Les Alpes
mancelles
Art et tourisme
par monts et par vaux
L’histoire des Trois Compagnons. Une fraternité de peintres à Saint-Léonard-des-Bois (1930-1932) et à Fresnay-sur-Sarthe (1934-1939).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux Catalogue de l’exposition Les Alpes mancelles. Art et tourisme par monts et par vaux. Exposition organisée par les Archives départementales de la Sarthe, en partenariat avec Gil Galbrun-Chouteau, été-automne 2007 Textes : Gil Galbrun-Chouteau
P.
Remerciements : à Odile Leconte, pour avoir ouvert ses collections, à Aude Pessey-Lux, pour les recherches sur les peintres alençonnais, à Jean-Pascal Foucher et Odile Leconte, pour leurs conseils et pour avoir mis à notre disposition des fonds photographiques inédits, aux personnes et institutions qui ont contribué à cette exposition par leurs prêts : Conseil général de l’Orne (Archives départementales), Ville d’Alençon (Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle) Commune de La Fresnaye-sur-Chédouet, (musée du Vélo) et, plus particulièrement, M. Ivan Bonduelle.
P.
L
Les Alpes mancelles sont devenues au XIXe siècle un lieu touristique reputé dans l’ouest, visité par des touristes curieux de voir des paysages saisissants, une nature sauvage, un morceau de montagne incongru dans cette partie du pays. La qualité de l’environnement,
l’intérêt du patrimoine archéologique et historique ont conduit cette année même à la mise en place d’une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager regroupant dans un même avenir Saint-Léonard-des-Bois, Saint-Céneri-le-Gérei et Saint-Pierre-des-Nids, trois villages de trois départements.
Préface
du Président
Il y a quelques décennies, déjà, les frontières avaient été abolies dans un autre cadre : celui des échanges artistiques. Entre 1930 et 1939, à l’initiative du groupe des Trois Compagnons, Fertré, Raimbault, Langeron et Échivard, qui ont chacun marqué l’histoire de la Sarthe, on avait pu voir des artistes manceaux, ornais et autres, cultivant différentes expressions artistiques, exposer à Saint-Léonard-des-Bois, puis à Fresnay-sur-Sarthe. Je remercie vivement Gil Galbrun-Chouteau d’avoir proposé le sujet de cette exposition et d’avoir confié le résultat de ses recherches aux Archives départementales, prouvant une fois encore son intérêt pour les archives, son enthousiasme et sa confiance. Grâce à lui, ce sont dix années de l’histoire de l’art en Sarthe que nous redécouvrons aujourd’hui.
Roland du Luart Vice-président du Sénat Président du Conseil général de la Sarthe
P.
P.8
Introduction
P. 2
Les Trois Compagnons André Fertré René-Noël Raimbault Auguste Langeron Albert Echivard
Sommaire
P.20
Saint-Léonard-des-Bois en 1930
P.28
Les expositions au Bon Laboureur 1930 1931 1932 Une année de silence relatif
P. 6
Les expositions au château de Fresnay-sur-Sarthe 1934 1935 1936 De 1937 à 1939
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
D
Premières colonies de peintres à Saint-Céneri
Depuis le XIXe siècle, des artistes ont éprouvé le besoin de se retrouver en fonction de sensibilités proches. On connaît ainsi des “écoles” de paysagistes comme celle de Barbizon ou de Pont-Aven, maintenant entrées dans la culture nationale, voire internatio-
nale. Celle de Crécy-en-Brie est moins connue, tout comme celle du Faou ou la colonie américaine de Giverny. Une école, dite “de Saint-Céneri” (Saint-Céneri-le-Gérei est un village situé dans l’Orne, en limite des départements de la Sarthe et de la Mayenne) voit le jour vers 1880. C’est, pour notre région du Maine, celle qui reste la plus marquante. Dès le début du XIXe siècle, des peintres ont été émus devant les si-
tes grandioses des collines de fin du Massif armoricain. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, ce sont de plus notables artistes qui viennent y planter leur chevalet. C’est le cas de Jean-Baptiste Corot, Henri Harpignies et Eugène Boudin, pour les plus connus, qui fixent sur des toiles ces sites encore sauvages. Cinq ans plus tard, une colonie d’artistes vient régulièrement prendre pension dans les auberges du village. Les habitués de “l’école de Saint-Céneri” invitent des amis alençonnais ou parisiens à peindre
P. 8
à leurs côtés. Certains vont jusqu’à se fixer définitive-
❂ Dessin à la plume par L. Marcel, fin du XIXe s.
ment dans ce village1.
(Arch. dép. Sarthe, 6 J 10)
Saint-Léonard-des-Bois
Q
Quelques kilomètres plus loin, à
à Saint-Léonard-des-Bois et à Saint-Céneri son voisin, un
Saint-Léonard-des-Bois,
commune
pèlerinage pieux ou romantique, pour s’y guérir à son
située sur le territoire de la Sarthe,
choix du spleen ou des maux d’oreilles ». L’auteur de cet-
les berges de la rivière sont égale-
te phrase déclare plus loin, que, depuis les années 1810,
ment fréquentées par les peintres
ces “pèlerinages” s’effectuent « et que les merveilles du
Harpignies2 et Corot3 qui ne s’arrê-
lieu attirent une rare affluence ». Une description roman-
tent pas à la limite des départements
tique fait suite : « Ce sont des gorges étroites dominées
pour peindre. Tout aussi pittoresque
par des pics gigantesques, des ravins, des précipices, des
que Saint-Céneri, Saint-Léonard, très “sauvage”, est une
déchirements terribles et bizarres »5. L’auteur, afin de re-
commune que l’on sait visitée par les artistes depuis la fin
hausser l’originalité de ces confins, relate quelques ren-
du XVIII siècle . Un texte daté de 1846 traduit bien l’inté-
contres pittoresques. Citons celle qui l’a mis en contact
rêt artistique du lieu : « Tout bon habitant de la Norman-
avec un autochtone habitué à chasser les couleuvres et
die ou du Maine doit, une fois dans sa vie au moins, faire
autres serpents, à la main, afin de confectionner avec le
e
4
❂ Les Alpes Mancelles – Saint-Léonard des Bois, ferme de Linthe et fuie. Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 1677).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
long corps du reptile la lanière d’un fouet pour battre son âne. D’autres faits similaires, allant jusqu’au légendaires, sont également narrés. À cette époque, notre auteur
1 - Jean Arpentinier, Sarthe, terre d’artistes, Le Mans, éditions de la Reinette, 2001. Les travaux de Jean Arpentinier (décédé en 2005) sont d’indispensa-
couche au manoir de Linthe, puisqu’il n’existe alors pas
bles repères pour l’étude des peintres et autres artistes de nos régions.
d’auberge capable de recevoir le voyageur .
Orne, terre d’artistes, Alençon, éditions Proverbe, 1999
6
Saint-Elme Champ7, à peu près contemporain de ce récit, a laissé une gravure en clair-obscur représentant le site de
Nous ne saurons que conseiller aux amateurs d’y avoir recours : Perche, terre d’artistes, Le Mans, éditions de la Reinette, 2003. Pour ce présent travail, nous renvoyons le chercheur vers la bibliographie disponible en fin d’ouvrages de Jean Arpentinier, ainsi qu’à nos
Saint-Léonard depuis les rives de la Sarthe8. Elle confirme
publications dans la revue 303 en 1997, la revue Maine Découvertes
le romantisme du lieu.
depuis le début de l’année 2000 et à notre catalogue pour la rétrospec-
Quelques années plus tard, Saint-Léonard-des-Bois est
tive Gizard en 1991. 2 - Des vues de Saint-Léonard-des-Bois exécutées par Harpignies ont
devenu véritablement touristique. Durant l’été 1897,
été récemment repérées dans des collections privées. Nous avons per-
à titre d’exemple, Maurice Leblanc, le fameux auteur
possibilité d’en réaliser une étude.
d’Arsène Lupin, séjournant chez sa sœur Georgette, au côté de Maurice Maeterlinck, son amant, près de Bagnoles-de-l’Orne, découvre les Alpes mancelles et
sonnellement eu confirmation de leur existence sans toutefois avoir la 3 - Arch. dép. Sarthe, 18 J 512 (fonds Paul Cordonnier-Détrie). Ce document cite les mêmes peintres ayant séjourné à Saint-Léonard. 4 - Ibidem, 18 J 764 (fonds Paul Cordonnier-Détrie). 5 - Paul Delassalle, Excursions à Saint-Léonard-des-Bois
Saint-Léonard-des-Bois. Il est séduit par cette “contrée”9.
et Saint-Cénery-le-Géré, Mamers, 1846.
Des artistes sillonnent ces décors austères, représentent
(Orne) en 1845. Le nom de Géré est la déformation locale du nom d’une
la vallée de la Sarthe, les rochers, mais il faut attendre
famille seigneuriale : les Giroie.
1930 pour voir apparaître un groupe constitué de pein-
de Paris en 1833 et 1836. Il réalise pour l’imprimeur manceau Monnoyer
tres se regroupant en fratrie. Cette communauté d’esprit
une série de vues de la Sarthe qui constitue un fonds d’étude local ap-
prend le nom des Trois Compagnons. Il ne s’agit pas, à
6 - Delassalle rédige également une Excursion à Saint-Cénery-le-Géré
7 - Saint-Elme Champ est un peintre paysagiste qui exposa au salon
précié. 8 - Arch. dép. Sarthe, 18 J 764 (fonds Paul Cordonnier-Détrie).
proprement parlé d’une “école”, mais plutôt d’une “fra-
9 - Jacques Derouard, Maurice Leblanc Arsène Lupin malgré lui, Condé-
ternité de peintres”, très restreinte a priori, d’une durée
sur-Noireau, librairie Séguier, 1989. Leblanc décrit alors « l’âpre et pit-
de vie très courte. Cependant, elle recèle un intérêt qui
qu’on dénomme la Petite Suisse ».
dépasse le cadre départemental et mérite d’être mieux connue . 10
toresque contrée qui couronne au nord le département de la Sarthe et 10 - Nous ne parlerons pas ici de peintres habitants ou nés à Fresnay-sur-Sarthe (Charles Mouton-Dugasseau, André Jolivard, Maurice Brianchon, Marcel Grémillon, Georges Rouault dont le passage à Beaumont-sur-Sarthe est remarqué, Philippe Gaultier, pour ne citer qu’eux) et le canton qui sont, pour lors, hors de notre propos.
❂ Saint-Léonard-des-Bois, dessin de Saint-Elme-Champ, lithographie de Monnoyer, XIXe s. (Arch. dép. Sarthe, 18 J 764).
P. 0
Saint-Léonard-des-Bois
❂ Guide illustré du touriste dans les Alpes mancelles, publié par l’Ouest touriste et sportif pour l’été 1907 (Arch. dép. Sarthe, 18 J 512).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
Les trois (ou quatre) compagnons L’histoire ne devrait retenir, comme fondateurs du groupe des Trois Compagnons, que les noms d’André Fertré, d’Auguste Langeron et de René-Noël Raimbault. La carte d’invitation réalisée pour la première exposition ne cite qu’eux. Cependant, la découverte d’une sorte de journal inédit d’André Fertré nous permet de mieux cerner ces compagnons mousquetaires qui de trois, passent alors à quatre.
D
ans un article de presse, Louis Guérande fait parler Fertré11. On découvre que les trois premiers artistes réunis furent Fer-
❂ Exposition des Trois Compagnons à l’auberge du Bon Laboureur, 1930 : carton d’invitation collé dans l’albumsouvenir des expositions des Trois Compagnons réalisé par André Fertré. (coll. part.).
tré, Raimbault et Échivard. Tous les trois étaient manceaux et se côtoyaient régulièrement. Fertré explique que l’arrivée dans ce groupe de Langeron fut postérieure. Ce dernier vit au
quotidien à Saint-Léonard-des-Bois. Sans doute est-ce lui qui suggéra le lieu même de l’exposition. Pour ce qui est d’Échivard, le plus âgé de tous, il est à peu près certain qu’il laissa la place aux trois autres qui étaient, quant à
André Fertré
eux, de la même génération.
