Sarthe, terre de pionniers

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☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Catalogue Exposition

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

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Le Conseil général de la Sarthe adresse ses plus vifs remerciementsaux personnes et aux institutions qui ont contribué à cette exposition Madame Amanda Wright-Lane ; M. Stephen Wright and The Wright Family, Dayton (États-Unis) Wright State University Libraries, Dayton (États-Unis), Mme Dawne Dewey, conservateur des Archives et Bibliothèques M. Dan Patterson, Dayton (États-Unis) Musée Otto-Lilienthal, Anklam (Allemagne), Dr. Bernd Lukasch, conservateur Fondation Aviat Flying Stiftung, Rosengarten (Allemagne), M. Ulrich Voswinckel, président Musée régional de l’Air, Angers-Marcé, M. François Blondeau, M. Christian Ravel Musée national de l’Air et de l’espace, Le Bourget, M. Tilatti, conservateur Musée Landowski, musée des années 30, Boulogne-Billancourt, M. Emmanuel Bréon, directeur des musées, et Mme Michèle Lefrançois, conservateur Ministère de la Défense, service historique de la Défense, département Air, en particulier Madame Agnès Chablat-Beylot, chef du service, et M. JeanYves Lorant. Ministère de la Culture, Direction des Archives de France, Délégation aux célébrations nationales Archives départementales de l’Orne, M. Jean-Pascal Foucher, directeur Musée aéronautique et spatial du Groupe Safran, M. Michel Harvey, M. Jean-Pierre Grassi Musée A l’homme volant, Sablé-sur-Sarthe, M. Jean-Claude Ragaru Comité du Centenaire le Mans –Sarthe 1908-2008, M. Marc Denoueix et M. Joël Grouas, co-présidents Sarthe Aéro-rétro, Le Mans Automobile Club de l’Ouest, M. Hervé Guyomard M. Gérard Bollée M. Thierry Tissandier M. et Mme Jacques Perier M. Claude Pressoir M. Étienne Bouton M. Laurent Yvon M. Luc Chanteloup M. Jean-Claude Bergeot

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Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

A

toutes époques, les yeux levés vers le ciel, l’humanité s’est interrogé sur les moyens de s’affranchir de la pesanteur et de voler. Avec l’avancée des sciences et des techniques, le possible rejoint le réel : s’élever dans les airs, qu’on soit plus léger ou plus lourd que l’air, en ballon, en planeur ou en aéroplane, devient une aventure, un hobby,

Avant-propos

un sport, une épopée.

Après les tentatives innombrables des ballons Montgolfier en 1783, Giffard ou Renard, des « planeurs » Lilienthal, Chanute ou Ader, l’aventure européenne de l’aéroplane va connaître dans les premières années du XXe s. un essor pro-

digieux, où s’illustrent plus particulièrement, aux côtés de Santos-Dumont, de nombreux pionniers français : Voisin, Ferber, Blériot, Farman ou Delagrange. S’inspirant des Européens, les Américains se lancent aussi dans la grande aventure du vol motorisé avec Pierpont Langley, Manley et Balzer. Mais ce sont deux frères, venus de l’Ohio, Wilbur et Orville Wright, qui vont réaliser le premier vol aux Etats-Unis, le 17 décembre 1903, sur les plages de Caroline du Sud, à Kitty Hawk, vol renouvelé à Dayton (Ohio) en 1905. La rencontre de ces deux mondes de pionniers a lieu en France, dans la Sarthe, en 1908, lorsque Wilbur Wright, financé par de puissants industriels et invité par Léon Bollée, découvre au Mans un terrain privilégié pour ses premiers vols d’essais en Europe. Du 8 août 1908 au 2 janvier 1909, presque chaque jour, Wright va faire voler son aéroplane, baptisé Flyer, sur le terrain de courses des Hunaudières et au camp d’Auvours, sous le regard ahuri d’une foule toujours plus nombreuse. Cent ans après, le Conseil général de la Sarthe a souhaité solenniser cet événement exceptionnel en organisant une vaste exposition à la mémoire des pionniers de l’aviation. Car 1908 n’est pas seulement la rencontre improbable au Mans de Wright avec le monde de l’aviation en Europe, c’est aussi une histoire d’amitié franco-américaine entre les familles Bollée et Wright, coopération exceptionnelle entre le monde frémissant de l’automobile et celui d’une aviation balbutiante. Désormais, la frénésie d’autres rencontres, d’autres records va inscrire très vite et à jamais dans l’histoire des progrès de notre humanité les noms d’un autre Français, Louis Blériot, et d’un autre Américain, Charles Lindbergh… Roland du Luart, Vice-président du Sénat, Président du Conseil général de la Sarthe. 5


La conquête de l’air. P.8

Être plus léger que l’air : ballons et dirigeables.

P.11

Être plus lourd que l’air et voler.

Les frères Wright et les Bollée : une aventure humaine. P.18

Orville et Wilbur Wright : les frères pionniers.

P.21

La famille Bollée : le gêne de l’invention utile.

P.23

La rencontre de deux familles d’inventeurs :

Sommaire

l’alchimie opère...

Les flyers, des réalisations techniques de pointe. P.26

Une machine à voler.

P.29

Un jeu de construction.

Les vols de Wilbur Wright en Sarthe. P.32

L’hippodrome des Hunaudières. Le premier vol en Europe.

P.34

Le camp d’Auvours. Le temps des records.

P.37

Les passagers du camp d’Auvours.

Un grand enthousiasme P.40

Wilbur Wright et les médias.

P.42

Wilbur Wright et la caricature

P.43

Les trophées et les monuments à la gloire des Wright.

P.45

Les Wright après leur séjour sarthois.

P.46

Les Salons de l’aéronautique.

P.48

Les meetings aériens en Sarthe avant la première guerre mondiale.

P.50

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Bibliographie


La Conquête de l’air : extrait du Petit Journal, Paris, 1909. Arch. dép. Sarthe, 8 Fi 1585.

Le ciel …

M

ythologies et religions placent dans le ciel le monde spirituel, source de hautes aspirations et de craintes. Gagner d’autres sphères…, s’affranchir de la pesanteur…, voler… Ce désir profond a occupé les pensées de visionnaires, comme Léonard

de Vinci, motivé des physiciens, des chimistes, des ingénieurs, accaparé des naturalistes, les yeux fixés sur les oiseaux et les chauves-souris. Enfin, après deux millénaires d’études, d’expériences, de drames, de progrès cumulés, l’homme a conquis les airs.

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La conquête de l’air Être plus léger que l’air : ballons et dirigeables. Battre des ailes, devenir un homme-oiseau…

vertes récentes et de leurs propres expériences, ils parviennent, le 4 juin 1783, à faire décoller à Annonay,

Pendant plusieurs siècles, on croit possible le vol musculaire battu. Savants et aventuriers réfléchissent à des appareils rendant l’homme apte à s’envoler par ses propres forces.

E

devant l’assemblée des États particuliers du Vivarais, leur premier ballon, constitué d’une enveloppe de toile doublée de papier, gonflé d’air chaud. Le 21 octobre, a lieu le premier voyage en ballon : le marquis d’Arlandes et François Pilâtre de Rozier s’élè-

n 1678, le Journal des Sçavans rend

vent au-dessus du château de la Muette et atterrissent

compte de la tentative de vol de Pierre

à 8 km de là, à la Butte aux Cailles.

Besnier, serrurier à Sablé-sur-Sarthe. Sa machine, un système articulé avec

A la fin de cette même année, le physicien Jacques

quatre petites ailes, lui permet de faire

Charles met au point un ballon à hydrogène.

des vols planés. La montgolfière suscite aussitôt un grand enthousias-

L’invention de la chimie moderne au XVIII s, et particu-

me. La quinzaine d’ascensions réalisées dans l’année

lièrement de la chimie pneumatique (mise en évidence

attire un public très nombreux. L’ascension de Charles

de l’hydrogène et de ses propriétés par Cavendish, de

et Robert aux Tuileries le 1er décembre 1783 rassemble

l’oxygène par Priestley et par Lavoisier), ouvre la voie

près de 400 000 personnes (plus de la moitié de la

à l’aérostation. Le ballon, dont on ne trouve aucun

population parisienne) ; 100 000 personnes se pres-

équivalent dans la nature, supplante le modèle naturel

sent à Lyon pour voir s’élever le Flesselles le 19 janvier

de l’oiseau.

1784. Rapidement, le ballon devient objet de diver-

e

tissement, tant dans les cérémonies prestigieuses que Être plus léger que l’air. et

Dès les premières années

Étienne Montgolfier font

de l’aérostation, la noblesse

partie de ceux qui, au

manifeste un vif intérêt pour

début des années 1780,

les expériences et y parti parti-

rêvent de s’élever dans

cipe.

Les

frères

Joseph

dans les fêtes populaires.

les airs. Forts des découLa machine de Besnier. Extrait du Journal des Sçavans, 1678. Gallica.

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La montgolfière Le Flesselles s’élevant à Lyon le 19 janvier 1784 : gravure extraite de l’ouvrage de Gaston Tissandier, Histoire de mes ascensions. Récit de quarante-cinq voyages aériens (1868-1888), Paris, 1890. Musée A l’homme volant, Sablé-sur-Sarthe


Lettre de Gaston Tissandier à sa mère, 5 février 1869. Nacelle et banderole du Général Cambronne, dernier ballon parti de Paris, le 28 janvier 1871, et atterri le même jour à Sougé-le-Ganelon : carte postale, 1909. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 9212.

Musée A l’homme volant, Sablé-sur-Sarthe.

Il évoque les préparatifs de l’ascension du 7 février 1869, de Paris à Neuilly-Saint-Front. Le récit de cette ascension figure dans son Histoire de mes ascensions (p. 43-48) ainsi que le diagramme.

cipe de l’hélice) présentant une morphologie aérodynamique. Il effectue en cette même année le premier vol humain motorisé et démontre la possibilité d’un vol contrôlé. Les recherches se portent ensuite sur les énergies nouvelles, de On cherche, par ailleurs, à tirer le meilleur parti possi-

plus en plus performantes : après

ble des ballons.

la vapeur, l’électricité et le pétrole. Gaston et Albert

A partir de 1793, grâce à l’appui de Lazare Carnot,

Tissandier présentent à l’Exposition d’électricité de

l’aérostation est employée dans le domaine militaire.

1881 un petit aérostat électrique.

