Mimi : moeurs guadeloupéennes

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MIMI

Des ouvriers, arrimeurs, déchargeurs, b o m b o a t i e r s , porteurs d'une m a r m i t e c o n t e n a n t leur « manger » ou leurs outils sur l'épaule, se dirigeaient vers le port. Les porteuses de pain défilaient de porte en porte, d'une m a r c h e pressée et h â t i v e ; leurs grands paniers sur la tête, elles allaient distribuer leur marchandise, celles-ci a u x q u a t r e coins de la ville, d ' a u t r e s à la c a m p a g n e . Les « cabrouetiers », v e nus du Morne-à-l'Eau, des Abymes ou du Gosier, déchargeaient leur provision de bois, amenée p a r des boeufs solides, d e v a n t la porte des boulangers. Les femmes de la c a m p a g n e , m a r c h a n t en file indienne, p o r t a i e n t leurs « t r a y s » remplis d'ignames, de malangas, de p a t a t e s et de « pois Angole » ou « pois de bois »; les maraîchères ployaient sous le faix des légumes, cultivés non loin du chemin de la Gabare et p a r m i lesquels se t r o u v a i e n t , ne v o u s en déplaise ! des a r t i c h a u t s , des salsifis, des asperges, et s'arrêtaient d e v a n t la maison de leurs clients; les laitières, la robe retroussée j u s q u ' a u x mollets, une bouteille de lait à la m a i n , causaient et riaient e n t r e elles ; les v e n d e u r s de « cocos à l'eau », de corrossols « doudouce », de « mabi », faisaient entendre leurs cris r é p é t é s ; enfin, les garçons bouchers traînaient à bras, à la halle, dans de petites c h a r r e t t e s , la v i a n d e de boucherie qui d e v a i t servir à l'alim e n t a t i o n des « pointus ». Julien regardait et s'amusait de ce spectacle m a tinal. T o u t e cette vie, t o u t ce m o u v e m e n t , t o u t e cette animation, convergeant vers la ville qui s'éveillait, lui rappelaient son enfance où, orphelin dès le berceau, il avait été élevé chez ses p a r e n t s ,


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