André Fertré (1886-1971) est un personnage atypique et
Dès la rumeur répandue d’une prochaine exposition des
l’un des artistes primordiaux de la peinture sarthoise de
Trois Compagnons à Saint-Léonard, trois nouveaux ar-
l’entre-deux-guerres, voire de la vie artistique locale, dont
tistes apparaissent : Pierre Térouanne , Julien Chappée
nous devrions plus nous honorer. Louis Émile Céleste Fer-
et Paul Cordonnier-Détrie. Par la suite, d’autres peintres
tré naît à La Flèche le 9 mai 188613. Comme il a vu le jour
venus de Laval, d’Alençon, de Rouen, puis de Paris vont
au prieuré Saint-André de cette ville, les habitués du jeu
compléter ce groupe de départ. Pour mieux cerner ce que
de boule de fort, que tenait son père, s’étonnent qu’on
fut cette “fraternité”, il est nécessaire de présenter les
n’ait pas prénommé l’enfant André. Qu’à cela ne tienne,
personnages clefs et de revoir les événements précédents
on le rebaptise à coup de rhum (d’aucuns tiennent que
qui pourraient expliquer ce regroupement.
c’était avec un vin blanc produit sur les coteaux voisins),
12
sur un billard (certains déclarent qu’il ne s’agissait que d’une vulgaire table), et c’est ainsi que, sa vie durant,
❂ André Fertré, Manoir de Bois-Après à Saint-Aubinde-Locquenay, dessin (techniques variées), 1939. (coll. part.).
P. 2
n-
s),
.).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
Louis Émile Céleste se prénomme usuellement André. Un
et authentiques dans leur conception. Ses gravures sont
enfant né sous de telles auspices ne pouvait qu’emprun-
proprement magistrales et mériteraient à elles seules une
ter de curieux chemins. Fils de cantonnier, il est ingénieur
étude approfondie. Ami fidèle et soutien inébranlable,
des Ponts-et-Chaussées. Encore jeune homme, il devient
il ne cesse de rencontrer d’autres artistes et concentre
presque accidentellement, durant l’été, le secrétaire par-
autour de sa personne un véritable cénacle. On le voit,
ticulier de Paul d’Estournelles de Constant, célèbre séna-
en véritable libertaire, défendre le peintre avant-gardiste
teur sarthois, futur prix Nobel de la paix. Avec le fils de
Gizard avec ardeur, tout comme le très classique et pau-
cet important personnage politique qui le tient en amitié,
vre Morancé15, le riche industriel dilettante Chappée, les
il visite Paris et profite des spectacles, des musées, enri-
amis Henri Denis du Pasty, Muller16, Aguilé, Du Boisrou-
chissant ainsi sa culture.
vray, les frères Gresser, et tant d’autres. Homme modeste
Quelque temps après s’être marié, il quitte La Flèche
et humble, il est très respecté et se fait apprécier de tous,
pour Le Mans. Là, il rencontre des poètes et des peintres
y compris de ceux dont il ne partage pas les choix pictu-
avec qui il sympathise. Fertré est un artiste autodidacte.
raux. C’est le personnage essentiel lors de la création de
Il ne suit rien d’autre que ce que ses sentiments lui sug-
ce groupe, son témoin, le gardien de sa mémoire.
gèrent. D’emblée, il s’attache aux artistes dissidents de l’école des beaux-arts de la ville. C’est l’ami privilégié de
René-Noël Raimbault
Gizard , le très talentueux dessinateur aquarelliste,
René-Noël Raimbault (de son nom d’état civil Raimbau-
d’Échivard dont on reparlera, de Poignant et de tous ceux
lt d’Hauterive) naît à Angers en 1882. C’est suite à une
qui se regroupent autour de Querville, galeriste de la rue
affectation comme professeur au lycée Montesquieu qu’il
des Minimes. S’éloignant de la peinture officielle des sa-
vient s’établir au Mans. Issu d’une toute autre catégo-
lons, ce groupe d’artistes, suivant l’évolution nationale
rie sociale, Raimbault est également poète et littérateur.
des arts, que ce soient les Nabis (vers 1888-1899), le fau-
Il est connu pour avoir été le premier (et bien souvent en-
visme (1905), l’École de Paris (vers 1920), principalement,
core l’unique) traducteur de Faulkner, de Dos Passos et
fait fi des représentations traditionnelles. Au regard des
de plusieurs écrivains américains. Il fut auteur de notices
courants de l’histoire de l’art, Fertré est à rapprocher
littéraires à propos d’auteurs variés. En tant qu’homme
du mouvement expressionniste, entre autres parce que,
de lettres, il est plusieurs fois primé. Il rédige plusieurs
comme les artistes de cette mouvance, il a voulu redonner
ouvrages à vocation touristique sur la Sarthe ou les
une juste place à la technique du bois gravé, mais en par-
départements voisins.
tie également pour des raisons de choix picturaux, esthé-
Il expose, comme artiste, au Mans au moins entre 1923 et
tiques marqués, voire brutaux, tranchant avec la peinture
193717. Il s’est fait une spécialité du bois gravé et fait par-
néo-impressionniste si chère à un public conservateur.
tie du groupe des Quatre Graveurs du Mans avec Gaspard
André Fertré est d’abord adepte de la sépia (encre de
Maillol, Pierre Térouanne et Honoré Broutelle. Souvent,
chine diluée, mais également dans son cas du brou de
il n’hésite pas à colorer ses bois pour ne pas leur laisser
noix, utilisée comme l’aquarelle), du dessin aux crayons
un rendu en noir et blanc. Pour cela, il utilise plusieurs
de couleurs, à la plume d’oie. Puis, il passe à l’aquarelle,
planches de bois de buis, de poirier, et tire ses planches
au dessin aquarellé, à la craie pastel, à l’huile employant
en grisaille, en bistre et en bleu, principalement. Il repré-
conjointement la gravure sur bois, jonglant d’un moyen
sente des vues du Vieux Mans, mais aussi de Bretagne
technique à un autre. C’est un excellent poète, spécialiste
dont il donne quelques versions de saints ou personna-
des “odes”, qui à l’occasion se fait historien. Ses peintu-
ges célèbres18. René-Noël Raimbault est un des amis de
res peuvent déconcerter. Elles sont pourtant très abouties
Gaspard Maillol19. C’est certainement grâce à ce contact
14
P.
Les trois (ou quatre) compagnons
❂ René-Noël Raimbault, bois gravé, carton d’invitation à l’exposition L’Art et les papiers de Montval, Galerie de la Licorne, non daté. (coll. part.).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
qu’il expose à Paris dans le cadre de la galerie de la
C’est encore un homme de lettres puisqu’il écrit des poé-
Licorne, située au 110, rue de La Boétie et à la galerie
sies, des essais, des ouvrages à caractère historique et
Panardie, 13, rue Bonaparte.
archéologique, ainsi que des contes pour enfants. Dès
René-Noël Raimbault reste jusqu’en 1952 au Mans20. Peu
1922, il publie au Mans, chez Graffin, Chansons rustiques.
après son remariage, il s’installe à Menton où il décède
En 1924, c’est au tour d’une étude sur Les arbres de la
le 24 janvier 196821. Par ailleurs, René-Noël Raimbault est
liberté à Vion publié chez Charles Monnoyer au Mans. Il
également collectionneur d’imagerie populaire et de do-
collabore à des revues et journaux et appartient à l’as-
minoterie mancelle. Il se passionne pour les bois gravés
sociation des écrivains combattants. Il est élu lauréat de
réalisés par les artisans manceaux au XVII et XVIII siè-
la société des écrivains de province en 1928. Cette même
cles22. Il possède une presse à bras personnelle, ce qui
année, est publié à Paris, chez Billaudot, Mystère de Noël,
e
e
lui confère de l’autonomie dans son travail . Reprenant
l’hiver et son cortège, le Noël des Bucherons. Un de ses
d’anciennes planches, il réalise même à l’occasion des re-
ouvrages laisse la part belle à la Sarthe : De gueules au
tirages de dominoterie ou imagerie mancelle24.
Lion d’Or, imprimé en 1929.
23
Il est également peintre et graveur autodidacte. On le voit
Auguste Langeron
alterner «le crayon ou la plume, pinceau ou burin». À l’oc-
Auguste Langeron, le plus jeune des trois, est né à Lyon le 9
casion d’une nomination, il est affecté en 1930 à la petite
septembre 1890. Son père était juge de paix à Aigues-Mor-
école communale de Saint-Léonard-des-Bois. Il découvre
tes où «il joua à l’ombre des remparts, il a couru les pinè-
un village charmant et invite André Fertré ainsi que Raim-
des» . Il déménage souvent et poursuit ses études à Nan-
bault, ses amis artistes manceaux. Tous les trois peignent
tua, puis à Sablé-sur-Sarthe. Par la suite, il entreprend des
sur place et décident d’une exposition. S’il est le dernier
études de droit qu’il doit cesser brutalement à cause de la
à s’incorporer au groupe, Langeron est une des chevilles
guerre. Envoyé au front en 1914, il est décoré de la Croix de
ouvrières des Trois Compagnons.
guerre. Après la Grande Guerre, il abandonne le droit et se
En 1932, il est nommé instituteur à Spay. En 1937, il est
fixe en Sarthe où il demande à tenir un poste d’instituteur.
à Chemiré-le-Gaudin, en 1948, à Mareil-en-Champagne.
25
❂ Auguste Langeron, bois gravé, publié dans Promenons-nous … à Saint-Léonard-des-Bois, éditions des Trois Compagnons, Saint-Léonard-des-Bois, 1931. (Arch. dép. Sarthe, bibliothèque AA 1561).
P. 6
Les trois (ou quatre) compagnons
Il déserte la Sarthe pour le Maine-et-Loire en 1951. C’est dans ce département qu’il termine sa vie. On le voit, ces trois premiers artistes, ces Trois Compagnons ont plusieurs points communs : tous écrivent des poésies, tous gravent des bois et tous sont autodidactes même si, pour Raimbault et Langeron, le fait d’avoir suivi des études classiques leur a assuré une base de technique graphique, largement compensée, il est vrai, par la fréquentation de la famille Estournelles de Constant dans le cas de Fertré.
Albert Échivard Albert Échivard (1866-1939) est le plus âgé du groupe. Ce n’est pas sa seule particularité puisqu’il est peintreverrier. Alors que ses commandes proviennent, pour ainsi dire, presque exclusivement des autorités religieuses, Échivard n’hésite pas à faire des choix de vie le mettant à mal avec sa clientèle. Il réalise ses vitraux dans son atelier, au numéro 18 de la rue de la Barillerie au Mans26, où il invite des amis et forme un cercle où l’on lit des poésies, où l’on chante, où l’on montre ses derniers dessins, ses derniers tableaux. Il règne en ces lieux un esprit chansonnier assez libertaire qui dénote avec celui des commanditaires religieux des vitraux d’Échivard. Le maître verrier est douloureusement frappé par la perte de son fils durant la première guerre mondiale. Pour conjurer cette douleur, il ne cesse de représenter son cher Maxime dans ses nouveaux vitraux, puis sa bellefille, à qui il prête les traits de la Vierge, de Jeanne d’Arc. Recueillant cette jeune femme dans son foyer, il ne tarde pas à s’en éprendre au point de l’épouser. Il perd une grande part de sa clientèle et doit quitter son logement, ❂ A. Langeron, bois gravé, publié dans Claude Bordas, « A. Langeron. Correspondance avec … lui », dans Angers étudiant, n° 1, 1929.
abandonner son four. Seul l’appui de Julien Chappée lui permet de continuer à produire, soutien intéressé, mais combien essentiel à la poursuite de l’œuvre du maître verrier. Grâce à ce dernier, il peut s’installer et continuer son travail en 1934 dans l’hôtel Coindon au Mans27. Dans ce lieu, Échivard anime un « petit musée d’art et de la Paix ». Son gîte sert de point de rencontre à la société
P.
❂ à
P. 8
Les trois (ou quatre) compagnons
des Amis des lettres et des arts du Maine. On déclame des poésies devant les cheminées XVIIIe de ses salons,
11 - « Comment André Fertré et ses amis fondèrent à Saint-Léonard-des-Bois une colonie de peintres régionaux », dans Ouest-France, 6 juillet 1946. 12 - Pierre Térouanne (1891-1980), industriel, sculpteur, graveur sur bois, ami et
on apporte son carton d’aquarelles, on évoque le passé
co-fondateur avec Gaspard Maillol (qu’il avait connu grâce à Raimbault !) du
historique. Ces réunions “bon enfant” se déroulent dans
papier Montval. (cf Jürgen Klötgen, « Aristide Maillol (1861-1944), Gaspard
un esprit libre où évolue avec aisance André Fertré, entre
du Maine, 1994, 1996, 1997). Pierre Térouanne est également ami avec
Maillol et les papiers Montval », dans Revue historique et archéologique
autres.
