32
L'UNIVERS.
que b i e n t ô t , peut-être, elle ne tardera pas à abandonner de nouveau. Les Indiens qui avoisinent Cayenne y viennent souvent dans des pirogues, pour y échanger des oiseaux r a r e s , des p e r r o q u e t s , des fourrures et quelques produits de leur grossière industrie ,contre du tafia, des haches, des cou teaux et de la verroterie. Le commerce é t a n t le premier élément de la civilisa t i o n , il semble que ces commerçants du nouveau monde devraient se ployer bientôt aux usages de l'ancien; mais la vie indépendante est un bien telle m e n t précieux que l'on voit claire m e n t , par leur e x e m p l e , combien il est pénible d'y renoncer. A peine leurs opérations sont t e r m i n é e s , qu'ils s'em pressent de regagner leurs forêts et d'y reprendre leurs sauvages h a b i t u d e s , en manifestant le plus profond dédain p o u r les usages de notre vieille civili sation. Les colons forment ici une classe curieuse à observer. L'ardeur du cli m a t et le zèle des esclaves nègres a u g m e n t e n t singulièrement leur indo lence naturelle. Les plus petits détails du ménage seraient pour eux des fa tigues intolérables; un oiseau, une f l e u r , un s i n g e , peuvent remplir toute la journée des dames du pays. Voyez ce planteur se promener sur sa pro priété , vêtu d'étoffes légères, et la tête ombragée du large chapeau-parasol ! ( p l . 8 , n° 5 ) . Dix esclaves veillent sur ses moindres m o u v e m e n t s . Il vit au milieu d'eux comme un despote de l'Orient au milieu de son h a r e m ; il est aisé de reconnaître, parmi les plus jeu nes femmes de couleur, celles qu'il a daigné distinguer. A peine sorties de la première enfance, elles tombent au pouvoir du m a î t r e , qui leur prodigueles colliers de pierres fines, les anneaux et les bracelets d ' o r , les robes diaphanes,
les étoffes à couleur éclatante, et tout l'attirail de la coquetterie américaine. Les blancs de Cayenne ont montré une grande humanité à l'époque si nistre de la déportation ; mais il n'est que trop vrai , c e p e n d a n t , que selon le préjugé enraciné parmi les colons des G u y a n e s , la race esclave veut être traitée avec une grande sévérité. L e fouet qui sillonne les chairs et couvre de zones sanglantes le sein des jeunes filles comme le dos des vieil lards ; le croc qui sert à les suspendre à une potence par la peau des hanches et par les c o t e s , la c a n g u e , les colliers de f e r , et vingt autres supplices in fligés aux esclaves coupables, sont les affreux moyens que les colons jugent indispensables à la conservation de leur a u t o r i t é . ( Voy. pl. 8, n° 2 et 9. ) On a également exagéré les avan tages et les inconvénients de la colo nisation guyannaise. Il r é s u l t e , tou tefois , de ces débats , auxquels des hommes de talent, MM. N o y e r , Catin e a u - L a r o c h e , Lescalier et a u t r e s , ont pris une p a r t digne d'éloges, que le climat de la Guyane-Française n'est point aussi nuisible -aux E u r o péens qu'on l'avait supposé; ils peu v e n t m ê m e , sans i n c o n v é n i e n t , s'y livrer, comme les hommes de couleur, aux travaux de l'agriculture. La dé bauche, l'intempérance, les privations de toute n a t u r e , les préjuges des an ciens colons, les tâtonnements de l'ad ministration , et les vues personnelles de quelques agents de l ' a u t o r i t é , ont é t é , j u s q u ' i c i , les véritables fléaux qui ont décimé la colonie. Des hommes probes et intelligents y ont pourtant laissé les plus honorables souvenirs : tels s o n t , entre a u t r e s , les La B a r r e , les Malouet, les Cara Saint-Cyr, les Milius, les Missiessy et les Freycinet.
FIN.