Les ballons servent à renseigner sur les positions des

Dans cette phase de la conquête de l’air, le rôle de

troupes ennemies et à transmettre des signaux. Le

l’ingénieur devient prédominant, de même que

13 germinal an II (2 avril 1794) est créée la première

l’intérêt de l’armée stimule les recherches.

compagnie d’aérostiers dont Jean-Marie Coutelle, né au Mans, est nommé capitaine. Le 10 brumaire an III

Le rôle joué par le ballon durant la guerre franco-

(31 octobre 1794) est créée l’École nationale aérosta-

prussienne de 1870 est bien connu : 66 ballons et leur

tique à Meudon, chargée, sous l’autorité de Nicolas-

équipage quittent Paris de la fin de septembre 1870 à

Jacques Conté, de la formation des aérostiers. C’est de

la fin du mois de janvier 1871 et rallient pour la plupart

Meudon que sortent tous les ballons qui s’illustrent aux

la province ; des milliers de dépêches transitent par ce

armées. Les ballons jouent un rôle décisif à Maubeuge,

moyen vers Tours, puis Bordeaux, où une partie du

Charleroi, Fleurus et Mayence. Mais la prise par l’en-

gouvernement s’est repliée. L’intérêt des ballons pour

nemi des aérostiers de la première compagnie en

les communications est désormais une évidence.

septembre 1796 entraîne la disparition de l’aérostation militaire : les deux compagnies sont licenciées et l’école

En 1874, le ministère de la Guerre instaure une com-

de Meudon dissoute en janvier 1799.

mission des communications par voies aériennes dont

Après quelques décennies d’assoupissement, les

la partie aérostatique est confiée au capitaine Charles

recherches scientifiques et techniques appliquées aux

Renard. En 1877, est créé le service de l’aérostation

ballons reprennent dans les années 1850 pour parve-

militaire, dont le laboratoire est installé au parc de

nir au vol contrôlé.

Chalais. L’année suivante, Charles Renard prend la

Parmi tous les projets, seuls ceux d’Henri Giffard sont

direction du laboratoire et appelle auprès de lui son

réellement novateurs. Si l’idée d’un ballon dirigeable

frère Paul et le capitaine Krebs. Avec leur aide, il

utilisant la vapeur comme moyen de propulsion avait

met au point tous les éléments des parcs de ballons

été émise en Angleterre par sir George Cayley, c’est

captifs.

Giffard qui, le premier, la met en pratique. Il dépose en

Il sollicite et obtient l’aide financière de Gambetta, alors

1851 un brevet intitulé « Application de la vapeur à la

président de la Commission du budget, afin de concré-

locomotion aérienne » et construit en 1852 un dirigea-

tiser, sur son initiative personnelle, la mise au point

ble à vapeur doté d’un propulseur mécanique (combi-

d’un dirigeable. Celui-ci est doté d’un moteur électri-

naison de l’énergie motrice de la vapeur avec le prin-

que de 100 kg donnant 8 chevaux, sans doute influen-

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Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

cé par le dirigeable électrique des frères Tissandier. Le

en 1902, le premier dirigeable à vocation militaire,

9 août 1884, le dirigeable La France, d’un volume de

le Lebaudy, qui vole à partir de 1903 (voyage de

1864 m , long de 50,40 m et d’un diamètre de

37 km à 300 m d’altitude le 8 mai) et est offert en 1905

8,4 m en son milieu quitte Villacoublay et revient se

au ministère de la Guerre. L’armée acquiert plusieurs

poser à son point de départ après avoir parcouru

dirigeables semi-rigides de ce type : le Patrie en 1906,

7,6 km en 23 mn. C’est le premier vol au monde en

le République en 1908 et le Liberté en 1909.

circuit fermé.

Après l’invention des plus légers que l’air, l’attention

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a été concentrée pendant plusieurs décennies sur les En 1898, Alberto Santos-Dumont, adepte du moteur à

aérostats, peut-être au détriment d’une avancée plus

explosion, séduit la foule des pelouses du Jardin d’ac-

précoce dans le domaine des plus lourds que l’air.

climatation, puis de Bagatelle, en pilotant le premier

Cependant, la recherche d’un moyen de propulsion

dirigeable à pétrole.

pour les aérostats a profité à l’aviation naissante.

L’ingénieur Henri Julliot conçoit avec Don Simoni,

Le ballon dirigeable Le Lebaudy, en service à partir de 1903 : carte postale, vers 1908.

La nacelle du dirigeable militaire Patrie : carte postale, vers 1906.

Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 211.

Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 210.

Être plus lourd que l’air et voler. A partir du début du XIXe s., des savants, des ingénieurs isolés, des précurseurs de l’aviation, orientent leurs recherches vers le vol de machines plus lourdes que l’air.

L

curseurs, les progrès de l’aéronautique sont, dans la seconde moitié du XIXe s., liés à ceux de la technique, mais aussi aux travaux de la physiologie. Grâce à ceuxci, le modèle de l’oiseau, et avec lui le principe du plus lourd que l’air, s’impose comme une base pour la solu-

e terme aviation apparaît en 1863. Il

tion des problèmes posés par la navigation aérienne.

traduit la volonté d’un groupe mené par Nadar, Gabriel de La Landelle

LeS PRÉCURSeURS

et Gustave de Ponton d’Amécourt de promouvoir la cause du plus lourd que

Sir George Cayley (1773-1857) - A partir de l’observa-

l’air.

tion des oiseaux, il définit les principes et applications

Comme le montrent les profils et les travaux des pré-

de l’aérodynamisme. Il expose, le premier, le principe

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de l’aéroplane et recommande la formule du multi-

de modèle réduit à torsion de caoutchouc grâce

plan. Entre 1809 et 1857, il préconise des ailes rigides

auquel il fait voler en 1871 un petit aéroplane (il est le

en dièdre afin d’assurer la stabilité latérale, il invente

concepteur de l’hélicoptère-jouet que les Wright ont

les dispositifs de gouvernail de profondeur et de gou-

reçu en cadeau de leur père). Il poursuit méthodique-

vernail de direction et étudie le principe d’un moteur

ment ses expériences sur des petits modèles et en tire

actionnant une hélice. Ses ouvrages circulent en France

de nombreux enseignements sur l’aérodynamique,

à partir de 1853 et influencent plusieurs pionniers.

sur la technique de l’aéroplane et de l’hélicoptère. En

Les recherches de Cayley sont utilisées par Samuel

1875, il prend un brevet avec Gauchot pour un aéro-

Henson qui fait breveter dès 1842 un projet très poussé

plane monoplan mû par un moteur à pétrole. L’année

d’aéroplane à vapeur (l’Ariel) et par John Springfellow,

suivante, il met au point un dispositif de commande

inventeur en 1848 d’un modèle réduit dont le moteur

unique des gouvernails de direction et de profondeur,

est une petite machine de bouilleur actionnant deux

ancêtre du « manche à balai » moderne. Il dépose en

hélices.

1877 un nouveau brevet pour un aéroplane à deux places qui contient tous les éléments des appareils

Étienne Marey (1830-1904) - Marey, qui est médecin,

futurs (gauchissement des ailes, gouvernail, patins

analyse, entre 1860 et 1880, le vol des oiseaux, notam-

pour l’atterrissage…), mais ne peut voler, en l’absence

ment grâce au chronophotographe qu’il a conçu. Il

de moteur assez léger, et faute de réunir le finance-

publie en 1890 Le vol des oiseaux, ouvrage de réfé-

ment pour la construction de son appareil, il se suicide

rence pour les aéronautes. Il entretient des relations

en 1880.

amicales avec Pénaud et organise le banquet qui réunit les pionniers de l’aviation en 1889 où se rencontrent

Otto Lilienthal (1848-1896) - Cet ingénieur allemand

Mouillard et Chanute.

essaie entre 1860 et 1889 toutes sortes de machines à ailes battantes. Puis il passe au planeur et établit

Alphonse Penaud (1850-1880) est l’un des plus brillants

qu’une aile concave est plus efficace qu’une aile plate.

théoriciens du plus lourd que l’air.

Il effectue, de 1893 à 1896 (date de l’accident qui lui

L’une de ses premières inventions est celle du moteur

coûte la vie), près de 2500 vols à bord des appareils

Ornithoptère (ou oiseau mécanique) d’Alphonse Pénaud, maquette d’aéroplane mû par un moteur à élastique : gravure pour l’illustration de l’ouvrage de Paul d’Estournelles de Constant, Pour l’aviation, 1909. Épisode de vol de Lilienthal : photographie anonyme, avant 1896. Coll. A.C.O.

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Planeur de Chanute : gravure pour l’illustration de l’ouvrage de Paul d’Estournelles de Constant, Pour l’aviation, 1909. Arch. dép. Sarthe, 12 J 195 (fonds d’Estournelles de Constant).

brevet pour un planeur à queue, intégrant un gauchissement indépendant pour chaque aile. Mouillard adresse en 1893 à Chanute une copie de son ouvrage Le vol sans battement (qui est publié à titre posthume). Ces travaux français, portés à la connaissance des qu’il conçoit. Il s’agit de modèles pourvus de deux voiles inclinées dont il peut régler l’orientation et d’une voile verticale qui fait office de gouvernail. Il étudie ainsi les conditions de stabilité, avec le projet de construire une machine volante mue par un moteur. Pour lui, seule l’imitation exacte du vol des oiseaux peut permettre à l’homme de voler librement dans les airs, théorie qu’il expose dans son ouvrage Le vol de l’oiseau comme base de l’aviation publié en 1889, lu par tous ses successeurs, dont Chanute et les Wright. Louis Mouillard (1834-1897) - Excellent dessinateur,

Wright par Chanute, les incitent à poursuivre leurs expériences. Ils déclarent plus tard : « en 1898, nous étions sur le point d’abandonner nos travaux lorsque le livre de Mouillard est tombé entre nos mains, et nous avons continué avec le résultat que vous savez… » Octave Chanute (1832-1910) - Ingénieur américain d’origine française, Octave Chanute se passionne pour l’idée du vol. Il s’intéresse notamment aux recherches d’Otto Lilienthal et de Louis Mouillard. Il rassemble une abondante

il observe les oiseaux et les chau-

documentation sur l’aviation naissante et publie en 1894 Progress

ves-souris en Algérie, puis, à partir

in flying machines machines, ouvrage qui

de 1866, en Égypte. Il consigne le

reprend les travaux réalisés à cette

résultat de ces observations en 1881

date dans le domaine du plus lourd

dans un ouvrage intitulé L’Empire de

que l’air. Il a des contacts avec des

l’air - essais d’ornithologie appliquée

pionniers français, notamment le

à l’aviation, un des classiques de

capitaine Ferber, et entretient aussi

l’histoire de l’aéronautique. Il entre-

une correspondance nourrie (200

tient une correspondance régulière

lettres) avec les frères Wright qui

de 1890 à 1897 avec Octave Chanute

bénéficient de ses conseils pour

auquel il confie le résultat de ses

leur premier planeur et exploitent

recherches, notamment la découverte

d’une façon systématique la docu docu-

du gauchissement des ailes et des

mentation transmise.

principes de gouvernail. En 1892, Chanute prend pour Mouillard un Louis Mouillard observant les oiseaux : plâtre, vers 1910-1920. Coll. Perier.

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Brevet d’invention de 15 ans pour un appareil ailé pour la navigation aérienne dit « avion », 11 août 1890 : fac-similé d’une planche, Musée régional de l’Air, Angers-Marcé.