René-Noël Raimbault et Honoré Broutelle et fait partie du groupe ap-
Échivard participe activement à la fondation des Trois
salle de la mairie d’Allonnes (Sarthe) porte son nom. Il réalisa des bois
Compagnons. Pour faire un compte juste, à l’arrivée de Langeron, il laisse sa place. Encore est-il toujours pré-
pelé Les Quatre Graveurs du Mans. Plus tard, il devient archéologue. Une gravés où il « se plaît à rapprocher les taches blanches et noires que forment les habitations rustiques, à tracer les arabesques des arbres » (Paul Sentenac, Les quatre graveurs du Mans, Paris, éditions de la Douce France, 1922).
sent aux destinés du groupe, sorte de quatrième mous-
13 - Issu d’un second mariage de Louis Joseph Fertré, Louis Émile Céleste
quetaire . Albert Échivard est décédé le 22 mai 1939 à
(dit André) Fertré a pour mère Émilie Marie Bourné. La famille paternelle d’André
Solesmes.
André Fertré épouse Louise-Marie Boutreux le 4 août 1907 à La Flèche. Il décède
28
Fertré est originaire de la Mayenne. Ses grands-parents maternels sont d’Avessé. le 9 janvier 1971 au Mans. 14 - Artiste au talent incontestable, exposé un temps à Paris au côté des “Montparnos” grâce à Loutreuil, Henri Gizard (1879-1929) ne rencontre pas le succès mérité. Il tente une première fois de mettre fin à ses jours et est sauvé par Fertré, avant de se suicider en 1929 (Gil Galbrun-Chouteau, « Henri Gizard l’artiste maudit », dans Maine Découvertes, mars 2000). 15 - Charles Morancé est un peintre attaché à rendre le visage comme il le perçoit, en faisant ressortir la personnalité de l’individu. Le fait de travailler pour la bourgeoisie mancelle ne l’empêchait pas de réaliser des portraits plus “politiques”, comme celui du Vieil ouvrier manceau daté de 1930 et conservé par les musées du Mans. Il reste tout au long de sa vie très attaché à rendre de manière “classique” ses portraits, peintures ou dessins. (Gil Galbrun-Chouteau, « Charles Morancé plus loin que le visage », dans Maine Découverte, septembre 2000. 16 - Gaston Muller (1876-1957) est un peintre décorateur qui a revêtu plusieurs églises de ses fresques. Il peignait à titre personnel des vues de Sarthe, surtout réalisées à l’aquarelle. 17 - Informations tirées du dépouillement des articles de la presse de l’époque. Paul Sentenac, Emmanuel de Thubert, René-Noël Raimbault et les Quatre graveurs du Mans, Paris, éditions de la Douce France, 1922. 18 - catalogue de l’exposition Les Quatre Graveurs du Mans (collection privée). 19 - Gaspard Maillol, peintre et sculpteur français (1880-1945), neveu du célèbre Aristide Maillol, est le fondateur, avec le comte Kessler, du papier Montval. Illustrateur, il a travaillé un moment au Mans. 20 - Il expose régulièrement au Mans jusqu’à cette date, mais le Dictionnaire des graveurs de la Société de la gravure sur bois originale (par Agnès de Belleville aux éditions de l’Echelle de Jacob, Paris, 2000) donne la date de 1946. 21 - Répertorié dans : Gaïté Dugnat, Pierre Sanchez, Dictionnaire des graveurs, illustrateurs et affichistes français et étrangers, t. V, Dijon, éditions de l’Échelle de Jacob, Dijon, 2001.
❂ André Fertré, sonnet intitulé Le Vitrail, dédié à Albert Echivard, non daté. (coll. part.).
Il est membre de la Société de la gravure sur bois originale. On connaît de lui trois gravures sur bois en couleur dont deux ayant pour thème Le Mans, en 1922. 22 - Paul Cordonnier-Détrie, Bois manceaux d’imagerie populaire, collection R.-N. Raimbault, Le Mans, imprimerie Monnoyer, 1930. Une notice lui est dédiée dans Agnès de Belleville, Dictionnaire des graveurs de la Société de la gravure sur bois originale (S.G.B.O.) (1911-1935), Dijon, éditions de l’Échelle de Jacob, 2001. 23 - Agnès de Belleville, op. cit. 24 - Notice rédigée par Paul Cordonnier-Détrie, op. cit. 25 - article « A. Langeron Correspondance avec … lui » signé Cl. B [Claude Bordas], dans Angers étudiant, n° 1, 1929. 26 - Les Amis des Lettres du Maine (bulletin de la société littéraire du Maine), 1937, p 332. 27 - Arch. dép. Sarthe, 6 J 10. 28 - Article de Louis Guérande dans Ouest-Éclair, 6 juillet 1946.
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
Saint-Léonard-des-Bois en 0 La commune de Saint-Léonard-des-Bois était une station touristique déjà au début du XIXe siècle. Durant le XXe siècle, le succès alla grandissant. Plusieurs ouvrages furent rédigés afin d’attirer les visiteurs vers Saint-Léonard. Un Guide illustré du touriste dans les Alpes mancelles est même publié par les soins de l’Ouest touriste et sportif, organe de l’Automobile Club de la Sarthe et des syndicats d’initiative. Rédigé par Georges Durand29 en 1904, il est réédité dès 1907. On y apprend qu’un précédent guide touristique de la région date de 1861. Il faut croire que la nature hostile et sauvage, la situation de confins, l’authenticité des lieux donnaient envie au promeneur de s’égarer sur les chemins pentus des collines ou “montagnes” avoisinantes30.
L
point de paraître “typiques” à un artiste de passage. On peut citer, à titre d’exemple, la maison de Mademoiselle Legangneux (prononciation locale du nom Legagneux), habitation d’une vendeuse de cartes postales dont nous connaissons la façade très rustique. Mais surtout, ce qui frappe, dès l’arrivée à Saint-Léonard, c’est cette vallée sinueuse qui se faufile « entre de charmantes collines, formant en certains endroits une gorge abrupte, sauvage, austère, d’âpres défilés, ailleurs de lumineuses éclaircies avec d’admirables prairies où de vieux moulins utilisent encore les eaux limpides, claires, qui chantonnent sur les rocs arrondis où se dérobe et se blottit la truite savoureuse ». Dans cette description enchanteresse, Georges Durand déclare que les maisons du bourg, depuis 1900, ont été transformées : « la plupart des maisons ont rajeuni leurs façades, les vieilles auberges ont aménagé des salles et des chambres nouvelles, modernisées un
La région fut évangélisée par saint
peu, trop peu encore, leurs installations rudimentaires.
Céneri au VII siècle, mais Saint-Léo-
De nouvelles hôtelleries se sont élevées dans le bourg
nard-des-Bois doit son nom à un er-
même ou à proximité, grâce à l’impulsion donnée par la
mite, installé dans cet endroit dès le
Société hôtelière des Alpes mancelles ». On le vérifie, les
VI siècle. Le lieu portait alors le nom
habitats furent aménagés pour le touriste dès le tournant
de Vandœuvre. Un saint Léonard fut
du siècle. On reçoit à Saint-Léonard des citadins venus du
e
e
enterré dans un sanctuaire primitif, puis un des comtes de Bellême fit transférer son corps sur son domaine.
L’église paroissiale, assez rustique d’aspect, semble remonter au moins au XIIe siècle. Elle renferme un groupe en pierre sculptée tout à fait remarquable. Tout autour, des bâtisses furent construites le long de routes sinueuses et pentues. En 1900, certaines maisons restaient assez rudimentaires, frustes, au
❂ Les Alpes mancelles, Saint-Léonard-des-Bois (Sarthe). Un beau coin. Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 1668).
P. 20
❂ Indicateur de la saison d’été 1905 du service d’omnibus Le Mans – Alençon, édité par le syndicat d’initiative des Alpes mancelles. (Arch. dép. Sarthe, bibliothèque AA 104).
P. 2
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux. ❂ Louis Martin, Saint-Léonard-des-Bois, buttes de Narbonne et entrée de la vallée de Misère, vers 1895. Tirage sur papier albuminé collé sur carton. (Arch. dép. Orne, 33 Fi 7/25).
Mans, de Laval, d’Alençon, mais aussi de plus loin.
les de grosses pierres, posées les unes auprès des autres,
Dans cette localité, l’industrie principale au XIX siècle
permettaient la traversée de la rivière. Ce sont les deux fa-
consistait en l’extraction de l’ardoise ou en la fabrication
meux “chapelets”. Quiconque s’arrête à Saint-Léonard ne
de clous de fer. On peut encore voir, par endroits, des ex-
peut manquer de sauter d’un roc à l’autre jusqu’à attein-
cavations abruptes qui témoignent de cette industrie. Les
dre l’autre rive. Sur les cartes postales anciennes, on voit
toponymes sont évocateurs, telle la vallée de la Misère où
ainsi des hommes et des femmes qui s’amusent à poser
e
autrefois ne poussait qu’une lande
devant le photographe pendant leur
rase, parsemée de genêts, parcou-
périple hasardeux. Il n’est pas rare, en
rues par des bergers portant encore
effet, de glisser, à moins qu’une pierre
le bonnet et qui menaient pâturer un
ne tourne et vous fasse chuter. Avec
maigre cheptel de brebis. Non loin,
les années, bon nombre de pierres
c’est le Haut-Fourché, avec sa butte
ont été déplacées ou ôtées.
Chaumont qui culmine à 378 m, puis
L’annuaire de l’Automobile Club de
vient la colline dite du Déluge, celle
l’Ouest de 1928, rédigé par René-Noël
de Narbonne. Mais surtout, avant
Raimbault, permet de nous faire une
que ne soient construits les deux
idée de ce qui attend le touriste de la
ponts qui permettent à la route de
fin des années 1920 quand il arrive
passer au-dessus de la Sarthe, seu-
au bourg de Saint-Léonard-des-Bois. ❂ Trajets touristiques autour de Saint-Léonarddes-Bois, extrait du Guide illustré du touriste dans les Alpes mancelles, publié par l’Ouest touriste et sportif, 1907. (Arch. dép. Sarthe, 18 J 512).
P. 22
Saint-Léonard-des-Bois en 0 ❂ J. Gauthier, Fresnay : les bords de Sarthe, dessin à la plume publié dans Les Alpes mancelles, guide illustré, édité par le syndicat d’initiative des Alpes mancelles pour 1934-1935. (Arch. dép. Sarthe, 18 J 512).
Un fascicule à part, concernant seulement la Sarthe, a
Alpes mancelles, au titre de centre touristique notable de
été édité la même année ou une des années suivantes31.
l’ouest, il suffit de reprendre le guide touristique le plus
René-Noël Raimbault explique que « le principal intérêt de
répandu d’alors, l’Ouest touristique32, qui convie le voya-
la localité réside dans sa situation exceptionnelle ». Il cite
geur en Bretagne et en Normandie : au sein des 137 iti-
le manoir de Linthe datant du XV siècle, avec sa fuie im-
néraires proposés, celui qui passe par Saint-Léonard-des-
posante, qui reste toujours d’un très grand intérêt. C’est
Bois porte le numéro 1. Le site même de Saint-Léonard
alors une ferme dont les fenêtres à meneaux et traverses
comporte plus de lignes que ce qui est réservé à Saint-
sont en partie murées. Dans son texte, Raimbault décrit
Céneri, par exemple. Les mots utilisés sont pratiquement
longuement les paysages. La vallée est « surplombée par
aussi éloquents : « La vallée que s’est creusée la Sarthe
quatre collines abruptes », le lieu passe pour le « site le
entre Saint-Léonard-des-Bois et Saint-Céneri est, sans
e
plus pittoresque du département ». On suit « un chemin
contredit, ce qu’il y a de plus pittoresque dans la région :
pierreux » qui vient aboutir à « un raidillon » longeant une
vieux moulins, chapelets de pierres, les collines de Saint-
« masure croulante ». Non loin, c’est le Camp des Anglais
Laurent et du Déluge, la gorge sauvage et grandiose des
où « la légende veut que dorment, enfouis, des trésors ».
Troyères ». Dans ce dernier guide, on note que le syndicat
L’ascension mène à la butte Chaumont d’où l’on voit vers
d’initiative local est situé à l’auberge du Bon Laboureur.
Le Mans « jusqu’à sa cathédrale qu’on aperçoit, dit-on,
C’était le cas dès 190533.
à longue vue par temps clair ». Puis, c’est la « vallée de Misère, site d’une désolation hautaine, dont les pentes pelées descendent vers le ruisseau de l’étang. La sente pierreuse traverse les éboulis bleus des anciennes ardoisières ». La première des promenades débute « près de l’école des garçons », où justement enseigne Langeron. Pour bien se rendre compte de l’importance du site des
P. 2
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
❂ Jules Gencey, Saint-Léonard-des-Bois, la Sarthe en aval de Linthe, vers 1895. Tirage sur papier albuminé monté en album. (Arch. dép. Orne, 31 Fi 3/34).
