s’écrouler. Après une première restauration infructueuse qui a peut-être aggravé la situation, la sauvegarde du monument est aujourd’hui confiée à une équipe internationale, dotée de fonds alloués par l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH).

* Traduit de l’italien. Titre original : « Iraq promette: “Salveremo l’arco di Ctesifonte”. Via ai restauri per la volta in mattoni più grande del mondo ».

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Arche de Ctésiphon : en Irak, le temps presse pour la préservation de l’ancienne arche vieille de 1 700 ans Publié le 14 février 2021 — Melissa Gronlund © The National

* Traduit de l’anglais. Titre original : « Arch of Ctesiphon: Clock is ticking to preserve 1,700-year-old ancient arch in Iraq ».

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Brique par brique, l’arche de Ctésiphon, ou Taq Kasra, s’effrite... Heureusement pour ce monument en difficulté, il existait déjà un plan pour l’empêcher de s’écrouler. Un soir d’octobre, l’agence suisse ALIPH, qui octroie des fonds d’urgence aux sites patrimoniaux en péril, a reçu un appel du ministère irakien de la Culture au sujet de la situation de l’arche. Dès le lendemain, ALIPH avait formé un groupe pour s’attaquer au problème, et annoncé pouvoir contribuer aux mesures de stabilisation à hauteur de 700 000 USD. « En ce moment même, c’est l’équivalent de la salle de triage aux urgences », explique Michael Danti, le chef de projet pour l’équipe de restauration, fruit de la collaboration entre deux programmes de l’université de Pennsylvanie et le Conseil national des antiquités et du patrimoine de l’Irak. « Nous nous efforçons de comprendre ce qui se passe, et de poser les échafaudages afin d’offrir un accès sécurisé et d’étayer la structure pour empêcher tout écroulement catastrophique. » Le département Consultancy for Conservation and Development de l’université a envoyé deux architectes sur le site de Ctésiphon. Un expert d’Iconem, l’agence parisienne qui documente les sites patrimoniaux en péril, a également cartographié la structure. Les données ainsi recueillies deviendront des visualisations en 3D sur lesquelles les chercheurs pourront travailler directement depuis leur laboratoire. M. Danti, qui dirige le programme de l’université de Pennsylvanie consacré à la stabilisation du patrimoine irakien, explique que la toute première tâche consiste à concevoir des échafaudages suffisamment flexibles pour s’adapter au jeu des murs, dont les dimensions fluctuent sous l’effet des variations de température. Une fois les échafaudages posés, l’évaluation à long terme peut commencer. Il s’agit principalement de comprendre comment les matériaux de l’arche réagissent aux changements de climat. Des initiatives telles qu’ALIPH, qui a été lancée à Abou Dabi en 2016, permettent d’apporter des solutions immédiates face aux risques qui menacent les sites patrimoniaux. Les ressources étant disponibles immédiatement, l’organisation n’a pas besoin de lancer des levées de fonds avant de répondre aux S.O.S. tels que celui lancé par l’Irak. « Dans le secteur du patrimoine culturel, on aime parler d’“agilité”, souligne M. Danti. En voici le parfait exemple. »

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L’arche de Ctésiphon en Irak sera sauvée Imprimé le 11 février 2021 — © L’Orient-Le Jour

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« Le patrimoine exceptionnel de l’Irak, touché par les conflits et le terrorisme, est une priorité pour Aliph », a déclaré Valéry Freland, directeur exécutif de la fondation l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), basée en Suisse. Elément d’un complexe palatial sassanide, elle mesure 37 mètres de haut et 26 mètres de large, « ce qui en fait un monument unique, d’une grande importance historique et culturelle », souligne ALIPH, relevant qu’en raison de son caractère exceptionnel Taq Kasra pose des défis de conservation très importants. Plusieurs effondrements partiels de la voûte de briques en 2019 et 2020 ont montré l’urgence d’une stabilisation. [...] « Notre objectif est de protéger ce patrimoine d’importance mondiale avec l’aide des amis de l’Irak. Nous sommes reconnaissants à ALIPH pour sa réponse rapide », a déclaré le Dr Laith Hussein, directeur du Conseil national irakien des antiquités et du patrimoine (Sbah). […] Ce projet est le 28e projet d’Aliph en Irak depuis 2018, ce qui porte l’engagement de la fondation dans ce pays à plus de 9,2 millions de dollars.



