Sang d'encre - 2009

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MICHAEL : Ha! Parce que tu crois que pour moi c’est si facile! Tu me fais venir ici, moi je crois que tu es un client, et tu m’annonces comme ça, de n’importe où, que tu es mon père! Mon père qui m’a abandonné, mon père qui m’a laissé avec une folle et un trou de cul, et là, tu voudrais que comme ça, sans dire un mot, je vienne vivre chez toi! Il y a un silence. Les deux personnages se regardent. Jacques pose un regard suppliant sur Michael, qui ne semble pas s’en soucier. MICHAEL : Écoute, tu m’en demandes trop. Je veux dire, on ne se connaît même pas. Ces mots frappent Jacques de plein fouet. Jacques se lève à son tour, et fait face à Michael. JACQUES : Mais tu… mais tu es mon fils. Et je t’aime. Ce n’est pas assez? MICHAEL : Si tu m’aimais, alors pourquoi tu m’as abandonné, hein? Pourquoi est-ce que tu m’as laissé avec elle? Tu sais quelle bonne mère elle était? Le sais-tu? Pendant que moi, j’allais à l’école, elle, elle se bourrait la gueule d’alcool avec la pension que tu lui laissais. Et lui, le salaud, allait la tromper à gauche à droite, et lorsqu’elle se plaignait trop, il lui sacrait un coup de poing sur la gueule, en m’en laissant deux trois au passage. Quand j’ai quitté l’école, elle n’a même pas daigné me dire autre chose que : «C’est 200$ par mois de loyer pour rester ici». C’est parce que tu m’aimes que tu m’as laissé avec ces gens-là! Il y a un court silence. JACQUES (ne sachant quoi répondre) : Je… je… je n’étais pas au courant. MICHAEL (avec ironie) : Oh! Voilà qui change tout! JACQUES : Écoute. Le jour où ta mère m’a quitté pour cet homme, elle m’a annoncé qu’elle déménageait en Allemagne pour retrouver sa famille, mais surtout parce qu’elle voulait me tenir loin de toi. Elle m’a dit qu’elle me quittait parce que j’étais un mauvais mari, et que je serais un mauvais père, qu’il valait mieux que je sois loin de toi. J’ai cru qu’elle avait raison, que je serais un mauvais père, et que tu serais mieux avec elle qu’avec moi; j’ai donc décidé de renoncer à t’empêcher de partir. Cependant, je voulais que tu ne manques de rien, et c’est pour cette raison que j’ai laissé une pension à ta mère. MICHAEL (avec ironie) : On voit que ça a bien réussi. Jacques s’éloigne alors de Michael et se dirige vers le réfrigérateur. JACQUES : Alors! Qu’est-ce que tu vas faire? Silence MICHAEL : Je ne sais pas. Je ne resterai pas longtemps ici. En fait, je vais partir dès ce soir, faire le tour du pays. J’irai sûrement aux États-Unis. Et après, je ne sais pas. On verra où la route me mènera.

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