101 kg) est une machine en forme de chauve-souris mue par un moteur à vapeur, de 10 à 12 CV, pesant seulement 66 kg, qui actionne une hélice à 4 pales en barbes de bambou, imitant les plumes. Ses travaux suscitent l’intérêt du ministère de la Guerre et des contrats sont signés en 1892 et 1894. En 1897, il renouvelle son exploit sur un appareil bimoteur, l’Avion n° 3, malheureusement détruit durant les essais. Il perd l’appui des politiques et des militaires. Il renonce à l’aviation en 1902 et détruit ses archives et tous les appareils qu’il avait conçus, à l’exception de l’Avion n° 3 et du moteur du n° 2 qui avaient été acceptés auparavant par le Conservatoire des Arts et métiers. Il publie en 1907 un ouvrage intitulé la première étape de l’aviation militaire qui a une influence considérable. « Concevoir une machine volante n’est rien, la construire est peu, l’essayer, c’est tout » F. Ferber. Un avion coûte très cher, il revient à 20 000 à 30 000

LES PIONNIERS EN FRANCE

francs-or. Un Blériot coûte presque vingt fois le salaire

Clément Ader (1841-1925)

annuel d’un fonctionnaire.

Ingénieur, doté d’un esprit particulièrement inventif, il

Par conséquent, pour voler, il faut être riche, comme les

construit dès 1873 un planeur, exposé ensuite par Nadar.

industriels L. Blériot (fabricant de phares pour automobi-

Les moyens financiers pour poursuivre ses recherches lui

les), les frères Voisin (fabricants d’automobiles), ou bien

sont fournis grâce au perfectionnement qu’il apporte au

obtenir des subsides grâce aux prix. Ainsi, en décembre

téléphone. Il étudie de manière très précise le vol des

1904, les champagnes Ruinart offrent 12 500 F au pilote

oiseaux et des chauves-souris.

qui traversera la Manche avant le 1er janvier 1910.

Il est le premier à avoir décollé du sol (de 15 cm sur une

Ces hommes se côtoient dans une compétition qui sti-

distance de 50 m) par la seule force de son moteur, avec

mule les progrès techniques des avions et du pilotage.

son Éole, dans le parc du château d’Armanvilliers, propriété des Pereire, le 9 octobre 1890. L’Éole (envergure

Alberto Santos-Dumont (1873-1932) associe les deux

14 m, longueur 6,5 m, surface 28 m , poids du corps

mondes, du plus léger et du plus lourd que l’air.

2

M. Santos-Dumont s’élevant avec son aéroplane n° 14 bis, novembre 1906 : carte postale, 1906. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi

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M. Santos-Dumont tirant son aéroplane sur le terrain de Saint-Cyr : carte postale, 1907. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi


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Biplan Voisin, piloté par Henri Farman. Aéroplane Farman n° 1, moteur Antoinette, 40 chevaux, 8 cylindres : planche d’après un dessin de Lucien Marchis, publiée dans son ouvrage L’épopée aérienne, éd. Dunod et E. Pinat, 1910.

Il délaisse la conception de dirigeables à partir de

construit un biplan du type Chanute-Wright. En 1904, il

1904-1905 pour se consacrer à l’aviation. En liaison avec

est appelé à Chalais-Meudon auprès du colonel Renard.

Gabriel Voisin, il construit un grand aéroplane (12,5 m

Devenu ingénieur de la société Antoinette, il met au

de long, 10 m d’envergure) avec lequel, le 23 octobre

point en 1908 un appareil (le Ferber n° 9) dont les essais

1906, dans le parc de Bagatelle, il effectue le premier vol

sont convaincants.

en europe (220 m de long, à 6 m de haut en 21 s 1/5). En 1908, il met au point un petit monoplan motorisé, la

Louis Blériot (1872-1936)

Demoiselle (8 m de long, 5,5 m d’envergure).

Ingénieur, passionné de vol, il fonde une entreprise de construction d’avions en 1906. Après des échecs répétés

Gabriel (1880-1973) et Charles (1882-1912) Voisin

avec des biplans, il met au plan un monoplan en 1907,

Les frères Voisin conçoivent à partir de 1905 des aéro-

modifié en 1908 (le Blériot VIII), avec lequel il améliore

planes.

régulièrement ses résultats.

En 1906, Léon Delagrange et Henri Farman leur commandent un appareil (biplan cellulaire de 10,5 m de long et de 10 m d’envergure). Un premier vol de 60 m est accompli le 30 mars 1907 à Bagatelle par Charles Voisin. Leurs avions remportent de nombreux prix en 1907-1908. Ferdinand Ferber (1862-1909) Il est, en France, le grand admirateur de Lilienthal auquel il s’est intéressé dès 1898. Ces premiers essais ne sont pas concluants. Après avoir reçu de Chanute des renseignements précis sur les expériences des frères Wright, il Blériot – son aéroplane – son phare – la dynamo « Phi » : carte postale, 1909. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi

Chalais-Meudon. Essai du planeur PaulhamPeyret sur le dispositif de Ferber : photographie, 1904.

Vol en planeur des Wright : photographie envoyée par Octave Chanute à Ferdinand Ferber, 1903.

Musée régional de l’Air, Angers-Marcé

Coll. Perier.

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Le 25 juillet 1909, il réussit la traversée de la Manche. Ce

1908. Le 8 juillet 1908, à Milan, il emmène à son bord la

succès lui permet de promouvoir sa machine, alors en

première femme à avoir volé en avion : Thérèse Peltier.

concurrence avec d’autres aéroplanes, et de gagner ainsi

Le 30 décembre 1909, il établit les records du monde de

le prix de 25 000 F offert par le Daily Mail.

distance, d’altitude et de durée (200 m en 2 h 32 mn).

Robert esnault-Pelterie (1881-1957)

Henri Farman (1874-1958)

Entre 1906 et 1907, il construit un monoplan novateur,

Champion cycliste et pilote automobile, il s’intéresse à

utilisant notamment un levier de direction qui centralise

l’aviation à partir de 1907. Il met au point la méthode de

les commandes (manche à balai) dont il dépose le brevet

décollage. Il effectue le

en janvier 1907. Les années suivantes, ses appareils REP

13 janvier 1908 le pre-

battent rapidement des records de vitesse.

mier kilomètre en circuit fermé (en 1 mn 28 s), remportant ainsi le prix Archdeacon-Deutsch de la Meurthe (50 000 F). Cette année-là, il en chaîne les exploits. Publicité pour les aéroplanes Farman : extrait du catalogue de l’Exposition internationale de locomotion aérienne, 1909 Arch. dép. Sarthe, 12 J 197 (fonds d’Estournelles de Constant)..

La période des pionniers – ceux qui, à partir de leurs proPublicité pour les aéroplane REP : extrait du catalogue de l’Exposition internationale de locomotion aérienne, 1909 Arch. dép. Sarthe, 12 J 197 (fonds d’Estournelles de Constant).

Léon Delagrange (1873-1910) En 1907, il achète le premier aéroplane construit dans les ateliers Voisin. Il réussit le 7 novembre un vol de 300 m en réalisant un demi-cercle. Il est le premier pilote à emporter un passager (Henri Farman), le 28 mars

Les pionniers de l’air. M. Farman à bord de son aéroplane : carte postale, C. M., 1907.

16

Archives départementales de la Sarthe.

pres études ou en utilisant les travaux des précurseurs, ont construit des appareils, dotés de moteurs légers et puissants, avec lesquels ils ont décollé par leurs propres moyens et se sont élevés dans les airs – s’achève à la fin de 1908 ou au début de 1909, moment où les vols sont maîtrisés. Farman-Voisin HF-1bis expérimental à moteur Renault 50 CV : photographie Louis Vallin, février 1908. Musée régional de l’Air, Angers-Marcé.

Por pho

Mu Ang

Ren se c bal 190 au Il e en 191 d’a ville Sau


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Portrait de René Gasnier : photographie, 1911.

Le René Gasnier n° 1 au château du Fresne : photographie, 1907.

Musée régional de l’Air, Angers-Marcé.

Musée régional de l’Air, Angers-Marcé.

Rochefort-sur-Loire. René Gasnier vole sur son appareil n° 2 dans la Grand’Pré, 17 septembre 1908 : photographie Fleury, 1908. Musée régional de l’Air, Angers-Marcé.

René Gasnier (1874-1913) se consacre d’abord aux ballons, puis, à partir de 1907, travaille à mettre au point un aéroplane. Il est le premier à voler en Anjou et organise, en 1910, la première course d’aéroplanes de ville à ville, entre Angers et Saumur.

Calendrier 1910 offert par Le Petit Journal : calendrier Léopold Verger & Cie, Paris, 1910. Arch. dép. Sarthe, 1 J 1184.

17


Les frères Wright et les Bollée :

une aventure humaine

Les W de Wil phie si Henri

Arch. d

Wilbur et Orville Wright : les frères pionniers Une enfance prometteuse...

T

Il rejoint alors Orville qui s’est pris de passion pour l’édition. Les deux frères conçoivent une presse et éditent

roisième et sixième enfants de Milton

leurs propres journaux. En 1890, le West Side News,

et Susan Wright, Wilbur (16 avril 1867

hebdomadaire local, connaît un succès d’estime, une

– 20 mai 1912) et Orville (19 août 1871

petite année durant. Viennent ensuite The Evening

– 30 janvier 1948) sont attirés, dès leur

Item, puis The Tattler. Ils y participent pendant trois

plus jeune âge, par les défis intellectuels

numéros pour aider un de leurs amis, Paul Laurence

de toutes sortes. Lorsque Milton Wright,

Dunbar, qui devient plus tard le plus célèbre des poètes

ecclésiastique, puis évêque, s’installe avec sa famille à

noirs américains.

Dayton (Ohio) en 1870, il a déjà inculqué à ses enfants un vrai goût pour la technique.

Du vélo à l’avion…

La première rencontre des frères avec les engins volants

En 1892, ils découvrent le vélo « moderne » à deux

date, pense-t-on, de 1878, lorsque leur père fait entrer

roues de dimension égale. Jusqu’alors pratiqué par les

dans le foyer un hélicoptère miniature, dont ils s’inspi-

athlètes, le vélo était composé d’une grande roue et

rent, bien plus tard, en en reproduisant les plans pour

d’une plus petite.

en analyser le fonctionnement.

Les frères sont connus pour leur ingé-

Au sortir de l’adolescence, Wilbur sem-

niosité et leurs compétences en méca-

ble promis à de brillantes études à Yale

nique. Après avoir assuré les répara-

et rêve de devenir enseignant. Mais le

tions de vélos des proches et amis, il

destin en a décidé autrement. Un acci-

ouvrent leur propre magasin en 1893 :

dent de hockey sur glace et la maladie

la Wright Cycle Exchange, qui devient

de sa mère vont définitivement changer

vite la Wright Cycle Company. Ils

son avenir.

bricolent, vendent et réparent tous les cycles de leur quartier et de la ville.

