Mimi : moeurs guadeloupéennes

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MIMI

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de Ti Asson, son troisième rejeton, le père Grégoire se dit qu'il ne pouvait pas vivre plus l o n g t e m p s d a n s une situation irrégulière et résolut de faire bénir « son rété ». Il v i n t t r o u v e r M. Minglèche, lui fit p a r t de son projet qui, nécessairement r e ç u t l'approbation du p a t r o n et, quelques mois après, Ti Sophie s'appelait « man Grégoire — gros kon case ». C'est dans ces conditions légales que v i n t au m o n d e Marianne, une petite fille qui fut la gâtée de ses p a r e n t s , que Mme Grégoire désignait, dans son orgueil de mère « restant à boyaux en moin ». M. Minglèche fut le p a r r a i n . On l'éleva, cette petite, comme on n'élève plus les enfants m a i n t e n a n t : dans la crainte de Dieu, le respect de ses p a r e n t s , de tous ceux qui l'entouraient, l'amour du travail et l'horreur de la v a n i t é . Marianne était gentille, avec sa peau délicate qui était bien celle du nègre fin, ses grands yeux noirs qui v o u s regardaient avec une expression pleine de douceur et de naïveté, son nez légèrement épaté, ses lèvres un peu fortes, mais qui au moindre sourire découvraient des dents d'une éclatante blancheur. Ses cheveux étaient c r é p u s ; aussi, q u a n d man Grégoire peignait l'enfant, avait-elle toujours grand soin d'assouplir ces cheveux, de les rendre moins rebelles, en les i m p r é g n a n t d'eau mélangée à des feuilles pilées de gombos, de raquettes ou de balai onze heures, a v a n t de les lustrer avec la pommade composée d'huile de c a r a p a t e , de cire j a u n e et de suif. La petite était c o q u e t t e , — qui ne l'est à cet âge? — et c'était pour elle un réel plaisir que d'entendre


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