Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

Ce fut là. m'a dit M. B— une de ses plus heureuses expériences. Il conserva jusqu'à sa mort des relations intimes avec ses deux protégés, qui fondèrent une petite maison de commerce qui prospéra et prit plus tard de l'extension. Les vieux porte—clefs des prisons de Paris ont conservé le souvenir d'un ancien guichetier nommé

Marillac, qui, avant d'être

employé dans les geôles, avait vécu dans les Pyrenées, où il exerçait la profession d'éleveur d'ours. Cet homme était d'une force athlétique; on prétendait qu'il avait dans le regard une puissance magnétique qui domptait les bêtes carnassières et apprivoisait les animaux les plus sauvages. Marillac avait amené plusieur ours a la ménagerie impériale, et pour récompense avait obtenu une place de gardien a Bicêtre. Cet h o m m e , habitué aux relations avec les hôtes des montagnes, sembla s'attacher de préférence aux détenus les plus terribles. Il se sentit [tris d'une vive sympathie p o u r J a q . . . . le plus insoumis des prisonniers, chez lequel la conformation c r â nienne indiquait les instincts de la fauve; à sa vue, Marillac se sentit ému; car il retrouvait une ressemblance frappante entre cet homme et ses animaux de prédilection. Un vol d'argent fut commis à Bicêtre au préjudice d'un nouveau venu; les soupçons tombèrent sur 1'Ours de Marillac : c était ainsi qu'on nommait le favori du guichetier. Marillac était absent, il avait profité de son tour de sortie. Le lendemain on lui lit part de l'aventure. Il ne dit mot, et se contenta de passer dans la cour OÙ le prisonnier faisait sa promenade Marillac se mit à marcher dans la direction opposée à celle que suivait J a q . . . ; il n'adressa pas la parole au détenu , mais son œil darda sur le sien, il le poursuivit de sa fixité. Le prisonnier, que ce regard foudroyait, fit volte-face et marcha alors de front avec le guichetier. Marillac imita le mouvement, et, par un demi-tour, replaça comme auparavant les yeux de J a q . . . sous le feu de ses regards. J a q . . . fut vaincu, et quelques moments après, le prisonnier volé raconta que l'argent qui lui avait été soustrait venait de rentrer habilement dans la poche de sa veste. J'ai eu occasion de voir Marillac. devenu un des vétérans des porte-clefs. Je lui parlai de cette anecdote, qu'un des administra-


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