Mimi : moeurs guadeloupéennes

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MIMI

avait, sur le d e v a n t , un coquet jardin où se v o y a i e n t les fleurs les plus rares q u ' o n p û t alors se procurer et une grille enguirlandée de plantes g r i m p a n t e s ; un doux et discret asile où chacun, en p a s s a n t , jet a i t un regard d'envie. Mariée, dès l'âge de vingt ans à l'homme de son choix, Mme Minglèche a v a i t vécu heureuse; son mari ne lui refusait rien, lui p a s s a n t t o u s ses caprices, s ' a p p l i q u a n t à lui plaire, l ' a d o r a n t en u n m o t . Seul, un b o n h e u r lui é t a n t refusé : celui d'être mère, de sentir d e u x bras enfantins s'enlacer a u t o u r de son cou, t a n d i s que de petites lèvres, plus douces que le baiser, m u r m u r a i e n t à ses oreilles ce n o m divin de mère. Ah ! elle eût t o u t donné pour avoir un e n f a n t ; elle a v a i t t o u t fait pour cela : prières, neuvaines, v œ u x , messes, prescriptions des docteurs, j u s q u ' à des « séances m a g n é t i q u e s »; mais, hélas ! Dieu était resté sourd à ses prières et n ' a v a i t pas daigné lui accorder ce qui e u t mis le comble à ses désirs ici-bas. Devenue v e u v e , à la tête d ' u n e brillante situation de fortune, possédant les plus belles propriétés de la P o i n t e - à - P i t r e , u n splendide bien de c a m p a g n e au Petit-Bourg, a y a n t des rentes sur l'Etat, des créances hypothécaires chez les n o taires, des actions sur la Ville de Paris et sur bien d ' a u t r e s encore, elle sentit le besoin de vivre seule, retirée du m o n d e , m o r t e à j a m a i s pour lui. Laissant sa maison de la rue d ' A r b a u d , elle v i n t s'enterrer, si je puis ainsi dire, d a n s celle qu'elle possédait rue de Nozières et qu'elle a v a i t fait disposer et m e u b l e r à son goût. Elle n ' a m e n a i t avec elle, dans


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