Wilbur Wright aux commandes de son biplan, [Auvours], 1908 : lithographie original de René Hermann-Paul, [1908] Arch. dép. Sarthe, 4 Fi 576.

Wilbur & Orville Wright : carte postale, photographie Amiet, impr. -photographe Ch. Collas et Cie, Cognac, 1908. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 2314.

18

Portra Wrigh signé Perrin

Coll. A


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Les Wright, portrait en pied de Wilbur et Orville : lithographie signée Weiluc [LucienHenri Weil], 1910. Arch. dép. Sarthe, 4 Fi 597.

Portrait en buste de Wilbur Wright : aquarelle et fusain, signé « Mr Wilbur Wright, Perrin 08 ». Coll. A.C.O.

Wright : impr. 1908.

Fi 2314.

19


Vol de Kitty Hawk (Caroline du Nord), le 17 décembre 1903 : photographie anonyme, 1903. Coll. Perier.

Le premier vol motorisé a lieu à Kitty Hawk le 17 Mais ils ne tardent pas à inventer leurs propres modèles,

décembre 1903 sur un engin volant baptisé Flyer I,

en 1896 :

auquel ils ont intégré un moteur de 12 chevaux.

le Van Cleve (haut de gamme) et le Saint Clair (plus

Les frères Wright sont très secrets ; ils protégent jalou-

commun). Un vrai succès.

sement leur invention. Il n’y a donc pas de témoin à Kitty Hawk ni même à Dayton le 5 octobre 1905, où

Marqués par les expériences d’Otto Lilienthal, dès 1899,

le Flyer III vole pourtant en cercles durant 38 minutes

ils se passionnent pour un nouveau défi : la machine à

et sur près de 40 kilomètres.

voler ! De 1899 à 1905, sept modèles d’avion voient le jour, au travers de nombreuses expériences, avec la précieuse aide d’autres pionniers, comme Octave Chanute. Ils recherchent un lieu propice avec assez de vent constant pour aider au décollage et des étendues de sable pour amortir les chutes éventuelles. Les dunes en Caroline du Nord et le site de Kitty Hawk font l’affaire.

Vol de Dayton (Ohio), le 5 octobre 1905 : photographie anonyme, 1905. Coll. Comité du Centenaire - NASA.

20


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

La famille Bollée : le gêne de l’invention utile Les inventions de la dynastie Bollée ont lié à jamais l’image de la Sarthe à celle de l’univers automobile.

E

avec transmissions à cardan, premier 4 X 4. Suivent les types nouveaux : La Mancelle, la MarieAnne, La Nouvelle, La Rapide…, la vente de licence à l’étranger… tout en continuant la fonderie de cloches

n 1838, Ernest-Sylvain Bollée crée en

et des recherches pointues en acoustique.

Sarthe une fonderie de cloches qui produit ensuite aussi des éoliennes et des

Les fils d’Amédée marchent sur les traces de leurs

béliers hydrauliques. Suivant les traces

ancêtres. Amédée fils construit des locomotives et

de son père, Amédée Bollée, né en

expérimente des moteurs à essence. Pour faciliter

1844, construit en 1873 L’Obéissante,

les calculs fastidieux des cloches, Léon invente en

première voiture automobile conçue comme un ensem-

1889 la première machine à calculer à multipli-

ble. Elle est équipée de moteurs en V, de quatre roues

cation directe, remarquable réussite de fabrication

indépendantes et d’une direction à deux pivots. 1875 voit la réalisation d’un véhicule à quatre roues motrices et directrices

mécanique. Dans la famille Bollée, on travaille en « banque d’idées et de moyens ». Léon Bollée, inventeur et constructeur automobile au Mans : photographie extraite de Le Mans, un siècle de passion avec l’Automobile-Club de l’Ouest, début XXe s. Coll. A.C.O.

L’Obéissante en cours de construction, en 1873. Amédée père, Ernest-Jules et Augute, dans la cour de la fonderie, au Mans : photographie [Bollée], 1873. Arch. dép. Sarthe, 30 Fi (dépôt Bollée).

21


Quand un moteur à explosion est prêt, Amédée et Léon, chacun selon son tempérament, l’utilisent. Amédée crée et commercialise sa N°1. Léon, passionné par le vélo, choisit une « voiturette » à trois roues, légère et très cycle. Ils en vendent chacun des licences. Camille, le troisième frère, utilise ces engins pour réaliser les premiers véhicules automobiles de pompiers. Le voiturette Léon Bollée est rendue célèbre en Angleterre par le rallye Londres-Brighton. Léon et les frères Wright ont en commun le goût de la technique et, plus spécifiquement, le vélo. Léon en conçoit, jusqu’au pédalo ; Wilbur et Orville en fabriquent. L’expérimentation technique doit faire se rencontrer ces deux familles. Léon manque pas de provoquer ce rendez-vous de l’histoire. C’est 1908.

Amédée père, à côté d’une cloche Bollée, à la fonderie de la rue Sainte-Hélène, au Mans : photographie Bollée, [avant 1917]. Arch. dép. Sarthe, 30 Fi (dépôt Bollée).

Arrivée de la course ChartresÉtampes. Voiturette Bollée à 2 pistons : photographie anonyme, 28 avril 1898. Arch. dép. Sarthe, 18 J 1513.

22


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

La rencontre de deux familles d’inventeurs : l’alchimie opère... C’est en Sarthe, en 1908, deux ans seulement après le premier Grand Prix automobile de l’histoire, que se produit la rencontre entre deux univers : l’automobile et le monde naissant de l’aviation.

C

un premier vol de plus de 50 kilomètres en circuit fermé avec passager et un second huit jours plus tard, fournir un appareil biplace et former les trois premiers élèves pilotes au monde. De plus, si, dans les quatre mois, un autre aviateur parvient aux mêmes résultats, le contrat sera annulé.

et échange marque le tournant décisif des débuts de l’aviation moderne. La

Au sujet de ce contrat, le capitaine Ferber, qui lui

venue de Wilbur Wright en France est

n’avait obtenu aucun subside pour ses essais en

financée par deux puissants mécènes

1899 et 1901, déclare, plus tard, amer : « en 1908, il

industriels : Lazare Weiller, président

me semble bien surprenant que certains capitalistes

de la Compagnie générale de naviga-

consentent à payer très cher une chose qu’il y a déjà

tion aérienne, futur député de la Charente, et Henri

trois ans, ils comptaient avoir pour rien ».

Deutsch de la Meurthe. Les frères Wright relèvent le défi et acceptent le

Le consortium Weiller, sur l’idée

contrat. Toutefois, Wilbur vient seul en Europe : son

d’Hart O. Berg, ingénieur chez

frère Orville reste aux États-Unis où il poursuit les

Clément-Bayart, agent des

expérimentations pour l’armée américaine.

Wright en Europe, propose

Une fois en France, avec l’appui d’O. Berg, négo négo-

500 000 francs or aux frè-

ciateur et interprète, Wilbur Wright cherche

res Wright qui, en contre-

un terrain d’expérimentation. Il pense d’abord

partie, doivent accomplir

avoir trouvé un terrain à Blain (Loire-Atlantique),

Henry Deutsch de la Meurthe (magnat du pétrole, financeur de la venue en France de Wilbur Wright) : photographie anonyme, [s.d.]. Coll. Association de Fresnes à Ecquevilly.

Wilbur et Orville Wright chez Léon Bollée, en compagnie de madame Bollée et de René Pellier (entre le 25 mars et le 1er mai 1909) : photographie Jagot, 1909. Arch. dép. Sarthe, 23 Fi 2595.

23


Wilbur Wright et Léon Bollée, à côté de Paul Jamin, devant l’usine Bollée (ateliers des Sablons, route de Paris, au Mans) : photographie anonyme, [1908]. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 124.


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

à 40 km au nord de Nantes, en bordure de la forêt

des États-Unis ? Sans doute les douanes françaises ont-

de Gâvre : une vaste lande rase de plus de 53 hectares,

elles été peu soigneuses…

servant autrefois d’hippodrome. Mais ce terrain est

Le tout est acheminé en l’état dans l’usine automobile

trop loin de Paris.

Bollée, où il est assemblé. Il est ensuite tracté vers le hangar construit spécialement au champ de courses

Le 2 juin 1908, Léon Bollée, qui a entendu parler de

des Hunaudières, appartenant au comte de Nicolay.

cette recherche d’espace pour voler, contacte Hart O.

Wilbur Wright attend alors des conditions météorolo-

Berg et l’invite à venir au Mans. Il lui propose pour

giques favorables.

remonter le Flyer un atelier de son usine d’automobiles. O. Berg demande « une surface d’environ 800 à 1000 mètres de long et 4 à 500 mètres de large, autant que possible privée d’arbres ». Dans L’Auto,, interviewé par François Peyrey, Wilbur Wright déclare avoir choisi comme terrain définitif le champ de courses du Mans que propose Bollée : « Le terrain est loin d’être plat et découvert ; il est ondulé, planté de quelques arbres et ne mesure que 800 mètres de long sur 335 mètres de large. Il me suffit cependant. » Après quelques problèmes de passage aux douanes, l’aéroplane est transporté en caisses depuis Blain vers Le Mans. Lorsque Wilbur Wright

Lettre de Hart O. Berg à Léon Bollée concernant les préparatifs de l’aéroplane dans son usine ainsi que le terrain d’expériences de Wright au Mans, 4 juin 1908 Coll. A.C.O., Papiers 6..

et Hart O. Berg arrivent en train au Mans le 16 juin, ils ouvrent les caisses de l’aéroplane : quelques éléments sont cassés ou en mauvais état. Son frère aurait-il mal

Lazare Weiller (industriel du câble, financeur de la venue en France de Wilbur Wright) : photographie anonyme, 9 octobre 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 127 (extrait).

emballé les paquets au départ

25


Les flyers, des réalisations techniques de pointe Une machine à voler Un défi technique

M

aîtriser

un engin motorisé plus lourd que l’air. Pour réussir ce pari, le Flyer devra répondre à plusieurs un

engin

volant

critères :

demeure l’un des premiers

• être très souple : le centre de gravité est placé juste en

enjeux des aviateurs amateurs

dessous du centre de pression ;

européens ou américains et

• offrir très peu de résistance à l’avancement : toute

nos faucheurs de marguerites

queue ou quille doit être supprimée ;

«cassent encore beaucoup de

• disposer d’un système de propulsion performant : un

bois ».

moteur Wright et deux hélices contrarotatives (l’une tournant en sens inverse de l’autre) ;

A la suite de ses essais de Kitty Hawk (1903) et de

• être constitué d’organes de gouverne exactement

Dayton (1905), Wilbur Wright souhaite démontrer aux

proportionnés : un gouvernail d’avant composé de

yeux du monde la maîtrise de vols reproductibles par

deux plans parallèles et un gouvernail d’arrière formé de deux petits plans verticaux parallèles ; • avoir la capacité de voler dans la durée : les frères Wright conçoivent un

L’aéroplane Wright, élément du projet de monument commémoratif : dessin par Paul Landowski, [s.d.]. Coll. musée Landowski, musée des années 30.