Témoignages sur des projets clés

Yémen — 84 Géorgie — 86 Soudan — 88

Témoignages sur des projets clés

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82    Rapport d’activité 2021


Pour l’équipe d’ALIPH, communiquer régulièrement avec ses partenaires est essentiel. En effet, le travail dans des pays en conflit, ou dans des zones en sortie de crise, s’accompagne de défis bien particuliers, et il est extrêmement important que notre équipe de Genève suive le développement de chaque projet, mais aussi qu’elle se tienne bien informée de l’actualité sur le terrain afin de pouvoir réagir rapidement si nécessaire. Dans les cas extrêmes, ces échanges constants peuvent nous amener à suspendre une mission ou à modifier son échéancier mais, parfois, il s’agit simplement d’être à l’écoute de nos partenaires et de leur faire savoir que nous sommes à leurs côtés pour, ensemble, trouver des solutions aux obstacles qui nous barrent la route.

Témoignages sur des projets clés

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Yémen Restauration d’urgence des édifices endommagés de l’ancienne ville de Shibam et de son mur d’enceinte Opérateur : Centre régional arabe pour le patrimoine mondial (ARC-WH)

84    Rapport d’activité 2021

La cité fortifiée de Shibam, dont la construction remonte au XVIe siècle, est l’un des exemples les plus remarquables d’urbanisme vertical et d’architecture en brique crue séchée. Les conflits armés, l’absence de maintenance et l’impact important des intempéries expliquent que plusieurs bâtiments historiques aient urgemment besoin d’être réhabilités et restaurés. Le projet prévoit de réhabiliter plus de 20 édifices historiques en faisant appel à des artisans locaux. Il préservera le tissu historique de la ville et permettra aux familles de regagner leur logis. Actuellement, il s’emploie aussi à cartographier les bâtiments historiques dans une base de données numérique consacrée à ce site du patrimoine mondial de l’Unesco.


« Ce fut un véritable plaisir de collaborer, avec le Centre régional arabe pour le patrimoine mondial, à la mise en œuvre de cet important projet à Shibam. Grâce au professionnalisme du centre, à sa connaissance intime de ce contexte très particulier et à son travail en coordination avec les autorités locales et les talentueux artisans de la région, le projet a progressé dans les délais impartis, en surmontant aisément chaque nouvel obstacle. Ce fut un partenariat très fructueux ! » M. Andrea Balbo Chargé de projets, ALIPH

« Ce fructueux partenariat de projet avec ALIPH a non seulement contribué à la sauvegarde de ces 18 bâtiments historiques par la création d’emplois pour les artisans locaux, mais a également permis aux familles locales touchées par la pauvreté de retrouver leur domicile. » Mme Selma Kassem Spécialiste de programme, Centre régional arabe pour le patrimoine mondial


Géorgie Réhabilitation communautaire de la tour Tsiskarauli, endommagée par des tirs de missiles

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Opérateur : International National Trusts Organisation, en collaboration avec le National Trust of Georgia, Rempart, et le National Trust of England, Wales and Northern Ireland

« A l’été 2021, nous retenions encore notre souffle : compte tenu des changements incessants des restrictions liées à la Covid-19, allions-nous pouvoir organiser notre mission de restauration ? Heureusement, l’équipe du projet s’est jouée de ces obstacles, et nous sommes ravis du nombre de personnes qui se sont mobilisées en Géorgie et ailleurs pour préserver cet exemple typique d’architecture défensive régionale des XVIe et XVIIe siècles. »

Mme Alexandra Fiebig Chargée de projets, ALIPH

La tour Tsiskarauli, également appelée Kharat-Tsikhe, est une tour de défense des XVIe et XVIIe siècles qui figure parmi les monuments nationaux de Géorgie. Endommagée par un missile lors de la guerre de Tchétchénie de 2001, la tour menaçait de s’effondrer et a nécessité une stabilisation d’urgence et une restauration. Le projet se focalise sur le travail effectué avec les membres de la communauté locale pour convertir le monument en site d’écotourisme doublé d’un lieu où évoquer l’histoire de conflit et de paix dans la région. Des bénévoles géorgiens et internationaux participent aux travaux de restauration sous la direction d’éminents experts provenant de Géorgie, de France et du Royaume-Uni.

