Sang d'encre - 2009

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désagréable, mais c’était particulier, très…humide! Je ne sais pas si j’étais dans une grotte ou une caverne, mais je peux vous dire que c’était bien mouillé. Bien que submergé par ce bassin indéfinissable, j’entendais certains sons avec une clarté qui était, malgré tout, assez considérable. Parfois, lorsque les bruits avaient des résonances trop aiguës ou désagréables à l’ouïe, je remuais mes membres de toutes mes forces afin que mes ravisseurs fassent cesser ce supplice auditif. Entre vous et moi, mes coups de pieds n’avaient à peu près jamais d’impact sur la durée des bruits, mais cela me faisait du bien de me défouler. Je donnais des coups à tout moment de la journée selon mon humeur, grognonne la plupart du temps. C’est déjà désagréable d’être captif. Ça l’est encore plus lorsque c’est dans un endroit outrageusement restreint et encore d’avantage lorsque cet endroit restreint doit être partagé. Hé oui, nous étions deux dans cette espèce de trou humide. Je ne vous ai pas parlé de l’autre plus tôt parce que je ne suis jamais parvenu à entrer en contact avec lui. Pourtant, je savais qu’il était là, juste à côté de moi. Jamais nous n’avons échangé la moindre parole et, étant donné les ténèbres qui nous entouraient, je ne savais pas à quoi l’autre ressemblait, mais, il était là et j’en étais sûr. Il m’emmerdait un peu. Il était las. Si je voulais qu’il réagisse, il fallait vraiment que je me mette à gigoter comme un diable dans l’eau bénite et, là, peut-être daignait-il remuer l’une de ses extrémités. Impossible d’imaginer un plan d’évasion avec un tel mollusque. Il m’est impossible de vous dire combien de temps je suis resté captif, mais je peux vous dire que je le suis resté longtemps. Si longtemps, qu’à partir d’un certain moment, j’ai commencé à perdre espoir d’un jour m’en sortir. Pourtant, les choses ont fini par prendre un autre tournant. Ce jour là, j’avais finalement réussi à calmer mon énervement et à somnoler un peu, mais cela n’avait pas duré très longtemps. Mon bassin tranquille s’est brusquement mis à s’agiter avec grande vigueur et, d’un coup, tout le fluide a quitté la grotte, la caverne, peu importe comment je devrais la désigner. Je n’étais plus submergé. Quelle étrange sensation c’était! La vision d’une infime luminosité perçant la noirceur est, par la suite, venue s’ajouter à mon ébahissement. De la lumière! Mon ravisseur allait-il enfin me libérer? C’était trop beau pour être vrai! Par contre, à mon grand désagrément, l’autre captif, pour la première fois a commencé à s’activer. Il glissait vers la source lumineuse qui prenait de l’expansion à vue d’œil. Ça, il n’en était pas question! Il n’allait certainement pas mettre les pieds hors d’ici avant moi alors qu’il était demeuré amorphe durant presque toute notre captivité. Je me suis alors mis à me débattre dans tous les sens. Sortir le deuxième (ou ne pas sortir du tout…), il n’en était pas question. Malheureusement, à force de m’agiter, je me suis sérieusement enroulé dans la corde qui me gardait captif. J’avais gauchement ouvert la voie à l’autre. Quel merdier! La corde commençait être vraiment très serrée autour de mon cou. J’avais peine à respirer et je commençais à paniquer. Graduellement, l’air ne parvenait plus à mes poumons : je commençais à perdre conscience. 67


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