L'Univers. Histoire et description de tous les peuples

Page 253

COLOMBIE. colibris et d'oiseaux m o u c h e s , émeraudes, t o p a z e s , saphirs et rubis vi­ vants. L'or et l'azur , la pourpre et l'ébène voltigent et se reflètent sur le vert feuillage de la forêt. Enfin, les côtes poissonneuses de la Guayra sont peuplées de pélicans, ce cygne difforme, dont le bec prodidieux fournit la blague, sorte de po­ che fort recherchée par les fumeurs. Lorsque les habitants de l'ancien inonde eurent appris la route qui conduit au nouveau, ils r e n c o n t r è r e n t , dans les contrées que nous compre­ nons aujourd'hui sous le nom de Co­ lombie , deux sociétés d'hommes par­ faitement distinctes. La première était composée d'individus sauvages, féro­ ces , anthropophages, habitant les vastes plaines de Caracas, de C u m a n a , de l'Apure et de l'Orénoque. Ces po­ pulations malheureuses vivaient de fruits nés sans c u l t u r e , de pêche et de chasse. Dans la saison des inon­ dations, on les apercevait groupées dans le branchage des a r b r e s , où elles établissaient momentanément leur de­ meure , à l'imitation des singes. La difficulté de correspondre les divisait en une innombrable quantité de pe­ tites n a t i o n s , différant entre elles par les m œ u r s et le langage. Le plus célèbre d'entre ces peuples est celui des Caribes ou Caraïbes, dont on trouve les traces dans la Guyane et les Antilles. Les hommes qui formaient ce que nous pourrions appeler le second g r o u p e , vivaient dans un état social avancé comparable à celui des an­ ciens Egyptiens. Ils habitaient les parties montagneuses. C'est l'une des trois grandes nations civilisées que les Européens t r o u v è r e n t , à leur grande surprise, répandues s u r le sol améri­ cain, c'est celle des Muyscas ou Mozcas, dont l'histoire rentre dans le domaine de cette notice. Les Muyscas résidaient dans la province de Cundinamarca. Le pla­ teau de Bogota était le centre de leur puissance. L e u r s traditions fabuleuses suffiraient seules pour indiquer une société dont la formation remonte à

9

la plus haute antiquité. L e u r s ancê­ t r e s existaient déjà, d i s e n t - i l s , et la lune ne servait pas encore de compa­ gne à la t e r r e . A cette é p o q u e , les habitants du plateau de Bogota vi­ vaient comme des barbares. Ils étaient n u s , ne connaissaient point l'art de l'agriculture , ne se nourrissaient que des aliments les plus grossiers, et se t r o u v a i e n t , en un m o t , plongés dans l'état le plus abject et le plus déplo­ rable. Tout d'un c o u p , un vieillard apparaît au milieu d'eux ; il venait des plaines situées à l'est de la Cor­ dillère de Chingosa. Il portait une longue barbe et des v ê t e m e n t s , ce qui fit supposer qu'il appartenait à une race différente. Cet h o m m e avait trois n o m s , mais celui de Bochica préva­ lut parmi les Muyscas. Il leur apprit à cultiver la t e r r e , à l a b o u r e r , a se­ m e r et à t i r e r de la récolte t o u t le p a r t i que peut y trouver l'industrie d'un peuple agricole. Cela fait, il leur enseigna encore l'art de se vêtir sui­ v a n t la différente t e m p é r a t u r e des s a i s o n s , à se bâtir des demeures so­ l i d e s , à se réunir p o u r vivre en so­ c i é t é , à se secourir et s'aider m u t u e l ­ lement. T a n t de bienfaits lui avaient a t t i r é la vénération publique, et rien n e se serait opposé à ce qu'il jouît d ' u n bonheur sans m é l a n g e , si ce n ' e û t été la malice de son épouse Huythaca. Cette méchante femme se livra à d'abominables sortilèges pour faire sortir de son lit la rivière F u n z h a . Alors toute la plaine de Bogota fut bouleversée par les e a u x ; la plupart des hommes et des animaux périrent d a n s ce d é l u g e , et le reste se réfugia s u r le sommet des plus hautes mon­ t a g n e s . Bochica, i n d i g n é , chassa loin de la terre cette indigne c o m p a g n e , ce qui veut dire qu'il la fit m o u r i r . L a tradition ajoute qu'elle devint la l u n e , t o u r n a n t sans cesse a u t o u r de la terre p o u r expier sa faute. Bochica brisa les rochers qui fermaient la val­ lée du côté de Canoas et de Tequendama , pour faciliter l'écoulement des eaux ; il rassembla les hommes dis­ p e r s é s , leur enseigna le culte du so­ leil , et m o u r u t plein de j o u r s et de


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.