« Alors que des bénévoles de toute l’Europe se rendent en Géorgie pour restaurer la tour de Tsiskarauli endommagée par des tirs de missiles, le financement d’ALIPH met en lumière la capacité du patrimoine à bâtir des ponts entre les communautés. Le soutien d’ALIPH a été essentiel pour sensibiliser les communautés géorgiennes locales au rôle important de leur patrimoine pour la paix et la prospérité. » M. Alexander Bishop Secrétaire général adjoint, International National Trusts Organisation

Témoignages sur des projets clés

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Soudan Transformation des musées communautaires du Soudan

Opérateur : British Institute in Eastern Africa (BIEA), en collaboration avec la National Corporation for Antiquities and Museums

88    Rapport d’activité 2021

Le musée du Darfour à Nyala, le musée Sheikan à El Obeid et la maison Khalifa à Omdurman sont trois musées soudanais qui recèlent des artefacts archéologiques et d’importantes collections d’objets du patrimoine vivant. Ce projet vise à améliorer la sécurité et les normes de conservation de ces trois musées communautaires. En outre, le projet a permis l’installation d’abris ombragés pour les heures de repos et pour les expositions à ciel ouvert du patrimoine vivant. L’équipe a également conçu des sessions de formation pour plus de 70 membres du personnel local afin de renforcer leurs compétences en techniques de conservation. Au total, 273 personnes ont été employées pour les trois musées.


« Ces trois musées communautaires permettent d’exposer d’importants objets du patrimoine culturel soudanais, mais ce sont aussi des lieux de réunion et d’éducation pour les communautés locales. ALIPH a accompagné ce projet, et sa formidable progression est gratifiante car nous avons pu constater à quel point notre contribution peut aider les professionnels locaux à bâtir des espaces paisibles, propices au dialogue et au savoir. » Mme Rosalie Gonzalez Chargée de projets, ALIPH

« L’équipe d’ALIPH est fabuleuse, elle vous épaule dès le début du projet et vous soutient jusqu’à son terme. Et, tout comme l’accompagnement offert, les attentes sont de haut niveau. Grâce à ALIPH, notre projet, qui mise sur la reconstruction culturelle, est devenu un modèle dans le Soudan en sortie de crise. » Mme Helen Mallinson Chargée de projets, Musées communautaires de l’ouest du Soudan

« C’est la première fois depuis leur création que les musées soudanais connaissent une telle évolution et un tel élan au niveau gouvernemental et sociétal. Le financement accordé au projet Musées communautaires de l’ouest du Soudan les a transformés, ce sont aujourd’hui des institutions capables d’assurer la préservation et la présentation de leur patrimoine. La satisfaction des habitants des alentours témoigne de la qualité de ce travail. Il leur permet de toucher du doigt l’importance de leur patrimoine, et les encourage à le célébrer en se rendant dans leurs musées pour pratiquer leurs activités communautaires au quotidien. C’est la première fois que cela arrive au Soudan. Le musée est désormais un centre où les activités communautaires peuvent rayonner. » Mme Amani Bashir Directrice du musée communautaire Sheikan à El Obeid, Kordofan du Nord

Témoignages sur des projets clés

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La famille ALIPH Conseil de fondation — 92 Message de M. Wen Dayan, Chine — 94 Message de M. Medhi Qotbi, Maroc — 95

Comité scientifique — 96 Comité des finances et du développement — 97 Message de M. Richard Kurin — 97

Comité d’audit — 99 Message de M. Jeffrey Plunket, J.D. — 99

Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération — 100 Message de M. Jean Claude Gandur, — 100

Notre éthique — 101 Secrétariat — 102 Comment soutenir ALIPH ? — 104

La famille ALIPH

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Conseil de fondation Membres votants

Président : M. Thomas S. Kaplan

Vice-présidente : Mme Bariza Khiari

(Donateur privé)

(France)

Vice-président : S. E. M. Mohamed Khalifa Al Mubarak

S. A. le Prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al Saud

(Émirats arabes unis)

(Royaume d’Arabie saoudite)

M. Wen Dayan

M. Mehdi Qotbi

M. Jean Claude Gandur

Mme Mariët Westermann

(Chine)

(Maroc)

(Donateur privé)

(Personnalité qualifiée)

92    Rapport d’activité 2021


Membres sans droit de vote

S. E. Sheikha Hussah Sabah Al-Salem Al-Sabah (2017-2021)

S. E. Mme Martine Schommer

(Luxembourg)

Pr Marc-André Renold (Suisse)

M. Ernesto Ottone Ramírez (Unesco)

(Koweït)

M. Richard Kurin

Pr Dr. Markus Hilgert

M. Jean-Luc Martinez

M. Valéry Freland

(Personnalité qualifiée)

(Personnalité qualifiée)

(Président du Comité scientifique)

(Directeur exécutif)