❂ Jules Gencey, La Sarthe à Saint-Léonard-des-Bois, vers 1895. Tirage sur papier albuminé monté en album. (Arch. dép. Orne, 31 Fi 3/35).
P. 2
Saint-Léonard-des-Bois en 0
❂ Les Alpes mancelles. – Saint- Léonard-des-Bois, vue intérieure
❂ Les Alpes mancelles. – Saint- Léonard-des-Bois, route de Sougé-le-
du bourg. Carte postale, début du XX s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 3010).
Ganelon. Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6930).
❂ Touring Hôtel à Saint-Léonard-des-Bois.
❂ Les Alpes mancelles. – Saint- Léonard-des-Bois.
Carte postale, vers 1935. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6935).
Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6931).
e
❂ Fresnay-sur-Sarthe - Hôtel Boisard.
❂ Saint- Léonard-des-Bois, restaurant des Alpes mancelles.
Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6754).
Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6932).
P. 2
Les Alpes
Mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
P. 26
Saint-Léonard-des-Bois en 0
Lorsqu’il veut tenir un journal des expositions ayant eu lieu à Saint-Léonard, Fertré utilise les cartes postales du début du siècle pour illustrer son propos. Il colle dans cet
29 - Georges Durand (1864-1941) figure parmi les promoteurs les plus actifs en Sarthe du développement du tourisme et de l’automobilisme, comme les montrent ses nombreuses initiatives et
ouvrage des cartes illustrées par Georges Duguenet, re-
fonctions : secrétaire général de la compagnie des chemins de fer
péré par ailleurs comme ayant représenté les salles du
départementaux, vice-président du syndicat d’initiative, président
musée de Gustave Singher au Mans34.On y découvre une nature impressionnante, effectivement propre à inspirer le peintre. Grâce aux différents guides cités, on sait que le village, habitué aux touristes, s’est équipé d’hébergements hôteliers. On connaît ainsi des auberges qui font
du syndicat d’initiative de la Sarthe et des Alpes mancelles, membre du Conseil supérieur du tourisme, secrétaire général et co-fondateur de la Défense automobile et sportive, créateur de l’Automobile Club de la Sarthe, délégué du Touring Club de France, membre de la Commission centrale des automobiles et de la circulation générale au ministère des Travaux publics, fondateur du journal l’Ouest automobile, organisateur du premier grand prix de l’Automobile Club de France en 1906, du salon de l’automobile du Mans
hôtel dans le centre du bourg. Ce sont l’hôtel du Bon La-
en 1912, également à l’origine de la création de l’édition des
boureur, tenu par la famille Collet (dix chambres), celui
premières 24 Heures du Mans en 1923. Il s’intéresse aussi à
du Grand Cerf (chez Quentin, dix chambres). Ces deux-ci se font face sur la route de Fresnay-sur-Sarthe. L’Hôtel de France est tenu par la famille Séchet-Lolivrel (huit chambres), La Croix d’Or par la famille Légé. Le plus moderne, le plus élégant, le plus en vogue auprès des touristes ci-
l’aviation (il est l’un des premiers passagers de l’avion de Wright et fonde l’Aéro-Club de la Sarthe) et est sensible aux arts, aux lettres, à l’histoire (il fut vice-président de la Demeure historique sarthoise), qu’il tâche d’encourager au mieux. 30 - M. Leguicheux, dans Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1867. 31 - René-Noël Raimbault, Annuaire 1928 ACO, éditions Ch. Hirvyl, Angers, dessins de Ch. Tranchand, J. Gauthier, Jean Pavie et Henri
tadins, est sans conteste le Touring Hôtel, alors tenu par
Gizard. Le second porte le titre La Sarthe aux mêmes éditions, sans
la famille Bertrand, mais fondé par Georges Durand lui-
date, et est constitué du même texte et des mêmes illustrations.
même, qui, on le devine dès lors, avait quelque intérêt à voir se développer le tourisme dans cette localité. Ce dernier établissement est plus luxueux, installé directement en surplomb de la vallée de la Sarthe, près du pont qui mène au village voisin de Saint-Céneri. Il a porté d’abord
32 - L’Ouest touriste, année 1932, guide illustré régional créé en 1910 par l’Automobile Club de l’Ouest. 33 - Le panonceau destiné aux touristes est apposé sur l’angle du mur de la maison voisine, directement visible depuis la place de l’Église, quand on observe les cartes postales de l’époque (coll. part.). 34 - Étienne Bouton, « Un souvenir manceau, le premier musée de la Reine Bérengère », dans Maine-Découvertes, décembre 2006.
le nom du Cheval Blanc et était occupé par Lebreton (seize chambres). Tous ces hôtels, mais également certaines boutiques (comme celle de Mademoiselle Legangeux) possèdent des “chambres noires” permettant aux photographes de développer leurs plaques. Il s’agit bien dans une véritable station touristique, bénéficiant des équipements ad hoc. Fertré, Raimbault, Langeron, Échivard et les autres artistes regroupés autour des Trois Compagnons ne sont donc pas des précurseurs découvrant un lieu inconnu, mais ils s’installent durant l’été dans une commune à la réputation bien établie.
❂ Fresnay-sur-Sarthe – Hôtel du Grand Cerf. Carte postale, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, 2 Fi 6755).
P. 2
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
La première exposition au Bon Laboureur
C 1930
Une salle du restaurant sert de cadre à l’exposition. Dès
’est durant l’été 1930 qu’a lieu la
l’entrée, un document ronéotypé est disponible. C’est un
première exposition des Trois Com-
catalogue, vendu au prix de 0 F 50, certainement imprimé
pagnons.
d’invitation
à l’école communale par les soins de Langeron. On y re-
composé de deux volets est dessiné,
trouve l’enseigne de l’hôtel. Sur ce dernier document, les
puis gravé par Auguste Langeron. La
dates sont plus précises, du 15 juillet au 30 septembre
couverture représente l’enseigne du
1930, c’est-à-dire durant toute la saison touristique. Les
Bon Laboureur. Quand on ouvre le
œuvres graphiques exposées sont au nombre de quaran-
carton, le texte se compose ainsi :
te-et-une. Paul Cordonnier-Détrie expose cinq céramiques
« Les Trois Compagnons et leurs in-
(qu’il a cuites chez son amie et parente Prudence Drouard,
vités vous prient de bien vouloir ho-
à Cérans-Foulletourte)36, A. Bruel présente des reliures et
norer de votre visite leur 1re exposi-
André Fertré y placarde un sonnet intitulé Peindre.
tion, ouverte jusqu’au 30 septembre
À tout seigneur tout honneur, le premier des artistes cités
en l’Hôtel du Bon Laboureur à Saint-Léonard-des-Bois
est Henri Gizard, qui s’était suicidé l’année précédente le
(Sarthe) ». Suivent les noms des trois compagnons
14 août et dont on présente trois aquarelles : Saint-Léo-
officiels : A. Langeron, A. Fertré, R.-N. Raimbault35.
nard-des-Bois, Paysage, Le Moulin d’Enfer (Le Mans). Le
Le
carton
premier dessin est peut-être celui qui fut exposé en 1911 chez Querville, au Mans, dans le cadre de la Société des amis des arts du Maine, dont le titre est alors Rocher à Saint-Léonard-des-Bois37. André Fertré propose régulièrement, dans les expositions où il participe, que l’on honore la mémoire du grand peintre. Gizard était celui qui, au Mans, a insufflé l’esprit de modernité venu de la capitale où il avait exposé. Il y avait des amis chez les “Montparnos” surtout, y compris à la Rotonde. Sans Fertré, il aurait été oublié. André Fertré n’a de cesse, lorsqu’il est interrogé par les journalistes, de rappeler combien lui semble primordiale l’œuvre de Gizard, dont la notoriété, il est vrai, devrait dépasser les limites de la Sarthe. Sa technique de dessin au crayon de lithographe et à l’aquarelle est libre et autonome. Faisant suite aux trois tableaux de Gizard, un poème enluminé sur parchemin est dû à Langeron. Viennent ensuite, du même Langeron, un dessin rehaussé représentant l’église de Saint-Léonard-des-Bois, puis un pastel
❂ Auguste Langeron, couverture du catalogue de la « Première exposition des Trois Compagnons à SaintLéonard-des-bois », dédié à A. Fertré, 1930. (coll. part.).
P. 28
❂ Expositions des Trois Compagnons, couverture de l’album-souvenir des expositions des Trois Compagnons réalisé par André Fertré. (coll. part.).
P. 2
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
représentant Les Pins du Haut-Fourché à Saint-Léonard,
rées de la Mayenne (La Brulatte et Saint-Pierre-la-Court),
différents bois gravés représentant des chrysanthèmes et
une nature morte représentant un reliquaire et des vues
L’Eglise de Pritz à Laval. Fertré, fidèle à sa passion pour
du Croisic ou de Batz. Le même montre plus loin un
le Loir (il est né à La Flèche, rappelons-le), montre une
vitrail, représentant Jeanne d’Arc à Domrémy qu’il a certai-
sépia du manoir de La Cour-des-Pins, situé non loin de La
nement réalisé avec l’aide d’Échivard. Pierre Térouanne a
Flèche, une aquarelle du hameau (ancienne paroisse) les
installé deux statues en terre cuite. L’une représente une
Loges à Coudrecieux, une aquarelle représentant Saint-
Tête d’enfant endormi, l’autre est une Étude de tête.
Germain-du-Val près de La Flèche, un “croquis crayon” représentant des Arbres à Rouillon, L’Abside de la Cou-
On le voit, le programme de cette exposition est varié et,
ture (au Mans), L’Abbaye de l’Épau au Mans (deux ver-
si on l’observe de plus près, il est laissé une place très
sions, un dessin et un crayon de couleurs), le Vallon de
restreinte à Saint-Léonard-des-Bois ou ses environs, aux
Montaillé à Saint-Calais, le Château de Saint-Calais38 et
Alpes mancelles en général. C’est bien que l’exposition
un dessin à la sépia représentant L’Église de Peray-en-
concernait un groupe d’artistes manceaux et que seule la
Saosnois (aujourd’hui Peray). René-Noël Raimbault a accroché à la suite une gravure sur bois intitulée Chemin creux en Bretagne, un bois rehaussé (d’aquarelle ou de gouache, à moins que ce soit un bois polychrome) intitulé La Cueillette des pommes dans le Maine. Échivard montre six vitraux dont un à la gloire du cardinal Dubois (né à Saint-Calais dans la Sarthe), une verrière réalisée d’après les cartons de son fils Maxime39, un vitrail réalisé d’après un lavis de Fertré, représentant l’église de Perayen-Saosnois, et un autre enfin, représentant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. De manière plus anecdotique, mais témoin de l’esprit d’alors, un des fils d’Échivard présente lors de cette exposition un vitrail qu’il vient de réaliser du haut de ses neuf ans. Le photographe Georges Vaillant40 montre ses aquarelles (Une fontaine à Étoges (Marne) et Une Ferme (Sarthe)), un pastel représentant Un Cantonnement (effet de nuit)41. Julien Chappée42 montre deux dessins, dont un rehaussé représentant Lefeuvre Alphonse, sculpteur, dit “Le Père Gothique” et un portrait d’Honoré de Balzac. Pour le reste, ce sont six peintures dont deux inspi❂ André Fertré, L’Eglise de Saint-Léonard-des-Bois, aquarelle sur papier collée dans l’album-souvenir des expositions des Trois Compagnons réalisé par André Fertré. (coll. part.).