26


Paul Doumer (futur président de la République) et Hart O. Berg à côté de l’aéroplane à Auvours, le 31 octobre : photographie anonyme, 1908. Coll. A.C.O., album 204.

moteur de 16 chevaux et 4 cylindres, capable de fonc-

des ailerons) et la gouverne de direction. La commande

tionner pendant 2 h 20 mn.

de gauchissement des ailes permet au pilote de main-

Wilbur Wright réussit, de surcroît, l’exploit de coupler

tenir l’avion en vol stabilisé ou de l’incliner pour virer,

deux trouvailles : le gauchissement des ailes (précurseur

la gouverne de le diriger à volonté. L’engin L’engin, depuis le plus petit organe du moteur jusqu’au moindre fil de la voilure, a été pensé, conçu par Wilbur et réalisé de sa main. Il en maîtrise donc jusqu’au plus infime détail. L’avion se compose de deux plans sustentateurs de 12,5 m d’envergure et de 2 m de long, reliés entre eux par des montants de bois et des fils de métal, offrant ainsi une surface d’appui à l’air de 50 m².

La Conquête de l’Air. 46. L’Aéroplane de Wright vu par l’arrière et laissant voir le gouvernail, les deux hélices, le moteur et les plans de suspension [aux Hunaudières] : carte postale, photographie Branger, ND [Neurdein], 1908. Arch. dép. Sarthe, 13 F 1155/32.

27


Il est muni d’un gouvernail, composé de deux plans de 4,5 m d’envergure et de deux ailerons verticaux en demi-lune. Des patins de 5 cm de large supportent l’ensemble de l’appareil, qui pèse 400 kg. Le moteur modifié, conçu et fabriqué par la maison Barriquand-Marse, développe 25 chevaux à 1400 tours et pèse 90 kg. Ses bougies se trouvent sur les culasses et le courant leur est fourni par une magnéto haute tension Eisemann. Un réservoir d’essence de 50 l est placé entre le moteur et le siège passager. L’arbre du moteur, à l’arrière, porte deux pignons, qui entraînent, par l’intermédiaire de chaînes, deux hélices de bois de 2,60 m de diamètre. Intérieur du hangar appelé par les Wright « shed hangar », servant de remise à l’aéroplane et construit selon leurs plans : photographie anonyme, [1908]. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 5.

Lettres de Hart O. Berg à Léon Bollée au sujet des devis pour la construction du hangar des Hunaudières, 18 juin 1908. Coll. A.C.O., Papiers 15 a-b.

28


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Un jeu de construction Montage et envol

U

Descendu de sa remorque, acheminé sur le terrain par ne fois assemblé dans l’usine

deux petits chariots à roue, l’aéroplane est lancé par

Bollée, le démontage du flyer,

propulsion en glissant sur un rail de bois de 21 m de

réalisé en 15 mn, et le trans-

long, à l’aide d’un contrepoids de 700 kg accroché à

port de l’aéroplane sont des

un pylône, qui tombe de 5 m de hauteur. L’aide, qui

jeux d’enfant. Ainsi, le 4 août,

tient l’appareil en équilibre, le lâche. Wright déclenche,

à 21 heures, les gouvernails, le

au moyen d’un petit levier placé sous son siège, le

moteur et les hélices sont placés entre les deux plans,

décrochage du fil de maintien et l’aéroplane est alors

sur un essieu arrière de voiture, le tout tracté par une

lancé à la vitesse inouïe de 55 km/h au sortir du rail.

automobile 24 HP Bollée, conduite par Léon Bollée, tandis que Wright et O. Berg veillent sur l’aéroplane.

L’appareil se pilote des deux mains : la gauche pour

De même, le 18 août, il est transporté sur une Bollée

le levier du gouvernail de profondeur, qui permet

en direction d’Auvours au travers de Ruaudin et de

de s’élever ou d’atterrir ; la droite pour le levier de

Changé en un peu moins d’une heure.

gauchissement et de gouvernail arrière, qui permet de

Levage du contrepoids de lancement (à Auvours) : photo-carte postale anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 13 F 1155/33.

29


pencher à droite, à gauche et de virer. De plus, en sus du pilote, qui n’est plus en position allongée comme sur les Flyers précédents, mais assis, il est possible d’accueillir un passager sur un second siège. De pannes en déchirures Si beaucoup de vols se déroulent sans encombre, des incidents ou accidents émaillent, ça et là, les essais de Wright en Sarthe. Le 4 juillet, alors que Wilbur Wright fait des essais moteur à l’usine Bollée, un tuyau de circulation d’eau se dessoude faisant jaillir un jet d’eau et de vapeur qui brûle l’aviateur sur tout le côté gauche. Il perd connaissance. Bollée fait immédiatement appliquer un pansement à l’acide «picrique». L’accident est sans conséquence. Le 8 août, aux Hunaudières, alors que le public attend avec impatience l’envol annoncé de l’oiseau américain, une aile se déchire durant le transport entre le hangar et la piste, dommage rapidement suivi d’une panne moteur. Léon Bollée doit insister pour que Wilbur Wright accepte de voler. Le 11 août, un pan de toile se déchire ; le 13 août, l’aile gauche se brise à l’atterrissage. Le 20 août, le pylône est endommagé et, le 31, le patin arrière se brise. Le 3 septembre est une catastrophe : le moteur a des ratés, le pylône tombe et brise deux de ses pieds, les soupapes sont encrassées et la pluie se met à tomber… Après deux pannes, Correspondance d’Hart O. Berg à d’Estournelles de Constant évoquant dans le dernier paragraphe un problème technique pendant le vol du matin du jour même, 31 août 1908. Arch. dép. Sarthe, 12 J 193.

les 11 et 12 septembre, le moteur est entièrement démonté, trois jours durant. De pannes en déchirures, Wright ne s’avoue jamais vaincu : bien décidé à prouver au monde de l’aviation qu’il peut surpasser ses résultats effectués aux ÉtatsUnis, il assure toutes les réparations sur place ou à l’usine Bollée.

30


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Retrait de l’aile accidentée le 13 août aux Hunaudières : photographie Bureau, 1908. Wright State University Libraries, Dayton (États-Unis), 17-3-6; N370.

Deux dames examinent l’aéroplane accidenté, le 13 août : photographie anonyme, 1908 Wright State University Libraries, Dayton (États-Unis), 17-4-2; N489..

31


Les vols de Wilbur Wright en Sarthe L’hippodrome des Hunaudières. Le premier vol en Europe.

L

e 4 août, tout est prêt. Amateurs,

pour aujourd’hui. Et pourtant, Léon Bollée insiste.

curieux et journalistes sont à l’affût,

On repart, on lance l’engin, il décolle !

les essais vont commencer, mais quand ? La presse harcèle Wright, au

A 18 h 25, l’aéroplane Wright prend son envol. Durant

point que le 7 août, il s’échappe par

1 mn et 46 s, il parcourt 3,5 km. L’engin de bois aux

une fenêtre pour éviter de répondre

ailes en toile de lin fait trois cercles au-dessus des spec-

aux questions.

tateurs à une hauteur de 15 à 20 mètres. Ses virages

Le 8 août, enfin, l’aéroplane est acheminé du

inclinés impressionnent les spectateurs présents : ils ne

hangar à la piste d’essai : une aile est endom-

connaissaient jusqu’ici que les immenses virages « à

magée, le moteur toussote. Ce n’est pas encore

plat » des expériences précédentes.

Aéroplane au-dessus des tribunes des Hunaudières, à 18 h 25, le 8 août 1908 : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 122.

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☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Wilbur Wright au camp d’Auvours. Magnéto Lavalette Eiseman : lithographie d’un dessin d’Ernest Montaut pour la publicité des magnétos Lavalette Eiseman, copyright MM Paris, 1908. Arch. dép. Sarthe, 8 Fi 1540.

Wilbur Wright. Auvours – Hunaudières. Novembre 1908 : reproduction imprimée d’une peinture de Paul Lengelli, s. d.

L’aéroplane devant le hangar des Hunaudières, le 8 ou 10 août 1908 : photographie anonyme, 1908.

Arch. dép. Sarthe, 4 Fi 598.

Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 83.

Il finit par se poser à 20 m de son point de départ.

l’aéroplane dirigé par M. Wilbur Wright, s’est élevé

Les spectateurs, dont Louis Blériot, René Gasnier ou

dans les airs… » (Extrait de La Sarthe, 8 août 1908.)

Ernest Zens, viennent saluer Wilbur Wright.

Des vols s’enchaînent alors tous les jours du 10 au

Henri Delgove, jeune manceau de 14 ans, qui est à

13 août, jusqu’à plus de 8 mn en vol et 10 km par-

l’initiative du monument Wright au Mans en 1920,

courus.

témoigne : il le voit « s’incliner fortement sur la gauche,

Très vite, l’espace des Hunaudières devient trop petit.

tourner un quart de cercle puis, se redressant, piquer

Il faut trouver un autre terrain. Dès juin, Léon Bollée

vers l’extrémité du terrain, disparaissant bientôt, mas-

avait déjà proposé à O. Berg de mettre à sa disposi-

qué par la tribune... »

tion le terrain d’artillerie militaire d’Auvours. Wilbur se déplace finalement vers Auvours, suffisamment vaste

Le soir même, la presse se fait l’écho de ce vol :

pour accomplir de longs vols en circuit fermé.

« C’est aux Hunaudières que

Le 12 août, un nouveau hangar

Wilbur Wright a fait le 8 août

est construit à Auvours pour abri-

1908 à 18 h 30 sur le champ de

ter et l’avion et l’aviateur.

courses des Hunaudières près du Mans, une première expérience qui a été couronnée d’un plein succès. Dès le premier essai,

Préparatifs de départ de l’aéroplane Wright : carte postale, série « Sports – Aviation », photographie Branger, 1908. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 1388.

René Pellier en tête de file, suivi de Vincent Wiesenbach, le mécanicien de Wilbur, participe au levage du contrepoids de lancement. On distingue Léon Bollée près du pylône, tandis que Wilbur Wright se tient au nez de l’aéroplane.

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Sports - Aviation - L’Aéroplane Wright en plein vol [aux Hunaudières] : carte postale, Édition ELD [E. Le Deley], 1908.

Spectateurs aux Hunaudières, près du poste des commissaires de l’Aéro-Club de la Sarthe : photographie anonyme, 1908.

Arch. dép. Sarthe, 13 F 1155/35.

Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 133.

Le camp d’Auvours. Le temps des records. Devant l’ampleur du succès populaire, le Flyer, tracté par Léon Bollée, s’achemine le 18 août vers le camp d’Auvours.