La famille ALIPH

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Quelques messages de donateurs M. Wen Dayan, Chine En 2021, ALIPH a confirmé qu’elle était toujours aussi fermement déterminée à protéger le patrimoine dans les zones de conflit. Fidèle à l’état d’esprit qui la guide (« l’action, l’action, l’action ! »), la jeune organisation a prêté main-forte à près de 150 projets dans 30 pays depuis sa fondation. Ces projets mettent en avant le patrimoine de différentes régions du monde et sont axés sur des thèmes variés, qui incluent notamment la réhabilitation et la stabilisation du patrimoine, le développement des musées, et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Plus important encore, ils sont attachés au bien-être, aux souvenirs culturels et à l’avenir des populations qui vivent dans ces lieux patrimoniaux ou aux alentours. En tant que membre du Conseil de fondation, je suis heureux et fier, par l’intermédiaire de mon vote, d’aider ALIPH à concrétiser sa vision. Mon expertise dans le secteur culturel et dans le domaine diplomatique assure la crédibilité de mon vote, car elle me permet de sélectionner les demandes les plus urgentes, sur le plan technique comme symbolique. Chaque projet mûrement choisi est un manifeste qui montre à la communauté internationale que la protection du patrimoine culturel peut réparer les dégâts infligés par la guerre et les conflits, guérir les âmes et encourager la consolidation de la paix. Depuis ses débuts, la Chine a vu ALIPH évoluer et a participé à cette évolution : de simple initiative, l’alliance est devenue un gardien qui unifie les efforts déployés aux quatre coins du monde pour protéger le patrimoine en péril. Riche de sa longue histoire, la Chine confère à ses habitants une façon particulière de percevoir le monde qui les entoure, et le désir de vivre en harmonie avec lui. La protection du patrimoine situé dans les zones en conflit est une façon d’atteindre une harmonie mondiale, et c’est à cette jonction que la « méthode ALIPH » rejoint l’approche chinoise. En tant que représentant de la Chine, je me réjouis de voir la philosophie et la méthodologie de mon pays en matière de conservation patrimoniale s’intégrer à la vision et aux activités d’ALIPH, contribuer à une meilleure protection des trésors de l’histoire humaine et façonner ensemble notre avenir commun.

94    Rapport d’activité 2021


M. Mehdi Qotbi, Maroc La préservation du patrimoine de l’humanité est une nécessité dont il faut s’emparer. C’est la mémoire culturelle du monde qu’il s’agit de conserver. Le royaume du Maroc a pris toute la mesure de cette réalité grâce à la clairvoyance de Sa Majesté le Roi. Le Maroc s’est engagé aux côtés des Etats fondateurs, la République française et les Emirats arabes unis, en devenant membre du Conseil de la fondation d’Aliph. Sa Majesté le Roi Mohammed VI accorde à la culture une grande importance. Ses efforts dans ce domaine ont permis de faire du secteur culturel un vecteur de développement social et économique de premier plan. Il est à rappeler également la contribution de Sa Majesté, sur ses deniers personnels, pour la réalisation du pavillon des arts de l’islam du musée du Louvre. Depuis 2017, ce sont en tout plus de 150 projets pour la restauration du patrimoine en péril dans plus de 30 pays en conflit sur quatre continents qui ont été soutenus. Protéger ces sites menacés permet de reconstruire un tissu social déchiré. Toute sauvegarde d’un monument porte en elle un récit rassembleur et une richesse pour toute l’humanité. Reconstruire, c’est aussi réconcilier et dresser des ponts entre les nombreuses et différentes cultures. Durant ses cinq premières années, Aliph a montré sa célérité et son efficacité, en particulier dans les zones de conflit. En témoigne le déclenchement d’un financement d’urgence pour participer à la restauration du Musée national de Beyrouth, qui constitue un exemple concret et magistral de ses capacités d’action.

La famille ALIPH

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Comité scientifique

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Président : M. Jean-Luc Martinez

Ambassadeur chargé de la coopération patrimoniale (France) 6

M. Mounir Bouchenaki

Conseiller spécial de la directrice générale de l’Unesco et de l’Iccrom (Algérie) 6

Mme Amel Chabbi

Responsable de la section conservation du département de la Culture et du Tourisme – Abou Dabi (Émirats arabes unis) 6

M. Wang Chunfa

Directeur du Musée national de Chine de Pékin (Chine) 6

M. Laith Hussein

Directeur du Conseil national irakien des antiquités et du patrimoine (Sbah) (Irak) 6

