Mimi : moeurs guadeloupéennes

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MIMI

brillaient ainsi que des charbons allumés. Les maisons, enveloppées des ombres de la nuit, surgssaient ça et là, pareilles à de grands fantômes. Un souffle frais, caressant, presque e m b a u m é , passait sur la ville. Au ciel, p u r de t o u t nuage, brillaient des millions et des millions d'étoiles. La jeune fille se laissait aller au c h a r m e p r e n a n t de cette belle nuit. Il semblait qu'elle ne fut plus de ce m o n d e . Des esprits invisibles voltigeaient a u t o u r d'elle, lui p a r l a n t une langue qu'elle ne p o u v a i t c o m p r e n d r e . Quelque chose de suave, de divin, d'indéfinissable, faisait b a t t r e plus fortement son c œ u r et couler plus r a p i d e m e n t le sang dans ses veines. T o u t à coup, s ' e n t e n d a n t appeler, elle poussa u n léger cri, se r e t o u r n a et tressaillit. C'était sa mère, à qui A r m a n d donnait le bras. — Que fais-tu là, seule? d e m a n d a Mme Savigny. J e te cherche depuis une heure. Elle ne sut que répondre. U n frisson subit passait en elle, et t o u t son petit corps t r e m b l a i t . Qu'aurait-elle pu répondre, d'ailleurs? La présence d ' A r m a n d a v a i t produit en elle une sensation étrange, et glacé en quelque sorte, la parole sur ses lèvres. — Tu ne réponds pas? reprit Madame Savigny. Figurez-vous, monsieur, dit-elle à A r m a n d , qu'elle s'est fourré dans la t ê t e un t a s de choses plus ou moins drôles qu'elle appelle des vers et qu'elle v a r é c i t a n t à t o u t e heure, à t o u t m o m e n t de la journée. Elle m ' a m ê m e dit les n o m s de ceux qui ont fait ces v e r s ; mais je ne les ai point retenus. J'ai à m'occuper d ' a u t r e chose!...


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