Le 16 septembre, Wright décide de concourir pour deux prix : . la coupe Michelin, récompensant le record de distance en circuit fermé (échéance au 31 décembre 1908,

Du 21 août 1908 au 2 janvier 1909, 120 vols y ont

prix : 20 000 francs),

lieu.

. le Prix de la commission de l’aviation de l’Aéro-Club

W

right, qui jusqu’alors avait

de France pour 1908, attribué au record de distance

refusé tout vol devant

en circuit fermé (échéance au 30 septembre 1908, prix :

témoins, donc toute forme

5 000 francs).

d’homologation avant son

Puis, comme son atout reste la hauteur, il décide de

séjour en France, accepte

concourir pour deux autres prix :

le contrôle et la validation

. le Prix de la hauteur, créé par l’Aéro-Club de la

officielle de ses records par l’Aéro-Club de la Sarthe,

Sarthe,

habilité par l’Aéro-Club de France.

. le Prix des 25 m de hauteur, créé par l’Aéro-Club de

Le 22 août, le comité de l’Aéro-Club est invité et, le

France pour l’année 1908.

24 août, sont plantés les jalons de contrôle.

Dès le 16 septembre, au coucher du soleil, avec Ernest Zens, il bat le record du monde de vol à deux, à une hauteur de 12 m. Inscrit pour ces deux prix les 17, 18 et 19 septembre, il doit momentanément y renoncer après l’annonce du grave accident survenu à son frère Orville à Fort Myer, près de Washington.

34


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Le 21 septembre, Wilbur Wright concourt pour la

Le 30 septembre, Wright remporte le Prix de la com-

coupe Michelin sur un triangle dont les côtés mesurent

mission de l’aviation de l’Aéro-Club de France, record

1 000 m, 700 m et 300 m.

de distance en circuit fermé avec 48,12 km.

Les résultats retenus, arrêtés à la tombée de la nuit,

Le 5 octobre, le Daily mail propose un prix de 250 000

sont spectaculaires : 19 tours en 52 mn 38 s, soit

francs pour la traversée de la Manche. Tout le monde

38 km.

a les yeux rivés vers la Sarthe : Wright est le meilleur

Wilbur Wright a effectué les 5 premiers tours en 26 mn

candidat que l’on puisse trouver.

14 s, soit 2 mn 45 s par tour.

A partir du 6 octobre, l’aéroplane prend le nom de

Devant près de 10 000 personnes, «l’Homme-Oiseau»

flyer.

a battu tous les records du monde de distance et de

Le 11 octobre, le contrat du consortium Weiller étant

durée.

quasi rempli (hormis l’instruction des trois élèves), Wright se voit proposer la moitié du prix convenu, soit 250 000 francs, somme prodigieuse pour l’époque. A cette date, en effet, le prix de l’aéroplane seul est estimé à 25 000 francs. Le 13 novembre, pour la première fois, Wright fait la démonstration que la catapulte ne lui est pas indispensable pour disputer le Prix de la

Tour d’observation de la commission de l’Aéro-Club à Auvours : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 125.

Auvours, atterrissage de l’aéroplane : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 5 Fi 724 (reproduction). Original : musée de l’Air et de l’espace, collection Monde et caméra. (réf : M et C 1947).

35


La Conquête de l’air au Camp d’Auvours, près du Mans (10 octobre 1908). L’aviateur Wilbur Wright regarde d’un mauvais œil l’indiscret photographe: carte postale, édition Éd. Housseau, Le Mans, 1908. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 7921.

hauteur de l’Aéro-club de la Sarthe. Il a fait allonger le

Le 31 décembre, en présence de Barthou, ministre des

rail d’une dizaine de mètres et s’envole avec l’aide de sa

Transports, il remporte la coupe Michelin, en parcou-

seule vitesse et des deux hélices. Il remporte le prix, en

rant un second vol de 124,700 km (retenu 123,200 km.)

passant au-dessus d’une rangée de six ballons placés à

en un peu plus de 2 h 20 mn (retenu 2 h 18 mn).

30 m de hauteur et retenus par des filins.

Tous les records du monde sont battus. Le 31 décembre, trois drapeaux américains sont instal-

Le 18 novembre, il remporte le prix des 25 m de hau-

lés sur la piste en symbole de cette victoire exception-

teur de l’Aéro-Club de France, en dépassant de 10 m la

nelle sur les éléments.

ligne de six autres ballons, plus petits.

Son dernier vol en Sarthe a lieu le 2 janvier 1909, avant

Le 14 décembre, il s’engage pour le prix des 100 m de

que, le 4 janvier, l’aéroplane ne soit démonté dans

hauteur de l’Aéro-Club de la Sarthe, qu’il remporte le

l’usine Bollée et que, le 6, Wilbur ne rejoigne Paris.

18 décembre en survolant un ballon de 2 m de diamè-

Le 13 janvier 1909, Wright est à Pau, où il va créer la

tre, gonflé par Léon Bollée. Ce jour-là, son record est

première véritable école d’aviation.

homologué pour la coupe Michelin.

Arrivée de Barthou, ministre des Travaux publics, à Auvours, le 31 décembre 1908 : carte postale, édition As de trèfle, 1909. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 7536.

36


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Dernière visite (25 mars - 1er mai 2009) Wilbur,

Orville

et

leur

sœur

lieu, ensuite, au siège de l’Aéro-Club. Le 26 mars dans

Katharina

arri-

l’après-midi, ils repartent pour Paris.

Bollée,

Wilbur et Orville reviennent le samedi 1er mai,

où ils vont séjourner, pour voir l’état d’avancement des

où un banquet d’adieu leur est offert à l’hôtel

nouveaux moteurs en construction ; Léon Bollée les

du Dauphin. Leur est remis le bronze du sculp-

conduit aux Hunaudières et au camp d’Auvours, sur

teur Louis Carvin La Muse de l’aviation fondu par

les traces de leurs records. Une cordiale réception a eu

la maison Siot-Decauville, à Paris, mais aussi une

vent

le

25

mars

1909

chez

Léon

plaquette d’or avec une vue du Mans et un aéroplane

ciselés

ainsi

que

le

produit

de trois nouveaux prix d’un total de 1000 francs. Le 2 mai, les frères Wright quittent définitivement la Sarthe.

Auvours, mise au point de l’aéroplane. Réglage du moteur et de l’hélice : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 91.

Les passagers du camp d’Auvours. Wilbur Wright a emmené quarante-trois passagers pendant ses vols au camp d’Auvours. Ces vols en binôme revêtent un caractère symbolique fort. ❖ ernest Zens : pionnier de l’aviation, il est le premier passager de Wilbur en Europe. ❖ Léon Bollée : un autre exploit pour le Flyer, qui transporte un Léon Bollée de 109 kilos. ❖ Paul Tissandier : l’un des trois élèves pilotes de Wilbur. Il fait venir les Wright à Pau, sa ville d’origine, en 1909. ❖ Charles de Lambert : un autre élève de Wilbur, qui survole Paris en octobre 1909, reliant Port-Aviation à la tour Eiffel. ❖ Capitaine Lucas-Girardville : le troisième élève de Wilbur. Il revient au Mans en 1928. ❖ Édith Berg : épouse de Hart O. Berg, agent des Wright pour l’Europe.

Atterrissage du Flyer devant le hangar, avec à son bord en passager Charles S. Royce (fondateur de Rolls Royce), le 8 octobre 1908 : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 123.

37


Franck Hedges Butler (fondateur de l’Aéro-Club d’Angleterre) installé à côté de Wilbur Wright aux commandes de son aéroplane, le 8 octobre 1908 : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 110.

38


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

❖ Paul Painlevé : futur ministre et Président du Conseil. Premier scientifique à avoir volé en avion. ❖ René Gasnier du Fresne : pionnier de l’aviation ; le premier à voler en Anjou. ❖ Docteur Giovanni Pirelli : fondateur de la célèbre manufacture de pneumatiques. ❖ Paul Doumer : député, futur ministre. ❖ Georges Durand : co-fondateur de l’Automobile Club de la Sarthe et de l’Aéro-Club de la Sarthe. Créateur des 24 Heures du Mans. ❖ Louis Barthou : ministre des Travaux publics et de la locomotion aérienne. Il annonce à Wilbur, en vol, qu’il va se voir remettre la Légion d’honneur.

Wilbur Wright et deux de ses futurs trois élèves, le comte de Lambert, à côté de lui, et le capitaine Lucas-Girardville, assis aux commandes de l’aéroplane, en novembre 1908 : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 111.

L’effervescence s’étend au-delà des frontières, avec de nombreux pays représentés : ❖ A. Michalopoulo : 11 ans, neveu de Léon Bollée, premier Grec à voler en avion.

John Rozendaal et un mécanicien, à l’arrière de l’aéroplane, le 8 octobre 1908 : photographie Bouveret (Le Mans), 1908. Arch. dép. Sarthe, 5 Fi 1331.

❖ Lieutenant Basile Soldotenkow : attaché militaire de l’ambassade de Russie à Rome, premier Russe à voler en avion. ❖ Griffith Brewer : membre de l’Aéro-Club de GrandeBretagne, premier Anglais. ❖ Arturo Mercanti : co-fondateur de l’autodrome de Monza, premier Italien. ❖ Baron Oskar Von der Lancken-Wakenitz : premier Allemand. ❖ Marquis de Viana : premier Espagnol.

Wilbur Wright debout devant Robert Baden-Powell installé dans l’aéroplane, le 8 octobre 1908 : photographie anonyme, 1908. Coll. A.C.O., album 202.

39


Un grand enthousiasme Wilbur Wright et les médias. Les journaux contribuent à stimuler la compétition entre les pionniers, à créer l’événement qui impressionnera les lecteurs, fascinés par les débuts de l’aviation, avides de records et de sensations fortes. Ils permettent aussi aux constructeurs de prouver la qualité de leurs appareils.

L

ors des vols en Sarthe, la presse françai-

L’Auto interviewe Wilbur qui révèle son choix du champ de courses du Mans. Léon Bollée gère les relations avec les journalistes, il les sollicite, les renseigne. Les relations entre Wilbur et les journalistes sont parfois difficiles : le 7 août, il saute par une fenêtre pour échapper à des caricaturistes. Le lendemain, il conclut un pacte avec les journalistes : ils ne publieront pas de photographies ou de dessins de l’aéroplane avant le 11 août et il ne se cachera plus.

se, et tout particulièrement les revues spécialisées, célèbrent les exploits des Wright. L’Aérophile annonce les essais de Wilbur Wright en France et François Peyrey dans

Lettre adressée à Léon Bollée par L’Auto, acceptant de recevoir des renseignements sur les vols, 25 juillet 1908. Coll. A.C.O., papiers 22.

Extrait du journal La Sarthe, 15 juin 1908. Arch. dép. Sarthe, PER 249.