M. Patrick Michel

Maître d’enseignement et de recherche, Institut d’archéologie et des sciences de l’antiquité de l’université de Lausanne (Suisse) 6

Pr Claudio Parisi Presicce

Directeur des musées archéologiques et historicoartistiques de Rome (Italie) 6

Pr Eleanor Robson

Professeure d’histoire du Moyen-Orient ancien, University College London (Royaume-Uni) 6

M. Samuel Sidibe

Directeur général du parc national du Mali (Mali) 6

Mme Bahija Simou

Directrice des Archives royales du Maroc (Maroc)

96    Rapport d’activité 2021


Comité des finances et du développement 6

Président : M. Richard Kurin

Chercheur émérite et ambassadeur itinérant, Smithsonian Institution (Etats-Unis) 6

Message de M. Richard Kurin

S. E. Saood Al Hosani

Sous-secrétaire du département de la Culture et du Tourisme – Abou Dabi (Émirats arabes unis) 6

Mme Irene Braam

Directrice exécutive de la Bertelsmann Foundation (Amérique du Nord) Inc. (Etats-Unis) 6

Mme Deborah Stolk

Directrice de Helicon Conservation Support (Pays-Bas) 6

M. Valéry Freland Directeur exécutif

Par sa réactivité face aux crises, ALIPH s’impose comme un acteur clé du paysage culturel actuel. Palliant les lacunes des programmes nationaux et internationaux, elle octroie les fonds nécessaires pour surmonter des obstacles graves qui mettent le patrimoine en péril. ALIPH se distingue parce qu’elle fournit ce soutien crucial avec célérité et efficacité, en accordant aux projets qu’elle soutient une attention marquée et un suivi professionnel solide, et en collaborant étroitement avec des organisations locales et des partenaires experts. ALIPH est née de la vision de leaders extraordinaires et généreux, conscients que le patrimoine culturel est essentiel pour comprendre l’histoire de l’humanité, et que son incroyable diversité témoigne de la créativité et de la quête de sens de l’être humain. Ils ont compris qu’aujourd’hui tout conflit pouvait se solder par des pertes irrévocables et massives, et ont pris les devants pour tenter d’empêcher de telles dévastations. Aujourd’hui, cinq ans à peine après son lancement, ALIPH a versé des fonds à plus d’une centaine de projets dans près de 30 pays, a noué bon nombre de nouveaux partenariats et renforcé des ententes existantes, et appuie d’importantes initiatives qui visent à sauver et à préserver le patrimoine mondial menacé par les conflits.

La famille ALIPH

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Comité d’audit

6

Président : M. Jeffrey D. Plunkett, J.D. (Etats-Unis)

6

M. Abderrazak Zouari

Professeur des universités et ancien ministre du Développement régional (Tunisie)

Message de M. Jeffrey D. Plunkett, J.D. Le Comité d’audit a pour fonction principale de veiller à ce qu’ALIPH soit en conformité avec les normes appropriées (politiques, codes et autres exigences), ainsi que de superviser les rapports financiers et travaux d’audit connexes avec le concours d’auditeurs indépendants. Le but ultime de n’importe quel comité d’audit est de garantir qu’une organisation dispose de la culture, des ressources, des politiques, des procédures et des mécanismes de contrôle lui permettant de produire et de communiquer des informations exactes concernant sa situation financière et les risques associés. Quand on m’a proposé de rejoindre le premier Comité d’audit d’ALIPH, j’ai non seulement eu l’honneur de contribuer à ma petite échelle à l’importante mission de la fondation, mais j’ai aussi eu un défi à relever : comment tirer parti de mon expérience dans un secteur aussi lourdement réglementé que la gestion de placements pour aider le Conseil de fondation d’ALIPH à piloter ce qui était, en substance, une start-up... sans entraver inutilement son désir d’action ? Il s’agit d’un véritable enjeu, d’une part parce qu’ALIPH intervient en général dans des zones géographiques touchées par des conflits physiques, mais aussi parce

que son équipe, qui est de taille relativement modeste, travaille vite et efficacement. J’ai toutefois rapidement réalisé que la culture définie par le Conseil de fondation et par le Secrétariat d’ALIPH, qui mise sur la transparence et la réactivité, jetait des fondations permettant d’établir un système approprié et flexible, capable d’évoluer en fonction de la nature et de l’ampleur des activités entreprises par ALIPH. Mon collègue Abderrazak Zouari et moi-même avons mis en place un ordre du jour thématique et uniformisé pour nos examens, puis avons commencé à concevoir notre système de contrôle et de surveillance. Au fil de l’évolution d’ALIPH, nous avons élargi la portée de l’audit externe, contrôlé les modalités d’octroi des subventions et les mécanismes internes standard, amélioré la présentation des données financières, et ajouté à notre mission la supervision de la politique d’investissement d’ALIPH. ALIPH poursuit sa mission ; quant à nous, nous poursuivons notre collaboration avec son équipe financière et administrative ainsi qu’avec les auditeurs indépendants, l’objectif étant de les aider à repérer les risques et à mettre en œuvre les solutions voulues pour que le Conseil de fondation et les donateurs puissent prendre des décisions sur la base de données fiables.