P. 0
La première exposition au Bon Laboureur
présence de Langeron dans ces lieux touristiques a pro-
céramiques de Cordonnier-Détrie sont mises en évidence
voqué cette présentation dans cet endroit.
sur la tablette de la cheminée. Au milieu de ces terres, est
La presse locale se fait écho de cette exposition pom-
déposé le sonnet d’André Fertré Peindre.
peusement appelée « une exposition d’art régional»43. Nous relèverons la présentation de l’article qui replace
Au clair matin partir. Sur la route sonore.
bien l’initiative des trois ou quatre artistes : « Dans ce
Aller d’un jeune pas, l’âme en désir d’ailleurs.
coin charmant de Saint-Léonard-des-Bois, si recherché
D’un cœur vibrant goûter les changeantes splendeurs
des peintres, un groupement d’artistes régionaux vient
Que jette aux vieux labours la toujours neuve aurore.
d’organiser, sur l’initiative de M. Langeron, une très in-
Au penchant des coteaux que l’ardent soleil dore
téressante exposition dite “des Trois Compagnons” dans
Marcher et s’émouvoir aux soudaines rumeurs
l’une des salles de l’Hôtel du “Bon Laboureur” ». Quel-
Des villages nichant leurs clochers radoteurs
ques lignes plus loin, le journaliste déclare que cette ex-
Dans les creux de vallons qui sommeillent encore
position a « déjà attiré bon nombre de visiteurs et retenu
Puis, un temps, faire halte à l’ombre des léards44
l’attention de quantité de touristes ». Même s’il faut rela-
Dont le fuseau chantonne au gré des vents épars ;
tiviser cet enthousiasme, il semble évident qu’une telle
Et, par l’humble couleur céleste de lumières,
attraction manquait à Saint-Léonard, alors qu’au sein du
Dire pour le passant et l’homme du terroir
village voisin de Saint-Céneri, on pouvait voir depuis des
L’arbre, le mur et l’eau, images familières,
lustres les toiles des peintres “locaux” dans une auberge
Que sans elle, pourtant, leurs yeux ne sauraient voir.
du bourg. Il est vrai que Saint-Céneri est situé dans l’Orne. Il ne faut pas mésestimer cet aspect qui peut sembler
Sur le manteau de la cheminée, comme en hommage à
bien curieux au lecteur actuel. En 1930, on est chauvin et,
une divinité du foyer, trône la vue de Saint-Léonard-des-
pour un Sarthois, à choisir, on privilégiera Saint-Léonard
Bois de Gizard. Langeron a rédigé un texte poétique en
à Saint-Céneri, car le premier est en Sarthe. Une “école”
mémoire de Maxime Échivard, autre disparu.
de peintres sarthois, rivalisant avec celle déjà existante
Les vitraux de Chappée sont placés devant les baies du
dans le village voisin ornais, est une bénédiction.
restaurant. Le mur principal sert de cimaises pour expo-
Au début du mois d’août, André Fertré est à Saint-Léo-
ser les œuvres des Trois Compagnons ainsi que celles de
nard. Il saisit sur le vif le village, comme écrasé par la
leurs invités.
“montagne”. Le 3 août, il dessine la silhouette du clocher
Ce que ne stipule pas le carton ou le livret de l’exposition,
de l’église depuis une fenêtre, avant de partir à Saint-Cé-
c’est qu’en hommes des lettres, les organisateurs ont lais-
neri où il fixe en un dessin à la craie pastel la chapelle de
sé dans la salle une cinquantaine d’ouvrages historiques
l’ermite. Le lendemain, 4 août, il utilise des pastels pour
ou littéraires sur le thème de la Sarthe, du Maine. Les re-
représenter l’enchevêtrement des maisons du bourg.
liures artistiques de Bruel sont exposées dans une petite
Le 14 août 1930, un long article paraît dans les colonnes
vitrine. Le journaliste termine son article sur des propos
du journal L’Ouest Éclair. Il a pour titre «l’art en provin-
plus polémiques : « L’exposition des Trois Compagnons
ce» et pour sous-titre «La curieuse exposition des “Trois
prouve aujourd’hui qu’en dépit des apparences l’Art n’est
Compagnons”». Ces lignes ne sont pas signées. Le jour-
pas mort au pays du Maine et que la jeune école du Val
naliste commence par se demander si les Alpes mancel-
de Sarthe a su résister vaillamment à la double influence
les ne vont pas redevenir un lieu de prédilection pour les
du pompiérisme et du mercantilisme, trop longtemps en
peintres. C’est bien qu’à cette époque, on garde le sou-
l’honneur dans nos milieux intellectuels ». On devine en
venir que cela fut. Les terres cuites de Térouanne, les
lisant ces mots que cette “école” de Saint-Léonard se
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
présente bien en tant qu’alternative moderne, face à des
ce sont vingt-deux artistes qui exposent dans la salle du
notables plus établis. On pense bien sûr à Hervé-Mathé45
Bon Laboureur. Le même journaliste précise que la pièce
et ses suiveurs de l’école des beaux-arts.
a été tendue de toile grise, afin de mettre en valeur les
Beaucoup plus surprenant, un article paraît le 27 sep-
œuvres présentées. Pour lui, cette pièce prend les allu-
tembre 1930 dans le journal national consacré aux arts
res d’une « Rotonde ou […d’un] dôme bas-manceaux ».
Chanteclerc. Il a pour titre « Dans le Maine » et est rédigé
On pense bien sûr aux deux établissements parisiens La
sur deux colonnes. Après une sorte d’éphéméride de no-
Rotonde et Le Dôme qui depuis plusieurs années présen-
tre département, l’article présente l’exposition des Trois
taient des peintres et, plus particulièrement, des “Mont-
Compagnons. Si l’on n’y apprend rien de plus, on vérifie
parnos” dont étaient Gizard et Loutreuil, personnalités
la notoriété de Maxime Échivard, le peintre verrier tué
à l’influence certaine chez Fertré par exemple, ainsi que
à la guerre, ainsi que celle de son père, de Gizard et de
Gaspard Maillol, qui influença Raimbault.
Fertré.
Cette année, la rétrospective présente l’œuvre de Léon Lebègue47, graveur et illustrateur parisien de Montmartre,
1931, Nouvelle exposition
puis manceau (décédé le 17 mai 1930 au Mans). Viennent
Nul doute, la première exposition des Trois Compagnons
ensuite les œuvres de Ludovic Alleaume48, Jules Ausset49,
est un succès et elle est renouvelée l’année suivante. Les
Julien Chappée50, Chauveau51, Cherrier52, Henri Denis du
organisateurs sont les mêmes et choisissent le même
Pasty53, Gaston Muller, Aguilé54, René Delaval55, Messa-
cadre pour la présentation des œuvres. La période esti-
ger56, Vaillant57, Du Boisrouvray58, Romain Quinton59, Mlle
vale 1931 voit à nouveau les artistes proposer au public
Vincent60, J. Ménard, sans oublier les sépias de Fertré, les
dessins, peintures, aquarelles, gravures, illustrations, vi-
dessins rehaussés de Langeron, les vitraux d’Échivard,
traux, etc. Le journal La Sarthe présente cette exposition
les bois gravés de Raimbault.
dans un numéro du mois d’octobre46. L’article commence
Un journaliste précise que ce groupement se réunit « sans
par un hommage à « ces opiniâtres pionniers du régio-
bureau, jury ni cotisation (…) ce groupe est mieux qu’une
nalisme ». Le groupe s’est étoffé et, durant l’été 1931,
société, c’est une compagnie ». Compagnonnage des arts, volonté d’exprimer des sensibilités diverses, c’est effectivement le meilleur terme pour désigner le groupe des Trois Compagnons : c’est une compagnie d’artistes. Le 8 septembre, un article paru dans le même journal, La Sarthe, présente une plaquette rédigée par les Trois Compagnons, ayant pour titre Promenons-nous … à Saint-Léonard-des-Bois. C’était l’occasion de dévoiler au public le travail de Raimbault, Langeron et celui de Fertré. L’accent est mis sur leur œuvre littéraire. On aura remarqué, au titre des exposants, plusieurs personnalités déjà reconnues dans le monde des arts d’alors, à titre au moins national. Pour une seconde édition de leur présentation, nos artistes sarthois ont donc reçu l’approbation et le soutien de leurs pairs. En août 1931, Fertré dessine le manoir de Linthe, à la mine de plomb, ainsi que l’abside de l’église paroissiale qu’il
❂ André Fertré, Le Manoir de Linthe, dessin à la mine de plomb collé dans l’album-souvenir des expositions des Trois Compagnons réalisé par André Fertré. (coll. part.).
P. 2
La première exposition au Bon Laboureur
❂ Photographies de l’exposition du Bon laboureur à Saint-Léonard-des-Bois, collées dans l’album-souvenir des expositions des Trois Compagnons réalisé par André Fertré. (coll. part.).
reproduit plusieurs fois. Sans doute est-il “de garde” de
de plus loin comme Rougerie, artiste bordelais. Silas
l’exposition, prêt à renseigner le visiteur à propos de telle
Broux, peintre alençonnais61, présente des fusains, Paul
technique, de tel peintre.
Charpentier62, lui aussi d’Alençon, un des membres de
De cette exposition, nous connaissons une série de cli-
l’école de Saint-Céneri, montre des assiettes décorées
chés photographiques, conservés par Fertré, qui nous
et des gravures à l’eau forte représentant Saint-Céneri
montrent l’accrochage des œuvres au-dessus des tables
et Alençon. Julien Chappée propose au public local ses
des clients. On peut vérifier que Fertré a utilisé le croquis
envois au Salon des indépendants. Aguilé expose des
qu’il avait fait l’année précédente pour en donner une
marines ou autres aquarelles sur le thème de la Bretagne.
version peinte. Les tableaux occupent les murs étroits
Échivard tient toujours une place d’honneur, Mlle Vincent
jusqu’au plafond.
(dite pour l’occasion Vincent-Hochwelcker) présente un portrait au pastel. Vaillant expose ses aquarelles de la
1932
Marne, entachées des durs souvenirs de guerre, et offre
L’année suivante se tient la troisième exposition des
au public ses photographies (qui le rendirent plus célèbre
Trois Compagnons. Ce sera la dernière. On la connaît
que ses dessins).
grâce à un article du journal L’Ouest Éclair daté du 22
Les Trois Compagnons ne sont pas en reste. Raimbault ex-
septembre 1932. On compte quarante-et-une œuvres
pose un Coin du Parc, Fertré a traduit à la sépia la vieille
encore fixées sur de la toile bise. Des artistes viennent
église de Saint-Léonard et les maisons de Saint-Céneri.
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
On vérifie qu’il reprend des vues esquissées l’année
de son côté, se retrouvant régulièrement. Une association
précédente. Langeron montre ses dessins à la plume.
existait auparavant au Mans : les Amis des Arts. Elle propose des expositions depuis le début du XXe siècle. Cette
Les années suivantes, il n’y a plus d’exposition à Saint-
présentation est placée sous la direction d’Hervé-Mathé,
Léonard-des-Bois. Il faut attendre quelques années avant
directeur de l’école des beaux-arts du Mans, et répond
de voir un autre hôtel reprendre le rythme d’expositions
aux critères esthétiques classiques. Nos artistes, plus
annuelles. Il n’est plus alors question d’expositions de
libres, moins académiques, plus “modernes”, sont ceux
groupe, mais de présentations d’artistes après la secon-
qui se sont regroupés pour fonder les Trois Compagnons.
de guerre mondiale au Touring Hôtel.
Georges Durand, séduit par l’idée de cette réunion de peintres de sensibilités diverses à Saint-Léonard, reprend
Langeron est nommé à Spay pour la rentrée 1932-1933.
pour sa part l’organisation d’expositions. Ce personnage
C’est très certainement là une des raisons majeures qui
atypique, homme d’affaires, promoteur de l’automobile,
marquent le départ des peintres pour d’autres lieux. Dans
de l’aviation et du tourisme, est né à Fresnay-sur-Sarthe.
un article où il est interrogé, Fertré précise bien que c’est
Il commence par reprendre l’idée d’expositions de pein-
surtout grâce à la présence de Langeron sur place qu’ont
tures dans le cadre exceptionnel des Alpes mancelles,
eu lieu ces expositions qui se déroulèrent «de 1930 à 1932,
et, assez vite, va montrer au public manceau les travaux
par la gentillesse de ses promoteurs, braves gens, aimant
des peintres sarthois dans le hall du cinéma Pathé place
leur province, liés par ce sentiment d’estime qui est le pri-
de la République au Mans. Ces expositions mancelles
vilège des cœurs nobles, mettant en commun leur effort
connaissent un vif succès. Elles se répètent d’années
vers la beauté des plus humbles choses»63. Ces présen-
en années. Le groupe des Trois Compagnons n’existe
tations furent relayées par la presse rouennaise et pari-
plus en tant que tel, mais Fertré, comme Langeron et
sienne. L’explication de l’extinction de ces expositions est
Raimbault, exposent au cinéma Pathé, avec d’autres
donnée par Fertré : «un jour, les amis se lassèrent. Le suc-
peintres, perpétuant à leur insu leur première “compa-
cès même choquait leur goût de la discrétion. La publicité
gnie”. Après l’expérience de Saint-Léonard, Fertré s’in-
les éloignait. Un silence traversé d’une secrète ferveur
vestit dans un autre groupement d’artistes, celui de la So-
couvrit cette entreprise». C’est donc d’un commun accord,
ciété littéraire du Maine, dont il devient vite le secrétaire.
sentant que leur simple et naïve impulsion de départ ris-
Dirigée par Jeanne Blin-Lefebvre65, cette association a
quait d’être galvaudée, que les Trois Compagnons cessè-
pour vocation de promouvoir les poètes et les écrivains,
rent les rendez-vous estivaux du Bon Laboureur. Il faut ima-
mais aussi les peintres, dessinateurs et graveurs. Ne sont
giner des amis qui décident d’une exposition. Ils ne veulent
pas exclus les sculpteurs ainsi que les historiens. Là en-
pas se faire valoir, ils veulent montrer leur amour des lieux,
core, la figure d’Échivard est très présente. Les personnes
de la poésie, de la peinture ou de la gravure. Il n’est pas
amenées à fréquenter cette société sont très diverses, voire
question pour eux de fonder une “école” que d’autres sui-
éclectiques. Beaucoup d’écrivains d’alors sont également
vraient. Ils veulent rester libres et vont jusqu’à dissoudre
graveurs, surtout xylographes. C’est le cas de Fertré,
leur groupe pour arriver à cette fin.
