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53 Le Hot-Club de Rennes

FOCUS

LE HOT-CLUB DE RENNES

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SI RENNES EST AUJOURD’HUI QUALIFIÉE DE « VILLE ROCK », ELLE FUT UN DES BASTIONS FRANÇAIS DU JAZZ. DE 1941 À 1952, UN GROUPE DE JEUNES MUSICIENS, RÉUNIS AU SEIN DU HOT-CLUB, FAISAIT ALORS PARTIE DES MEILLEURS ORCHESTRES DU PAYS. UNE RÉÉDITION DE SES ENREGISTREMENTS SORT CET AUTOMNE.

UNE HISTOIRE MÉCONNUE

C’est un épisode oublié qu’ont exhumé Lionel Besnard et Guillaume Michelet. Une plongée dans le patrimoine musical rennais que ces deux garçons ont entrepris il y a maintenant quatre ans. « C’est en consultant des ouvrages pour préparer une visite que je suis tombé sur cette histoire, rembobine Lionel, guide touristique. Il y faisait mention d’un club de jazz très actif durant la guerre. Avec Guillaume (ancien disquaire, ndlr), nous n’en avions jamais entendu parler. Alors, on a eu envie de creuser. » Cette histoire, c’est celle du HotClub. Une formation de jazz qui, il y a 80 ans, a rythmé les nuits rennais. « Nous avons réussi à retrouver un de ses anciens membres, Jean Quéinnec (aujourd’hui décédé, ndlr) qui y a joué de la guitare entre 1942 et 1946. Il avait 94 ans quand on l’a rencontré, mais il avait encore toute sa tête. Et par chance, il avait aussi conservé de nombreuses archives, des affiches… »

DU BEAU MONDE

Né en 1941, dans le sillon du “HotClub de France” basé à Paris, le Hot-Club rennais réunira entre une cinquantaine et une centaine de membres durant ses onze années d’activités. « Ils avaient tous la vingtaine. C’était principalement des étudiants, ce qui faisait que l’orchestre se renouvelait régulièrement. » Parmi ses principaux membres : Alain Gastinel (« la vedette de l’époque »), Marcel Lambot (« un célèbre résistant belge ») ou encore Hervé Le Lann (« le père d’Éric Le Lann, trompettiste français reconnu »). Tout ce beau monde s’établira au 17 rue Saint-Georges. Une petite maison étroite à pans-de-bois où l’on pouvait écouter des concerts, assister à des conférences, emprunter des disques, danser et boire un verre (« ça restait des étudiants ! »). Un lieu ouvert tous les soirs, tous les jours de l’année.

MEILLEUR ORCHESTRE DE FRANCE

Si au début des années 1940 le jazz est un genre plutôt méconnu dans la capitale bretonne (« les jeunes de l’époque écoutaient plutôt du musette ou de la java »), il gagne en popularité à la fin de la guerre. Des vents porteurs pour le Hot-Club de Rennes qui va alors remporter le titre du meilleur orchestre amateur de France, trois années de suite. Une consécration qui lui donne l’opportunité d’enregistrer des disques (« en dehors de celui de Paris, c’est le seul Hot-Club qui en aura l’occasion »). Sept 78 tours contenant chacun deux morceaux verront le jour. « Il s’agit de reprises de standards : St. James Infirmary, 720 in the Books, On The Sunny Side of the Street… À l’exception d’une composition, Breizonec Blues. Un swing explosif, certainement le premier morceau de jazz écrit en Bretagne. » Quatorze titres restaurés que Lionel et Guillaume ressortent en 33 tours.

DETRÔNÉ PAR LE ROCK’N’ROLL

Un âge d’or qui, au début des années 1950, va se refermer. « Cela coïncide avec l’arrivée du rock’n’roll. Les activités du Hot-Club vont alors diminuer, jusqu’à sa fin en 1952. » Aucun héritier ne prendra le relais du jazz à Rennes et la plupart des anciens membres quitteront la ville. « Certains auront cependant de jolies carrières. Une grande partie d’entre eux travailleront dans la musique. Parmi ceux-ci : Jacques Souplet, le premier président du Hot-Club de Rennes, sera nommé PDG du label CBS Disques. Ou encore Bib Monville, un musicien antillais installé à Rennes, qui deviendra l’un des plus grands saxophonistes français. »

Julien Marchand

« Le Hot-Club de Rennes, 1941-1952 », sortie programmée à l’automne, infos sur le Facebook de 3615 Records