Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

Page 153

1-21

EVASIONS.

ses épaules et se soulage sans s'arrêter; au point du j o u r , il reprend sa route comme il a fait la veille; si le sommeil le gagne, il se couche en évidence sous un arbre et retourne sa brouette dont il se fait un abri contre les ardeurs du soleil. Après quinze jours de marche cet homme arriva à sa destination, et plus tard il gagna, mais alors sans sa brouette, les pays étrangers, où il trouva un asile. Un des plus audacieux et des plus habiles marrons (fugitifs) qui ait déserté tous les bagnes dont il fut tour à tour el a plusieurs reprises le pensionnaire, est André Fanfan, Le regard s'éçartait-il un moment de lui, bientôt trois coups de canon avertissaient les brigades voisines de gendarmerie de courir après le plus rusé des condamnés. Un garde-chiourme brusquait-il Fan fan, demain, disait-il, on ne me vexera plus ; et douze heures écoulées, Fanfan était dans les champs caché sous une meule de foin ou blotti dans le creux d'un rocher. Fanfan avait-il un rendez-vous d'amour ou un projet d'orgie, le billet de faire pari de sou évasion parlait en même temps que lui, et ils arrivaient ensemble a destination. Quand il disait a un camarade : le pied me démange, celait le signe infaillible d une fugue prochaine. Soumis à une surveillance des plus sévères, sans cesse sous les yeux d'un garde-chiourme qui n'avait d'autre occupation que d'observer ses mouvements, Fanfan André trouvait moyen de vaincre tous ces obstacles. Ramené au bagne de R o c h e fort après une évasion, André conçut encore le dessein de vivre un moment en liberté. Se glisser par ruse au nombre de ceux des camarades qui travaillent dans le port était impossible, l'œil du garde-chiourme faisait une trop sévère inspection des figures au moment de franchir la grille de la salle. « S'il existait, se disait André dans ses rêveries, un souterrain qui traversant toute la largeur de la cour du bagne, eut une issue dans le port, il ne serait point impossible, avec un peu de patience, en me glissant la nuit sous mon banc, de faire dans la muraille une saignée qui me c o n duirait à la l i b e r l é . . . » I ne difficulté grande surgissait, elle eût arrêté tout autre que Fanfan;

ce souterrain n'existait p a s . Fanfan

résolut de le creuser. Qu'on juge de la difficulté d'une telle entreprise et de la patience soutenue qu'elle exigea. André n'est arrêté 16


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.