Langeron, Raimbault, mais également d’Honoré Broutel-
64
le, graveur et poète de notoriété nationale, qui sont tous
Une année de silence relatif Même s’ils n’ont plus de projet d’exposition à Saint-Léonard-des-Bois, nos trois Compagnons (quatre avec Échivard), continuent à peindre, graver, créer chacun
P.
illustrateurs des Amis des Lettres du Maine.
La première exposition au Bon Laboureur
35 - Carton de 9,5 sur 13,9 cm, imprimé chez A. Agnès à Fresnay-sur-Sarthe.
48 - Peintre, lithographe et décorateur, Ludovic Alleaume est né à Angers en
36 - Lucette Combes-Mésières et Gil Galbrun-Chouteau, dir., Potiers et faïen-
1859. Sociétaire du Salon des artistes français, il est primé en 1896, 1905 et
ciers de la Sarthe, Le Mans, éditions de la Reinette, 2002, photographies de
1927. Il est vice-président du comité du Salon en 1934 et chevalier de la Légion
Gilles Kervella.
d’honneur. Sa notoriété est donc nationale. (E. Bénézit, Dictionnaire critique et
37 - Société des amis des arts du Maine, exposition de 1911, catalogue (coll. part.). 38 - Précisons que Saint-Calais est la patrie natale d’Henri Gizard. 39 - La perte de son fils explique une grande part de l’œuvre d’Échivard. Il ne cesse de promouvoir l’œuvre de celui qui, mort durant la Grande Guerre, avait des talents certains et était diplômé de l’école nationale des arts déco-
documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Paris, Gründ, 1999) 49 - Jules Ausset, né à Montivilliers, expose au Salon d’Automne entre 1924 et 1941. (E. Bénézit, op. cit.) 50 - Exposa au Salon des indépendants et au Salon des artistes français. Encore un artiste reconnu nationalement. Ibid.
ratifs. Rappelons encore qu’Albert Échivard épouse la fiancée de son fils avec
51 - Il existe plusieurs peintres porteurs de ce patronyme. Nous serions tenté
qui il a deux enfants. La confusion est totale et l’on peut croire que la sainte
de proposer le nom de Léopold Chauveau, graveur né à Lyon en 1870, décédé
Thérèse exposée a des traits voisins de ceux de sa femme. Cette complexité
à Sérigny dans l’Orne en 1940. Il fut chirurgien, écrivain, peintre, dessinateur
et confusion sentimentale n’empêchait par ailleurs pas le maître-verrier de
et sculpteur. (Gaïté Dugnat et Pierre Sanchez, op. cit.)
se tenir comme un libertaire, menant un train de vie au-delà de ses moyens, animant des sociétés d’artistes, hébergeant, nourrissant les uns et les autres jusqu’à sa ruine. 40 - Photographe au Mans, 29, avenue Thiers (actuellement avenue du Général Leclerc), et peintre. Il a participé à nombre d’expositions mancelles. 41 - Nous sommes en 1930, mais on aura remarqué dans les œuvres plusieurs représentations liées à la Grande Guerre qui n’est pas de sitôt digérée. 42 - Julien Chappée (1862-1957), issu d’une famille d’industriels, dilet-
52 - Peintre né à La Ferté-Bernard, René Cherrier est également sculpteur. Il a participé au Salon de la Nationale. (E. Bénézit, op. cit.) 53 - Il expose au Mans entre 1921 et 1939. 54 - Commerçant manceau, Aguilé fréquente les peintres de la ville. Il peint avec une passion authentique, exposant ses œuvres dans son magasin, mais également lors des manifestations artistiques de la ville. Il représente également la Bretagne, les environs de Batz-sur-Mer. Les musées du Mans conservent quelques-unes de ses aquarelles.
tante aisé, collectionneur, mécène, médiéviste passionné, historien, érudit,
55 - Entre 1933 et 1937, René Delaval expose régulièrement au Mans des aqua-
poète, peintre. Il a sauvé Échivard ruiné. Lorsque ce dernier est mis hors de
relles précises et méticuleuses qui fixent des lieux renommés du Vieux Mans.
son atelier de verrier de la rue de La Mariette, Chappée le recueille dans les
(Gil Galbrun-Chouteau, « René Delaval, ou la quête de l’harmonie », dans
murs du Cogner, sa propriété mancelle. Il est évident qu’une relation d’inté-
Maine Découvertes, juin 2001.)
rêt unissait également les deux artistes. Sans Échivard, Chappée n’aurait jamais pu “signer” le vitrail de Jeanne d’Arc qui est actuellement présenté dans une des chapelles de la cathédrale du Mans (Gil Galbrun-Chouteau , « Julien Chappée, fils de Sarthe et de Mayenne », dans Maine Découvertes, mars 2002).
56 - En 1923, ce peintre participe, pour une aquarelle, au Salon des amis des arts au musée de Tessé du Mans. 57 - Cf supra note 40. 58 - Portraitiste, il participe à quelques expositions locales. Il a réalisé les illustrations d’un ouvrage ayant trait à la Bretagne.
43 - Numéro de la première quinzaine d’août 1930, écrit par Charles Magne,
59 - Romain Quinton posséde une importante maison de commerce et col-
le journaliste culturel d’alors, publié par le journal La Sarthe. Une partie a été
lectionne les autographes d’une manière tout à fait remarquable. Il décède le
découpée, puis conservée dans la collection personnelle d’André Fertré, gar-
1er mars 1946 au Mans, rue du Vert Galant. (Nécrologie datant de 1946 dans la
dée par son fils André, vendue après sa mort à un antiquaire manceau, actuel-
Province du Maine, 1947).
lement dans une collection privée. 44 - Variété de peuplier, le léard doit son nom à sa prolixité qui en faisait un matériau ne valant qu’un liard. À Cérans, sur la commune de CéransFoulletourte, près du lieu-dit la Termelière, on peut voir encore la chapelle Notre-Dame-du-Léard. 45 - Jules Alfred Hervé-Mathé (1868-1953) fut longtemps le peintre sarthois
60 - Élève d’Échivard, Marguerite Vincent réalise des vitraux, en dehors de tableaux de fleurs ou des portraits. Elle est primée dans différents cours de l’école des Beaux arts du Mans en 1930. 61 - Silas Broux est né à Roubaix. Il expose au Salon des artistes français entre 1903 et 1936. (E. Bénézit, op. cit. et Jean Arpentinier, Orne terre d’artistes, Alençon, éditions Proverbe, 1999.)
le plus célèbre. Né en Mayenne, il suit des études à Paris. Professeur de dessin
62 - Il existe beaucoup d’artistes porteurs de ce patronyme. Il s’agit de
au lycée du Mans, il devient directeur de l’école des beaux-arts de la ville. Il
Paul Charpentier, artiste ayant séjourné au château des Requêtes, à Valfram-
réalise des dessins d’automobiles, des dessins de guerre, peint la Bretagne,
bert (Orne). (Jean Arpentinier, Sarthe terre d’artistes). Paul Alfred Marius
l’est de la France, les Alpes ainsi que d’innombrables vues de la ville du Mans
Charpentier, né à Paris, fut élève de l’école nationale des arts décoratifs,
ou de la Sarthe. Ses tableaux sont déjà dans plusieurs musées. Il “régne” sur la
sociétaire du Salon des artistes français. (E. Bénézit, op. cit.). Il est également
vie artistique locale jusqu’à l’arrivée des plus jeunes, comme Gizard et Fertré. Il
membre de la Société des amis des arts du Maine. On le voit exposer au Mans
reste le représentant officiel de la peinture classique, néo-impressionniste, et
en 1911 chez Querville.
forme une grande quantité de peintres. 46 - Nous n’en avons pas retrouvé la date. L’article dont nous disposons est découpé et collé sur le livret personnel d’André Fertré. Au crayon rouge, Fertré a juste noté «La Sarthe, octobre 1931».
63 - Article de Louis Guérande dans Ouest-France, 6 juillet 1946. 64 - Les mots sont ceux employés dans l’article. 65 - Femme écrivain prolixe, Jeanne Blin-Lefebvre, née Blin-Verdier (18841980), fonda et dirigea la Société littéraire du Maine. Membre fondateur de
47 - Léon Lebègue (1863-1930) est un illustrateur réputé dans les cénacles
l’Académie du Maine, elle fut l’amie des artistes, leur protecteur et fit beau-
artistiques parisiens, voire européens. (Gil Galbrun-Chouteau, «Léon Lebègue»,
coup pour faire connaître certains de ses proches dont notamment Charles
dans Maine Découvertes, juin 2003).
Morancé, André Fertré, Julien Chappée, Honoré Broutelle.
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
Expositions au château de Fresnay-sur-Sarthe
F
resnay-sur-Sarthe est le chef-lieu du
à Jeanne Blin-Lefèbvre pour qu’elle y appose un de ses
canton des Alpes mancelles. Cité mé-
textes calligraphié (avant 1930)66, Müller, qui illustre plu-
diévale, regroupée autour d’un châ-
sieurs guides touristiques pour la région en choisissant
teau fort impressionnant qui domine
ce lieu remarquable, mais aussi d’Armand Vaumoron67 ou
la Sarthe sur un aplomb vertical, cette
d’autres peintres séduits par la grandeur du site.
commune était autrefois connue pour
Il semble que ce soit le syndicat d’initiative de la ville
son commerce des toiles. En 1935,
(dynamisé par Georges Durand), accompagné par la De-
c’est déjà un site touristique réputé
meure historique, qui, en mémoire des expositions ayant
au seuil des vallons plus abrupts des
eu lieu à l’auberge du Bon Laboureur de Saint-Léonard-
contreforts armoricains. On vient y ad-
des-Bois, ait émis l’idée de renouveler une présentation
mirer son donjon médiéval, sa poterne,
de travaux d’artistes durant la période estivale. En tout
son église, avec sa porte sculptée, son jardin, ses ruelles
cas, les expositions à Fresnay sont à mettre en filiation
étroites.
directe avec celles ayant eut lieu précédemment au Bon
Très tôt, des peintres viennent composer un paysage
Laboureur. La première exposition y a lieu à la fin de
depuis les anciens remparts qui dominent le pont sur la
l’été 1934, la dernière en 1939. La guerre met fin à ces
Sarthe. C’est le cas, entre autres, de Charles Morancé,
présentations.
qui donne un de ses dessins, représentant le Bourg Neuf,
❂ Fresnay-sur-Sarthe, vue générale. Photographie, début du XXe s. (Arch. dép. Sarthe, série Fi).
P. 6
❂ G. Müller, Le Donjon de Fresnay-sur-Sarthe, illustration pour la couverture de la Revue des usagers de la route, [1935] (Arch. dép. Sarthe, 18 J 511).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux. ❂ Les Deux Tours, l’hôtel de ville et le musée de Fresnay-sur-Sarthe, photographie, fin du XIXe s. (Arch. dép. Sarthe, 18 J 511). de La Légende du pont de Saint-Marceau), Marcel Beaudru69 (Le Pont de Saint-Léonard), René Blin70 (Ferme à Bourg-le-Roi), Henri Desforges71 (Moulin aux Alpes mancelles), André Fertré (Saint-Léonard-des-Bois, SaintCéneri), Louis Fournier72 (quatre tableaux de Beaumontsur-Sarthe et Saint-Céneri), Jules-Alfred Hervé-Mathé (quatre tableaux), Louis Houdoin73 (Esquisse au fusain d’une ferme des Coëvrons), Charles Morancé, (Beaumont-le-Vicomte74), Jean Moyon75 (trois vues des environs des Alpes mancelles), Gaston Muller (sept œuvres dont des projets d’affiches pour Fresnay, Le Mans et un projet de tapisserie), Rossignol76 (Vue générale des Laves (?) de Saint-Léonard-des-Bois), Georges Vaillant (six vues des Alpes mancelles), Roger Verdier (six vues
1934
de la Sarthe).