Lettre de Frantz Reichel, journaliste sportif au Figaro, répondant favorablement à la demande faite par Léon Bollée de s’intéresser aux essais de Wilbur Wright, 3 juillet 1908.

40

Coll. A.C.O., papiers 20.


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Wilbur Wright aux Hunaudières. La foule autour de l’aéroplane, près du pylône de lancement, août 1908 : photographie portant un cachet « Photographie du Journal », 1908.

Vols de Wilbur Wright. Le public à Auvours, 21 septembre 1908 : photographie anonyme, 1908.

Musée de l’Air et de l’espace, coll. Monde et caméra 1930. Reproduction : Arch. dép. Sarthe, 5 Fi 722

XArch. dép. Sarthe, 5 Fi 1324.

Groupe de spectateurs avec des cycles, posant pour la photographie, entre le 10 et le 13 août 1908 : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 132.

Camp d’Auvours. Automobiles des spectateurs rangées en ligne : photographie anonyme, 1908. Coll. part.

La tribune des sociétaires, entre le 10 et le 13 août 1908 : photographie anonyme, 1908. Arch. dép. Sarthe, 24 Fi 135.

De juin à décembre 1908, la presse locale, La Sarthe

ajoute une photographie ou un dessin d’avion à un

notamment, rend compte régulièrement des expérien-

paysage ou à une vue de ville.

ces de Wilbur.

Au Mans, le 20 août 1908, le libraire Louis Joniaux vend des cartes postales et des photographies

De nombreuses cartes postales sont imprimées pour

représentant l’aéroplane des Wright. En novembre,

satisfaire le goût du public. On y voit les appareils, les

la maison Querville, rue des Minimes au Mans,

pilotes, les équipements et on y enregistre les perfor-

vend des cartes avec la silhouette de Wilbur Wright,

mances lors des rassemblements aériens. Beaucoup de

signées J.R.

ces cartes postales sont des montages : le photographe

41


W. Wright. Un vol à l’américaine : carte postale représentant une maquette de Giris, édition A.N., Paris, 1908. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 11130.

Wilbur Wright et la caricature Critiqué et raillé dès son arrivée au Mans, Wilbur

Ce public est égale-

Wright devient la coqueluche des caricaturistes fran-

ment objet de raillerie.

çais dont l’art, à la fois humoristique et contestataire,

En effet, l’aéronauti-

est très utilisé au début du XXe siècle pour illustrer jour-

que

naux et cartes postales, grands vecteurs d’information.

l’apanage de l’élite, le

C

est

jusqu’alors

fait de quelques aristocrates ou de riches bouromment ne pas y faire figurer

geois. Au Mans, on souhaiterait faire du champ de

l’aviateur américain, vedette de

courses des Hunaudières et du camp d’Auvours

cette année 1908, où la course à

des lieux « à la mode », à l’image du parc de Saint-

l’aviation est un enjeu national ?

Cloud. Mais le comportement de Wilbur Wright

Car ce qui est reproché à Léon

n’est pas celui d’un dandy et les terrains d’expé-

Bollée, Weiller et les autres, c’est

riences ne sont pas les belles pelouses de Paris. Il

de soutenir un Américain quand les pilotes fran-

est assez coquasse de voir les dames porter d’élé-

çais, si talentueux, ne bénéficient pas de l’aide du

gantes tenues… dans la boue d’Auvours !

gouvernement ! Par ailleurs, ces caricatures sont révélatrices de l’aérophobie sous-jacente. L’aviation naissante effraie autant qu’elle fascine. De nombreux pionniers perdent la vie au cours de leurs expériences hasardeuses. Le public important qui se presse aux vols espère souvent être témoin d’une dangereuse prouesse du pilote.

L’aviation a ses petits ennuis – Le Mans. Camp d’Auvours, 1908 : dessin signé Téo Maix, photographie et éd. J. Bouveret, Le Mans, 1908. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 7535.

Caricature représentant des personnalités hissant le contrepoids du pylône de lancement de l’aéroplane de Wilbur Wright, le 31 octobre 1908, à Auvours (de gauche à droite : Paul Painlevé, membre de l’Académie des sciences, Lazare Weiller, banquier, Orville Wright, Deutsch de la Meurthe, Mme Hart O. Berg, Léon Bollée, Wilbur Wright) : dessin sur calque, signé Téo Maix, 1908. Arch. dép. Sarthe, 4 Fi 570.

42


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Les trophées et les monuments à la gloire des Wright. Médaille de bronze de la Société universelle pour la Paix. Récompense remise le 23 août 1908 à La Flèche aux

Prix de la coupe Michelin (record de distance et de durée parcouru en circuit fermé) à échéance du 31 décembre 1908 : photographie contemporaine. Coll. Stephen Wright. Crédit photo : Stephen WRIGHT, Dayton (États-Unis). Copyright : Comité du Centenaire Le Mans Sarthe Wright 2008.

frères Wright par Paul d’Estournelles de Constant, sénateur de la Sarthe. Médaille d’or de l’Aéro-Club de France attribuée le 1er octobre 1908 aux deux frères, pour leurs vols aux Etats-Unis et en Sarthe. Médaille d’or de l’Aéro-Club de Grande-Bretagne, 27 octobre 1908. Médaille d’or de l’Aéro-Club d’Amérique, 2 novembre 1908. Coupe Michelin pour l’année 1908, remise le 12 janvier

Louis Carvin dans son atelier devant La Muse de l’aviation,

1909.

Arch. dép. Sarthe, 1 J 695/6.

Prix pour le record de distance et de durée parcouru en

Paul Landowski à côté du monument Wright en cours de construction : photographie anonyme, s. d. Musée Landowski, musée des années 30.

circuit fermé, à échéance du 31 décembre 1908. Organisée chaque année de 1908 à 1916, la coupe Michelin récompense par un prix de 20 000 francs,

Catalogue des œuvres exposées au Salon de l’Automobile dans le cadre du concours ouvert entre les sculpteurs français pour la coupe Michelin pour l’aviation, du 23 novembre au 13 décembre et du 24 au 30 décembre 1908, [s.d.].

offerts par André et Édouard Michelin, le pilote de l’appareil qui, avant le 31 décembre, au coucher du soleil, est détenteur du record, dans les conditions prévues par le règlement de l’année.

Coll. A.C.O.

Le règlement est rédigé annuellement par l’Aéro-Club de France suivant l’importance des progrès accomplis dans le domaine de l’aviation, puis ratifié par la famille Michelin. La première coupe Michelin est gagnée par Wilbur Wright pour le record de la distance en circuit fermé, sans contact avec le sol, et de durée pour aéroplanes montés par le pilote seul : 123 km et 200 m en 2 h 18 mn 33 s, au camp d’Auvours (31 décembre 1908). Afin de symboliser ce prix, est organisé un concours ouvert aux sculpteurs français pour l’exécution d’une œuvre d’art destinée à devenir la coupe Michelin pour l’aviation et à être offerte au gagnant. La coupe Michelin pour l’aviation est, en 1908, Le Triomphe de l’aviation, œuvre de Paul Roussel.

la maison Siot-Decauville (Paris), représente La Muse de l’aviation qui abrite sous son aile Orville et Wilbur Wright et leur fait contempler un aigle qui s’envole à leurs pieds. Sur le socle, on peut lire « Offert aux frères Wright par l’Aéro-Club de la Sarthe et par leurs admirateurs ». En sus de la coupe Michelin, œuvre de Roussel, prix de l’Aéro-Club de France, La Muse de l’aviation, 10e prix du concours pour la coupe Michelin, est offerte par l’Aéro-Club de la Sarthe et son président, Léon Bollée, aux frères Wright en souvenir des vols de 1908 aux Hunaudières et au camp d’Auvours. Elle leur est remise

La Muse de l’aviation, œuvre de Louis Carvin, 1909.

le 1er mai 1909, au cours du banquet organisé à l’hôtel

Ce bronze du sculpteur français Louis Carvin, fondu par

du Dauphin, au Mans. 43


Inauguration du monument Wilbur Wright, 17 juillet 1920 : photo – carte postale (auteur non identifié), 1920. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6475.

L’œuvre, actuellement propriété du Dayton Art Institute, Dayton (États-Unis), a été déposée à Hawthorne Hill, maison familiale des Wright. Louis Carvin crée également des bustes des frères Wright. Monuments Wilbur Wright décède le 30 mai 1912, Léon Bollée, le 31 décembre 1913. Dès 1913, un comité se forme pour commémorer les exploits de W. Wright ; il est présidé par le sénateur Paul

Buste de Wilbur Wright : dessin préparatoire par Louis Carvin, 1909. Arch. dép. Sarthe, 1 J 695/9.

d’Estournelles de Constant. La création d’un monument est confiée au sculpteur Paul Landowski. Il est érigé en hommage à Wilbur Wright, ainsi qu’aux précurseurs et

Le Mans – Monument de Wilbur Wright inauguré le 17 juillet 1920 : photographie A. Dolbeau, Le Mans, vers 1920.

aux victimes de l’aviation. Pour la réalisation de ce monument, un échafaudage est construit en vieux chêne provenant de la forêt de Jupilles

Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 8723.

par l’entreprise H. Boblet, au Mans. Grâce à celui-ci, on peut élever des pierres pesant près de 5 tonnes. Il est édifié place des Jacobins, à l’entrée de la rue (le

Dayton, Ohio), Camille Blet, préfet de la Sarthe, de

tunnel) qui porte le nom de Wilbur-Wright.

Lazare Weiller, sénateur du Bas-Rhin, Henry de La

La première guerre mondiale retarde le projet et la

Vaux, représentant l’Aéro-Club de France, et de Pierre

pose de la première pierre le 22 décembre 1918. Cet

Gasnier du Frêne, président de l’Aéro-Club de l’Ouest.

événement donne lieu à une fête franco-américaine, avec la participation de contingents américains, polo-

D’autres monuments dédiés à W. Wright en Sarthe

nais et français. Parmi les personnalités, sont présents

En 1931, l’Aéro-Club de France a fait poser à la fourche

Henry Simon, le ministre des Colonies, William G. Sharp,

d’Auvours une stèle de granit, de 10 tonnes environ,

ambassadeur des États-Unis, Paul Painlevé, ancien pré-

commémorant les vols des frères Wright et, plus parti-

sident du Conseil, Paul d’Estournelles de Constant, séna-

culièrement, ceux de Wilbur à Auvours.

teur de la Sarthe, Prix Nobel de la Paix, Alain d’Aubigny,

Ce monument est déposé en 1975 lors de travaux

député du Mans, Paul Landowski, le sculpteur, et Paul

d’aménagement routiers et n’est pas replacé immédia-

Bigot, l’architecte du monument.

tement ensuite. C’est en 1980 que, grâce aux efforts

A cette occasion, Paul Painlevé évoque, dans son

conjoints de la mairie d’Yvré-l’Évêque, du Conseil géné-

discours, l’impression profonde que lui fit le vol de

ral et à la municipalité du Mans, la stèle est à nouveau

1 h 9 mn qu’il effectua avec W. Wright le 10 octobre

érigée, sur un autre emplacement, celui des anciennes

1908. William G. Sharp, lui, regrette amèrement l’usage

usines automobiles Bollée, où le Flyer a été monté. Le

militairedésormais fait des avions.

choix de ce site, conseillé par H. Delgove, témoins des

L’inauguration du monument eut lieu le 17 juillet 1920,

vols, rend hommage tant à Wilbur Wright qu’à Léon

sous la présidence du maire du Mans, en présence

Bollée qui permit que ce grand événement eût lieu en

des représentants du gouvernement des États-Unis et

Sarthe.

du gouvernement français, de Myron Herick, ambassadeur en 1914, de Louis D. Beaumont (de

44

Une autre stèle est élevée en 1958, aux Hunaudières.