La famille ALIPH

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Comité d’éthique, de gouvernance et de rémunération 6

Président : M. Jean Claude Gandur

6

Pr Dr. Markus Hilgert

6

Pr Marc-André Renold

Message de M. Jean Claude Gandur

J’ai eu l’honneur d’être investi de la fonction de Président du comité d’éthique et de gouvernance dès la création d’ALIPH en 2017. Mon engagement au sein de cette nouvelle fondation s’est imposé naturellement, en écho à mon parcours de collectionneur, de mécène, de passionné d’histoire ancienne et de président fondateur d’une fondation d’art. Nourri par ma vie de chef d’entreprise, je prends tout particulièrement à cœur la responsabilité du comité d’éthique et de gouvernance. Rapidement, les exigences juridiques suisses en matière de droit des fondations nous ont amenés à adjoindre à ce premier comité celui des rémunérations.

l’issue d’un processus complexe. Par la suite, le comité a amendé puis approuvé la grille salariale proposée par ce dernier, avant qu’elle soit adoptée par le Conseil de fondation. Le recrutement des équipes a alors pu démarrer, toujours sous validation du comité. L’établissement du Code d’éthique a constitué un projet important mené à bien avec le Directeur exécutif. Sous la vigilance du comité, cette charte encadre les débats menés au sein du Conseil de fondation, régit le comportement des employés et assure leur bien-être, et veille à la juste allocation des aides afin que celles-ci soient exclusivement destinées à la protection du patrimoine.

Cette inhabituelle double casquette a permis la mise en place dans les meilleurs délais des ressources nécessaires au fonctionnement d’ALIPH. La première mission du comité fut le recrutement d’un Directeur exécutif, sélectionné à

Participer dès son origine à l’élaboration de l’ossature légale, au bon fonctionnement et au développement d’ALIPH a été un défi passionnant.

100    Rapport d’activité 2021


Notre éthique

Le travail d’ALIPH est guidé par les valeurs fondamentales suivantes :

* * * * * * * *

la protection du patrimoine la diversité culturelle et religieuse l’éducation et le renforcement des capacités l’égalité des sexes la cohésion sociale et la coexistence pacifique le développement local durable la paix et la réconciliation la solidarité internationale

Ethique et financements L’objectif d’ALIPH est de financer des projets concrets et viables sur la durée. La fondation porte naturellement une attention particulière à l’intégrité et à la transparence de la gestion des projets qu’elle finance. C’est ainsi que, avant la signature d’une convention de subvention, les bénéficiaires potentiels font l’objet d’un processus rigoureux de diligence financière raisonnable (due diligence). Ensuite, dans le cadre de la mise en œuvre du projet, ils doivent remplir régulièrement des rapports financiers et d’activité.

La famille ALIPH

101


Secrétariat

6

M. Valéry Freland Directeur exécutif

6

Mme Maja Kominko Directrice scientifique et des programmes

6

M. Andrea Balbo Chargé de projets

6

Mme Sandra Bialystok Responsable de la communication et des partenariats

6

M. Othman Boucetta

Chargé de mission auprès du Directeur exécutif 6

Mme Olivia de Dreuzy

Chargée de mission auprès du Directeur exécutif 6

Mme Alexandra Fiebig Chargée de projets

6

Mme Rosalie Gonzalez Chargée de projets

6

Mme Najet Makhloufa Responsable financier

6

M. Laurent Oster

Responsable administratif et financier 6

M. David Sassine Chargé de projets

6

Mme Elsa Urtizverea Chargée de projets

102    Rapport d’activité 2021


La famille ALIPH

103


Comment soutenir ALIPH ?