En septembre 1934, quelques artistes présentent leurs œuvres au syndicat d’initiative de Fresnay dans la
Curieusement, André Fertré, quand il rédige son ouvrage-
68
salle des gardes de la poterne : Théodore Boulard
souvenir à propos des expositions de Saint-Léonard et de
(Les Rouisseurs, L’Eglise de Saint-Marceau, le triptyque
Fresnay, “oublie” l’exposition de 1934. Nous n’avons pas
❂ Henri Desforges, Maison au bord de l’eau dans les Alpes mancelles, huile sur carton, non daté. (coll. part.).
P. 8
❂ Henri Le Sur, Pêcheur sur un petit ruisseau aux environs de Saint-Léonard-des-Bois, huile sur panneau, non daté. (coll. part.).
Expositions au château de Fresnay-sur-Sarthe
d’explication historique à donner. Il va pareillement omet-
Ballon, Alençon, Fresnay, Saint-Céneri), René Cherrier79
tre une autre exposition.
(vue de Fresnay à la craie pastel), Auguste-Jean Claire80, peintre parisien fréquentant assidûment Saint-Céneri81,
1935
(quatre toiles de Saint-Céneri), Louis Demailly82, autre
La première et officielle “Exposition permanente de pein-
peintre parisien, (trois peintures), Théodore Van Elsen83,
ture régionale” citée par Fertré a lieu dans l’ancienne
encore un artiste parisien, (une peinture représentant
poterne médiévale du château durant l’été 1935. On ima-
une paysanne de Piacé), André Fertré (une aquarelle du
gine que la précédente avait le même cadre. On accède
chemin du manoir de Linthe ainsi qu’une sépia de l’église
dans l’ancienne salle des gardes par un escalier étroit.
de Saint-Léonard), Augustin Gresser84 (trois peintures re-
Sont présents dans le cadre de cette exposition les pein-
présentant Saint-Léonard, Beaumont et Sainte-Suzanne),
tres Aguilé (six aquarelles de Fresnay, Saint-Léonard et
son frère René (trois peintures représentant Beaumont,
Saint-Céneri), Almire Pierre , d’Alençon (une peinture
Teillé et une dernière, représentant La Maison du peintre,
représentant Beaumont-sur-Sarthe), René Blin (deux
à Saint-Marceau85), Mme Hervé (trois aquarelles de Beau-
vues de Précigné), Théodore Boulard (cinq tableaux,
mont et de Fresnay-sur-Sarthe), son mari Jules-Alfred Her-
Marché à Beaumont, La Partie de carte, Les Rouisseaurs,
vé-Mathé, (sept peintures de Fresnay, Beaumont et Sain-
La Légende du pont de Saint-Marceau, L’Oraison ou L’In-
te-Suzanne), Danielle Hoffe, de Paris (deux pastels), Louis
térieur de l’église de Saint-Marceau), Silas Broux (deux
Houdouin, de Port-Navallo (un croquis au fusain d’une
peintures représentant sa ville), Paul Charpentier (sept
vieille femme des Coëvrons), Lesur86, peintre alençon-
pièces dont des fusains, gravures, peintures représentant
nais et parisien, (deux peintures, un Ruisseau sous bois
77
78
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
❂
ph
en forêt d’Écouves et un Paysage à Saint-Céneri). Lionel
Mélangeant les genres, les générations, les techniques,
Royer87, un des peintres académiques de grand renom,
dans un local exigu, cette exposition donne au visiteur
mort en 1926, est présenté à titre posthume par son por-
un échantillon intéressant des courants en vogue chez
trait du curé Livet, doyen de Notre-Dame du Pré au Mans.
les artistes d’alors et pas seulement sarthois ou ornais.
Participent également Charles Morancé , autre peintre
On aura reconnu des noms relativement célèbres auprès
académique (une aquarelle de Beaumont et une autre de
d’inconnus ou d’amateurs.
Fresnay), Gaston Müller (huit œuvres de Saint-Léonard,
On note qu’André Fertré est le seul “rescapé” des Trois
paysages manceaux, le moulin de Neuville-sur-Sarthe,
Compagnons à présenter son travail à Fresnay en 1935.
88
Beaumont et Coulans), le peintre André Paly, de Choisyle-Roi, qui a laissé un paysage sur un des murs de la célè-
1936
bre auberge de Saint-Céneri (trois peintures représentant
L’année suivante, en mai 1936, une exposition du même
Saint-Céneri), Pierre, d’Alençon (un dessin représentant
ordre a lieu au même endroit. Exposent alors Beaudru90, du
Beaumont), Denise Poirier, du Mans (cinq peintures Pia-
Mans, Albert-Henri Besnard91, d’Alençon (trois gravures),
cé, Linthe à Saint-Léonard, et curieusement La Maison du
Hélène Branche92, d’Alençon, (des peintures et gravures
peintre à Saint-Marceau – du même nom que la peinture
de Saint-Léonard, Alençon et Sougé-le-Gannelon), René
de René Gresser), la Baronne de Sainte-Preuve, d’Alençon
Blin qui revient avec des peintures du sud de la France,
(quatre aquarelles d’Alençon) et Simone Teste , d’Alen-
Paul Charpentier (sept peintures de Fresnay, aquarelle de
çon, (quatre aquarelles d’Alençon et de Saint-Céneri).
Bagnoles-de-l’Orne, aquarelle de Saint-Céneri, eau-forte
La bannière de la corporation des tisserands de la ville de
de la cathédrale de Séez), Claire (huiles de Saint-Céne-
Fresnay est montrée au public pour l’occasion.
ri), Mademoiselle Dreux-Menget93, du Mans (une pein-
On le voit, les artistes sont nombreux et d’horizons variés.
ture de Souligné-sous-Ballon,) Paulette Durand94 (une
89
❂ G. Vaillant, Le Donjon de Fresnay-sur-Sarthe, photographie, vers 1930. (Arch. dép. Sarthe, 18 J 511).
P. 0
Expositions au château de Fresnay-sur-Sarthe
❂ G. Vaillant, Une Rue de Fresnay-sur-Sarthe, photographie, vers 1930. (Arch. dép. Sarthe, 18 J 511).
En 1938, il semble que le groupe soit déjà très diminué. Fertré ne note que la présence de Charpentier, Fertré, Müller, Blin, Aguilé, Lepage99, Claire, Hervé-Mathé. Il laisse également un croquis du plan de la poterne, avec l’emplacement des œuvres de chaque artiste. Dans un dépliant touristique collecté par André Fertré, on cite alors une “exposition permanente des Beaux Arts” à Fresnay dans la salle de la poterne de l’ancien château. Estce à dire que des œuvres de nos peintres sont laissées à la vue du public tout au long de l’année, comme nous l’avions pressenti pour l’année 1937 ? peinture), André Fertré (aquarelle de Saint-Léonard),
Curieusement, l’exposition de 1939 n’est pas abordée
Augustin Gresser (une peinture de Montreuil et une du
dans l’ouvrage-souvenir d’André Fertré. Cependant, il y
Moulin d’Enfer du Mans), son frère René (Le château de
a bien participé. Pour retrouver le nom des peintres col-
Ballon), Hervé-Mathé (trois tableaux de Sainte-Suzanne
laborant à cette présentation, nous avons eu recours à
et Fresnay), Mademoiselle Laisné95, du Mans (paysage),
nos propres travaux et nous ne pouvons prétendre avoir
Arsène Lefeuvre
96
(une peinture de Sillé-le-Guillaume),
atteint l’exhaustivité souhaitable.
Mademoiselle Mourocq, d’Alençon (paysages et natures
En juin 1939, une autre exposition a lieu à Fresnay. On
mortes), Gaston Müller (neuf peintures et aquarelles de
y note la présence de Mademoiselle Marthe Durand, de
la Bretagne, Le Mans, Beaumont, Coulans, Saint-Léonard,
Magny-le-Désert dans l’Orne, (Vue des Ruines du vieux
Neuville-sur-Sarthe), R. Olivier , du Mans, (une pein-
château de Fresnay et Un coin du jardin public), Pierre,
ture de la poterne du Vieux-Mans), Paly revient avec une
d’Alençon (Tête de chien), le libraire manceau Aguilé (onze
peinture des vieilles maisons de Fresnay, Pierre avec des
œuvres, sans doute des aquarelles, comme à son habi-
dessins au crayon, (la chapelle de Saint-Céneri, faisans
tude), René Blin (cinq vues de Précigné, Yvré-l’Évêque,
dorés), la baronne de Sainte-Preuve (trois paysages),
Noyen-sur-Sarthe), Simone Bodet (Saint-Léonard-des-
le docteur Alcime Sinan98 (une aquarelle de Saint-Léo-
Bois sans doute à l’aquarelle), Paul Charpentier (douze
nard et une autre de Fresnay). Pour clore cette exposi-
œuvres dont des aquarelles), A.-J. Claire (deux tableaux),
tion, Georges Vaillant, devenu maintenant pleinement
Henri Desforges (quatre tableaux), André Fertré (Vue
photographe, expose ses clichés de Douillet-le-Joli et de
de Saint-Léonard-des-Bois à l’aquarelle), René Gresser
Fresnay-sur-Sarthe.
(Le Bourg-Neuf à Fresnay), Jules-Alfred Hervé-Mathé
Les auteurs sont en partie renouvelés, mais on constate,
(deux tableaux), Gilberte Hervé100 (Bord de rivière),
dès la lecture de cette liste, la présence d’habitués.
Gaston Muller (douze œuvres de différentes techniques),
97
Pierre Rondeau101 (une sépia de Saint-Céneri).
De 1937 à 1939 Nous manquons d’indications sur l’année 1937. Y eut-il
On le mesure, il s’agit, cette dernière année, d’une
même une exposition ? Le 28 juillet, une visite est organisée
vaste présentation de quelques cinquante-six œuvres !
pour les Amis de l’Ouest. On visite à cette occasion le « mu-
Il est curieux qu’André Fertré ait oublié de citer la der-
sée de peintures » de Fresnay. Nous pouvons tout au plus
nière présentation de groupe des peintres sarthois à
citer R. Olivier, peintre du Mans, qui présente une aquarelle
Fresnay-sur-Sarthe.
à Fresnay cette année-là, mais dans un cadre inconnu.
P.
â?‚A
dess
P. 2
Expositions au château de Fresnay-sur-Sarthe
66 - Les Amis des Lettres du Maine, 1950. 67 - Gil Galbrun-Chouteau, « Armand Vaumoron, un artiste éclectique de l’entre-deux guerres », dans La Vie Mancelle, mai 2001. 68 - Théodore Louis Boulard (1887-1961), enseignant au Lycée Louis le Grand à Paris, à l’académie Julian, est un des peintres sarthois les plus connus. Plu-
85 - C’est bien sûr de celle de Théodore Boulard dont il s’agit. 86 - Peintre talentueux, Henri Victor Lesur est né à Roubaix (Nord) en 1863. Il expose au Salon des artistes français où il est médaillé. Il participe à l’exposition universelle de 1889 et à celle de 1900 (E. Bénézit, op. cit. et résultat de nos propres recherches.)
sieurs expositions ont fait la part belle à l’œuvre de cet artiste. Artiste reconnu
87 - Lionel Ferdinand Noël Royer est né à Château-du-Loir (Sarthe) en
localement et nationalement, il fut sociétaire des Artistes français, médaille
1852. Peintre d’histoire, il est présent au Salon dès 1874. C’est un peintre
d’argent en 1933. (E. Bénézit, op. cit.)
académique dont certaines toiles ont une notoriété internationale (par exemple
Une vaste rétrospective lui fit honneur en 1992, à l’occasion de laquelle le
Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, 1899, conservé au musée du
Conseil général de la Sarthe édita une plaquette due à Marie-Claude Payeur-
Puy-en-Velay). (Jean Arpentinier, Sarthe, terre d’artistes).
