Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES

BAGNES.

sitôt après cette suppression, une révolte éclate au milieu de la nuit, dans une des salles; mais la localité de Brest est à l'abri de l'émeute, elle a ses barreaux de fer qui peuvent servir de m e u r trières à la surveillance et sur lesquels peut se braquer le mousqueton. c'est une position militaire; peut-être serait-il possible par un mécanisme simple de diviser, en cas de sédition, les conjurés, dont la plupart sont sans armes, afin d'éviter d'avoir recours à la mousqueterie, qui frappe indistinctement l'innocent comme le coupable; mais ce moyen n'est encore qu'à l'état de projet, il y restera p r o bablement longtemps encore, et on se contente de ce qui est, c'està-dire d'une bonne position stratégique qui permet de tirer p r e s que à bout portant sur les condamnés. Mais au j o u r dont j e parle, un détachement d'artillerie se hasarda à faire face au danger, il pénétra dans les salles et s'aventura au milieu de cette population indomptée, et protégea quelques arrestations; envisageant plus tard le fait sous le rapport m i l i t a i r e , le chef comprit que si la r é volte avait été plus sérieuse, que si les condamnés avaient usé de tous les moyens et utilisé leur nombre et leur chaîne, son détachement eût été étouffé avant qu'il eût pu faire usage de ses armes. A Toulon, une dépêche ministérielle ordonne une translation à Brest de deux cent dix condamnés. Ces h o m m e s , que chaque expérience pénale jette du midi au nord, d'un climat brûlant à un pays brumeux, qui souvent sont exportés d'un bout de la France à l ' a u tre sans qu'il y ait utilité réelle, regardent presque toujours le transfèrement comme une addition de supplice; et l'ordre qui arriva a l'époque où j e place les faits que j e vais dire, causa un soulèvement général. C'était le soir, en rentrant des travaux, que l'ordre du départ pour le lendemain avait été communiqué. Un murmure sourd, auquel succéda un silence menaçant, accueillit cette communication. A peine le coup de sifflet, signal du repos, s'est-il fait entendre, que les condamnés s'étendent sur leur tollard. Des mots d'ordre s'échangent et circulent d'un bout à l'autre de la salle. Un forçat, plus impatient que les autres, se dresse sur son banc et invite ses camarades à la résistance. Les gardes-chiourmes accourent et escaladent le banc de l'orateur; une lutte s'engage, le forçat est emporte.


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