Sang d'encre - 2009

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Le pas des saisons Au début, tout paraissait éternel J’étais petite; je bourgeonnais Le monde était grand; les lendemains nombreux Les soirs, j’attendais sa visite, insouciante. Puis, à mesure qu’Il faisait se succéder les jours, ce qui, jadis, m’avait paru des heures, devenait des minutes, des secondes, des souffles… ou était-ce ses visites qui étaient de plus en plus brèves ? Pourquoi soufflait-Il, emportant avec lui les vieillards qui en avaient trop vu ? Et pourquoi me dessinait-Il les traces de sa venue sur le visage ? Lui, qui ébranlait ma mémoire et me volait mes souvenirs, comme pour se les approprier Pourquoi décida-t-Il un jour de ne plus m’arroser, obligeant la fleur qui avait longtemps flamboyé à se courber, pour tranquillement faner... J’aurais voulu le ligoter pour qu’Il ne puisse plus empêcher mes genoux de fléchir, ma tige de plier Mon indifférence antérieure envers lui s’était rapidement transformée en une haine inhumaine, reflétant mon impuissance Tandis que le pas pressé des saisons me rappelait l’infériorité qu’Il choisissait de m’infliger… Quand mon heure sonna, Il cogna à ma porte Au tac, du tic-tac de l’horloge, je ne vis plus demain J’avais fait mon temps, Monsieur avait-Il décidé.

Edith Jorisch

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