Boulard et Jean-Claude Boulard. 69 - Marcel-Georges Beaudru habite alors 33, rue de l’Abattoir au Mans. C’est un peintre qui fréquente la Bretagne et qui expose en Sarthe au moins entre 1932 et 1939. 70 - Peintre décorateur manceau, René Blin fut élève de l’école des beaux-arts
88 - Ami de Lionel Royer, Charles Morancé est un peintre qui a refusé la carrière sûre que lui permettait son talent. Il vit à Paris, au Mans, à Guécélard, près du Grand-Lucé 89 - Un des fondateurs de la Table carrée à Alençon (Jean Arpentinier, Orne terre d’artistes.).
de la ville du Mans. Il habite rue Mangeard, puis rue du Clos Margot, expose au
90 - Marcel Beaudru habite rue de l’Abattoir au Mans. Il expose entre 1932 et
Mans entre 1927 et 1946, pour le moins. Il peint la Bretagne, le Pays basque et
1939 dans notre ville. Ses tableaux représentent surtout la Bretagne, les envi-
la Sarthe.
rons de Saintes, mais également Saint-Léonard-des-Bois, Ardenay-sur-Mérize,
71 - Henri Desforges (1870-1949), peintre né à Écommoy, décédé au Mans, a vécu au Mans, à Flers (Orne), Nantes, Batz-sur-Mer, La Baule, et Marigné-Laillé (Sarthe). Photographe et peintre, il est sociétaire des Artistes français, a exposé à Paris, en Loire-Atlantique, au Mans principalement. (Gil Galbrun-Chouteau, « Le Vermeer manceau ? Henri Desforges les petites touches éclairées », dans Maine Découvertes, décembre 2005). 72 - Louis Fournier habite 15, rue Lafayette au Mans. Il peint la Bretagne et la Sarthe. Il expose au Mans au moins entre 1924 et 1935.
Sougé-le-Ganelon. 91 - Graveur né à Alençon en 1890, Albert Henri Besnard expose au Salon des artistes français de 1912 à 1934. (Gaïté Dugnat et Pierre Sanchez, op. cit.) 92 - Hélène Branche habite alors à Alençon. C’est a priori sa seule participation à une exposition sarthoise. 93 - Habitant rue de la rivière au Mans, Mademoiselle Dreux-Menget est présente lors des expositions mancelles entre 1923 et 1950, pour le moins. Elle peint les environs de Souligné-sous-Ballon, ainsi que des natures-mortes aux
73 - Louis Houdoin habite Port-Navalo (Morbihan). Il a des attaches en Sarthe.
fleurs. Elle a présenté également des miniatures sur ivoire. Armand Vaumoron,
Il expose au Mans entre 1923 et 1945 pour le moins. Si ses paysages sont sur-
devenu un temps critique pour le journal La Sarthe, dit d’elle qu’elle « a beau-
tout bretons, il en est qui représentent les Coëvrons. Il est, par ailleurs, connu
coup de mérite, mais ses productions ne valent pas qu’on s’y arrête ». On imagi-
comme ami du peintre Gizard, sur l’œuvre duquel il rédige une étude peu après
ne mal de telles lignes aujourd’hui. C’est une propriétaire qui vit de ses rentes.
la mort du grand peintre maudit sarthois (résultats de nos recherches). 74 - ancien nom de Beaumont-sur-Sarthe.
94 - C’est sa seule participation à une exposition sarthoise. Est-elle de la famille proche de Georges Durand ?
75 - Jean Moyon habite 20, rue Paul Jacques au Mans. Il peint à l’huile, au
95 - Habitant rue des Chanoines, comme Paulette Durand, Mademoiselle
couteau, entre autres la Bretagne et la Sarthe ou la Suisse. Il expose au Mans
Laisné expose juste à cette occasion. On connaît un R. Laisné, professeur de
entre 1934 et 1937, à Paris en 1937.
dessin au Prytanée militaire de La Flèche, mais ils ne semblent pas être de la
76 - A. et Georges Rossignol habitent au 15, rue Jankowski. La famille est connue au Mans comme revendeurs de meubles. Georges a 12 ans lors de sa première exposition, en 1927. 77 - Ce peintre laisse peu de traces, hormis cette participation éphémère aux Trois Compagnons. 78 - Voir note 52. 79 - René Cherrier habite Le Mans. Il expose entre 1923 et 1946, pour le moins. 80 - Pour Claire, voir les articles qui lui sont consacrés dans Jean Arpentinier, Orne, terre d’artistes et Sarthe, terre d’artistes. 81 - Il devient maire de cette commune. Il y décède.
même famille. 96 - Peintre et architecte manceau, Arsène Lefeuvre est également sociétaire des Artistes français depuis 1906. Il fut maire du Mans et directeur du musée de la ville. (E. Bénézit, op. cit. et Gil Galbrun-Chouteau, « Arsène Lefeuvre peintre symboliste », dans Maine Découverte, juin 2002.) 97 - R. M. Olivier (Roger) habite Le Mans, rue des terrasses, non loin de l’endroit où demeurait Gizard, dans une impasse qui porte le nom d’ “impasse Olivier”. Il expose au Mans entre 1935 et 1945 et peint Le Mans, Crissé, Saint-Céneri, la Bretagne. Il a suivit les cours du soir de l’école des beaux-arts du Mans dispensés par M. Chelet en 1936 (Distribution des Prix de l’école des beaux-arts de la ville du Mans, 1936).
82 - Louis Hector François Demailly, peintre, né à Marœuil (Pas-de-Calais)
98 - Le docteur Alcime Sinan (1875-1947), véritable passionné de patrimoi-
en 1879, décédé en 1942. Il expose au Salon des artistes français où il est primé
ne, a laissé des ouvrages (dont trois principaux, l’un consacré au Vieux Mans
plusieurs fois. (E. Bénézit, op. cit.).
méconnu, l’autre relatif au Vieux Nantes et le dernier à propos de l’histoire
83 - Théodore Van Elsen, peintre, graveur, dessinateur, illustrateur, né à Java en 1896 (Indonésie). Il expose au Salon des humoristes (E. Bénézit, op. cit.). Théodore Van Elsen est également l’illustrateur de Ville France de Roger Martin du Gard (Gaïté Dugnat et Pierre Sanchez, op. cit.). 84 - Avec son frère René, Auguste (dit Augustin) Gresser (1905-1968) est un
de Château-Gontier) où il fait montre d’un dessin appliqué, minutieux. Il est également graveur. 99 - Le peintre Julien Lepage (Le Mans, 1873-1944) rencontre un certain succès au Mans. On achète surtout ses bouquets de fleurs, car il excelle dans l’art de la nature morte.
des antiquaires menuisiers réputés du Mans. Ils ont tous deux peint et réalisé
100 - Gilberte Barbet, seconde épouse de Jules-Alfred Hervé-Mathé, n’a pas
des gravures sur bois. Augustin Gresser a été couronné du Prix Albert Maignan
connu une carrière aussi riche que celle de son mari. Elle est aquarelliste.
à l’école des beaux-arts du Mans en 1925 (Distribution des prix de l’école mu-
Elle est la mère de Julianne Hervé, peintre parisienne.
nicipale d’art appliqué Albert Maignan année 1926-1927, Le Mans, 1927). Il est
101 - Pierre Rondeau expose dès 1934. Il peint inlassablement la Sarthe à
président de l’association amicale des anciens élèves de l’école en 1934. René
l’huile, dessinant au besoin à la craie pastel, au crayon. Ce modeste et bon
Gresser est premier prix en composition décorative en 1927 (même année de
peintre a laissé des vues intéressantes du Vieux Mans et des bourgades des
distribution des prix de l’école des beaux-arts). Il suit des cours à l’école des
environs qui furent dispersées voici quelques mois en salle des vente au Mans.
arts appliqués de Paris en 1930 (Distribution des prix de l’école des beaux-arts du Mans, 1930).
❂ Aguilé, L’Intérieur de la cathédrale du Mans, dessin à la mine de plomb et aquarelle sur papier, 1931. (coll. part).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
❂ André Fertré, Saint-Léonard-des-Bois, terre des peintres, sonnet illustré d’un bois gravé, collé dans l’album-souvenir des expositions des Trois Compagnons réalisé par André Fertré. (coll. part.).
P.
E
n 1946, André Fertré publie un re-
et le Chanteclerc parisien, en plus de la presse locale).
cueil de poésies, illustré de bois
Raimbault, Langeron, Fertré (ajoutons Échivard) n’hési-
gravés, Où souffla l’esprit pour le-
tent pas à rompre le rythme des expositions annuelles
quel il a rédigé un poème intitulé
qui leur aurait assuré, s’il en avaient poursuivit le ryth-
Saint-Léonard-des-Bois, terre des
me, une forme de routine, préférant reprendre le travail
peintres.
seuls face au chevalet, à la planche, la feuille. Anticonformiste dans l’âme, leur association n’a rien d’officiel, loin de là. Ils se veulent “amateurs” au sens noble du terme,
Le groupe des Trois Compagnons, lors de sa naissance,
n’y voyant rien de péjoratif au contraire. Leur idée, tel-
a fédéré des artistes de même sensibilité, amoureux de
lement séduisante et ayant fait ses preuves, est reprise
l’expression plastique en dehors des modes. Saint-Léo-
par Georges Durand au Mans, puis à Fresnay-sur-Sarthe.
nard-des-Bois est devenu pendant trois ans le rendez-
Dans cette dernière commune, un essai de brassage des
vous d’amateurs éclairés ou simples touristes. Le choix
genres réapparaît. De courte durée, cette nouvelle fédé-
de l’auberge du Bon Laboureur facilitait ce brassage des
ration est elle-même dissoute par l’arrivée de la guerre. Si
genre. L’esprit des fondateurs est clair : liberté de style,
l’on confronte les noms et les dates, on peut simplement
de présentation et, cependant, recherche d’une recon-
penser que, dans ces confins, l’idée d’association d’artis-
naissance régionale, voire nationale (presse de Rouen
tes de sensibilités diverses, est reprise à Alençon par les
❂ Eugène Pasquis. Vallée de la Sarthe, 1er quart du XXe s. Négatif sur plaque de verre. (Arch. dép. Orne, 22 Fi 914).
P.
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme par monts et par vaux.
fondateurs de la Table carrée (Besnard, Claire, Teste s’y
véritable moteur, comme catalyseur de cette “fraternité
retrouvent en 1942). En Sarthe, les artistes peinent à se
de Saint-Léonard-des-Bois”. On le retrouve participant à
fédérer. Seul de ces Trois Compagnons, André Fertré est
d’autres sociétés (la société littéraire du Maine principa-
absent des catalogues nationaux. Cependant, il est une
lement, mais également des sociétés ou revues d’histoire
des personnalités les plus marquantes et sa démarche ar-
locale). Il a laissé un document de première importance
tistique est une des plus fécondes, des plus essentielles.
pour comprendre ces Trois Compagnons et les exposi-
Lui que rien de prédisposait aux arts est un des artistes
tions suivantes à Fresnay-sur-Sarthe qui, explicité dans
remarquables de l’entre-deux-guerres, qui a connu une
notre étude, participera, espérons-le, à une meilleure
relative notoriété (c’est un personnage parfois gentiment
appréhension du contexte artistique d’alors, bien sou-
moqué à cause du port de la cape et de la lavallière à la
vent méconnu car difficile d’accès, comme on l’aura com-
manière des Rapins) jusqu’à sa mort en 1971. Non content
pris. Reconnus par des peintres de plus grande notoriété,
de produire des œuvres variées sur le thème de son cher
relayés par des journalistes dépassant nos frontières,
terroir, à moins que ce ne soit de ses artistes préférés
même si Saint-Léonard-des-Bois n’a pas connu la pos-
(dont Renoir pour qui il rédige un ouvrage illustré de bois
térité de Barbizon, de Pont-Aven, voire de Saint-Céneri,
gravés), il est par ailleurs le gardien de la mémoire du
il restera, espérons-le, une trace des efforts de quel-
groupe ou d’artistes qui, sans lui, ne seraient sans dou-
ques rêveurs attachants pour promouvoir un site encore
te pas passés à la postérité (Gizard, Échivard, Langeron
aujourd’hui exceptionnel.
et Raimbault dont il sera l’indéfectible ami). C’est André Fertré qui, au regard de notre étude, nous apparaît comme
P. 6
Les Alpes
mancelles
Art et tourisme
par monts et par vaux
Commissariat : Gil Galbrun-Chouteau, Emmanuelle Foucher-Lefebvre, avec la participation de Chantal Guênerie et René Despert. Montage de l’exposition : Yves Gahéry, Chantal Guênerie, Denis Lefranc, Bertrand Morin, Evelyne Rolland, Franck Rousseau, Marc Sagayaradge.
Prix : 4 e
Impressions : imprimerie Berger, Le Mans. Maquette du catalogue : studio Bigot, Rennes. ISBN en cours
- 2007 - 02 99 35 56 20 - 2007 - 02 99 35 56 20
Exposition présentée aux Archives départementales de la Sarthe, été-automne 2007 Du lundi au vendredi de 8 h 30 à 17 h 30, les premiers samedis de chaque mois de 8 h 30 à 13 h.