104    Rapport d’activité 2021


ALIPH est financée par les contributions de ses membres, Etats ou donateurs privés, ainsi que par des pays partenaires, des fondations ou des philanthropes. En général, ces contributions ne sont pas affectées à des priorités ou des projets donnés. Toutefois, ALIPH peut proposer à de potentiels donateurs un ensemble de projets correspondant à leurs besoins et à leurs missions. Pour plus d’informations ou pour organiser une réunion afin de discuter de la manière dont vous ou votre organisation pouvez soutenir ALIPH, envoyez-nous un e-mail à contact@aliph-foundation.org. Si vous êtes un particulier et que vous souhaitez faire une contribution directe à ALIPH, scannez le code ci-dessous pour remplir le formulaire de don en ligne. Si vous êtes résident de l’un des pays suivants, vous pouvez bénéficier d’une déduction fiscale : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne, Estonie, Etats-Unis, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, PaysBas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suisse et Royaume-Uni. POUR FAIRE un don en ligne et pour toute autre information, veuillez scanner le code QR ou vous rendre à l’adresse suivante : www.aliph-foundation.org Chemin de Balexert 7-9 1219 – Châtelaine – CH +41 22 795 18 00

La famille ALIPH

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Colophon Rédacteurs : Sandra Bialystok, Olivia de Dreuzy, Valéry Freland Conception graphique : EyeTalk Communication – www.eyetalkcomms.com Traductions : Sara Heft (FR-AN), Mélissa Médart (AN-FR) Correctrices : Colette Stoeber (anglais); Céline Genevrey (francais) Photos : ALIPH remercie tous ses partenaires qui ont fourni des photos de leurs projets. L’utilisation des photos de cette publication à des fins non commerciales a été autorisée par leurs propriétaires. Toutes réutilisation, copie ou distribution doit faire l’objet d’un consentement écrit préalable des propriétaires. Les photos suivantes ont été reproduites avec l’autorisation des photographes indépendants et des bénéficiaires d’ALIPH :

Couverture (dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche) © ALIPH – Azhar Al-Rubaie © ACHCO © Consultancy for Conservation and Development © Mission archéologique française de Saint-Syméon © Fight for Humanity © UNESCO © ALIPH – Sandra Bialystok © CC 3.0 © ALIPH © Shutterstock © ALIPH © ALIPH – Sandra Bialystok

Couverture intérieure

© Lebanese Directorate of Antiquities and Heritage

Table des matières – 1ère partie

© ALIPH – Alexandra Fiebig © ALIPH – Alexandra Fiebig 2ème ligne (de gauche à droite) © ALIPH – Alexandra Fiebig © ALIPH – Sandra Bialystok © ISMEO 3ème ligne (de gauche à droite) © ACHCO © ALIPH – Rosalie Gonzalez © ALIPH – Sandra Bialystok © Imane-Atarikh © Musée National du Mali

Pages 6-7

(de gauche à droite) © ALIPH – Alexandra Fiebig © CRAterre, Thierry Joffroy © ALIPH – Alexandra Fiebig © ALIPH – Sandra Bialystok

1ère ligne (de gauche à droite) © ALIPH – Alexandra Fiebig © ALIPH – Sandra Bialystok © ALIPH – Alexandra Fiebig 2ème ligne (de gauche à droite) © ALIPH – Alexandra Fiebig © ALIPH – Rosalie Gonzalez © Fondation Tapa © ISMEO © UNESCO 3ème ligne (de gauche à droite) © CRAterre, Thierry Joffroy © ALIPH – Rosalie Gonzalez © ISMEO © ALIPH – Alexandra Fiebig © WMF © ALIPH – Alexandra Fiebig

Page 8

Table des matières – 2ème partie

Page 17

1ère

ligne (de gauche à droite) © ALIPH – Thomas Raguet © ALIPH – Sandra Bialystok

106    Rapport d’activité 2021

© Shutterstock

Page 11

© Consultancy for Conservation and Development

Pages 12-13

(de gauche à droite) © IFPO © Première Urgence Internationale © WMF

Pages 14-15

(de gauche à droite) © ALIPH – Thomas Raguet © WMF © ISMEO (dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche) © ISMEO


© WMF © ALIPH – Thomas Raguet © ISMEO © ISMEO © ALIPH – Azhar Al-Rubaie

Page 18

© Centre Latinoamericano del Vitral

Page 21

(de gauche à droite) © ALIPH – Sandra Bialystok © ALIPH – Rosalie Gonzalez © ALIPH – Alexandra Fiebig

Pages 22-23

© ALIPH – Sandra Bialystok

Pages 24-25

(de gauche à droite) © Aga Khan Cultural Services 2020 © ALIPH – Thomas Raguet © ALIPH – Thomas Rauget © Lebanese Directorate of Antiquities and Heritage