,

☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Première page du Petit Journal, Paris, 30 août 1908. Coll. Despert.

Les Wright après leur séjour sarthois.

L

es Wright obtiennent ensemble leur brevet, les n° 14 et 15, le 7 janvier 1909, sur un biplan de leur construction. Après son départ du Mans, Wilbur se rend à Pau, sur le terrain du Pont-Long, où il forme trois élèves : Charles de

Lambert, Paul Tissandier et le capitaine Paul-Nicolas Lucas-Girardville. Puis il se rend à Centocelle (près de Rome) où il forme deux nouveaux élèves. Les frères Wright reçoivent des marques d’honneur durant leur séjour en Europe, mais c’est évidemment à leur retour aux Etats-Unis qu’ils triomphent : ils sont accueillis comme « les plus grands aviateurs du

monde ». Ils abandonnent le pilotage et se consacrent à l’industrie aéronautique. Avec les progrès fulgurants de l’aviation, les vols se multiplient et se banalisent. Le public veut alors des sensations plus fortes. Les Wright créent en 1910 une troupe de pilotes d’exhibition appelée à sillonner l’Amérique. Par ailleurs, en Europe, des sociétés exploitant le brevet Wright sous licence sont créées, telles en France la Compagnie générale de Navigation. La concurrence dans le domaine de la construction aéronautique est forte dès 1909 et les Wright veulent protéger leur invention – le dispositif de gouvernes et le gauchissement des ailes, qui se généralise alors sur les avions français. En 1909 et 1910, la Compagnie générale de Navigation poursuit en justice les

Chanson sur les Wright signée Jean Ri, chansonnier montmartrois : A.C.O., papiers 1 a-c.

avions Antoinette, Blériot, Farman, Voisin et REP. C’est le début de la polémique…

Publicité pour les aéroplanes Wright : extrait du Aero Club of America Bulletin, mai 1912. Coll. Perier.

45


Salon décem

Coll. Pe

Les Salons de l’aéronautique. A partir de 1908 se tient chaque année au Grand-Palais le Salon de la locomotion aérienne. On y présente les progrès accomplis et on jauge les concurrents.

E

n décembre 1908 a lieu la XIe Exposition internationale de l’automobile, du cycle et des sports, organisée au Grand-Palais par l’Automobile Club de France. Une partie est réservée à l’aviation. Cette exposition

présente quatre dirigeables et seize aéroplanes (dont l’avion d’Ader, le Flyer des frères Wright, un monoplan Blériot, le Farman, l’Antoinette de Levavasseur, la Demoiselle de Santos-Dumont, le Delagrange de Voisin, un REP) ainsi que des moteurs (Antoinette, REP, Renault et surtout le nouveau moteur rotatif à 7 cylindres en étoile Gnome). Elle attire une foule immense. Du 25 septembre au 17 octobre 1909 est organisée la Première Exposition internationale de locomotion aérienne, à l’initiative de l’architecte André Granet et de Robert Esnault-Pelterie. Elle reçoit 10 000 visiteurs venus voir tous les acteurs de l’aviation : constructeurs, aviateurs, aéro-clubs… Dix-sept sociétés exposent des modèles d’aéroplane. Des appareils « historiques » sont exposés : le Blériot XI, qui a effectué la traversée de la Manche, et le Voisin grâce auquel Farman a réussi le premier kilomètre. Première Exposition internationale de locomotion aérienne au Grand-Palais : photographie E. Filiatre, Paris, 1909. Arch. dép. Sarthe, 12 J 195 (fonds d’Estournelles de Constant).

46


☛ Sarthe, terre de pionniers

Centenaire des vols de Wilbur Wright au Mans (1908-2008)

Salon international de l’Aéronautique, Grand-Palais, Paris, 24-31 décembre 1908. Stand Lazare Weiller : photographie, 1908. Coll. Perier.

47


Les démonstrations aériennes en Sarthe

E

n août 1909, la Semaine de Champagne

Avec la venue de Wilbur Wright au Mans, les Sarthois

a lieu à Bétheny, près de Reims. Un

ont pris goût aux manifestations aériennes et sont

demi-million de personnes y assiste aux

saisis, comme une grande partie de la population

exploits des aviateurs Wright, Latham,

française, d’un réel enthousiasme pour les prouesses

Blériot, Glenn Curtiss, Bréguet, Bunau

des pilotes.

Varilla (pilote de Voisin), Delagrange,

Dès 1911, des démonstrations aériennes ont lieu en

Farman, Paulham, Ferber, Lefebvre, Lambert.

Sarthe : à Château-du-Loir, au Lude, à Saint-Calais et, bien sûr, au Mans, du 26 au 28 août.A

En 1910, de nombreux meetings sont organisés dans

Si un seul pilote est présenté dans les petites localités,

lesquels les pilotes rivalisent d’audace et de vitesse.

en revanche, au Mans en 1911 et 1913, plusieurs

Ces performances publiées dans les journaux font du

aviateurs sont invités, dont des vedettes comme

pilote un véritable héros, tandis que l’appareil et son

Roland Garros ou Jules Védrines.

constructeur suscitent moins d’intérêt.

Meetings aériens à Mamers en 1913 : photographie Grignon, 1913. Arch. dép. Orne, 62 Fi 70-71.

FFêtes d’aviation au Mans les 26-28 août 1911. Garros sur Blériot : carte souvenir, J . Bouveret, Le Mans, 1911. Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 2644.

48

Fêtes d’aviation à Saint-Calais les 26-27 mai 1912 : extrait du journal Le Commerce de Saint-Calais, 17 mai 1912. Arch. dép. Sarthe, PER 16.


-Calais 1912 : merce 1912.

PER 16.


Bibliographie

Histoire de l’aviation :

Les Wright en Sarthe :

Louis Blériot, Yves Bouffetot, Bernard Crochet et al., L’aventure des pionniers de l’aviation, Paris, Hachette collections, 2004, 287 p.

Alex Poyer, Sarthois, souviens-toi ! 2 : Evénements civils et personnages célèbres, Le Mans, AR.DO.S, 1998, 96 p., (Archives et documents sarthois).

John Grand-Carteret, Léo Delteil, La conquête de l’air vue par l’image (1495-1909) : ascensions célèbres, inventions et projets, portraits, pièces satiriques, caricatures, chansons et musique, curiosités diverses, Paris, Libr. des Annales, 1909, 160 p.

« Le monument Wilbur Wright, avenue Bollée », dans La Vie mancelle, juin-juillet 1980, n° 195, p. 3.

Bernard Marck, Le rêve de vol. Mythes, légendes et utopies, Toulouse, Le Pérégrinateur Éditions, 2006, 211 p. Albéric de Palmaert, La fabuleuse aventure des débuts de l’aviation, Rennes, Éditions Ouest-France, 2007, 126 p. Luc Robène, L’homme à la conquête de l’air. Des aristocrates éclairés aux sportifs bourgeois, Paris, L’Harmattan, 1998, 2 vol., 495 + 511 p.

Les Wright : Tom Crouch, The Bishop’s boys, New-York, Londres, Norton and C., 1989, 606 p. Fred E. C. Culick, On great white wings : the Wright brothers and the race for flight, Hyperion, New-York, Madison press books, Toronto, 2001, 176 p. Donald B. Holmes, Wilbur’s story : aviation’s lift-off : France 1908, Londres, Lulu enterprises, 2007, XXIV-125-XXIX p. Wright State University (Dayton, Ohio), The Wright brothers collection : a guide to the papers of Wilbur and Orville Wright and related collections at Wright state university, Dayton, Wright state university, 2003, XVI-307 p.

Jacques de Lautrec, Jean-Louis Maffre, Alain Vaussard, Jean Watrin, Dans le ciel de Pau. Les débuts de l’aviation : Wright, Éd. Cairn, Pau, 2007, 301 p. H. Delgove, « 8 août 1908 : c’est en Sarthe que l’américain Wilbur Wright donne le coup d’envoi décisif à l’aviation », dans Cénomane, 1985, n° 16, p. 52-58. H. Delgove, « Il y a soixante ans, Wilbur Wright volait au Mans », dans La Vie mancelle, mai 1968, n° 86, p. 6-11. S. W. Kandebo, Wilbur Wright’s flights in France : Léon Bollée’s photographic record, 1908-1909, New-York, Chicago, San Francisco, Mc Graw-Hill, 2003, VIII-77 p.

Célébration du centenaire : Lucie Desnos, « 1908, Wilbur Wright vole sur le Flyer III en Sarthe », dans La Vie mancelle et sarthoise, septembre 2007, n° 394, p. 44.

Sources imprimées : La Sarthe, journal quotidien, années 1908, janvier 1909, mars 1909, mai 1909. Le Nouvelliste de la Sarthe, organe de défense religieuse et sociale, année 1908. L’Aérophile, revue technique et pratique des locomotions aériennes, Paris, année 1905-1912. La Revue aérienne, publication bimensuelle, Paris, année 1906-1909.

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L’aéroplane en vol à Auvours, 1908. Photographie portant un cachet « Photographie du Journal », 1908. Arch. dép. Sarthe, 5 Fi 1326.

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Commissariat de l’exposition : Benoît-Joseph Pédretti, conservateur du patrimoine, directeur des Archives départementales de la Sarthe Emmanuelle Foucher-Lefebvre, conservateur du patrimoine, directeur adjoint

Textes : Benoît-Joseph Pédretti Emmanuelle Foucher-Lefebvre Avec la collaboration de Fanny Coirard, Nelly Froger, Dominique Dufay-Peré, Stéphanie Lopé, René Despert (Archives départementales)

Graphisme : Studio Bigot, Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine) Impression : ITF, Mulsanne (Sarthe)

Montage de l’exposition : Chantal Guênerie, Sylvaine Ligneul, Évelyne Rolland, René Despert, Yves Gahéry, Jérôme Guillois, Denis Lefranc (Archives départementales). Coordination du catalogue : Emmanuelle Foucher-Lefebvre

Prix : 3 e ISBN en cours.

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- 2008 - 02 99 35 56 20

Numérisation : Franck Rousseau, R. Despert (Archives départementales de la Sarthe)


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