Pages 26-27

(de gauche à droite) © Shutterstock © Musée du Louvre © Shutterstock © ALIPH – Thomas Raguet © Shutterstock © ALIPH – Rosalie Gonzalez © ALIPH – Thomas Raguet © Dr. Hafed Walda © UNESCO © ALIPH © UNESCO

Pages 28-29

(de gauche à droite) © ISMEO

© ALIPH – Thomas Raguet © Sanid Organization for Cultural Heritage © Lebanese Directorate of Antiquities and Heritage © ALIPH – Sandra Bialystok © Archive, National Museum of Bosnia and Herzegovina - Damir Sagolj © Consultancy for Conservation and Development © ALIPH – Thomas Raguet © ALIPH – Sandra Bialystok © Le Musée Palestinien © ALIPH – Antoine Tardy © ALIPH – Antoine Tardy

Page 33

© ALIPH – Alexandra Fiebig

Page 36-37

© Lebanese Directorate of Antiquities and Heritage © Le Musée Palestinien

Pages 38-39

(de gauche à droite) © ALIPH – Thomas Raguet © Fondation Tapa © ISMEO © UNESCO

Pages 40-41

© ALIPH – Sandra Bialystok © ALIPH – Thomas Raguet

Pages 42-43

(de gauche à droite) Toutes les photos © Shutterstock

Pages 44-45 © ACHCO

Pages 46-47

Toutes les photos © Shutterstock

Colophon

107


Pages 48-49 © Shutterstock

Pages 50-51

(de gauche à droite) Toutes les photos © Shutterstock

Pages 52-53

© BIEA Khalifa Museum © International National Trusts Organization (INTO) © INTO © Shutterstock

Pages 82-83 © INTO

(dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis en haut à gauche) Toutes les photos © Shutterstock

Pages 84-85

Pages 54-55

Toutes les photos © INTO

(de gauche à droite) © Shutterstock © Shutterstock © La Guilde Européenne du Raid © Shutterstock © Authority of Tourism and Protection of Antiquities – Al Jazira Canton (ATPA)

Pages 56-57

© ALIPH – Sandra Bialystok

Toutes les photos © Shutterstock

Pages 86-87

Pages 88-89

© BIEA Darfur Museum (de haut en bas) © BIEA Khalifa Museum © BIEA Darfur Museum © BIEA Darfur Museum

Pages 90-91

Pages 58-59

© ATPA © La Guilde Européenne du Raid

(de gauche à droite) © ALIPH – Alexandra Fiebig © EFEO [GrezProdCunin] © UNESCO © ALIPH – Sandra Bialystok

Pages 60-61

Pages 94-95

Toutes les photos © ATPA

Pages 62-63

© Le Musée Palestinien

Pages 64-65

Colonne de gauche © Mission Culturelle Djenné © Vidrio Museum © Le Musée Palestinien Colonne de droite © G. Tomljenovic © Sanid Organization for Cultural Heritage © Karamoja Museum

Colonne de gauche © Shutterstock © Shutterstock © ALIPH – Alexandra Fiebig © Valery Sharifulin/TASS – Getty Images © ALIPH – Sandra Bialystok Colonne de droite © ISMEO © ALIPH – Alexandra Fiebig © Shutterstock © La Guilde Européene du Raid © Direction National du Patrimoine Culturel (DNCP)

Pages 96-97

Pages 66-67

© Shutterstock

(de haut en bas) © Mission archéologique de Douki Gel © ALIPH – Alexandra Fiebig

Pages 68-69

Pages 98-99

© Imane-Atarikh © Shutterstock

Pages 70-71

Toutes les photos © Shutterstock

Pages 72-73

Toutes les photos © Shutterstock

Pages 74-75

Toutes les photos © ALIPH – Azhar al-Rubaie

Pages 76-77

© ALIPH – Azhar al-Rubaie

Pages 78-79

Toutes les photos © ALIPH – Azhar al-Rubaie

Pages 80-81

(de gauche à droite)

© ISMEO

Pages 100-101

© Imane-Atarikh

Pages 102-103

© ALIPH – Thomas Raguet

Pages 104-105

(de gauche à droite) © Shutterstock © Sudan Memory Team © ALIPH – Alexandra Fiebig © Consultancy for Conservation and Development © Shutterstock

Quatrième de couverture © ALIPH – Sandra Bialystok



JUIN 2022

ALIPH Chemin de Balexert 7-9

1219 – Chatelaine – CH +41 22 795 18 00

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